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Juin 1940 LA GLORIEUSE DEFENSE DU PONT SAINT-LOUIS COTE D'AZUR LIGNE MAGINOT 2/1 BERNARD ET RAYMOND CIMA MICHEL TRUTTMANN

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Juin 1940

LA GLORIEUSE DEFENSEDU

PONT SAINT-LOUIS

COTE D'AZURLIGNE MAGINOT 2/1

BERNARD ET RAYMOND CIMAMICHEL TRUTTMANN

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AUTOEDITION CIMA © 1995-20061 - 2

«Barrage rapide» du PontSt-Louis.

Plan de masseCIMA © 1995

1- Blockhaus2- Terre-plein (1,8m au dessus du niveau de la route)3- Tranchées4- Terre-plein (2,4m au dessus du niveau de la route)5- Cuisine (emplacement supposé)6- Abri en tôle métro (emplacement supposé)7- Local barrière

8- Poste des douanes9- Poste de police10- Barrière antichar roulante11- Frontière tracée le 7 mars 186112- Pont Saint-Louis

13- Cabane des gendarmes14- Marchand de souvenirs (Revol)15- wc publics

DMP : Dispositif de Mine Permanent

Suite à une convention, signée à Turin le 7 mars 1861entre la France et la Sardaigne, le pont Saint-Louis esttotalement situé en territoire italien.

Les abords de l'Avant-Poste ont été modifiés aprèsguerre. Ce plan de masse est une reconstitutionréalisée après regroupement de documents d'originesdiverses parmi lesquels figurent ceux du ColonelGros.

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RN 7DMPà 100m

Ci-dessus : Pont Saint-Louis (avant 1940) vu de la casemateCollection Roger MARCEL

Ci-contre : Maquette de l'avant-posteRaymond CIMA

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Equipage de l'Avant-Postedu Pont St-Louis.

De gauche à droite:Alpins Guzzi, Cordier,Gapon, Sgt Bourgoin,S/Lt Gros, Cal Robert,Alpins Chazarin, Pétrillo,Lieutaud.

La photo a été prise par M.Charles LAUGIER, le 27 juin1940, sur les dessus del'ouvrage du Cap Martin.

Collection Colonel CharlesGROS.

Les combats à la frontière italienne furent de courte durée et l'avant-poste du Pont St-Louis put rester fidèle à la devise des troupes deforteresse :

«On ne passe pas»

Merci aux auteurs de cette brochure d'avoir montré la volonté de«tenir» qui animait l'équipage de cette casemate dans les derniers joursde juin 1940.

Colonel Charles GrosCommandant de l'ouvrage du Pont Saint-Louis en juin 1940

Citation homologuée par ordre 208/C du 2 septembre 1940.«Ordre Général nº34 du 27 juin 1940.Le Général commandant l'Armée des Alpes cite à l'ordre de l'Armée: (...)- Garnison de l'ouvrage d'Avant-Poste du Pont St-Louis (96ºBAF) composé de 8 alpins: Sgt BOURGOIN Jean, CalROBERT Lucien, CORDIER Gaston, CHAZARIN Roger, GUZZI Marcel, PETRILLO Nicolas, GAPON André,LIEUTAUD Paul, sous les ordres du S/Lt GROS Charles, ayant mission d'interdire le passage du pont St Louiset de la route entrant en France, et ayant été encerclée peu après le début des hostilités avec l'Italie, a continuéà assurer sa mission jusqu'à la signature de l'armistice en infligeant des pertes à l'ennemi.Soumise à de violents bombardements d'artillerie puissante, n'a pas faibli bien que pouvant se croire entièrementsacrifiée.Après l'armistice, a continué encore à inspirer le respect de sa mission à l'ennemi qui ne pouvait, ni ouvrir labarrière coupant la route ni relever le champs de mines antichars, si bien que l'adversaire a admis sa relève parune troupe en armes de même effectif»

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L'ouvrage du Pont St Louisn'est qu'une simple petite casemate.

Les locaux sont exigus. Il n'existepas de casernement. En cas denécessité, la galerie est transfor-mée en dortoir dans lequel on peutaligner quatre paillasses et les re-

d'entre elles est un local de 5m2

dans lequel un système filtrantmécanique à pédales assure l'aé-ration et la surpression de toute lacasemate; la seconde est la cham-bre de tir dont les deux créneauxfont face à la frontière. Avec ses7m2 cette dernière fait aussi officede magasin à munitions, de sallede transmission et de PC.

L'intérieur de la casemate du PontSt-Louis peut être sommairementdécrit en quelques lignes.On y entre par une porte blindéeétanche de type 1ter, à deux van-taux superposés, dont la partiesupérieure est percée d'un cré-neau pour FM. Puis une étroitegalerie coudée dessert les deuxsalles de l'ouvrage. La première

Vue actuelle de l'Avant-Poste, prisedepuis la frontière. La porte, casexceptionnel, fait face à l'Italie.Photo CIMA.

1- Entrée1. Porte de type 1ter2. Dispositif de mise à feu du DMP

2- Salle de neutralisation1. Ventilateur type B2. Filtre

3- Casemate1. Goulotte à grenades2. Jumelage de mitrailleuses en position d'effacement3. Créneau pour FM4. Rail aérien du canon de 375. Entrée de l'antenne radio6. Grille de ventilation7. Casier pour 150 coups de 37

Blockhaus de l'Avant-PosteD'après les archives du Génie de Nice

CIMA © 1995

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pas sont pris près des armes. Sil'ouvrage est coupé de l'arrière,l'équipage puise dans les réser-ves de guerre soigneusement em-paquetées et rangées près du ven-tilateur, avec 100 litres d'eau stoc-kés dans deux fûts métalliques.Comme dans les autres avant-postes, les latrines intérieures sontréduites à une "boîte" de quelquesdécimètres cubes que l'on vide àl'extérieur de l'ouvrage.Les conditions de vie paraissentdures mais il faut rappeler que,dans le principe de défense de1940, les équipages d'Avant-Pos-tes sont prévus pour combattre àl'extérieur. L'abri à l'épreuve n'està utiliser qu'occasionnellement, encas d'encerclement ou de bom-bardement.Cependant ce "principe", valableà 1km de la frontière comme auPilon ou à Pierre-Pointue parexemple, peut difficilement êtreappliqué à 50m de l'ennemi!Aussi, c'est confinés dans cettepetite casemate qu'en juin 1940neuf hommes vont remplir leurmission, sans défaillance.

Ci-contre:vue d'ensemble du système deventilation.A gauche on remarque le filtrequi purifie l'air gazé.Au centre le by-pass,installé sur le ventilateur,permet de court-circuiter le filtre.A droite on peut voir le mécanismeà pédales, surmonté d'une selle devélo.Photo Michel TRUTTMANN.

Ce type de ventilateur à deux positions:- la position «cycle» est utilisée pour une ventilation normale néces-sitant peu d'effort;- celle «à bras» permet de mettre en place deux manivelles à grandbras de levrier(utilisées comme repose mains dans la position «cy-cle»). Le surcroît de puissance fournie est nécessaire pour vaincre larésistance du filtre lorsqu'on bascule le système sur le régime «airgazé».

Position «à bras»

Position «cycle»

Ventilateur «type B»Schéma de principe

Bernard CIMA © 1995

Air purVers

la casemate

Manivelle

Ventilateur

Boitede vitesse

Filtrepour air gazé

BY-passen position«air pur»

Selleen bois

Ci-contre :Maquette du système de ventilationRaymond.CIMA

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L'armement de la casemate duPont St-Louis est étroitement lié àl'historique de sa construction.Lorsque le 1er octobre 1930 leprojet de "barrage rapide" est ac-cepté par le ministre de la Guerre,ce dernier refuse qu'il soit arméd'un canon antichar.En décembre 1931, le ColonelAndré, Directeur des travaux duGénie de Nice, élabore un dossierproposant tout de même l'installa-tion d'un canon de 37mm. Le pro-jet est approuvé par le Ministre enfévrier 1932.Mais lorsqu'en août 1932 l'entre-prise Delorenzi termine le grosoeuvre de l'Avant-Poste, les plans

Vue d'ensemble des deux créneaux dela casemate. Sous la dalle on remar-que le bi-rail supportant le canonantichar.

Avant restaurationPhoto Michel TRUTTMANN

Après restauration (1996)Photo CIMA

La chambre de tirreçoit un armement puissant.

n'ont pas encore été officiellementmodifiés ; aussi les deux embra-sures réalisées sont-elles prévuespour recevoir, chacune, un jume-lage de mitrailleuses.En septembre 1932 le ColonelAndré soumet donc un modificatiftenant compte de la directive ap-prouvant le C37. Par la mêmeoccasion il écrit: «Il est absolu-ment nécessaire de donner aublockhaus (...) les possibilités d'ob-servation qu'il ne possède pas».En effet, l'ouvrage est aveugle!Mais l'état avancé de la construc-tion ne permet que de remplacerle jumelage de gauche par un FMassurant une meilleure visibilité

Caractéristiques du canon de 37Mle 1934 de casemate.

