L agefi maklerzentrum_stephan_wirz

1
vendredi 7 mars 2014 2 FORUM PAGE STEPHAN M. WIRZ* Les instigateurs de l’initiative po- pulaire «pour une caisse publique d’assurance-maladie» avancent l’argument que la mise en place de la caisse unique permettra d’éviter certains processus admi- nistratifs coûteux, comme les changements de caisse fréquents, et donc de réaliser des économies sur les coûts associés. Il est vrai que les changements de caisse en- gendrent des coûts. Toutefois, les estimations de ces coûts varient fortement, entre CHF 100 mil- lions et CHF 1 milliard. Le mon- tant inférieur devrait être le plus proche de la réalité, ce qui cor- respondrait à un demi-pourcent de prime. Mais les instigateurs de l’initiative, en tenant les changements de caisse et surtout le secteur inter- médiaire pour responsables des augmentations de prime, font va- loir de faux arguments. La hausse des primes tient beaucoup plus à l’augmentation des frais de santé, qui dépendent en grande partie de l’évolution démographique. Car en effet, si la population suisse vieillit, celle-ci n’est pas forcément en bonne santé. Il s’ensuit que la médecine de pointe se spécialise toujours plus et devient de plus en plus coûteuse. La mise en place d’une caisse uni- que ne changerait pas grand- chose à cette réalité. Au contraire. En premier lieu, la création d’un tel monstre administratif endi- guerait la saine concurrence qui existe entre les différents presta- taires. Deuxièmement, il n’y au- rait alors plus aucun intérêt à maintenir des coûts bas. Tous sec- teurs confondus, l’histoire mon- tre que les monopoles ne sont pas judicieux. Outre ce qui précède, reste la ques- tion fondamentale de savoir quel- les seraient les caisses d’assurance- maladie actuelles qui devraient devenir la caisse unique. Faudrait- il choisir les prestataires les plus importants de chaque canton? Si une décision en ce sens était prise, il faut alors se poser la question corollaire de savoir si les caisses d’assurance-maladie concernées disposent de moyens suffisants (collaborateurs, locaux, etc.) dans ces cantons, ou si la mutation n’engendrerait pas plutôt des dé- penses d’investissement. La caisse unique est encore loin de faire l’unanimité si l’on pense au fossé qui sépare déjà les différentes caisses d’assurance-maladie, comme en témoigne la création l’an dernier de l’association curafutura par CSS Assurance, Helsana, Sani- tas et CPT. Sachant que les assu- reurs existent sous des formes dif- férentes et ont des clientèles diverses, les divergences d’opinions sont compréhensibles. Les chances de parvenir à un consensus sur la question de savoir quelles caisses d’assurance-maladie formeraient la caisse unique sont donc très mai- gres. Les points de vue sur l’amé- lioration de la compensation des risques, un sujet très controversé, sont tout aussi contradictoires. Par ailleurs, l’accord de branche de santésuisse sur le démarchage téléphonique, que l’association des assureurs-maladie suisses a récem- ment annulé suite aux pressions de la Commission de la concur- rence, avait pour seul but de limi- ter la concurrence. La protection des assurés n’était pas le principal objet de ce texte qui ne définissait des normes de formation qu’a mi- nima. Pourtant, de telles normes auraient été opportunes pour ga- rantir un conseil optimal aux as- surés. Il existe comme un rapport contradictoire entre les assureurs et les intermédiaires: tous veulent simultanément de nouveaux as- surés bien portants, mais aucun ne veut perdre de clientèle. En somme, nous pouvons dire que la création d’une caisse uni- que ne serait en aucune façon dans l’intérêt des assurés, qui ont aujourd’hui le choix. Si un jour la caisse unique décidait d’aug- menter les primes et/ou de sup- primer des prestations ou si, d’une manière générale, les assu- rés n’étaient pas satisfaits de la caisse unique, ils n’auraient alors aucun moyen d’y échapper. Ajou- tons qu’aujourd’hui déjà les assu- rés ne comprennent pas com- ment ils sont couverts contre les accidents et la maladie. Les