Là-bas Qui m’aime si j’y suis… me traduise...Là-bas si j’y suis… C’est grâce à...

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Qui m’aime me traduise ! Lire André Bucher en chinois, Brigitte Giraud en norvégien, Jean- Claude Mourlevat en anglais, Jean- Yves Loude en portugais ou Pascal Garnier en grec, ce n’est certes pas une obligation pour les heureux lecteurs francophones que nous sommes, mais c’est tout au moins possible… Car les écrivains qui vivent en Rhône-Alpes sont présents dans une trentaine de langues et encore davantage de pays. Mieux connaître cette présence et en mesurer les modalités ainsi que les conséquences pour les écrivains, tels étaient les objectifs qui, au printemps 2008, ont conduit l’Agence Rhône-Alpes pour le livre et la documentation à réali- ser une enquête auprès des auteurs. Une cinquantaine de questionnaires, une trentaine de réponses. Résultats, observations, analyses dans notre dossier : Comment s’exportent les écrivains ? >> suite p. 2 >> de A à Z/p.6 Écrivains en Grésivaudan Ou comment l’on organise une (belle) manifestation de littérature entre Pontcharra, l’est de Grenoble, le balcon de Belledonne et le piémont de la Chartreuse… jeunesse/p.9 Tous azimuts Érik L’Homme et son Phænomen, Aurélia Grandin et ses vacances chez Tata Lucienne, « Les clés de l’info » avec Élisabeth Combres, et un duo Marie-Félicité Ebokea/Clémentine Sourdais tout en couleurs… (illustration) Là-bas si j’y suis… C’est grâce à François Bon que j’ai appri- voisé le territoire littéraire existant sur le net et que je m’en suis mêlée. J’y trouve des lieux où je peux réfléchir avec d’autres sur l’avenir du lire (c’est volontairement que je n’emploie pas le mot “livre”,mais bien “lire”).Car il faut se décaler un peu des visions classiques des lieux et des objets de la littérature pour inventer du possible et sauvegarder ainsi une relation intelligente avec le livre,justement. Ces lieux où je vais lire, m’informer, travailler, sont tantôt des blogs, des sites spécialisés, des revues, des forums de discussion et j’ai appris petit à petit à ne plus m’y égarer.Je choisis mes parcours comme je choisis mes librairies. Et ce n’est pas seulement faire vitrine quand j’occupe pendant trois mois le gîte virtuel de la revue Notes.J’ai pu y rendre visible ma rela- tion aux agendas et aux carnets, et entrer ainsi en conversation avec certains visiteurs. Souvent auteurs eux-mêmes. Ces lieux me permettent de faire exister des textes qui ne méritaient pas forcément une édi- tion papier mais trouvent tout de même un lec- torat, comme pour mes textes courts ou mes interventions lors d’un débat. Mon lieu privilégié, car j’y suis à la fois rédac- trice et lectrice,est la revue littéraire Remue.net. Mon étonnement depuis trois ans de faire exister cette revue avec des personnes que j’ai très peu rencontrées physiquement. De par- venir,avec une économie de moyens financiers sans équivalent, à organiser avec elles des débats ou des lectures publiques. Et que ce soit sur le net ou ailleurs, je milite pour ne pas mettre dos-à-dos l’internet et les formes plus classiques du livre, au risque sinon de lais- ser toute la place aux hardiscounters. À ceux pour qui le contenu d’un livre n’a de valeur que s’il se vend bien. Il a donc été vital pour moi, comme écrivain et comme citoyenne, d’occu- per et de soutenir ces territoires du net qui font circuler la littérature ; de toute façon,ils auraient existé aussi sans moi. Orgueil ou lucidité, je pré- fère que cela soit avec moi. Ce qui ne m’em- pêche pas de fréquenter les librairies,d’acheter des livres et d’y respirer aussi l’air du temps. Fabienne Swiatly n°234 - septembre 2008 le mensuel du livre en Rhône-Alpes les écrivains à leur place en +++++ Littérature et internet,toujours ! Fabienne Swiatly nous donne rendez-vous le 27 sep- tembre (de 11h à 23h) au café-lecture Les Voraces (2, rue Camille-Jourdan, Lyon 1 er ) pour une journée consacrée à la revue élec- tronique Remue.net. Au programme de cette journée, des lectures, des perfor- mances d’écrivains et une exposition de photographies de Jean-Pierre Maillet.Avec notamment Armand Dupuy, Philippe Fusaro, Michel Thion, Claude Favre… > www.arald.org rétro/p.12 Tittensor de passage(s) C’était le début de l’été, mais le rendez-vous avec John Tittensor et son livre, Douze jours en Australie (La Fosse aux ours), à la librairie Passages, à Lyon, méritait un coup d’œil dans le rétro de rentrée. Du nouveau sur Lectura Une rubrique consacrée aux Écrivains d’aujourd’hui, une autre intitulée Rhône-Alpes en questions, il y a du nouveau sur www.lectura.fr.Écrivains d’aujour- d’hui, ce sont des portraits d’auteurs proposés par les bibliothécaires, avec des textes, des images, des extraits audio et vidéo, etc. Retrouvez dès maintenant François Bégaudeau, Jacques A. Bertrand, Anne-Laure Bondoux, Bernard Chambaz, Corinne Dreyfuss, Raymond Federman, Charles Juliet ou encore Zahia Rahmani… Avec Rhône-Alpes en questions, vous pouvez désormais poser toute ques- tion relative à l’histoire, l’actualité, le tourisme, l’économie, la culture et le patrimoine de la région Rhône-Alpes. Réponse des bibliothécaires du réseau Lectura dans les cinq jours. découvrir Don Quichotte et ses fantômes, ou la tentative de relire sans œillères l’un des plus grands classiques de la littérature mondiale. Un défi de taille relevé par Sophie Iturralde dans un essai qui paraît aux éditions Jérôme Millon. Illustration : Guy Pehourcq. (lire p. 10) www.remue.net - www.notesbulletin.net - www.latracebleue.net © Éditions Jérôme Millon

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Qui m’aimeme traduise !Lire André Bucher en chinois,Brigitte Giraud en norvégien, Jean-Claude Mourlevat en anglais, Jean-Yves Loude en portugais ou PascalGarnier en grec, ce n’est certes pasune obligation pour les heureuxlecteurs francophones que noussommes, mais c’est tout au moinspossible… Car les écrivains qui viventen Rhône-Alpes sont présents dansune trentaine de langues et encoredavantage de pays. Mieux connaîtrecette présence et en mesurer lesmodalités ainsi que les conséquencespour les écrivains, tels étaient lesobjectifs qui,au printemps 2008,ontconduit l’Agence Rhône-Alpes pourle livre et la documentation à réali-ser une enquête auprès des auteurs.Une cinquantaine de questionnaires,une trentaine de réponses.Résultats,observations, analyses dans notredossier : Comment s’exportent les écrivains ? >> suite p. 2 >>

de A à Z/p.6Écrivains en GrésivaudanOu comment l’on organise une (belle) manifestation de littérature entre Pontcharra,l’est de Grenoble, le balcon de Belledonne et le piémont de la Chartreuse…

jeunesse/p.9Tous azimutsÉrik L’Homme et sonPhænomen, Aurélia Grandin et ses vacances chez TataLucienne, « Les clés de l’info »avec Élisabeth Combres,et un duo Marie-FélicitéEbokea/Clémentine Sourdaistout en couleurs… (illustration)

Là-bas si j’y suis…C’est grâce à François Bon que j’ai appri-voisé le territoire littéraire existant sur lenet et que je m’en suis mêlée.J’y trouve des lieux où je peux réfléchiravec d’autres sur l’avenir du lire (c’estvolontairement que je n’emploie pas lemot “livre”, mais bien “lire”). Car il faut sedécaler un peu des visions classiques deslieux et des objets de la littérature pourinventer du possible et sauvegarder ainsi

une relation intelligente avec le livre, justement.Ces lieux où je vais lire, m’informer, travailler,sont tantôt des blogs, des sites spécialisés, desrevues, des forums de discussion et j’ai apprispetit à petit à ne plus m’y égarer.Je choisis mesparcours comme je choisis mes librairies.Et ce n’est pas seulement faire vitrine quandj’occupe pendant trois mois le gîte virtuel dela revue Notes. J’ai pu y rendre visible ma rela-tion aux agendas et aux carnets,et entrer ainsien conversation avec certains visiteurs.Souventauteurs eux-mêmes.Ces lieux me permettent de faire exister destextes qui ne méritaient pas forcément une édi-tion papier mais trouvent tout de même un lec-torat, comme pour mes textes courts ou mesinterventions lors d’un débat.Mon lieu privilégié, car j’y suis à la fois rédac-trice et lectrice,est la revue littéraire Remue.net.Mon étonnement depuis trois ans de faireexister cette revue avec des personnes que j’aitrès peu rencontrées physiquement. De par-venir,avec une économie de moyens financierssans équivalent, à organiser avec elles desdébats ou des lectures publiques.Et que ce soit sur le net ou ailleurs,je milite pourne pas mettre dos-à-dos l’internet et les formesplus classiques du livre, au risque sinon de lais-ser toute la place aux hardiscounters. À ceuxpour qui le contenu d’un livre n’a de valeur ques’il se vend bien. Il a donc été vital pour moi,comme écrivain et comme citoyenne, d’occu-per et de soutenir ces territoires du net qui fontcirculer la littérature ; de toute façon,ils auraientexisté aussi sans moi.Orgueil ou lucidité, je pré-fère que cela soit avec moi. Ce qui ne m’em-pêche pas de fréquenter les librairies,d’acheterdes livres et d’y respirer aussi l’air du temps.

Fabienne Swiatly

n°234 - septembre 2008le mensuel du livre en Rhône-Alpes

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en +++++Littérature et internet, toujours ! FabienneSwiatly nous donne rendez-vous le 27 sep-tembre (de 11h à 23h) au café-lecture LesVoraces (2, rue Camille-Jourdan, Lyon 1er)pour une journée consacrée à la revue élec-tronique Remue.net. Au programme decette journée, des lectures, des perfor-mances d’écrivains et une exposition dephotographies de Jean-Pierre Maillet.Avecnotamment Armand Dupuy, PhilippeFusaro, Michel Thion, Claude Favre…

> www.arald.org

rétro/p.12Tittensor de passage(s)C’était le début de l’été, mais le rendez-vous avec John Tittensoret son livre, Douze jours enAustralie (La Fosse aux ours),à la librairie Passages, à Lyon,méritait un coup d’œil dans le rétro de rentrée.