- La masse oscillante est tenuedans un cadre vertical démonta-ble pouvant prendre la place d'unjumelage de mitrailleuse dans lemême créneau.- Poids de la masse oscillante:500kg- Epaisseur des blindages verti-caux: 30mm- Longueur de la bouche à feu encalibres: 50- Culasse Nordenfeld- Cadence de tir en coups parminute: 20- Deux freins hydrauliques et unremplisseur automatique- Récupérateur à ressorts- Poids de la masse reculante:170kg- Longueur de recul: 0,22m- Mise de feu sur le volant depointage en hauteur- Lunette de pointage de tir directmodèle L652 de 5kg (grossisse-ment 2,5; champ 20,3grades)- Boulet de rupture: Vo=812m/s;poids 0,9kg; perce 5cm d'acier à800m.- Douille avec tube porte amorceF33 de 14/18. Poids vide 0,340kg- Service de la pièce: 1 pointeur-tireur et 1 chargeur. Canon antichar 37mm modèle 34

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du champ de tir que les lunettes devisée des armes. Ces modifica-tions sont approuvées. Onremodèle donc les embrasures et,pour le futur canon de 37, on scellela trémie de type 1 imposée parl'ITTF (inspection technique destravaux de fortification).Puis on constate que la pente as-cendante de la route italienne cou-verte par le canon est trop impor-tante pour une trémie de type 1, àchamp de tir vertical réduit (-4º à+4º). Le 13 juin 1933 Nice de-mande alors de remplacer cettedernière par une trémie de type 2modèle 1929 à champ de tir verti-cal étendu (-14º30 à +10º).En 1934 on transforme de nou-veau le créneau de droite et l'oneffectue la substitution demandée.L'ouvrage reçoit enfin son arme-ment définitif:

Caractéristiques techniques de latrémie type 2 modèle 1929 pourJM et canon antichar de 37mm.

DocumentLcl Philippe TRUTTMANN

Champ de tir horizontal: 45º pourle JM et 42º30 pour le canonChamp de tir vertical: 34º (-19º à15º) pour le JM et 24º30 (-14º30 à10º) pour le canon.

Le masque blindé formant bou-clier de l'arme, et fermant le fondde la trémie lorsque l'arme est enplace dans le créneau, a une épais-seur uniforme de 8cm.

- un canon antichar de 37mm- un jumelage de mitrailleusesReibel MAC31F- un FM 24/29 sous béton- un FM 24/29 sur porte- une goulotte à grenades.- A gauche du créneau de FM unedeuxième goulotte à grenadessemble n'avoir jamais été opéra-tionnelle et aurait servi de gainepour le câble de l'antenne radio.

En quelques années on est passéd'une simple guérite bétonnée pour"barrage rapide" à un ouvrage àl'armement conséquent, sans te-nir compte du manque d'habitabi-lité des locaux.Aussi le Général Magnien, com-mandant le SFAM, a-t-il fait entre-prendre des études d'extensiondes locaux souterrains. Après dif-férents tâtonnements, le 14 mars

1940 le dernier projet qui sort descartons est approuvé par le Minis-tre. Mais il est déjà trop tard. Laguerre éclate alors que les tra-vaux n'ont pas encore commencé!

1- Seconde galerie de secours (envisagée)2- Issue de secours dans le mur de soutainement de la RN 73- Galerie en rampe de 0,24m/m4- Centrale électrogène5- Ventilateur supplémentaire

6- Galerie en rampe de 0,03m/m7- Services de santé et des transmissions8- Dortoir pour 8 hommes9- Cuisine10- wc11- 1500 GE12- 24000 cartouches13- 240 grenades14- 240 boulets de rupture pour antichar de 37mm

D'après les archives du Génie de NiceCIMA © 1995Plan d'extension des locaux souterrains.

Ce projet est approuvé par décisionministérielle 2115 L/4S du 14-3-40.

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L'Avant-Poste est indissociablede sa barrière anticharet de son DMP.

Si la casemate du Pont St-Louis aété construite près de la frontière,c'est pour interdire l'approche dela barrière antichar qui, à l'épo-que, ferme la seule route donnantaccès à Menton.Cet obstacle est doublé d'un dis-positif de mine permanent (DMP)que l'on met en oeuvre depuis lagalerie de la casemate, pour fairesauter la route à l'angle du boule-vard de Garavan et de la corniche.Ce cas de figure est unique dansle dispositif défensif français oùles destructions sont normalementprévues en avant des ouvrages etnon sur leurs arrières!Mais ici, le pont qui sépare laFrance de l'Italie est totalementen territoire italien. Sa destructionne peut donc pas être préparée àl'avance.Cas tout aussi rarissime pour unDMP, pour faire face à toute atta-que brusquée le fourneau de mineest chargé dès le temps de paix.Les civils qui traversent la fron-tière ignorent qu'ils passent sur unvolcan!Ce dernier est fréquemment véri-fié par un officier du Génie de lachefferie de Nice. A ce propos leS/Lt Charles Gros précise qu'en

vait la chambre d'explosion conte-nant cinquante pétards de méli-nite de vingt kilos chacun.Sous gaine, deux lignes de cor-deau détonant montaient jusqu'àla boîte de mise à feu située àdroite, dans le couloir d'entrée del'ouvrage.Sur le trajet des cordeaux déto-nants, juste avant le terre-plein dela casemate, un regard pour pé-tards relais permettait de faireéventuellement un deuxièmeamorçage».

Ci-contre:état actuel du dispositifde barrage rapidede la frontière.On distinguele mécanismeà manivelles et pignonspermettant,par l'intermédiaired'une chaîne sans fin,de lancer la barrièreantichar dont onaperçoit l'une des roues.

Photo MichelTRUTTMANN.

tant qu'officier technique de miseen oeuvre de ce dispositif il ac-compagne l'officier en questiondans sa vérification :«je m'y rendais de nuit et en tenuecivile d'égoutier pour ne pas attirerl'attention.Le DMP était accessible à partird'une plaque d'égout spécialementaménagée et masquant un puits àéchelons d'environ trois mètres deprofondeur.Au bas de celui-ci une micro gale-rie passant sous la route desser-

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Sur ce schéma la barrière antichar est "lancée". L'ancrage des deux extrémités de cette dernière n'étant pas suffisantpour lui permettre de résister à la poussée d'un engin blindé, après l'avoir mise en place les Alpins la renforcent enson centre au moyen de deux poutres métalliques arc-boutées dans la route.

D'après les archives du Génie de NiceBernard CIMA © 1995

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Dès avril 1934 l'avant-poste estgardé jour et nuit par un caporal etquatre Alpins. Les gardes durentune semaine et sont fournies parla 2eme compagnie du 76eBAF quioccupe les casernes de Carnolesavec le 25eBCA.La nourriture quotidienne est ap-portée par un Alpin bardé de mu-settes et de gamelles et qui, lematin, part de la caserne et em-prunte le bus civil régulier qui con-duit à Vintimille.Près de l'entrée de l'ouvrage unetonnelle délimite une "salle à man-

Avril 1934.Pont St-Louis reçoit son premier équipagede temps de paix.

ger" presque champêtre!La garde loge dans un abri alpinen tôles métro que l'on a édifiéprès de l'Avant-Poste, contre laparoi rocheuse.Une sentinelle monte la garde dansune guérite, à proximité immé-diate de l'entrée de l'ouvrage.A quelques mètres de là le dra-peau tricolore flotte sur un mâtréglementaire près des douaniersfrançais avec qui les soldats en-tretiennent d'excellents rapports,jouent à la belote et boivent duchianti... lorsqu'il sont de repos.

Comme sur toute la frontièred'ailleurs, les rapports sont aussiexcellents avec les douaniers etles soldats italiens qui leur fontface.

La barrière antichar et son dispo-sitif de mise en place ne sontsitués qu'à quelques mètres du"logement" du détachement. Maispour plus de sûreté un Alpin dispo-sant d'un lit à sommier métalliquecouche à l'intérieur du local bar-rière. Il peut ainsi se précipiter surles manivelles à la moindre alerte

Voici deux anecdotes parmid'autres...Alpin Georges LAURENTI:«Dans l'ouvrage du Pont St-Louisl'on dormait sur une simplepaillasse jetée sur le ciment. Lorsdes exercices d'alerte de nuit ce-lui qui était à l'extérieur de lacasemate devait tirer la barrièreantichar et celui qui était à l'inté-rieur devait mettre les chargeursdans le jumelage.La discipline était stricte! A telpoint qu'une nuit d'exercice,comme il faisait chaud dansl'ouvrage je m'étais dénoué lacravate; le Capitaine Jarrossonvenu inspecter m'a mis quatretours de consigne!»

Caporal Lucien ROBERT:«Un jour où j'étais de garde, jefus tiré de ma partie de cartes parl'approche du commandant decompagnie. Je fonçais à la portede l'ouvrage pour crier le tradi-tionnel "Halte là qui va là!". Maisl'officier me répondit "trop tardon vous a vu!" et me gratifia de 15jours d'arrêts».

Les hommes de service se font photo-graphier devant les douanes et aucours d'une corvée de "pluches".Collection Lucien ROBERT.

