Kinésithérapie 2.0 ? La kinésithérapie dans 15ans

4
Kinésithérapie 2.0 ? La kinésithérapie dans 15 ans Véronique Dubard , Guy Cordesse 1, boulevard Pasteur, 77260 La Ferté sous Jouarre, France Le 21 septembre 2013, s'est tenu au palais du Luxembourg à Paris, un col- loque intitulé « Kinésithérapie 2.0 ? La kinésithérapie dans 15 ans ». Organisé à l'initiative du conseil interrégional de l'ordre des masseur-kinésithérapeutes d'Île-de-France et de La Réunion et de la FNEK, il avait pour sujet « de porter un regard prospectif sur notre exercice de demain ». Cette journée a été séquencée en cinq parties : regards politiques, regards interdisciplinaires, pratiques de demain, nouvelles technologies et nouvelles per- spectives pour la formation initiale et continue. Regards politiques Les regards politiques ont été portés par M. le député J.F. Lamour, Mme la direc- trice générale Chantal De Singly (ARS Océan Indien), M. le directeur général Claude Evin (ARS Île-de-France), M. J. P. David, président du CNOMK et M. L. Flèche (FNEK). Pour M. J.F. Lamour, les kinésithéra- peutes sont à la croisée des chemins : le vieillissement de la population (les + de 65 ans représenteront 20 % de la population en 2020) entraîne une demande supplémentaire de kinési- thérapie et il existe déjà un problème de prise en charge des personnes âgées ; des professionnels non paramédi- caux, STAPS, ostéopathes, prestatai- res de massage non thérapeutiques captent une part de l'exercice des masseurs-kinésithérapeutes (MK) ; la formation initiale : quatre années d'études pour un grade de licence, c'est être au milieu du guet. Il faut une reconnaissance au niveau Master ; la formation continue doit être déve- loppée au-delà du DPC pour assurer la qualité des soins tout au long de la carrière professionnelle. Il existe aussi des déserts médicaux à Paris, notamment pour les patients à mobilité réduite. Une exion est nécessaire sur la kinésithérapie ambu- latoire pour augmenter la pratique kiné- sithérapique au domicile des patients, pour assurer des astreintes le week- end et ainsi participer à la baisse de la durée moyenne de séjour (DMS) dans les hôpitaux. Pour Mme De Singly, trois sujets majeurs de santé caractérisent La Réu- nion : un taux de mortalité infantile et maternelle important, le diabète-obé- sité-maladies cardiovasculaires et les maladies infectieuses. Elle en ajoute un quatrième lié à la densité de la circu- lation automobile responsable de pro- blèmes respiratoires. Le nombre de kinésithérapeutes à La Réunion a dépassé celui des médecins généralis- tes. Ils sont jeunes comme la population (34,5 ans en moyenne). Mme De Singly attend d'eux qu'ils prennent une part active dans les actions de prévention. Ils sont souvent les premiers interlocu- teurs. La situation géographique avec des problèmes d'accessibilité posi- tionne favorablement le MK pour qu'il puisse élargir ses missions, qu'il parti- cipe à la télémédecine et le diagnostic à distance car 140 000 personnes sont à plus de 30 minutes d'un établis- sement de santé. Pour cela, la forma- tion initiale doit atteindre le niveau Master et la délégation des tâches doit être développée. Pour M. Evin, le système de santé a besoin d'évoluer du fait de l'augmentation des maladies chroniques nécessitant des interventions pluriprofessionnelles. Il faut développer le parcours de santé des patients et personnes âgées. En Île-de-France, les MK sont majoritai- rement libéraux (76 % des MK) et fémi- nins (53 %). L'état de santé de la population est inégale sur le territoire francilien, de même la répartition de l'offre de soins. Le potentiel de formation en kinésithérapie est important mais l'Île-de-France (l'IDF) ne garde pas ses diplômés. Il faut promouvoir le stage en cabinet libéral. Les MK doivent être en mesure de prévenir les conséquences du vieillissement et des pathologies chroniques. Le développement de la télémédecine devrait favoriser l'hospita- lisation à domicile. Enn, les transferts de compétence permis par l'article 51 de la loi HPST ne se développent pas. Cette procédure est trop lourde et nécessitera une révision pour l'alléger. J.P. David, président du conseil national de l'ordre des MK, a retracé l'historique de la profession de kinésithérapeute depuis 1946 jusqu'à nos jours. Le règle- ment des études date de 1989 mais le règlement de l'exercice date de. . . 1946 ! La réalité sur le terrain est bien différente, l'usage n'est plus conforme à la loi. L'ordonnance est la clé pour accéder au kinésithérapeute et obtenir le remboursement mais ne correspond pas au contenu de la kinésithérapie pro- diguée. Elle est une réponse à une demande de patient sans être nécessai- rement corrélée à des signes cliniques. Les kinésithérapeutes doivent rattraper leur retard en faisant la preuve du ser- vice médical rendu par une évaluation de leurs pratiques professionnelles de type formative et non normative, en pro- duisant des recommandations de bon- nes pratiques en lien avec la HAS et le collège de la masso-kinésithérapie. Un projet de transfert de compétences a été initié avec un protocole sur la prise en charge de la bronchiolite en accès direct. La HAS a refusé au motif que la loi ne permettait pas l'accès direct au kinésithérapeute. Cet accès direct se heurte à des obsta- cles multiples : le modèle de rembourse- ment, les considérations économiques, la communauté médicale, la formation insufsante. La profession devra se hié- rarchiser : étudiants, formateurs, forma- teurs de formateurs et chercheurs. Cela Auteur correspondant : V. Dubard, 1, boulevard Pasteur, 77260 La Ferté sous Jouarre, France. Adresses e-mail : [email protected] , [email protected] (V. Dubard) Kinesither Rev 2014;14(145):710 Actualités Compte-rendu de congrès http://dx.doi.org/10.1016/j.kine.2013.10.015 7

