L2S2 Molfessis Livre II

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Titre I : Les conditions de la responsabilitLa responsabilit obit un certain nombre de conditions et ces conditions diffrent suivant les types de responsabilit. Il existe en effet diffrents types de responsabilit : coexistent ainsi dans le Code civil une responsabilit pour faute (article 1382), une responsabilit du fait dautrui (article 1384), une responsabilit du fait des choses quoi se sont ajouts des rgimes et des rgles spciales de responsabilit et tout particulirement des rgles propres aux accidents de la circulation selon une loi de 1985, une responsabilit du fait des produits dfectueux selon une loi de 1998 (article 1386) et une responsabilit mdicale selon une loi du 4 mars 2002. Il existe donc diffrents types de responsabilit et il y a par consquent diffrentes conditions de mise en uvre de ces responsabilits. Il y a eu une spcialisation de la responsabilit en droit des contrats, lessor de rgimes spciaux rpondant des catastrophes ou des risques particuliers. Il existe des conditions qui sont toutefois communes { tous les types de responsabilit. Cest le cas de lexistence dun dommage et de lexistence dun lien de causalit entre le fait gnrateur et le dommage.

Sous-titre I : Les conditions communes tous les rgimes de responsabilitChapitre I : Le dommageLe dommage est une condition de toute responsabilit. Une personne peut avoir commis une faute considrable, si personne nen subit les consquences et sil nen rsulte aucun prjudice ou dommage, il ny aura pas matire { rparation. Tous les types de responsabilit requirent quun dommage ait t caus et quune personne en souffre. Il faut toutefois savoir comment une personne en souffre car de l va en rsulter la rparation quentrane la responsabilit. Les dommages sont multiples et extrmement divers, tout comme les victimes. On distingue dailleurs classiquement les victimes directes ou immdiates et les victimes par ricochet, cest--dire celles qui souffrent du dommage parce quil rebondit et les affecte. Si un accident est caus et entraine le dcs dun enfant, lenfant est la victime directe mais les parents qui souffrent de la mort de leur enfant sont des victimes par ricochet. Le droit admet lindemnisation des victimes par ricochet selon certaines conditions.

Section I : Le dommage rparableTous les dommages ne sont pas rparables : on sanctionne par exemple les actes de concurrence dloyale mais pas les actes de concurrence loyale ou on sanctionne encore les troubles anormaux de voisinage et non pas les troubles normaux. Il y a deux sries dexigences pour sanctionner : il faut que le dommage soit lgitime et quil soit certain.

1 : La lgitimit du dommageComment distingue-t-on la lgitimit de lillgitimit ? Le droit a une dfinition de la lgitimit du dommage et des hypothses dans lesquelles un dommage mrite en quelque sorte la rparation ainsi que des hypothses dans lesquelles ce nest pas le cas. Il y a au fond deux approches : in abstracto et in concreto.

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A - Approche in abstractoCest une approche sociale, cest--dire la vision que la socit se fait du dommage lgitime. Dans certaines hypothses, le droit et la jurisprudence considrent que le dommage invoqu ne doit pas tre rpar car il ne serait pas lgitime. Cette condition de lgitimit renvoie en premier lieu une exigence de procdure civile car pour agir en justice, il faut tmoigner dun intrt lgitime selon larticle 31 du Code de procdure civile mais cest galement une exigence de fond au-del{ dune exigence procdurale. 1er exemple : le prjudice de la concubine du fait du dommage survenu au concubin

Si le concubin se fait craser dans la rue, la concubine souffre dun dommage par ricochet. Dans un certain nombre dhypothses, { la suite du dommage direct survenu au concubin, la concubine a demand rparation du dommage survenu par ricochet. En 1937, la Cour de cassation a refus lindemnisation du prjudice subi par la concubine car elle ne tmoignait pas dun intrt ls juridiquement protg. La Cour de cassation dit quil nexistait pas un lien de droit entre les concubins qui justifie la rparation du prjudice souffert par la concubine. Une telle approche consistant prendre en considration le lien de droit pour admettre la lgitimit de lintrt ls revenait donc considrer que la relation de concubinage ne justifie pas que la concubine puisse agir. En 1937, cette jurisprudence traduit lapproche, en terme de murs, que peut avoir la Cour de cassation du concubinage. La situation de concubinage ne mrite pas dtre juridiquement protge. Cette jurisprudence va entrainer une opposition entre la chambre criminelle qui va tre favorable lindemnisation et la chambre civile car une question de responsabilit civile peut se retrouver devant la chambre criminelle car le juge pnal peut avoir t saisi par la partie civile de la question de responsabilit civile au cours du procs pnal. Entre 1937 et 1970, la mme question a t tranche par le juge pnal et par le juge civil. Toute question de droit civil peut tre tranche par le juge pnal si elle est souleve durant le procs pnal. Quant cette question, la chambre criminelle tait plus tolrante que la chambre civile. Larrt Dangereux du 27 fvrier 1970 de la chambre mixte de la Cour de cassation est revenu sur la dcision de 1937 en jugeant que larticle 1382 nexige pas lexistence dun lien de droit entre le dfunt et le demandeur en indemnisation. La concubine peut donc demander rparation : son intrt est lgitime. Cela traduit lvolution morale et sociale ainsi que lvolution des murs et { partir de 1974 elle ladmettra mme en cas de concubinage adultre. 2me exemple : le prjudice dit de naissance de lenfant handicap

La question souleve par larrt Perruche est bien une question de lgitimit du dommage. Il est vident que la simple naissance dun enfant (non handicap) nest pas un prjudice et la Cour de cassation, comme le Conseil dEtat, ont eu le dire : la naissance dun enfant, quand bien mme pas dsir, est un vnement heureux. Plus difficile est la naissance dun enfant handicap : la question sest pose { propos de larrt Perruche. Il sagissait de lhypothse dans laquelle { la suite dun diagnostic prnatal erron, la mre continue normalement sa grossesse mais donne naissance { un enfant handicap. Dans le cas de larrt Perruche, les mdecins navaient pas diagnostiqu la rubole et la mre a donn naissance { un enfant trs gravement handicap. Etant entendu que si elle avait su, au moment du diagnostic, lampleur des handicaps de lenfant, elle aurait avort. La question est alors de savoir sil est possible de demander rparation du fait de cette naissance. La question ne vise pas le prjudice subit par les parents que la Cour de cassation et la loi vont admettre : le dbat porte sur le prjudice subit par lenfant lui-mme, son handicap. Son handicap peut tre indemnis mais si la question est trs complexe, cest parce quadmettre lindemnisation du prjudice de lenfant handicap cest considrer que la mre aurait d pouvoir avorter et par consquent, que lenfant aurait d ne pas natre. Admettre la rparation du prjudice de lenfant revient donc { considrer selon certains que la naissance est un prjudice. La Cour de cassation a admis la rparation en assemble plnire du 17 novembre 2000,

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dans ce trs clbre arrt Perruche, elle a admis que lenfant avait le droit { rparation. La Cour de cassation voulait que lenfant puisse tre indemnis mais a provoqu une controverse. Le lgislateur est donc intervenu dans une loi du 4 mars 2002 pour contrer cette jurisprudence : Nul ne peut se prvaloir dun prjudice du seul fait de sa naissance . Lenfant handicap ne peut demander rparation au mdecin que si lacte fautif a provoqu directement le handicap, ce nest pas le cas dun diagnostic erron qui nest pas la cause du handicap ; cest la rubole qui en est la cause. Cette loi est applicable immdiatement, mme aux instances en cours et cette application immdiate aux instances en cours a soulev des problmes de conventionalit et de constitutionnalit telle enseigne quelle a t dclare contraire { la CEDH uniquement pour la question de lapplication dans le temps et que dans une QPC du 11 juin 2010, le Conseil constitutionnel, sil a admis la constitutionnalit sur le fond de la loi, a considr comme inconstitutionnelle son application immdiate aux instances en cours. Elle nest donc valable que pour lavenir mais subsiste bien pour cette hypothse. B - Apprciation in concreto Dans un certain nombre de cas, la situation de la victime pose des difficults du fait quelle soit dans une situation illicite. Cest le cas lorsquelle se trouve dans une situation irrgulire : le voyageur bless qui a fraud au pralable peut-il obtenir rparation de la SNCF ? Oui selon la Cour de cassation : Nemo auditur ne sapplique pas en matire dlictuelle. En revanche, la victime ne peut pas obtenir indemnisation pour la perte de rmunration si celles-ci sont illicites : la demande est illgitime.

2 : La certitude du dommagePour tre rparable, le dommage doit tre certain. On dit encore quun dommage incertain, hypothtique ou ventuel nest pas rparable mais cette condition de certitude du dommage pose un certain nombre de difficults. De plus en plus de situations dincertitude tendent { tre prises en considration : il y a une volution vidente du droit concernant la question de la certitude du dommage sous linfluence de la prise en compte croissante des risques.

A - Le risqueQuid de lindemnisation du risque de dommage ? Normalement, le risque de dommage nest pas le dommage lui-mme, il nest quventuel, hypothtique ou ventuellement venir. Pourtant, ne peut-on pas considrer que le risque est en lui-mme une forme de dommage ? Vivre sous une falaise qui risque de scrouler nest-il pas en soi une forme de dommage ? Lide de prvention et celle de prcaution peuvent contribuer { la prise en compte du risque. On voit se manifester une telle prise en compte dans plusieurs directions. Dabord, le juge des rfrs considre que le risque ou le danger imminent justifie les mesures durgence pour lviter. Ensuite, { travers une forme dobligation de prvention, on en vient sanctionner celui qui na pas pris les mesures appropries pour viter la ralisation dun risque. Enfin et surtout, la jurisprudence sanctionne dsormais le prjudice dangoisse qui est prcisment gnr par le risque et la crainte de sa ralisation. Dans la jurisprudence, le prjudice dangoisse est le prjudice des salaris exposs aux risques de lamiante : la Cour de cassation a accept leur indemnisation en parlant de prjudice spcifique danxit. De mme, elle a admis dans une srie darrts, la rparation du prjudice li la crainte ressentie par les patients qui se sont fait implanter des sondes cardiaques dficientes. Cest une manire de prendre en compte le risque de dommage car le dommage ne sest pas ralis mais le risque a provoqu une anxit bien relle qui nest pas hypothtique.

B - Le prjudice futurLe prjudice qui va potentiellement se raliser dans lavenir nest pas en soi indemnisable car sa certitude nest pas encore avre. La question sest pose la Cour de cassation en matire de sropositivit : des personnes contamines ont demand rparation non seulement pour la sropositivit mais galement pour la maladie du SIDA.

