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L E Ç ON COU R S 4 F O R M A T I O N ITHÉI THERAPEUTIOUE PRATIQUE Traitement des diarrhées aiguës infectieuses de l'adulte II s'agit la plupart du temps d'une maladie bénigne régressant rapidement avec un traitement symptomatique. Les rares cas sévères doivent être rapidement identifiés et traités. André Cil AG NON Toulon UNE ÉTAPE DIAGNOSTIQUE EST ELLE NÉCESSAIRE ? FAUT IL IDENTIFIER L'AGENT INFECTIEUX? Rappelonstoutd'abord qu'on reconnaît deux types princi- paux tle diarrhées aiguës, distinction l'ondée sur leur méca- nisme et leur expression clinique. La diarrhée hydro-électroly tique ou syndrome cholérique (ou eholériforme), faite de selles liquides, abondantes, sans glaires ni sang, ne s'aeeompagntmt pas de lièvre, liée à l'action d'une endotoxine qui stimule la sécrétion et le passage d'ions vers la lumière intestinale, entraî- nant une déshydratation, mais pas de lésion muqueuse (agents principaux : Eseherichia co//entérotoxinogènes, sta- phylocoque, vibrion cholérique...)- On y apparente les gastro-entérites virales, fébriles, mais d'évolution habituelle- ment bénigne, dont le retentissement est également surtout hydro-électrolytique • Le syndrome dysentérique (syn- gkigeUam drome rectal, ténesme, épreintes), lié à une atteinte invasive de la muqueuse colique, fébrile, avec des selles glairo-sanglantes, purulentes, pas très abondantes, parfois afécales (Eseherichia colientéro-inva- sifs, shigelles). C'est aussi le tableau de l'amibiase intesti- nale aiguë, classiquement sans lièvre. De mécanisme mixte, ne comportant pas en principe d'importante lésion muqueuse, mais à risque de diffusion systémique sont les diarrhées à salmonelles mineures, Campylobacter, Yersi- nia enteroculitica. El il y a, bien sûr, des chevauchements... Dans la majorité des cas, la diarrhée aiguë infectieuse de l'adulte régresse rapidement avec un traitement sympto- matique. L'étape préthérapeutique est déterminante, mais elle repose en première intention sur l'interrogatoire, la prise en compte d'arguments épidémiologiques, l'examen cli- nique, l'appréciation du retentissement, et donc la caracté- risation de la diarrhée, davantage que sur les examens microbiologiques (parasitologie, coproeullure). On réserve ces examens aux tableaux les plus sévères, principalement quand il y a syndrome dysentérique, présence de sang, de pus dans les selles et, plus générale- ment, ambiance de gravité (hyper- thermie majeure) ; aux diarrhées durables (plus de sept jours) ; à certains contextes tels qu'une inléction nosocomiale (survenant plus de trois jours après une hospitalisation), une imniunodépression sous-jacente (infection à VU I notamment : évoquer microsporidies, cytomégaltw iras, Mycobacterium aviunï), une possibi- lité detaxi-infectionalimentaire (pour déclencher une enquête épidéniiolo- gique). Dans l'anamnèse - fondamentale -, on privilégiera certaines questions : depuis combien de temps dure la diarrhée ? Y a- t-il de la fièvre, des vomissements, un syndrome rectal ? Y a-t-il un U'aitement en cours (antibiotiques) ? Y a-t-il d'autres cas dans l'entourage ? Y a-t-il eu hospitalisation récente ? Y a-t-il un contexte de séjour à l'étranger, en zone tropicale ? Y a-t-il eu consommation d'un mets suspect ou inhabituel, une absorption d'eau non contrôlée ? Tome 127-02 19-01-2005

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ITHÉITHERAPEUTIOUE PRATIQUE

Traitement des diarrhéesaiguës infectieuses de l'adulte

II s'agit la plupart du temps d'une maladie bénignerégressant rapidement avec un traitement

symptomatique. Les rares cas sévères doivent êtrerapidement identifiés et traités.