Transcript of Kinésithérapie 2.0 ? La kinésithérapie dans 15ans

Page 1: Kinésithérapie 2.0 ? La kinésithérapie dans 15ans

Auteur correspondant :V. Dubard,1, boulevard Pasteur, 77260 La Ferté sousJouarre, France.Adresses e-mail : [email protected],[email protected] (V. Dubard)

Kinesither Rev 2014;14(145):7–10 ActualitésCompte-rendu de congrès

http://dx.doi.org/10.1016/j.kine.2013.10.015

Kinésithérapie 2.0 ? Lakinésithérapie dans 15 ans

Véronique Dubard , Guy Cordesse

1, boulevard Pasteur, 77260 La Ferté sous Jouarre, France

Le 21 septembre 2013, s'est tenu aupalais du Luxembourg à Paris, un col-loque intitulé « Kinésithérapie 2.0 ? Lakinésithérapie dans 15 ans ». Organiséà l'initiative du conseil interrégional del'ordre des masseur-kinésithérapeutesd'Île-de-France et de La Réunion et dela FNEK, il avait pour sujet « de porterun regard prospectif sur notre exercicede demain ».Cette journée a été séquencée en cinqparties : regards politiques, regardsinterdisciplinaires, pratiques de demain,nouvelles technologies et nouvelles per-spectives pour la formation initiale etcontinue.