Du nouveau sur LecturaUne rubrique consacrée aux

Écrivains d’aujourd’hui, une

autre intitulée Rhône-Alpes en

questions, il y a du nouveau sur

www.lectura.fr. Écrivains d’aujour-

d’hui, ce sont des portraits d’auteurs

proposés par les bibliothécaires,avec

des textes, des images, des extraits

audio et vidéo, etc. Retrouvez dès

maintenant François Bégaudeau,

Jacques A. Bertrand, Anne-Laure

Bondoux,Bernard Chambaz,Corinne

Dreyfuss,Raymond Federman,Charles

Juliet ou encore Zahia Rahmani…

Avec Rhône-Alpes en questions, vous

pouvez désormais poser toute ques-

tion relative à l’histoire, l’actualité, le

tourisme, l’économie, la culture et le

patrimoine de la région Rhône-Alpes.

Réponse des bibliothécaires du réseau

Lectura dans les cinq jours.

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Don Quichotte et ses fantômes, ou la tentative de relire sans œillères l’un des plus grandsclassiques de la littérature mondiale. Un défi de taille relevé par Sophie Iturralde dansun essai qui paraît aux éditions Jérôme Millon. Illustration : Guy Pehourcq. (lire p. 10)

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des cessions de droitset sur le montantperçu pour chaqueouvrage traduit, sou-ligne d’ailleurs l’impos-sibilité de répondre à laquestion en renvoyantà l’opacité des contratsd’édition pour les tra-ductions.Dans l’ensemble, onl’imagine aisément, lesréponses aux questions por-tant sur la rémunération nevont pas à l’encontre de cemanque global d’informa-tion. « Pour plus de préci-sions, contacter les éditeurs »,note (avec humour ou sincé-rité, ou les deux… ?) un écrivain, qui estime quetout ce qui concerne la traduction de ses livres est« flou » et ne lui permet donc pas de répondreprécisément à nos questions. Cqfd.S’en remettre aux éditeurs est donc visiblementl’attitude la mieux partagée par les écrivains. Untiers des auteurs ayant répondu à notre enquêtele font avec une relative confiance, les deux autrestiers restant globalement sceptiques,voire défiants– sans pour autant entamer une quelconquedémarche d’information ou de contestation.

Rémunération : le grand écart

Tout cela fait que les réponses concernant le mon-tant des droits perçus,outre le peu d’entrain mani-festé par les écrivains – à l’image des autres caté-gories socioprofessionnelles françaises – pourdévoiler les sommes, restent assez marginales ettrès hétéroclites. Ce qui est sans doute fidèle à laréalité des choses en matière de traduction. Carles droits d’auteur peuvent aller de quelquesdizaines d’euros, pour la cession des droits d’unlivre dans un petit pays d’Afrique, à plus de 60 000 €, pour la vente d’un seul titre dans prèsd’une dizaine de pays dont les États-Unis ou laGrande-Bretagne et les grands pays européens.De ce point de vue, la traduction en langueanglaise (Grande-Bretagne ou États-Unis), quan-titativement très rare, fait figure de jackpot.Ainsi, 50 % des 40 000 € perçus par un auteurpour la cession des droits d’un roman dansquatre pays (Allemagne, Grande-Bretagne, Italie,Russie), provenait de l’édition anglaise.Globalement, et compte tenu des réponses – par-tielles – qui nous ont été faites,on peut estimer que,pour l’ensemble de leurs livres traduits,environ 40 %des auteurs ont perçu des droits inférieurs à 1 000 €,40 % entre 1 000 et 5 000 €,et 20 % plus de 20 000 €.

« Hum,hum… ! » C’est écrit en toutes lettres,celarésume sans doute au plus juste l’appréciationglobale des auteurs sur cette partie de « leur »activité et c’est tout simplement la réponse d’unécrivain à l’une des questions de notre enquête :« êtes-vous tenu(e) informé(e) par votre éditeurde la politique de vente des droits pour la pro-motion de vos ouvrages à l’étranger et êtes-voussatisfait(e) de cette politique ? »

« Hum, hum… ! », donc. Et pourquoi un tel scep-ticisme teinté d’ironie ou plutôt une telle ironieteintée de scepticisme ? Sans doute parce que,sur cette question comme sur celle des négocia-tions autour des contrats d’édition, l’auteur n’aque rarement son mot à dire. En l’occurrence, eten général, c’est à peine si on le tient au courantde ce qu’il advient de ses livres – de ses droits –une fois que la vente a été conclue avec un édi-teur étranger. Ainsi, un écrivain publié dans unegrande maison d’édition française, et dont troislivres ont été traduits aux États-Unis et enAngleterre, précise qu’il n’a jamais reçu un seulrelevé de ses droits concernant ses traductions.Une absence d’information que l’on retrouvedans beaucoup de cas et qui s’exprime à traversles réponses à notre questionnaire. Sur la tren-taine d’écrivains qui ont bien voulu nousrépondre, deux seulement ont été en mesure dedonner le tirage de l’un de leurs livres traduits –en l’occurrence au Pakistan et en Iran. Tous lesautres, pour tous les autres livres – 87 ouvragestraduits dans une trentaine de langues –,ont ins-crit un point d’interrogation dans cette rubrique.Il est vrai que,parfois, les auteurs ignorent mêmele tirage de leurs livres en France… Et certainsvont encore plus loin dans leur constatation :« Dès lors que l’on souhaite être renseigné, l’on estconsidéré comme soupçonneux… »,écrit l’un d’eux.

Mieux vaut être (un écrivain) riche etbien portant que pauvre et malade…

À la lecture des réponses à notre enquête, ilsemble évident que, plus les livres d’un auteursont diffusés à l’étranger,plus les traductions sontnombreuses et connaissent des chiffres de venteimportants,mieux les écrivains sont informés dela situation. Ce qui semble logique du point devue commercial, qui est celui de l’éditeur…Pourtant, cela ne se confirme pas toujours etdépend énormément du travail des éditeurs ainsique des rapports qu’ils entretiennent avec leursauteurs. « Nous sommes informés de temps entemps,quand ça marche… », résume à sa manièreun écrivain dont les romans ont été traduitsdans plusieurs pays européens.Le même auteur,lorsqu’on l’interroge sur les retombées financières

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Par ailleurs,certains auteurs,pourtant présents dansplusieurs pays à travers plusieurs livres, déclarentn’avoir perçu aucun droit sur ces traductions… Dansce domaine de la rémunération,on reconnaît donclà une hétérogénéité fort courante chez les écrivains.Reste que, à travers ce très modeste état des lieux,on comprend que le passage des textes français horsdes frontières est avant tout l’affaire des éditeurs,même – et surtout – lorsque les contrats sontsignés. Comme dans d’autres compartiments deleur vie d’écrivain – la négociation des contrats, lepaiement des à-valoir, le relevé des droits… –,unegrande majorité d’auteurs subissent la logiquedes fonctionnements économiques de la chaînedu livre et, par conséquent, ne se sentent glo-balement pas très concernés et, pour certains,exclus de cette préoccupation. Une parmitoutes celles qui constituent leur « conditionlittéraire ». Laurent Bonzon

dossier / Comment s’exportent les écrivains ?

Qui m’aime me traduise !

Où peut-on les lire ?Jean-Noël Blanc : Corée du sud, Pays-Bas, Serbie.André Bucher : Chine,Espagne.Pierre Charras : Croatie,Grèce, Italie, Roumanie,Turquie, Taïwan.Paul Fournel : Grande-Bretagne, Espagne, Italie.Pascal Garnier : Espagne, Grèce, Italie.Brigitte Giraud : Allemagne,Autriche, Chine, Corée du sud, Hongrie, Italie, Iran,Norvège… Charles Juliet : Corée du sud,Espagne, Mexique, Chine,Turquie, Japon…Jean-Yves Loude : Cap-Vert, Brésil, Pakistan

(anglais), PortugalJean-Claude Mourlevat : Allemagne, Corée du sud,Grande-Bretagne, Italie,Japon, Russie…Lorette Nobécourt :Allemagne, Italie, Roumanie.Emmanuelle Pagano :Allemagne, Espagne.Fred Paronuzzi : Allemagne,RussieJean-Yves Picq : Danemark,Espagne, États-Unis,Grande-Bretagne, Pays-Bas…Françoise Rey : Allemagne,Danemark, Espagne, Grande-Bretagne, Grèce, Italie, Japon…Gilles Rozier : Allemagne,Danemark, États-Unis,Grande-Bretagne, Israël,Italie, Pays-Bas, Portugal,Suède.Joël Vernet : Bahreïn,Iran, Syrie.

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Les attendus d’une enquêteInterroger les auteurs…Nous avons sélectionné un corpus d’une cin-quantaine d’auteurs de Rhône-Alpes,auxquelsnous avons envoyé, en mars 2008, un ques-tionnaire articulé autour de trois points fon-damentaux : le contrat de traduction, la tra-duction elle-même et la promotion desouvrages à l’étranger.Nous demandions aussiaux auteurs d’indiquer,dans la mesure du pos-sible, les références des traductions de leurslivres. Une trentaine d’auteurs – des roman-ciers pour la plupart, « adulte » mais aussi« jeunesse » – ont répondu à nos questions.

Informer les auteurs…Au terme de cette enquête, il est apparu queles auteurs sont, sauf exceptions, très peu,voire pas du tout informés de la politiquemenée par leur éditeur en matière de ces-sion de droits à l’étranger. Certains parlentmême de « nébuleuse »… Le contrat decession de droits étant signé par l’éditeur,l’auteur n’est souvent mis au courant des

transactions qu’après coup, ne dispose passystématiquement d’exemplaire de l’ouvragetraduit,ni même du double des contrats decession, et ne reçoit d’échos de la presseétrangère que si l’éditeur étranger souhaitelui en faire part : « Les droits étrangers, c’estl’Arlésienne », confie un auteur désabusé.

Rémunérer les auteurs…La rémunération est intégrée dans le relevédes droits perçus chaque année. Selon lesauteurs, le nombre d’ouvrages traduits, la poli-tique de l’éditeur, le tirage, la ou les langues,cela peut varier de 50 € à plus de 50 000 €…Certains créneaux de traduction sont en effetextrêmement étroits : on pourrait croire parexemple qu’un ouvrage traduit en portugaisouvre les portes du monde lusophone,et duBrésil en particulier… Il n’en est rien.Les édi-teurs brésiliens achètent des traductions enportugais du Brésil, et refusent les ouvragesen portugais du Portugal !

Traduire les auteurs…Une fois les droits cédés, s’ouvre le chantierde la traduction. Les éditeurs préférant engénéral avoir recours à un traducteur pro-fessionnel plutôt qu’acheter une traductiondéjà faite,on pourrait penser que se met en

place une dynamique de collaboration entrel’auteur et le traducteur. C’est rarement lecas, sauf pour quelques écrivains, quiconnaissent une ou plusieurs des languesdans lesquelles leur livre est traduit. Si ceux-ci se permettent parfois de donner un éclai-rage sur le sens du texte, rares sont ceux quipeuvent apporter corrections et modifica-tions. Et si ces contacts professionnels ontpu se transformer en amitiés, il est rare qu’ilen naisse d’autres projets éditoriaux.