be- soins sont donc considérables en matière de conseil. Dans ce contexte, il n’est pas étonnant non plus que le peuple soit dépassé par les votations sur le système Ma- naged Care, le financement hos- pitalier et les médecines complé- mentaires. Lors de ces votations, les arguments politiques souvent avancés ne peuvent être compris par les assurés qu’après un conseil individuel. La caisse unique ren- drait le système encore plus com- pliqué. Les coûts de l’assurance-maladie et de l’AVS continueront d’aug- menter en raison de l’évolution démographique et ils doivent être couverts. Les alternatives au mo- dèle actuel ou à la caisse unique doivent prendre en compte cette réalité. La modification du cata- logue des prestations serait une des pistes à étudier. De plus, la franchise minimale ou la quote- part pourraient être augmentées. On pourrait également imaginer que de nouvelles prestations soient rattachées à l’assurance complémentaire. Le cas échéant, la compensation des risques doit par ailleurs être améliorée. Un débat visant à déterminer quelles prestations devraient être obligatoirement assurées, celles qui entreraient dans le cadre de l’assurance complémentaire sur la base du volontariat et quels se- raient les assurés concernés, est inéluctable. Dans ce processus, il est nécessaire de mettre en place plus d’avantages incitant les assu- rés à choisir librement le modèle Managed Care. Cela leur permet- trait de bénéficier de primes plus attractives et, grâce aux écono- mies ainsi réalisées, de souscrire des assurances complémentaires plus complètes. Quels que soient les contours de ce modèle alterna- tif, il nécessitera autant d’explica- tions que le modèle actuel ou la caisse unique. * Maklerzentrum Schweiz Les alternatives possibles à l’assurance-maladie unique Les coûts de la santé continueront d’augmenter. Les alternatives doivent prendre en compte cette réalité. IL EST NÉCESSAIRE DE METTRE EN PLACE PLUS DAVANTAGES INCITANT LES ASSURÉS À CHOISIR LIBREMENT LE MODÈLE MANAGED CARE. Acquis des temps modernes, née avec l’émergence de la citoyen- neté, protégée, pour ce qui concerne la Suisse, par l’article 13 de la Constitution fédérale («Toute personne a le droit d’être protégée contre l’emploi abusif des données qui la concernent»), «la sphère privée est le concept fondamental de toute société li- bre et démocratique. Sans sphère privée, pas de liberté». Et pourtant, avec les nouvelles technologies, mais également avec notre propre consentement, «nous renonçons progressivement à no- tre sphère privée», objecte la ban- que Notenstein. Il faut aller jusqu’à payer soi-même la protec- tion de ses propres données per- sonnelles «du regard et de l’accès d’autrui» (installation d’alarmes, construction de murs de protec- tion autour des habitats, double- ment en Europe de la demande de systèmes de cryptage pour la communication en réseau au deuxième semestre 2013). La pro- fesseure saint-galloise en est d’ac- cord mais tient à rappeler aux nombreux crédules parmi les uti- lisateurs: «Rien de ce que nous fai- sons sur Internet n’est gratuit. Nous payons avec nos données qui sont devenues la monnaie de l’économie numérique. Concrè- tement, quand j’utilise les servi- ces de Google ou Facebook, je leur donne accès à mes souhaits, be- soins et préférences qui peuvent ensuite être revendus à des tiers». Puis elle établit un parallèle avec la vie économique: «Les entrepri- ses privées, qui ont bien identifié la protection de la sphère privée comme nouveau modèle d’affai- res, s’engouffrent dans cette brè- che. Les premières approches de positionnement de la Suisse en tant que data safe haven en sont un exemple». Internet présente certes un gros risque d’asservissement. Mais pè- sera-t-il plus lourd que les infinies possibilités de choix qu’il offre? Grave interrogation dont on re- tiendra ici la seule composante économique. «Internet nous ou- vre de vastes possibilités pour dé- velopper des idées, lever des fonds par le biais du crowdfunding, mettre en œuvre des processus d’innovation