Regards politiquesLes regards politiques ont été portés parM. le député J.F. Lamour, Mme la direc-trice générale Chantal De Singly (ARSOcéan Indien), M. le directeur généralClaude Evin (ARS Île-de-France), M. J.P. David, président du CNOMK et M.L. Flèche (FNEK).Pour M. J.F. Lamour, les kinésithéra-peutes sont à la croisée des chemins :� le vieillissement de la population (les+ de 65 ans représenteront 20 % dela population en 2020) entraîne unedemande supplémentaire de kinési-thérapie et il existe déjà un problèmede prise en charge des personnesâgées ;

� des professionnels non paramédi-caux, STAPS, ostéopathes, prestatai-res de massage non thérapeutiquescaptent une part de l'exercice desmasseurs-kinésithérapeutes (MK) ;

� la formation initiale : quatre annéesd'études pour un grade de licence,c'est être au milieu du guet. Il fautune reconnaissance au niveauMaster ;

� la formation continue doit être déve-loppée au-delà du DPC pour assurerla qualité des soins tout au long de lacarrière professionnelle.

Il existe aussi des déserts médicauxà Paris, notamment pour les patientsà mobilité réduite. Une réflexion estnécessaire sur la kinésithérapie ambu-latoire pour augmenter la pratique kiné-sithérapique au domicile des patients,pour assurer des astreintes le week-end et ainsi participer à la baisse de ladurée moyenne de séjour (DMS) dansles hôpitaux.Pour Mme De Singly, trois sujetsmajeurs de santé caractérisent La Réu-nion : un taux de mortalité infantile etmaternelle important, le diabète-obé-sité-maladies cardiovasculaires et lesmaladies infectieuses. Elle en ajouteun quatrième lié à la densité de la circu-lation automobile responsable de pro-blèmes respiratoires. Le nombre dekinésithérapeutes à La Réunion adépassé celui des médecins généralis-tes. Ils sont jeunes comme la population(34,5 ans en moyenne). Mme De Singlyattend d'eux qu'ils prennent une partactive dans les actions de prévention.Ils sont souvent les premiers interlocu-teurs. La situation géographique avecdes problèmes d'accessibilité posi-tionne favorablement le MK pour qu'ilpuisse élargir ses missions, qu'il parti-cipe à la télémédecine et le diagnosticà distance car 140 000 personnessont à plus de 30 minutes d'un établis-sement de santé. Pour cela, la forma-tion initiale doit atteindre le niveauMaster et la délégation des tâches doitêtre développée.Pour M. Evin, le système de santé abesoin d'évoluer du fait de l'augmentationdes maladies chroniques nécessitantdes interventions pluriprofessionnelles.Il faut développer le parcours de santédes patients et personnes âgées.En Île-de-France, les MK sont majoritai-rement libéraux (76 % des MK) et fémi-nins (53 %). L'état de santé de lapopulation est inégale sur le territoire

francilien, de même la répartition del'offre de soins. Le potentiel de formationen kinésithérapie est important maisl'Île-de-France (l'IDF) ne garde pas sesdiplômés. Il faut promouvoir le stage encabinet libéral. Les MK doivent être enmesure de prévenir les conséquencesdu vieillissement et des pathologieschroniques. Le développement de latélémédecine devrait favoriser l'hospita-lisation à domicile. Enfin, les transfertsde compétence permis par l'article51 de la loi HPST ne se développentpas. Cette procédure est trop lourde etnécessitera une révision pour l'alléger.J.P. David, président du conseil nationalde l'ordre des MK, a retracé l'historiquede la profession de kinésithérapeutedepuis 1946 jusqu'à nos jours. Le règle-ment des études date de 1989 mais lerèglement de l'exercice date de. . .1946 ! La réalité sur le terrain est biendifférente, l'usage n'est plus conformeà la loi. L'ordonnance est la clé pouraccéder au kinésithérapeute et obtenirle remboursement mais ne correspondpas au contenu de la kinésithérapie pro-diguée. Elle est une réponse à unedemande de patient sans être nécessai-rement corrélée à des signes cliniques.Les kinésithérapeutes doivent rattraperleur retard en faisant la preuve du ser-vice médical rendu par une évaluationde leurs pratiques professionnelles detype formative et non normative, en pro-duisant des recommandations de bon-nes pratiques en lien avec la HAS et lecollège de la masso-kinésithérapie. Unprojet de transfert de compétences a étéinitié avec un protocole sur la prise encharge de la bronchiolite en accèsdirect. La HAS a refusé au motif quela loi ne permettait pas l'accès directau kinésithérapeute.Cet accès direct se heurte à des obsta-cles multiples : le modèle de rembourse-ment, les considérations économiques,la communauté médicale, la formationinsuffisante. La profession devra se hié-rarchiser : étudiants, formateurs, forma-teurs de formateurs et chercheurs. Cela

