La Banquise N°3 - Été 1984

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Revue fondée en 1983 par Gilles Dauvé, Serge Quadruppani et Jean-Pierre Carasso. Le Brise-Glace lui succède en 1988.

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    un an h ~ z les pingouins

    (qu avons-nous fait de notre temps

    ?)

    les rvolutionnaires ont ils

    une contre rvolution de retard

    (notes

    sur

    une classe impossible)

    . le bombardement de Dresde

    comme rapport social

    (les

    restructurations

    et la

    guerre)

    20 F

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    u sommaire du numro 1

    avant la dbcle

    guerre et peur

    l horreur est humaine

    pour un monde sans morale

    Pologne : voir ailleurs

    au sommaire

    du numro

    2

    le roman de nos origines

    a-t-il une question juive ?

    camarade Bulldozer,

    f ut

    pas pousser 1

    ami(e)s pdophiles, bonjour 1

    pravda/public opinion

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    t

    L

    BNQUISE

    Revue

    de crit

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    ciale

    un

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    (qu avon

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    ?)

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    rvo

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    con tre-r vo lu tion de reta rd

    (no tes

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    s re

    structura

    tions

    et

    la g

    uerre)

    cour

    r1er.

    Responsable de

    la publication :

    S

    uadruppani

    Pour to

    ute correspond

    ance : LA BAN

    QUISE B P

    n 214 756

    23 Paris Cedex

    13

    3

    57

    8

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    seule dfense de l autonomie de l action

    ouvrire

    ne

    pouvait

    rpondre

    aux

    besoins rvolutionnaires profonds de

    l poque. La survivance du vieux mou

    vement ouvrier l Est - survivance qui

    ne sera pas ternelle, cela nous pouvons

    le prdir:,e

    sans

    crainte - et singulire

    ment

    en Pologne a permis certains de

    continuer croire qu i l suffisait de faire

    de la propagande

    pour

    les conseils

    ouvriers pour qu un jour .. Nous ne par

    tageons pas cette foi-l. Que les luttes

    proltariennes de Pologne aient donn

    naissance

    l organe contre-

    rvolutionnaire dnomm Solidarit,

    que les ouvriers polonais se soient, en

    dpit

    d heureux

    rats, largement recon

    nus dans cet organe, constituent des ra

    lits devant lesquelles il ne sert rien

    de se voiler la face

    en

    invoquant les

    manifestations d insubordination aux

    quelles Walesa et consorts se sont heur

    ts. L importance du mouvement

    polonais,

    en

    tout cas

    dans

    ses manifes

    tations les plus visibles, l importance de

    ce mouvement pour l avenir de la rvo

    lution mondiale est inversement propor

    tionnelle

    au

    battage publicitaire qui

    l a

    accompagn.

    Qu on ne nous fasse pas le chantage

    l inaction

    ou

    l extriorit

    au

    mouve

    ~ n t

    social. Nous

    qui

    faisons plus

    ou

    moins une revue, et de temps en temps

    quelques tracts, nous ne nous sentons

    pas plus thoriciens

    ou pas

    plus isols

    du mouvement social que d autres qui

    passeraient leur vie diffuser des tracts

    incitant les proltaires briser eux

    mmes leurs chanes, ou dnonant les

    pratiques des patrons

    et

    des syndicats.

    La totalit des groupes et des individus

    partisans de ce que nous appelons com

    munisme, sont aujourd hui condamns

    une

    activit essentiellement thorique.

    Car il

    ne

    suffit

    pas que

    la thorie tende

    vers la ralit, encore faut-il que la ra

    lit tende vers la thorie. Nous vivons

    une

    poque confuse : Au

    moment

    mme o une grande masse d ouvriers

    polonais remettent en cause ce qu avait

    de radical leur mouvement antrieur, on

    voit des mtallurgistes anglais menacs

    de licenciement se polariser

    sur

    la

    dfense de l emploi,

    de jeunes

    postiers

    franais ragir

    par

    l absentisme, des

    mineurs amricains sortir le fusil pour

    mener une

    grve revendicatrice trs

    dure,

    des

    immigrs marocains

    lutter

    Aulnay l aide de leurs liens commu

    nautaires.

    Tous ces exemples contiennent un

    germe communiste - les mtallurgistes

    4

    refusent les diktats de la fatalit cono

    mique, les postiers font la critique

    en

    acte

    de

    l idologie

    du

    travail, les

    mineurs ne reculent pas devant la lutte

    arme, les immigrs privilgient une

    communaut

    autre contre la fausse

    communaut du

    travail

    mais

    l envi

    ronnement particulier empche cha

    que

    fois le

    mrissement et

    l panouissement de ces germes. C est

    la prsence simultane de ces lments

    encore spars, qui constituerait

    l amorce d un mouvement commu

    niste.

    La

    Banquise

    n

    1

    mouvement

    qui, peut-on ajouter, ne pourrait se for

    mer

    qu en critiquant en acte ce

    qu ont

    de born la

    communaut

    immigre, la

    critique

    du

    travail, la lutte revendica

    tive, etc ... Le mouvement communiste

    ne serait videmment pas l addition des

    limites des diffrentes luttes mais leur

    dpassement grce leur confrontation.

    Aux exemples cits dans l extrait de a

    Banquise, on

    en

    pourrait ajouter

    d autres, gure diffrents : le rcent

    affrontement de Poissy prsente un

    aspect trs

    positif:

    l extrme combati

    vit

    d une

    fraction des licencis a russi

    un moment bloquer la machine. Que

    des hommes refusent la logique capita

    liste, et la refusent

    en un

    lieu et un

    moment nvralgique pour cette logique,

    est

    une

    bonne chose, qui permet de ne

    pas dsesprer de l avenir. Mais cela

    ne

    doit

    pas nous

    empcher de voir

    l extrme isolement de cette lutte, dans

    l entreprise mme.

    Le

    plus grave, ce ne

    sont pas tant les violences des contre

    matres et ouvriers franais contre les

    grvistes, que la passivit de la grande

    masse des ouvriers

    qui suivaient ces

    combats en spectateurs. A ce point

    d isolement extrme, cette lutte ne pou

    vait certes

    pas

    dpasser la

    pure et

    sim-

    ple dfense

    d un

    travail,

    pour

    toucher

    la critique

    du

    travaiL

    Nous ne voulons pas l u t t e r p o ~ t tlne

    organisation, mais

    pour

    le com.oi- .

    nisme. A

    chaque manifestation d insu-

    bordination

    des

    ouvriers

    et

    des salaris,

    les

    souteneurs

    professionnels

    vonta

    la

    pche aux militants. Pas nous.

    Quand

    nous disons nous, ici, nous pensons

    tre reprsentatifs

    de

    ceux qui l Appel

    a t lanc. Mais si

    nous

    disons

    que

    nous n avons que faire des manifesta

    tions de solidarit, ce nous risque de

    s amenuiser considrablement. C est l

    pourtant, qu on retrouve la nouveaut

    radicale de la thorie rvolutionnaire.

    Quels liens pouvons-nous tisser avec

    des ouvriers

    en

    lutte? aucuns qu ils

    n aient pas eux-mmes aussi cherch

    tisser : condition ncessaire mais

    non

    suffisante. Car ce

    qu il

    s agit de recher

    cher, ce sont des liens

    non

    pas de soli

    darit, mais

    de

    communaut. Manifester

    une solidarit, c est forcment manifes

    ter une sparation et sa pseudo-abolition

    par la magie de la rthorique rvolution

    naire. Nous ne dsirons nous e t r o ~ v e r

    avec des proltaires en lutte que dans

    ce que nous

    aurons

    de commun.

    Quand

    la violence ouvrire dborde le cadre de

    l usine et s en

    prend

    aux forces de

    l ordre ou aux marchandises, n importe

    lequel

    d entre

    nous s intgre spontan

    ment

    la communaut de lutte qui se

    forme l. Quand elle s enferme dans le

    cadre de la dfense d une entreprise ou

    d un travail, nous ne pouvons participer

    cette lutte que si,

    par

    hasard, nous

    nous

    trouvons

    dans

    cette entreprise

    ou

    ce travail. Vouloir obtenir,

    e

    l extrieur,

    qu une lutte se dpasse, c est rejouer la

    comdie lniniste.

    Nous partageons l effarement du

    rdacteur de l appel, face

    au

    comporte-

    .r

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    domaine

    que

    les articles venir sur le langage, la biologie,

    etc. exploreront encore. L'important est de pratiquer l'uto

    pie partir ce qui existe. Par exemple, propos

    de

    phra

    ses comme: Parmi les richesses qu une

    rhumanit

    dbarrasse du capital ferait prosprer figurent les innom

    brables variations d une sexualit et d une sensualit per

    verses

    et

    polymorphes,

    on

    nous a, juste titre, reproch

    d affirmer un avenir sans expliquer quelle dynamique y

    conduirait. En fait, si nous avons voulu exprimer l un pro

    gramme, c'tait un programme de travail: il faudra dmon

    trer

    que l' amour est une construction culturelle

    transitoire et que la sensibilit communiste est efflorescence

    du divers.

    Comme

    tout

    dcoupage ncessaire l'analyse, la spara

    tion en deux questions de la rflexion sur le ommunisme

    et son agent, est artificielle. Car l'efflorescence du divers

    repose sur des richesses humaines transmises par des com

    munauts part iculires (ethniques, traditionnelles villageoi

    ses, culturelles contemporaines, etc.)

    dont

    la ngation

    par

    la valeur est la fois source d'universalisation

    et d appau

    vrissement. De mme, le proltariat se constitue contre le

    reste de la socit travers la contradiction entre les dter

    minations particulires des groupes

    humains

    et la dtermi

    nation fondamentale du travail

    producteur de

    valeur.

    Le proltariat, agent du communisme : Pour transformer

    rellement leurs conditions d'existence, les proltaires

    ne

    doivent pas se soulever

    en

    tant

    que

    classe ouvrire ; mais

    c est ce qui est difficile, puisqu'ils se battent prcisment

    partir de leurs conditions d'existence. La contradiction

    ne sera tout fait claircie thoriquement que lorsqu'elle

    aura t surmonte dans la

    pratique

    LB, n

    1).