ouverte avec l’aide de clients, partenaires commer- ciaux, sous-traitants, et collaborer avec des partenaires du monde en- tier», Miriam Meckel en convient volontiers. Mais elle n’en oublie pas pour autant les risques que la transparence qui rend Internet si fascinant entraîne également «au niveau du système économi- que»: «Lorsque les données sont de plus en plus difficiles à proté- ger, il y a des conséquences sur les investissements dans l’innovation, sur la protection des brevets ou de la propriété intellectuelle». Les systèmes de cryptage sont une partie de la solution au problème de la protection des données per- sonnelles. Mais une partie seule- ment car, comme insiste la spécia- liste saint-galloise, «si l’environnement de la communi- cation est de moins en moins sûr et que la violation de la sphère pri- vée devient presque la règle, il s’en- suit un problème de confiance». Or il existe un lien très fort entre sécurité et confiance. La «récipro- cité» doit imprégner cette relation. La banque Notenstein ne manque pas, tout au long de ce dialogue, de souligner le fait qu’avec les données de santé, les informations financières font partie des plus privées. Or la sphère privée ne va plus aujourd’hui de soi. Elle de- vient même un bien rare, cher et payant. Puisse l’établissement saint-gallois dire vrai quand il af- firme que «l’exigence d’un traite- ment respectueux des données se maintiendra et augmentera en- core» dans la concurrence entre banques, gérants de fortune et as- surances. (HS) SUITE DE LA PAGE UNE La monnaie d’échange de l’économie numérique IMMOBILIER [email protected] L’absence de volonté contre l’îlot de cherté Le Conseil national a refusé d’entrer en matière sur la révision de la Loi sur les cartels. La décision est incompréhensible. Car ces modifications auraient permis de lutter contre le tourisme d’achat. MATHIEU FLEURY FLORENCE BETTSCHART* L’entrée en matière sur la révi- sion de la Loi sur les cartels (LCart) vient d’être refusée par le Conseil national par 106 voix contre 77 (lire page 9). La Fédéra- tion romande des consomma- teurs (FRC) regrette que la Chambre basse n’ait pas mesuré l’importance de cette révision pour une saine concurrence en Suisse. Aussi bien les consommateurs que les entreprises ou les em- ployés helvétiques en auraient profité. Une loi efficace contre les cartels permet de se battre contre les accords entre les différentes entreprises, notamment sur les prix ou la distribution de mar- chandises, qui empêchent la concurrence. Dans la lutte contre l’îlot de cherté suisse, la modification de la LCart est une des pierres ma- jeures des mesures permettant de combattre les prix surfaits. Même si les salaires et les frais de fonctionnement plus élevés des entreprises suisses expliquent une partie de l’écart des prix, ce ne sont pas les seules raisons. Le pouvoir d’achat globalement élevé dont disposent les consom- mateurs suisses suscite aussi les convoitises des acteurs économi- ques. Le site barometredesprix.ch dé- montre, chiffres à l’appui, que les prix en Suisse sont bien plus éle- vés qu’en France voisine (cela vaut aussi pour l’Allemagne, l’Au- triche ou l’Italie): cosmétiques (+24 %), magazines (+57%), vête- ments (+25 %), jouets (+19 %), ar- ticles de sports (+19 %) et chaus- sures (+13%). La révision proposée par le Conseil fédéral aurait permis de renforcer le droit des cartels et de lutter efficacement contre les en- traves à la concurrence. La modification de l’art. 5 LCart constituait une nette modernisa- tion de ce droit, puisque la Com- mission de la concurrence n’au- rait plus dû prouver qu’un accord entraîne la suppression d’«une concurrence efficace», preuve très difficile à établir. Ce serait désor- mais aux entreprises de prouver qu’un accord est justifié pour des motifs d’efficacité économique. Le dossier retourne au Conseil des Etats qui, espérons-le, conti- nuera à suivre sa ligne. * Fédération romande des consommateurs LE POUVOIR DACHAT ÉLEVÉ DONT DISPOSENT LES CONSOMMATEURS SUISSES SUSCITE LES CONVOITISES .