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Dans un arrt du 20 juillet 1993, la Cour de cassation a dit que la survenance du SIDA navait pas un caractre certain et se basait sur des analyses mdicales selon lesquelles la conversion ntait pas systmatique. Cette jurisprudence ne croyait pas quelle soit dfavorable { la victime car il y a une esprance en disant que la conversion nest pas automatique mais il va de soi que si le prjudice futur vient se raliser, il sera alors rparable et la victime pourra cette fois agir.

C - La perte dune chanceLa perte dune chance est la disparition actuelle et certaine dune ventualit favorable. La question se pose par exemple pour un bon tudiant qui a un accident avant lexamen lui empchant de le passer ou pour les courses hippiques pour lune desquelles durant le transport { lhippodrome, le cheval favori subit un accident et ne peut pas courir. On est alors dans une chance dfinitivement perdue : lvnement qui aurait permis cette chance de se raliser naura pas lieu et on ignore ce quil serait advenu. Pour la Cour de cassation, la perte dune chance est un prjudice certain. Ce quil serait advenu est parfaitement incertain et on lignore dfinitivement, on ne saura jamais par exemple si le cheval aurait gagn. Le fait que la chance ait t perdue est toutefois quant lui parfaitement avr : il est certain que la chance est perdue. Voil{ pourquoi la perte dune chance nest pas un prjudice hypothtique. Il faut effectuer un calcul rtrospectif et la Cour de cassation dit deux choses : La perte dune chance nest indemnisable que si la chance perdue tait srieuse : le juge va tudier si le cheval avait rcemment gagn beaucoup de courses notamment Lindemnisation ne peut tre de la totalit de la chance perdue : si les gains envisageables pour la course taient de 10 000 alors le juge ne peut pas donner cette somme mais seulement une quote-part

La perte dune chance fait de trs nombreuses applications en matire mdicale et cest trs logique dans les hypothses o on ignore si un patient aurait effectivement guri. Bien souvent, la notion de perte de chance est employe par le juge pour remdier { une incertitude sur lexistence mme dun lien de causalit entre la faute commise et le dommage : cest la marque dune instrumentalisation de la notion de perte de chance qui sert alors dans des situations de flou et dincertitude sur le lien de causalit. Cest lexemple dun anesthsiste parti trop tt dune salle dopration qui aurait priv le patient dune partie de la chance de ne pas mourir.

Section II : La diversit des dommagesIl y a classiquement trois types de dommages : matriel, corporel et moral. L encore, le droit positif le plus rcent montre une complexification de cette distinction tripartite.

1 : Le dommage matrielCest le dommage pcuniaire ou conomique qui peut tre li { la perte dun bien ou { sa destruction mais qui peut tre galement li la perte de revenus ou de gains : le lucrum cessans (perte de gains) est ainsi indemnisable. Le fait dtre priv de profits venir est en soi indemnisable et ce prjudice futur peut tre dmontr : les gains { venir sont sources dindemnisation et ne sont pas un dommage hypothtique.

2 : Le dommage corporel1re remarque : le dommage corporel est celui qui est souffert par la personne dans son intgrit corporelle (perte dun bras ou dun il par exemple) et son valuation est extrmement dlicate. Le dommage corporal fait lobjet de barmes qui permettent dharmoniser les indemnisations mais il est vident quil faut y ajouter des apprciations in concreto (jambes du footballeur ou doigts du pianiste).

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2me remarque : le dommage corporel provoque des dommages moraux qui lui sont rattachs : cest le cas du prjudice dagrment qui consiste { se voir priver des joies de lexistence (plaisir des loisirs ou du sport et angoisse). La question sest alors pos de savoir si la personne en tat de coma pouvait tre indemnise, savoir si elle ressent labsence de joies. La Cour de cassation a rpondu quelle pouvait tre indemnis dans tous les chefs de prjudice.

3 : Le dommage moralLe dommage moral est la souffrance ou la peine lie { la perte dun tre cher ou { ses propres souffrances. Ce dommage moral peut tre souffert directement ou par ricochet. Son indemnisation a trs longtemps provoqu des discussions et des conflits principalement pour les raisons suivantes : On a dit que ctait une manire de monnayer ses larmes On a dit que le prjudice moral ne pouvait en soi tre pleinement rpar car on ne fait pas revivre un tre disparu ni renatre la peine : largument nest pas justifi car la fonction de la responsabilit civile est aussi de compenser autant que possible et largent compense des plaies On a dit quil y avait une dominante de vengeance : cest un argument excessif car la compensation existe galement et cest un argument non pertinent car il y a toujours une part de vengeance plus ou moins forte dans laction en responsabilit On a aussi dit que le dommage moral serait impossible valuer car il est trs subjectif do le fait que sinstaurent plus ou moins des barmes qui objectivisent la rparation

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Sur le fond, la Cour de cassation a volu dans plusieurs directions : Elle a admis la rparation du dommage moral dans ses diverses composantes : atteinte lhonneur, atteinte { la rputation ou perte dun tre cher et mme perte dun animal

Lindemnisation pour la perte dun animal a t admise pour la perte dun cheval dans larrt Lunus de 1962. Ctait tonnant puisqu{ la mme date on nacceptait pas lindemnisation de la concubine pour la perte du concubin ! Elle a admis la transmission du dommage moral aux hritiers dans un arrt important de 1976 : le dommage moral dont souffre une personne se transmet ses hritiers

On en doutait en faisant valoir le fait que ce dommage est trs personnel de sorte quil ne devrait pas tre transmissible cause de mort. Le dommage moral est effectivement personnel mais la crance de rparation a une nature patrimoniale et se transmet aux hritiers comme tout lment du patrimoine. La transmission du dommage nen fait pas un dommage par ricochet : lhritier agit au nom du dfunt en continuation du dfunt comme sil tait la victime directe. Elle a admis que la victime par ricochet soit indemnise lorsque la victime immdiate nest pas dcde : la question sest pose pour un pre dont la fille tait gravement blesse qui pouvait encore agir aprs que sa fille ait t indemnise Elle a admis quil fallait une proximit avec la personne pour demander rparation en tant que victime par ricochet Elle a consacr un prjudice particulier au-del de ces trois types de dommages pour les victimes du SIDA appel le prjudice spcifique de contamination et qui englobe toutes les souffrances des victimes du SIDA

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On voit galement apparatre un nouveau type de prjudice : le prjudice environnemental qui dcoule de laffaire rika.

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Chapitre II : Le lien de causalitDans toutes les hypothses o la responsabilit est engage, il existe un lien de causalit ou le droit fait comme si il existait un lien de causalit entre le fait gnrateur de responsabilit et le dommage. Ce lien de causalit relie le fait gnrateur au dommage. 1re remarque : cette exigence traverse les diffrents rgimes : Pour la responsabilit du fait personnel : il faut un lien de causalit entre la faute et le prjudice Pour la responsabilit du fait des choses : mme exigence puisque le fait de la chose doit avoir entrainer le dommage Pour la responsabilit du fait dautrui : mme exigence

2me remarque : cette exigence qui traverse tous les rgimes va tre cependant apprcier diffremment selon les hypothses. Il y a mme des cas dans lesquels la jurisprudence pose des prsomptions de causalit en faveur de la victime lui permettant de se dispenser de prouver le lien de causalit ou bien facilitant son travail probatoire car il est souvent difficile de rapporter la preuve du lien causal entre le fait gnrateur et le dommage. Plus encore, dans certains cas, la jurisprudence admet lexistence dun lien de causalit fictif : cest la question de la causalit alternative. La question de la causalit devient de plus en plus complexe, spcialement en matire thrapeutique, mdicale ou dans le domaine de la responsabilit des mdicaments et des vaccins. Depuis plusieurs annes, la responsabilit du fait de produits de sant soulve des difficults de preuve du lien causal entre le produit de sant et le dommage dont se plaint la victime. On connat des affaires retentissantes qui en sont lillustration : Distilbne, hormones de croissance, vaccin contre lhpatite o lon sinterroge sur lexistence dun dfaut du produit mais aussi sur le point de savoir si le produit est { lorigine du dommage. La question est de savoir si les schmas classiques dapprciation de la causalit rpondent bien { ces situations nouvelles qui sont domines par lincertitude. Il y a au fond une question cruciale qui apparat avec ces dommages qui est celle du traitement de lincertitude par le droit et en guise de corollaire : la question de la place des probabilits dans le droit de la responsabilit.

Section I : Lapproche thoriqueDun point de vue thorique, la question est : partir de quand doit-on considrer quil existe un lien de causalit entre un vnement et un dommage ? Si la question se pose, cest parce que senchainent des vnements qui conduisent au dommage mais le fait quils conduisent au dommage expriment-ils le fait quils en soient la cause ? Cet enchainement des vnements soulve donc naturellement la question de savoir partir de quel moment, pour le droit, un vnement doit-il tre considr comme la cause du dommage. A quoi sajoute le point de savoir comment apprcier la rpartition entre diffrents vnements lorsque lon considre que plusieurs vnements sont { lorigine du dommage. La thorie de la causalit adquate considre quest causal lvnement de nature { entrainer le dommage, cest--dire lvnement qui aurait vocation { le causer { nouveau dans dautres circonstances. La thorie de lquivalence des conditions, beaucoup plus large et comprhensive, considre quest rput causal tout vnement sans lequel le dommage ne se serait pas produit. Dans une telle hypothse, il y a donc de multiples causes { lorigine dun dommage ds lors quun vnement en entraine un autre qui en entraine un autre

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Le droit positif retient la thorie de la causalit adquate. On comprend quil ne soit effectivement pas possible de retenir la thorie de lquivalence des conditions car elle conduirait { retenir une multitude dvnements en cause au risque dtre assez injuste car il y a un risque dapprciation bien trop large. A linverse, pour favoriser la victime, on conoit quon puisse verser vers la thorie de lquivalence des conditions. Le droit positif retient donc la thorie de la causalit adquate mais la jurisprudence peut jouer sur lapprciation de la causalit { des fins de politique juridique et notamment { des fins de protection des victimes. On la ainsi vu en matire de transfusion sanguine et de contamination par le virus du SIDA la suite de transfusions sanguines. Dans un arrt du 17 fvrier 1993, un conducteur est bless dans un accident de la circulation caus par un autre conducteur. A lhpital, la victime fait lobjet de transfusions sanguines { la suite desquelles il est contamin par le virus du SIDA car le sang transfus tait vici. La Cour de cassation a eut statuer sur le point de savoir si le conducteur fautif qui avait caus laccident devait tre considr comme tant galement { lorigine de la contamination par le virus du SIDA. La Cour de cassation a effectivement considr que la faute du conducteur est { lorigine du dommage. Cette thorie correspond { lquivalence des conditions car le fait de commettre une erreur de conduite nest pas de nature { causer une contamination par le virus du SIDA. Ce qui est de nature { causer la contamination, cest la transfusion de sang vici. Cest donc la Cour de cassation qui choisit elle-mme lapprciation de la causalit. Elle a ici une apprciation souple en faveur de la victime mais dans lhypothse o le conducteur est assur. Il y ainsi beaucoup de casuistique et dapprciation au cas par cas dans lapprciation de la causalit.