André Cil AG NONToulon

UNE ÉTAPE DIAGNOSTIQUE EST ELLENÉCESSAIRE ? FAUT IL IDENTIFIER L'AGENTINFECTIEUX?Rappelons tout d'abord qu'on reconnaît deux types princi-paux tle diarrhées aiguës, distinction l'ondée sur leur méca-nisme et leur expression clinique.• La diarrhée hydro-électroly tique ou syndrome cholérique(ou eholériforme), faite de selles liquides, abondantes, sansglaires ni sang, ne s'aeeompagntmt pasde lièvre, liée à l'action d'une endotoxinequi stimule la sécrétion et le passaged'ions vers la lumière intestinale, entraî-nant une déshydratation, mais pas delésion muqueuse (agents principaux :Eseherichia co//entérotoxinogènes, sta-phylocoque, vibrion cholérique...)- Ony apparente les gastro-entérites virales,fébriles, mais d'évolution habituelle-ment bénigne, dont le retentissement estégalement surtout hydro-électrolytique• Le syndrome dysentérique (syn- gkigeUamdrome rectal, ténesme, épreintes), liéà une atteinte invasive de la muqueuse colique, fébrile,avec des selles glairo-sanglantes, purulentes, pas trèsabondantes, parfois afécales (Eseherichia colientéro-inva-sifs, shigelles). C'est aussi le tableau de l'amibiase intesti-nale aiguë, classiquement sans lièvre. De mécanismemixte, ne comportant pas en principe d'importante lésionmuqueuse, mais à risque de diffusion systémique sont lesdiarrhées à salmonelles mineures, Campylobacter, Yersi-

nia enteroculitica. El il y a, bien sûr, des chevauchements...Dans la majorité des cas, la diarrhée aiguë infectieuse del'adulte régresse rapidement avec un traitement sympto-matique. L'étape préthérapeutique est déterminante, maiselle repose en première intention sur l'interrogatoire, la priseen compte d'arguments épidémiologiques, l'examen cli-nique, l'appréciation du retentissement, et donc la caracté-risation de la diarrhée, davantage que sur les examensmicrobiologiques (parasitologie, coproeullure). On réserveces examens aux tableaux les plus sévères, principalementquand il y a syndrome dysentérique, présence de sang, de

pus dans les selles et, plus générale-ment, ambiance de gravité (hyper-thermie majeure) ; aux diarrhéesdurables (plus de sept jours) ; àcertains contextes tels qu'une inléctionnosocomiale (survenant plus detrois jours après une hospitalisation),une imniunodépression sous-jacente(infection à VU I notamment : évoquermicrosporidies, cytomégaltw iras,Mycobacterium aviunï), une possibi-lité de taxi-infection alimentaire (pourdéclencher une enquête épidéniiolo-gique).

Dans l'anamnèse - fondamentale -, on privilégiera certainesquestions : depuis combien de temps dure la diarrhée ? Y a-t-il de la fièvre, des vomissements, un syndrome rectal ?Y a-t-il un U'aitement en cours (antibiotiques) ? Y a-t-ild'autres cas dans l'entourage ? Y a-t-il eu hospitalisationrécente ? Y a-t-il un contexte de séjour à l'étranger, en zonetropicale ? Y a-t-il eu consommation d'un mets suspect ouinhabituel, une absorption d'eau non contrôlée ?

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THÉRAPEUTIQUE PRATIQUE Diarrhées aiguës infectieuses

QUELS SONT LES OBJECTIFS DU TRAITEMENT ?Les deux premiers objectifs sont symptomatiques : prévenirou compenser la déshydratation et le déséquilibre hydro-élec-trolytique éventuel ; réduire l'intensité et la durée de la diar-rhée. Ces mesures suffisentle plus souvent dans le traitementdes diarrhées cholériformes, ne comportant pas d'atteinteinflammatoire, apyrétiques et impliquant une entérotoxine.Un mécanisme entéro-iiivasif présumé, l'existence d'un syn-drome dysentérique entraînent volontiers, au moins dans lesformes sévères ou lorsqu'il s'agit d'une parasitose (amibiase,bilharziose à la phase d'invasion, giardiase, balantidiose), lamise en œuvre d'un traitement anti-infectieux adapté, anti-biotique (fluoroquinolones, cotrimoxazole, macrolides,amoxicilline) ou antiparasitaire (métronidazole, praziquan-tel...).Dans les gastro-entérites de mécanisme mixte, et notammentpour les salmonelles dites mineures, très fréquemment encause dans les loxi-infections alimentaires, l'antibiotliérapien'est préconisée que chez les sujets âgés ou sur terrain débi-lité. Elle n'a pas d'indication, bien sûr, lorsqu'une origine viraleest évoquée en raison du contexte épidémique et saisonnier.