Transcript of L agefi maklerzentrum_stephan_wirz

Page 1: L agefi maklerzentrum_stephan_wirz

vendredi 7 mars 20142 FORUMPAGE

STEPHAN M. WIRZ*

Les instigateurs de l’initiative po-pulaire «pour une caisse publiqued’assurance-maladie» avancentl’argument que la mise en placede la caisse unique permettrad’éviter certains processus admi-nistratifs coûteux, comme leschangements de caisse fréquents,et donc de réaliser des économiessur les coûts associés. Il est vraique les changements de caisse en-gendrent des coûts. Toutefois, lesestimations de ces coûts varientfortement, entre CHF 100 mil-lions et CHF 1 milliard. Le mon-tant inférieur devrait être le plusproche de la réalité, ce qui cor-respondrait à un demi-pourcentde prime.Mais les instigateurs de l’initiative,en tenant les changements decaisse et surtout le secteur inter-médiaire pour responsables desaugmentations de prime, font va-loir de faux arguments. La haussedes primes tient beaucoup plus àl’augmentation des frais de santé,qui dépendent en grande partiede l’évolution démographique.Car en effet, si la population suissevieillit, celle-ci n’est pas forcémenten bonne santé. Il s’ensuit que lamédecine de pointe se spécialisetoujours plus et devient de plusen plus coûteuse.La mise en place d’une caisse uni-que ne changerait pas grand-chose à cette réalité. Au contraire.En premier lieu, la création d’untel monstre administratif endi-guerait la saine concurrence quiexiste entre les différents presta-taires. Deuxièmement, il n’y au-rait alors plus aucun intérêt àmaintenir des coûts bas. Tous sec-teurs confondus, l’histoire mon-tre que les monopoles ne sont pasjudicieux.Outre ce qui précède, reste la ques-tion fondamentale de savoir quel-

les seraient les caisses d’assurance-maladie actuelles qui devraientdevenir la caisse unique. Faudrait-il choisir les prestataires les plusimportants de chaque canton? Siune décision en ce sens était prise,il faut alors se poser la question

corollaire de savoir si les caissesd’assurance-maladie concernéesdisposent de moyens suffisants(collaborateurs, locaux, etc.) dansces cantons, ou si la mutationn’engendrerait pas plutôt des dé-penses d’investissement.La caisse unique est encore loin defaire l’unanimité si l’on pense aufossé qui sépare déjà les différentescaisses d’assurance-maladie,comme en témoigne la création l’andernier de l’association curafuturapar CSS Assurance, Helsana, Sani-tas et CPT. Sachant que les assu-reurs existent sous des formes dif-férentes et ont des clientèlesdiverses, les divergences d’opinionssont compréhensibles. Les chancesde parvenir à un consensus sur laquestion de savoir quelles caissesd’assurance-maladie formeraientla caisse unique sont donc très mai-gres. Les points de vue sur l’amé-lioration de la compensation desrisques, un sujet très controversé,sont tout aussi contradictoires.Par ailleurs, l’accord de branchede santésuisse sur le démarchagetéléphonique, que l’association desassureurs-maladie suisses a récem-ment annulé suite aux pressions

de la Commission de la concur-rence, avait pour seul but de limi-ter la concurrence. La protectiondes assurés n’était pas le principalobjet de ce texte qui ne définissaitdes normes de formation qu’a mi-nima. Pourtant, de telles normes

auraient été opportunes pour ga-rantir un conseil optimal aux as-surés. Il existe comme un rapportcontradictoire entre les assureurset les intermédiaires: tous veulentsimultanément de nouveaux as-surés bien portants, mais aucunne veut perdre de clientèle.En somme, nous pouvons direque la création d’une caisse uni-que ne serait en aucune façondans l’intérêt des assurés, qui ontaujourd’hui le choix. Si un jourla caisse unique décidait d’aug-menter les primes et/ou de sup-primer des prestations ou si,d’une manière générale, les assu-rés n’étaient pas satisfaits de lacaisse unique, ils n’auraient alorsaucun moyen d’y échapper. Ajou-tons qu’aujourd’hui déjà les assu-rés ne comprennent pas com-ment ils sont couverts contre lesaccidents et la maladie. Les be-soins sont donc considérables enmatière de conseil. Dans cecontexte, il n’est pas étonnant nonplus que le peuple soit dépassé parles votations sur le système Ma-naged Care, le financement hos-pitalier et les médecines complé-mentaires. Lors de ces votations,