7

Page 2: Kinésithérapie 2.0 ? La kinésithérapie dans 15ans

V. Dubard, G. CordesseActualitésCompte-rendu de congrès

permettra d'obtenir un transfert decompétences et non une délégation detâches ; mais cela demandera un enga-gement de la profession.M. L. Flèche, groupe Avenir Kiné,FNEK, a rappelé les points de litigedes étudiants en masso-kinésithérapie.La formation initiale n'a pas évoluédans son contenu depuis 1989 alorsque les besoins en santé ont évoluécomme les pathologies liées au vieillis-sement de la population. L'exerciceprofessionnel est majoritairement libé-ral alors que les stages sont majoritai-rement hospitaliers. La pratiquekinésithérapique évolue en Europeavec l'accès direct, la possibilité deprescrire des médicaments, l'universi-tarisation permettant la recherche maisrien de tel en France.L'accès aux études est hétérogène. Elleest coûteuse en institut privé. Leconcours par la PACES permettraitune sélection égale et favoriserait lesétudiants d'une même région.

Regards interdisciplinairesM. J. Cadet, consultant en santé etmédico-social. L'avenir du kinésithéra-peute se décline en trois mots : pré-vention, dépendance et coordination.L'exercice en solitaire a vécu et privilé-giera l'exercice de groupe. Les évolu-tions technologiques vont permettreune meilleure surveillance des patients.Le kinésithérapeute aura un rôle centralà jouer pour lutter contre la dépendancedes personnes âgées à la fois en termesde prévention et de maintien à domicile.Il mènera des actions de prévention encoopération avec les organismesd'assurance complémentaire et lesentreprises. Pour lui, le kinésithéra-peute devrait devenir le partenaire pri-vilégié du médecin traitant etl'interlocuteur principal dans la coordi-nation des soins.

M. G. Kepeklian, ingénieur en rechercheet développement. Depuis 1998, créa-tion de Google, il y a eu une successionde webs qui se sont complétés :� web 1 : production de documents :peu de producteurs mais beaucoupde lecteurs ;

� web 2 : production d'interactions :échanges d'informations ;

� web 3 : production de données.Grâce à des capteurs corporels, descaméras, les nanotechnologies, unesomme considérable d'informations con-cernant le patient sera enregistrée et dis-ponible facilitant sa prise en charge

8

à domicile (surveillance). Écran tactile,écran haptique, capteurs de mouvementet impression 3D pourront être utiles dansla prise en charge rééducative.Un système Big Data mettra à disposi-tion ces données permettant de rassem-bler des cohortes sur certaines patho-logies à des fins de recherche de hautevaleur.Mme Amat-Roze, géographe. Le géo-graphe a élargi son champ d'investiga-tion pour s'intéresser à la dynamiqued'un territoire en termes de démogra-phie, d'offres de soins, de déplacementsde population, de niveaux socioécono-miques. Cette analyse permet de répon-dre à des questions de pertinenced'implantation d'un cabinet médical,d'accessibilités aux soins, de projetsd'aménagements ou de développementurbain facilitant, par exemple, la pratiqued'activités physiques. Un travail estactuellement effectué en Seine-Saint-Denis en collaboration avec le CROMK.