    Le pr

    sent numro est en grande partie consacr cet effort

    d'claircissement

    condamn

    l'inachvement,

    et qui ne

    saurait se limiter la rflexion en chambre. On ne com

    prend pas la mme chose suivant qu on contemple la ra

    lit ou qu on y intervient.

    a

    Banquise n est pas une revue

    questionnante. Comme il est indiqu dans la rponse

    l' Appel, nous nous sommes rencontrs durant l't 1983

    avec des individus venus de divers horizons critiques de

    l'ultra-gauche, sur le thme d une dfinition du proltariat.

    L'article

    Les

    rvolutionnaires sont-ils en retard d une

    contre-rvolution?

    est issu de cette rencontre,

    de mme

    qu un rseau de liens de confiance qui a produit les tracts

    ci-contre.

    Comme le disait fort

    bien

    Ernest Everhard du groupe

    Volont Communiste qui, nous ayant mal lus, croyait

    nous critiquer :

    S il est clair

    qu

    travers les

    diffrents

    amnage

    ments du

    capital

    et

    sa rationalisation technologique,

    la composition

    sociologique

    du proltariat moderne

    n est plus

    la

    mme que celle de

    la

    classe ouvrire tra

    ditionnelle

    (extension du salariat

    et

    des secteurs

    improductifs, croissance des exclus de

    la

    production

    et du chmage .. ) il n y a

    pas

    pour

    autant

    chercher

    d autre

    figure

    de

    proue,

    d autre moteur de l Histoire,

    que

    la

    communaut

    des exploits enchans

    au

    tra

    vail ou confronts la survie quotidienne

    sans

    travail.

    S il

    est

    clair que

    des

    mouvements importants peu

    vent

    venir des ghettos dans

    lesquels le capital enferme

    tous les exclus de la production

    cf.

    les

    meutes

    de l t

    81 en Angleterre, les

    meutes quasi-quotidiennes

    au

    6

    Brsil

    depuis plusieurs

    mois ..

    ),

    le combat

    central

    des

    ouvriers au

    cur de la

    production

    et dans les

    entre

    prises

    demeure

    un

    axe essentiel qui peut

    faire

    clater

    durablement

    le

    consensus

    social cf.

    la

    rsistance des

    proltaires

    polonais

    toute

    normalisation

    mili

    taire, politique, religieuse ou syndicale, c est--dire

    tout

    compromis national).

    De plus, il est noter que si

    les

    luttes ouvrires peu

    vent tre rcupres,

    dvoyes,

    etc.

    (usinisme,

    corpo

    ratisme, autogestion

    .. ) celles des proltaires extrieurs

    la production sont galement soumises

    aux pressions

    du

    capital (culte du

    marginalisme,

    quotidiennisme,

    mythes alternatifs

    ..

    ). C est dans

    le

    dpassement de

    leurs

    limites propres que les unes et les autres auront

    la

    capacit d enclencher une dynamique unitaire

    et

    d affronter

    radicalement le

    capital.

    A l'exemple de la Pologne prs

    la

    rsistance des ouvriers

    polonais la normalisation militaire n'a-t-elle pas

    au

    contrai

    re abouti

    souder

    le consensus

    de

    la socit civile polo

    naise contre son Etat ?) , nous pouvons contresigner les trois

    paragraphes qui prcdent. Ernest Everhard nous posait la

    question : Pourquoi avoir dcid

    de

    rdiger et diffuser

    un

    tract unitaire

    en

    cet automne 1983 ? . La rponse est assez

    simple : parce que nous en avions le dsir et la possibilit.

    Il y avait

    d un

    ct

    une

    ralit sociale (politique gouverne

    mentale envers les immigrs et multiplications d'agressions

    racistes) qui nous donnait envie de ragir et de l autre une

    dynamique de contacts qui nous en donnait l'nergie et la

    capacit. Les groupes rvolutionnaires qui parlent de leur

    pratique comme d une stratgie ajoutent leur mgalo

    manie l'usage malencontreux d un terme qui contient la

    sparation

    entre mouvements

    et direction de ces mouve

    ments. Nous recherchons un type d'activit dans lequel

    rflexion et action se transforment mutuellement sans cesse,

    contrairement aux stratges qui prtendent possder

    l avantage d une intelligence claire des conditions, de la

    marche

    et des

    buts du mouvement

    . Manifeste u Parti

    communiste). Cette intelligence claire laquelle prtendai t

    Marx est-elle celle qui lui a fait placer des espoirs t rompeurs

    dans les trade-unions et la dmocratie, et face aux dbuts

    de la Commune de Paris, adopter une position qu il a d

    rapidement abandonner ? Ou bien est-elle seulement com

    prhension gnrale des grandes tendances de l'histoire

    de

    son poque? Mais dans ce dernier cas, il

    n est

    plus ques

    tion de stratgie. Le fait que l auteur de la formule qui sert

    de devise aux stratges rvolutionnaires ait laiss indits

    la plupart des textes qui nous sont essentiels aujourd'hui,

    devrait

    donner

    rflchir

    sur

    les capacits des individus

    discerner l'essentiel dans ce qu ils prouvent le besoin

    d'exprimer. Sans compter

    qu un

    individu capable

    de

    con

    centrer dans sa personne la thorie la plus profonde de son

    temps, est aujourd hui impensable.

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    IL Y A DE PLUS EN PLUS D'ETRANGERS DANS LE MONDE

    Ces temps-ci les racistes se font plus arrogants et l'Etat de gauche les encourage

    puisqu'il a repris son compte

    le slogan d'extrme-droite: la France aux Franais.

    Pourtant, cela fait longtemps que nous sommes devenus trangers nos nations.

    L'identit nationale n'a plus gure de sens que juridique: c'est

    le

    fait d'avoir des

    papiers d 'un Etat ou d'un autre. On a une nationalit comme on a un chquier,

    ou une fiche de paie, ou une contravention.

    Le

    nationalisme, qu'il soit franais,

    arabe, isralien, russe, amricain ou chinois, se fonde sur des rfrences culturelles de

    plus en plus drisoires et stupides.

    Le

    mouvement de l'conomie a gnralis

    le

    nomadisme industriel et urbain et a

    fait de tous des immigrs des gens qui sont partis de l

    o

    ils taient enracins,

    de leurs communauts, de leurs villages, de leurs montagnes, de leurs valles. L' co

    nomie se moque bien des patries

    Ceux qui mettent en avant leur identit nationale par peur de la diffrence ne sont

    pas moins dracins que les autres. Et au fond, ils le savent. Ce qu'ils dfendent c'est

    leur Etat et l'illusion que ce dernier leur assurera

    un

    emploi.

    Quand, la Courneuve ou Nanterre, un pauvre type qui se prend pour un

    Franais flingue un mme qu'il prend pour un

    Arabe

    parce que c'est plus

    facile que de tirer sur son chef, voil qui est dgueulasse, d'accord.

    Mais

    il faut bien

    voir que de tels misrables

    se

    sentent couverts par l'Etat. C'est l'activit mme de

    l'Etat qui entretient

    le

    racisme: il imprime et distribue des cartes d'identit nationale

    ses ressortissants comme les matres d'antan marquaient au fer rouge esclaves

    et btail. Et puis il organise un systme de cartes de sjour qui maintient des millions

    d'tres humains dans une situation d'expulsables tout moment.

    Les politiciens qui chaque jour proclament produisons franais qui chaque

    jour

    expulsent des Maghrbins parce qu'ils sont Maghrbins

    et

    des Noirs parce qu'ils

    sont Noirs ont bonne mine avec leurs appels antiracistes. Avec la complicit des Etats

    trangers et

    de leurs polices dlgues,

    les

    Amicales

    l'Etat franais accumule

    contrles, rafles et quadrillages policiers contre les immigrs pour les dissuader de

    sortir de leurs ghettos et les empcher d'utiliser, comme Talbot Citron, la force

    de

    leurs liens communautaires pour se dfendre. L'extrme-droite sert

    de

    bouc

    missaire. En ralit, entre Marchais, Mitterrand, Le Pen et Chirac, il n'y a que des

    querelles de chiffres sur le nombre d'immigrs virer.

    Beaucoup de travailleurs .franais supportent mal l'image de l'immigr parce

    qu'il leur rappelle qu'eux aussi sont des proltaires, c'est--dire des exclus potentiels.

    Plutt que de jeter un regard lucide sur leur propre misre, ils prfrent se replier sur

    une pseudo-communaut : celle du travail garanti par 1 Etat.

    Mais

    la communaut du travail est devenue aussi incertaine que la communaut

    nationale. Personne n'est l'abri des attaques de l'conomie - cet autre nom du

    capitalisme. Les ouvriers du bassin lorrain

    et

    d'ailleurs ont pu vrifier que Fran

    ais

    ou

    pas, le capitalisme a vite fait de les rendre trangers leurs rgions, aprs

    les

    avoir rendus chaque jour un peu plus trangers eux-mmes.

    Car c'est l'conomie qui nous traite chaque jour davantage en trangers, en nous

    employant c'est--dire en nous assignant des activits aussi vides que l'inacti

    vit du chmeur, en nous contraignant perdre notre vie pour assurer notre survie.

    Nous n'avons que foutre des races et des nations. Nous sommes tous trangers.

    Nous voulons

    vivre

    nos diffrentes faons d'tre humains comme il nous plat. La vie

    nous parat plus attrayante lorsque l'universel y est vraiment en jeu. La diversit des

    aspects physiques,

    les

    manires varies,

    les

    gots et les couleurs nous sont des possi

    bilits de bonheur.

    C'est dans le jeu gratuit de nos diffrences, de nos attirances, de nos rpulsions,

    de nos rvoltes, de nos amours et de nos lans communautaires que nous devenons

    humains.

    A bas toutes les patries

    A bas

    la

    France

    Des partisans de la communaut humaine.

    7

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    MARCHER POUR L EGALITE,

    C EST MARCHER

    POUR QUOI ?

    La marche contre le racisme a rassembl autour d'elle chacune de ses tapes, les

    immigrs, les jeunes des cits et tous ceux qui sentent le besoin de riposter collective

    ment

    aux agressions insupportables des racistes efdes flics.

    Mais, elle a aussi attir groupuscules, curs et pasteurs, ministres et souteneurs de

    gauche.

    Pourquoi

    sont-ils

    tous

    l?

    S'ils peuvent parader, se faire photographier, tenir

    quelques beaux discours anti-racistes qui n'engagent rien, en mme temps qu'ils

    expulsent tour de bras, c'est que les revendications des marcheurs, l'appel aux bons

    sentiments, ne les drangent pas vraiment.