Promouvoir les auteurs…Après la traduction, vient l’étape de la pro-motion. Le réseau des centres culturels desambassades de France à l’étranger entrealors souvent en scène : en invitant des écri-vains pour des rencontres, des lectures, desconférences, des résidences d’écriture, lorsde rendez-vous de presse,de manifestationslittéraires, dans des librairies… Mais le plussouvent, c’est l’éditeur étranger qui secharge d’inviter l’auteur à un salon ou à unefête du livre. Mais là encore, les opportuni-tés sont rares. Enquête et entretiens avec les

auteurs réalisés par Mélanie Fusaro

nombreux, écrivent « directement »en anglais. En outre, les coûts de tra-duction sont élevés et ils grèvent trèsfort le budget des livres étrangers.C’estpour cette raison que, plutôt que demener une politique d’auteurs, leséditeurs cherchent davantage les« coups » – qui ne marchent pas à toutcoup, cela va sans dire.

Traduction :ici Londres !Paul Fournel est écrivain etattaché culturel pour le livre àl’ambassade de Londres. Il évoquela présence des auteurs françaissur le marché britannique et laspécificité hexagonale de la rela-tion auteur-éditeur.

La littérature française est globale-ment très peu traduite en langueanglaise. Quelles sont, selon vous,les raisons de cet état de fait et leschoses changent-elles ?La première raison est que les Anglaistraduisent peu.En littérature générale,le nombre de livres traduits varie entre2 et 3 %, selon les statistiques, contreplus de 40 % en France, Italie ouAllemagne.Sur ce faible pourcentage,les Français occupent encore la pre-mière place.On peut expliquer cela parune insularité légendaire (qui est unfait),mais aussi par le fait que le réser-voir d’imaginaires différents esténorme dans la langue anglaise. Leséditeurs reçoivent des manuscrits desquatre coins du monde qui comblentsans peine le besoin d’exotisme deleurs lecteurs : Amérique du nord,Australie, Inde, Pakistan, Irlande,Écosse…, sans parler des écrivainsd’autres pays qui, de plus en plus

Quelles initiatives, notamment dela part des centres régionaux dulivre, pourraient venir en appointdu travail des éditeurs pour aiderà la traduction des écrivains françaisà l’étranger ? S’agit-il seulementd’une question de soutien financierà la traduction ou conviendrait-ilde développer des programmesd’aide à la présence des auteurs àl’étranger à travers des lectures,des résidences… ?Tout cela est ce que nous faisons déjàsur place.Nous aidons grâce aux PAP*,à hauteur de 30 % du prix de la tra-duction. À cette aide, une aidedirecte du CNL peut être ajoutéepar l’intermédiaire de l’éditeur fran-çais. Lorsque les livres que nousavons aidés sortent, nous recevonsles auteurs pour un lancement, àl’Institut culturel ou ailleurs. Touteaide qui pourrait aider à accroître lepourcentage serait la bienvenue etnous permettrait,par exemple,de faire

aussi bien que les Japonais,qui paientpratiquement la totalité de la traduc-tion. Il ne me semble pas nécessaire,sauf cas très précis de colloques ou defestivals, de faire venir les auteurs surplace avant traduction pour tenterde « convaincre » les éditeurs. Celapourrait être contre-productif. Lesrésidences ne semblent pas se prati-quer de la même façon de ce côté-cidu tunnel. En revanche, elles peuventsans doute être efficaces dans lemonde du théâtre.Dans tous les cas, ilest vraiment préférable que l’auteurpuisse s’exprimer en anglais. Les édi-teurs reçoivent des informations deséditeurs, de CulturesFrance (via larevue Fiction France) et de nos servicesculturels (via le site French book newsconjointement fait avec les servicesculturels de l’ambassade de New-York).Ils ne se plaignent pas d’être sous-informés ! Il me semble donc quel’aide à la traduction est l’axe à pri-vilégier – d’autant que les budgetsdu ministère des Affaires étrangèresne cessent de diminuer.

Dans notre enquête, nous nousapercevons que les auteurs sontgénéralement peu informés – et peusatisfaits… – de la politique de ces-sion de droits telle qu’elle est prati-quée par leurs éditeurs.À votre avis,pourquoi une telle opacité et un telmanque d’information ? Que fairepour y remédier ?Pour remédier à cela, il faut agir surl’éditeur français qui est titulaire desdroits. Les grands éditeurs étrangersenvoient des relevés réguliers et les édi-teurs français sont en mesure de lesproduire.Mais les auteurs français ontune relation tellement infantile avecleur éditeur qu’ils « oublient » dedemander – mais ils n’oublient pas dese plaindre.Souvent, les sommes sontmarginales et les éditeurs ne veulentpas perdre de temps et d’argent pourdétailler.En revanche,lorsque l’on a degros succès,il est très rare que l’éditeurfrançais ne rende pas de comptes.Il faut que les auteurs français « for-ment » leurs éditeurs à rendre descomptes ou alors ils doivent leur reti-rer les droits lorsqu’ils ne sont pas satis-faits du service rendu… Il y auraitbeaucoup à dire sur la relation auteur-éditeur en France,qui diffère sensible-ment de celle que l’on connaît enAngleterre,où les agents mènent le baldes droits dérivés.Propos recueillis par

L. B.

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enquêteDans les couloirs de la Foire de Francfort :haut-lieu de l’achat et de la vente de droits.

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* Créés en 1990 par le ministère des Affaires étrangères,les Programmes d’aide à la publication (PAP) sont misen œuvre par le réseau des services culturels des

ambassades et des établissements culturels françaisà l’étranger. Ils ont permis la publication de près de10 000 titres dans 75 pays partenaires.

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+ + + + + + Remerciements aux écrivains qui ont bien voulu répondre à nos questions.

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/ Comment s’exportent les écrivains ?

Pierre Péju, auteur de La Petite Chartreuse(prix du livre Inter 2003), est lu par des lec-teurs du monde entier. Se consacrant désor-mais entièrement à l’écriture, il a publiédepuis Le Rire de l’ogre (Prix du roman Fnac2005) et Cœur de pierre. Ses romans sont traduits dans une vingtaine de langues.L’écrivain grenoblois évoque la vie de seslivres à l’étranger.

Votre éditeur, Gallimard, mène une politiqueactive de vente de vos droits d’auteur à l’étranger.Avez-vous votre mot à dire et tenez-vous à le dire ?Je m’entends très bien avec les responsables desdroits étrangers de Gallimard. Ils font du bon tra-vail. Je suis satisfait pour la plupart de ces traduc-tions. Ai-je mon mot à dire ? À vrai dire, moyenne-ment… Toute mon information passe par Gallimard.

Y a-t-il des retombées financières significativespour vous, ou est-ce marginal ?C’est marginal par rapport aux ventes en France,mais c’est significatif lorsqu’il s’agit de la Grande-Bretagne ou de l’Allemagne,où La Petite Chartreusea été pendant huit semaines dans les meilleuresventes du pays.

Pour ce qui est de la traduction à proprementparler, connaissez-vous une ou plusieurs deslangues dans lesquelles vous avez été traduit ?Je connais l’allemand. J’arrive à peu près à lire latraduction anglaise,parce que je connais le textefrançais.C’est tout.De toute façon, je ne lis jamaisle texte avant publication. Je n’ai absolument pasles moyens de me rendre compte s’il y a fidélitéou même musicalité.

Un célèbre adage italien associe au terme de« traduttore » celui de « tradittore », le « traître » :que représente pour vous le fait d’être traduit ?

Est-ce que l’on sesent « trahi » parune autre langue ?Plus ou moins.Mais la déposses-sion commencebien avant et pourd’autres raisons…On m’a dit que cer-taines traductionsétaient bonnes. Entant qu’auteur, jen’ai pas les moyens d’en juger. Sans parler dequelques curiosités… Ainsi, en arabe, le traduc-teur a rendu La Petite Chartreuse par La Petite Fillequi habitait Chartres… Beaucoup de nuances etde significations singulières sont perdues, maisc’est la même chose pour les livres qui arriventen traduction dans notre langue.

Et lorsque vous n’êtes pas satisfait d’un titre,ou que vous vous apercevez d’un contresens,est-ce que vous proposez des corrections ?Pour le contresens sur le titre arabe, je ne l’ai suqu’après. Le livre était déjà publié, imprimé, dif-fusé… Là où j’ai été le plus perplexe,c’est lorsqueles Allemands ont décidé de traduire Le Rire del’ogre par Schlaf nun selig und süß (ce qui veut àpeu près dire : « Dors,maintenant,doucement etpaisiblement »). C’est une berceuse que chaqueAllemand connaît depuis l’enfance, comme Auclair de la lune.On était censé comprendre qu’untitre très doux cachait une histoire très dure.

Avez-vous été invité par vos éditeurs étrangers ?Oui, lors de la sortie des livres. Je l’ai fait notam-ment plusieurs fois en Italie, où les choses sontorganisées de façon particulière.La maison d’édi-tion italienne invite l’auteur et prévoit un certainnombre de rencontres-marathon avec des jour-nalistes littéraires. C’est très bien organisé, maisc’est épuisant… Dans d’autres pays, la rencontre

du public peut se faire dansles librairies ou par le biaisdes centres culturels français,parce qu’un certain nombrede mes livres ont été traduitsavec l’aide du ministère fran-çais des Affaires étrangères.

Vous avez confié lors d’unerencontre littéraire : « Je res-sens un certain vertige faceà l’idée d’un lecteur qui melit et, ainsi, me met à nu ».Ressentez-vous aussi un

certain « vertige » à l’idée d’être traduit,mis à nu,et éventuellement « mutilé » par une traduction ?On n’est même plus dans cette problématique…On a plutôt l’impression d’un objet devenu qua-siment étranger. Il est toujours possible de parlerd’un livre avec des lecteurs d’autres pays, maisc’est extrêmement difficile, après tant d’opéra-tions, de revenir à ce qui a été le sentiment etl’intention originels.

Vous percevez donc réellement ces barrièreslinguistiques et culturelles ?Surtout des barrières dans les mentalités. Ainsi,dans La Petite Chartreuse, qui a été très bienaccueilli en Chine, les Chinois adorent la descrip-tion des montagnes, parce que là-bas les mon-tagnes sont sacrées… Dans Le Rire de l’ogre, dontle titre chinois est Le Démon, ce qui les intéres-sait, c’était la Seconde Guerre mondiale. Ils l’ontlu comme un livre sur les horreurs de la guerre…Mais ce qui est toujours déroutant, c’est la façondont on vous parle de votre livre lorsqu’il a été ludans une traduction.

Est-ce qu’être traduit donne l’impressiond’être démultiplié, comme si les frontièress’ouvraient et permettaient de toucher davan-tage de lecteurs ?Je crois que toutes ces impressions sont avanttout très abstraites. C’est la même chose qued’avoir beaucoup de lecteurs.La Petite Chartreusea été vendu en France à près de 250 000 exem-plaires. Le grand nombre de lecteurs est forcé-ment source de lectures multiples, à des niveauxdifférents, puisque La Petite Chartreuse est étu-diée aussi bien au collège qu’à l’université. Demême, si vous prenez un de mes lecteurs bré-siliens et que vous le mettez en présence d’unde mes lecteurs chinois, et si ces deux êtresarrivent à échanger dans une troisième langue,je ne suis pas du tout sûr qu’ils auront l’im-pression d’avoir lu le même livre… Mais cer-tains malentendus peuvent être féconds.Propos recueillis par M. F.