FAUT-IL PRENDRE DES MESURES D'ORDREDIÉTÉTIQUE ? COMMENT RÉHYDRATER ?LE COCA-COLA, ÇA MARCHE ?Les mesures d'ordre purement diététique n'ont guère de sup-port scientifique et s'inspirent davantage du bon sens ou dela tradition. En cas d'intolérance alimentaire majeure, onencouragera à maintenir au moins l'apport liquidien, recom-mandation dont on comprendra qu'elle piùsse rester à l'étatde vœu pieux. Si le sujet peut s'alimenter, on conseille géné-ralemenl d'exclure les fruits, les légumes verts, les plats épi-eés, les laitages - il peut y avoir un déficit transitoire en lac-tose - et de privilégier le riz, les carottes, les féculents, lesviandes grillées, les bananes tant que la diarrhée persiste.Les aliments doivent être salés autant qu'il est acceptable, etun complément d'apport calorique et iodé peut être réaliséparla consommation de biscuits pour l'apéritif.La réhydratation se fait par-voie orale, aussi souvent que pos-sible. Le recours à la voie parentérale s'impose en cas dedéshydratation sévère Ç> 10 % du poids corporel), surtoutlorsque l'intolérance alimentaire est importante, et qu'ilexiste des troubles de la conscience, un collapsus. Cette situa-lion est typique du choléra, où la quantité de sujets à traiterpeut amener à des choix difficiles à cet égard. D'importantsétats de déshydratation peuvent également s'observer sousnos climats. C'est particulièrement vrai dans les toxi-infec-tions alimentaires à staphylocoque et dans le cas d'orga-nismes fragiles (nourrissons, vieillards).Le principe de la réhydratation orale se fonde sur la facilita-lion de l'absorption active du sodium, dès qu'il est associé àdu glucose. L'OMS recommande, pour 1 litre d'eau, 20 g deglucose, 3,5 g de NaCl, 2,5 g de bicarbonate de Na, 1,5 g de KC1,

pour une osmolarité de 511 mosm/1. Certaines préparationsdisponibles dans les pays développés (Adiaril, Alhydrate,GES 45, Hydrigoz, Picolite) sont surtout destinées à l'usagepédiatrique. Les modalités de l'hydratation parentérale sontfonction du degré de gravité. On perfuse volontiers du liquidede Ringer ai i lactate, par exemple 30 m l/kg en trente minutes,piùs 70 ml/kg en trois heures dans des formes sévères.Le Coca-Cola est un pis-aller - la présente appréciation neconcernant, bien sûr, que son utilisation dans la réhydrata-tion du patient diarrhéique ! - qui a pu rendre service danscertains cas d'extrême dénuement thérapeutique. 11 a l'inté-rêt d'être disponible, d'avoii' un condition nemenl stérile, maissa composition, trop riche en glucose, trop pauvre en sodium,hyperosmolaire n'en fait certainement pas une ressource dechoix.

COMMENT RÉDUIRE LE NOMBRE D'ÉMISSIONSDIARRHÉIQUES?Les dérivés des opiacés sont les médicaments les plus cou-ramment utilisés, non plus tant la codéine ou l'opium (élixirparégorique), du fait du risque de détournement d'usage,que le chlorhydrate de lopéramide (Invodium et génériques :gélules à 2 mg, soluté buvable à 0,2 mg/ml), antidiarrhéiqueopiacé de troisième génération, dépourvu d'effet sur le sys-tème nerveux central aux doses thérapeutiques (2 gélules àla première prise, 1 gélule après chaque selle liquide, sansdépasser 8 gélules par jour chez l'adulte). Son effet de ralen-tissement du transit est souvent source de constipationsecondaire, et on lui a reproché, de ce fait, de favoriser la pul-lulation microbienne en cas d'infection aiguë bactériennesévère, situation dans laquelle son emploi est déconseillé,et même contre-indiqué s'il y a syndrome dysentérique.L'oxyde de lopéramide (Areslal), prodrogue du précédent,a une action plus ciblée antiséerétoire, et donc moins d'effetde constipation. Le diphénoxylate (Diarsed) ajoute un effetatropinique aux inconvénients du lopéramide.Le racécadolril (Tiorfan : I gélule d'emblée puis 1 géluleavant chacun des trois repas, sans dépasser une semaine),précédemment appelé acétorphan, est un inhibiteur de l'en-képhalinase, doté d'une activité antiséerétoire pure. Il necomporte donc pas les inconvénients liés à l'effet ralentis-seur du temps de transit observé avec le lopéramide.Parmi les médicaments d'appoint, on citera les médicamentsadsorbants de la famille des argiles : diosmeetite (Smecta) ;attapulgite (Actapulgite) et, pour mémoire, les sels de bis-muth, non dépourvus d'efficacité, disparus de la pharma-copée française après avoir engendré des cas d'encéphalo-pathie, mais qiù restent disponibles dans certains pays.