    Il en allait

    autrement

    pendant l't 80, aux Minguettes et ailleurs,

    quand

    les jeunes

    des cits, en se battant en dehors de la lgalit, faisaient plus pour leur dignit qu'en

    mendiant leurs droits auprs de l'Etat.

    COMBATTRE LE RACISME?

    En guise de riposte, les organisateurs de la marche ne proposent que de rclamer

    l'Etat la scurit, la reconnaissance de

    la

    dignit humaine et le droit de s'intgrer

    la communaut nationale

    , tout

    en conservant une identit culturelle. Ils

    prnent la non-violence, en appellent la

    bonne

    volont des gens et de l'Etat pour

    faire reculer le racisme.

    Quelle aubaine publicitaire pour le pouvoir de gauche,

    qui

    peut jouer les anti

    racistes- peu de frais, alors que dans les faits,

    il

    a repris son compte le slogan

    d'extrme-droite: la France aux Franais en faisant la chasse aux sans-papiers et

    en fermant les frontires aux Maghrbins, aux Noirs, aux Turcs, etc. Il a aussi repris

    la notion de seuil de tolrance : 10% d'immigrs, a va, mais pas plus, sinon le tir

    au fusil est lgitime, ou

    du

    moins comprhensible ..

    Mais le racisme n'est pas qu'une simple ide dans la tte des gens, que l'on pour

    rait

    combattre

    en faisant appel leur raison et leur

    bonne

    volont.

    D'autant plus qu'avec l'aggravation de la crise, les racistes se

    sentent

    de moins en

    moins honteux et de plus en plus couverts par l'Etat qui avec ses cartes d'identit ou

    de sjour, nous divise en

    bons

    citoyens d'un ct et mauvais trangers de l'autr e.

    Le

    racisme c'est

    notre

    monde, c'est celui

    du

    capital

    tout

    entier qui enferme les

    immigrs et leurs enfants dans une situation prcaire (chmage, expulsions) pour

    mieux tenter d'attacher les proltaires franais la dfense de l'conomie

    nationale.

    DEMANDER DES DROITS ET DES GARANTIES A L'ETAT?

    C'est demander l'Etat qui

    nous

    divise

    et nous

    exploite d'aller

    contre

    sa nature.

    C'est soumettre encore plus la communaut immigre l'arbitraire de la socit

    capitaliste.

    Demander la Justice de faire son travail en punissant plus svrement les

    racistes ? Alors que le travail de la justice c'est prcisment, tous les jours, d'expu lser

    les sans-papiers, de

    condamner

    aux peines les plus svres les beurs

    qui

    tombent

    entre les griffes de la police.

    Demander la police de garantir la scurit des immigrs ? Alors que c'est la

    police qui quadrille, intimide les cits et quartiers d'immigrs Alors que police et

    justice

    n'ont d'autre

    fonction que de rprimer

    tus

    les exploits, franais ou

    immigrs.

    Et mme si les revendications des bonnes mes (carte de sjour de dix ans, par

    exemple) taient satisfaites, ces garanties pourraient

    tre

    supprimes tout

    moment.

    On a vu

    comment

    l'Etat anglais pouvait retirer du jour au lendemain leur passeport

    britanni que des millions d'Asiatiques et d'Antillais.

    INTEGRATION?

    Tant

    que

    la crise durera, l n'y aura ni intgration sociale, ni dignit civique

    pour les immigrs et les jeunes de la deuxime gnration, parce qu'ils seront tou

    jours plus exclus de la communaut du travail, considrs comme la lie de la socit,

    et serviront de boucs missaires.

    8

    Pour prvenir une possible explosion, l'Etat tente d'occuper les jeunes des cits

    des activits striles: camps de vacances surveills, stages de formation o ils

    se

    font surexploiter. Il fait galement miroiter le mirage

    d'une

    identit culturelle

    beur, qui ne permettra qu' quelques intellectuels de la communaut de jouer les

    vedettes et de rafler les subventions. Ce folklore n'a pour but que de faire oublier

    aux beurs leur communaut relle: celle de la rvolte contre

    tout

    nationalisme et

    tout

    Etat.

    L'avenir est l: non dans la dignit et la respectabilit bourgeoises l'abri

    des lois de l'Etat, mais dans l'association rvolutionnaire des immigrs avec

    tous

    les

    autres proltaires frapps par la crise: chmeurs, squatters, intrimaires, ouvriers

    se

    retournant contre la dfense de l'conomie nationale,

    pour

    la destruction de notre

    condition proltarienne commune et l'affirmation d'une communaut humaine

    universelle en laquelle nos diffrentes manires

    de

    vivre, de sentir, s'panouiront en

    autant de richesses humaines et d'occasions d'aventure pour chacun de nous.

    A BAS LA FRANCE

    A BAS TOUTES LES PATRIES

    Des partisans de la communaut humaine.

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    de l accompagner

    mme

    si

    l on n est pas

    trs convaincu ds

    le dpart. Ainsi avons-nous accept que le texte attaque sur

    tout l Etat et le nationalisme sans analyser en profondeur

    la particularit du racisme, parce

    que

    le rdacteur identi

    fiait purement et simplement xnophobie et racisme, ce qui -

    est tout fait faux. Mais il nous semblait nanmoins impor

    tant de montrer

    ce

    qui

    relie l une

    l autre

    ces deux rali

    ts. Notre bonne volont

    s est

    cependant

    mue

    en

    inattention lorsque nous avons laiss passer ce

    membre

    de

    phrase stupide : plutt que de jeter

    un

    regard lucide

    sur

    leur propre misre .. qui devrait s appliquer davantage aux

    thoriciens qu au proltariat.

    Dans l ensemble, nous pouvons tre satisfaits

    du

    type de

    relations que nous avons tabli avec ceux qui nous ont

    contacts. Malheureusement, en rencontrant ces individus,

    nous avons aussi rencontr un milieu, ou ce

    qu il en

    reste.

    Dans les annes 68-77, la socit a p rodui t

    bon nombre

    de

    rvolutionnaires qui ont intgr la critique de l chec du

    vieux mouvement ouvrier mais

    n ont

    pas

    su

    ni pu aller plus

    loin. Le reflux relatif des luttes de classe a entran l ato

    misation ou le repli sur des groupes menacs de devenir

    des sectes. Toute nouvelle r evue s expose des rflexes de

    boutiquier craignant la concurrence. Tous les groupes n ont

    pas ces rflexes-l, mais il en est certains qui voudraient

    apparemment

    nous ~ n t r a n e r dans

    une

    guguerre polmi

    que. Ce

    n est pas par

    anglisme

    que

    nous

    ne jouerons pas

    ce jeu-l, mais parce que les simulacres de guerre ou qe

    procs n ont rien voir avec la critique. La polmique uti

    lise la forme aux dtriments du fond

    du

    dsaccord. Au lieu

    de donner du tranchant la pense, le style dforme la pen

    se de l autre, et l insulte vise faire taire.

    La critique s apparente l activit subversive, la polmi-

    .

    que au rquisitoire de l avocat gnral. La critique est une

    activit humaine, dans laquelle celui qui critique ne craint

    pas

    d tre

    transform par la rencontre de ce qu il critique,

    et par l activit critique elle-mme. Alors que la condam

    nation est un rituel, une nonciation formellement spa

    re de ses consquences, nonciation qui place celui qui

    condamne

    dans une

    position de domination magique. C est

    une

    forme de domination magique parce

    que

    la sentence

    prtend

    contenir le

    condamn et

    que

    dns une

    certaine

    mesure elle russit. Car le juge prtend juger non seule

    ment l acte, mais l tre mme du prvenu. La critique ne

    prononce ni n administre

    de

    peine, elle transforme sans

    1

    crainte

    d tre

    transforme. En cela elle

    n a

    rien voir avec

    le dialogue dmocratique.

    La dmocratie runit le spar en tant que spar, et main

    tient la sparation. Dans les procs, il existe

    une

    sorte de

    dialogue dmocratique entre juge et prvenu, au cours

    duquel l un

    et

    l autre

    s emploient construire

    une

    image

    du prvenu

    en fonction de laquelle la condamnation sera

    prononce. Sauf dans les rares cas o le prvenu refuse de

    jouer le jeu et se fait expulser, quelle que soit son attitude

    - et s il est combatif, cela

    ne

    fait

    que

    renforcer le carac

    tre dmocratique du dialogue, le prvenu concourt la

    production

    d une

    image qui lui est radicalement trangre,

    puisqu il s agit d envisager un individu en regard d un acte

    prjug

    par

    des lois hors d atteinte de la discussion. La

    mystification repose

    sur

    l oubli volontaire,

    au

    cours

    du

    dia

    logue,

    de

    la prsence des gendarmes

    et

    de leurs flingues

    aux cts du prvenu, pour l empcher de dire : ce dialo

    gue, dans ces termes, ne m intresse pas, je m en vais. Ainsi

    plac

    dans une

    situation de domination, le

    prvenu

    con

    court son alination.

    Au contraire, la critique, compris la critique des ~ u r n e s

    s affronte au corps corps avec l objet de la critique et si

    elle l emporte, ce

    n est

    pas parce q u e l ~ est en position de

    domination mais parce que son principe est plus proche du

    monde

    humain, et qu elle s attaque

    aux

    maux

    de

    celui qui

    critique aussi

    bien que de

    celui

    qui

    est critiqu. Comme

    le rquisitoire de l avocat gnral, la pol mique fait des

    effets de style pour impressionner sans dmontrer et quand

    elle dmontre, elle dcoupe les textes

    pour

    chercher des

    preuves

    et

    des intentions, et choit parfois carrment dans

    le mensonge et la calomnie.

    Avec le premier tract sur le racisme, nous avions fait

    l exprience des insuffisances des autres. Il nous restait

    dcouvrir que la collectivit des rdact eurs de

    a

    anquise

    n tait pas

    l abri du cafouillage. En prvision

    de

    la

    venue

    Paris des sidrurgistes lorrains, nous avions eu des

    contacts avec un certain nombre d individus et de groupes,

    dont certains proches

    de

    l autonomie. Nousavons pr

    sent

    un

    projet

    de tract

    qui,

    dans notre

    esprit, devait ser

    vir de test la possibilit d un accord a v e c l e s ~ r o u p e s et

    individus que nous ne connaissions pas. La yplont de trou

    ver un moyen d agir ensemble tait manifeste chez tous les

    participants. Malheureusement, nous avons bien failli sui

    vre le conseil de l auteur de l Appel.. et mettre la praxis

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    parler de la crise pour Q\ Oi faire

    ?