Section II : Laspect pratique1 : Les prdispositions de la victimeCest par exemple le problme des personnes qui ont peur et dcdent dune crise cardiaque lors dun accident de la circulation. Sont-elles dcdes { la cause de laccident ou { cause du fait quelles taient cardiaques ? La victime peut parfois prsenter des prdispositions pouvant conduire considrer que le dommage ne serait pas caus par lvnement litigieux mais par les particularits de la victime. Cest donc la question de la causalit qui se pose ici : comment fait la jurisprudence ? Le principe cest quil y a lieu de tenir compte pour dterminer limportance du prjudice conscutif { une infraction des atteintes physiologiques antrieures selon un arrt de la chambre criminelle du 10 fvrier 1976. Autrement dit, on tient en principe compte des prdispositions de la victime pour limiter ou exclure son droit rparation. Il y a toutefois deux exceptions : Le droit rparation de la victime ne saurait tre rduit en raison dune prdisposition pathologique lorsque cette prdisposition ne stait pas rvle antrieurement : autrement dit lorsquelle ne se rvle pour la premire fois qu{ loccasion de laccident litigieux donc on ne tient compte que des prdispositions antrieurement rvles Lorsque le dommage subi marque un changement de nature de laffection dont souffrait la victime : on ne peut pas lui opposer ses prdispositions et lauteur du dommage doit entirement le rparer (exemple du borgne qui perd son il o il y a changement de nature donc la Cour de cassation estime que son dommage doit tre entirement rpar)

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2 : Les dommages causs en groupeCest lexemple dun enfant tu par un groupe de chasseurs quils ont pris pour une bte : ce sont bien les chasseurs qui lont tu mais on se sait pas qui. Cest encore lexemple dune bande de jeunes qui vont casser dautres jeunes o chacun des membres de la bande a contribu { cette monte de violence et mme si on sait qui a tap, ils participaient tous { lescalade et taient tous l{ (arrt de 1997). Cest aussi lexemple de deux personnes qui jouent au tennis dont lun envoie une balle coupe renvoye dans lil dun spectateur qui ne pouvaient pas voir la direction de la balle avec leffet.

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Il y a donc une vision collective et il peut tre difficile dindividualiser la cause du dommage soit parce quon ignore qui en est rellement { lorigine (exemple des chasseurs) soit parce que lon peut considrer que cest lactivit en commun qui en est rellement la cause (exemple des jeunes et du tennis). On pourrait considrer que faute de preuve, il faudrait dbouter la victime (exemple des chasseurs) et quil serait logique dengager la responsabilit de tous (exemple des jeunes et du tennis). La jurisprudence a considr quil fallait prendre en considration laction collective du groupe dans un certain nombre dhypothses. Cest une hypothse philosophiquement intressante qui renvoie { lide archaque de la responsabilit du groupe. La Cour de cassation a donc admis par exemple la prise de compte de la garde en commun de la chose selon larticle 1384 du Code civil. Dans un certain nombre de cas, elle estime quune chose est garde par tous les membres dun groupe. La Cour de cassation a par exemple admis la garde en commun de la gerbe de plomb, cest--dire les diffrents plombs quutilisent les chasseurs. Chacun des chasseur est donc co-gardien et donc coresponsable. Elle la mme admis lorsquun seul plomb a touch la victime et a appliqu cette thorie de la garde en commun de la gerbe de plomb. En revanche, si le gardien est individualis, il ny a pas de thorie de la garde en commun.

3 : La causalit alternativeLexpression rencontre une difficult particulire dont a eu { connatre rcemment la jurisprudence. En matire de causalit, il sagit didentifier lvnement qui cause le dommage. Il y a des difficults pratiques qui peuvent y faire obstacle et le juge va devoir les surmonter ou bien, sil ny parvient pas, se rsoudre { juger que la preuve du lien causal nest pas rapporte. Dans certains cas, les circonstances vont laider dans son raisonnement. Par exemple, il peut se servir du fait quil ny a pas dautre cause envisageable pour retenir un vnement comme causal. Cest lexemple dun mur qui seffondre aprs que lon ait entendu plusieurs bruits dus au passage dun avion supersonique (arrt de 1971). Normalement, la concomitance nest pas la preuve de la cause mais la Cour de cassation dit quen labsence dautre cause possible, il faut bien admettre quun vnement peut tre causal. Le juge doit raisonner face { un certain nombre de difficults et sil ne parvient pas { sen sortir, il doit dbouter la victime lorsquelle a la charge de la preuve. Il peut par exemple prendre en compte labsence dautre cause possible. Quid lorsque lon sait que parmi plusieurs vnements, lun dentre eux est ncessairement causal mais on ignore lequel ? Ou bien lorsquon ignore qui est responsable. Cette question sest pose en matire de Distilbne, mdicament destin viter des fausses couches, que des femmes enceintes ont consomm et dont il sest rvl quil causait des cancers aux filles des femmes ayant t traites au Distilbne. Dans larrt du 24 septembre 2009, on ignore le laboratoire dont le mdicament a t ingr : cest le problme de la causalit alternative. Logiquement, la victime devrait tre dboute, faute de preuves mais pour se sortir de la difficult, la Cour de cassation a considr quil appartient { chacun des laboratoires distributeurs du produit de prouver que son produit ntait pas { lorigine du dommage. Il sont donc co-dbiteurs tenus in solidum et cest { eux de prouver que ce nest pas leur produit et quils ne sont pas responsables. La Cour de cassation a ritr le raisonnement le 17 juin 2010 o plusieurs transfusions avaient t ralises dans deux cliniques, une contamination provenant dune des transfusions mais laquelle des cliniques est tenue ? La Cour de cassation a dit que ctait aux cliniques de prouver quelles ntaient pas { lorigine du dommage. La causalit alternative est une innovation jurisprudentielle remarquable.

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Sous-titre II : Les rgles propres aux diffrents rgimes de responsabilitChapitre I : La responsabilit du fait personnelCest la responsabilit vise aux articles 1382 et 1383 du Code civil, cest la responsabilit de droit commun cause par suite dune faute. Les dlits qui relvent de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse ne relvent pas de larticle 1382, il nest donc pas applicable en cas de diffamation ou dinjure. Lorsquon se trouve dans le cadre de larticle 1382, quelles sont les conditions dapprciation de lexigence dune faute au sens de larticle 1382 ou 1383 ?

Section I : Lexistence dune faute1 : La notion de fauteQuest-ce quune faute au sens juridique et plus prcisment en matire civile ? La faute civile ne sapprcie pas comme la faute pnale. Pour quil y ait une faute, il y a trois lments constitutifs dont limportance varie selon les hypothses.

A - Llment lgalEn matire pnale, la faute ou linfraction, se caractrise par le fait que lon viole directement ou indirectement la loi comme le veut le principe de lgalit des dlits et des peines. En matire civile, lapprciation de llment lgal est beaucoup plus souple ; la faute peut tre la violation dune loi et donc dune obligation lgale mais aussi la violation dune obligation rglementaire ou encore la violation de rgles dontologiques. Lapprciation de la faute est beaucoup plus large en matire civile : on voit bien dailleurs quil peut y avoir un entrecroisement des rgles, des systmes ou des ordres et y avoir ainsi correspondance entre la violation dune rgle professionnelle et lexistence dune faute civile. Quid en matire sportive ? Certaines activits conduisent { modifier lapprciation de la faute, cest par exemple le cas du rugby ou encore du rock acrobatique. Les rgles du sport influent sur lapprciation du comportement et interfrent avec lapprciation dune faute ; telle enseigne que la jurisprudence considre que pour quil y ait faute civile, il faut quil y ait violation des rgles du jeu. Le respect des rgles du jeu est en quelque sorte exonratoire, il limine la faute civile. Il y a interfrence de deux systmes normatifs : les rgles du jeu et les rgles du droit.

B - Llment matrielLlment matriel vise le comportement rprhensible, lextriorisation de la faute. Toute faute stigmatise un comportement et ce comportement peut consister aussi bien en une action quen une abstention. Il est vident que toute faute constitue un acte asocial qui renvoie { la manire dont lindividu a agit ou pas.

C - Llment moralLlment moral renvoie { la conscience que lindividu a de commettre une faute mais plus largement, il renvoie { la conscience que lindividu a de ses propres actes. Quand on parle de llment moral de la faute, on parle non pas de lintention de nuire { autrui, qui est plus cible, mais de la conscience de ses actes. Cet lment est extrmement important car il renvoie { lide dimputation dun acte { une personne. On comprend trs bien quune personne prive de conscience ou de raison ne mesure pas la porte de ses actes. Peut-on alors lui imputer et lui faire reproche de son comportement ?