les arguments politiques souventavancés ne peuvent être comprispar les assurés qu’après un conseilindividuel. La caisse unique ren-drait le système encore plus com-pliqué.Les coûts de l’assurance-maladieet de l’AVS continueront d’aug-menter en raison de l’évolutiondémographique et ils doivent êtrecouverts. Les alternatives au mo-dèle actuel ou à la caisse uniquedoivent prendre en compte cetteréalité. La modification du cata-logue des prestations serait unedes pistes à étudier. De plus, lafranchise minimale ou la quote-part pourraient être augmentées.On pourrait également imaginerque de nouvelles prestationssoient rattachées à l’assurancecomplémentaire. Le cas échéant,la compensation des risques doitpar ailleurs être améliorée.Un débat visant à déterminerquelles prestations devraient êtreobligatoirement assurées, cellesqui entreraient dans le cadre del’assurance complémentaire surla base du volontariat et quels se-raient les assurés concernés, estinéluctable. Dans ce processus, ilest nécessaire de mettre en placeplus d’avantages incitant les assu-rés à choisir librement le modèleManaged Care. Cela leur permet-trait de bénéficier de primes plusattractives et, grâce aux écono-mies ainsi réalisées, de souscriredes assurances complémentairesplus complètes. Quels que soientles contours de ce modèle alterna-tif, il nécessitera autant d’explica-tions que le modèle actuel ou lacaisse unique.

* Maklerzentrum Schweiz

Les alternatives possibles àl’assurance-maladie uniqueLes coûts de la santé continueront d’augmenter. Les alternatives doivent prendre en compte cette réalité.

IL EST NÉCESSAIRE DE METTRE EN

PLACE PLUS D’AVANTAGES INCITANT

LES ASSURÉS À CHOISIR LIBREMENT

LE MODÈLE MANAGED CARE.

Acquis des temps modernes, néeavec l’émergence de la citoyen-neté, protégée, pour ce quiconcerne la Suisse, par l’article 13de la Constitution fédérale(«Toute personne a le droit d’êtreprotégée contre l’emploi abusifdes données qui la concernent»),«la sphère privée est le conceptfondamental de toute société li-bre et démocratique. Sans sphèreprivée, pas de liberté».Et pourtant, avec les nouvellestechnologies, mais également avecnotre propre consentement, «nousrenonçons progressivement à no-tre sphère privée», objecte la ban-que Notenstein. Il faut allerjusqu’à payer soi-même la protec-tion de ses propres données per-sonnelles «du regard et de l’accèsd’autrui» (installation d’alarmes,construction de murs de protec-tion autour des habitats, double-ment en Europe de la demandede systèmes de cryptage pour lacommunication en réseau audeuxième semestre 2013). La pro-fesseure saint-galloise en est d’ac-cord mais tient à rappeler auxnombreux crédules parmi les uti-lisateurs: «Rien de ce que nous fai-sons sur Internet n’est gratuit.Nous payons avec nos donnéesqui sont devenues la monnaie del’économie numérique. Concrè-tement, quand j’utilise les servi-ces de Google ou Facebook, je leurdonne accès à mes souhaits, be-soins et préférences qui peuventensuite être revendus à des tiers».Puis elle établit un parallèle avecla vie économique: «Les entrepri-ses privées, qui ont bien identifiéla protection de la sphère privéecomme nouveau modèle d’affai-res, s’engouffrent dans cette brè-che. Les premières approches depositionnement de la Suisse entant que data safe haven en sontun exemple».Internet présente certes un grosrisque d’asservissement. Mais pè-sera-t-il plus lourd que les infinies