    1

    Question de mthode

    La comprhension d une rvolution

    future

    ne

    vient pas de la comprhension

    de la crise prsente. C est

    au

    contraire

    la comprhension de la rvolution

    future qui doit nous

    permettre d

    appr

    hender la crise prsente. Autrement dit,

    c est l analyse de

    l

    crise fondamentale que

    serait une rvolution communiste, qui

    dtermine l analyse des crises du capita

    lisme.

    En saisissant de quelle faon le

    monde continue, jusque dans la et les

    crises,

    on

    verra

    pourquoi

    il peut

    s crouler.

    A la place des priodisations binaires,

    (tant que le capitalisme peut conti

    nuer/quand

    il lui devient impossible de

    continuer), mieux vaut une priodisa

    tion historique, base

    par

    exemple sur

    les grands systmes de production (de

    la manufacture l OST, et aujour

    d hui?). Quand Marx oprait la distinc

    tion soumission formelle/soumission

    relle, il parlait du capitalisme de son

    temps et non d une distinction entre son

    poque et

    une

    poque venir radicale

    ment

    nouvelle.

    Il.

    Crise, automation t valeur

    Il n y a pas de dterminisme techno

    logique. La crise actuelle

    n est

    pas due

    aux robots. Mme du point de vue capi

    taliste, 1 avance japonaise sur la France

    ne vient pas du nombre de robots, mais

    de leur efficience, donc des conditions

    sociales globales. Le texte de Saint

    James* dcrit bien la crise de rentabi

    lit. La crise vrifie la validit de la tho

    rie de la valeur. Equipements vieillis,

    force de travail use et rebelle, nergie

    plus chre, puisement des satisfactions

    sociales entranent des surinvestisse

    ments

    coteux.

    L extension d un machinisme automa

    tis ne supprime nullement la ralit du

    capitalisme comme univers de valorisa

    tion. La combinaison de l activit

    sociale constitue dsormais toute la

    force productive, y compris la science,

    la vie sociale, qui cre la richesse, e t non

    plus le travail isol et direct

    (Manus

    crits

    de

    1857-58, OEuvres,

    Il, 308). Qui

    crerait la valeur dans un monde

    o

    ne

    resterait qu un seul travailleur

    actif?

    Tout

    le

    monde.

    La nouveau t de l automation n est ni

    dans une soumission totale de l homme

    14

    la machine, ni dans

    une

    dqualifica

    tion gnralise. L automation est plus

    un effet de la crise (et en particulier de

    l action des salaris) qu une cause, bien

    qu elle aggrave la soif de capitaux sou

    vent introuvables.

    L automation inserre l i nforma

    tion, c est--dire le commandement,

    dans l acte productif, dans la machine

    mme. Mais si

    l on peut innerver

    ainsi

    le systme productif, il faut encore

    savoir quoi produire et comment. Le

    xx sicle finissant annoncerait l man

    cipation

    par

    rapport la nature, l abs

    trait vcu

    par

    la transformation de tout

    en donnes numriques, la circulation

    de l information devenant la base de

    tout. Cette image est et restera aussi

    fidle la ralit que les romans de Jules

    Verne la ralit

    du

    XIX. De toutes

    faons, la libration de l nergie

    par

    le

    nuclaire et la rorganisation du

    systme rclament des investissements

    aujourd hui

    impossibles.

    a perspective quasi, certaine d un ch

    mage massi f d ici l an 2000 n est pas

    le

    point de dpart d une analyse.

    La misre

    noire aprs 1929

    n a

    pas entran de

    rvolution, car les proltaires se sont

    battus pour du travail et les droits du

    travail. Certes, la socit reposant

    sur

    le travail

    en mme temps

    qu incapable

    d en donner, rvle son absurdit. Mais

    l absurde n est

    pas un agent social.

    III. fl n y a pas de no-proltariat et le capi

    talisme social n est pas fini.

    Autrefois, runis par le capital dans

    le travail et

    mme

    l extrieur, les

    ouvriers tendaient constituer un

    monde

    autre, part, mais toujours

    fond sur le travail. Le clacissme con

    siste voir dans la lutte de classe un

    bien en soi. Le classicisme a fait faillite

    au XIX et

    au

    xx sicle et la commu

    naut

    ouvrire dcline. Sa dernire

    manifestation massive en France fut la

    grve des mineurs en 1963. On est pass

    d une communaut base

    sur

    une capa

    cit concrte

    le

    mtier) une commu

    naut dans l obligation

    de

    se salarier,

    sans reconnaissance dans

    une

    qualifica

    tion quelconque.

    On

    n est plus soudeur

    ou ajusteur mais agent de production ou

    oprateur.

    Le travail ne peut plus tre,

    n est

    dj

    plus le pivot social.

    Mais une socit peut

    intgrer des gens sans leur offrir du travail.

    L intgration

    n est

    ni conomique, ni

    politique, ni culturelle mais les trois.

    Une socit peut trs bien intgrer des

    masses de chmeurs vie. Mais ce qui

    est vrai pour les Noirs des Etats-Unis ne

    pourrait l tre pour la socit amricaine

    tout entire. L exemple tasu nien offre

    une image de l avenir: une minorit,

    problablement importante, vivra en

    marge des activits rgulires

    du

    reste

    de la socit.

    Le problme

    n est pas

    le

    nombre

    de

    chmeurs, mais l quilibre entre les

    couches. L OST n a pas transform tout

    le monde en OS et recouvre une grande

    varit de formes.

    Le dveloppement de

    l

    prcarisa

    i

    on est important en ce qu il

    transforme

    l

    relation au travail

    de

    tous,

    travailleurs

    t

    non-travailleurs.

    On peut

    certes objecter

    que

    la prcarisation et

    l htrognit de la classe ouvrire ne

    sont pas si nouvelles que cela :les usi

    nes amricaines

    du dbut du

    sicle

    taient de vritables tours de Babel.

    Nanmoins, la particularit de notre

    poque est que la tendance la plus nova

    trice surgie de la crise ne peut qu accen

    tuer prcarisation et .chmage. Il faut

    pourtant se garder des conclusions

    htives.

    Pour le moment,

    on

    n assiste ni la

    fin du capitalisme social, ni son ter

    nisation par l affirmation d un pro

    gramme social-dmocrate ou PC. Nous

    vivons la fois le maintien

    de

    ce capi

    talisme et la tentative d mergence

    d autre chose, qui pourrait trs bien

    coexister avec lui. La vraie limite de

    l automation actuelle est qu elle suscite

    des

    procds

    plus que des

    produits.

    Elle

    n a

    pas fait natre, jusqu ici, de nouveau

    mode de vie et elle ne liquide pas la

    socit d assistance, elle dveloppe

    mme une

    pauprisation assiste. That

    cher, Reagan, tous les capitalismes

    nationaux taillent sans piti dans les pro

    grammes sociaux mais conservent

    une

    aide sociale rogne.

    L important, c est que le capitalisme

    n offre plus

    une

    situation dynamique

    la masse (pas tous,

    bien

    sr) des sala

    ris. C est cela qui compte pour nous,

    et non une misre rampante . De l insa

    tisfaction qui dcoule de c ette situation

    peut

    natre que lque chose. L insatisfac

    tion n est que l expression affective

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    en

    leur proposant

    un

    cycle de runions rgulires

    sur

    des

    sujets comme l immigration,

    mais aussi

    le

    terrorisme

    ou la

    guerre. Trs vite, ces runions ont tourn autour du thme

    de la restructuration,

    et aucune

    convergence

    ne

    s est des-

    sine.

    Pour ne pas sombrer dans le bavardage, comme

    il tait annonc dans notre rponse l Appel... , nous

    avons

    mis

    fin

    pour l instant

    ces runions,

    en nous

    rsr-

    vant de nous revoir sur des sujets plus prcis, comme ceux

    voqus plus haut. Le texte

    qui

    suit,

    prsent

    la discus-

    sion

    sur

    la restructuration, doit tre lu comme la premire

    esquisse

    d un

    article paratre

    dans

    le

    n

    4

    de

    a

    Banquise.

    Le

    texte initial a t lgrement modifi.)

    Quelle classe ouvrire a suivi son chemin de croix le ven-

    dredi 13

    avril1984?

    La possibilit de rpondre cette ques-

    tion recoupe celle

    de

    nous fondre

    un jour dans une

    c o m ~ u n u t de lutte bien plus vaste que l phmre com-

    munaut de

    pingouins rassembls

    sur

    a

    Banquise.

    Le 28 avril 1984

    Pour obtenir le texte intgral de l Appel . et l Bulletin

    de

    correspondance

    no

    0,

    contenant les premires rponses, crire : D. Gontarbert, 18, Bd

    Soult, 75012, sans autre indication.

    Nous avons supprim les redites par rapport au texte de la rponse

    l Appel. .

    6

    a

    classe

    la

    plus nombreuse et la plus

    utile de la socit est sans contredit la

    classe des ouvriers. Sans elle les capitaux

    n ont aucune valeur. Toutes les classes

    s appuient sur elle

    [ ]

    L Artisan, journal

    ouvrier

    paru

    Paris

    aprs

    1 8 ~

  • 5/21/2018 La Banquise N3 - t 1984

    19/92

    les rvolutionnaires ont-ils

    une contre-rvolution de retard ?

    notes su une classe impossible)

    1. dfinir le proltariat,

    pour quoi faire

    Tout ce

    que nous

    disons

    n'a

    de sens

    et d'intrt qu'en

    fonction

    d'une

    ralit

    qu'il n'est pas facile de fixer dans une

    dfinition simple, immdiatement ac

    cessible

    ceux qui sont porteurs de cette

    ralit. C'est

    l'ironique

    paradoxe

    de

    la

    thorie

    rvolutionnaire, prsent ds ses

    origines. Les crits de Marx abondent

    en

    formules surprenantes, ds qu'il

    s agit de dfinir le sujet rvolutionnaire :

    une classe de la socit

    civile

    qui

    .

    n'est pas

    une

    classe

    de la socit ci

    vile Pour une critique de la philosophie

    du droit de Hegel,

    Gallimard,

    OEuvres,

    t. III, p. 397).