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et obstruer la route.Environ deux fois par semaine unofficier vient de Carnoles afin detester la vigilance de la garde. Ildéclenche l'alerte tout en chrono-métrant le temps mis à servir lesarmes.En effet, cet Avant-Poste est pri-mordial pour le dispositif françaiset il n'est pas concevable que lesitaliens puissent le franchir en forceou par surprise. C'est pourquoi lechef de poste et ses hommes sonttenus au strict respect des consi-gnes, devant être prêts à ouvrir lefeu dans de très courts délais.Comme nous l'a souligné le LtLucien Barbera, officier de liaisondu Général Montagne, cet état defait illustre à quel point «pendantles quatre à cinq années qui ontprécédé la guerre les Etat-majorsont vécu dans la hantise d'uneattaque surprise italienne sur lesAvant-Postes ou d'un débarque-ment à Menton!»

Pour freiner toute attaque, le dis-positif de mine permanent asso-cié à l'Avant-Poste est prêt jouer àla moindre alerte.Alors, au reçu du message codéapproprié, l'officier technique demise en oeuvre du DMP doit im-médiatement se rendre au PontSt-Louis. Auparavant, il a retiréune mallette métallique stockéedans le coffre du commandant du25eBCA.Cette dernière, nous dit le S/LtGros, «comprenait tout le matérielnécessaire pour rafraîchir les ex-trémités des deux cordeaux déto-nants en place, placer des explo-sifs relais, mettre à feu.Lors d'alertes inopinées (commeau moment de l'invasion de l'Alba-nie par les troupes de Mussolini),je montais à l'ouvrage avec mamallette. Pelle et pioche pour sou-lever les plaques des regards etdu puits d'accès aux relais et à lagalerie du dispositif de mine per-manent étaient stockés dans lacasemate. La mise à feu se faisaitsur ordre ou, à l'extrême, à moninitiative s'il n'y avait pas d'autre

net du plus bel effet devant lacasemate ; ce qui fait écrire par leMaire de Menton: «Mon Colonel,je vous prie de vouloir bien accep-ter mes plus vifs remerciementspour les embellissements très heu-reux que vous avez bien vouluapporter aux travaux de camou-flage de l'ouvrage du Pont StLouis».

moyen d'empêcher l'ennemi deneutraliser le dispositif.»L'environnement de cet Avant-Poste semble d'autant plus con-traster avec la rigueur militaireque l'on vient de décrire, qu'il esttrès accueillant tant par ses mar-chands de souvenirs et d'apéritifsque par son cadre. De plus, en1937, l'armée a aménagé un jardi-

Ci-dessus,à l'extrêmedroite de laphoto, ondistingue l'entréede l'abri en tôlemétro qui servaitde casernementen temps de paixaux Alpins deservice.

Ci-contre ce sontquelqueséclaireursmotocyclistes quiposent devant leposte de police,non loin de lacasemate duPont St-Louis.

Ces deux clichésont été pris parle CaporalLucien ROBERT

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Depuis la mobilisation du 2 sep-tembre 1939, les rappels de réser-vistes ont permis, à partir du76eBAF du temps de paix, de cons-tituer trois bataillons alpins de for-

teresse: le 76, le 86 et le 96eBAF.C'est ainsi que le "quartier Men-ton" est désormais tenu par le96eBAF.Vue la position clef du Pont St-

Mobilisationet premiers jours de guerre.

Louis, dès la mobilisation la case-mate reçoit son équipage completde 9 hommes dont le plus hautgradé est un Adjudant-chef."Normalement" les Avant-Postessont tenus par les compagniesd'intervalle. A Pont St-Louis parcontre l'équipage, les rotations depersonnel, les subsistances et lalogistique sont fournis parl'ouvrage du Cap Martin devenuouvrage support dont l'Avant-Poste serait en quelque sorte le"bloc 4".

Entre septembre 39 et juin 40, lesAlpins renforcent la position derésistance par de nombreux tra-vaux. Mais au Pont St-Louis toutest déjà en place. La barrière seferme et s'ouvre donc au gré descirconstances et les hommes con-tinuent à vivre calmement à côtéde leur casemate, comme ils lefaisaient déjà depuis des années.Leur abri en tôle métro est simple-ment un peu plus peuplé qu'aupa-ravant!

Mais après avoir semblé si loin-taine et si improbable, la guerre serapproche à grands pas. Entre le 3et le 5 juin 1940 Menton est éva-cuée de ses habitants et l'équi-page du Pont St-Louis, nous dit lecaporal Robert, «en profite pourrécupérer des lapins, pigeons,poules ainsi qu'une chèvre, dansdes jardins abandonnés. La gué-rite de la sentinelle est couchée ausol pour servir de poulailler». Avecles apéritifs stockés, l'ordinaire estainsi nettement amélioré!

Début des hostilités.

Dans l'après-midi du 10 juin 1940le Comte CIANO, ministre italiendes affaires étrangères, reçoit l'am-bassadeur de France et lui signifieque la guerre commencera le len-demain à 0 heure!

Ci-contre:quelques heures

avant le débutdes hostilitésune partie del'équipage est

photographiéeavec son

adjudant-chef,dans la tranchée

menant à laporte de

l'ouvrage.

Ci-dessous:Menton vient

d'être évacuéeet l'équipage duPont St-Louis a

"récupéré"quelquesanimaux

abandonnéspour améliorer

l'ordinaire.

Photos LucienROBERT

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Ce même 10 juin, à 18h40, l'Ar-mée des Alpes est en "alerte gé-nérale". A 23 heures la barrière dupont St-Louis est lancée puis elleest renforcée par des jambes deforce métalliques arc-boutéesdans la route, pour mieux résisterà d'éventuels blindés lancés àpleine allure. Entre la barrière et lacasemate l'équipage a égalementcreusé deux rangées de six trousdestinés à recevoir des "piquetsOllivier" antichars.La garnison est alors composéed'un adjudant-chef, chef de poste,d'un sergent, d'un caporal et de sixalpins temporairement renforcéspar un officier du génie, un ser-gent, un caporal-chef et un sapeurprêts à mettre à feu le dispositif demine.

A 23h45 l'observatoire nº12 del'ouvrage de Sainte-Agnès signale«deux, trois fortes déflagrationsprovenant du sud». Ce sont lespremières destructions qui vien-nent de jouer. La première d'entreelles a été celle du DMP du PontSt-Louis. A son sujet le S/Lt Ro-man écrit depuis le PC du Mont-Gros: «brusquement, une détona-tion sourde monte de la mer. Elleroule dans la montagne, se nourritd'échos puissants, emplit la nuitd'un grondement grave (...). Deuxautres détonations suivent, pres-que coup sur coup. De l'Observa-toire du bataillon, on ne distingueabsolument rien. D'épaisses nuéesentourent le Mont-Gros d'un écranimpénétrable».Sur un extrait du journal de borddu Pont St-Louis on peut lire:«23h45. L'ordre arrive par télé-phone de faire sauter la destruc-tion du carrefour de Garavan (...).On ferme la porte. Tout le mondeest aux postes de combat. L'offi-cier allume les 2 mèches».Le S/Lt Roman, citant alors unextrait du journal de bord del'ouvrage du Cap Martin ajoute:«l'allumage est terrible: la boîte etles tubes volent en morceaux quiclaquent dans le couloir et, parmiracle, ne blessent personne.

D'épaisses vapeurs nocives en-vahissent la casemate. Les souf-fles deviennent rauques, les yeuxs'emplissent de larmes, un hommea du sang aux oreilles. Il faut unedemi-heure de ventilation énergi-que pour purifier l'atmosphère».Le dispositif a joué laissant à laplace de la route un entonnoir desix mètres de diamètre et de trois

mètres de profondeur.«Aussitôt après», lit-on dans lejournal de bord du Cap-Martin, «laporte est ouverte pour permettreaux hommes du génie de se re-plier»; instant émouvant pourl'équipage qui sait qu'il est désor-mais coupé de l'arrière et qu'unemission de sacrifice commence àla lueur incertaine des deux seu-

Sur la photo ci-dessus, le Caporal Robert pose devant la barrière qui vientd'être lancée. Cette barrière est renforcée par des poutres métalliques arc-boutées dans la route. L'une d'elles est bien visible derrière le Caporal.Tout autour de lui on remarque aussi la présence de "piquets Ollivier"antichars. Photo Lucien ROBERT.

Piquets Olliviers : Obus de 105 mm enterrés, dont la fusée est surmontéed'un tube d'acier qui déclenche l'explosion au moindre heurt conséquent.

