Journal LIBE Du Mardi 10 Novembre 2015

26
2,00 € Première édition. N o 10723 MARDI 10 ET MERCREDI 11 NOVEMBRE 2015 www.liberation.fr IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,50 €, Andorre 2,50 €, Autriche 3,00 €, Belgique 2,00 €, Canada 5,00 $, Danemark 29 Kr, DOM 2,60 €, Espagne 2,50 €, Etats-Unis 5,00 $, Finlande 2,90 €, Grande-Bretagne 2,00 £, Grèce 2,90 €, Irlande 2,60 €, Israël 23 ILS, Italie 2,50 €, Luxembourg 2,00 €, Maroc 20 Dh, Norvège 30 Kr, Pays-Bas 2,50 €, Portugal (cont.) 2,70 €, Slovénie 2,90 €, Suède 27 Kr, Suisse 3,40 FS, TOM 450 CFP, Tunisie 3,00 DT, Zone CFA 2 300 CFA. David Cameron devant la Confédération de l’industrie britannique, lundi. PHOTO LEON NEAL. AFP Sortie del’UE Lechantage deCameron Le Premier ministre britannique menace de claquer la porte de l’Union européenne si les exigences qu’il exposera ce mardi auprès du Conseil européen ne sont pas satisfaites. PAGES 2-3 A nos lecteurs En raison d’un conflit interne à l’AFP, les syndicats CGT du livre bloquent la sortie des quotidiens nationaux. Rendez-vous en kiosque jeudi.

description

revue

Transcript of Journal LIBE Du Mardi 10 Novembre 2015

Page 1: Journal LIBE Du Mardi 10 Novembre 2015

2,00 € Première édition. No 10723 MARDI 10ETMERCREDI 11NOVEMBRE2015 www.liberation.fr

IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,50 €, Andorre 2,50 €, Autriche 3,00 €, Belgique 2,00 €, Canada 5,00 $, Danemark 29 Kr, DOM 2,60 €, Espagne 2,50 €, Etats-Unis 5,00 $, Finlande 2,90 €, Grande-Bretagne 2,00 £,Grèce 2,90 €, Irlande 2,60 €, Israël 23 ILS, Italie 2,50 €, Luxembourg 2,00 €, Maroc 20 Dh, Norvège 30 Kr, Pays-Bas 2,50 €, Portugal (cont.) 2,70 €, Slovénie 2,90 €, Suède 27 Kr, Suisse 3,40 FS, TOM 450 CFP, Tunisie 3,00 DT, Zone CFA 2 300 CFA.

Dav

idCam

erondev

antla

Confédérationdel’industriebritannique,

lundi.

PHOTOLEONNEAL.A

FP

Sortiede l’UELe chantagede CameronLePremierministre britanniquemenacede claquer la porte de l’Union européenne siles exigences qu’il exposera cemardi auprèsduConseil européenne sont pas satisfaites.

PAGES2-3

Anos lecteursEnraisond’unconflit interneà l’AFP, les syndicatsCGTdu livrebloquent la sortiedesquotidiensnationaux.Rendez-vousenkiosque jeudi.

Page 2: Journal LIBE Du Mardi 10 Novembre 2015

2 u Libération Mardi 10 et Mercredi 11 Novembre 2015

quiétudes britanniques tombent dansl’oreille d’un sourd, ce qui, je pense, n’arri-vera pas, alors nous devrons nous demanderà nouveau si cette Union européenne nousconvient», devrait-il dire.En proposant, en janvier 2013, un référendum«in or out», essentiellement pour apaiser leseurosceptiques de son Parti conservateur, Da-vid Cameron a pris un pari dangereux. Alorsque le camp des partisans à une sortie del’Union européenne ne cesse de se démener,que l’écart entre les partisans du in (toujoursmajoritaires mais de peu) et du out se res-serre, il lui reste peu de temps pour convain-cre ses partenaires européens de prêter uneoreille attentive à ses demandes. Sachant queles autres problèmes auxquels fait face l’Eu-rope, notamment l’Ukraine et la grave crisedes réfugiés, pourraient sembler à beaucoupdes priorités bien plus urgentes que les récri-minations britanniques.•

On oublie les notions de valeurs com-munes, de paix partagée, de solida-rité. «Je n’ai aucun attachement émo-

tionnel» aux institutions de l’Unioneuropéenne, a assené lundi le Premier minis-tre britannique, David Cameron. Difficiled’être plus clair. L’Europe est un businesscomme un autre, et il s’agit de le rendre plusefficace. Ou alors le Royaume-Uni pourraitbien aller faire des affaires ailleurs. C’est ensubstance ce que David Cameron a expliquédevant les membres de la Confédération del’industrie britannique (CBI), l’équivalent duMedef, réunis pour leur congrès annuel. C’estce qu’il répétera ce mardi matin dans unautre discours qu’il prononcera au momentmême où le président du Conseil européen,Donald Tusk, recevra une lettre signée deson nom.

«NERIENEXCLURE»Ce courrier devrait poser par écrit, pour lapremière fois, les réformes que réclame leRoyaume-Uni avant de demander à ses con-citoyens de voter lors d’un référendum surl’opportunité de rester ou non membre del’Union européenne. Aucune date n’a encoreété avancée pour le scrutin, si ce n’est qu’ildoit intervenir avant la fin 2017. Ce week-end,plusieurs journaux affirmaient que des mi-nistres souhaitaient un référendum enjuin 2016, mais Dow-ning Street a dé-menti ces rumeurs.Tout dépendra del’avancée des négo-ciations sur ces fa-meuses réformes. Ensubstance, David Ca-meron souhaite deschangements surquatre points parti-culiers. Il voudraitobtenir une exemp-tion pour le Royau-me-Uni de la notion

Par

SONIADELESALLE-STOLPERCorrespondante à Londres

«d’union sans cesse plus étroite entre les peu-ples européens», inscrite dans le préambuledu traité de Rome, signé en 1957, quinze ansavant que le Royaume-Uni ne rejoigne ce quiétait alors la Communauté économique euro-péenne (CEE), le 1er janvier 1973. Il souhaite-rait aussi un renforcement des pouvoirs desParlements nationaux pour poser un vetocommun à certaines législations européen-nes, garantir les intérêts des pays extérieursà la zone euro et protéger ainsi la City de Lon-dres, et enfin limiter l’accès des travailleursétrangers européens à certaines prestationssociales. Sans oublier des notions plus géné-rales de limitation de la bureaucratie et dudéveloppement des échanges commerciaux.David Cameron est un optimiste, puisqu’il es-père avoir bien avancé dans les négociationsd’ici un mois et le sommet européen du17 décembre à Bruxelles, le dernier de l’an-née, où le sujet épineux britannique devraitêtre abordé. Si la lettre à Donald Tusk devraiténumérer les différentes exigences britanni-ques, les détails sur les moyens d’y répondreresteront délibérément vagues. Dimanche,Philip Hammond, ministre des Affairesétrangères, avait ainsi prévenu que la lettrespécifierait ce que «le Royaume-Uni chercheà changer, pourquoi nous souhaitons ceschangements et quelques paramètres pour ceschangements», mais qu’il ne fallait pas s’at-

tendre à des propo-sitions «détaillées dechangements législa-tifs spécifiques». Enclair, la balle estdans le camp desvingt-sept autrespays membres pourproposer des solu-tions.«Le terme clé, pourmoi, c’est la flexibi-lité», a déclaré DavidCameron. «Est-ceque l’UE peut être as-

sez flexible ?» a-t-il demandé. «Le statu quon’est pas suffisant pour le Royaume-Uni», a-t-ilajouté, en prévenant qu’il était «terriblementsérieux» quant à l’importance de ces négocia-tions. Cette posture visait à répondre au campdes eurosceptiques, bien plus organisés et so-nores que les europhiles, qui lui reprochentd’ores et déjà de ne chercher que quelquesajustements cosmétiques avant de faire cam-pagne pour le maintien du pays au sein del’Union européenne. Pas question de «préten-dre une seconde que le Royaume-Uni ne pour-rait pas survivre hors de l’UE», a-t-il pourtantaffirmé, avant de promettre de ne «rien ex-clure», si jamais les demandes de Londresn’étaient pas satisfaites.