    La classe

    qui, dans la

    socit,

    n'a plus rang de classe et.

    n'est pas reconnue comme

    telle

    :

    ds

    maintenant,

    elle marque la dissolu

    tion

    de toutes

    les classes,

    de toutes

    les nationalits, etc.,

    au

    sein mme

    de la

    socit prsente

    Idolpgie al-

    lemande,

    Gallimard,

    id

    p. 1123).

    Pour

    obscures qu'elles soient

    au

    premier

    abord, ces dfinitions se sont montres

    bien

    plus

    fcondes

    que

    la simple galit

    avec laquelle elles voisinent chez le

    mme Marx : proltaires = ouvriers.

    Les dfinitions qui

    rendent

    compte

    de

    la nature contradictoire du proltariat

    refltent ce

    qu'il

    y a de

    plus

    profond, et

    de plus profondment

    neuf

    dans

    le tra

    vail de Marx

    et dans

    la thorie rvolu

    tionnaire

    en

    gnral. La nouveaut nous

    apparat aujourd'hui plus neuve que ja

    mais,

    car

    la contradiction

    n'a pas

    cess

    de s approfondir, et de s'tendre : la

    condition proltarienne

    tend

    s impo

    ser

    la

    grande

    majorit

    de l'humanit

    et l activit contradictoire

    du

    proltariat

    ne cesse de rpandre ses produits mins

    -

    sur

    la plante. En mme temps, le pro

    ltariat en tant que tel ne s est gure ma

    nifest ces dernires annes. Approfon-

    dissement

    de la

    contradiction

    proltarienne et faiblesse

    des

    attaques

    du

    proltariat expliquent la crise ac

    tuelle

    du

    communisme thorique, o

    l'on voit les uns abandonner toute rf

    rence

    la lutte de classe et les autres se

    raccrocher

    un

    effort

    de

    formulation

    qui

    peut

    ressembler parfois

    de

    la scho

    lastique. Nous allons

    prendre

    le risque

    de nous

    exposer aux deux reproches

    la fois.

    Toute la difficult vient de ce que la

    dynamique qui dfinit le proltariat est

    celle de son autongation. Il n'est pas

    ais

    de

    saisir

    dans

    la ralit

    une

    entit

    dont le maximum d existence consiste

    s'abolir

    L effort de saisie thorique

    anticipe

    sur

    l effort

    de

    saisie

    du

    prol

    tariat

    par

    lui-mme. Seule cette ralit

    venir donne

    au

    fond son sens

    l ef

    fort thorique. Et cet effort

    qui ne

    con-

    tient pas

    en

    lui-mme son

    propre

    sens

    est pourtant doublement ncessaire. N

    cessaire

    parce que

    si nous

    n'avions que

    notre

    subjectivit

    pour nous

    dire

    que

    ce

    monde est lamentable, il

    n'y

    aurait

    mme

    plus parler

    de mouvement

    r

    volutionnaire mais

    de

    posie

    ou

    de

    mystique. Doublement parce

    que

    la d

    finition

    du

    proltariat

    tant

    celle

    de

    la

    dynamique

    de

    sa dtermination fonda

    mentale, elle est forcment analyse

    de

    la rvolution

    venir, elle-mme indis

    sociable d'une analyse de la priode. On

    ne peut parler

    du

    proltariat aujourd hui

    comme on

    en

    parlait en 1840 ou en

    1960.

    Pour rompre avec le subjectivisme, il

    ne

    suffit pas de le vouloir. Le refus vis

    cral

    du monde,

    s il est

    notre point de

    dpart,

    n'est

    pas une garantie de la jus

    tesse de nos points de vue. Mais la pure

    cohrence thorique

    non

    plus. Aprs

    tout, et comme toutes les grandes cons

    tructions paranoaques,

    la

    cosmogonie

    du prsident Schreber* donne, elle

    aussi,

    une

    forte impression de coh

    rence interne. C est dans la pratique

    que

    nous pouvons commencer

    - mais

    seu-

    lement commencer - de

    vrifier

    que

    nous ne

    dlirons pas.

    Dans

    sa

    pratique,

    l Eglise de Scientologie vrifie

    tous

    les

    jours

    la justesse

    de

    ses vues (elle ob

    tient d'indniables

    succs

    dans

    la lutte

    contre la drogue et le mal-tre de ses

    membres mais ce sont chaque fois des

    vrifications partielles, dont le sens g

    nral chappe aux scientologues. La v

    rification gnrale de la validit de la

    thorie, c est la rvolution communiste

    Elle seule

    arrache tout

    fait la thorie

    la subjectivit des thoriciens. S il veut

    aller

    au

    bout de lui-mme- et

    non

    se

    rsoudre

    en une

    manire parmi d autres

    de supporter ce monde - le refus vis

    cral du monde

    doit se

    donner une

    forme qui l intgre aux forces qui dtrui

    ront le monde. Il

    n'empche

    que, sans

    subjectivit rvolutionnaire, il

    n'y

    aurait

    pas de thorie rvolutionnaire.

    La thorie rvolutionnaire

    n'est

    pas

    une science - et c'est

    tant

    mieux, car

    c'est

    une

    raison

    de

    plus pour

    qu'elle

    ne

    soit pas digre

    par

    le capital. La dimen

    sion

    subjectivede

    la

    thorie n'est que

    le reflet

    d'une

    pratique humaine qui

    se

    cherche et se pense mal dans

    un

    langage

    domin. Elle

    ne

    prouvera tout

    fait sa

    validit qu'au

    moment o

    elle sera de

    venue

    inutile, elle

    n'est donc qu'un

    en

    semble d approximations. Cette banalit

    - ant idote bien des prtentions - il

    ne faudrait jamais la

    perdre

    de

    vue

    quand on

    lit cette revue - et les autres.

    Nous

    parlons du

    proltariat

    comme

    d'un

    rapport social,

    d'un mouvement

    qui accderait

    l existence maximale en

    *

    e

    prsident Schreber,

    sur

    lequel Freud glosa,

    crivit

    un

    gros ouvrage

    pour

    expliquer que Dieu

    complotait de le tr ansformer

    en

    femme.

    17

  • 5/21/2018 La Banquise N3 - t 1984

    20/92

  • 5/21/2018 La Banquise N3 - t 1984

    21/92

    leurs grce ces autres dimensions que

    la force

    de

    travail

    peut

    continuer pro

    duire de la valeur.

    Contre les tenants de la classe univer

    selle, ou contre ceux qui veulent aban

    donner la lutte de classe au capital,

    l

    im

    porte nanmoins de rappeler que

    l exploitation n est pas la mme pour le

    cadre suprieur

    et pour

    l OS

    et que

    le

    second voit son activit bien d avantage

    enferme dans la forme du travail.

    Enfin, si le cadre suprieur, dans la me

    sure

    o

    l organise le t ravail de l OS,

    exerce une activit productive, l OS, lui,

    joue un rle spcifique dans la produc

    tion de valeur.

    C est l ensemble de la socit qui pro

    duit de la valeur, mais il y a dans cet en

    semble des couches sociales

    dont

    l ac

    tivit

    demeure au

    contact

    du

    support

    matriel

    de la

    valeur. Ce sont les cou

    ches les plus exploites, toutes les au

    tres participant leur exploitation des

    degrs qui varient selon la place qu ils

    occupent dans la hirarchie. L extension

    du

    salariat ne doit pas nous aveugler sur

    cette grossire ralit : l existence de

    gens dont l activit immdiate reproduit

    les conditions matrielles d existence de

    l humanit et

    donc

    du

    capital.

    Les

    salaris astreints

    des tches

    d excution connaissent

    de la ma

    nire la

    plus crue et

    la

    plus directe

    la condition proltarienne qui

    s tend

    ou

    m:enace

    de s tendre au

    reste de la socit.

    Force de

    travail

    sans cesse dvalorise

    par

    le

    mouve

    ment de la valeur qu ils contribuent

    produire, ils

    se

    trouvent au cur

    de la contradiction capitaliste.

    Acti

    vit

    valorisante de la

    force

    de travail

    la moins valorise, leur travail

    re

    prsente le plus petit commun dno

    minateur des c ~ i v i t s dans le capi

    tal

    -

    leur quivalent

    gnral.

    Par

    leur position dans

    la

    production, ils

    peuvent mieux

    que d autres la

    bou

    leverser. Ils jouent donc un rle

    cen

    tral

    dans la

    production

    du capita

    lisme

    aussi bien que du

    communisme.

    Par

    consquent, si

    l on

    ne

    peut

    le rduire

    une iden

    tit sociologique, une classe,

    le

    pro

    ltariat

    nat d abord

    de

    ces couches

    sociales-l

    et de leurs luttes.

    Mais la

    dynamique

    productive

    n est

    pas seule responsable du maintien du

    vieux monde. Elle se double

    d une

    norme inertie. En cas de dynamique

    rvolutionnaire, il faudra peut-tre que

    les employs

    jettent d abord

    la pape

    rasse par les fentres. Mais ceux qui

    sont

    au

    contact de la production des

    choses - objets mais

    pas

    seulement -

    ncessaires la rvolution et la vie hu

    maine auront un rle plus essentiel et

    plus central. La rvolution ne sera pas

    une

    vaste aboulie. La rvolution

    par

    l inertie est aujourd hui l utopie pro

    duite par ceux qui sont du ct de l iner

    tie, ceux

    dont

    la fonction sociale para

    site la production des choses qui nous

    font vivre. Evidemment, ces choses sont

    aussi ce que nous voulons changer mais

    on ne les changera qu partir de ce

    qu elles sont. Sinon, ce ne serait pas le

    bouleversement

    mais la sortie

    du

    monde:

    une

    manire

    d abandon

    gn

    ral

    du

    capitalisme pour aller ailleurs.

    Dj programme et r-evendication po

    tiques des artistes de la seconde moiti

    du

    XIX

    sicle, le spleen, l anywhere out

    o his world, ne sont pas un programme

    rvolutionnaire.

    Marx parle de changer le mode d ac

    tivit.

    Or

    ce mode est universel : le

    P-DG comme l ouvrier et l artiste y par

    ticipent et le reproduisent.

    On peut

    raf

    finer l infini

    sur

    les considrations so

    ciologiques : constater, par exemple,

    que le paysan petit propritaire est ex

    ploit la fois

    par

    le

    march

    mondial

    et par son travail qui vide l activit agri

    cole d une partie de son contenu. Mais

    quel est celui dont le mode d activit

    s impose

    tous

    les

    autres?