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sa porte il sera ravitaillé en den-rées fraîches. Il y a là le doublesouci de ménager à l'extrême lesmoyens du bord et de ne pasfatiguer inutilement la santé desoccupants».Pont St-Louis est donc averti partéléphone qu'une corvée part pourle ravitailler.«La caravane quitte Cap Martinsous la direction du SergentAmbrosi.», poursuit le S/Lt Ro-man, «Les mulets emportent deuxjours de vivres, car, pour réduire ledanger, on ira à Pont St-Louis unsoir, ou l'autre. A l'entonnoir béantdu carrefour, on laisse les ani-maux. Les hommes se ceinturentde bidons, se bardent de muset-tes, bourrées de pain, de viande,d'ingrédients divers. La route esttrop dangereuse pour qu'on s'yhasarde. (...) On passe par unjardin, aux massifs touffus, dontun coté permet d'accéder à droitedu créneau principal. Evidemment,si l'ennemi tire on est fichu, mais,

les lampes à pétrole qui éclairentl'ouvrage, «une dans l'entrée etune dans la chambre de tir», nousprécise le S/Lt Gros.Si c'est par OTCF que l'Avant-Poste signale alors au Cap Martinque tout va bien, c'est que l'explo-sion du DMP a sectionné son câ-ble du téléphone. Le circuit estréparé quelques heures plus tardpar des sapeurs qui ne peuventfaire autrement que de travailleren plein jour, face aux Italiens.Ces derniers ne s'aperçoivent derien ou feignent de ne rien voir.Dans l'étroit champ de vision del'Avant-Poste, comme sur tout lefront d'ailleurs, l'ennemi ne semanifeste pas.«Le 12», écrit ensuite le S/Lt Ro-man, «a été marqué par le premierravitaillement du Pont Saint-Louis.Le petit ouvrage peut normale-ment vivre trente jours sur sesréserves. Mais il ne doit y toucherqu'en cas de nécessité absolue.Tant qu'on pourra accéder jusqu'à

Cette photo nous permet de voir,autour du Sergent Marcel Susini,une partie des dégats causés parl'explosion du DMP de Garavan.Photo Lucien ROBERT.

pour cela, il faudrait qu'il puissesoupçonner quelque chose. Or leshommes se faufilent en rampantentre les arbustes, atteignent l'oréedu jardinet et se jettent dans unetranchée protectrice. Ils terminentà quatre pattes, jusqu'à ce queleurs camarades entr'ouvrent laporte de la casemate».Les Alpins sont accueillis avecl'effusion que l'on imagine. Lors-que la corvée repart, le moral estbon.Le 14 au matin le canon tonne.Les italiens tentent quelques in-cursions en territoire français. Maisà Pont St-Louis la situation de-meure momentanément calme.

C'est le 17 que survient le premierincident sérieux !..

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17 - 18 - 19 juin.Journées relativement calmesqui commencent tout de même par un «incident» de frontière!

Ste-Agnès:- message 206 -17h06- «Grouped'hommes paraissant effectuer tra-vaux de destruction sur la route dela frontière en Italie (derrière pontSt-Louis)».- message 207 -17h30- «Activitésuspecte au même endroit quemessage no206. 2 véhicules auto-mobiles ainsi que groupe ennemiau moins 30 hommes sur routefrontière».C'est en effet à 17h30, d'après lejournal de bord du Cap Martin(19h15 pour le Général Monta-gne), que «les deux officiers re-viennent avec un Alpin et repas-sent la frontière».Quelle motivation vient d'animerces italiens pour qu'il aient entre-pris de "parlementer"?Comme le rappelle Henri Azeaudans son livre "la Guerre franco-italienne" le Général Roatta, sous-chef d'Etat-Major italien, avait à15h30 adressé un communiqué àtoutes les forces armées leur fai-sant savoir que, suite aux nouvel-les relatives à la "capitulation" dela France il importait de maintenirla pression sur l'ennemi!Il n'était donc pas question deparlementer. Alors, les italiens

locuteurs et consent à laisser pas-ser un Colonel de l'EM du XVe

Corps italien avec un Capitaine du89eRI et à les diriger vers le Com-mandant de Quartier».De fait, sur le journal de bord duCap Martin on note: «A 16h30l'Adjudant-Chef le laisse passeravec un Capitaine. Deux hommesdu poste accompagnent les offi-ciers italiens».Aussitôt alerté le CapitaineHugard, qui commande CapMartin, nous dit le Lt Massena,chef du bloc de barrage, «m'en-voie à la rencontre de ces officiersavec "mission" de les reconduire àla frontière. Mais lorsque j'établisle contact, les italiens ont déjà étéinterceptés».«Au Lieutenant Cazenave, Com-mandant la SES du 96eBAF, pre-mier chef d'unité rencontré», écritencore le Général Montagne, «leColonel du XVe C.A. italien déclareen excellent français: "Je suis en-voyé par mon Général de Corpsd'Armée pour rencontrer des offi-ciers d'Etat-Major français et pourengager des conversations. Aprèsla capitulation de l'Armée françaiseet l'entente entre Mussolini, Hitleret Pétain, le "cessez le feu" a étéordonné pour éviter une inutile ef-fusion de sang".Le Lieutenant Cazenave, arrêtantles promeneurs, en réfère à sonChef de Quartier qui lui donneordre de les ramener immédiate-ment à la frontière».A 17h l'Alpin Desvignes, qui fai-sait partie de l'escorte retourneseul à l'Avant-Poste et dit avecinquiétude: «je crois que l'on a faitprisonnier les deux officiers ita-liens!»De leur côté les transalpins s'im-patientent et s'activent. Ils sontrepérés par l'observateur duBiancon qui les signale au SRO de

Ce 17 juin 1940, à midi, le Maré-chal Pétain porte à la connais-sance des français qu'il a demandéà l'Allemagne l'ouverture de né-gociations d'armistice. Aussi, depart et d'autre de la frontière, l'idéede fin imminente des combatssemble pénétrer les esprits.

Les Alpins du Pont St-Louis décla-rent que des haut-parleurs instal-lés en Italie jouent des marchesmilitaires depuis le matin et diffu-sent: «soldats français, soyez lesbienvenus!».Puis à 16h, devant la casemate del'Avant-Poste, les italiens font unetentative si curieuse que le Géné-ral Montagne (commandant le XVe

Corps d'Armée français) traite per-sonnellement les suites immédia-tes de l'affaire.Sur le journal de bord de l'ouvragedu Cap Martin (collection Col Char-les Gros) on peut lire: «Puis à 16hun drapeau blanc (format d'uneserviette) et 20 officiers suivis de15 hommes de troupe descendentjusqu'à la ligne frontière.L'Adjudant-Chef sort et est inter-pellé par un Colonel italien."D'après ce qu'a dit le Maréchal deFrance, l'armistice est signé, ladélégation italienne doit se rendreà Nice, il faut qu'on lui ouvre labarrière"». Puis le Colonel ajoute:«"Dépêchez-vous sinon on seraobligé de vous attaquer tout desuite, (...) nous avons des autos-mitrailleuses derrière nous".L'Adjudant-Chef discute assezlongtemps. Le Colonel demande àparlementer avec un officier fran-çais».Alors, écrit le Général Montagnedans son livre "La bataille pourNice et la Provence" «Le com-mandant de l'ouvrage, un adju-dant-chef très estimé, s'en laisseimposer par la qualité de ses inter-

Suite à la demande du ColonelItalien on peut s'étonner que l'Ad-judant-Chef, qui commandaitalors Pont St-Louis, n'ait pas alertél'ouvrage du Cap Martin.D'après le Caporal Robert, quivécut l'événement, l'Adjudant-Chef leur aurait dit que, vues lescirconstances, "il prenait la res-ponsabilité de faire accompagnerl'officier italien".Tout chef a autorité pour prendredes initiatives. Mais ensuite il enrend compte. Dans le cas présentl'initiative fut jugée "malheu-reuse"!

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sont-ils venus dans l'espoir de voirles français déposer leurs armes?D'après le Général Montagne, ilsauraient profité des circonstancespour reconnaître les abords del'Avant-Poste et l'état de la routedétruite par le DMP.Quoi qu'il en soit le Commandantdu XVe Corps français écrit qu'il«fait immédiatement relever le chefde l'ouvrage qui, pour l'exemple,sera traduit en Justice militaire,menace propagée à titre d'avertis-sement mais non mise à exécu-tion».De fait, nous a confié le S/Lt Ro-man: «Le Commandant Guillevicreçoit l'ordre d'envoyer un officiercommander l'avant-poste. Il medésigne et je fais mon paquetage.Mais au dernier moment il me ditqu'il a trop besoin des transmis-sions et c'est finalement le S/LtGros, chef de section mitrailleu-ses à la 2e compagnie, qu'il envoiese couvrir de gloire!».Prévenu à 21 heures, alors qu'il setrouve près des Blockhaus deVesqui qu'il commande, il met ra-pidement en ordre ses bagages,les confie à un camarade, salueses cadres et hommes de troupepuis file au Cap Martin aussi légerque possible. «Je crois que j'avaisemporté deux mouchoirs et unepaire de chaussettes!» avouera-t-il par la suite à ses camarades.Après avoir pris les consignes ilgagne à pied Pont St-Louis, entredans l'ouvrage "avec des ruses desioux" dit-il, et s'y enferme. Noussommes alors le 18 à 3 heures du

matin.Quelques heures plus tôt le ravi-taillement est, lui aussi, arrivé àl'Avant-Poste avec la relève com-posée des Alpins Chazarin,Lieutaud et Petrillo.Le nouveau chef de poste doit serendre à l'évidence: le combat quis'annonce risque d'être difficile!Les italiens disposent d'une im-portante liberté de mouvementalors que l'équipage français, con-damné à la défense fixe est, deplus, handicapé par l'existenced'angles morts. La lunette du ca-non de 37mm, le créneau de FMet celui de porte sont les seulsmoyens pour l'observation fron-tale. Les abords latéraux, quant àeux, ne sont évidemment pas visi-

bles et les hommes, utilisant uneglace de poudrier, ont "bricolé" unpériscope de fortune!Comme nous l'avons déjà vu, l'ar-mement de l'Avant-Poste est im-portant et les munitions abondent.Mais le canon de 37 et le jumelagede mitrailleuses alternent dans lecréneau; sous le feu adverse, leuréchange est long et périlleux. Orle premier tournant, côté italien,n'est qu'à une centaine de mètres.Aussi un char peut à tout momentdéboucher par surprise et tirer surles embrasures. Le S/Lt Gros sevoit donc contraint de laisser enpermanence le canon en batterieet se prive, par nécessité, de l'ex-cellente efficacité des mitrailleu-ses de forteresse. Celles-ci ne ti-reront pas une seule cartouche.