FAUT-IL TOUJOURS UN ANTI-INFECTIEUX ?QUELS ANTI-INFECTIEUX ?La réponse est affirmative d'emblée pour le traitement desdiarrhées aiguës parasitaires. Ainsi, parmi les cas les plus

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THÉRAPEUTIQUE PRATIQUE Diarrhées aiguës infectieuses

courants, le traitement d'une amibiase recto-colique oud'une giardiase fait-il appel aux imidazolés : métronidazole(Flagyl), ornidazole (libéral) disponibles en comprimés eten solution injectable ; secnidazole (Flagentyl) par voie oraleseulement On traite la diarrhée de primo-invasion bilhar-zienne paj' le praziquantel (Biltricide : une dose unique de40 mg/kg).Si la présentation d'une diarrhée est « hydrique », en contexteapyrélique, et ne suggère pas une forme invasive, on s'abs-tient en général d'anlibiothérapie, sous réserve d'une rééva-luation régulière de l'évolution. A contrario, l'existence d'unsyndrome dysen térique initial, le caractère hautement fébriled'un tableau gastro-entéritique, la persistance de la diarrhéeet de la fièvre au-delà de trois jours orientent vers une ori-gine bactérienne (ou parasitaire), imposant la réalisation deprélèvements (coprocullures, parasitologie), s'ils n'ont pasdéjà été faits, et incitent à mettre en œuvre une antibiothé-rapie si une origine bactérienne est fortement présumée oua pu être démontrée. Elle a pour but de raccourcir l'épisodediarrhéique, d'éviter les complications infectieuses à dis-tance et de réduire la contagiosité des selles. Les fluoroqui-nolones (tout particulièrement, en première intention), maisaussi le cotrimoxazole, les cyclines et - du lait des résistancesacquises, en Asie du Sud-Est notamment - les maerolides(érythromycine, azithromycine) sont les produits les plusutilisés (tableau), sauf chez l'enfant, chez qui fluoroquino-lones et cyclines sonl contre-indiquées.Parmi les médicaments classés antibactériens intestinauxpour le traitement de la d iarrhée, plutôt que la colistine (Coli-mycine) ou le sulfate de néomycine (Néomycine) peu utili-sés, on citera le nifuroxazide (Ercéfuryl), à l'efficacité limi-tée mais néanmoins démontrée pour raccourcir l'évolutiond'un état diarrhéique. L'intélrix, dérivé des hydroxyquino-

léines, n'a plus l'AMM que comme amœbicide de contact,en utilisation complémentaire d'im amœbicide lissulaire.

ANTIBIOTHÉRAPIE DES PRINCIPALESDIARRHÉES AIGUËS BACTÉRIENNES : QUEPENSER DE L'UTILISATION DES PROBIOTIQUES ?On désigne principalement sous ce nom deux types de sub-stances : Saccharomyces boulardii(Ultra-Levure), d'une part,et Lactobacillus (Lactéol, Bacilor) et Bacillus bjfidus (Lyo-Bili-dus) d'autre part. On prête à ces produits d'origine micro-bienne une activité aussi floue que pléiolrope : dore de sub-stitution levurique ou bactérienne, action bactérioslatique,stimulation locale du système immunitaire et de la croissancede la flore acidogène de défense... L'utilisation de fortes dosesd'Ultra-Levure a été préconisée dans le traitement des diar-rhées dues aux antibiotiques et son intérêt démontré, à fortesdoses, dans les rechutes de colite pseudo-membraneuse dueà Closùidium difficile. L'utilisation de Lactobacillus reste trèscourante en pédiatrie, dans des indications de modeste gra-vité. Ces produits ont une excellente sécurité d'emploi, lesseules limitations (pour l'Ultra-Levure) concernent leur uti-lisation chez les patients porteurs d'un cathéter central. La for-mule restrictive du Vidal - « efficacité non documentée selondes essais contrôlés utilisant les critères actuellement reconnus »- reste de mise, mais ne doit pas faire conclure de façon tropdogmatique à leur inutilité, même si l'on se situe dans unregistre probablement mineur quant à l'efficacité.