possibilités de choix qu’il offre?Grave interrogation dont on re-tiendra ici la seule composanteéconomique. «Internet nous ou-vre de vastes possibilités pour dé-velopper des idées, lever des fondspar le biais du crowdfunding,mettre en œuvre des processusd’innovation ouverte avec l’aidede clients, partenaires commer-ciaux, sous-traitants, et collaboreravec des partenaires du monde en-tier», Miriam Meckel en convientvolontiers. Mais elle n’en oubliepas pour autant les risques que latransparence qui rend Internetsi fascinant entraîne également«au niveau du système économi-que»: «Lorsque les données sontde plus en plus difficiles à proté-ger, il y a des conséquences sur lesinvestissements dans l’innovation,sur la protection des brevets ou dela propriété intellectuelle».Les systèmes de cryptage sont unepartie de la solution au problèmede la protection des données per-sonnelles. Mais une partie seule-ment car, comme insiste la spécia-liste saint-galloise, «sil’environnement de la communi-cation est de moins en moins sûret que la violation de la sphère pri-vée devient presque la règle, il s’en-suit un problème de confiance».Or il existe un lien très fort entresécurité et confiance. La «récipro-cité» doit imprégner cette relation.La banque Notenstein ne manquepas, tout au long de ce dialogue,de souligner le fait qu’avec lesdonnées de santé, les informationsfinancières font partie des plusprivées. Or la sphère privée ne vaplus aujourd’hui de soi. Elle de-vient même un bien rare, cher etpayant. Puisse l’établissementsaint-gallois dire vrai quand il af-firme que «l’exigence d’un traite-ment respectueux des données semaintiendra et augmentera en-core» dans la concurrence entrebanques, gérants de fortune et as-surances. (HS)

SUITE DE LA PAGE UNE

La monnaie d’échange de l’économie numérique

IMMOBILIER – [email protected]

L’absence de volontécontre l’îlot de chertéLe Conseil national arefusé d’entrer en matièresur la révision de la Loisur les cartels. La décisionest incompréhensible.Car ces modificationsauraient permis de luttercontre le tourisme d’achat.

MATHIEU FLEURY

FLORENCE BETTSCHART*

L’entrée en matière sur la révi-sion de la Loi sur les cartels(LCart) vient d’être refusée par leConseil national par 106 voixcontre 77 (lire page 9). La Fédéra-tion romande des consomma-teurs (FRC) regrette que laChambre basse n’ait pas mesurél’importance de cette révisionpour une saine concurrence enSuisse. Aussi bien les consommateursque les entreprises ou les em-ployés helvétiques en auraientprofité. Une loi efficace contre lescartels permet de se battre contre

les accords entre les différentesentreprises, notamment sur lesprix ou la distribution de mar-chandises, qui empêchent laconcurrence.Dans la lutte contre l’îlot decherté suisse, la modification dela LCart est une des pierres ma-jeures des mesures permettant decombattre les prix surfaits.Même si les salaires et les fraisde fonctionnement plus élevésdes entreprises suisses expliquentune partie de l’écart des prix, cene sont pas les seules raisons. Lepouvoir d’achat globalementélevé dont disposent les consom-mateurs suisses suscite aussi lesconvoitises des acteurs économi-ques. Le site barometredesprix.ch dé-montre, chiffres à l’appui, que lesprix en Suisse sont bien plus éle-vés qu’en France voisine (celavaut aussi pour l’Allemagne, l’Au-triche ou l’Italie): cosmétiques(+24 %), magazines (+57%), vête-ments (+25 %), jouets (+19 %), ar-ticles de sports (+19 %) et chaus-sures (+13%).

La révision proposée par leConseil fédéral aurait permis derenforcer le droit des cartels et delutter efficacement contre les en-traves à la concurrence. La modification de l’art. 5 LCartconstituait une nette modernisa-tion de ce droit, puisque la Com-mission de la concurrence n’au-rait plus dû prouver qu’un accordentraîne la suppression d’«uneconcurrence efficace», preuve trèsdifficile à établir. Ce serait désor-mais aux entreprises de prouverqu’un accord est justifié pour desmotifs d’efficacité économique.Le dossier retourne au Conseildes Etats qui, espérons-le, conti-nuera à suivre sa ligne.

* Fédération romandedes consommateurs

LE POUVOIR D’ACHAT

ÉLEVÉ DONT DISPOSENT

LES CONSOMMATEURS

SUISSES SUSCITE

LES CONVOITISES.