L'hygiène est d'une grande préca-rité. A son arrivée l'officier trouveun fort sale à l'atmosphère irrespi-rable. Par fil il demande alors àCap Martin de lui faire envoyerd'urgence du grésil. Le désinfec-tant arrive à l'ouvrage le 18 à21h30, avec la relève composéedu Sgt Bourgoin (volontaire pourcette mission) et de l'Alpin Guzzi.Compte tenu de la période d'in-certitude qui s'annonce et de l'ab-sence d'eau courante dans

Court extrait des "Mémoires du 96eBAF" écrites part le S/Lt Roman.Document Louis ROMAN.

Cette photo de l'équipage du Pont St-Louis a été prise le 25 juin 1940 auxalentours de "leur" casemate qu'ils ont défendue jusqu'au bout.Photo Lucien ROBERT.

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l'ouvrage, le S/Lt décide ensuitede rationner cette dernière; cha-que homme ne recevra donc plusqu'un quart d'eau par jour. Calculsfaits, les petites "cuves" de ré-serve devraient ainsi permettrede tenir un mois. Il n'est plus ques-tion ni de se laver ni de se raser!Il existe bien des wc, mais ils sontà l'extérieur et ne peuvent êtreutilisés qu'en temps de paix! Dansla casemate les besoins quotidienssont faits dans une gamelle métal-lique. Cette "fosse" portative estvidangée à l'extérieur. «Au dé-but», nous raconte de nouveau leCaporal Robert, «la nuit il étaitencore possible d'entr-ouvrir laporte puis de ramper pour aller lesévacuer à quelques mètres de là,par dessus la tranchée. Mais lors-que les bombardements devinrentincessants il fallut jeter le contenude la gamelle par le créneau defusil-mitrailleur de la porte».Pour le couchage «il y avait troishamacs» assure le Caporal Ro-bert (Le Gal. Magnien, s'étant in-quiété de l'exiguïté des locaux,avait écrit le 3 février 1939: «Ilsemble qu'en attendant on pour-rait envisager l'installation, auxpoints appropriés de l'ouvrage, de3 paires de crochets permettantl'installation de 3 hamacs»). Qua-tre paillasses, provenant de l'abri"temps de paix", ont été posées à

terre. «Autant que je me sou-vienne», nous a dit le S/Lt Gros,«une dans le fond du couloir d'en-trée, deux dans le couloir centralet une à l'entrée de la casemate detir».La vie dans l'ouvrage est d'autantplus pénible que, faute de courantélectrique, on s'éclaire à la lu-mière vacillante de deux lampes àpétrole: une dans l'entrée et unedans la chambre de tir. Les lam-pes fument et l'air est rapidementvicié. Aussi il faut fréquemmentmettre en route la ventilation "airpur" qu'un Alpin actionne en péda-lant. Parfois, mais rarement pourne pas trop entamer le seul filtredont dispose l'ouvrage, pour régé-nérer l'air "un bon coup" le S/Lt faitbasculer le système sur "air gazé".On retire alors les pédales que l'onremplace par deux grosses mani-velles plus performantes.Le mercredi 19, face au pont St-Louis les italiens ne se montrentpas. Les hommes en profitent doncpour nettoyer la casemate et en-tretenir les armes.La veille, pendant quatre heures,l'Avant-Poste n'avait plus réponduaux appels du Cap Martin, sesliaisons téléphoniques et radioayant été coupées. Aussi, dans unpremier temps, une patrouille dela SES du 96eBAF avait-elle étéenvoyée aux nouvelles. Puis la

Portrait du Sous/Lieutenant Char-les Gros, qui prend le commande-ment du Pont St-Louis dans la nuitdu 17 au 18 juin. Collection Char-les GROS.

ligne téléphonique avait été réta-blie. Enfin, ce 19 juin à 12h, leLieutenant Cinto Kohenoff, chefdes transmissions du S/Secteur,arrivait à l'ouvrage pour rempla-cer le poste OTCF défaillant.«Comme le poste de radio du PontSt-Louis ne fonctionnait plus»,nous a confié ce dernier, «en pleinjour, avec le Sgt Rougier, je suisallé leur porter un nouvel appareil.Nous n'étions pas très rassurés,surtout lorsque nous avons dû par-courir les derniers mètres en ram-pant! Le nouveau poste est à sontour tombé en panne avant le 25juin. Mais là nous n'avons plus eules moyens matériels de le rem-placer».A 14h le Caporal Robert et l'AlpinBoé vont jusqu'à l'Auberge deFrance, située au carrefour duboulevard de Garavan, pourrecompléter les vivres de réserve.Ils en rapportent une vingtaine deboîtes de conserve, 10 litres devin et 10kg de chocolat en poudre.En fin d'après-midi Boé, qui est auposte depuis un mois, a une "crisede fatigue" nécessitant son éva-cuation. Vers 23h il est remplacépar l'Alpin Cordier.

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«A 8h03», peut-on lire dans le"résumé des opérations" établi le26 juin avec l'ensemble du per-sonnel de l'Avant-Poste (Docu-ment S/Lt Gros), «un Italien dé-bouche du coude de la route et seprécipite dans la caserne des Ca-rabiniers, puis un autre et un autre.Apparemment sept au total. Deuxsentinelles sont alors à l'extérieurpour une meilleure observation:Cordier et Guzzi.Les Italiens s'infiltrent en directiondu pont et atteignent finalement lacabane des gendarmes.Guzzi fait des sommations. UnItalien sort de la cabane et sereplie, puis trois, puis deux, enfinle dernier se sauve en courant.Il est rendu compte au Comman-dant de Quartier, par téléphone.8h20. Par petits paquets, une quin-zaine de soldats débouchent ducoude de la route et se précipitentdans le bâtiment des Carabiniers.L'observation de l'intérieur de lacasemate est difficile.Quelques minutes après, du coudede la route, débouchent en cou-rant une troupe de 200 soldatsenviron, en colonne par trois. Ils seséparent rapidement pour se diri-ger vers le pont, des deux côtés dela route. A ce moment un obus depetit calibre arrive devant la case-mate et un tir de mitrailleuses (2peut-être) commence».Il est exactement 8h14 lorsquel'observatoire nº12 (Bloc 2 duSainte-Agnès) signale qu'il entenddes «armes automatiques en ac-tion au Pont St-Louis».Le compte-rendu de renseigne-ments du PC du S/Secteur pré-cise que «l'ennemi a renouvelé cematin une action très violente, parsurprise, avec des troupes fraî-ches, d'effectif minimum d'un ba-taillon du 90eRI parti de Vintimillele 20 à 2h du matin (...). L'attaquedéclenchée à 8h avec l'appui del'artillerie a débouché simultané-

rière. L'observatoire nº12 en rendd'ailleurs compte: «8h16: «nom-breux coups de canon provenantdu cap Martin.»A 8h17 Cap Martin renouvelle sontir d'arrêt.Dans la casemate on note que«(...) Les premiers soldats italiensarrivent à la barrière quand le FMde Petrillo s'enraye. Ordre estdonné à Bourgoin de tirer au ca-non sur la barrière (un seul coup).Pendant ce temps, le CaporalRobert a immédiatement pris leFM, retiré les cartouches mal en-gagées, et recommencé à tirer.Simultanément quelques soldatsviennent du carrefour de Garavan,par l'arrière, se jettent devant lepetit terre-plein au pied des cré-neaux. D'autres courent vers lemôle d'amarrage de la barrière.Sept à huit grenades sont aussitôtlancées par la goulotte lance-gre-nades et deux ou trois autres sontlancées par le créneau de porte.Les Italiens se replient en désor-dre».Alors ils tentent de contournerl'Avant-Poste qu'ils ne peuvent pasneutraliser. Aussi s'infiltrent-ils àsa gauche, vers les Granges StPaul et la Colle, et à sa droite, versla voie de chemin de fer et le bordde mer. Si bien qu'au bruit des