DIARRHÉE EN ZONE TROPICALE :UN CAS À PART?Oui, du fait de sa fréquence, allant de la turista, généralementbénigne, dont maint voyageur occidental a fait un jour l'ex-périence, jusqu'au redoutable choléra, dont les épidémies

TABLEAU

Antibiothérapie des principales diarrhées aiguës bactériennes

Germe

Staphylocoque

Salmonella sp, Shigella sp

E. coli entéro-hémorragique

Campylobacter jejuni

Yersinia enterocolitica

Clostridium difficile

Vibrio cholerae

Antibiotique Durée

de première intention

0 0

Fluoroquinolone 5 jours

Cyciine ou cotrimoxazole 5 jours

ou aminopéniciiline

ou fluoroquinolone

Macrolide 14 jours

Cyciine 10 jours

Métronidazole

Vancomycine (per os) si échec

Cyciine

Alternative

0

Aminopéniciiline ou cotrimoxazole

Fluoroquinolone

Cotrimoxazole ou fluoroquinolone

Cotrimoxazole ou aminopéniciiline

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frappent surtout les populations autochtones et accompa-gnent et/ou provoquent les catastrophes humanitaires. Lesentéropathogènes bactériens y sont les plus fréquents (E. colientérotoxmogène dans 40 à 70 % des cas). La fièvre typhoïde,les shigelloses y sont beaucoup plus représentées qu'enEu rope et peuvent engendrer des tableaux de grande sévé-rité. Cette gravité accrue tient aussi au climat, à la dénutri-tion, aux conditions de vie, qui peuvent favoriser la déshy-dratation et imprimer à toute diarrhée aiguë infectieuse untour évolutif beaucoup plus sévère, notamment aux deuxextrémités de la vie. On sera donc souvent amené à fournirprécocement une réponse thérapeutique énergique, fondéesur les moyens déjà envisagés, incluant plus volontiersqu'ailleurs une antibiothérapie où, malgré le développementdes résistances (Canipylobacler jejuni dans le Sud-Est asia-tique, intérêt de l'azithromycine), les fluoroquinolones ontpris et conservé une place privilégiée.Le cas des diarrhées aiguës parasitaires (amibiase, bilhar-ziose, giardiase, notamment) a été envisagé précédemment.C'est l'occasion de rappeler qu'il est des formes diarrhéiquesdu paludisme à P. falciparum dont le diagnostic doit êtreaussi systématiquement évoqué, du fait du risque vital qu'ilentraîne, au retour1 de zone tropicale.

PEUT-ON PRÉVENIR ?La prévention, en règle générale, est fondée sur un certainnombre de précautions d'hygiène, un lavage fréquent desmains. Mais celte question concerne tout particulièrementles séjours en zone tropicale. Il y est conseillé de ne boire deliquides qu'en bouteille capsulée ou récemment portés àébullition. Les désinfectants pharmaceutiques (Aquatabs,Micropur) ou l'adjonction de 2 gouttes d'eau de Javel à 5 %par litre assurent une bonne protection contre la majoritédes entéropathogènes. On évite le lait si l'on n'est pas sûr qu'ila été pasteurisé et gardé au frais. 11 vaut mieux se brosser lesdents avec une eau contrôlée etne pas utiliser de glaçons, sil'on ne connaît pas la provenance de l'eau.Les crudités ne sont sûres que si on a participé à leur pré-paration et assuré un lavage à l'eau bouillie ou provenantde bouteilles capsulées. La nourriture en général doit évi-demment avoir été préparée depuis peu, avoir été cuiteet être servie chaude (fumante). Le pain, les céréales, lesaliments très sucrés (gelées, sirops) ou très acides(agrumes) sont réputés sûrs. On se méfiera a priori de lanourriture laissée longtemps à température ambiante(buffets froids), des plats des marchands ambulants, dessalades, des sauces laissées sur les tables, des coquillages,des hamburgers. 11 faut bien convenir que ces précau-tions, si elles assurent une substantielle réduction durisque, n'apportent pas une garantie totale. Elles sont sur-toul contraignantes et difficiles à observer, notammentdès lors qu'on quitte les sentiers battus du grand tourismeinternational, pour lequel on admet que le risque est faible