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Cette question difficile renvoie sur le terrain de la responsabilit civile au point de savoir si on peut tre civilement responsable dun agissement dont on ne mesure pas la porte. Cette question est plus large que celle de lintention de nuire ; la question de limputation dpasse trs largement la question de lintention de nuire. Sur le terrain de larticle 1382, cette question est extrmement complique : peut-on condamner quelquun qui naurait pas la conscience de ses actes ? Cela renvoie par exemple un trs jeune enfant qui na pas conscience de ce quil fait et des risques quil prend ou entraine ou au problme des fous : peuventils tre civilement responsables ? Sur le terrain conceptuel, la question est la suivante : la faute peut-elle exister sans llment moral ? Cela conduirait { retenir une approche objective de la notion de faute, objective parce quexpurge de la conscience du sujet et de llment moral subjectif. Si on admettait une responsabilit civile sans lment moral, serait-on en prsence dune responsabilit sans faute ? Autrement dit : faut-il penser que toute faute suppose la conscience de ses actes par son auteur de telle sorte que si lon tient pour responsable une personne prive de raison, cest que lon retient une responsabilit sans faute. Peut-on admettre la responsabilit pour faute sans conscience ? Cela consacrerait une approche objective de la faute. Y a-t-il encore une faute possible sans conscience ? Cest la conception mme de la faute qui est en cause ici. Une partie de la doctrine considre que llment moral est de lessence de la faute tandis quune autre partie de la doctrine considre quil y a en ralit deux composantes dans la faute : lacte asocial contraire de la vie en socit et llment subjectif qui renvoie { la conscience de cet acte asocial. Cette partie de la doctrine considre donc quil peut y avoir une faute sans conscience et quon est alors en prsence dune faute apprcie purement objectivement. On ne peut pas trancher, cest une question de conception. Deux questions ont agit la jurisprudence et marque une objectivation de la responsabilit. Le juge se dfait progressivement de llment moral comme en tmoigne deux sries de solutions. 1 - La responsabilit de linfans Linfans est le jeune mineur denviron 3, 4 ou 5 ans qui, contrairement { un adolescent de 15 ans, na pas de conscience. Pendant longtemps, la jurisprudence a considr que le trs jeune enfant, parce quil est priv de discernement, ne peut pas tre responsable pour faute sur le fondement de larticle 1382. Ctait l une approche subjective de la responsabilit. La jurisprudence a volu avec une srie darrts de lassemble plnire du 9 mai 1984 : arrt Gabillet, arrt Lemaire et arrt Derghini. Une petite fille de 5 ans avait t tenue responsable pour faute. Mais eston encore en prsence dune faute lorsquun acte est commis par un enfant de 5 ans qui na pas conscience du danger ? Cette objectivation de la responsabilit a pu tre explique par lide dassurance avec lide que lenfant est couvert par la responsabilit civile, que ses parents contractent pour lui de telle sorte que in fine, le poids de la responsabilit pse sur lassurance et non sur lenfant lui-mme. Lassurance de la responsabilit serait la raison de cette objectivation de la responsabilit et de la faute. Il reste que cette justification nemporte pas pleinement la conviction, dabord parce que prcisment, si lassurance de responsabilit est trs largement gnralise, elle nest prcisment pas obligatoire de sorte quil y a des hypothses dans lesquelles concrtement, ce nest pas lassurance qui va assumer le poids de la responsabilit. On verra des arrts dans lesquels ce nest pas lassurance qui assumera. Il ny a pas non plus quun poids financier dans une condamnation pour responsabilit et la condamnation dun enfant de 5 ans au terme dun procs qui peut tre long nest sans doute pas neutre et sans effet sur lui. On comprend toutefois que la solution est favorable la victime elle-mme qui trouve ici un dbiteur responsable. 2 - La responsabilit du dment Il y a nombre de personnes, majeur ou mineur, qui sont considrs comme dments. Peuvent-ils commettre une faute et tre tenu responsable sur le fondement de larticle 1382 du Code civil ? La question est tranche sur le plan pnal. En matire civile, la jurisprudence a volu.

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Dans un premier temps, la jurisprudence considrait que le fou ne pouvait pas commettre de faute, ctait lapproche subjective mais cette solution tait dfavorable la victime alors prive de dbiteur. La jurisprudence la limitait donc notamment en exigeant que le trouble mental ait t avr au moment mme de lacte car on sait trs bien que des personnes incapables prives de raison ont toutefois des clairs de conscience. La jurisprudence exigeait donc quau moment de lacte, la dmence soit avre et prcise dans les cas de demi folie ; ainsi elle limitait in concreto la responsabilit. Dans un deuxime temps, cest le lgislateur lui-mme qui est venu rgler la question { larticle 489-2 du Code civil visant les majeurs protgs. Elle voquait le fait que la personne prive de raison tait oblige rparation : Celui qui a caus un dommage { autrui alors quil tait sous lempire dun trouble mental nen est pas moins oblig { rparation. qui est dsormais { larticle 414-3 du Code civil. Il nest pas crit quil y a une faute ou quil est responsable, il est crit quil est tenu { rparation : il sagit donc dune approche objective. Ces termes l{ montrent la pertinence mme du dbat sur lapproche objective et subjective de la responsabilit. Toujours est-il quaujourdhui, le majeur dment peut tre tenu de rparer le dommage quil a caus.

2 : Les types de fauteA - Faute intentionnelle et faute non intentionnelleLa faute intentionnelle est la faute commise avec lintention de causer le dommage. Cest autre chose que la conscience de ses actes ! Il y a galement de nombreuses hypothses dans lesquelles une personne cause un dommage sans intention parce quelle est ngligente ou imprudente. Larticle 1382 du Code civil vise normalement la faute intentionnelle dlictuelle tandis que larticle 1383 vise la faute non intentionnelle quasi dlictuelle. En ralit, la jurisprudence nopre mme pas cette distinction : la faute civile ne requiert pas un lment intentionnel. Larrt du 2 avril 1997 dit que lapplication de 1382 nexige pas lexistence dune intention de nuire. La faute civile peut donc tre aussi bien intentionnelle que non intentionnelle, cest une diffrence fondamentale avec la matire pnale. Il reste que lorsque la faute est commise intentionnellement avec lintention de commettre le dommage, lassurance de responsabilit ne saurait logiquement couvrir une telle faute ; on dit encore que la faute intentionnelle nest pas assurable. Il existe donc un effet trs substantiel pour lauteur de la faute ds lors que le poids de la rparation ne pourra pas tre assur par son assurance.

B - Faute dabstention et de commissionCest une question philosophiquement intressante : peut-on tre responsable de ses abstentions ? Il y a cependant plusieurs types dabstention. Dans lexemple du conducteur, quelle diffrence y a-t-il rellement entre celui qui acclre et rentre dans une voiture et celui qui ne freine pas et rentre dans la mme voiture ? Le premier agit et le second sabstient : cet exemple montre que labstention dans laction est une forme daction. On comprend donc trs bien que la faute de larticle 1382 puisse consister en une faute dabstention. Il reste que dans certains cas, il est difficile de stigmatiser le caractre fautif dune abstention. Tout particulirement lorsque cette abstention semble relever de lexpression la plus lmentaire pour lindividu de sa libert. Cest la question pose par un trs clbre litige, larrt Branly du 27 fvrier 1951. Il sagissait en lespce dun scientifique appel Turpin qui faisait un historique de la TSF dans lequel il expliquait qui avait jou un rle dans linvention de la TSF et il se citait parmi tous les savants. Antrieurement, il avait eu des controverses avec un autre scientifique, Edouard Branly, dont il avait contest les travaux. Dans cet historique, Turpin se contentait de ne pas citer Branly. Actuellement dcd, Branly a t reprsent par ses hritiers qui agissaient pour faute contre Turpin.

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Cet arrt est intressant plusieurs titres : 1er apport : il qualifie Turpin dhistorien parce quil faisait fonction dhistorien et cela suffit pour le qualifier selon la Cour de cassation 2me apport : lhistorien a des devoirs tel qutre prudent, avis et conscient du devoir dobjectivit qui lui incombe or en lespce il a manqu { lobjectivit puisquil na mme pas cit Branly 3me apport : attendu de principe selon lequel la faute de 1382 et 1383 peut consister aussi bien dans une abstention que dans un acte positif et que labstention, mme non dicte par la malice et lintention de nuire, engage la responsabilit de son auteur lorsque le fait omis devait tre accompli en vertu dune obligation lgale, rglementaire ou conventionnelle mais aussi dans lordre professionnel

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Cet arrt est trs important parce quil fait pntrer le juge dans lapprciation du travail dhistorien et on a pourtant tendance { dire que le juge ne peut pas juger lHistoire. Il ne juge pas lHistoire ici mais la mthodologie de lhistorien : sa prudence, son caractre avis ou son objectivit mais il est vrai que la frontire est mince et que juger la mthode a videmment des effets sur lapprciation porte sur le fond lui-mme. On a dbattu mais ce nest pas au juge de dire ce quil faut crire dans un article dHistoire : or il ne le dit pas, il dit quil faut tre objectif. En regardant toutefois le travail de lhistorien, le juge regarde un peu ce qui est crit. Cest la mme dmarche sur le terrain du rvisionnisme qui conteste lexistence des chambres gaz ; cette jurisprudence comparable conduit les tribunaux condamner les historiens ngationnistes. Saffronte { cela la libert dexpression : certains revendiquent la libert de lhistorien de sexprimer comme il lentend et jusqu{ pouvoir dire et nier ce que tous considreraient comme une ralit. Cette jurisprudence Branly fixe prcisment des limites la libert dexpression et aux contestations diverses et varies des historiens. Pour nous, ce quil faut galement retenir, cest que cet arrt vient assimiler la faute dabstention la faute daction mais selon larrt, cette abstention est une abstention dans laction puisquelle est fautive du fait quil y avait une obligation dagir. Par consquent, labstention dite pure et simple, labstention qui nest pas dans laction ne saurait logiquement tre fautive et entrainer la responsabilit de son auteur. Il en ira toutefois autrement toutes les fois quil y a une obligation dagir. On le voit mme sur le terrain du droit pnal avec lomission de porter secours : faute dabstention.

C - Faute dans lexercice dun droit et faute en violation dun droitLa question pose ici est celle de labus de droit : peut-on commettre une faute dans lexercice mme dun droit ? Peut-on abuser dun droit subjectif ? Planiol contestait labus de droit en disant : Le droit cesse l o labus commence donc selon lui on est dans son droit donc il ny a pas de faute ou il y a une faute donc on est hors de son droit. Ca nest pas lapproche retenue par la jurisprudence qui a considr que les droits pouvaient tre relatifs, non absolus et non discrtionnaires et quon pouvait en abuser : ctait le cas dans larrt Clment Bayard du 3 aot 1915. Dans cet arrt, le voisin dun collectionneur de dirigeables avait rig de grands pics acrs sur son terrain afin de gner latterrissage des dirigeables. La Cour de cassation avait affirm quil y avait un abus de droit car la construction des pics avaient pour intention de nuire : cette thorie de labus de droit provient de cet arrt. Cette jurisprudence est intressante car il existe une distinction entre les droits relatifs susceptibles dabus et ceux qui sont insusceptibles dabus parce que discrtionnaires. Les droits discrtionnaires sont par exception ceux dont on ne peut pas abuser, le droit pour les parents dautoriser le mariage de lenfant mineur par exemple ou le droit dagir ou de se dfendre contre un empitement et de rclamer la dmolition.

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Le droit de proprit, le droit de grve ou le droit dagir en justice sont en revanche susceptibles dabus. Cette conception relativiste du droit vient dune approche sociale dveloppe la fin du 19me sicle notamment sous linfluence de Josserand qui estimait que les droits ont une fonction sociale et que leur usage, hors de cette fonction sociale, nest pas lgitime. Cela renvoie une deuxime srie de questions : quel est le critre de labus de droit ? Il y a deux approches : Lapproche purement objective consiste { penser que labus de droit rside dans le dtournement de la fonction sociale du droit Lapproche subjective consiste { dire que labus de droit suppose en outre en plus une intention de nuire de la part de son auteur

La jurisprudence rclame souvent lintention de nuire, cest le cas dans laffaire Clment Bayard mais a nest pas toujours le cas. Il y a une approche subjective ou objective selon les cas.