Qui soutient la traduction à l’étranger ?

Le Bureau du livre du ministère des Affaires étrangèreshttp://www.diplomatie.gouv.fr/fr/actions-france_830/livre-ecrit_1036/index. html

Le Centre national du livre

Les subventions pour la traduction d’ouvrages français en langues étrangèreshttp://www.centrenationaldulivre.fr/?Subventions-pour-la-traduction-d,639

Les crédits de traductionhttp://www.centrenationaldulivre.fr/?CREDITS-DE-TRADUCTION-AUX

Les bourses de séjour aux traducteurs étrangershttp://www.centrenationaldulivre.fr/?BOURSES-DE-SEJOUR-AUX-TRADUCTEURS

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entretienLes livres de Pierre Péju et leur traduction

La Petite Chartreusede Chartres…

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Bernes et Thierry Barailler, ancienssalariés de France Telecom, fontvivre le seul espace commercialdédié au livre dans cette petiteville de 25 000 habitants en forte

La librairie Bel’Ysère a ouvert sesportes fin mai à Pontcharra.Épilogue espéré d’un feuilletondont Livre & Lire s’est fait l’écho aufil des mois. Désormais, Domitille

progression démographique. Ils ontsubi avec succès toutes les épreuvesqui les attendaient, dont la ruptureavec une situation professionnelleconfortable n’était pas la moindre.Tout s’est ensuite enchaîné dansune aventure qui exigeait volonté etpatience,enthousiasme et vigilance.Les péripéties de l’ouverture prin-

tanière – une enseignequi tarde à arriver, unepanne de logiciel fort malvenue… – n’ont en riengâché la première joie destout nouveaux libraires :on les attendait avec impa-tience. Une boutique quine désemplit pas le jour J,de nombreux messagespositifs,des clients qui pro-mettent de devenir vitedes habitués : voilà quirécompense des phasesd’incertitude et des tra-vaux physiques. Les pre-mières semaines ont

confirmé la bonne impression,alorsqu’un début plus poussif avait étélucidement envisagé.Si la papeterieattend sans doute la rentrée pourmonter en puissance, le rayon jeu-nesse, en revanche, a tout de suitemarqué des points.Les contacts avecles partenaires potentiels s’étoffentpeu à peu, notamment dans lemonde éducatif. La librairie a déjànoué des liens avec la ludothèquepour une animation autour des jeux,rencontré le proviseur du lycée et ladocumentaliste. Une autre aventurecommence donc, celle de la vraie viedu livre dans une petite ville gagnéepar la « rurbanité »,pour deux librairesqui viennent de loin et comptent bienne pas en rester là. Danielle Maurel

Librairie Bel’Ysère52, rue Laurent Gayet 38530 Pontcharratél. /fax 04 76 71 44 68 mél. [email protected]

Un salon quia des ailesEn 1992, 1996 et 2000, l’associa-tion Folije organisait à Grenoble

le Forum du livre de jeunesse. En 2007,elle prenait son envol à Lumbin, petitecommune située dans la vallée duGrésivaudan,avec le salon du livre IcareMômes. Rattaché aux festivités de laCoupe Icare – grand rassemblementdes sports aériens qui a lieu chaqueannée sur le site de St-Hilaire-du-Touvet-Lumbin – ce salon du livres’adresse aux plus jeunes. C’est aprèsun baptême de l’air réussi l’année der-nière que le salon proposera cetteannée un espace librairie tenu par lalibrairie Chemain, de Voiron, une expo-sition d’originaux de l’illustratrice AnneRomby tirés du livre Zhao l’enfantpeintre, ainsi que de nombreuses ani-mations, ateliers et jeux pour lesenfants de 3 à 12 ans. Anne Jonas,Anne Romby et Isabelle Simon serontles invitées de cette édition. Bien sûr,les livres sélectionnés et les activitésseront consacrés au thème de l’envol.À côté des montgolfières, des hélicos,des parapentes, le salon Icare Mômesvous fera découvrir les drôles d’oiseauxde la littérature de jeunesse. M.-H.B.

Icare Mômes18 - 21 septembreFOLIJE18, rue Claude Kogan38100 Grenobletél. 04 76 22 65 19www.coupe-icare.org

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De A à Z : épilogue de l’aventure « librairie »

Deux libraires venus de loin

actualités / librairie

son réveil lui réserve bien des sur-prises. Après des albums très oni-riques, les Éditions Anna Chanelenrichissent leur catalogue aveccette collection de romans, dont laréalité futuriste entre souvent enécho avec la nôtre. C. S.

Éric SanvoisinMathis,l’enfant quivenait du froidÉditions Anna Chanel Collection« Teenager 2168 »205 p., 13,50 €ISBN 978-2-917204-09-2

Teenager 2168 :Anna Chanel etla SF

Livres au Beau fixe Beau fixe, c’est une manufactured’images.Philippe Sublet et PhilippeFontana savent manier les imagespour créer des livres, des sites, desidentités visuelles et autres chartesgraphiques pour leurs clients. Maisaussi et surtout,Beau Fixe est une mai-son d’édition, dont les livres concen-trent le savoir-faire des éditeurs.Beaux-arts et arts décoratifs se partagent lecatalogue de cette maison qui a fêté,en 2006,sa 20e année d’existence entrebelles images et beaux livres. C.S.

Éditions Beau Fixe23, chemin de Montpellas - 69009 Lyontél./fax 04 72 20 04 [email protected]

CorrespondancesDeux éditeurs, deux nouvellescollections,un même objectif :unir écriture poétique etexpression picturale. Les Édi-tions Critères jouent la carte del’alchimie entre un poète et unartiste contemporain dans leurcollection « Contempo’rimes »,destinée à offrir au lecteur un

nouveau regard sur la poésie.La Petite Fabrique unit elleaussi deux mondes dans deslivres d’artiste très soignés, oùles feuillets libres laissent del’espace au poète comme aupeintre. Dans cette collectiondes Deux Mondes, les mots, lepapier et la peinture se répon-dent. C.S.

Les Éditions Anna Chanel lancentune collection de romans d’antici-pation destinée aux lecteurs adoles-cents. Mathis l’enfant qui venait dufroid ouvre la marche, jeune hérosdu roman d’Éric Sanvoisin, auteurdrômois installé en Bretagne.Mathis, 13 ans, atteint d’un cancerincurable, a été cryogénisé durant154 ans… Le monde qui l’attend à

Andrée Appercelle,illustrations de Sylvie DeparisAux Braises de l’absenceLa Petite FabriqueCollection « Deux Mondes »non paginé, 35 €ISBN 978-2-9162-3405-2

Thierry Bonnefoix,illustrations de Bernadette Deblay-RuthTe le dire toujoursCritères ÉditionsCollection « Contempo’rimes »141 p., 14 €ISBN 978-2-917829-00-4

++++ d’actualités sur www.arald.org

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Une spécialiste du patrimoine,AnneButtin,une journaliste,Nelly Gabriel,ont donc parcouru plusieurs moisdurant le terrain et les archives, tra-quant les « visiteurs »,débusquant les« résidents »,cherchant les traces des« natifs »… Les biographies et lescartes, proposées en fin d’ouvrage,permettent de se faire une idée à lafois de l’ampleur de la recherche etde l’abondance de la matière.

Une topographie littéraire

Car ils sont nombreux, très nom-breux, les écrivains à avoir nourri

Gertrude Stein à Culoz etBilignin, Francis Ponge, agentd’assurance à Roanne,Charles-Ferdinand Ramuz et sesdrames villageois sur fond depaysage lémanique…,tous lesitinéraires sont possibles Dansles pas des écrivains en Rhône-Alpes. Une publication signéeAnne Buttin et Nelly Gabriel.

Faire résonner de mots et d’imagesla présence des écrivains dans larégion entre le XVIe et le XXe siècle,permettre à un large public d’en-trer en contact avec le patrimoinelittéraire, en saisir l’importancegéographique et historique, telssont les objectifs de cette publica-tion, dont l’initiative est à mettreau crédit de la Région Rhône-Alpes.

quelque lien avec le territoire deRhône-Alpes – et pas seulementparce que la région est géographi-quement centrale… Bien sûr, onconnaît l’histoire et les histoires deStendhal à Grenoble, de Voltaire àFerney,de Rousseau à Chambéry,deMadame de Sévigné à Grignan…Mais que sait-on de la relation quiunit Georges Perec au Vercors et àl’enfance ? Que connaît-on de l’in-attendue Pléiade Montbrisonnaise,qui rayonne dans le Forez à la findu XVIe siècle ? Que peut-on ima-giner du dénuement et de la grâcedans lesquels vécut, en 1941, la

Un itinéraire littéraire en Rhône-Alpes

Aux écrivains,la Régionreconnaissante

philosophe Simone Weil,dans le petitvillage de Saint-Marcel d’Ardèche ?Souvent bien peu de choses en réa-lité, et les notices consacrées à cesécrivains, qu’ils soient « de nais-sance » ou « de passage », si elles nedonnent souvent que des bribesd’existences tellement riches etmultiples, prennent des allures decarnets de notes.Un relevé précis etprécieux qui fournit la matière d’unetopographie littéraire passionnante.À condition de dépasser les limitesdu guide et de poursuivre un peuplus loin sur les chemins de laconnaissance. L. B.

Anne Buttin etNelly GabrielDans les pas des écrivains en Rhône-AlpesGlénat192 p., 18,95 €ISBN 978-2-7234-6585-4

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Organiser un festival littéraire en milieu rural :retrouvez chaque mois un nouvel épisode

(1) Des écrivainsen Grésivaudan

En sept ans d’existence, le fes-tival de littérature Écrivains enGrésivaudan peut se prévaloird’une programmation de qualitéet d’une reconnaissance gran-dissante. Pourtant, chaque nou-velle édition est une nouvelleconquête,et requiert une longuepréparation opiniâtre.