M. V. Vilder, responsable de mission,ASIP santé (isante.gouv.fr). Le projetest d'aboutir à une messagerie sécuriséepour les professionnels de santé. Dans15 ans, le dossier professionnel rassem-blera l'histoire et les données de chacundes patients permettant le suivi d'actionscoordonnées (agenda, planification desséances, réservations. . .). Cet outil seradoté d'algorythmes d'aide à la décision,de bases de connaissances interrogea-bles de façon standard.M. J.M. Perez, président de France AVC,grand témoin. M. Perez est hémiplé-gique. Il rappelle qu'il se produit150 000 AVC chaque année en France,45 000 chez les moins de 45 ans. C'estla première cause de handicap, la 2e

cause de démence. Il souhaite mettreen place une charte qualité. Celle-cicomporterait une fiche de liaison spéci-fique, la formalisation des bilans. Il insistesur l'éducation thérapeutique du patientmais aussi de l'entourage. Il souhaite quela rééducation soit individualisée carchaque patient souffrant d'un AVC estatypique. L'organisation des soins devraêtre précoce, intense et continue. Il pro-pose une rémunération au temps passéavec le patient. La formation devra sespécialiser avec la délivrance d'une cer-tification et la constitution d'un annuairedes praticiens certifiés.

Les pratiques de demainM. G. Barette, MK, ergonome. Le vieil-lissement de la population, l'augmenta-tion des troubles musculo-squelettiques

(TMS) et du stress professionnel fontque la prise en charge curative d'unpatient n'est pas suffisante et qu'elle apour conséquence le risque de récidi-ves. Il faut s'intéresser au contexteprofessionnel et analyser l'activité pro-fessionnelle. Le kinésithérapeute-ergo-nome a une approche plus performantecar il intègre l'éducation de son patient-opérateur. Mais cette pratique est horsnomenclature et pose la question de larémunération. Peut-on imaginer deskinésithérapeutes du travail comme ilexiste des médecins du travail ? C'estune réflexion à mener. M. Barette pré-cise que le kinésithérapeute doit êtreformé à l'ergonomie afin de proposerune prise en charge complète, sansaboutir à ce que le kinésithérapeutedevienne un ergonome.Mme P. Fillion, MK en maison médicalepluridisciplinaire nous relate son expé-rience professionnelle. Les avantagesde cet exercice sont : une offre de soinsregroupée, un travail en équipe favori-sant la pluridisciplinarité et évitant l'iso-lement des professionnels. Les in-convénients sont : le loyer : le MKn'est pas propriétaire de son local et lemontant du loyer est proportionnel à lasurface utilisée et au revenu. Les char-ges sont élevées compte tenu d'une fré-quentation élevée. En cas de départd'un des locataires, sa quote-part estrépercutée sur les autres locataires.Pour madame Fillion, la maison médi-cale pluridisciplinaire n'est pas unmoyen suffisant pour attirer de nou-veaux professionnels dans les zonesde désert médical.M. R. Rocton, MK, expert à la courd'appel de Versailles. L'expert doit ren-dre un avis technique par exemple lorsde la mise en cause de la responsabilitéd'un MK, lors d'une reconnaissanced'invalidité professionnelle, lors d'éva-luation de séquelles fonctionnelles,l'évaluation de la valeur d'un cabinet.Pourquoi un expert-kinésithérapeute ?Parce que nous avons un monopoled'exercice et nous sommes une profes-sion autonome. À ce jour, 200 kinési-thérapeutes ont été formés et 40 sontinscrits sur la liste des cours d'appel.De nouveaux besoins apparaissent :l'ordre des MK avec ses chambresdisciplinaires, les compagnies d'assu-rance, les juridictions. L'expert-kinési-thérapeute est un conseiller techniquesoit du côté du patient, soit du côté duMK. Hommage a été rendu à M. Laco-mère, premier kinésithérapeute à avoiremprunté cette voie.