Section II : Les faits justificatifsLes faits justificatifs renvoient aux hypothses dans lesquelles les circonstances conduisent ce que le comportement qui logiquement devrait tre considrs comme fautifs ne le soient pas. Dans un certain nombre dhypothses tout { fait drogatoires, la responsabilit ne sera donc pas engage parce quun fait justifiera le comportement. 1re hypothse : la personne se trouve tenue dagir, cela renvoie { lordre de la loi et au commandement dagir en droit pnal. Ce comportement, normalement considr comme fautif, ne lest plus puisque lindividu obit { lautorit. Sur le terrain civil, sa responsabilit ne serait davantage engage mais il nen va ainsi que si cet ordre est lgal, conforme la loi et donn en vertu de la loi. 2m hypothse : ltat de ncessit qui renvoie { lhypothse dans laquelle il est ncessaire de commettre le dommage pour viter un mal plus grand. Ltat de ncessit peut justifier le fait dommageable dans certaines hypothses. 3me hypothse : lacceptation des risques dans laquelle une personne se place dans une situation de dangerosit telle que le comportement dommageable va se trouver justifi Larrt du 24 janvier 1964 nonce que lacceptation dun risque par la victime ne peut tre invoqu par lauteur du dommage que si ce risque est tel que son acceptation constitue une faute. En ralit, la jurisprudence postrieure va tre plus souple et considr que lacceptation du risque lve le seuil de la faute : cest--dire que dans une situation de risque, on ne peut se plaindre que plus difficilement du comportement dommageable dautrui. Tous les sports dangereux induisent de la part de ceux qui sy adonnent une forme dacceptation des risques de sorte qu{ suivre ce raisonnement, seul le risque anormal devrait tre rpar. La jurisprudence est toutefois fluctuante et que cest au cas par cas quelle oppose lacceptation des risques { la victime. Quand elle loppose, elle nindemnise effectivement que le risque anormal mais dans nombre de cas, elle refuse de considrer quil y a acceptation des risques. Le golf ou le cyclisme ne sont pas des activits { risque selon la Cour de cassation.

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Chapitre II : La responsabilit du fait des choses1re remarque : la responsabilit du fait des choses suppose quune chose soit { lorigine du dommage, elle repose sur le fait dune chose l{ o larticle 1382 repose sur le fait personnel. Pour quil ny ait pas de confusion, il est bien vident que dans le fait personnel de larticle 1382, il peut y avoir lintervention dune chose, et que dans la responsabilit du fait des choses, il y a des personnes. La diffrence tient donc au fait que dans la responsabilit du fait personnel, on va rechercher la faute de lindividu tandis que dans la responsabilit du fait des choses, on recherche le fait de la chose pour rendre responsable son gardien. 2me remarque : cette responsabilit du fait des choses a connu une volution considrable et exceptionnelle partir de la fin du 19 me sicle. Jusque l, il y avait deux petits articles dans le Code civil (1385 et 1386) sur la responsabilit du fait des animaux et la responsabilit du fait des btiments en ruines. Il sagissait dhypothses trs spcifiques do la jurisprudence va consacrer un principe gnral de responsabilit du fait des choses { partir de larticle 1384, alina 1 er, du Code civil, qui est la meilleure illustration du rle crateur de droit de la jurisprudence. Larticle 1384, alina 1er, qui constituera, la fin du 19me sicle, le fondement dune responsabilit gnrale du fait des choses, va devenir un sicle plus tard le fondement dun principe gnral de responsabilit du fait dautrui.

Section I : Les hypothses spciales1 : La responsabilit du fait des btiments en ruinesLe Code civil dispose { larticle 1386 que le propritaire dun btiment est responsable du dommage caus par sa ruine lorsquelle est arrive par une suite du dfaut dentretien ou par le vice de sa construction. Cet article 1386 prsente plusieurs particularits puisque cette responsabilit pse exclusivement sur le propritaire du bien et non pas sur le gardien. Il faut quil soit propritaire dun btiment qui soit en ruines et que cette ruine soit la suite dun dfaut dentretien ou dun vice de la construction : Il y a donc une espce de chane causale puisque le dommage est caus par la ruine, lui-mme caus par de dfaut dentretien ou le vice de construction. Dans son interprtation de la notion de btiment, la jurisprudence a volu en donnant dabord une interprtation trs large en un temps o elle navait pas dcouvert la responsabilit gnrale du fait des choses donc elle toffait les responsabilits spciales et un arbre tait par exemple considr comme un btiment. Elle est ensuite revenue { une interprtation plus stricte et une palissade nest pas un btiment par exemple. Il faut une ruine, cest--dire que le fait que le btiment se dlite par lensemble de sa construction ou quil vacille en quelque sorte. Le fait quun systme de portes ne fonctionne pas nest par exemple pas la ruine dun btiment : la dtrioration doit tre avance. Cette ruine doit venir dun dfaut dentretien ou dun vice de la construction donc ne relve pas du texte la ruine qui vient dun lment naturel (boulement) ou dune guerre (bombardement). La victime devra prouver que les conditions dapplication de larticle sont runies. Si tel est le cas, la particularit de larticle 1386 est quil pose une prsomption de responsabilit, cela signifie que le propritaire est responsable de plein droit et quil ne peut pas sexonrer par la preuve de son absence de faute. Lorsquon parle de prsomption de responsabilit et de responsabilit de plein droit, cela signifie que le responsable ne peut pas sexonrer en prouvant quil na pas commis de faute. Son absence de faute est donc indiffrente et ne lexonrera pas. On est en prsence dune responsabilit objective dtache de lide de faute : on nest pas l{ pour punir un fautif en lui reprochant son comportement. En revanche, larticle 1386 dsigne le dbiteur dans le cas o le dommage est caus par un btiment en ruines : cest le propritaire. Il faut concevoir cela comme une forme de charge de sa proprit et non pas comme un reproche.

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Larticle 1386 prvoit une responsabilit autonome : lorsque les conditions de larticle 1386 sont runies et que lon se trouve dans le cadre de larticle 1386, cest cette disposition qui sapplique et qui ne peut pas se cumuler avec larticle 1384, alina 1er, cest--dire avec la responsabilit gnrale du fait des choses. Larticle 1386 a un caractre exclusif. En revanche, lorsquon se trouve hors de son domaine, si lon agit { lencontre du gardien par exemple (locataire), on pourra retrouver le fondement gnral de larticle 1384, alina 1 er.

2 : La responsabilit du fait des animaux1re remarque : larticle 1385 dispose que le propritaire dun animal ou celui qui sen sert pendant quil est { son usage est responsable du dommage que lanimal a caus soit que lanimal fut sous sa garde soit quil fut gar ou chapp. Cet article vise cette fois soit le propritaire soit celui qui se sert de lanimal donc cette responsabilit ne pse pas exclusivement sur le propritaire : il peut y avoir un transfert de la garde de lanimal. Larticle 1385 suppose un animal appropriable et appropri, le gibier est par exemple exclu tandis que les abeilles sont inclues. 2me remarque : il faut que lanimal cause le dommage. Cela ne requiert pas ncessairement le contact entre lanimal et la victime et larticle sest ainsi appliqu dans le cas dune vache furieuse qui avait fait peur { une personne ayant alors saut un foss et stait blesse. Labsence de faute na donc aucune incidence et il faudra prouver le cas de force majeure, le fait dun tiers ou la faute de la victime pour que le propritaire ou le gardien puisse tre exonr. Cet article est important du fait de la multiplication des chiens dangereux.

Section II : Le principe gnral de responsabilitLarticle 1384, alina 1er, a connu une volution considrable qui permet de comprendre aujourdhui quelles sont les conditions de son application et la mise en uvre du principe gnral de responsabilit.

1 : Lvolution de larticle 1384 alina 1erLarticle 1384, alina 1er, dispose que lon est responsable non seulement du dommage que lon cause par son propre fait mais encore de celui qui est caus par le fait des personnes dont on doit rpondre ou des choses que lon a sous sa garde. Il sagit dune simple phrase de transition : les rdacteurs du Code civil ont ici fait une transition entre les articles 1382 et 1383 dune part et les articles { suivre dautre part. Par consquent, dans lesprit des rdacteurs du Code civil, cet article na aucune porte normative. Il ne pose pas une norme puisquil se contente de faire le lien entre les dispositions du droit de la responsabilit. A partir de la fin du 19me sicle, ce petit membre de phrase va devenir le fondement dun principe gnral de responsabilit.

A - Jusqu larrt Teffaine du 16 juin 1896Jusqu{ cet arrt, la jurisprudence applique exclusivement les articles 1385 et 1386 mais ds la fin du 19me sicle, le besoin dlargir la responsabilit du fait des choses se fait sentir notamment { cause de la multiplication des dommages anonymes. Deux auteurs, Josserand et Saleilles, vont proposer une interprtation renouvele de larticle 1384, alina 1er, visant { transformer ce membre de phrase qui ntait quune phrase de transition en une disposition normative posant un principe gnral de responsabilit du fait des choses. Ces deux auteurs disent que la responsabilit ne doit plus reposer sur la faute mais sur le risque, cest--dire le risque de lactivit ou du profit tir de lactivit. Ils disent quil faut changer de paradigme et dvelopper une responsabilit dtache de lide de faute qui ne repose plus sur la faute de lindividu responsable mais sur lide de risque. Cela signifie quil consiste { aller dsigner comme responsable celui qui cre le risque { lorigine du dommage ou celui qui en tire profit. Puisquil sagit dune responsabilit dgage dune ide de faute, il sagit dune responsabilit objective.

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Jusqu{ larrt Teffaine, la jurisprudence continue { appliquer les rgles du Code civil { la lettre en sen tenant exclusivement aux articles 1385 et 1386 mais on voit bien que le besoin de les dpasser se fait sentir { telle enseigne que la jurisprudence retient une interprtation trs large de larticle 1386 puisquelle va mme jusqu{ considrer quun arbre est un btiment. Larrt Teffaine va consacrer la lecture de larticle 1384, alina 1er, consistant { y voir lnonc dune responsabilit gnrale du fait des choses. Il est indiqu dans lalina 1er quon est responsable du fait des choses que lon a sous sa garde : la jurisprudence va considrer que ce membre de phrase quivaut { lnonc dune responsabilit gnrale du fait des choses pesant sur le gardien de la chose. Dans larrt Teffaine est en cause lexplosion dun tube dune chaudire dun remorqueur qui va donner lieu { larticle 1384, alina 1er.