Chaque mois de novembre, Écri-vains en Grésivaudan jette son filetsur la quinzaine de bibliothèques,dont certaines très petites,d’un ter-ritoire isérois situé entre Pontcharraet l’est de Grenoble, avec des incur-sions sur le balcon de Belledonneet le piémont de la Chartreuse.L’événement a lieu aussi dans leslycées et collèges du secteur, les rési-dences de personnes âgées et un

centre médico-chirurgical situé surle plateau de Saint-Hilaire duTouvet. Il donne lieu à une vingtainede rencontres avec cinq à sept écri-vains, réunis depuis quatre ansautour d’un thème. Celui de 2008s’énonce en un verbe : « partir ».L’association organisatrice,présidéepar Sonia Chevalier et constituée debibliothécaires professionnelles etbénévoles ainsi que de lectrices, estrepartie depuis des mois à l’assautde la nouvelle édition.Convaincre les élus locaux n’estplus (ou presque plus) de mise :ils ont compris l’intérêt culturelet social d’une manifestation quitisse une vraie toile sur un terri-toire morcelé, parfois fragilisé parson développement même. Maisle travail de fond en direction despublics est toujours à remettresur le métier, pour approfondirune collaboration, reproduireune réussite, améliorer un pandu dispositif.Écrivains en Grésivaudan a ainsichoisi dès l’origine de s’intéres-ser à un public le plus souventnégligé, celui des maisons de

retraite et des établissements hos-pitaliers. La venue d’un écrivaingénère, en amont, des actions plu-rielles : dépôt de livres, présencerégulière des bibliothécaires, ate-liers mémoire avec une conteuseprofessionnelle, lectures à voixhaute par des comédiens. En 2008,le collectif d’organisation – soit unedizaine d’activistes convaincues –a décidé de développer ces liens avecles résidents et les malades,notam-ment grâce à une collaboration

renforcée avec le monde hospitalierà travers le dispositif Culture àl’hôpital. L’autre volet à conforterconcerne les interactions avecl’univers scolaire où l’enthou-siasme des équipes pédagogiques,professeurs de français et docu-mentalistes, crée un appel d’airencourageant. Autant de bonnesraisons de ne pas décevoir cesattentes, en concoctant un pro-gramme alléchant. D. M.

(à suivre…)

de

A à

Z…

zoom Trois écrivains tombèrent amoureux du beau châteaud'Aulan, alors en restauration, dans la Drôme : JeanGiono, René Char, et Albert Camus. "Il suffisait de direun mot sur le palier pour que toute la sonorité se metteà battre des ailes dans tous les coins et quand on criait,les échos claquaient de partout la pierre à mains nues".Jean Giono, L'Eau Vive, 1943

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livres & lectures/ littérature

Si loin, si procheEmmanuelle Pagano ne compte pas parmi lespionnières de la blogosphère.Mais la réussite deson blog (www.lescorpsempeches.net) tient à lamanière dont elle « l’ouvre » à l’extérieur, au-delà de la possibilité de laisser des commen-

taires .Mais ce qui compte aussi, c’est l’art avec lequelelle laisse entrevoir ses divers chantiers d’écriture encours.Pour Emmanuelle Pagano, le blog n’a rien d’unoutil auto-promotionnel. Il est la loupe avec laquelleelle redécouvre son quotidien d’auteur, tout d’abord,ainsi que celui d’enseignante sur le plateau ardéchois.En toute intimité et en toute pudeur.Elle évoque son éditeur (et leur correspondance),

esquisse (en s’étonnant) le portrait d’un « écrivain quin’a jamais goûté de miel », propose un extrait audioquand il est question de sa rencontre avec des lycéenspour leur parler du métier d’écrivain, surfe sur Internetpour essayer de déchiffrer un manuscrit de Stendhalmis en ligne par la bibliothèque de Grenoble (intéres-santes remarques sur la lisibilité ou l’illisibilité de cer-taines écritures). Anecdotique que cette recension ?Sûrement pas ! De quoi l’emploi du temps d’une écri-vain est-il fait ?Emmanuelle Pagano n’a rien d’une chasseuse descoop.Reste qu’avec son texte consacré aux écrivains-enseignants contraints de demander l’autorisation àleur administration pour tenir une plume, elle a levéun sacré lièvre qui n’a pas fini de faire réagir la blo-gosphère. Frédérick Houdaer

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Le deuxième roman de VirginieOllagnier confirme tout son talent

L’Incertain, une séduction certaineL’Incertain est de ces vastes romansqui permettent au lecteur de remon-ter le temps et de franchir les fron-tières. En effet, dans son deuxièmelivre, écrit d’une plume vagabondemais très sûre, Virginie Ollagniernous entraîne dans le sillage de sonhéros, Zoltan Soloviev. Un hommed’origine russe, écrivain, qui asoixante ans lorsque l’on fait saconnaissance. C’est un séducteurnon repenti qui se passionne pourune très jeune fille, étudiante dontil a autrefois séduit la mère maisaussi la grand-mère ! Voilà une aven-ture singulière qu’il va petit à petitnous raconter,embarquant le lecteurdans un récit qui débute à Yalta, en1918, dans la tourmente de laRévolution russe, et se poursuit jus-qu’en 1968, lors d’un certain moisde mai, à Paris, en passant par lesÉtats-Unis à l’époque des annéesfolles et du maccarthysme. On estcaptivé par l’itinéraire de cet hommecouvert de femmes, par sa psycho-logie irritante, complexe mais fasci-nante, aussi bien que par les tempsagités qu’il traverse, et sur lesquelsil pose un regard teinté d’une indif-férente lucidité. Nicolas Blondeau

Virginie OllagnierL’IncertainLiana Levi416 p., 22 €ISBN 978-2- 86746-490-4

Rencontre avec Virginie Ollagnier

Être quelqu’und’autreAprès le succès de votre premierroman, Toutes ces vies qu’on aban-donne, avez-vous eu envie dereprendre des recettes qui avaientfonctionné ou au contraire departir dans une autre direction ?La question ne s’est pas vraimentposée. J’avais commencé L’Incertainsans avoir de retour sur mon premierroman puisqu’il n’était pas encoreparu. J’étais donc libre de touteinfluence. En revanche, je me suisaperçue que,pour les deux,je n’écri-vais pas de façon chronologique. Jene crois pas à la chronologie… Pourmoi,le passé fait partie intégrante duprésent. Du coup, je développe mespersonnages dans le présent et dansle passé, en passant systématique-ment de l’un à l’autre.

On retrouve aussi dans vos deuxromans cette impression d’être dansune tradition du roman françaisclassique…J’aime raconter des histoires,c’est cequi m’importe le plus. La forme metouche,et j’aime aussi reconnaître lasingularité d’une voix dans un livre,mais c’est l’expérience, la vie desêtres de papier qui me préoccupenten premier lieu. Pour ce qui est desinfluences, on peut dire que le pre-mier se situait dans un classicismedu XIXe siècle tandis que celui-ciregarde vers le début et le milieudu siècle dernier, période où il se

déroule… Mais je ne me suis pasimmergée dans des lectures, cesont des influences plus souterrainesqui viennent de ma formation.

Mai 68, la Révolution russe, lemaccarthysme : vous vous appuyezsur des événements historiquesdans votre narration. Pour quellesraisons ?Pour le maccarthysme, j’avais enviede me pencher sur cette épisode del’histoire des États-Unis, où unepériode de peur,dont on voit encoreles effets aujourd’hui,succède à unepériode de grande liberté. Et com-ment à cette époque, dans le milieuhomosexuel, les hommes et lesfemmes ont été obligés de se trans-former. Je me suis aidée du livre del’historien Georges Chauncey, GayNew-York. L’idée était de montrercomment la violence de la sociétéinflue sur nos comportementssociaux. La Révolution russe, Mai 68et les autres événements qui sontabordés dans le livre,servent bien sûrde repères,mais ils permettent ausside mettre en avant ce thème queje tenais à creuser.Peut-être, aussi,est-ce rassurant de ne pas partirà l’aveuglette… Et c’est vrai quej’aime faire des recherches pourécrire, apprendre. Pour prendrel’exemple de 68, ce qui m’a inté-ressée, c’est de voir comment, ausein de la population, étaient res-senties les émeutes, les barricades,plus que ce qu’il s’y passait réelle-ment.Mon héros a une approche detouriste par rapport à tout ça et ilregarde la vie depuis son balcon.

Comment fait-on,quand on est unejeune femme de 38 ans, pour semettre dans la peau d’un héroscomme le vôtre, c’est-à-dire unhomme de plus de 60 ans ?Ce n’est pas toujours facile… Ainsi,mon héros a une approche épouvan-tablement négative et « sarkozyste »de 68,qui ne reflète en rien mon sen-timent.Mais tout le plaisir est là : êtrequelqu’un d’autre.C’est ce que je pré-fère.Je ne pourrais pas écrire sur mavie qui est toute simple, toute gen-tille… Je ne pourrais pas faire de l’au-tofiction car j’aurais l’impression detrahir mes proches.Je me projette, jedeviens une sorte de comédien quise met lui-même en scène. Ensuite,ce qui est gratifiant,c’est de voir com-ment les lecteurs réagissent, com-ment ils se sentent proches des réac-tions de mes héros.Propos recueillis par N. B.

entretien

Née à Lyon en 1970, Virgine Ollagnierest aussi scénariste de bande dessinée.Son premier roman, Toutes ces vies qu’onabandonne (Liana Levi), a paru en 2007.

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comme toujours chezJaccottet, le concret sejoint à l’immatériel, ren-dant justice à la doubledimension charnelle etspirituelle de l’existence.

Presque rien sur fondde rien

Ces textes habités par le« froid » semblent donc« aussi loin que possible detoute espèce d’aube ».Des éclats de vie,pourtant,les illuminent : chant durossignol ou, plus prosaï-quement, rouge vif d’ungéranium, « comme si les dernierssignes devaient venir du plus insi-gnifiant ». Alors, « presque rien surfond de rien » ? La poésie deJaccottet, depuis toujours travailléepar l’infime, parvient ici encore àimposer sa lumineuse présence :autant que le souvenir des morts,certains auteurs sont de « frêlescannes » qui aident à traverser la

Le nouveau recueil de PhilippeJaccottet est fidèle à son titre :y règne une poésie frêle, ténue,parfois même vacillante, dont lemurmure habité se fraie jusqu’aulecteur et fait résonner en lui unécho tenace.