20 - 21 juin.Premières attaques italiennes sur l'Avant-Poste.

ment à la Baisse de St Paul, sen-tier de la Giraude, et au bord demer par: route de Gênes (carrièreitalienne à 10 mètres du Pont StLouis (...)».Les Italiens tentent donc de s'en-gouffrer dans la carrière qui, parun chemin en "s", permet de re-joindre la voie de chemin de fer etle bord de mer.Le "résumé des opérations del'Avant-Poste" permet de suivreavec précision la suite des événe-ments: «Ordre est donné aux sen-tinelles extérieures de rentrer. Laporte de la casemate est fermée.Tout le monde est aux postes decombat». Le Sgt Bourgoin est alorspointeur-tireur au canon AC. Lesoldat Petrillo, tireur au FM reçoitl'ordre d'ouvrir le feu.«Par OTCF il est demandé les tirsde protection prévus par l'artille-rie, complétés par des tirs sur lacasemate elle même, sur le barAcquaronne et sur la caserne desCarabiniers.Une fusée verte est lancée par lecréneau de porte pour confirmer lademande des tirs de l'artillerie (...)».La réponse du Cap Martin est pres-que instantanée puisqu'à 8h15 son75/29 du bloc de barrage exécutele "tir d'arrêt nº1". Une quinzainede coups tombent dans la car-

Tirs d'arrêts nº1. (D'après un document du Capitaine Jean BLISSON)

Ce sont des tirs repérés avant le début des hostilités et qui sont à exécuterdevant la ligne de surveillance des Avant-Postes, sur simple demande desautorités compétentes.Par exemple l'autorité qualifiée pour déclencher le tir devant la casematedu Pont St-Louis est le Cdt. de cet Avant-Poste. Il suffit à ce dernierd'envoyer une fusée verte à trois feux, de téléphoner ou de demander parradio un tel tir pour que dans les plus brefs délais le 75mm du Cap Martin"arrose" de 12 coups répartis sur une minute, l'objectif de coordonnée 76-83 (Pont St-Louis).

De part et d'autre de l'Avant-Poste les tirs nº1 prévus sont:-entre Pont St-Louis et le bord de mer, en 77,5-81,4;-au nord du Pont St-Louis, sur la Baisse St-Paul, en 74-89.

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obus tirés directement devant lacasemate se mêle bientôt un rou-lement de tonnerre diffus et plusou moins lointain car l'artilleriefrançaise se déchaîne.De son PC de la Turbie à 8h27 leColonel Chabrol, commandant l'ar-tillerie du Sous-Secteur, donne or-dre aux 155.L77 de "Fontbonnecamp" de balayer la frontière de-puis Giranda jusqu'au bord de mer.A 8h30 ce sont les 155.L77 de"Fontbonne Sud-Ouest" qui exé-cutent un tir au niveau de la voieferrée. A 8h36 Cap Martin réitèreson tir d'arrêt nº1. Dix minutesplus tard ce sont les 105.L de la4eBie du 113eRALH qui envoient24 coups devant Pont St-Louis.

A neuf heures l'artillerie italiennedonne à son tour de la voix tentanten vain de faire taire le Cap Martindont le 75 frontal vient de renou-veler son tir d'arrêt nº1 pour laquatrième fois! Depuis 8 heures ila déjà tiré plus de 150 coups!

Puis, à l'Avant-Poste, le bruit descombats s'estompe. Mais le calmerelatif est de courte durée car leColonel Chabrol vient d'ordonnerune "concentration" sur les abordsdu Pont et à 10h précises la 2eBiede 155.L de Fontbonne, la 2eBiede 155 St-Chamont de Ste-Agnèset l'une des tourelles de 75 du Mt-Agel ouvrent ensemble le feu surce même objectif. A 10h07 la con-centration est terminée. L'ennemia reflué.

Il est 9h sur l'historique "officiel"mais d'après les recoupements decompte-rendus d'artillerie il doitêtre un peu plus de 10h dans laréalité quand, devant l'Avant-Poste, plusieurs italiens revien-nent précautionneusement avecde petits drapeaux blancs pourporter secours à leurs blessés.Face à eux la casemate demeurealors silencieuse, mais prête àouvrir le feu au moindre gesteoffensif.Lorsque les derniers italiens sesont retirés, dans l'ouvrage la ten-

Martin.Vers 23h, on frappe à la porteblidée. C'est l'éclaireur motocy-cliste Samama et le sergent Char-rier du 9e bataillon de mitrailleursqui viennent au renseignement.Le S/Lt Gros les rassure: «l'Avant-Poste tient toujours». Il apprendpar la même occasion que partoutles italiens ont été repoussés etmaintenus sur la crête frontière.Les éclaireurs repartent laissantl'équipage à sa solitude. Les hom-mes ne dorment pratiquementplus, tendus par une veille haras-sante.

Vendredi 21 juin.

A propos de cette journée, le Lt-Colonel Mercier de Sainte Croixnote une phrase laconique:«Baisse St Paul à la mer: aucuneactivité de l'infanterie (italienne)».C'est le "calme complet" ou pres-que car... à Pont St-Louis, à 6heures, une rafale de FM est né-cessaire pour disperser quelquessoldats. A 10h15 une nouvelle ten-tative d'approche se traduit parune intervention de l'artillerie. Surle "carnet des messages" del'ouvrage du Cap Martin on peut ylire: «10h20. Pt St Louis: "demandede tir sur cabanon des gendarmesen avant de la barrière, à l'entrée

sion nerveuse retombe enfin. Etc'est dans le calme qu'à 11h45 leS/Lt Gros réclame au Cap Martinun ravitaillement en grenades.Mais le combat reprend bientôt.«Tout-à-coup», peut-on écrired'après le témoignage du CaporalRobert, «un soldat italien, parvenujusqu'à la barrière, met un genou àterre. Il épaule et s'apprête à tirer.Dans la casemate, les guetteursne l'ont pas vu venir et lorsque leSergent Bourgoin l'aperçoit par lalunette du canon de 37, surpris iln'a que le réflexe de faire feu touten criant: "mais il est fou celui-là!".L'italien est tué sur le coup parl'obus qui troue la barrière au pas-sage». L'impact est actuellementtoujours visible.Ce fait n'est pas relaté dans le"résumé des opérations" précé-demment évoqué. Cependantdans son rapport 2353/S du 20juin, le Lt-Colonel Mercier deSainte Croix écrit qu'à «15h05. LePont St Louis tire 3 coups de 37,ce qui déclenche le tir d'arrêt nº1de l'ouvrage du Cap Martin». Puisil ajoute qu'«en raison du brouillardintense et le réseau OTCF étantinterrompu, il n'a pas été possiblede connaître l'objectif».Le reste de la journée est relative-ment calme, ponctué par des tirsplus ou moins réguliers du Cap

Ci-contre:dessin italienmagnifiant l'attaquede l'Avant-Poste parl'Aspirant MarioLalli(Aspirante Ufficialedel 21e ReggimentoFanteria),tué au cours descombats.La légende préciseque l'Aspirant,attaquant à lagrenade les mi-trailleuses sousbéton, tomba devantla casemate en criant:«Vive le Roi, Vive l'Italie». Document Cel Henri BERAUD.

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du pont, côté mer".10h25: le tir demandé a été exé-cuté. On essaie de rétablir la liaisonOTCF a nouveau interrompue».Puis à 11h10, c'est le PC du MontGros qui, signalant au Cap Martinla présence d'hommes au dessusde l'Avant-Poste, déclenche unnouveau tir d'artillerie.Enfin à 12h, notent les occupantsdu Pont St-Louis, «on entend descoups de sifflet et aussi, en appro-chant l'oreille du créneau de porte,des gens qui parlent en italien. Ungrand type surgit sur le terre-pleinet regarde le FM. Le Caporal Ro-bert de veille au FM tire: l'hommetombe. A 12h20 un officier et unedizaine de soldats venant du car-refour de Garavan surgissent de-vant le terre-plein. Le CaporalRobert les disperse au FM. L'offi-cier, blessé, se traîne à terre et tireencore quelques coups de pisto-let».Dans la casemate, l'utilisation del'anti-char de 37mm, la veille, a

permis de déceler une anomalieau niveau du frein de recul ducanon. Ce dernier manque cruel-lement d'huile! A 13h le S/Lt Grosle signale par OTCF, dont la liaisonvient d'être "très péniblement ré-tablie" (selon les termes employéspar Cap Martin). Mais il n'y a pasde possibilité momentanée de ra-vitaillement! Aussi, profitant d'uneaccalmie, deux Alpins sortent del'ouvrage et, rampant jusqu'à leurréfectoire du temps de paix, s'ap-provisionnent en huile... d'olive!