    C est

    plutt

    le mineur, le conducteur de locomotive

    et

    jusqu

    l employ

    de bureau

    qui aide

    grer tout cela. Le P-DG et l artiste

    peuvent toujours plus ou moins chan

    ger de vie

    d e

    survie - sans chan

    ger la vie, sans changer ce mode d ac

    tivit. Le mineur, le mcanicien,

    l employ n ont pas cette possibilit.

    Certes, il y a quelque chose d inhumain

    chez le P-DG, alin comme le

    mineur

    et peut-tre davantage. Mais c est parce

    qu il intgre en lui l humanit du mi

    neur, parce qu il concentre

    en

    lui l cra

    sement de

    ce

    qu il

    y a d humain chez

    des milliers de mineurs. Le saucisson

    nage

    du temps

    dans la socit - travail

    et

    non-travail,

    tranches de

    quotidien

    ne t

    dont so nt victimes le P-DG, l ar-

    tiste et le mineur, ce saucissonnage est

    fond d abord sur celui qui dcoupe la

    vie - productive et non-productive -

    du

    mineur. C est le travail qui fonde

    toute l organisation sociale. Et l exten

    sion

    du

    salariat signifie l organisation de

    toute l activit sociale

    sur

    la base

    du

    tra

    vail le plus contraignant. Dans ce

    monde qu i est le ntre Socrate aurait t

    professeur de CES. Sur cette base, le r

    formisme constate

    que tout

    est con

    trainte, autorit, gaspillage et exploita

    tion et il ne cesse de proposer des

    remdes qui ne changent jamais rien au

    fond. Pourquoi ce mystre ? Il faut aller

    chercher la rponse la source, dans la

    nature mme du

    travail alin. La sup

    pression de l alination ne peut partir

    que

    de ce qui est alin.

    La question

    n est pas

    celle

    du

    person

    nel du capitalisme (on sait qu il trouve

    ses gestionnaires

    o

    il peut), elle

    n est

    pas non plus celle du personne l de la r

    volution. Il s agit simplement d isoler

    (artificiellement, certes, en un mouve

    ment d abstraction provisoire ncessaire

    l analyse) le nud du problme- le

    lieu o

    les .hommes

    produisent leur

    in

    humanit. C est pourquoi - et c est

    l ambigut de tout ce

    qui

    prcde -

    nous

    n affirmons

    pas que

    la rvolution

    sera le fait d ouvriers plus que d ing

    nieurs mais

    que

    les ouvrie rs et les ing

    nieurs

    feront la rvolution

    sur

    la base

    d une critique radicale du travail ou

    vrier,

    sur

    la base de sa destruction et,

    partant, de tout ce qui est construit

    dessus.

    Que s agit-il de changer ?

    Le

    rapport

    entre

    les hommes, le rapport entre les

    hommes et

    le monde. Le problme du

    prolt ariat est donc celui de savoir

    s il existe un groupe

    humain

    plus direc

    tement en rapport avec le monde. Un

    monde

    cr, bien sr,

    par

    l ingnieur

    comme par l ouvrier, mais sans oublier

    que c est l ouvrier qui rappell e l ing

    nieur que l humanit

    y

    compris celle de

    l ingnieur) est rduite rien malgr les

    compensations et hochets - rduite

    une force de travail. La condition mme

    de l exploitation de ces couches les plus

    exploites - ouvriers, employs, sala

    ris agricoles etc. - est

    que

    leur trava_il

    conserve un degr

    ou

    un autre un

    caractre de prcarit- c est vrai mme

    en priode de plein emploi, mme dans

    le capitalisme d Etat.

    Pour que

    le pro

    ltaire ne dispose que de sa force de tra

    vail et de rien d autre, il ne faut pas

    qu elle lui garantisse

    automatiquement

    un travail, et donc une place dans laso

    cit. Le proltaire est donc

    par

    dfini-

    19

  • 5/21/2018 La Banquise N3 - t 1984

    22/92

    tion un

    chmeur en

    u i ~ s n c e

    et

    le ch

    meur un

    proltaire, aussi indispensable

    au

    capital

    qe

    le travailleur. En admet

    tant que la richesse humaine rside dans

    l activit et donc dans les relations

    qu'implique cette activit, on a au

    jourd'hui plus que jamais

    le face face

    dont parlait Marx ~ des masses pri

    ves de tout et totes les richesses et

    la culture du

    monde. Peu

    importe

    qu'on ne puisse mesurer le degr de va

    lorisation qu'apporte le travail de telle

    ou telle catgorie de proltaire. L acti

    vit proltarienne incarne visiblement

    une abstraction sur laquelle repose le

    plus rellement

    du

    monde la socit : la

    mesure de toute chose par le temps con

    sacr la dpense de la force de travail.

    Mais le capital se nourrit de sa propre

    incapacit rduire l activit humaine

    au travail et donc l activit

    du

    proltaire

    ne

    se rduit

    pas non

    plus

    au

    travail. e

    capital

    ne

    peut exister qu'en vampiri

    sant l activit humaine qu'il ne peut ab

    sorber tout fait - c'est la fois ce qui

    le dynamise et ce qui le menace : l'tre

    du

    capital est

    un

    rapport contradictoire

    et le proltariat est constitu par l en

    semble des individus et des couches so

    ciales dont les luttes tendent mettre

    en crise ce rapport contradictoire. Ainsi

    dfini

    par tout

    ce qui

    prcde on

    voit

    que le proltariat n existe que tendan

    ciellement, on voit que le moment o

    il existe le plus est celui o il se nie dans

    la communisation

    du

    monde.

    Qu est-ce qu agir dans un sens commu

    niste ?Voil la vraie question. Question

    qu obscurcit l ide d'un

    germe

    du

    communisme qu'il s agirait chaque

    fois d isoler. Les luttes de classe, qu el les

    soient sauvagesjcoulage, sabotage, per

    ruque, etc.) ou revendicatives, ne sont

    porteuses du communisme que

    lorsqu elles se dpassent. La rsistance

    l exploitation n'est porteuse

    du

    com

    munisme

    qu'au moment o

    elle se

    transforme ou

    tend

    se

    transformer en

    attaque contre l exploitation. Exploita

    tion

    et

    rsistance l exploitation font

    partie du fonctionnement normal

    du

    ca

    pitalisme et,

    quand

    la rsistance s'y

    laisse rsorber, on peut seulement affir

    mer que

    c'est le capitalisme qui est,

    dans son fonctionnement,

    porteur d'un

    balbutiement com.r,nuniste. On ne peut

    dpasser le revers oblig de l exploi

    tation

    qu'en

    passant l attaque directe

    de l exploitation.

    Comment ? La difficult de rpondre

    cette question, comme

    l'tat de

    dla

    brement du mouvement rvolution

    naire,

    tiennent aujourd'hui

    ce

    que

    20

    cette action, cette

    attaque

    contre l ex

    ploitation,

    demeure

    terriblement

    embryonnaire.

    Pour.

    le capitalisme, le proltariat

    n existe

    que

    tendanciellement, dans la

    mesure

    o le capital fournit aux hom

    mes,

    ou

    les laisse produire,

    des

    dter

    minations particulires jidentit de na

    tion,

    de

    classe,

    de culture

    .. )

    qui

    dissimulent la dtermination fondamen

    tale qu'est le rapport travail/valeur tout

    en la nourrissant et parfois mme en

    l'attaquant. Ce qui

    n'empche

    pas ces

    dterminations particulires

    d'tre

    leur tour ronges

    par

    la valeur.

    Pour le communisme, le proltariat

    n existe

    que

    tendanciellement, puisque

    la ralisation

    du

    communisme est l abo

    lition du proltariat. C est pourquoi, s il

    se constitue travers la l utte des clas

    ses de la socit capitaliste, le prolta

    riat n'est pas une classe de la socit ca

    pitaliste. Quand il se constitue contre le

    reste de la socit, le prolt ariat s atta

    que

    directement sa propre dtermina

    tion de classe. e proltariat se consti

    tue contre le reste de la socit lorsque

    travailleurs, exclus du travail et dclas

    ss plus ou moins volontaires s atta

    quent

    ce

    qui

    les unifie

    dans

    le capita

    lisme et contre lui : le rapport

    travail/valeur.

    e proltariat est ncessaire

    au

    capi

    tal parce qu il produit ce rapport social,

    la valeur,

    mesure de

    toute chose

    par

    le

    temps de travail. e proltariat est

    l agent du communisme car plus les pro

    ltaires se dgagent

    de

    leurs dtermina

    tions particulires, partir de la lutte de

    classe, plus ils sont amens affronter

    leur dtermination universelle. Produc

    teurs et prisonniers

    d'un

    rapport fonda

    mentalement inhumain, ils

    ne

    peuvent

    se poser face la valeur san s s'y oppo

    ser

    ; ils

    ne peuvent

    se

    dterminer

    comme force de travail sans rompre

    avec le travail. Cette saisie

    n'est

    pas -

    .pas seulement - affaire de conscience.

    C'est avant tout

    une

    pratique, ne de la

    contradiction entre les dterminations

    particulires, alinations particularistes

    des richesses humaines jles communau

    ts, etc.)

    et

    la dterminat ion universelle

    de la production de valeur, alination de

    f activit humaine qui s'est empare de

    toutes les richesses

    du

    monde. Placs

    par le capital dans

    une

    situation d uni-

    versalit, dans

    une

    existence qui se rat

    tache directement l histoire univer

    selle , les proltaires longoviciens

    s opposent aux consquences de cette si-

    tuation partir de dterminations par

    ticulires - leurs attaches un sol -

    mais dans ce mouvement, ils commen

    cent saisir qu ils ont

    perdu

    toute autre

    qualit

    que

    celle de force de travail sur

    numraire. En se posant en hommes

    sans qualit face

    au

    reste de la socit,

    les ouvriers

    de

    Longwy pourraient at

    taquer

    le scandale de

    leur

    rduction

    une force de travail, sinon, ils ne pour

    ront que se replier et se perdre dans

    l identit ouvrire.

    3.

    le capitalisme, concentr

    e l histoire humaine

    Parce que nous envoyons des engins

    des milliards de kilomtres de la terre,

    il est facile d'oublier les racines mat

    rielles

    du

    monde actuel. Etre commu

    niste, c'est considrer que la premire

    et peut-tre la seule richesse est dans les

    relations

    humaines

    et en faire dcouler

    tout le reste. Or, on s aperoit que tout

    ce qui est

    commun

    dans l activit hu

    maine chappe aux tres humains

    pour

    leur revenir sous la forme d'entits qui

    les crasen t : argent, travail, Etat ..