«DANSL’OREILLED’UNSOURD»Dans son discours de mardi, David Camerondevrait être encore plus spécifique. «Si nousne pouvons pas trouver d’accord, et si les in-

Des eurosceptiques ontinterrompu le discours deCameron devant des patrons,lundi. PHOTOLEONNEAL. AFP

«BREXIT» Cameron pose sesAlors que le référendum sur la sortiede l’UE doit se tenir avant fin 2017,le Premierministre britanniqueenvoie cemardi une lettreau président duConseil européenpour préciser les réformes qu’ilsouhaite voirmises enœuvre.

Pas question de«prétendre une secondeque le Royaume-Unine pourrait pas survivrehors de l’Unioneuropéenne», a affirméle Premierministrebritannique.

Page 3: Journal LIBE Du Mardi 10 Novembre 2015

Libération Mardi 10 et Mercredi 11 Novembre 2015 www.liberation.fr f facebook.com/liberation t@libe u 3

Mais que veut exactement la Grande-Bretagne? Presque trois ans aprèsavoir annoncé un référendum sur

l’appartenance de son pays à l’Union, DavidCameron n’a toujours pas expliqué clairementà ses partenaires ce qu’il veut. Autant dire quela lettre que le Premier ministre va envoyer cemardi à Bruxelles est attendue avec impa-

tience. Car c’est une chose de réclamer uneEurope à la sauce britannique, c’en est uneautre que de l’articuler juridiquement, et en-core une autre que de la faire accepter par sesvingt-sept partenaires… «Même s’ils ne de-manderont sans doute pas la Lune, chaque re-vendication britannique suscitera de fortesoppositions dans un ou plusieurs Etats mem-

bres», reconnaît un haut fonctionnaire euro-péen. Sans compter que toute réouverture destraités risque de susciter des vocations, cha-cun voulant obtenir «sa» réforme…

«Peuples». La bonne nouvelle pour Came-ron, c’est qu’«aucun Etat membre, pour desraisons diverses, n’a envie que la Grande-Bre-tagne quitte l’Union», souligne-t-on à Bruxel-les. Mais si chacun est prêt à l’aider, ça ne serapas au prix d’un affaiblissement de la cons-truction communautaire. Ainsi, Angela Mer-kel, la chancelière allemande, a de nouveau

cadré, le 3 novembre, les limites de l’exercicequi s’annonce: «le Royaume-Uni doit restermembre de l’UE» et «nous allons apporter no-tre contribution là où nous le pouvons». Mais,pour «le reste, c’est aux Britanniques d’en déci-der, et j’espère sincèrement qu’ils le ferontd’une manière qui renforcera l’Europe dansson ensemble». Renforcer, pas affaiblir.Mais le premier problème qui risque de divi-ser les Vingt-Huit est celui de la réouvertureou non des traités. François Hollande y est fa-rouchement opposé, par peur d’avoir à orga-niser un référendum. Or, pour reconnaîtreque l’euro n’est pas la seule monnaie de l’UE,pour exempter la Grande-Bretagne du préam-bule qui prévoit que les Etats membres sont«résolus à poursuivre le processus créant uneunion sans cesse plus étroite entre les peuplesde l’Europe», pour renforcer les pouvoirs desParlements nationaux dans les domaines decompétence communautaire ou pour préser-ver les intérêts des Etats non membres de lazone euro, il faut en passer par une remise àplat des traités: une simple déclaration duConseil européen n’aurait aucune valeur lé-gale, ce que ne manqueraient pas d’exploiterles europhobes britanniques.A Berlin, on ne voit pas d’inconvénient à uneréouverture des traités, car «cela permettrad’approfondir la zone euro, de faire passerdans le communautaire ce qui est du domaineintergouvernemental», par exemple le Méca-nisme européen de stabilité (MES), ou encored’introduire un contrôle parlementaire desdécisions de la zone euro.

«Jouable». En imaginant même que lesVingt-Huit parviennent à un accord sur laréouverture des traités, le temps risque demanquer: il faudrait un accord politique endécembre, puis une négociation techniqueet, enfin, une ratification par les Parlementsnationaux. Au mieux, il faudra un an poury parvenir, c’est-à-dire en 2017, année électo-rale en France et en Allemagne. Il n’est passûr –c’est un euphémisme– que Paris et Ber-lin voient d’un bon œil une campagne réfé-rendaire qui s’annonce hystérique à ce mo-ment-là, car elle aura évidemment desrépercussions chez eux. «Cameron a promisun référendum avant fin 2017, soit après lesélections allemandes. C’est donc jouable»,veut croire un diplomate européen.Dernier problème: ce calendrier serré ne tientque si les Vingt-Huit parviennent à un accordrapide. Or, les sujets que Londres souhaitetraiter sont explosifs: les pays d’Europe del’Est accepteront-ils de voir les droits sociauxde leurs ressortissants travaillant au Royau-me-Uni réduits à la portion congrue? Les Etatsde la zone euro seront-ils prêts à accorder undroit de regard à Londres dans leurs affairesintérieures? La France acceptera-t-elle quel’Union soit davantage libérale qu’elle ne l’est?On peut en douter. Or, chaque soubresautfournira des arguments aux europhobes bri-tanniques. A Bruxelles, on se demande «com-ment Cameron a réussi à se mettre tout seul en-tre le marteau et l’enclume». Au point quebeaucoup estiment que seul le conservatismebritannique permettra d’éviter le «Brexit» etnon une hypothétique réforme des traités.

JEANQUATREMERCorresponsante à Bruxelles

Les capitales européennes ont peurd’ouvrir la boîte dePandoreLes vingt-sept autres paysmembres de l’UE craignent qu’unerefonte des traités n’incite chaqueEtat à vouloir imposer desréformes sous la pressionde leur propre opinionpublique.

s conditions sur la table

Page 4: Journal LIBE Du Mardi 10 Novembre 2015

4 u Libération Mardi 10 et Mercredi 11 Novembre 2015

Dopageet corruption:la fédéd’athlétismeetMoscoudisqualifiésL’Agencemondiale antidopage dénonce la collusionde certains pays, notamment laRussie, et dela Fédération internationale, avec les athlètes dopés.

Le monde de l’athlé-tisme est en émoi. Lerapport de l’Agence

mondiale antidopage (Ama)dévoilé lundi après-midi àGenève montre l’ampleurd’un double scandale: celuid’un dopage organisé et cou-vert par les autorités en Rus-sie et, afférent, celui d’unecorruption au plus hautsommet de la Fédération in-ternationale d’athlétisme(IAAF), dont des responsa-bles auraient tenté de fairechanter des athlètes soup-çonnés de dopage en échangede leur silence.La Russie, son gouverne-ment, et ses athlètes sontcloués au pilori par l’AMA,qui réclame leur mise auban : la suspension du paysde toutes les compétitions,notamment les JO de Rio,l’an prochain, en raison decas de dopage qui n’auraientpas «pu exister» sans l’assen-timent du gouvernement,conclut le rapport, qui décrit«une culture profondémentenracinée de la tricherie».L’IAAF a fait savoir qu’ellelançait la procédure de sus-pension.