Ce peu de bruits. Si ce titre sur-prend, c’est par sa trivialité sansdoute (la poésie, un « bruit »… ?),mais aussi par son pluriel inat-tendu, qui reflète la variété ducontenu : alternent ainsi prose etvers libres, récits de rêves, notationsquotidiennes, évocations de dispa-rus aimés ou de lectures mémo-rables. Plus encore que dans les pré-cédents recueils, la mort est toutprès, projetant son ombre sur ceuxqui restent, à qui restent les mots :le livre impose dès l’ouverture satonalité funèbre avec un « obi-tuaire », sèche liste de noms suivisd’une date de décès. Le passage dessaisons et les signes adressés par lanature aux vivants font contrepointà la brutalité physique de l’agonie ;

nuit. On retrouve ici le Jaccottetgrand lecteur et traducteur,qui mêleà la sienne les voix de Kafka,Leopardi,Handke,Keats ou Gœthe.Peu de bruits, certes, mais qui for-ment face à la réalité de la vieillesseet à l’imminence de la disparitionune « communauté inespérée »,dont les échos multipliés sontautant de « paroles réparatrices »,de

« paroles pour redresser le dos ».Jaccottet poursuit ainsi sa mise àl’épreuve des pouvoirs de la languequi, par-delà la pointe acérée duregret, persévère « pour que celachantonne », et fait entendre pourlongtemps « le premier ou le dernierpoème, embarrassé, grave, sansvraisemblance et sans force, fragi-lité têtue, fontaine persévérante ».Sophie Bogaert

Philippe JaccottetCe peu de bruitsGallimard128 p., 12 €ISBN 978-2-07-012034-1

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livres & lectures/ littératureJaccottet, du concret à l’immatériel

La communauté inespérée

Jacques Chauviré : une rééditionau Temps qu’il fait

Retour à la terreLa trajectoire littéraire de JacquesChauviré est particulièrement éton-nante. Publié chez Gallimard audébut des années 50 sous l’impul-sion d’Albert Camus, il n’a pourtantpas choisi de faire de la littératureune carrière. Grand ami de JeanReverzy, Chauviré a poursuivi pen-dant quarante ans son activité demédecin (voir son Journal d’unmédecin de campagne) dans larégion lyonnaise, à Neuville-sur-Saône, tout en continuant à écriredes romans très remarqués,comme Les Passants ou Passagesdes émigrants.Suite à la parution, à la fin desannées 90, du magnifique Élisa,l’œuvre de cet écrivain de l’ombreconnaît une sorte de renaissance(malheureusement posthume) avec

cette guerre à la fois lointaine etomniprésente dans le quotidiendes villageois, des parents, desfemmes, dont la seule issue estl’attente, fébrile, d’une carte oud’une odieuse nouvelle. Au fil dessaisons, que Chauviré excelle àdécrire, on suit les pérégrinationsde certains d’entre eux, dontJérôme Calvière, partagé entre laterre et la guerre : « Éloigné de toutpessimisme, Jérôme Calvièreappartenait à la terre, solidaire deshommes et d’une création. Uneinvincible espérance naissait dechaque rencontre. Toutes les dou-leurs, tous les abandons étaient sur-montés, et les arbres ou leursombres,à bout de bras, supportaientle soleil. » On retrouve là le styleinimitable de ce prosateur majeurqu’est Jacques Chauviré, dont lalangue,à la fois limpide et raffinée,nous mène au plus près des enjeuxde l’Histoire et des énigmes del’âme humaine. Yann Nicol

Deux nuitsavec le DiableOn connaît bien sûr Luc Boltanski

pour l’importance qu’a cet ancien dis-ciple de Pierre Bourdieu dans la socio-logie française contemporaine. On leconnaît un peu moins pour son œuvrelittéraire, à la fois poétique et théâ-trale. Les deux pièces réunies auxéditions de l’ENS sous le titre Nuitsrévèlent pourtant un écrivain pas-sionnant, qui met au service de sonécriture dramatique sa formidableintelligence et sa finesse d’analyse.La Nuit de Montagnac et La Nuit deBellelande sont deux textes qui se fontécho, tant dans les thèmes qui y sontabordés que par le lieu commun (lesdeux versants d’une vallée) et les per-sonnages récurrents. Parmi eux, lafigure du Diable,qui prend ici et là desformes différentes : dans un cas, cellede l’accusation ; dans l’autre, celle del’organisation. En mettant en scène,dans la deuxième pièce, des person-nages ordinaires impliqués dans unebarbarie collective ignoble, se posenten filigrane des questions aussidiverses que la culpabilité, la respon-sabilité, le pouvoir d’influence et depropagande, la perte de la conscienceet des valeurs morales qui nous rap-pellent immanquablement les piresépisodes de l’histoire de l’humanité.Deux textes graves, dont l’intérêt nerepose d’ailleurs pas seulement dansce maniement de concepts, mais aussidans une langue extrêmement dense,dont le pouvoir d’incarnation noustransporte littéralement. Y.N.

LucBoltanskiNuitsENS Éditions172 p., 14 €ISBN 978-2-84788-131-8

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JacquesChauviréLa Terre etla GuerreLe Temps qu’il fait411 p., 30 €ISBN 978-2-86853-502-3

la réédition de tous ses textes, pardeux éditeurs remarquables depersévérance et de conviction : LeDilettante et Le Temps qu’il fait.C’est ce dernier qui nous proposede redécouvrir La Terre et la Guerre,publié en 1964, un roman fleuvedans lequel on retrouve l’extraor-dinaire capacité de Chauviré àraconter des histoires.Celle-ci débute en 1914, dans unvillage des Dombes marqué par ledépart de beaucoup de seshommes vers le front. Chauviré ydécrit avec subtilité l’impact de

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Phænomend’Érik L’Homme

En des lieux obscurs est le troisièmeet ultime volet de la série Phænomen,initiée par Érik L’Homme.Quatre ado-lescents, qui souffrent de troubles ducomportement, sont entraînés dansune course folle à travers le monde.Poursuivis pour des motifs qu’ils necomprennent pas, ils se retrouvent aucœur de ce qui paraît être une énormemachination.Dotés de pouvoirs qu’ilsne maîtrisent que partiellement, leurparcours initiatique est en prise avecl’hyper-modernité.Un monde fini quel’on parcourt en avion, un mondebousculé et freiné dans sa spontanéitépar l’effervescence de courriers élec-troniques qui, parfois, devancent

l’action… Phænomen nous parle dela spontanéité, de la prime jeunesse,de l’espoir et des douleurs qui impri-ment l’adolescence. Rien que de trèsconvenu, pourrait-on dire, si l’imagi-naire n’avait pas associé une dose defantastique,qui force le réel et les cer-titudes dans un récit haletant. J.-M.J.

En des lieux obscurs (Livre 3)Gallimard Jeunesse220 p., 12 € - ISBN 978-2-07-061734-0

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Kissaitounapeurderien… un dic-ton servant de surnom à la petiteMariétou qui passe ses journées àexpliquer aux grandes personnesqu’elle n’a pas besoin d’elles pours’affirmer et se réaliser. Son allurefrondeuse et audacieuse ne dispa-raît qu’à la nuit tombée, lorsqu’ilfaut affronter les ténèbres de lacour pour se rendre aux toilettes…La parole des anciens – en l’occur-rence, ici, de son grand-père –retrouve alors place et légitimité

pour l’aider à dépasser sa peur.Une petite histoire sans préten-tion, même s’il faut souligner querares sont les livres sur l’Afriquedans la production française quimettent en scène le menu quoti-dien. Le travail de ClémentineSourdais, toute jeune illustratricelyonnaise, réussit, par un choixattentif de petits détails et acces-soires, à joliment rendre l’atmo-sphère de la ville camerounaise.Anne-Laure Cognet

En vacances chezTata Lucienned’Aurélia Grandin

Passer une semaine de vacanceschez Tata Lucienne, à Saint-Ouen,n’enchante guère le narrateur de cet

ALIDADES

Au bout du mondede Nicolaï Leskov, traductionde Jacques ImbertDans ce récit s’opposentdeux mondes : celui des paroles raffinées et des certitudes savanteset mondaines de l’éliteecclésiastique dePetersbourg ; celui,silencieux, des brutes« sauvages » du fin fond de la Sibérie.

collection Petite bibliothèque russe63 p., 7,50 €ISBN 978-2-906266-77-3

CENTRE INTERNATIONALD’ÉTUDE DU XVIIIE SIÈCLE

Émilie du Châtelet,éclairages et documentsnouveauxsous la direction d’UllaKölving et Olivier CourcelleCe volume est issu du colloque du tricentenairede la naissance d’Émilie du Châtelet, qui s’est tenu du 1er au 3 juin 2006 à laBibliothèque nationale deFrance et à l’ancienne mairiede Sceaux. On y trouvera denombreuses collaborationsqui dévoilent le personnaged’Émilie du Châtelet,femme des Lumières.

416 p., 120 €, ISBN 2-84559-054-0

CRÉAPHIS

Lignes secondairesde Martin de la SoudièreL’auteur propose un voyage« ethno-poétique » à traversles lieux ordinaires qui luisont familiers depuisl’enfance. Des Pyrénées à l’Auvergne, de la Creuse à l’Ardèche et aux Alpes,ces lieux sont reliés par

ÉDITIONS DUCROQUANT

Camps d’étrangersde Marc BernardotCet ouvrage propose unesociologie historique descamps d’étrangers en Francedepuis la Première Guerremondiale. À partir dedifférentes enquêtes etsources d’archives, il s’agit de mettre en perspective lamanière dont les pouvoirspublics ont mis en place etgéré des lieux d’internementadministratif des étrangers.

collection Terra222 p., 18,50 €ISBN 978-2-9149-6840-9

ELLUG (ÉDITIONS LITTÉRAIRESET LINGUISTIQUES DEL’UNIVERSITÉ DE GRENOBLE)

Méduse au miroir,esthétique romantique de Dante Gabriel Rossettide Laurence Roussillon-ConstantyPartant du mythe de Méduse,cet ouvrage nous fait entrer dans l’univers poétique etpictural de Rossetti, figuremajeure du mouvementpréraphaélite anglais. Par uneétude sur des poèmes et destableaux, l’auteur offre unevision dynamique d’une œuvreméconnue du public français.

Collection Esthétique et représentation :monde anglophone (1750-1900)300 p., 30 € - ISBN 978-2-84310-113-7

nouveautés des éditeurs

album : page après page, il décrit lesactions – forcément suspectes – desa tante et ajoute,entre parenthèses,un jugement implacable. Car c’estl’enfant qui est ici le féroce gardiendes règles et des normes, face à desadultes qui ne correspondent pas àce qu’il attend des grandes per-sonnes.Cette interrogation sur les cli-chés des représentations, tant del’enfance que de l’âge adulte,est trèsjoliment servie par le style d’AuréliaGrandin. Sa technique du collagedonne ici une autre profondeur à cetalbum : une archéologie familiale àlire dans les imprimés,étiquettes,for-mulaires, bouts de papier utilisés,et forcément détournés… A.-L.C.

Actes Sud Junior, Album non paginé, 3,50 €ISBN 978-2-7427-7532-3

Sélection des nouveautés des éditeurs de Rhône-Alpesréalisée par Caroline Schindler

/ jeunessePetite histoire du Cameroun

L’esprit journalistiqueJournaliste et romancière,ÉlisabethCombres s’essaie également à desformes de transmission par l’écritqui riment avec pédagogie.« Les clésde l’info » est une collection qui meten perspective les sujets d’actualitépour éveiller l’esprit critique et don-ner du sens à l’information.La Chineet L’Islam sont les dernières paru-tions. Si les motivations qui portentcette collection sont pertinentes,elles n’en révèlent pas moins lesécueils de la soi-disant objectivité.C’est donc souvent le factuel quil’emporte, dans un détachementpropre au canon journalistique.Reste cependant l’intérêt de la diver-sité des informations et la construc-tion didactique de qualité. Jean-Marie

Juvin

Élisabeth CombresLes clés de l’info : La Chine ; L’IslamLa Documentation française/Gallimard Jeunesse64 p., 6,90 €ISBN 978-2-07-061479-0

Marie-Félicité EbokeaIllustrations Clémentine SourdaisMariétou KissaitouLe Sorbier, 26 p., 13 € - ISBN 978-2-7320-3907-7

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des sentiers, mais aussipar un réseau de lignes de chemin de fer, qu’onappelle les lignessecondaires. Aujourd’huimenacées de disparition,elles sont le refrain de ces pages et l’entrainde ce livre.