    Pourquoi?

    Le marxisme a apport une rponse

    qui rejoint le sens

    commun

    : parce

    que

    les

    hommes

    vivent

    dans

    la pnurie. Il

    faut donc

    l'abondance

    Mais l ge

    d'abondance reste toujours crer.

    C est

    au

    contraire dans l activit

    mme

    des groupes sociaux d il y a dix mille ans

    et moins, et non dans leur prtendue

    pauvret, que rside la cause de l ap

    parition de l Etat, de l argent, de

    la

    valeur.

    Ces mdiations que l'humanit a in

    ventes

    peu

    peu

    doivent bien remplir

    une fonction

    qu'on

    ne peut rsumer ni

    par

    la gestion de la pnurie au profit

    d'une minorit, ni

    par

    le maintien d'un

    ordre

    qui

    s avre chaque

    jour un

    s o r ~

    dre catastrophique. Il faut remonter le

    fil du

    temps

    et

    distinguer

    dans

    l activit

    matrielle et sociale jqui sont une seule

    et

    mme

    activit) ce qui a engendr ces

    mdiations.

    Les maux de la socit industrielle

    taient prpars par ceux des socits

    traditionnelles pr-industrielles -

    du

    moins la

    plupart d'entre

    elles. Il

    ne

    se

    rait pas inintressant de savoir comment

    s'est opre la mutation vers le travail,

    trs tt,

    sur

    des millnaires, puisque les

    groupes humains les plus proches du

    communisme qui existent aujourd'hui

    n'ont survcu que dans des rgions ex

    ceptionnellement protges. Nous en sa

    vons plus sur l activit dj mue

    entra-

    vail que sur l activi t sociale totale,

  • 5/21/2018 La Banquise N3 - t 1984

    23/92

    communiste

    ou gnrique,

    trop

    rare. Cependant, les socits de classe

    archaques elles-mmes gardent au tra

    vail une dimension qu il perd sous le ca

    pitalisme. Mme pnible, le travail y

    conserve une dimension sacre qui d

    passe son

    contenu

    et intgre le travail

    leur dans

    un tout. Il sert

    assurer

    la re

    production d un ordre

    du

    monde vcu

    comme religieux, c est--dire

    o

    l acti

    vit a son sens en dehors d elle-mme,

    dans une transcendance protectrice

    qu il faut assurer. L Empereur tient du

    Ciel le

    Mandat de

    garantir l quilibre et

    l unit du monde, en veillant aux rites

    qui assurent la fcondit

    du

    sol, l ent re

    tien des digues, etc. Mais le cordonnier

    aussi fait

    plus que des

    souliers, son tra

    vail fait partie d une totalit au sein de

    laquelle il prend

    un

    sens.

    C est l qu on voit le reliquat mais

    aussi la perte dcisive de ce que poss

    dait de communautaire l activit ant

    rieure dj disparue.

    La

    prsence d un

    lment

    commun

    est dsormais lie

    une

    transcendance : la

    communaut

    n est plus

    celle des gestes des

    hommes

    mais seulement celle

    d un

    tout cosmi

    que. Certes, l existence de celui-ci est

    plus ancienne

    et

    l tait aussi

    prsent

    dans les esprits

    et

    donc

    dans

    les com

    portements. Mais, dsormais, cett e to-

    .

    A ood Laugh W ~ n t Hurt Anyone

    talit est

    hors

    de porte

    des hommes

    :

    la religion et le pouvoir en ont seuls la

    charge. Les hommes se sont mancips

    de la

    nature et

    des superstitions qui fai

    saient

    d un

    roclier,

    d une

    source

    ou

    d un

    arbre, le sige de forces occultes. Mais

    ils ont report leur croyance

    sur

    un

    groupe social ou sur un homme. La

    moindre dpendance locale s accompa

    gne d une soumission de plus

    en

    plus

    lointaine, qui finira

    par

    se dpersonna

    liser tout fait dans le capitalisme.

    Le processus d autonomisation

    du

    tra

    vail a franchi

    une

    tape dcisive avec

    le passage

    de

    l agriculture l industrie

    comme activit centrale

    de

    la socit.

    Pour l homme ancien, le temps tait

    rempli d une totalit sacre marque

    par des

    ftes et des rites

    qui

    assuraient

    sa permanence et son renouvellement.

    L homme de l industrie, lui, se substi

    tue au

    temps,

    s use

    sa place, dans

    un

    travail dsacralis. Le travail a toujours

    un sens extrieur son contenu, et

    mme de plus en plus indpendant de

    ce dernier, mais l extriorit est dsor

    mais profane,

    non

    divine. Le paysan ex

    ploit travaillait pour le seigneur, mais

    aussi

    pour

    le Seigneur. L ouvr ier mo

    derne

    travaille

    pour

    gagner

    1

    argent n

    cessaire sa vie.

    C est

    une

    volution qui s est droule

    sur

    plusieurs sicles. En Europe cen

    trale, du xn au xv sicle, des associa

    tions d artisans mineurs

    exploitent les

    mines. Elles disparaissent quand l ex

    ploitation commence se faire en pro

    fondeur. Les artisans

    ne

    sont plus

    en

    mesure d assumer eux-mmes la com

    munaut

    de leurs activits : seuls des

    marchands ont le capital ncessaire aux

    investissements dsormais indispensa

    bles aux travailleurs,

    qu ils

    vont donc

    transformer en salaris. C est alors

    qu apparat le mot allemand Arbeiter :

    celui

    qui

    travaille

    pour

    autrui,

    par

    op

    position l ouvrier libre.

    Les pays

    protestants dcouvrent en

    suite le travail comme facteur structu

    rant de la socit et plus efficace que les

    liens de parent ou la pratique reli

    gieuse. Le protestantisme achve la scis

    sion entre la religion et le mythe, isole

    l homme,

    donne l individu le travail

    comme raison de vivre et fait du travail

    social la seule base de la collectivit.

    Hegel rserve

    au

    travail

    une

    place cen

    trale,

    au

    moins aussi importante que

    l histoire,

    dans

    son systme philosophi

    que. Sur ce point, il prolonge et synth

    tise les Lumires : avec les clbres

    planches de l Encyclopdie, la bourgeoi

    sie

    du

    XVIII sicle fait le tour du pro

    pritaire. Hegel dcrit

    une

    progression

    21

  • 5/21/2018 La Banquise N3 - t 1984

    24/92

    de l an imalit la spiritualit

    qui

    repose

    sur le mouvement

    du

    travail conqurant

    le

    monde avant de

    se dmatrialiser en

    art, philosophie, religion.

    Les rvolutions bourgeoises, et parti

    culirement celle de 1789, se firent

    au

    nom du

    travail contre l oisivet, de l uti

    lit sociale contre le parasitisme. Il n est

    pas

    tonnant que la Rvolution fran

    aise

    demeure

    la

    grande

    rfrence de

    gauche et

    mme

    d extrme-gauche jvoir

    les thorisations trotskistes

    sur

    Thermi

    dor et

    le bonapartisme). Toutes les

    contradictions dont vit et

    meurt

    la gau

    che

    sont dj

    dans

    cette rvolution

    qui

    l emporte

    grce

    l lan des

    masses et

    qui, incapable de les satisfaire, finit

    par

    les combattre. Les contradictions

    de

    la

    Montagne et

    du

    jacobinisme se rptent

    dans

    l idal impossible

    d une

    dmocra

    tie des petits,

    d une

    autogestion de la R-

    publique liminant le

    Maljles

    riches, les

    immoraux, les marginaux oisifs, les as

    sociaux sans amis

    comme

    disait Saint

    Just),

    au

    profit

    du

    Bien jle peuple pas

    riche mais

    pas

    trop

    pauvre non

    plus, le

    bon

    travailleur

    honnte et

    moral).

    Celui qui ne veut pas travailler ne doit

    pas manger.

    Frontispice de L Artisan.

    Le c p ~ t l i s m e

    moderne

    ralise donc

    l idal sculaire d une socit reposant

    sur

    le travail. Transcendance profane,

    c est--dire

    non

    plus extriorise

    en un

    dieu

    ou un

    principe

    du

    monde, mais in

    triorise

    par

    la socit, le travail cons

    titue

    une communaut de

    l imma

    nence

    : les choses

    tiennent

    dsormais

    par

    elles-mmes,

    par

    leur mouvement

    incessant,

    qui

    entrane

    tous

    les tres de

    l espce

    dans une

    sorte

    de

    gravitation

    universelle.

    La

    tendance apparue

    depuis peine

    quelques sicles s est ralise. Autrefois,

    les tres et les groupes

    humains

    taient

    dtermins

    par un

    ou

    des traits spcifi

    ques. Aujourd hui,

    tout

    se dtermine

    par

    rapport

    au

    _capital,

    qui recentre sans

    cesse

    tout autour

    de lui.

    4.

    le

    mythe de

    l

    crise mortelle

    L ide

    de

    la crise mortelle finale

    ne

    s est jamais impose ni Marx, ni L-

    nine, ni Luxembourg. Marx a toujours

    cru que c tait dans les mouvements ou

    vriers

    que

    gisait la possibilit de la r

    volution.

    Au

    sein de la

    social-

    dmocratie,

    on

    prvoyait qu une crise

    inluctable surviendrait un jour, mais

    aucune

    crise conomique

    ne

    fut jamais

    prsente

    comme

    la dernire. Dans

    l re

    de

    guerres

    et

    de rvolutions

    22

    qu annonaient ~ n i n e et Luxembourg,

    ils

    ne

    voyaient poindre

    aucune

    impos

    sibilit

    technique

    pour le capital

    de

    fonctionner. La

    thse d une

    crise mor

    telle

    dont

    l issue serait ncessairement

    soit

    la

    rvolution, soit la barbarie jcar

    .ses

    tenants

    ne

    donnent pas dans

    un op-

    timisme bat

    peu

    soutenable l poque)

    nat aprs 1920,

    quand

    il devient juste

    ment

    difficile de croire

    aux

    vertus rvo

    lutionnaires

    du

    proltariat. La faillite de

    l espoir

    de

    1917,

    survenant aprs

    la d

    bandade de

    1914, incite c roire la n

    cessit d un stimulus conomique

    qui

    pousserait le proltariat cette rvolu

    tion qu il

    rencle

    tant

    faire.