Reportages. L’agence jugeque les Jeux de 2012 ont étérien moins que «sabotés» parla présence d’athlètes dopés.Elle recommande la suspen-sion à vie de cinq Russes,dont la championne olympi-que du 800 mètres, MaryiaSavinova. Le document estaccablant pour Moscou et sesperformances sur la piste,mais le dopage organiséconcerne d’autres pays etd’autres sports.Interpol a annoncé qu’il allaitcoordonner une enquêtemondiale sur le dopage, pilo-tée par la France. Une opéra-

Par

DIDIERARNAUDtion qui s’appellera «Augias»,en référence aux écuries quele dieu Hercule avait dû net-toyer dans la mythologie.«Des déclarations de témoinset d’autres preuves ont mis enlumière un haut niveau decollusion parmi les athlètes,les entraîneurs, les médecins,les officiels et les agences spor-tives pour fournir de façonsystématique aux athlètesrusses des produits dopantsafin d’atteindre le principalobjectif de l’Etat, produire desvainqueurs», est-il écrit dansle rapport, de la commissiond’enquête, dirigée par leCanadien Dick Pound, qui futle premier président del’AMA. Le texte décrit «uneculture profondément enraci-née de la tricherie».Sur le volet corruption, Me-diapart et Lyon Capitaleavaient dévoilé la semainedernière les grandes lignesdu rapport. Des responsablesde l’IAAF, en particulier sonancien président LamineDiack (82 ans), sont soupçon-nés d’avoir reçu des sommesd’argent (200 000 euros aumoins) en contrepartie de lacouverture de pratiquesdopantes, principalement enRussie.L’affaire est sortie grâce à desreportages réalisés par lachaîne allemande ARD endécembre 2014 puis enaoût 2015. D’anciens dopésrusses y témoignent, figurantcomme lanceurs d’alerte. A la

suite de cela, l’AMA a mis surpied une commission d’en-quête indépendante chargéed’approfondir ces alléga-tions. Elle y travaille depuisle mois de janvier.

Volte-face. La justice fran-çaise s’est emparée du dos-sier, avec des perquisitions etdes auditions qui ont aboutila semaine dernière à troismises en examen. La plus ex-plosive a été celle de LamineDiack, président de l’IAAFjusqu’en août, mis en examenpour corruption passive etblanchiment aggravé. Lesdeux autres touchent cer-tains de ses proches, à com-mencer par son conseiller ju-ridique sénégalais, HabibCissé, ainsi que l’ancien mé-decin responsable de la lutteantidopage à l’IAAF, le Fran-çais Gabriel Dollé. Tous lesdeux sont mis en examenpour corruption passive.D’après Mediapart et LyonCapitale, deux des fils de La-mine Diack, Pape Massata etKhalil, sont également impli-qués. En Russie, la fédérationd’athlétisme n’aurait pas hé-sité à faire chanter ses pro-pres athlètes pour qu’ilspaient de leur poche le si-lence de l’IAAF sur leurs pra-tiques douteuses.La fédération internationalea ainsi annoncé que quatreprocédures disciplinairesavaient été ouvertes à l’en-contre de Gabriel Dollé, PapeMassata Diack, Valentin Ba-lakhnichev, trésorier del’IAAF jusqu’en décem-bre 2014 et ancien présidentde la fédération russe, ainsique son compatriote AlexeiMelnikov, ex-entraîneur na-tional de marche.Samedi, l’un des coauteursdu rapport de l’AMA décrivaiten ces termes le fonctionne-ment de l’IAAF sous la man-dature de Diack: «Vous avez

LamineDiack, président de l’IAAF, en 2013. PHOTOALEXANDER ZEMLIANICHENKO. AP

L’HISTOIREDU JOUR

un groupe de vieux messieursqui se sont mis de l’argentdans les poches – via de l’ex-torsion et des dessous-de-ta-ble– mais qui ont égalementprovoqué des changements si-gnificatifs dans les résultatset les classements des compé-titions internationales d’ath-létisme.» Le successeur deDiack à la tête de l’IAAF s’est

déclaré «choqué, en colère etprofondément attristé».Lundi soir, le numéro 2 del’Agence russe antidopage,Nikita Kamaïev, a déclaréque les «accusations» de do-page et de corruption àl’égard de la Russie étaient«infondées». «Concernant ladestruction d’échantillons[pour des contrôles antido-

page, ndlr], je ne vois rien deprobant dans le rapport maisseulement des déclarationsétayées par aucune preuve, a-t-il déclaré, cité par l’agenceTass. Même chose pour les ac-cusations de pots-de-vinpayés par les sportifs. Toutesces accusations sont infon-dées.»«L’AMA n’a pas le droit de sus-pendre la Russie», a d’abordréagi Vitali Moutko, ministredes Sports, avant de fairevolte-face : «Si, à partir [durapport] de la commission del’AMA, les instances interna-tionales, comme la Fédéra-tion internationale d’athlé-tisme ou bien l’AMA, émettentdes recommandations, nousles suivrons évidemment.»•

«Je ne vois rien de probant dansle rapport,mais seulement desdéclarations qui ne sont étayéespar aucune preuve.»

NIKITAKAMAÏEV numéro 2de l’Agence russe antidopage

EXPRESSO/VUSURLEWEBNoFuture Il quittera sonsiègedeprésidentde larégion Ile-de-France, après troismandats, le 18 dé-cembre. Cematin, Jean-PaulHuchona expliqué auParisienqu’il severraitbienencritiquerock:«Animerune émission rock, on m’en a parlé, y compris desgrandes radios.»AprèsBachelot surD8,HuchonsurOüiFM?Onaunpeudemal àcroireque le futur ex-boss de l’Ile-de-France s’en contenterait. PHOTOXX

Page 5: Journal LIBE Du Mardi 10 Novembre 2015

Libération Mardi 10 et Mercredi 11 Novembre 2015 www.liberation.fr f facebook.com/liberation t@libe u 5

SURLIBÉRATION.FRChronophage DansSpinIn, casse-tête solidaire, il faut, surla plateforme enboismodélisée en 3D, faire sortir le diamant (ouest-ce un saphir?) par le petit trou à droite. On lui dégage le che-min endéplaçant les autres pièces encombrantes. Jusque-là,SpinIn a tout d’un classique.Mais il y a une contrainte: les piècesne se déplacent qu’ensemble. Le vrai défi consiste bien sûr àminimiser le nombre de coups nécessaires à chaque résolutiondepuzzle, pour obtenir la sacro-sainte étoile «Min’steps». PHOTODR

C’est un drôle de tableau abs-trait, avec des grandes tachesrouges et des petits pointsverts. Après le vote historiquede dimanche, qui a vu la par-ticipation d’environ 80% desélecteurs birmans, les cartesdes circonscriptions de Ran-goun ont été repeintes auxcouleurs de la Ligue nationalepour la démocratie d’AungSan Suu Kyi, ne laissant quedes miettes vertes au Parti del’union pour la solidarité et ledéveloppement (USDP) duprésident Thein Sein.Selon des résultats partielsannoncés par la commissionélectorale, la LND a remporté35 des 36 premiers sièges dedéputés attribués, dont unebonne part situés à Rangoun.Zin Mar Aung, dont Libéra-tion a fait le portrait jeudi, est

l’une des nouveaux élus. Leraz-de-marée, prévisible àRangoun, est-il extrapolableà l’ensemble du pays ? Celareste à voir, tant le vote eth-nique, dans les régions péri-phériques, reste prépondé-rant. Il faut aussi attendreles résultats dans les cam-

pagnes et les bastions del’USDP, où les dignitaires duparti au pouvoir ont ratissé leterrain depuis des mois.La LND a de son côté avancédes chiffres. «Nous gagnonsavec plus de 70% des sièges àtravers le pays», a dit son por-te-parole. Une fois n’est pas

coutume, les deux campspartageaient lundi la mêmeanalyse. «Je dois admettreque l’USDP a perdu», a lâchéHtay Oo, le président du partiau pouvoir. L’armée sembledonc tenir parole et accepterle verdict des urnes, qui luiest défavorable.A.V.