A 13h55 Cap Martin exécute ànouveau son tir d'arrêt nº1. LaTurbie est aussitôt alertée: «Atta-que sur le Pont St-Louis!». LeColonel Chabrol ordonne alors queles feux d'une tourelle du Mt Agelse joignent à ceux du Cap Martinet que, de son côté "FontbonneSud-Ouest" tire sur la voie de che-min de fer. Mais il ne s'agissaitque d'une fausse alerte et à 14h15ordre est donné à tous de suspen-

dre leurs tirs.Le reste de la journée s'écoule,sans incident. Mais, comme lesouligne le Lt-Colonel Mercier deSainte Croix, «Les mouvementsdes arrières (italiens) dénoncentla relève des unités qui ont parti-cipé à l'attaque (...). Ayant opérésa relève, il n'est pas impossiblequ'il tente une nouvelle action (...)».Aussi, à 17h15, Pont St-Louis est-il averti par Cap Martin de «sur-veiller les chars particulièrementce soir et demain matin. Au pre-mier coup de canon tiré par vousouvrons le feu». Et l'Avant-Posterépond: «Message bien reçu. Mo-ral très bon».

Sur cette photo prise le 25 juin1940 on voit très bien l'antenneOTCF, verticale, située à gauchedu créneau de l'antichar de 37mm.On remarque aussi que l'artillerieitalienne semble n'avoir causé dedégats qu'aux alentours du fortin.Photo Lucien ROBERT.

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22 - 23 - 24 juin.Offensive générale italiennesur les différents fronts des Alpes.

Le samedi 22 juin, après une pré-paration d'artillerie, à 8 heures la5eDF Cosseria prononce une atta-que sur toutes les crêtes frontièresqu'elle tient depuis le Pas de laCorne, au nord-est de Castellar,jusqu'à la mer.

Dans l'historique du Point Fort dela Colle, commandé par le S/LtCazenave, on apprend que «vers8 heures l'attaque est générale(...). Les Italiens grouillent littéra-lement (au total 2 bataillons du89eRI vers Castellar, la 33eCC.NNà Baousset, 2 bataillons du 90eRIau sud)».Au Pont St-Louis, on entend lacanonnade sans voir d'ennemi.Aussi à 8h35 le S/Lt Gros, inquiet,prend-il contact avec le CapMartin: «Ne voyons rien deman-dons renseignements sur situa-tion». La réponse lui parvient, la-conique: «Bombardement in-tense»!A 9h35 cependant, Cap Martinprécise qu'une «colonne motocy-cliste est signalée se dirigeant versPont St-Louis ainsi qu'engins blin-dés. 100 hommes au bord de merprès de l'ascenseur et 100 hom-mes sous la villa Woronoff».

Des blindés sont épisodiquementannoncés mais l'Avant-Poste neles voit toujours pas venir... etn'en verra aucun!A 12h54 le 75mm du bloc de bar-rage tire sur quelques véhiculesapprochant d'un peu trop près lafrontière et les stoppe. L'ennemin'insiste pas outre mesure. En faitil s'infiltre dans Menton en court-circuitant le Pont St Louis.D'ailleurs, même si le verrou decet Avant-Poste tombait, commentles véhicules pourraient-ils em-prunter une route qui, sur plu-sieurs centaines de mètres, est

Ci-contre:ces courts extraits

du cahier SRA(Service de Renseigne-

ments de l'Artillerie)du Ste-Agnès

nous permettent,par l'intermédiaire

de l'observatoire n°17du Biancon,

de suivre l'une desinfiltrations italiennes

du 22 juin.Document

Mme Emilie CONTESSO.

sous le feu direct de l'artilleriefrançaise? Mieux vaut donc entrerdans Menton en passant la fron-tière par les chemins muletiers aunord et par la voie de chemin defer au sud.C'est d'ailleurs ce que font lesItaliens. A 12h53, l'observatoirede la cime du Biancon adresse lemessage suivant: «Eléments en-nemis gis. 1035, site -51,5 s'infil-trant sur la voie ferrée vers PontSt-Louis». Une heure plus tard lemême observatoire constate queles infiltrations se poursuivent maisqu'elles sont traitées par l'une des

Extrait d'un article écrit par le journaliste Pierre Rocher pour "L'Eclaireur deNice" du 4 juillet 1940.

«(...) L'histoire nous a été contée par l'un d'entre eux (...)- Vous ne mettrez pas mon nom dans le journal parce que le lieutenant, lui nonplus, ne veut pas qu'on mette le sien. (...) Pendant les premiers jours, on arrivaitencore à sortir, on faisait du plat ventre et on rapportait de quoi se réchauffer lecoeur. (...) Seulement à partir du 20, la situation s'est aggravée. Plus moyen desortir et l'ennemi dégringolait de tous les côtés. Pour y voir un peu clair, l'un denous, ayant trouvé un poudrier de femme dans sa poche, en avait attaché la glaceau bout d'un baton et ça nous servait de périscope. Le moral est resté bon jusqu'aubout. On ne se faisait pourtant pas beaucoup d'illusions sur ce qui nous attendait.A force de nous voir arroser la route avec nos armes automatiques, nous avionsmême un petit canon antichar, c'était à prévoir qu'ils nous feraient sauter. Detemps en temps, nous collions l'oreille à terre. Peut-être, disions-nous, qu'ils sonten train de miner le béton. Mais bah! Nous avions même composé une chansonque le lieutenant chantait avec nous (...).»

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tourelles du Mont Agel.De fait, au Pont St-Louis la situa-tion est calme. Et le S/Lt Romanécrit à ce sujet: «De l'attaque surMenton, l'équipage ne perçoit quele grondement de l'artillerie. Enface, c'est un désert où plus uneâme ne semble vivre. Le pont estvide, morne, tout en grisaille ruis-selante et les rafales de pluie la-vent les dernières traces de sangqui s'écoulent sur le goudron lui-sant».Le soir du 22, à 18h45 note CapMartin, alors que les hommes duPont St Louis savent que les ita-liens sont dans Menton, donc der-rière eux, leur radio tombe enpanne les coupant définitivementde toute information.Les Alpins de repos s'allongentsur leurs paillasses sans trouver lesommeil. Pour prendre leur tourde garde les hommes enjambentpéniblement les corps de leurscamarades. Tous sont barbus etdégagent une odeur forte. L'airn'est respirable que grâce à laventilation forcée actionnée régu-lièrement par l'un d'entre eux. Maisla préoccupation est ailleurs!Ils scrutent fébrilement l'espacevisuel de leur faible champ d'ob-servation. «Ce qui nous inquiétaitalors le plus», nous confie le S/LtGros, «c'était l'éventualité d'uneattaque par les côtés et les dessusde l'ouvrage». L'ennemi ne tardepas à lui donner raison. «Le 23 à10h50», lit-on dans le "résumédes opérations" de l'Avant-poste,«des bruits sur la route venant deGaravan, des voix provenant desWC publics. Deux ou trois cyclis-

A 15 heures 47, le Mont Albancaptait un second ordre: "D.T.Q.-G.M.T.- A 18 heures. Commen-cez tir de mortier. de Bernardi"».Et le tir débute effectivement, «parmortier de 220, de 18h à 19h05»,indique le compte-rendu d'obser-vation du PC du 157eRAP.Le bruit des projectiles de groscalibre est éprouvant pour les nerfsdes défenseurs. «Le plus dur,c'était les obus qui touchaient leblockhaus et le faisaient vibrer» sesouvient l'Alpin Marcel Guzzi.Au cours de ces tirs, nous précisele S/Lt Gros, «Lieutaud, alors auFM de créneau, est légèrementblessé à l'oeil; Chazarin, au cré-neau de porte, est également lé-gèrement blessé (...)».L'artillerie française riposte en pre-nant la gare de Vintimille pourcible.Enfin, vers 23 heures, un silencetotal intrigue fortement l'équipagede l'Avant-Poste.Privé de moyens de communica-tion, il ne sait pas encore que cesilence annonce l'entrée en vi-gueur de l'armistice.

tes surgissent et s'avancent versla barrière. Une rafale de FM lescontraint à se replier. Des grena-des sont lancées par la goulotte etaussi par le créneau de porte endirection du magasin (de souve-nirs) Revol, de l'autre coté de laroute.Petrillo, qui se trouve au FM, faitsur ordre de l'arrosage systémati-que. On entend des cris de "Grazia"(grâce), "Aiuto" (à l'aide) et puis,quelques minutes après "Epericoloso" (c'est dangereux)»«On n'en menait pas plus largequ'eux», nous avoue modeste-ment l'Alpin Chazarin, «on a sim-plement voulu sauver notre peau!»«Encore un instant et un drapeaublanc apparaît à hauteur du terre-plein pour permettre le ramassagedes blessés».Les hommes de la casemate neverront plus personne avant l'ar-mistice.Mais le 24, alors que les italiensrefluent en tous points du front,leur artillerie s'en prend à nou-veau au Pont St-Louis. Commel'écrit le Général Montagne :«L'Agaisen captait en effet à 14heures 02 le message suivant:"Très urgent. Au Commandant 1errégiment pour 83e Groupe. Prépa-ration sur 41-31 P.M.C.H (PontSt-Louis) en tenant compte qu'ils'agit d'objectif en casemate, quenotre ligne d'occupation est trèsprès et que Menton est occupé parnos troupes. Le tir sera réglé couppar coup. Je me réserve d'indiquerl'heure du commencement. Aver-tir dès que vous serez prêts. SignéGénéral de Bernardi".