B - De larrt Teffaine larrt Jandheur du 13 fvrier 19301re tape : un arrt de 1897 est venu, dans une hypothse dexplosion de chaudire, limiter la porte de la prsomption de larticle 1384, alina 1er, et a prcisment dit que ctait une prsomption de faute. Cela signifie quon pouvait sexonrer par la preuve de labsence de faute : cela limitait lintrt de la prsomption de larticle 1384, alina 1er et son apport au regard de larticle 1382. Le seul intrt tait quon pouvait renverser la charge de la preuve. Si le gardien prouve quil na pas commis de faute : il sexonre. On allge donc la charge probatoire de la victime puisquelle passe sur le gardien. Au fond, lapport au regard de 1382 est trs limit mais on retourne { la faute. Ce ne sont pas les ides de Saleilles et Josserand qui voulaient sabstraire de lide de faute. 2me tape : la loi du 9 avril 1898 sur les accidents du travail va sortir la majeure partie du contentieux du droit commun pour le mettre sous les auspices de cette loi. Ds 1898, on va sortir ces accidents du travail du droit commun donc ils ne relvent plus aujourdhui encore de larticle 1384, alina 1 er, mais il reste toutes les choses qui sont sous son emprise. 3me tape : dans un arrt du 15 mars 1921 appel Gare maritime de Bordeaux o il y a un incendie dans la gare maritime de Bordeaux qui se propage { cause de fts et de barils et qui donne lieu { ce que lon appelle la communication dincendie. Les assureurs vont peser de tout leur poids pour quil y ait une loi spciale qui va intervenir le 7 novembre 1922 : un alina 2 et un alina 3 sont donc insrs { larticle 1384. En cas de communication dincendie, la responsabilit est une responsabilit pour faute et cette loi a un intrt en ce que le lgislateur, en crivant cela et en faisant une exception, reconnat implicitement le principe qui existe { lalina 1er. 4me tape : larrt Jandheur du 13 fvrier 1930 est probablement larrt le plus important du droit de la responsabilit. La petite Lise Jandheur va se faire craser par le camion dune socit et comme il ny avait pas encore { lpoque de loi sur les accidents de la circulation, on va sattacher { lapplication de larticle 1384, alina 1er. Cet arrt va permettre de rgler les difficults que soulve encore cet article car il y a lpoque un dbat trs riche entre les partisans de Josserand et Saleilles et les partisans de la faute. Dans ce combat des ides, il va y avoir deux sries darguments qui visent { limiter la responsabilit du fait des choses de lalina 1er de larticle 1384. 1re voie daction pour limiter le domaine de cet article : voil pourquoi nombre de propositions visent limiter lapplicabilit de larticle 1384, alina 1 er, certaines choses seulement. Par exemple, on va proposer une distinction entre les choses actionnes par la main de lhomme et les autres. On va dire que lorsque la chose est actionne par la main de lhomme (raquette de tennis), il faudrait retourner { larticle 1382 car lide est que derrire la chose, il y a bien lhomme qui lactionne tandis que quand la chose nest pas actionne par la main de lhomme, on pourrait appliquer larticle 1384, alina 1er. Cest une distinction absurde parce que derrire toute chose il y a lhomme, quil actionne ou non la chose et incohrente parce que cela voudrait dire que lorsque la chose est actionne par la main de lhomme, on retournerait { larticle 1382 donc la victime serait moins bien place puisquil faudrait quelle prouve la chose : elle serait moins protge l o elle en a le plus besoin.

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On a galement propos de distinguer : Les choses inertes et les choses en mouvement en ce que les choses inertes ne relveraient pas de larticle 1384, alina 1er Les choses vicies et les choses non vicies en disant que larticle 1384, alina 1 er, ne pourrait sappliquer quaux choses vicies : le raisonnement rintroduit lide de faute car si la chose est vicie cest quon laurait mal fabrique ou entretenue mais cette distinction est prive de pertinence Les choses dotes dun dynamisme propre et les autres : sil y a responsabilit du fait des choses cest parce que les choses sont dotes dun dynamisme propre Les choses dangereuses des choses non dangereuses : distinction incohrente puisque sil y a un dommage cest parce que la chose est dangereuse Les choses mobilires et les choses immobilires sous prtexte quil y aurait un article pour les choses immobilires (article 1386) : pas juste puisque larticle 1386 ne sapplique que pour les btiments en ruines

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2me voie daction pour limiter la porte de la responsabilit : Soit on y voit une prsomption de faute : porte extrmement limite puisquil suffira au gardien de prouver son absence de faute pour tre exonr or tout lintrt de cette construction est dengager la responsabilit du gardien lorsquil na pas commis de faute Soit on y voit une prsomption de responsabilit

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Larrt Jandheur va rgler ces deux sries de problme en disant deux choses : 1er apport : la responsabilit est attache non pas la chose elle-mme mais la garde de cette chose donc les distinctions nont pas lieu dtre 2me apport : le gardien est prsum responsable donc on parle de prsomption de responsabilit mais il est plus juste de parler de responsabilit de plein droit (fin de lide de prsomption de faute) La responsabilit de plein droit signifie que le gardien est responsable sauf { prouver le fait dun tiers, la faute de la victime ou un cas de force majeure : il pourra donc totalement sexonrer en cas de cause trangre. Lexonration pourra tre totale ds lors que lvnement qui aura caus le dommage aura le caractre de la force majeure.

C - Depuis larrt JandheurIl y a eu une volution jurisprudentielle importante notamment sur lide de la garde elle-mme puis une volution lgislative qui a consist notamment dans lintervention trs importante deux reprises du lgislateur avec : Loi du 5 juillet 1985 sur les accidents de la circulation (trs importante puisque majeure partie du contentieux) : loi exclusive de lapplication de larticle 1384, alina 1 er, cest--dire quon ne peut pas lappliquer en cas daccidents de la circulation Loi du 19 mai 1998 sur les produits dfectueux : loi pas exclusive de larticle 1384, alina 1er, qui peut donc toujours sappliquer en plus de cette loi

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2 : Lapplication de larticle 1384, alina 1erSagissant des conditions qui lui sont propres, il faut quil y ait une chose qui intervienne et il faut que cette chose soit la cause du dommage ; on dit encore quil y ait un fait de la chose.

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A - Les conditions dapplication1 - La chose Larticle 1384, alina 1er, ne sapplique quaux choses appropries Larticle 1384, alina 1er, sapplique seulement aux choses inanimes car les choses animes relvent de larticle 1385 Pour le reste : toutes sortes de choses sont susceptibles de lapplication de larticle 1384, alina 1er, depuis larrt Jandheur qui attache la responsabilit la garde et non la chose elle-mme

2 - Le fait de la chose La question est plus complexe : larticle 1384, alina 1er, ou la responsabilit du fait des choses, comme son nom lindique, ne suppose pas uniquement la prsence dune chose ; elle suppose que la chose soit la cause du dommage. Cest lexemple de la personne qui entre en collision avec la baie vitre ferme. On sest alors accord sur une chose : est chose du dommage la chose qui joue un rle actif dans la ralisation du dommage. La question est alors de savoir : quand la chose joue-t-elle un rle actif dans le dommage ? Comment considrer quelle a jou un rle actif ? Lorsquun pot de fleur tombe sur la tte dun passant, il a bien un rle actif mais quid de la baie vitre ? 1re remarque : nous savons dj{ que le contact entre la chose et la personne nest pas ncessaire. La chose peut donc jouer un rle actif sans quil y ait de contact, nous lavons dj{ voqu { propos de la vache qui fait peur et oblige sauter un foss. 2me remarque : la jurisprudence pose une distinction entre les choses en mouvement et les choses inertes. La chose inerte peut-elle causer un dommage ? Tout dabord, la chose inerte nest pas la chose inanime ; ainsi le pot de fleur qui tombe est une chose inanime en mouvement. Il y a presque une question philosophique puisque larticle ne sapplique que si une chose est cause de dommage mais est-ce quune chose qui ne bouge pas peut-tre cause dun dommage ? A partir dun arrt du 24 fvrier 1941, la Cour de cassation a considr quune chose inerte pouvait avoir un rle actif dans la ralisation dun dommage. Il sagissait dune chaise pliante qui gisait sur le sol dans un bar et une jeune fille est tombe cause de cette chaise. La chose tait bien inerte mais la Cour de cassation a considr quelle pouvait avoir un rle causal. La jurisprudence a ainsi montr que nombre de choses inertes peuvent avoir un rle causal. Quand est-ce quune chose inerte peut avoir un rle actif ? Le critre qui a t retenu est le critre de lanormalit. La chose inerte a un rle actif et va donc tre cause du dommage lorsquelle est dans une position, une situation ou un tat anormal. Des botes aux lettres qui dbordent anormalement sur le trottoir, des jardinires installes de faon anormale sur le sol peuvent par exemple tre cause dun dommage. Pour les chutes sur le sol, on va regarder si le sol est anormalement glissant. Pour les baies vitres, on va regarder si la vitre se brise anormalement ou sil est impossible de voir quil y a une vitre. Ce critre de lanormalit est repris par un arrt du 3 fvrier 2011. On dit parfois que ce critre de lanormalit utilis pour permettre de considrer sil y a ou non rle actif de la chose fait ressurgir lide de faute dans la responsabilit du fait des choses qui est pourtant une responsabilit dite objective. Par principe les choses sont en position normale, un sol ne glisse pas ou une baie vitre ne se brise pas, et si une chose inerte est en position anormale, cest que derrire a, il y aurait eu une faute commise telle quune faute dentretien ou une faute de positionnement. Lide danormalit rintroduit lattitude de lhomme par rapport { la chose et voil{ pourquoi on dit que cest lide de faute qui revient.

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3me remarque : lorsque la chose est en mouvement et quelle entre en contact avec la victime, le pot de fleur qui tombe sur le passant ou le ballon qui frappe le visage dun spectateur par exemple, cest vraiment la chose qui a provoqu le dommage. Il y a donc une prsomption de rle actif toutes les fois o la chose est en mouvement et quelle entre en contact avec la victime.