Birmanie: laLNDtriomphe, l’armée s’incline

100 millionsC’est lenombrede«personnessupplémentai-res [qui] pourraient être pauvres en 2030 à

cause du changement climatique si les poli-

tiques de développement adéquates ne sont pas

adoptées», selon un rapport de la Banque mon-

diale publié dimanche. Pour son principal auteur,

l’économiste Stéphane Hallegatte, le «message de

ce rapport, c’est que le point de départ de la réduc-

tion du risque climatique est la réduction de la pau-

vreté. Et il faut obtenir des progrès décisifs d’ici

à 2030, alors que le changement climatique sera

encore modeste». Et ce, en améliorant la sécurité

alimentaire, la santé et l’éducation des populations

les plus pauvres.

Lire son interview sur le blog {Sciences2} de Libé.fr.

TUNISIE

Commeannoncéenfindesemaine, les 32 députésfrondeurs deNidaaTou-nes ont démissionné dugroupe parlementaire.Conséquence: le parti isla-miste Ennahdha devient lepremier parti de l’Assem-blée. Les sécessionnistesdevraient prochainementcréer un nouveau groupe.Ils continueront à soutenirle gouvernement. Ce départfait suite à la tentative deprise du pouvoir par Ha-fedh Caïd Essebsi, le fils duPrésident, au sein de NidaaTounes, avant l’organisa-tion du congrès fondateur,qui doit avoir lieu en dé-cembre. Les frondeurs ontdénoncé un coup d’Etat in-terne. «Nous avons décidéde quitter le groupe aprèsle refus de réunir le comitéexécutif, qui est la seulestructure légitime du parti,a déclaré Hassouna Nasfi,un des députés sécession-nistes. Nous protestons con-tre les procédés non démo-cratiques qui ont prévaludans la gestion du parti.»

ESPAGNE

Le Parlement catalan aadopté lundi une résolu-tion qui lance le proces-susvisantàcréeruneré-publique de Catalogneindépendante de l’Espa-gne dès 2017. Au total,72 députés indépendan-tistes (sur 135) ont adopté letexte. Le chef du gouverne-ment conservateur espa-gnol, Mariano Rajoy, aannoncé dans la fouléequ’il présenterait un re-cours en urgence devant laCour constitutionnellepour invalider la résolu-tion. «Après des annéespendant lesquelles nousavons demandé le droit dedécider, nous avons décidéde l’exercer», a lancé RaulRomeva, tête de liste de lacoalition indépendantisteJunts pel Si («Ensemblepour le oui»), lors de cettesession très spéciale. La ré-solution prévoit aussi lelancement de travaux par-lementaires pour mettreen place une administra-tion fiscale indépendanteet une sécurité sociale.

AuBurundi, un«désarmement»dans la violence

Au moins deux personnes ontété tuées, lundi, lors d’uneopération de recherche d’ar-mes dans un quartier contes-tataire de Bujumbura. «Descriminels armés» auraient, se-lon un policier, lancé une gre-nade sur une patrouille qui arépliqué. «Deux personnes,dont un étudiant qui sortaitde sa maison, ont été tuées parces policiers qui tiraient danstous les sens», a de son côté ra-conté un témoin sous couvertd’anonymat. Une versionconfirmée par des voisins.Tout en promettant l’amnistieà ceux qui «déposeraient lesarmes» avant samedi, le Prési-dent avait averti que la police–qui a déjà brutalement misfin, en juin, à six semaines demanifestations contre untroisième mandat de PierreNkurunziza– serait autoriséeà user «de tous les moyens»pour désarmer les quartiersrebelles. Ce même lundi, à lademande de Paris, le Conseilde sécurité de l’ONU se réu-nissait au sujet de «la détério-ration rapide de la situationau Burundi». L’InternationalCrisis Group a averti que lepays fait «face à de possiblesatrocités à grande échelle etune possible guerre civile».

RÉPRESSION

L’affaire du jour:Histoire secrète de la chute du mur

invité : Alain Auffray

Histoires dites

15 : 00 - 16 : 00

fabrice drouelleaffaires sensibles

Page 6: Journal LIBE Du Mardi 10 Novembre 2015

6 u Libération Mardi 10 et Mercredi 11 Novembre 2015

EXPRESSO/Décidément, ça se confirme:les Français ne se laissentpas convaincre que NicolasSarkozy serait l’homme pro-videntiel qu’on leur avaitannoncé. Un an après son«retour», la crédibilité prési-dentielle de l’ancien chef del’Etat n’a jamais été aussibasse. C’est ce que confirmenotre baromètre Viavoice-Libération, dont la sixièmelivraison depuis l’électiondu président de l’ex-UMP endécembre 2014 est publiéece mardi.«Nicolas Sarkozy ferait-il, se-lon vous, un bon président dela République ?» Seuls 26%des Français répondent parl’affirmative à cette ques-tion. Ils étaient 37% dans lebaromètre de février et 32%dans celui de septembre. Leprésident du parti Les Répu-blicains (LR) est plus que ja-mais distancé par AlainJuppé, stable à 47%. Il restemême derrière FrançoisFillon (31%) et se fait passerdevant par François Bayrou(27 %). Certes, il peut tou-jours chercher du réconfortdans son propre camp, où ilconserve une légère avancesur Juppé: 80% des sympa-thisants de LR jugent queSarkozy ferait un «bon prési-

dent de la République», con-tre 73 % pour le maire deBordeaux. Mais cette avancese réduit : le premier perd3 points auprès des sympa-thisants, tandis que le se-cond en gagne 8 entre sep-tembre et novembre.

Selon François Miquet-Marty, directeur de Via-voice, la principale cause decette dégradation de la cré-dibilité de Sarkozy serait«l’accumulation des affaires»dans lesquelles le nom deSarkozy est cité. Cette accu-

mulation conforterait lesélecteurs dans leur convic-tion que le président de LRest plus préoccupé de sa si-tuation personnelle que decelle des Français. Dans cesconditions, on comprendque Sarkozy ait tant de malà reproduire le schéma deson succès de 2007, quand ilse présentait comme unhomme neuf, en «rupture»avec Jacques Chirac.Pour restaurer sa crédibilitéprésidentielle, il compteplus que jamais sur untrès large succès de LRaux régionales. Mais plu-sieurs enquêtes concordan-tes montrent que le triom-phe est loin d’être assuré.Une seule victoire du FNsuffirait à gâcher la fête.En privé, Sarkozy continued’afficher sa confiance en segaussant de ces sondagesqui se trompent si souvent.De l’éclatante victoire duconservateur David Came-ron en Angleterre au succèsinattendu du libéral Mauri-cio Macri au premier tour dela présidentielle en Argen-tine, il tient le registre dessurprises du suffrage uni-versel. On se rassure commeon peut.

ALAINAUFFRAY

Présidentielle: Sarkozydégringoledans les sondages et fanfaronneenprivé

ANALYSE

Télécom:Altice faitsonnuméropour rassurer

En septembre 2014, le cablo-opérateur Numericable, pro-priété du holding Alticedirigé par Patrick Drahi(principal actionnaire de Li-bération), prenait possessionde SFR, racheté pour la baga-telle de 17,4 milliards d’euros.Depuis, le deuxième opéra-teur télécom français s’étaitfait très discret, mobilisé parla réorganisation de l’entre-prise et une politique dechasse aux coûts tous azi-muts orchestrée par les hom-mes de Patrick Drahi.Un silence rompu ce lundiau cours d’une «keynote» re-transmise en direct pour les55000 salariés du groupe Al-tice depuis le siège de SFR àLa-Plaine-Saint-Denis. L’oc-casion d’exposer la stratégieet les nouveautés d’ungroupe qui, en multipliantles acquisitions ces derniersmois, a suscité nombre d’in-quiétudes quant à la soute-nabilité de son modèle basésur l’endettement.«On n’est ni frénétiques niboulimiques», a tenté de ras-surer le directeur générald’Altice, Dexter Goei. Et derappeler que le modèled’Altice est basé sur une«double convergence» : entreles réseaux fixes et mobilesd’une part, entre les servicesde télécoms et la fourniturede contenus de l’autre. Un re-make du grand dessein fra-cassé de Jean-Marie Messierépoque Vivendi? Quinze ansaprès, il serait, selon les diri-geants d’Altice, rendu possi-ble par les nouveaux usageset technologies qui se sontgénéralisés.«On nous voit souvent commedes financiers alors quenous sommes avant tout desingénieurs», a plaidé le direc-teur des opérations d’Altice,Michel Combes, qui a an-noncé 4 milliards d’eurosd’investissement par an dansles réseaux fixes et mobiles.Dont la moitié en France.