dans les restaurants et établissements hôteliers recom-mandés par les orgamsateurs de voyages.Une prophylaxie antibiotique ne se justifie pas dans lagrande majorité des cas. Parmi ses nombreux inconvénients,elle peut donner une fausse impression de sécurité, fairenégliger les mesures d'hygiène alimentaire, participer à lasélection de souches résistantes, provoquer des accidentsiatrogéniques... En zone tropicale, le traitement précoce detoute diarrhée débutante doit être présenté comme un excel-lent choix pour remplacer la prophylaxie. Dans de très rarescas, pour des séjours très courts et en raison du caractère« opérationnel » (professionnel) d'un déplacement ou de laparticulière fragilité d'un individu, on a pu faire appel à uneantibiothérapie (1 comprimé quotidien d'une fluoroquino-lone ou de cotrimoxazole ou de doxycycline). L'informationdes risques et des limites de cette pratique, non validée scien-tifiquement, doit être rigoureuse et clairement formulée àl'intéressé. Lin antiseptique intestinal (nifuroxazide : 200 mg/jen deux prises) peut, avec les mêmes limites, sinon lesmêmes risques, constituer une alternative.Le vaccin anticholérique est très généralement crédité d'uneefficacité modeste. La protection apportée par le vaccintyphoïdique polyosidique (Typhim) varie, selon les régions,entre 50% et 80%.

ET CHEZ L'IMMUNODÉPRIMÉ ?Avant 1996, date d'apparition des combinaisons thérapeu-tiques antiréfrovirales véritablement actives, la diarrhée -aiguë, souvent chronicisée - constituait un passage quasiobligé de l'évolution de l'infection à VIH, dontl'immuno-dépression, principalement cellulaire, élargit considérable-ment, par l'addition des agents infectieux opporttmistes auxcauses classiques, le panorama étiologique. Il faut évoquer,au titre du diagnostic différentiel, le rôle des médicaments(anti-protéases). Au rang des causes infectieuses, on trouve,outre les causes habituelles (où salmonelles, shigelles, Cam-pylobacter sont surreprésentés), le VIH lui-même, le cyto-mégalovirus, des mycobactéries atypiques, de nombreuxparasites (giardiase et amibiase - en particulier chez l'ho-mosexuel et en Afrique - mais aussi cryptosporidies, lso-spora bdli, microsporidies, Cyelospora...). Les colites a Clos-tridium diffîcitesonX en augmentation, probablement du faitde l'utilisation extensive de l'antibiothérapie.Le diagnostic, non constamment réalisable, repose sur lesexamens de laboratoire (coproeulture, parasilologie) et doit,si la diarrhée persiste, notamment si le nombre de lympho-cytes CD4 est inférieur à 200/mm3, taire appel à la biopsiedigestive perendoscopique, colique (inclusions cytoméga-liques, notamment) ou duodéno-jéjunale (cryptosporidies,microsporidies).Le traitement, souvent difficile dans les diarrhées chro-nicisées des parasitoses opportunistes, est adapté àchaque cas particulier, parfois empirique ou purement

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THÉRAPEUTIQUE PRATIQUE Diarrhées aiguës infectieuses

• Les diarrhées aiguës de l'adulte sontprincipalement d'origine infectieuse.Deux mécanismes sont décrits. Le plusfréquent implique une entéiotoxine(E. coli enlérotoxinogènc, staphylocoque,vibrion cholérique...), qui n'entraîne pasd'àIteinie muqueuse, mais une perteliquidienne el une déshydratation, etpour lequel un traitement est rarementnécessaire, mais devient une priorité danscertaines circonstances. Une atteinteinvasive de la muqueuse colique, avecfièvre el selles sanglantes, nécessite plussouvent un traitement antibiotique,particulièrement des fluoroquinolones,malgré une résistance plus fréquente.

• Foutes les diarrhées d'origineparasilologique (amibiase, bilhar/iose,giardiase, formes fébriles de paludisme),plus souvent rencontrées dans les régionstropicales ou chez les personnes ayantséjourné dans ces pays, nécessitent untraitement spécifique. En dehors de liesrares situations, les voyageurs ne doiventpas utiliser d'antibiotiques enprophylaxie.

• Les diarrhées des patientsimmunodéprimés, particulièrement lorsde l'infection par V1H, élargissent lespectre des diarrhées infectieuses. Ellesnécessitent une endoscopie à viséediagnostique et plus souvent untraitement anti-infectieux. La priorité estde rétablir l'immunité si cela est possible.