B - La dtermination du gardien de la choseLa jurisprudence a eu une importance considrable dans llaboration de ce rgime de responsabilit ; elle a ainsi cre la notion de gardien. La question cruciale est alors de savoir qui est le gardien de la chose et quelles qualits doit avoir ce gardien. La jurisprudence est venue rpondre aux questions diverses que posait cette interrogation. 1 - Les critres de la garde La garde et la proprit

Il y a deux grandes conceptions de la garde : 1re approche : la garde traduit un pouvoir de droit sur la chose et donc une prrogative juridique quaurait le gardien donc dans cette approche qui consacre la conception juridique de la garde, le gardien pourrait tre le propritaire mais pourrait tre aussi le locataire, le dpositaire ou tous ceux qui auraient un pouvoir de droit sur la chose 2me approche : la garde traduit un pouvoir de fait donc cest une forme demprise matrielle de lindividu sur la chose

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1re remarque : la jurisprudence a consacr la conception matrielle ou factuelle de la garde tout en maintenant une influence du droit de proprit sur la notion de garde. Dans la nuit du 24 au 25 dcembre 1929, Nancy, le jeune Franck emprunte sa voiture son pre pour aller guincher mais se la fait voler. Le voleur crase ensuite mortellement quelquun mais on ne retrouve pas le voleur. Peut-on considrer que le docteur Franck serait responsable de laccident survenu du fait de son vhicule ? La question de droit est : le docteur Franck tait-il gardien de la chose en sa qualit de propritaire et ce titre tenu sur le fondement de larticle 1384, alina 1er ? Soit on considre quon est dans la conception juridique et le propritaire est responsable, soit on considre que cest le pouvoir de fait sur la chose qui est dterminant et le voleur est responsable. Dans ce clbre arrt Franck du 2 dcembre 1941, la Cour de cassation va consacrer lapproche factuelle et considrer que la garde est un pouvoir de fait sur la chose. Elle donne alors trois critres de dfinition en disant quest gardien de la chose celui qui a les pouvoirs cumulatifs suivants : Usage Contrle Direction

2me remarque : la Cour de cassation a toutefois admis que le propritaire tait prsum gardien daprs une prsomption simple qui cde ds lors que le propritaire prouve quil avait transfr les trois pouvoirs qui dfinissent la garde au moment de laccident. La question du transfert de la garde est donc dterminante et ce transfert peut tre : Juridique ds lors que le propritaire consent un droit sur la chose (location, prt ou dpt) : transfert de la garde en raison dun lien de droit entre le propritaire et le gardien Matriel ds lors que le propritaire sest dessaisi de la chose ou a t dessaisi par un tiers : si ce tiers exerce les trois pouvoirs alors il est gardien

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La jurisprudence complique parfois les choses en exigeant en plus que le tiers qui a la chose entre les mains ne lait pas seulement pour un laps de temps trs court ou pour un usage trs rduit. Cest lexemple dune personne qui utilise une tondeuse et se coupe avec la lame : la Cour de cassation a dit quil sen tait servi pour une courte dure seulement donc quil navait pas lusage, le contrle et la direction de la chose. Cette solution est assez trange. Rsum

1er lment : la Cour de cassation a consacr une approche matrielle de la garde, cest un pouvoir de fait qui se caractrise par lusage, le contrle et la direction de la chose selon larrt Franck de 1941. 2me lment : le propritaire est prsum gardien, cest une prsomption simple depuis larrt Franck quil peut renverser en prouvant quil navait pas les dits pouvoirs au moment du dommage. 3me lment : le transfert de la garde peut tre juridique ou matriel du fait du dessaisissement de la chose et mme involontaire dans le cas dun vol. Il est plus facile de prouver la responsabilit du fait des choses que la responsabilit du fait personnel qui exige la faute. Il est cela dit tout { fait possible quil y ait une faute lors de la reconnaissance dune responsabilit du fait des choses car on peut avoir utiliser ce fondement. La garde et la dtention

Est-ce que le gardien est ncessairement celui qui dtient la chose ? Le plus souvent la rponse est affirmative car celui qui dtient la chose a souvent les pouvoirs dusage, de contrle et de direction. Il faut toutefois apporter deux prcisions : On a vu prcdemment quun transfert pour un laps de temps limit avec des pouvoirs restreints sur la chose pouvait ne pas suffire ce que celui qui la dtient en soit le gardien : cest lexemple de larrt sur la tondeuse La Cour de cassation estime depuis 1936 que le prpos ne peut pas tre le gardien de la chose : le prpos se sert de la chose pour son patron comme il lui a demand et ntant pas indpendant il ne peut tre gardien de la chose do il y a incompatibilit entre les fonctions de gardien et de prpos puisque la garde suppose lindpendance Cette solution est incohrente avec celle qui concerne lalin, le dment ou le mineur. La garde et le discernement

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Peut-on tre gardien lorsquon est priv de discernement ? La question sest pose pour le dment et le jeune enfant. Le mouvement dobjectivation constat sur le terrain de la responsabilit du fait personnel sest propag { la responsabilit du fait des choses. Pour le dment, la Cour de cassation a estim, dans un arrt Trichard du 18 dcembre 1964, quune obnubilation passagre des facults mentales nempchait pas la personne dtre gardien. Cette solution aura son pendant dans lancien article 489-2 du Code civil. Pour le jeune enfant, la Cour de cassation a estim, dans larrt Gabillet du 9 mai 1984, quun enfant de 3 ans qui joue avec un bton peut tre gardien du bton. Cette objectivation de la notion de garde est-elle bien compatible avec les critres de la garde tels quils ont t dfinis par larrt Franck ? Est-ce quune personne prive de raison est capable de contrler une chose et voire mme de la diriger ? Est-ce quun jeune enfant peut vraiment contrler et diriger une chose ? Voil pourquoi cette objectivation de la garde ne concorde pas avec les critres mmes qui la dfinissent.

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Au surplus, cette solution ne saccorde pas avec celle constamment rappele par la Cour de cassation depuis 1936 selon laquelle le prpos ne peut pas tre gardien. Selon la Cour de cassation, le prpos nest que linstrument du patron et se sert de la chose pour lui. Cest incohrent avec la nouvelle notion dobjectivation de la garde parce quobjectivement il est dans une situation totalement comparable avec celle du dment ou du jeune enfant. 2 - Les caractres de la garde Le caractre alternatif de la garde

Cela signifie qu{ un moment donn, il ne peut y avoir quune seule personne qui exerce les pouvoirs dusage, de contrle et de direction sur la chose. Il y a toutefois deux rserves : 1re rserve : il peut exister des co-gardiens dune mme chose qui exercent concomitamment les trois pouvoirs (exemple de la garde en commun de la gerbe de plombs pour la chasse) 2me rserve : il existe une distinction entre la garde de la structure et la garde du comportement La distinction entre la garde de la structure et la garde du comportement

Le jeune Goldman va proposer en 1946 dans sa thse de distinguer la garde de la structure de la garde du comportement car pour lui, il y a lieu de distinguer le comportement de la chose de sa structure. 1re remarque : on sest rendu compte quil y a des choses qui causent des dommages par leur comportement, cest le cas de la bouteille en verre qui tombe sur la tte de quelquun, mais il y a des choses qui causent des dommages par leur structure, cest le cas du gaz. En 1956, la Cour de cassation va avoir { connatre de lexplosion dans un camion de bouteilles doxygne. Qui tait le gardien : le transporteur ou le fabriquant des bouteilles ? A partir de larrt Oxygne Liquide du 5 janvier 1956, la Cour de cassation va admettre, dans la suite de la distinction propose par Goldman, de distinguer, pour certaines choses, la garde de la structure et la garde du comportement de la chose. Il y aura deux gardiens { un mme moment : un gardien du comportement qui aura lusage, le contrle et la direction, et un gardien de la structure de la chose. On distingue donc le contenant et le contenu. Au fond, a nest pas une atteinte au caractre alternatif car il ny a quun seul gardien du comportement et un seul gardien de la structure. 2me remarque : quelles sont les choses susceptibles de se voir appliquer cette distinction ? Il faut que ce soit des choses dont la composition peut provoquer des dommages, ce qui est une forme de rsurgence de la distinction entre les choses dotes dun dynamisme propre et les autres mais cette fois au sein de la garde. Ainsi, la bouteille doxygne ou la bouteille deau gazeuse ont une structure distincte de leur comportement : cest la Cour de cassation qui dtermine ces choses en acceptant ou non de leur appliquer la distinction. Dans un arrt du 4 fvrier 2010, un sche-linge a explos et provoqu un dommage. Le propritaire du sche-linge va donc agir contre le magasin qui la vendu et la socit Whirlpool. Bien que le sche-linge soit chez lui, il estime que son explosion est lie au fait que le mcanisme interne du sche-linge a conduit { lexplosion et non pas au linge quil a mis dedans. La Cour de cassation a refus dappliquer la distinction en disant quil ny a pas de dynamisme propre mais cette dcision est discutable. 3me remarque : la question est de savoir qui est le gardien de la structure quand on applique cette distinction. En 1956, cest le propritaire des bouteilles doxygne par opposition { celui qui les transporte qui est gardien du comportement. En 1975, dans laffaire des bouteilles de Ricls, cest le fabriquant qui est gardien de la structure et cest extrmement intressant.

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Dans lexemple de la bouteille de Ricls, un homme se blesse en ouvrant une bouteille dans un bar qui lui explose au visage ; cela na donc rien { voir avec le comportement de la chose mais avec la structure. Ce qui est intressant est que le fabriquant na plus la chose entre les mains donc na plus le pouvoir dempcher le dommage qui est derrire lide que la garde est un pouvoir de fait. Mais au fond, il avait ce pouvoir antrieurement et cest a qui est pris en compte. Sur le terrain dlictuel, cette distinction va prfigurer la responsabilit du fabriquant de la chose.

C - La responsabilit du gardien de la chose1 - La nature de la prsomption qui pse sur le gardien Ctait une question discute jusqu{ larrt Jandheur de 1930 et depuis cet arrt, cette prsomption est une prsomption de responsabilit. Cela signifie que lorsque les conditions dapplication de larticle 1384, alina 1er, sont runies, le gardien de la chose est prsum responsable du fait de cette chose ou responsable de plein droit. Il va donc lui tre trs difficile de sexonrer de sa responsabilit. La responsabilit qui pse sur lui est donc une responsabilit objective dtache de lide de faute, ce qui ne serait pas le cas si on tait en prsence dune prsomption de faute. Elle repose bien dsormais sur sa qualit de garde de la chose et sexplique bien par lide de risque que traduit la chose que voulaient Josserand et Saleilles. 2 - Lexonration du gardien Le gardien ne peut sexonrer que sous certaines conditions limites et pour pouvoir sexonrer il doit prouver lexistence dune cause trangre. La notion de cause trangre renvoie { trois hypothses : Le cas de force majeure qui doit tre : o Imprvisible : le phnomne ne peut pas tre matrise car la simple difficult de surmonter lobstacle nest pas constitutive dun vnement de force majeure Irrsistible

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La condition de lextriorit nest plus exige. La faute de la victime : le gardien peut sexonrer sil prouve que la faute de la victime a contribu au dommage Cette faute de la victime peut-elle ntre que partiellement exonratoire ? Peut-on concevoir un partage de responsabilit entre le gardien prsum responsable et la victime qui aurait commis une faute { lorigine du dommage ? La rponse devrait tre la suivante : lorsque la faute de la victime a les caractres de la force majeure, elle devrait tre entirement exonratoire tandis que lorsquelle na pas les caractres de la force majeure, elle devrait ntre que partiellement exonratoire et le gardien devrait donc conserver une part de responsabilit. Cest ce qui tait classiquement jug jusqu{ larrt Desmares du 21 juillet 1982 qui a eu un rle extrmement important dans le dbat qui avait alors lieu sur linstauration dune lgislation spciale sur les accidents de la circulation. Dans les annes 60, 70 et dbut 80, on dbat de la ncessit dune loi spciale sur les accidents de la circulation car ils relvent tous de larticle 1384, alina 1er. Le gardien est prsum responsable mais sil y a une faute de la victime il peut tre partiellement exonr voire totalement si cette faute revt les caractre de la force majeure. Par exemple, si un piton traverse en dehors du passage protg et se fait renverser, le conducteur, gardien de la voiture, peut lui opposer sa faute pour sexonrer partiellement mais partiellement seulement puisque la faute du piton ne revt pas les caractres de la force majeure.