C.Al.

Déc. 2014 Nov. 2015

47

31

37

32

26

47

31

26

QUELLE PERSONNALITÉ FERAIT UN BON PRÉSIDENT POUR LA FRANCE ?

Ensemble des Français, en %

Sympathisants

gauche

droite

François Fillon

Alain Juppé

Nicolas Sarkozy

Nicolas Sarkozy

70

,3

8,6

Alain Juppé

75

,2

47,

1

François Fillon

60

,8

26

,9

Source : sondage ViaVoice pour Libération. E�ectué en ligne du 27 octobre au 2 novembre 2015. Echantillon de 1 002 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus selon la méthode des quotas.

Chaupradequitte le FN

Pas de meilleure défenseque l’attaque. AymericChauprade, l’eurodéputéFN qui a participé à l’éva-sion de République domi-nicaine des pilotes mis encause dans l’affaire «AirCocaïne», a annoncé lundiqu’il démissionnait duparti d’extrême droite. «Jesuis venu dire que je quittele FN de Florian Philippotet Marine Le Pen», a ditsur i-Télé ce géopoliticienqui fut conseiller de Ma-rine Le Pen aux relationsinternationales. Et qui achoisi de taper la prési-dente du FN et son brasdroit là où ça fait mal endénonçant sur le Figaro.frl’exclusion de Jean-MarieLe Pen «Quels que soientles torts et les excès du fon-dateur du Front national,peut-on pousser commecela dans l’escalier unhomme de 87 ans auquelon doit tout?» PHOTOAFP

Trente euros. C’est ce que lesclients de BNP Paribas et LCLâgés de plus de 26 ans paie-ront annuellement à compterde 2016 pour «frais de tenuede compte». Ces deux grandsétablissements bancaires dedépôt rejoignent ainsi nom-bre de leurs concurrents :44 banques ont imposé cetteponction ces deux dernièresannées. Et depuis le 1er octo-bre, sept fédérations duCrédit mutuel ont suivile mouvement. Résultat, le1er janvier, au moins 80 %des banques françaisesfactureront le simple fait deposséder un compte chez el-les. Reste que 30 euros, celareprésente près du doublede la moyenne nationale,

de 17,99 euros par an, prati-quée par la plupart des autresbanques, qui imposent cesfrais.Mais pourquoi donc ce chan-gement? Crise économiquefaisant, l’argent n’a jamais étéaussi peu «bon marché».Comprendre: pour les ban-ques, le rendement descomptes courants est sanscommune mesure avec celui

d’il y a quelques années.«L’argent ne travaille plusbeaucoup», résume un pro-fessionnel du secteur. En pa-rallèle, pour ne pas prendrede risques dans une périodede stagnation économique,les banques se montrenttrès frileuses pour accorderdes crédits. Et quand elles yconsentent, c’est à des tauxbas. Pour résumer : les éta-blissements bancaires voientleur activité diminuer, leurrentabilité itou, et elles cher-chent donc de nouveauxrelais de financement. Selonelles, ne pas facturer les fraisde tenue de compte revien-drait à «travailler sans êtrerémunéré», voire «à perdre del’argent».Ph.B.

Pourquoi la BNPet LCLvont faire payer30 euros les frais de «tenuede compte»?

MERCI DEL’AVOIR POSÉE

EXTRÊMEDROITE

Landes: desmilitants de la LPOet des journalistes agressés

Des membres de la Ligue de protection des oiseaux quimenaient lundi une opération contre le braconnage despinsons, espèce protégée, ont été violemment pris àpartie par des riverains à Audon (Landes), nécessitantl’intervention de la gendarmerie. Des reporters qui ac-compagnaient les militants de la LPO ont égalementété visés. Les clichés du photographe de l’AFP GaizkaIroz, devenus viraux, ont assuré à l’opération de la LPOune médiatisation inespérée. PHOTOGAIKA IROZ. AFP

SURLIBÉRATION.FR

BlogLes400culsMaispourquoiparle-t-ondes«par-tieshonteuses»?Dansunouvragecolossal –Equivoquesdela pudeur, aux éditions Droz–, la chercheuse DominiqueBrancherexplore lesusagesretorsde lapudeuraumomentmêmeoùcemotapparaît dansnotre langue. Lesoriginesde l’expression«partieshonteuses» remontentà laGenèse(2:25): «L’hommeet sa femmeétaient tousdeuxnus, et ilsn’enavaientpointhonte.»LasuitesurLibé.fr. PHOTOY.GOLAN

Page 7: Journal LIBE Du Mardi 10 Novembre 2015

Libération Mardi 10 et Mercredi 11 Novembre 2015 www.liberation.fr f facebook.com/liberation t@libe u 7

Najat Vallaud-Belkacem offi-cialise ce mardison expérimen-tation pour«renforcer lamixité socialedans les collèges». Elle s’appli-quera à la rentrée prochaineet seulement dans quelquesdizaines de collèges. Ce pro-jet est très sensible politique-ment car il touche à la fa-meuse carte scolaire…

Quels sont les départe-ments concernés ?Dix-sept départements pilo-tes pour l’instant. «De droitecomme de gauche», insiste laministre, preuve selon ellequ’il est possible de sortir cesujet d’une «bataille parti-sane». Les volontaires: Bas-Rhin, Charente-Maritime,Doubs, Eure-et-Loir, Haute-Garonne, Haute-Loire, Hau-te-Savoie, Hérault, Ille-et-Vi-laine, Indre-et-Loire, Loire,Maine-et-Loire, Meurthe-et-Moselle, Paris, Puy-de-Dôme,Seine-Saint-Denis, Tarn.En réalité, l’expérimentationne concernera pas l’intégra-lité de ces départements maisdes «territoires» comprenantun petit nombre de collègesdans un périmètre pas trop

grand, avecdes écarts si-g n i f i c a t i f sdans la com-position so-ciale des éta-blissements.

Au final, cette expérimenta-tion devrait toucher «entre30 et 50 collèges» sur 7100.

En quoi consistel’expérimentation ?«Imposer une énième réformede la carte scolaire par lehaut ne fonctionnera pas», arépété la ministre. D’où l’idéede prendre le problème àl’envers: partir de chaque ter-ritoire, en essayant de con-vaincre les parents que c’estdans l’intérêt de leurs en-fants… Plusieurs techniquesseront testées, dont la secto-risation élargie. On sort de lalogique –tel quartier d’habi-tation dépend de tel collège–pour créer un secteur plusvaste, avec plusieurs collègesà l’intérieur. Les critères d’af-fectation seront notammentdéfinis par les élus locaux, leschefs d’établissements, dupublic comme du privé. Maisaussi par les parents d’élèveslors de réunions publiquesoù les objectifs de mixitépourront être fixés.M.P.

Des collèges à l’écolede lamixité sociale C’est ce mardi qu’ouvre, à

l’hôpital Saint-Louis, à Paris,une consultation inédite surla prévention du sida, avec àla clé la possibilité que lapersonne reparte avec uneordonnance de Truvada.Trois demi-journées par se-maine, face à un médecin,

n’importe qui pourra expli-quer sa situation. «Et si lapersonne est à haut risqued’être contaminée par le VIH,alors pourra lui être prescritdu Truvada, explique le pro-fesseur Jean-Michel Molina.Nous avons la preuve scienti-fique de l’efficacité de cette

molécule en préventif, nousn’avons plus aucune raisond’attendre.» L’associationAides demande depuis jan-vier 2013 à l’Agence du médi-cament d’accorder une re-commandation temporaired’utilisation pour le Tru-vada. Marisol Touraine de-

vrait finalement l’annoncerle 1er décembre, lors de lajournée mondiale contre lesida. Dans l’intervalle il y aeu 15 000 personnes conta-minées en France, soit vingtpar jour.É.F.Lire l’intégralité de la chronique«Aux petits soins» sur Libé.fr.