    Aujourd hui

    la tentation est forte

    de

    reprendre

    1 ide d une crise finale

    en

    l tendant

    ou en

    la dplaant

    au

    niveau

    social : le capital

    tant

    cens

    ne

    plus

    pouvoir largir son rapport social,

    on

    irait vers le

    communisme

    ou

    un

    totali

    tarisme expos des catastrophes co

    logiques sans prcdent. Il faut pourtant

    rappeler

    que l

    crise

    du

    capitalisme,

    c est son incapacit intgrer sa contra

    diction fondamentale : les proltaires

    dont il vit. Les crises

    qu il

    connat et

    celle, trs grave, qu i l traverse

    en

    ce mo

    ment, ne deviennent

    fondamentales

    qu en

    cas

    d intervention

    communiste

    des proltaires. a crise fondamentale du

    capitalisme, c est l action proltarienne qui

    s attaque

    son fondement. Il

    n y

    a pas

    de

    crise sociale sans

    un minimum de

    crise

    conomique, qui cre

    un

    contexte favo

    rable

    en

    branlant les bases sociales,

    en

    rvlant les failles,

    en

    interdisant cer

    taines formes de domestication. Il

    n y

    a pas d galit garantie

    entre

    le niveau

    de gravit

    des

    difficults conomiques

    et celui

    de

    la capacit

    communiste

    des

    proltaires.

    Le

    communisme thorique n est pas

    la thorie

    de

    l effondrement

    du

    capita

    lisme, mais de l mancipation

    humaine

    laquelle le capital

    apporte

    malgr lui

    un

    nouvel lan. La thorisation des cri

    ses n a

    pas pour but de

    prophtiser la

    fin prochaine du capital, mais de lire

    dans ses soubresauts les conditions g

    nrales

    en vue de

    l tablissement

    d une

    production

    communautaire

    jMarx).

    a limite du capital n est ni conomique,

    ni naturelle, elle est humaine. Il

    n y

    a

    pas

    -de stade

    ~ p r m e

    du

    capitalisme. Engels

    se trompait dj

    en

    attribuant

    au

    char

    tisme des qualits radicales absentes,

    sous prtexte

    que

    les conditions de vie

    des ouvriers lui paraissaient trop affreu

    ses

    pour qu ils

    les

    supportent plus

    longtemps.

    Les

    hommes ne seront

    jamais

    confronts

    un

    capital

    dominant

    tout,

    et donc

    pur,

    suscitant contre lui un

    proltariat

    tout

    aussi

    pur

    et donc

    enfin radical. La tentation

    de

    rduire la

    vie sociale

    une

    mcanique surgit

    quand l action humaine semble faire d

    faut. Elle est aussi trompeuse

    que

    la ten

    tation inverse de nier le caractre objec

    tif des

    phnomnes

    historiques en

    misant sur

    une

    avant-garde

    ou une

    prise

    de

    conscience.

    Socialisme

    ou

    barbarie, apocalypse

    ou

    rvolution : affirmer

    une

    telle l t e r n ~

    tive, c est encore

    chercher une

    garantie

    de succs. En

    s affirmant que

    si le pro

    ltariat

    ne

    fait

    pas

    la rvolution, ce sera

    l enfer,

    on

    se

    masque toute

    possibilit

    d volution

    du

    capital

    et on

    pose,

    on

    se

    donne

    l exigence d agir

    tout

    de suite

    et

    radicalement. Cette alternative thori

    que

    dforme la ralit et impose

    dans

    la pratique l alternative

    entre une

    obli

    gation d agir proche du militantisme, et

    le dsespoir.

    5. quel monde refusons-nous?

    Le

    capitalisme est indissociablement,

    un monde de production matrielle pour

    la valorisation.

    On

    se dbarrassera de la

    valorisation

    en

    transformant la produc

    tion matrielle. Les grandes entreprises,

    les chanes, les normes concentrations

    d nergie, etc., s expliquent principale

    ment par

    le besoin

    d conomiser

    du

    temps. En crant d au tres relations nous

    pourrons

    les

    rendre

    inutiles.

    Et rciproquement, les dmanteler,

    saper les bases techniques

    d un

    colosse

    industriel

    qui

    crase sous lui les rela

    tions humaines, con tribuera et forcera

    l extension

    d autres

    rappor ts sociaux.

    Il

    n y

    a pas

    de

    dterminisme techni-

    que. Aucune production

    en

    srie n est,

    en

    soi,

    synonyme

    d exploitation. Pas

    .

    plus

    qu aucun

    type de nourriture

    ne

    ga

    rantit

    un

    style

    de

    vie convivial

    ou en

    harmonie avec

    ia

    nature. Le commu

    nisme

    n accorde pas

    la

    primaut

    la

    survie

    ou

    mme

    l

    quilibre

    jdfini

    par quel critre?

    par qui?) de

    l espce.

    Comment savoir si d un point de

    vue

    technique,

    l humanit de

    zombies

    dont

    rve le capital

    ne

    serait

    pas

    la

    plus

    quilibre et la plus apte survivre ?

    Le communisme ne se confond pas avec

    un eugnisme. Il

    n y

    a ni bonne ali

    mentation,

    ni bonne

    habitation, ni

    bonne technique en

    soi. Notre poin t

    de

    vue n est ni

    celui

    de

    la technique, ni

    celui de l thique, mais celui

    d une

    pas

    sion rationnelle.

    Ce chapitre est fort succinct.

    C est

  • 5/21/2018 La Banquise N3 - t 1984

    25/92

    qu il

    y a

    l

    matire dveloppements

    essentiels

    qui prendront

    place

    dans

    les

    textes

    venir

    ..

    6. le problme et sa solution

    sont dans l activit humaine

    Le capital vit

    de

    l activit des hom

    mes. Le besoin d agir, de sentir, de

    crer, de participer, tout ce qui fait la

    nature humaine et anime le mouve

    ment communiste, le capital a soif de

    tout cela ; il est cette soif

    et

    le dsert o

    il l gare. Voil sa contradiction.

    Il

    en

    rsulte que le capital, rduisant

    toute activit quelque peu crative au

    travail salari, joue sur l attrait de cette

    activit emprisonne dans le salariat.

    Une fraction non ngligeable des travail

    leurs est

    amene

    ne plus croire

    un travail et le saboter quand c est pos

    sible, et se trouve disponible

    pour

    l ac

    tion subversive. Mais une grande par

    tie des salaris jparfois les

    mmes)

    trouve

    d autant plus de satisfactions relatives

    dans le travail, et de raisons de le sup

    porter, qu i l reste dans le salariat une ac

    tivit offrant un semblant de commu

    naut. Pour beaucoup, dans une socit

    qui interdit toute aventure qui ne se soit

    pas loigne dans une reprsenta

    tion

    ,-la

    seule aventure, c est le travail.

    La faillite

    des

    idologies, les fissures de

    la coquille protectrice de la famille, la

    dconfiture

    de

    religion

    et de

    la politi

    que transformes

    en

    spectacle souvent

    moins stimulant que les spots publici

    taires, font

    de

    l entreprise l un des rares

    lieux collectifs

    o

    bien des gens ont le

    sentiment de faire quelque chose, de

    participer une activit commune.

    Le capital se sert

    du

    fait qu il subsiste

    quelque chose

    d humain, de

    gnri

    que dans le

    travaille

    plus dgrad. Il

    n aurait pas triomph depuis les annes

    20 sans ce

    mouvement o

    salariat et ac

    tivit

    humaine se nourrissent l un de

    l autre.

    Parvenu faire entrer les enfants

    l cole et les adult es dans l entreprise,

    le capital

    ne peut cependant intgrer la

    totalit de la vie humaine. Sa nature

    mme le lui interdit. Car le capital

    n achte pas le travail mais la force de

    travail : 1 ouvrier de la mettre en

    uvre.

    Le salari agit alors sous la

    contrainte

    du travail, mais c est

    tout

    de

    mme

    lui qui fait ce travail. Mme su

    bordonn rellement, le travail garde

    une relative autonomie. Le mme be

    soin

    humain

    essentiel pousse le bon

    salari accepter son travail en

    s y

    con

    formant, et le mauvais le subver

    tir, c est--dire la plupart

    du

    temps en

    l acceptant aussi en le rendant moins en

    nuyeux, voire ludique .

    L ouvrier du dbut du sicle pouvait

    saboter

    en

    conservant une fiert com

    pagnonnique. Aujourd hui, absentisme

    et sabotage peuvent devenir des soupa

    pes de sret supplmentaires. L absen

    tisme massif dans certaines socits

    permet un second mtier, au noir. Grce

    la perruque, l ouvrier hongrois peut

    complter son salaire et raliser l in

    trieur du cadre

    de

    travail l activit dont

    le travaille prive.

    La

    perruque, acte plus

    collectif qu individuel, prouve

    que

    la

    mise en miettes du travail n empche

    pas un vritable savoir ouvrier et

    un

    contrle plus grand

    qu on

    ne le croit sur

    les conditions de production. Elle atteste

    aussi une adhsion j .. )au modle ou

    vrier traditionnel, la vie d usine

    jD. Moth). L ouvrier se dmontre ainsi

    qu il

    est capable de fabriquer quelque

    chose

    par

    lui-mme, alors

    que

    le mor

    cellement de son travaille persuaderait

    qu il

    n est

    rien sans l tre collectif de

    l usine,

    en

    un

    mot

    sans la force autono

    mise qui les

    met en

    branle, ses cama

    rades et lui : le capital. Elle

    peut

    mme

    devenir un rite d initiation reconnu

    par

    la matrise.

    Dans une grosse entreprise comme

    la

    ntre, o

    il

    n y a qu un seul et unique syndi

    cat

    -

    la CGT la perruque, c est aussi

    le

    moyen trs individualiste

    de

    reprendre

    de l autonomie par rapport au dialogue

    sans

    fin

    des deux institutions :

    le

    pouvoir

    patronal

    t le

    pouvoir syndical.

    n

    ouvrier, cit dans

    Le Monde,

    16-17 novembre 1980.

    La

    perruque

    entrane

    une

    activit qui

    anticipe le communisme. Mais la cra

    tivit est elle-mme une condition

    du

    ca

    pitalisme, qui suppose l intervention ac-

    tive de l ouvrier, malgr et contre

    l organisation capitaliste .du travail,

    comme le montre Moth dans ses arti

    cles

    de

    Socialisme ou