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Le dbat est le suivant : lassurance est obligatoire pour conducteur, gardien de la voiture, et il dispose dune situation doublement avantageuse car lassurance couvre patrimonialement sa responsabilit et puisquil est physiquement mieux protg que le piton. La doctrine estime quil faut donc arrter dopposer la victime sa propre faute : quil faut lindemniser quand elle na commis quune faute simple et quil ne faut pas partager la responsabilit avec le gardien. Cette partie de la doctrine favorable aux victimes milite pour une loi spciale drogatoire larticle 1384, alina 1er, puisquelle ne devrait pas permettre lexonration partielle pour tre favorable la victime. Au dbut des annes 80, dans un climat de vives tensions, la loi dsire par certains et bloque par dautres ne voit pas le jour. La Cour de cassation va entrer dans le dbat et dans larrt Desmares du 21 juillet 1982, elle va adopter la politique dite du tout ou rien selon lexpression du juriste Georges Durry et va dire que soit la faute de la victime a les caractres de la force majeure et elle est totalement exonratoire soit elle na pas les caractres de la force majeure et elle nest plus du tout exonratoire. La Cour de cassation va donc refuser quil puisse y avoir exonration partielle. Elle fait a pour inciter le lgislateur { intervenir en matire daccidents de la circulation et { prendre enfin cette loi spciale protectrice ; elle provoque le lgislateur en incitant la rforme car elle fait jurisprudentiellement ce quon demande au lgislateur de faire. Rsum

1er lment : normalement, la faute de la victime est partiellement exonratoire si elle na pas les caractres de la force majeure et totalement exonratoire lorsquelle les a. 2me lment : par larrt Desmares, la Cour de cassation a mis fin { la possibilit dexonration partielle, cest la politique du Tout ou rien pour inciter le lgislateur a prendre une loi spciale protectrice des victimes. Cette loi spciale a vu le jour par un texte du 5 juillet 1985 partir duquel la Cour de cassation navait plus de raison de maintenir cette jurisprudence puisque sa raison dtre tait satisfaite. Par un arrt du 6 avril 1987, elle est donc revenue sur sa solution antrieure qui va admettre nouveau que la faute de la victime puisse tre partiellement exonratoire. Le fait dun tiers : il peut tre partiellement exonratoire comme le fait de la victime

3 - Lacceptation des risques par la victime Lacceptation des risques a t envisage dans la responsabilit du fait personnel. Lorsque la victime accepte de courir certains risques, lauteur du dommage a vocation, sous certaines conditions, { lui opposer son acceptation des risques pour diminuer voire empcher son indemnisation. On la vu sur le terrain de larticle 1382 et on a voqu les sports dangereux et les activits { risque. Mme sur le terrain contractuel, ce raisonnement a des effets lorsquil sagit de distinguer les obligations de moyen et de rsultat. Sur le terrain dlictuel, lacceptation des risques produit des effets sur le fondement de larticle 1382 mais produit-elle aussi des effets sur le fondement de larticle 1384, alina 1 er ? La jurisprudence a pu prendre en compte lacceptation des risques sur le terrain de larticle 1384, alina 1 er, ds lors quon est en prsence de risques anormaux pour considrer que la victime aurait renonc { lapplication de larticle 1384, alina 1er. Dans un arrt de novembre 2010, la Cour de cassation est revenue sur cette solution en considrant que lacceptation des risques navait pas vocation { avoir deffets et donc { tre oppose { la victime pour lempcher de se prvaloir de larticle 1384, alina 1 er. Plus simplement, la Cour de cassation indique quil ne faut plus tenir compte de lacceptation des risques.

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Chapitre III : La responsabilit du fait dautruiCe sont les cas o certaines personnes vont tre tenues responsables pour dautres. Une personne nest plus responsable de son propre fait mais du fait dautrui, cest par exemple le cas des parents du fait de leur enfant mineur. 1re remarque : dans un certain nombre dhypothses une personne va tre tenue pour le fait dune autre, ce qui se justifie toujours en raison du lien qui les unit : lien dautorit attach aux relations de travail, { un lien de filiation ou { une dpendance. Le rapport dun individu { un autre peut justifier la responsabilit. 2me remarque : le mme mouvement quen matire de responsabilit du fait des choses a eu lieu mais un sicle dintervalle. Le Code civil ne vise que des hypothses spciales et particulires de responsabilit du fait dautrui mais { la fin du 20me sicle, la jurisprudence va dgager un principe gnral de responsabilit du fait dautrui { partir, toujours de lalina 1er de larticle 1384. Ce petit membre de phrase, qui ntait quune transition, a donc galement servi { une gnralisation de la responsabilit du fait dautrui lorsquil vise des personnes dont on doit rpondre.

Section I : Les hypothses spciales vises par le CodeIl y a plusieurs hypothses vises aux alinas 4 et suivants de larticle 1384. Certaines dentre elles rappellent la socit du 18me sicle lorsquelles dterminent la responsabilit du dommage caus par les domestiques. Il y a galement une responsabilit des instituteurs et des artisans pour les lves et les apprentis.

1 : La responsabilit des pre et mre du fait de leur enfantLalina 4 de larticle 1384 dispose que les pre et mre, en tant quil exerce lautorit parentale, sont solidairement responsables du dommage caus par leurs enfants mineurs habitant avec eux. Il peut y avoir responsabilit des pre et mre du fait de leur enfant et en mme temps responsabilit personnelle de lenfant.

A - ConditionsQuand est-ce que les parents sont tenus du fait de leur enfant ? Question essentielle car les enfants peuvent tre { lorigine de trs nombreux dommages en commettant des btises car ils nont pas la conscience du danger et la jurisprudence est trs fournie en la matire. 1 - Il faut quil y ait une autorit parentale des parents sur les mineurs Cest ce lien dautorit parentale qui justifie la responsabilit du fait dautrui. Des parents qui ont perdu leur autorit parentale ne peuvent ainsi pas tre responsables du fait de leur enfant. 2 - Il faut que lenfant soit mineur Jusqu{ la majorit, les parents sont responsables de leur enfant. 3 - Il faut quil y ait cohabitation de lenfant avec ses parents La cohabitation est le fait de rsider habituellement au domicile des pre et mre. Cette exigence de cohabitation pourrait laisser penser quau fond cest parce quil y a une facult de surveiller lenfant, de llever et de lduquer qui justifie la responsabilit du fait dautrui. Cette exigence soulve des difficults quant aux enfants confis { des tiers tels que les enfants en rgime dinternat ou ceux confis { leurs grands-parents. Quid de la responsabilit des parents dans les hypothses o lenfant nest provisoirement confi un tiers ? La jurisprudence dit que lorsque lenfant est temporairement confi { un tiers, la cohabitation ne cesse pas et la responsabilit des pre et mre est maintenue sur le terrain de larticle 1384, alina 4.

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4 - Il faut quil y ait un fait de lenfant A quelles conditions tenant lacte de lenfant les pre et mre sont-ils tenus ? On disait classiquement que les parents taient responsables ds lors que lenfant ltait mais la jurisprudence a trs nettement assoupli la condition tenant au fait de lenfant de nature { engager la responsabilit des pre et mre. La Cour de cassation a jug que la responsabilit des pre et mre avait lieu ds lors que lenfant avait commis un acte qui soit la cause directe du dommage invoqu par la victime. La formule est dans un arrt dassemble plnire du 9 mai 1984 et la question tait de savoir : faut-il quil y ait une faute de lenfant pour que les parents soient engags ? La Cour de cassation rpond non dans un arrt Levert du 10 mai 2001 : la responsabilit nest pas subordonne { lexistence dune faute de lenfant. Les parents sont tenus du fait de leur enfant qui cause un dommage mme si ce fait nest pas fautif : ils sont tenus de tout acte dommageable de leur enfant. Cette solution assez incroyable est extrmement large et donc un fait mme non fautif du mineur engage la responsabilit des parents ds lors quil est cause dun dommage.

B - EffetsDans le cas dun enfant qui joue et blesse quelquun : peu importe quil ait commis une faute, la condition de la responsabilit des parents est que lenfant ait caus un dommage. De quoi les parents sont-ils tenus ? Dans le Code civil { lorigine, les parents taient prsums avoir commis une faute de surveillance ou dducation et cette approche ntait pas illogique. Cette prsomption tait facile { renverser en prouvant labsence de faute de surveillance ou dducation. Par un arrt Bertrand trs important du 19 fvrier 1997, la Cour de cassation a chang la nature de la prsomption pesant sur les pre et mre pour considrer quil sagissait dune responsabilit de plein droit. Si cest une responsabilit de plein droit, les pre et mre ne peuvent plus sexonrer en prouvant leur absence de faute. Seules la force majeure ou la faute de la victime peut exonrer le parent de la responsabilit de plein droit quil encourt du fait du dommage caus par son enfant mineur. En quelques annes, la responsabilit sest dtache de lide de faute (arrt Levert) mais on ne prend plus en compte non plus labsence de faute des parents (arrt Bertrand). Cette jurisprudence a donc dclench des discussions doctrinales mais cet arrt sert trouver un patrimoine pour indemniser la victime dans des hypothses o il ny a plus de faute. Cette solution na donc de sens que lorsque les pre et mre sont assurs or cette assurance nest pas obligatoire ; le pre de larrt Bertrand ntait dailleurs pas assur. Cette solution nest donc justifiable que si lassurance est obligatoire.

2 : La responsabilit des commettants du fait de leur prposLarticle 1384, alina 5, dispose que les commettants sont tenus du dommage caus par les prposs dans les fonctions auxquelles ils les ont employ. Cest lhypothse de l