Manuscrit duCapitaine

Jean Blisson,(commandant la

Compagnie d'enginsde la 58eDBAF),

faisant état desbombardements

sur l'Avant-Postedu Pont St Louis.

Document MmeJean BLISSON.

Equipage du Pont Saint-Louis

Autour du S/Lt Charles GROS,Saint Cyrien de la promotion du"soldat inconnu" (1936-38),l'équipage est composé:

-du Sergent d'active JeanBOURGOIN, originaire de Bour-gogne, instituteur et spécialisteen armement de forteresse;

-du Caporal Lucien ROBERT,chef de pièce. Boucher dans lecivil, il s'est engagé en 1937;

-et de six Alpins (deux de Savoieet du Dauphiné et quatre de Mar-seille):-Marcel GUZZI, charpentier;-André GAPON;-Paul LIEUTAUD, cultivateur;-Gaston CORDIER, cordonnier;-Roger CHAZARIN, boucher;-Nicolas PETRILLO, coiffeur..

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Mardi 25 juin.Ignorant l'armistice l'Avant-Poste poursuit sa mission !

L'armistice est effectif le 25 juin à0h35. Mais l'équipage du Pont St-Louis n'en est pas informé et pourlui la guerre continue.Aussi, dans le "résumé des opéra-tions de l'Avant-Poste", on peutlire qu'à «6h05, sans l'avoir vuarriver, un soldat italien venant deGaravan s'avance vers la barrière.Deux ou trois autres s'apprêtent àle rejoindre. Des rafales de FM lesdispersent. Une fusée verte estlancée pour demander les tirs d'ar-tillerie.A 6h20, un officier et un groupe dequelques soldats, également ve-nus de Garavan, cherchent à nou-veau à s'approcher de la barrière.Guzzi, qui est au FM, tire. Unsoldat semble avoir été tué et deuxou trois autres blessés. Les autres

se retirent.A 8h25, le Sergent Bourgoin, quiobserve à la lunette du canon,signale deux officiers, les mainsdans les poches, descendant aumilieu de la route. Ils sont suivisd'un civil (M. Acquaranne). Guzzireçoit l'ordre de tirer en l'air car lesofficiers n'ont ni arme ni casque etse montrent ostensiblement. Lesofficiers et le civil se replient etdisparaissent derrière le tournantde la route.A 8h45, le Sergent Bourgoin si-gnale l'apparition d'un grand dra-peau blanc au coude de la route.Des sonneries de trompettes sefont entendre. Trois ou quatre mi-nutes après deux soldats appa-raissent agitant la hampe de cedrapeau. Un court instant et ils

descendent la route en directiondu pont, suivis par 150 soldatsenviron précédés par le trompettecontinuant à sonner.Intrigué (il n'y a aucun tir sur cettetroupe qui suit le grand drapeaublanc et semble vouloir s'arrêteravant le pont), le Commandant dela casemate fait alors ouvrir lamoitié supérieure de la porte» dontle bas est coincé par des gravatsdûs aux bombardements. Puis

Lorsqu'au travers du créneau de FM,le Caporal Lucien ROBERT prendcette extraordinaire photo dont il abien voulu nous confier le négatif,les hostilités viennent de prendre findepuis seulement quelques heures.De l'autre coté de la frontière lesitaliens s'affairent à dégager le pont.

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ayant donné ordre au SergentBourgoin d'ouvrir le feu au moin-dre signe de son bras, le S/Lt Gross'avance vers l'adversaire et luidemande qu'un seul officier fran-chisse le pont et s'approche.«Deux ou trois officiers s'avan-cent. Le dialogue avec un Colonelest à peu près le suivant: "Nosgouvernements ont signé l'armis-tice et les hostilités sont terminéesdepuis 1h35, à notre heure; maisvous continuez à tirer, il faut ces-ser le feu"».La réponse du Saint-Cyrien tombecomme un couperet: «"Je n'aiaucun ordre de cesser le feu, je neconnais pas l'armistice et je vousprie de vous retirer avec vos hom-mes sinon je vais reprendre le tir".C'est alors que le Sergent Bourgoinarrive en disant: "Mon lieutenant, ily a des officiers français qui vien-nent d'arriver"».Effectivement, dans l'un de sesmanuscrits le Capitaine JeanBlisson note que c'est le Lieute-nant Girardot, officier de rensei-gnements de la 58eDBAF, et luimême qui arrivent à Pont St-Louisapportant l'ordre écrit de "cessez-le-feu". Le Lieutenant Malavielleet le Médecin-Lieutenant Le Ducles accompagnent.Pour l'équipage c'est la fin d'unetension nerveuse qui n'a fait quecroître au fil des jours.«Les officiers italiens, aussitôtvenus au devant des Français,exprimèrent leur admiration pourles défenseurs.», écrit le GénéralMontagne. Puis il ajoute: «Ils de-mandèrent ensuite l'ouverture par-tielle de la barrière pour permettrele passage d'ambulances desti-nées à évacuer les très nombreuxblessés de Menton».Cette demande est acceptée à lacondition que le Commandementitalien admette la relève, le soirmême, de la garnison de l'ouvragepar un effectif égal, en armes, etqui reprendrait la mission.Le Lt-Colonel Moltoni, Chef del'E.M. du Général Mondadori, com-mandant la 5e Division Cosseria,ayant apporté l'accord de son Chef,

la relève du poste, encerclé de-puis le 20 juin, est faite à 18 heu-res par un nouvel équipage confiéau S/Lt Etienne Piedfort.

C'est avec fierté que le S/Lt Groset ses hommes, après avoir fait unbrin de toilette, quittent alors "leur"casemate. Armés et en ordre demarche ils sont escortés par lesitaliens jusqu'à la ligne de démar-cation d'où ils rejoignent le CapMartin.Ils ont rempli leur mission au delàde toute espérance. En effet, leGénéral Besson inspectantl'ouvrage en avril 1938 aurait dit:«ce blockhaus ne tiendra pas 5minutes!».

Le roi d'Italie vient aussitôt ins-pecter la frontière mais reste endeçà de la barrière où le S/LtPiedfort l'aperçoit furtivement.«Deux jours plus tard», écrit leGénéral Montagne, «le Comman-dement italien demandait l'ouver-ture totale de la barrière pour per-mettre le passage des voituressanitaires, des ravitaillements et

Les membresd'équipage

du PontSt-Louis

ont signéce document

le 25 juin,devant leur

casemate,quelques

heuresaprès avoir

accomplileur

mission.

DocumentColonelCharles

GROS

aussi, sans doute, celui du Duceet du Maréchal Badoglio.».

Le 28 juin la garnison quitte défini-tivement le Pont St-Louis, le S/LtPiedfort ferme à clef la casemateet, sous escorte italienne, rejointles lignes françaises avec ses ar-mes, ses munitions et ses vivres.C'etait le plus bel honneur quipuisse être rendu aux héroïquesdéfenseurs du Pont St-Louis!

Emouvante cérémonieau Cap-Martin.

Dans l'après-midi du 28 juin, auCap-Martin, sur le front des trou-pes, le Général OLRY félicite lesdéfenseurs de l'Avant-Poste. Il leurannonce qu'il a demandé, pourl'équipage, une citation à l'ordrede l'Armée.Avant de donner l'accolade auSous-Lieutnant Gros, d'un gesteémouvant il prend l'insigne per-sonnel du XVe Corps du GénéralMontagne, qui se trouvait à sescotés, et l'épingle sur la poitrinedu jeune Saint-Cyrien.

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Les auteurs remercient vivement les personnes qui les ont aidés à réaliser ce fascicule et dont les noms s'égrènentau fil de ses pages, près des documents qu'elles leur ont fait partager.Parmi ceux qui ne sont pas cités sont remerciés tout particulièrement Mme Salat, responsable des archives du Génieà Vincennes, pour son aide technique irremplaçable ainsi que Mme Bourgoin.

* *Autoédition CIMA, 117 route de Castellar 06500 MENTON

Droits de traduction et de reproduction, même partielles, réservés pour tous les pays. ISBN 2-9508505-2-9

«Je vous remercie encore, mon pe-tit, d'avoir écrit, avec vos alpins, une desplus belles pages de la défense de nosAlpes. Avec des enfants comme vous, laFrance est sûre de son avenir. Je vous discela, en regardant votre photo, à vous 9,qui orne mon bureau.

Bonne chance, croyez à toute l'af-fection paternelle de votre vieux général.» Lettre adressée au S/Lt Gros, le 15 janvier 1941,

par le Général Olry, commandant l'Armée desAlpes en 1940.

28 juillet 1996. Inauguration de la casemate restaurée.

Ci-dessus : créneau pour FM et JM/AC37. A l'extrèmegauche, casier pour 150 boulets de rupture anticharsde 37mm pouvant percer 5 cm d'acier à 800 m.

Ci-contre : devant les créneaux de la casemate, leColonel Comandant la BA 943 salue les porte-drapeaux.

Discours d'inauguration1- Raymond CIMA2- Colonel Charles GROS3- Maire de Vintimille4- Maire de Roquebrune5- Maire de Menton