Page 3: Kinésithérapie 2.0 ? La kinésithérapie dans 15ans

Kinesither Rev 2014;14(145):7–10 ActualitésCompte-rendu de congrès

Mme C. Pretot, cadre supérieur derééducation du groupe hospitalier LeRaincy-Montfermeil. Quand il s'agit depenser à l'avenir du kinésithérapeuteà l'hôpital, rien n'est moins simple. Lasituation est tendue avec des effectifshistoriquement faibles. Le tutorat est deplus en plus problématique. Pourtant, laprofession est reconnue au sein del'hôpital avec une collaboration médico-chirurgicale en réanimation, en pédiatrie,en pré- et postopératoire orthopédique.C'est un service transversal. L'hôpital estpourvoyeur de terrains de stage partici-pant d'une façon non négligeable à laformation des futurs kinésithérapeutes.C'est une profession qui met en placedes projets de service : école del'asthme, réadaptation cardiaque enHDJ, réadaptation pneumologique pourles BPCO. . .Il faut réfléchir à une délégation de soinset pourquoi pas des aides-kiné ? Àl'inverse, on doit faire émerger des spé-cialités en kinésithérapie et écrire pourêtre reconnu.M. V. Bouderlique, MK, cadre de santé,hôpital Bégin. La disparition du servicenational obligatoire et le passage aux35 heures ont durement impacté les éta-blissements hospitaliers militaires surles effectifs de soignants. Les MK mili-taires travaillent dans les hôpitaux maisaussi sur le porte-avion Charles-De-Gaulle, à Kaboul et en soutien des pilo-tes au combat.M. F. Lagniaux, MK, président de laSociété française des MK du sport. LeMK intervient à trois niveaux : au cabi-net, en club, en équipe nationale. Il estsouvent consulté en première intention.Les actes effectués en dehors du cabi-net sont souvent à la limite de la légalitécomme « traiter une ampoule ». Il estparfois difficile de se positionner entreles ostéopathes, les STAPS. Le sportif ade multiples interlocuteurs.L'avenir de la kinésithérapie passerapar la création d'une discipline propre :un Master 2 ne suffira pas, un niveaude doctorat est nécessaire pour créerun domaine de recherche. Demain,le kinésithérapeute sera un réel acteurde santé qui aura conceptualisé sessavoirs et sera prescripteur de sesactes.

Nouvelles technologiesM. O. Corruble, fondateur associé deMedicapp Connect, nous présente lespré-requis d'un outil informatique au ser-vice du MK. Il doit gérer des données deplus en plus nombreuses, partagées et

sécurisées. D'autre part, cet outil doitsuivre le MK jusqu'à la table de réédu-cation ou au domicile du patient etinclure du textuel, des photos, des infor-mations professionnelles.M. D. Billet, IKARES développement(association de MK autour des patholo-gies respiratoires et de l'éducation dupatient), nous présente un outil pédago-gique au service de l'éducation dupatient atteint de mucoviscidose : Muco-play®. C'est un serious game dont lesobjectifs sont l'acquisition de savoirs (ali-mentation, médicaments, exacerbation,règles d'hygiène. . .). Ce jeu s'adresseaussi bien aux professionnels de santéqu'aux parents. Les avantages : le jeu estaccessible 24H/24H. Il permet de validerdes compétences. Pour l'instant troismodules ont été élaborés pour un coûtde 100 000 euros. La version 1.0 estaccessible à tous pour évaluation (muco-play.org). Il faudrait trouver 250 000 spour finir de développer le reste du jeu.Mme J. Robertson, MK, chargée derecherche, équipe motricité à l'hôpitalPoincaré. L'utilisation de robots pourmobiliser les membres supérieurs oupour assister la marche ne remplacerontpas le kinésithérapeute. Mais, leur utili-sation permet d'augmenter le nombre derépétitions, ce qui, pour des pathologiesneurologiques, est bénéfique. Cepen-dant, peu d'études de qualité ont évaluéleur efficacité quant aux résultats fonc-tionnels et le transfert des mouvementsentraînés dans les activités de la viequotidienne.