VIH: la trop longueattentepour leTruvada

START-UP

EmmanuelMacronplanche surun «fonds de pension à la française»

La révolution numérique est «là» et «s’accélère formidable-ment», s’est réjoui lundi matin Emmanuel Macron. S’il ne dé-

voilera que le 15 décembre les grandeslignes de sa loi sur les nouvellesopportunités économiques (Noé),le ministre de l’Economie a donnélundi quelques pistes sur son con-tenu. Puisque «le capital, c’est laclé» et que les start-up du numéri-que ont, dès leur création, voca-

tion à «penser mondial», Bercyplanche sur une «adapta-tion de notre cadre fiscal denature à orienter le capital

qui est celui de nos épargnantsvers le financement de l’écono-

mie réelle, vers des produits in-vestis en actions plutôt qu’en

obligations». Mieux –ou pire selon sesdétracteurs–, le locataire de Bercy a an-

noncé travailler à la «création d’une formede fonds de pension à la française».

DIAPORAMA

Wikitrophées Leconcoursdephotographies«WikiLovesMonuments»adésignéses finalistesdanscha-que pays. Tous les clichés sont publiés sous licencelibrepourêtreréutiliséssur leWeb,notammentsurWi-kipédia. La médaille d’or française est décernée àl’image (ci-contre)delasoufflerieS1de l’Officenationald’études et de recherches aérospatiales à Meudon(Hauts-de-Seine).PHOTODR

En vente actuellement

AG

20

33

7

DÉCRYPTAGE

GR

EN

A

Page 8: Journal LIBE Du Mardi 10 Novembre 2015

8 u Libération Mardi 10 et Mercredi 11 Novembre 2015

A Bangui, la grenadedéfensive se vendmoins de 1 euro

Centrafrique Alors que la capitale est enproie à un déchaînement de violence et quel’Etat est en lambeaux, le pouvoir de transi-tion fait face aux pressions françaises pourque les élections générales de décembre setiennent à tout prix.

La vérité apparaît parfois com-me une affreuse plaisanterie:900 hommes de la force San-

garis, le dispositif militaire françaisen place depuis 2013, et 1200 Cas-ques bleus de la Minusca (la Missiondes Nations unies pour la stabilisa-tion en Centrafrique) n’arrivent tou-jours pas à sécuriser les quatre ar-rondissements (IIIe, IVe, Ve et VIIIe)de Bangui en proie à une fièvre deviolence qui a débuté fin septem-bre. Tout serait parti d’une moto vo-lée dans le IIIe arrondissement le25 septembre. Le jeune voleur, mu-sulman, aurait été tué par des sup-posés anti-balaka, les milices chré-tiennes. Une épidémie de violences’est alors emparée de tous les quar-tiers de Bangui. La seule journée du26 septembre a fait 77 victimes. «De-puis, chaque matin, on compte lesmorts à l’aide d’un boulier chinois»,dit cet officier français. Ainsi, lemercredi 4 novembre, les équipesde Médecins sans frontières ont ad-mis en urgence à l’Hôpital général21 blessés, dont quatre femmes,selon un défenseur des droits del’homme joint à Bangui.

«Des forcesoccultes»C’est dans ce «chaos sécuritaire»,comme le qualifie une ONG fran-çaise, dans une ville fragmentée parles haines communautaires et sou-mise à la criminalisation qui gan-grène désormais tous les quartiers,que s’est déroulée, du 30 octobreau 1er novembre, la visite de la se-crétaire d’Etat fran-çaise chargée du Déve-loppement et de laFrancophonie, Annick Girardin.Déjà alertée par la décompositionde la société centrafricaine, cettedernière a été confrontée à un pays– tout du moins ce qu’il en reste –laissé face à lui-même. Sa visite ve-nait appuyer le soutien français

qui se monte (hors dépenses mili-taires) à 70 millions d’euros de-puis 2014, auquel Paris ajoute uneaide supplémentaire de 1,5 milliond’euros «afin de renforcer l’adminis-tration centrafricaine». Mais l’ob-jectif majeur de ce déplacementétait de conforter «la feuille deroute» de sortie de crise, qui passepar l’organisation d’un référendumconstitutionnel et d’élections prési-dentielle et législatives le 13 dé-cembre. Selon la secrétaire d’Etatfrançaise, «il faut tout faire pourparvenir aux élections avant lafin de l’année pour reconstruirele pays».La déclaration fait écho aux proposde la chef de l’Etat de transition, Ca-therine Samba-Panza, pour qui ilfaut «ramener le pays dans l’ordreconstitutionnel avant la fin de l’an-

née». La présidente dé-nonçant «ceux qui ins-trumentalisent ces

violences et ne veulent pas de cesélections». Mais qui vise-t-elle préci-sément? «Le camp des “nairobistes”,avec des ex-Séléka [des milices à do-minante musulmane, au pouvoir àBangui entre mars et décem-bre 2013, ndlr] et les anti-balaka.»

En début d’année à Nairobi, le chefde l’une des quatre factions des Sé-léka, Noureddine Adam, a en effetnoué des alliances avec certainesmilices anti-balaka, proches de l’an-cien chef de l’Etat François Bozizé,renversé en 2013 par ces mêmes Sé-léka. Réfugié en Afrique du Sud, unmandat d’arrêt international ayantété délivré contre lui par les autori-tés de transition, l’ex-président Bo-zizé ne peut se représenter. Mais sespartisans s’agitent et n’ont pasabandonné l’idée qu’il puisse êtrede nouveau candidat. «Il faudraitalors que les autorités lèvent ce man-dat…» ajoute une source qui ne

croit pas à un retour de Bozizé. Dansune allocution à la nation le 2 no-vembre, la présidente Samba-Panza, qui ne se représente pas, adessiné un panorama épouvantablede la situation: «Il nous appartientde nous mobilier ensemble pour em-pêcher un nouveau cycle d’atrocitésinstrumentalisé par des forces occul-tes. L’heure est grave.»Devant la presse nationale et fran-çaise, la Présidente avait un peu misles formes, en évoquant son «inter-rogation» face «au travail» de la Mi-nusca. Deux jours plus tard, elle nes’encombrait plus d’autant de for-malités et allait droit au fait: «Je de-mande à la Minusca de mettre à dis-position de nos forces de Défense lesarmes de l’armée nationale[aujourd’hui mises] sous séquestreafin de renforcer les capacités d’ac-tion de nos troupes engagées dans lescombats.» En clair, des armesrouillent dans un hangar alors quedes troupes formées par le GIGNn’en sont toujours pas dotées. «Cesont les seules troupes qui connais-sent très bien le terrain et qui peu-vent rentrer dans les quartiers etneutraliser les éléments qui sabotentle processus» de paix, confie une

source militaire sur place. «Sangarispatrouille en ville, mais c’est uneautre chose d’aller chercher avec unefourchette à escargots les élémentsles plus nocifs. On risque de la casse,avec une opinion française qui necomprendrait pas que des soldatsfrançais tombent dans un conflitqu’on croyait résolu.»