Summary

•Acute diarrheas of the adult are mainly of infectious origin.Two main mechanisms are described : the most fréquent impliesanendotoxin (enterotoxinogenic E-coli, Staphylococcus, V. cho-lerae), which does not cause a mucous injury but liquid loss anddehydration, whose treatment is usually unnecessary but canbecome a priority in sortie circumstances ; an invasive injury ofcolonie mucosa with fever and bloody stools Entero-invasiveE-coli, Shigella), more often needing antibiotics and especiallyquinolones first, despite more fréquent résistance.

•Ail diarrheas of parasitic origin (amoebiasis, billarziosis, giar-diasis, fébrile présentations of malaria), mostly observed in tro-pical areas or in people coming from thèse countries, need spéci-fie treatment. But for very rare situations, travellers should notuse antibiotics as a prophylaxis.

• Diarrhea in the immunocompromised patient (especially inHIV infection) broadensthespectrum of infectious diarrheas andneeds endoscopie diagnostic procédures and anti infectioustreatment more frequently. Restoring immunity, if possible, is apriority.

symptomatique. Sans prétendre être exhaustif, on peutl'appeler l'intérêt du métronidazole dans la giardiase etl'amibiase, du cotrimoxazoie pour Cyciospora et Isospora(1 comprimé de Bactrim forte deux fois par jour pendantsept à dix jours), de la Eumagilline et de l'albendazole pourles microsporidies (2 comprimés de Zentel par jour pen-dant trois semaines), de la paromomycine couplée à l'azi-thromycine pour Cryptosporidium et, particulièrementdans ce dernier cas, d'une adaptation du traitement anti-rétroviral qui, permettant mie restauration immunitaire,peut constituer la meilleure approche thérapeutique.En dehors du sida, qui reste un impressionnant modèle dedéficit de l'immunité cellulaire, les neutropénies entraînentsurtout des complications infectieuses bactériennes ou fon-giques, et les déficits de l'immunité humorale (Iiéniopatliieslymphoïdes B), des infections bactériennes. Ces terrainsimpliquent une gravité particulière et requièrent une priseen charge rapide. Citons également la possibilité d'hyper-infestation intestinale et d'auguillulose disséminée malignechez le sujet immunodéprinié, notamment à l'occasiond'une œrn'cothérapie générale, parfois très longtemps aprèsle séjour infestant.

ET SI LA DIARRHÉE PERSISTE ?On estime qu'une diarrhée est persistante quand elle dureau-delà de une semaine. En dehors du cas, déjà envisagé,d'une immunodépression sous-jacente qui (et que) doitfaire rechercher particulièrement une parasitose oppor-tuniste, il faut faire appel au laboratoire, si cela n'a pasdéjà été fait, et rechercher notamment une cause parasi-taire; évoquer une diarrhée post-antibiothérapie;remettre en cause le diagnostic de diarrhée aiguë infec-tieuse. On recherche ou on reconsidère alors d'autrescauses : iatrogéniques (colchicine, biguanides, digi toxine,théophylline...), toxiques (alcool), colopathie Fonction-nelle, tumeur, colite inflammatoire, ischémique, etc. Ondoit envisager la réalisation d'une exploration endosco-pique du côlon, et éventuellement gastro-duodénale, unetomodensitométrie abdominale. • 11 oase

A U T E U RA. Chagnon, Pr, ane. chefseru. méd. int, H1A Sainte Anne, méd.consult., Toulon

R É F É R E N C E S/. Boiwhaud O. Quefaire devant une diarrhée chez un patient atteint dusida. Concours Med 1997 ;Jl9:15it-15)b.2. Caire D, Coton T, DdpyR, GuisseiAi. DebonneJM Diarrhées aiguësinfectieuses : traitement actuel ci perspectives. Med Trop 2001 ; 61:521-528.1. Chagnon A. Diarrhées du voyagea. Rev Pral i996 :46 ; 189-J95.4. Christmann D. Diarrhées infectieuses. In : Bouvenot G, Caulin C Eds.Guide du bon usage du médicament. Paris, Flammarion Médecine-Sciences éd. 2001 690-694.4. Rabaud C. Diarrhée aiguë chez l'enfant et citez l'adulte. 2e partie : chezl'adulte. Rev Prat 2004 ;54 :427-434.5. Ihielinun tXM, Guarani liL. Acute inj'eclious diarrhea. N Kujil .1 Metl2004 ;3S0:3847.

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