120 p., 12 €ISBN 978-2-35428-011-6

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Où une auteur sans peur et sanscomplexes part à l’assaut d’unemontagne romanesque. Et prendde l’altitude par rapport aux lec-tures convenues.

De quoi s’agit-il dans cet essai auxallures de thèse massive et robora-tive ? De relire sans œillères, et sou-vent sans ambages, l’un des plusgrands classiques de la littératuremondiale, histoire de rétablirquelques vérités souvent tues,manière aussi de faire la chasse auxclichés ambiants et aux fantômes– entendez fantasmes – persistants.Pour ce faire, l’auteur, que l’on sentabsolument captivée par son objet,passe et repasse le roman pica-resque de Cervantès au peigne fin,pèse les pour et les contre, soupèseles arguments de tel ou tel critiqueou écrivain qui l’a précédée,analysetout un chapitre comme une longuephrase, expertise un épisode tel unbout de morceau de tissu,psycholo-gise le grand chevalier à la cervelledérangée quand c’est nécessaire, etle remet à sa place quand celadevient vraiment… indispensable.

Un roman de l’amour ambigu

Vérité première : que le roman deCervantès aurait des allures d’épopée

PUBLICATIONS DEL’UNIVERSITÉ DE SAINT-ÉTIENNE

E-formes : écrituresvisuelles sur supportnumériqued’Alexandra Saemmer et Monique MazaPétries de nombres et modelées par lesprogrammes informatiques,les « e-formes » s’actualisentnéanmoins par des mots,des images et des sons.Cet ouvrage est l’occasiond’une réflexion sur cettenouvelle forme d’expression,entre chercheurs et artistesde provenances très diverses.

collection Arts220 p., 23 €ISBN 978-2-86272-485-0

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aussi avec une très grande adresseet beaucoup de finesse, IsabelIturralde,en laissant le plus souvent

la porte ouverteà du sens autre,

ou à une lec-ture plurielle.Histoire de

garder intacte lapuissance désirante

d’une incroyablefiction qui n’a déci-

dément toujours pasfini de faire parler d’elle.Roger-Yves Roche

Sophie IturraldeDon Quichotte etses fantômesÉditions Jérôme Millon,collection « Nomina »410 p., 28 €ISBN 978-2-84137-222-5

Benjamin Jordane,une vie littérairede Jean-Benoît Puech et Yves Savigny

Il y a déjà quelque temps que l’onsait que Benjamin Jordane n’existepas, ou plutôt qu’il n’est que le fruitde l’imagination de son… auteur,Jean-Benoît Puech.Son vraisemblabledouble littéraire,son peut-être frère enécriture. Et s’il était permis d’en dou-ter, l’auteur (JB) nous convaincrait défi-nitivement du contraire,avec l’édition

d’un très beau cahier d’hommageconsacré à feu l’écrivain de papier (BJ).Cahier qui fait suite à deux recueils denouvelles posthumes (ce qui est toutde même un comble pour quelqu’unqui n’a pas vécu…),déjà parus chezle même éditeur.Tous les bons ingrédients sont là, quifont la force de ces délicats ouvragespleins de références, et de révérencesaussi, qui vont de touchantes lettresinédites en pieux souvenirs de plus oumoins proches,sans oublier les étudesdes spécialistes - et néanmoins admi-rateurs ! - et même un cahier d’imageschoisies,avec des dessins juste commedes ombres de Pierre Le-Tan, lequelfut pendant longtemps l’illustrateurfétiche de Modiano… lui-mêmeauteur fétiche de Jordane/Puech.Que le tout rassemblé n’ajoute pasgrand-chose à l’incertitude de l’œuvre,comme il n’enlève d’ailleurs rien aumystère de l’auteur n’a, à la fin, guèred’importance.Car c’est à la recherched’un sentiment perdu que part unenouvelle fois Jean-Benoît Puech, unmixte de souvenirs fugaces et d’évé-nements presque futiles, ce qu’onappelle peut-être tout (trop ?) simple-ment le bonheur littéraire. R.-Y.R.

Champ Vallon348 p., 25 €ISBN 978-2-87673-479-1

livres & lectures/essais

FAGE ÉDITIONS

XXe siècle, essais surl’art moderne etd’avant-garde, suivi de« Le fantôme de l’art »d’Alain Jouffroy Ce livre rassemble tous les textes qu’Alain Jouffroy a publiés dans les années 70 dans la revueinternationale XXe siècle,dont il a été le rédacteur en chef, puis le directeur,jusqu’en 1981. Écrit autemps du nihilisme,ce livre dépasse pourtant les contradictions et lesnationalismes propres à cette époque.

collection Actifs342 p., 24 €ISBN 978-2-84975-058-2

des adultes… Des conditionsde travail difficiles, qui luilaisseront un souvenirchaleureux, avant l’arrivée de la guerre.

Nostalgie220 p., 19 €ISBN 978-2-84206-386-3

JEAN-PIERRE HUGUETÉDITEUR

La Transe et autresnouvellesde Cécile OumhaniDes voix se croisent, des voixde femmes souvent, au plusprès du quotidien, tragique et dérisoire, dans unenvironnement maghrébinsoumis à des tensions nord-sud, est-ouest.

collection Bleu Orient128 p., 12 € - ISBN 978-2-35575-031-1

LA FONTAINE DE SILOÉ

Journal d’uneinstitutrice demontagne. 1936-1945de Pierrette ColticePierrette Coltice a vingt anslorsqu’elle est nomméeinstitutrice dans un village demontagne de Haute-Savoie.Chargée de l’éducation desenfants, elle fait aussi officed’assistante sociale etd’infirmière auprès

MOSQUITO

Lepage, une monographiecollectifEmmanuel Lepage, auteur de Névé, La Terre sans malet du diptyque Muchacho,raconte son parcours et laisseapparaître les coulisses de sonœuvre sensible. De nombreuxdessins inédits illustrent cequinzième opus de la sériedes monographies parueschez Mosquito.

176 p., 18 €, ISBN 978-2-35283-012-2

K ÉDITIONS

7 44d’Élisabeth ChabuelCe livre a vu le jour au coursd’une performancequotidienne, réalisée dansune librairie du Vercors.Le poème raconte l’histoire de la survie d’une familleprise dans la guerre. Il est issude la mémoire d’une petitefille devenue adulte, et quiraconte à sa propre fille.

65 p., 14,50 €ISBN 978-2-9517940-8-5

Sophie Iturralde à l’assaut du chevalier à la triste figure

Pour don Quichotte

ou de tragédie alors même qu’ondevrait y déceler l’apparence d’une« farce mélancolique ». Véritédeuxième : que l’on aurait affaire àun hymne à l’amour sublime et géné-reux.Faux : il s’agirait plus insidieuse-ment d’un « roman de l’amourambigu », où notre chevalier errantsurjoue son rôle, oscillant sans cesseentre les figures du bien-aimé et dumal-aimant, et inversement. Clichétroisième : que Dulcinée ne revêtiraitpoint les habits de l’amour précieuxaux yeux de don Quichotte,mais,ver-sion plus pernicieuse,qu’elle ne seraitque l’objet d’un obscur désir en formede narcissisme exacerbé. Et ainsi desuite jusqu’à la morale finale.Et quellemorale ? Que le premier et peut-êtreseul ennemi, c’est-à-dire fantôme,d’Alonso Quesada, c’est finalementd’abord et avant tout lui-même. Ceque sait nous dire avec force, mais

Illustration : Guy Pehourcq © Éditions Jérôme Millon

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Musées des pays de l’Ain et s’est fait une spécialitédes thématiques de l’alimentation,développées notam-ment au musée de la Bresse, à Saint-Cyr-sur-Menthon.C’est à l’occasion de l’exposition universelle, interna-tionale & coloniale de Lyon que le président de laRépublique se rend dans cette bonne ville de Lyon.Poignardé par l’anarchiste italien Caserio, il n’en repar-tira pas vivant. Triste destin pour les croustades saucemonglas, le saumon à la vénitienne, la mousselined’écrevisses, les homards à la parisienne, le BeaujolaisGrand Ordinaire et le Pommard 1887…

L’Ain, sa volaille de Bresse,sa quenelle sauce Nantua…

De l’art du menu ou le menu comme art. À Bourg-en-Bresse, capitale de l’Ain, on aime la bonne chère et lepatrimoine. Alors on a décidé d’accommoder les deuxingrédients et, dès la fin des années 80,on a rassembléles premiers éléments d’une surprenante collection,quis’est considérablement développée dans les années 90.Aujourd’hui,elle compte 1700 menus et cartes de restau-rants, de la fin du XIXe siècle à 2007, dont une partie estexposée au musée de la Bresse - Domaine des Planons.Collectes, acquisitions, dons, le fonds s’est enrichi peuà peu grâce à l’énergie des responsables,aux collection-neurs privés et aux grands restaurateurs – Georges Blancet Alain Chapel ont ainsi cédé leurs menus « histo-riques ». Pour l’ensemble des menus acquis, CathyGimenez, responsable des collections, relève « le soucidu lien avec le territoire : un lien qui s’exprime avanttout à travers les plats. » Parmi eux, inscrites en lettresdorées au sommet du menu culinaire de l’Ain, lavolaille de Bresse et la quenelle sauce Nantua !Cartes de restaurants,menus de croisière,menus d’évé-nements familiaux et menus présidentiels, telles sontles quatre catégories de la collection, dans lesquelleson retrouve ces classiques de la cuisine française.Servisau président chinois à l’ambassade de France à Pékin(avec délicat petit cordon rouge adapté à la couleurdu pays) ou à Téhéran, en 1971 (menus distincts pourhomme ou femme), à l’occasion du 2500e anniversairede la création de l’Empire perse…

Bourg-en-Bresse : le goût du patrimoine,le patrimoine du goût

Banquettragique à Lyon : un mortC’est un précieux document et un fort beau livretaux pages de soie, retenues par un cordon auxcouleurs de la République. Il détaille luxueuse-ment le banquet offert par le Conseil munici-pal de Lyon et le Conseil général du Rhône auprésident de la République, ce 24 juin 1894.Las, on ne saura jamais si les « poulardes deBresse truffées » étaient à la hauteur… SadiCarnot est assassiné le jour même.