Nouvelles perspectives pour laformation initiale et continueM. J. Monet a retracé l'évolution de laformation initiale. Celle-ci avait unedurée de 2 ans entre 1924 et 1969. Àpartir de 1969, elle passe à 3 ans. En1987 déjà, première manifestation pourune 4e année.La profession ne peut guère évoluer carelle est coiffée par un conseil supérieurdes professions paramédicales datantde 1973, puis par un haut conseil desprofessions paramédicales en 2004.C'est un espace fermé, clôt qui empêchetoute velléité d'évolution.En 1989, processus de Bologne. Lestrois années de formation doivent abou-tir à l'obtention d'un diplôme valant180 ECTS. Le Master 1 correspondraà une formation ayant délivrée240 ECTS pour un diplôme valant180 ECTS !L'adossement universitaire doit permet-tre de développer la production de

savoirs spécifiques. Il y a nécessitéaussi de former des enseignants auxdisciplines scientifiques, de produiredes ouvrages de référence sur l'en-semble des disciplines enseignées.J. Monet propose de réfléchir à un rap-prochement des écoles, une mutualisa-tion avec création d'un départementuniversitaire.M. D. Michon, directeur de l'ENKRE etprésident du CNKS énonce un certainnombre de constats :� les écoles de kinésithérapie sontdevenues instituts sans que l'on fasseévoluer pour autant l'enseignement.Actuellement, la plupart des structu-res restent petites, isolées, rattachéesà un hôpital ;

� le processus de Bologne structure lesétudes supérieures en Licence-Mas-ter-Doctorat (LMD). Il oblige les insti-tuts à installer des démarches qualitéaboutissant à une certification. Ilimplique la mobilité des étudiants ;

� seules les universités sont habilitéesà délivrer des ECTS. Il faut donc pas-ser des conventions avec elles. Celafait 25 ans que l'accès aux études dekinésithérapie par une premièreannée de médecine est expérimentéet qu'il concerne une majoritéd'étudiants ;

� qu'en est-il de la formation desenseignants ? Pas de titre universi-taire pour un diplôme de cadre desanté. Faut-il constituer des réseauxde formation ? Avec quels finance-ments ?

� quelles adaptations de la formationaux besoins de santé et de forma-tion ? Les besoins ont été évoquésen amont. Plusieurs professionspeuvent répondre à ces besoins ;entre celles appartenant au codede la santé publique et les profes-sions de santé, il existe uneconcurrence ;

� on ne peut pas passer sous silencequ'un nombre égal de diplômésd'une année arrive de l'étrangerpour travailler en France, soit2000 MK ;

� la profession revendique un Mastermais une partie des soins que nousdélivrons ne réclame pas ce niveau.

L'ingéniérie des études de kinésithéra-pie promeut une approche par résolutionde problèmes. C'est une approchepar compétences et non plus un pro-gramme figé de connaissances à déli-vrer, ce qui implique que les référentielsdevront être revus tous les 5 ans commeà l'université.

9

Page 4: Kinésithérapie 2.0 ? La kinésithérapie dans 15ans

V. Dubard, G. CordesseActualitésCompte-rendu de congrès

Quelles priorités ? Quelles propositions ?Restructurer notre domaine alors que lemodèle pratiqué est un enseignementmédical en alternance avec un enseigne-ment pratique. Il faut penser en termes de« kinésiologie-kinésiopathologie-kinési-thérapie ». Construisons des contenusde notre formation évolutifs, ouverts etde nature scientifique. Veillons à la for-mation clinique et hors clinique malgré unaffaiblissement des effectifs de kinésithé-rapeutes salariés et donc de l'encadre-ment des stagiaires. Il faut un ancrage denos instituts au système universitaire-hospitalier et développer des stages encabinet.Apprenons aux jeunes à apprendre toutle temps plutôt que de réciter dessavoirs qui sont accessibles par ailleurs.Individualisons les parcours de forma-tion et prenons en compte les projetsdes étudiants. Pourquoi ne pas penserà une coopération entre instituts.Il faut rechercher des financements pourla recherche.Enfin, il est nécessaire de poser lesvaleurs de cette profession « pour gran-dir, et dans la direction voulue ».