«Carotte»Alors que les tirs d’automatiques ré-sonnent en ville à l’heure de l’Angé-lus, la secrétaire d’Etat française seveut ferme: «La communauté inter-nationale aura du mal à soutenirdes projets en République centrafri-caine sous un régime de transition àbout de souffle. Ces élections doiventse dérouler.» Entendre: si elles ne sedéroulent pas avant la fin de l’an-née, l’argent ne sera pas débloqué.«Cette carotte est une connerie,remarque un observateur interna-tional, car c’est le conseil d’adminis-tration du Fonds monétaire interna-tional qui décidera de débloquer lessommes ou pas, et non Paris.»Au centre des traitements des don-nées électorales de Bangui, forte-ment gardé, l’Autorité nationale des

Par

JEAN-LOUISLETOUZETEnvoyé spécial à Bangui

REPORTAGE

RÉPUBLIQUECENTRAFRICAINE

SOUDAN

SOUDAN

DU SUD

TCHAD

CONGO

CA

ME

RO

UN

RÉPUBLIQUE

DÉMOCRATIQUE

DU CONGO

Bangui

200 km

Page 9: Journal LIBE Du Mardi 10 Novembre 2015

Libération Mardi 10 et Mercredi 11 Novembre 2015 www.liberation.fr f facebook.com/liberation t@libe u 9

élections (ANE) travaille d’arrache-pied à la constitution d’une listeélectorale «provisoire». C’est dumoins l’idée que l’on peut s’en fairealors que les officiels se réjouissentmutuellement du travail déjà ac-compli. «Tout est prêt, nous avan-çons dans le mouvement. Il y a bienentendu les aléas techniques et lescontraintes de terrain auxquels nousdevons faire face», souligne timide-ment Marie-Madeine N’kouet, lanouvelle présidente de l’institution.En effet, le vice-président et le prési-dent de l’ANE ont tous deux démis-sionné à deux mois d’intervalle.Officiellement, le premier «pour rai-son de santé»; le second, qui n’a pasjustifié son départ, «aurait jetél’éponge devant la pression inter-nationale», n’ayant jamais cachéqu’il était impossible «de mettresur pied une élection dans un tempssi court».Censément, chaque électeur inscritest photographié. Mais pour untechnicien, «50 % des photos sontinexploitables». Une objection quela présidente N’kouet balaye, car ily aurait déjà «près de 2 millionsd’inscrits» sur une population esti-mée à un peu plus de 4,5 millions.

Les 300 000 réfugiés centrafri-cains ? «Ils seront naturellementpris en compte dans les pays limi-trophes, notamment au Came-roun», assure la patronne de l’ANE.

«Coûteque coûte»Pour Thierry Vircoulon, directeurdu projet Afrique centrale pour lecompte de l’International CrisisGroup, cette analyse «est complète-ment irréaliste. Bangui n’est pas sé-curisé et la principale route du paysne l’est pas plus. En fait, rien n’est sé-curisé. Par ailleurs, la préparationtechnique est loin d’être achevée. Iln’y a aucun consensus politique surqui est légitimement éligible et quine l’est pas. Quant au référendumconstitutionnel de décembre, per-sonne n’a encore vu le texte de laConstitution début novembre… Celarevient à faire voter des citoyens surun texte qu’ils ne connaissent mêmepas».Yolande travaille pour l’ONG Acord(l’Agence de coopération et de re-cherche pour le développement).Elle milite pour maintenir un dialo-

gue interconfessionnel et est totale-ment abattue par la situation: «Maispourquoi avoir gardé tant d’hommespour un résultat tellement médiocreet bien pire qu’avant ! Nous allonsvers des élections par défaut et coûteque coûte.» Quand on évoque le dé-sarmement qui a échoué, c’est lamême horloge qu’on entend etqui sonne aujourd’hui avec le mêmecarillon du côté des autorités fran-çaises: «On a pu aller aux électionsau Mali et en Côte-d’Ivoire sans laréalisation du préalable désarme-ment. Pourquoi ça ne marcheraitpas en Centrafrique?» C’est effecti-vement imparable. Mais, oserait-onajouter qu’il y avait dans ces deuxpays encore «une empreinte» del’Etat… or la Centrafrique n’est plus«qu’un territoire», comme le qualifiedans son remarquable rapport deseptembre l’International CrisisGroup. «Un territoire» livré auxgangs car «tous les [prisonniers de]droits communs sont dans la rue»,assure Evrad-Armel Bondadé, lejeune secrétaire général de l’Obser-vatoire centrafricain des droits del’homme (OCDH). «Un territoire» oùil ne serait pas de commerce plusrentable, notamment à Bangui, que

vendre au détail des grenades dé-fensives «made in China» pourmoins d’un euro. «Moins cher qu’unkilo de bananes», se désole un habi-tant alors que la visite du pape Fran-çois est toujours prévue le 29 no-vembre.Le Vatican, ces derniers jours, évo-quait d’ailleurs sa grande «préoccu-pation» et un report de la visite dupape ne serait pas exclu. Commenten effet assurer la venue de Françoisalors que Bangui procède chaquematin au décompte macabre de lanuit? «Il faut vraiment que Sangarisse bouge le cul», déclarait une sourceexpatriée. Et c’est d’autant plusétonnant que les cibles ont été «clai-rement identifiées». Le nom de Nou-

reddine Adam, par exemple, est surtoutes les lèvres. Le chef de guerrede la Séléka «va et vient comme ilveut dans le pays», constate amère-ment une source diplomatique.La position de Paris «à ce sujet estcontradictoire, explique en effetThiery Vircoulon, car c’est vouloirdes élections et, en même temps, nepas vouloir se débarrasser des ac-teurs qui bloquent le processus électo-ral. Cette contradiction doit absolu-ment être levée et cela passe par deuxsolutions : les neutraliser ou alorspactiser avec eux».Pour une source sécuritaire jointesur place en fin de semaine, «un con-tre-la-montre a été enclenché». Paris,qui veut à tout prix ces élections,pourrait, dans les jours prochains, sedécider «à frapper», entendait-onces dernières heures à Bangui. Le4 novembre se déroulait l’AG de l’as-sociation des étudiants de Centrafri-que. Une grenade «chinoise» a été je-tée sur les étudiants: «Par chance,elle n’a pas explosé, raconte Evrard-Armel Bondadé, de l’Observatoirecentrafricain des droits de l’homme.On peut imaginer la même chosedans un meeting électoral ou sur lepassage du cortège du pape.»•

Des soldatsde laMinusca,à Bangui,le 18 octobre2015. Les1200Casquesbleus chargésde lastabilisationdu pays neparviennentpas àsécuriser lacapitale, enproie à desvagues deviolencesdepuis finseptembre.PHOTOHERVÉ

SEREFIO.CITIZEN

SIDE.AFP

Comment assurerla venue du papeFrançois alors queBangui procèdechaquematin audécomptemacabrede la nuit?

Page 10: Journal LIBE Du Mardi 10 Novembre 2015

10 u Libération Mardi 10 et Mercredi 11 Novembre 2015

A Marseille,la médiation dela dernière chance

ExpérienceDepuis un an,la ville amis en placeune cellule citoyennede tranquillité publique,où des ados absentéistesou auteurs d’incivilitéssont convoqués avec leursparents pour éviter la casejustice.

Des ados et leurs parents convoqués devant la cellule de citoyenneté et de tranquillité publique deMarseille, le 30 octobre. Cent cas y ont été examinés depuis un an.