Il est des documents patrimoniaux qui racontentbien plus que ce qu’ils disent. Des imprimés ordi-naires qui possèdent une aura particulière du fait del’épisode historique dans lequel, par volonté ou parhasard, ils se sont inscrits. Leur valeur s’en trouvebien évidemment grandie, simplement parce que, àtravers leur seule présence, et d’un point de vue quileur est propre, ils font le récit d’un événementdevenu Histoire, plongent le lecteur dans un passésensible ou sensationnel.Avec ses quatre pages imprimées sur soie, le menudu banquet de Lyon, offert au président de laRépublique Sadi Carnot le jour de son assassinat, estde ceux-là. Il hante la belle collection de la Conservationdépartementale qui, depuis Bourg-en-Bresse, gère les

PUG (PRESSESUNIVERSITAIRES DEGRENOBLE)

Les Charbons de laNièvre (1838-1914) : la houillère de LaMachine, ses produits et ses marchésde Nadège SougyCette histoire de la qualité des charbons prend placedans deux contexteséconomiques différents : celui d’une indépendanceéconomique dominée par les logiques de marché,jusqu’en 1869, puis celuid’une intégration dans legroupe Schneider,où dominent les logiqueshiérarchiques. Histoire de laconstruction des marchés,des arbitrages entre marché

et hiérarchie, approcherenouvelée du travail desfemmes de la mine, lesapports de ce livre sont aucœur des problématiquesactuelles de l’histoire des entreprises et del’industrie.

collection Histoire industrielle374 p., 30 €ISBN 978-2-7061-1421-2

+ + + + + + + + +de nouveautés des éditeurs de Rhône-Alpes sur www.arald.org

patrimoine

Les livres :des histoires,une histoireÀ Lyon, la rentrée patrimoniale se

fera avec la deuxième session del’Institut d’histoire du livre, qui auralieu du 1er au 4 septembre. Organiséeen collaboration avec la Rare BookSchool (Université de Virginie, États-Unis), elle proposera cette annéequatre cours, en anglais ou en fran-çais : Le manuscrit gothique enlu-miné : un chapitre de l’histoire dulivre, par Sandra Hindman ; Les impri-meries éphémères à la loupe, parMichael Twyman ; Typographie et cal-ligraphie. Deuxième partie 1830-2000 ;Introduction à l’étude des incunables,par Kristian Jensen.À la fois théoriqueset pratiques, les cours accordent uneplace importante à l’analyse de docu-ments originaux et s’adressent à unlarge éventail de spécialistes œuvrantdans le domaine de l’histoire du livreet des techniques graphiques.

Renseignements et inscriptions :[email protected] ouhttp://ihl.enssib.fr

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Menu du banquet offert à M. le président de la République, Sadi Carnot, le 24 juin 1894.

De nombreuses publications autour des expositions ou, plus largement,du patrimoine régional de l’Ain sont disponibles aux éditions des Muséesdes pays de l’Ain. Catalogue : www.musees.ain.fr

Ici ou là,ce fonds des Musées des paysde l’Ain promet donc quelques voyagesinattendus, et, à travers la place desplats dans les menus, montre l’évolu-tion des traditions gastronomiques etculinaires. Histoire(s) gourmande(s)d’un patrimoine écrit plein de goûtset de saveurs. L. B.

Conseil général de l’AinConservation départementale Musée des pays de l’Ain34, rue Général-Delestraint01000 Bourg-en-Bressetél. 04 74 32 10 60

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Andrevon, en vertet contre toutMonument de la science-fiction française,l’écrivain grenoblois fête ses quarante ans decarrière. Peinture, dessin, musique, chanson,écriture… il a tout fait et veut tout faire.Rencontre avec l’utopie réalisée d’unsoixante-huitard touche-à-tout.

On est dans une rue du quartier italien de Grenoble etil y a son nom écrit à la main sur un carton timbre-postecollé au centre d’une porte cochère à laisser passerdes géants. Jean-Pierre Andrevon. Au fond, à gauche,après la deuxième maison… Quelques minutes plustard, grimpant sur un sentier de verdure à couvert degrands arbres,on se dit que le centre de Grenoble recèledes merveilles et qu’il faut décidément mériter l’écri-vain de science-fiction. Car c’est un peu plus haut, surles flancs de la Bastille, qu’il se cache. Le décor est à samesure. Une vieille et merveilleuse bâtisse dont Jean-Pierre Andrevon occupe un étage depuis quarante ans.Une demeure ancestrale un peu à l’abandon, chargéede livres et de souvenirs,de toiles et d’objets,de disqueset de vieux meubles, de photos et de chats. Difficile deles compter. « Ici, ce sont eux les maîtres et nous sommesleurs serviteurs », glisse d’entrée Jean-Pierre Andrevon.L’homme sourit entre les lignes.

Ce n’est qu’un roman, continuons le combat…

Tenue décontractée, éternel pull marin, le cheveu défi-nitivement long. Une présence chaleureuse derrièrebeaucoup de retenue. La jeunesse toujours vive à unpeu plus de soixante-dix ans. Le bureau est une grottedont l’ours ne sort que rarement, si ce n’est pour l’ate-lier où patientent ses toiles. Univers irréel et couleursvives, surréel et fantaisie. Jean-Pierre Andrevon travaille.Beaucoup, toujours, sans arrêt. « J’ai tenu par la quan-tité », s’amuse l’écrivain.147 livres publiés à ce jour. Il estformel.« J’ai encore dix à cinquante livres qui ont fait leurnid dans ma tête. Ils se construisent peu à peu, mais c’est

un très long processus.» Lorsque celui-ci est arrivé à matu-ration, il s’attèle à l’écriture. Un rythme d’enfer qui lui apermis de « vivre petitement de l’écriture ».Ce choix, il lefait dès le début des années 70. Il est alors professeur dedessin après des études d’art à Grenoble. ToujoursGrenoble. De mère en fils. « Andrevon tailleur », l’atelierdes grands-parents,une enseigne que l’on pouvait encorevoir il y a quelque temps sur la place Victor-Hugo. Parisrestera une tentation,pas un regret.Après avoir publié en1968 sa première nouvelle dans la mythique revue Fictionet en 1969 son premier roman – le plus connu aussi, LesHommes-machines contre Gandahar – dans la non moinsmythique collection « Présence du futur », chez Denoël,il renonce au poste qu’on lui propose quelque part dansl’Isère.Débute alors une période intense de productionromanesque et de chroniques consacrées à la littératureet au cinéma dans Charlie Mensuel, La Gueule ouverte –premier journal écologiste – puis, beaucoup plus tardet jusqu’à aujourd’hui, dans L’Écran fantastique et LesAffiches de Grenoble.

Une enfance qui dure

L’époque est au combat politique : « Le monde était àrefaire. Inventer des utopies et des cataclysmes,c’était toutle sens de la SF. » Avec Andrevon et quelques autres –

Le retour deJohn Tittensor

Encore une rencontre pleine d’émo-tion pour la venue de John Tittensorà la librairie Passages,à Lyon.Écrivaind’origine australienne, qui fit sesdébuts en littérature avec le trèsdéjanté La Croisade de Carmody (« Unroman idiot où chaque personnagedevait être un con, surtout le héros »,résume-t-il aujourd’hui), il racontadans son deuxième et bouleversantroman, Année zéro, la perte de ses

deux enfants et la manière dont il atenté de survivre à ce traumatisme.Un traumatisme qui est évidementtoujours présent dans son dernierroman, Douze jours en Australie (LaFosse aux ours), même si JohnTittensor insiste pour en souligner ladimension fictionnelle. Tout au longd’une longue confession à sa mèremalade qui ne l’entend pas, le narra-teur revient sur son enfance enAustralie, la disparition de sa petitefille (un premier chapitre à couper lesouffle), son rôle de journaliste aumoment du procès de Klaus Barbie,

sa rencontre avec une jeune photo-graphe elle aussi abîmée par la vie,leur relation impossible et belle…Avec,en filigrane,un questionnementprofond sur le « rapport » entre la dou-leur intime et les souffrances collec-tives, auquel l’humble Tittensor neprétend pas apporter de réponses. Sivous avez manqué la rencontre aveccet homme émouvant, drôle et raf-finé, vous pouvez encore vous rattra-per en lisant d’urgence son bref etsuperbe roman. Y. N.

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Pelot, Walter… –, la science-fictionfrançaise se renouvelle au début de cesannées 70. L’écrivain grenoblois, quiaime la montagne, le jardin et « resteattaché à la terre », est l’un des pre-miers à faire de l’écologie et de l’envi-ronnement une thématique du genre.Sa première nouvelle publiée évoqueune terre où quelques tribus surviventaprès une guerre nucléaire… L’écrivainserait un pessimiste ? Peut-être.En toutcas désireux de donner à ses textesune signification politique,sociale,éco-logique. Élevé à la plume de Verne,Wells, Barjavel, Wul et Bradbury,depuis sa plus tendre enfance. Uneenfance qui dure,voilà ce que c’est queJean-Pierre Andrevon.Chez lui,sur sonétrange planète, c’est à peu près tousles jours mercredi.Perdu dans ses images,il sort un disque(Chansons vol.I,sa première passion…),en prévoit un deuxième,prépare un dic-tionnaire encyclopédique du cinémafantastique et de la SF ainsi qu’unroman pour Le Bélial, projette un livresur la planète mars dans le cinéma etla littérature…,n’arrête pas.Jean-PierreAndrevon accepte d’en rire : « J’essaiede ne rien lâcher… Et j’ai la chance quel’envie soit intacte.L’envie idiote de lais-ser des traces… » Une boulimie organi-sée qui réclame déjà silencieusementnotre départ. Alors il faut reprendre lesentier qui conduit à la ville, redes-cendre de cette existence suspendueà son jardin. L. B.

Directeur de la publication : Geneviève Dalbin

Rédacteur en chef : Laurent Bonzon

Assistante de rédaction :Marie-Hélène Boulanger

Ont participé à ce numéro :Nicolas Blondeau, SophieBogaert, Anne-Laure Cognet,Mélanie Fusaro, FrédérickHoudaer, Jean-Marie Juvin,Danielle Maurel, Yann Nicol,Roger-Yves Roche , CarolineSchindler et Fabienne Swiatly.

Livre & Lire / Arald 25, rue Chazière - 69004 Lyon tél. 04 78 39 58 87 fax 04 78 39 57 46 mél. [email protected] www.arald.org

Siège social / Arald1, rue Jean-Jaurès - 74000 Annecytél. 04 50 51 64 63 fax 04 50 51 82 05

Conception : PerluetteImpression : Imprimerie Ferréol(Imprim'Vert) Livre & Lire est imprimé sur papier 100% recyclé avec des encres végétales

ISSN 1626-1331

Livre & Lire : journal mensuel, supplément régional à LivresHebdo et Livres de France, publié par l'Agence Rhône-Alpespour le livre et la documentation.

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portrait

La revue Lunatique publie un« spécial Jean-Pierre Andrevon ».Anthologie présentée par RichardComballot (Eons Productions,250 p., 14,80 €).Chez le même éditeur vient de paraître : Tout à la main (Réédition, 310 p., 19,60 €).

http://jp.andrevon.com

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