J.M. Ovieve, Directeur de l'INKL'avènement du développement profes-sionnel continu (DPC) est l'événementdes 20 dernières années. Il est obliga-toire depuis le 1er janvier 2013. La partieconcernant l'acquisition de connaissan-ces est familière pour les kinésithéra-peutes, ce qui change, c'est la partieévaluation des pratiques professionnel-les (EPP).L'organisme de formation reçoit uneindemnité de 955 euros par MK formédont 112,20 euros par demi-journée

10

d'activité perdue, seront versés au kiné-sithérapeute. Les thèmes porteurs sont :les thèmes interprofessionnels, la pré-vention, l'éducation thérapeutique.Le FIF-PL perdure, son contenu est ori-enté vers des exercices spécifiques, desspécialités. À venir, le conventionne-ment avec des universités.Dans un futur proche, l'accréditationexistant déjà au niveau hospitaliers'étendra aux cabinets libéraux, lesassurances complémentaires serontparties prenantes, et se posera la ques-tion de la formation à l'utilisation desnouvelles techniques en formation ini-tiale ou continue.Quel sera l'avenir du e-learning dansune profession manuelle ? Le présentielgardera tout son intérêt.

P. Trudelle, Directeur de KPTEN

Le masseur-kinésithérapeute est un arti-san-artiste avec une habileté gestuelle,capable de créativité thérapeutique etde communication, mais aussi un scien-tifique capable de s'évaluer et d'intégrerl'evidence based practice (EBP).Il y a trois domaines de formation intri-qués : la pratique, la théorie et laclinique :� la pratique : délivrée par des clini-ciens. C'est une expérience profes-sionnelle à transmettre, à traversdes cas cliniques en appliquant unraisonnement clinique ;

� la théorie : délivrée par des ensei-gnants–professeurs d'université. Ellepourra se faire par e-learning (MOOC).L'apprentissage qui en découlera sefera par résolution de problèmes. Lesenseignants auront un niveau de PhD,

feront de la recherche clinique abou-tissant à des résultats cliniques ;

� la clinique : délivrée par un supervi-seur de stage clinique accrédité parune formation spécifique. Le lieupourrait être une clinical school avecun enseignement sur le terrain au seind'établissements de santé, sousforme de clinicat, d'internat. Il estindispensable de sortir du ministèrede la Santé pour intégrer celui del'enseignement supérieur.

Un contrôle qualité s'exercera en forma-tion initiale avec une accréditation del'institut de formation attestant du res-pect des référentiels d'apprentissagepropres à la kinésithérapie.Le parcours professionnel intègrera for-mations initiale et continue, certificationen spécialités. Le rôle des associationsprofessionnelles et des sociétés savan-tes sera primordial dans la constructiondu parcours professionnel, le contenude la formation continue et la certifica-tion régulière des professionnels.

En dépit de la richesse des interventionset la qualité des intervenants, ce colloquen'a pas eu une assistance aussi nom-breuse que les sujets le méritaient. Nousavons regretté qu'aucun temps avec lasalle n'ait été organisé. Les « cheveuxblancs » étaient majoritaires, la généra-tion des 20–40 ans était absente. Pour-tant, elle sera aux commandes dans15 ans. Malgré ces quelques regrets,nous ne pouvons qu'encourager etremercier les organisateurs pour cettejournée très intéressante qui doit amorcerles débats pour ce futur professionnel.Pour suivre l'intégralité des présenta-tions, allez sur le site suivant : idfreu-nion.ordremk.fr.