Page 11: Journal LIBE Du Mardi 10 Novembre 2015

Libération Mardi 10 et Mercredi 11 Novembre 2015 www.liberation.fr f facebook.com/liberation t@libe u 11

La mère pleure de lourdes gouttesde mascara noir; la fille se rongeles ongles. Sous les lustres opales-

cents de la salle des mariages de l’hôtelde ville de Marseille aux rideaux tirés,elles sont convoquées devant la cellulecitoyenne de tranquillité publique(CCTP) qui s’y tient en cette fin de va-cances de la Toussaint. Faceà elles, sur une estradebleue, une instance impo-sante aux airs de tribunal: la responsa-ble de la police municipale, un membrede l’inspection académique, un émis-saire de la police nationale et un déléguédu parquet.Au milieu, Caroline Pozmentier, ad-jointe déléguée à la sécurité publique deJean-Claude Gaudin (LR), préside :«Notre action cherche à prévenir les actes

de prédélinquance qui ne relèvent pas dudroit commun.» Pas de peine à la clé,mais un suivi personnalisé. Karla (1)a 13 ans et des dizaines d’heures d’ab-sence au collège. «Vingt-quatre demi-journées depuis le début de l’année, c’estbeaucoup trop», s’alarme le représen-tant de l’Education nationale, hommebienveillant en veste de tweed. Karlasuit lorsqu’elle va en cours. Seulement,elle n’y va pas souvent. «Pourquoi?» in-terroge Caroline Pozmentier. La voix dela gamine franchit à peine le col de sontee-shirt Mickey: «Je sais pas.» — «Et oùtu vas, quand tu n’es pas au collège?» re-prend l’adjointe. «A la maison…» tentel’ado. La mère explose: «N’importe quoi!Elle traîne.» Sur leur chaise, mère et fille–accompagnées d’un éducateur et dupetit dernier de la fratrie, 3 ans– se cris-pent, s’agitent, s’embarquent dans undéballage ponctué d’éclairs de violence.Karla, un temps placée en famille d’ac-cueil, comme sa grande sœur de 16 ans,a fugué.A la tribune, les membres de la cellules’expriment tour à tour. L’inspectionacadémique «exige» que Karla retourneau collège. «Forcez-vous !» ordonnel’homme à la veste de tweed. Radical, ledélégué du procureur de la Républiquepréconise un «placement fermé». L’en-fant se tortille, sa queue-de-cheval som-bre se balance. Elle veut «rester à la mai-son». Caroline Pozmentier tranche,pète-sec: «D’ici à Noël, c’est le collège, lecentre social et ta chambre! OK, Karla?On va te suivre, on va tout savoir.»

«PARCOURS CITOYEN»Imaginé par le député des Bouches-du-Rhône Bernard Reynès (LR) dans le ca-dre de la loi du 5 mars 2007 relative à laprévention de la délinquance, le dispo-sitif des CCTP concerne 80 villes enFrance, dont 30 véritablement actives.Toutes, de droite comme de gauche,sont dans le sud-est du pays. Marseille,seule grande ville du lot, fait figure depilote. Education nationale, police, jus-tice, services municipaux et départe-mentaux y croisent leurs regards sur lesdossiers et les solutions à apporter.«Cela n’a pas été simple au début, cettemutualisation d’informations confiden-tielles», convient l’adjointe au maire deMarseille.Un réflexe finalement acquis, y comprisavec le conseil départemental lorsquecelui-ci était présidé par la gauche. LaCCTP tente d’offrir une réponse con-crète à chaque cas. Pour l’un, on étudiela possibilité d’un changement d’éta-blissement scolaire. A un autre, on pro-pose un «parcours citoyen»: des demi-journées passées chez les marins-pom-piers, les policiers nationaux. Amin,13 ans, convoqué pour la dégradation

des jardinières du coiffeurvoisin, refuse cash. Lespompiers, passe encore ;

mais les flics… Au sortir de l’entretien,sa mère – boubou orange sous vestegrise – a l’air perdue. «Je ne sais paspourquoi on est là. Mon fils est accusé in-justement», murmure-t-elle.Face à l’adjointe au tailleur strict et àl’écharpe tricolore solennelle, les adosdéfilent. Des minots qui zonent, font durodéo à scooter, sèchent l’école… Pour

REPORTAGE

Par

CORALIEBONNEFOYCorrespondance àMarseille

PhotosPATRICKGHERDOUSSI

réveiller les gamins comme les parents,l’élue, très à l’aise dans le rôle, la jouebon flic-mauvais flic. Mime ici un sectour de vis de la main. Opte là pour unton plus doux. «On sait bien que tu n’espas méchant. On ne te juge pas, on veutt’aider», soupire-t-elle devant ungaillard costaud attrapé pour des jets depierres sur les riverains d’une placette,dans le quartier pépère d’Eoures. «C’estvotre ultime chance, menace le policieren uniforme. La prochaine fois, on nevous loupera pas.» Le père jure sesgrands dieux que son fils était avec lui,à la pêche, au moment des faits. LaCCTP, «c’est sans doute une bonne initia-tive pour ceux qui ont des choses à se re-procher. Mais là je ne vois pas en quoi çava nous aider. Puisqu’il n’a rien fait…»s’irrite-t-il. Depuis les faits qui lui sontreprochés (survenus avant l’été dernier),le grand dadais de 18 ans a décroché sonCAP. Il promet d’être irréprochable.D’ailleurs, il travaille, comme son père,à la direction des régies et bâtiments dela ville de Marseille.Du haut de ses 15 ans, Léo dépasse samère Maryse, 54 ans, d’une tête. Il faitla gueule. Lycéen, il a été convoquéparce qu’il traînaille avec une bande de-vant son ancien collège. «J’ai fait toutema carrière dans la fonction publique»,dit la mère entre deux sanglots. Elle ex-plique que son fils «est immature. J’es-père que ce sera un déclic pour lui». «Çane m’amuse pas de venir à la mairie pourça. C’est impressionnant, c’est dur. Maisje ne prends pas ça comme une remise encause de mon rôle de mère. J’ai pas lascience infuse. Si ça permet d’éviter quedes situations minimes dégénèrent, tantmieux.»

SIDÉRATIONParfois, pourtant, il y a des erreursd’aiguillage. Quand Fanny et sa mère seprésentent devant la CCTP, difficile dedire qui est l’adulte, qui est l’enfant.Même blouson en simili cuir, mêmescheveux noirs teints, même façon de secouler, mal à l’aise, sur leur chaise bleueornée des armoiries de la ville. CarolinePozmentier démarre son laïus. Immé-diatement, la mère l’interrompt: «Par-lez-lui, à elle, dit-elle en désignant safille du menton. Elle se fout de tout.Elle a un éducateur, elle a un psy. Elles’en fout. Moi, j’étais dans le coma.Et quand je me réveille, on me rend mesenfants à l’adolescence… Mon fils dealedu shit. Et elle, elle m’insulte, me tape.Je ne veux plus avoir affaire à elle.»L’adolescente ricane. Elle tourne à peinela tête vers sa mère et crache: «Eh bendégage, alors !»Sur l’estrade, l’effroi le dispute à la sidé-ration. Le représentant de la police na-tionale ouvre des yeux ronds. CarolinePozmentier essaie de tisser un dialogue:«Qu’est-ce que vous allez devenir?» — «Jem’en fous», rétorque Fanny, qui a déjàécopé de deux rappels à la loi pour vio-

lence. «Là, ça relève d’un juge pour en-fant, non ?» murmure le membre de lapolice nationale. Le dossier est réorientévers le parquet.

«MAUVAIS GARÇONS»Dans certains cas, le suivi s’étire sur plu-sieurs mois. Dans une pièce contiguë àla salle des mariages, Ahmed, 14 ans, etsa mère Camaria, 47 ans, ont rendez-vous avec Caroline Pozmentier. Unpoint d’étape. Le collégien est passé de-vant la CCTP en février pour des faits depetite délinquance et d’absentéismescolaire. «Il traînait avec de mauvaisgarçons», se lamente sa mère. Ahmed,le visage mangé par des yeux noirs im-menses, sourit: «Maintenant, ma mère,elle ne leur ouvre plus la porte.» Suivi parles services municipaux, l’adolescent arepris graduellement le chemin du col-lège. Devant l’assemblée, il avait avouéson rêve de devenir pompier. Neuf moisplus tard, la commission a convié lemaître principal, Thierry Mourre, res-ponsable des cadets des marins-pom-piers de Marseille, à le rencontrer. Il vapersonnellement préparer Ahmed à uneentrée chez les cadets, pour ses 15 ans.La mère rayonne. Ahmed aussi.En un an, cent dossiers sont passés de-vant ces cellules presque mensuelles.«Cent, à l’échelle de notre ville, c’estpeu… Mais si on permet à dix gamins des’en sortir, c’est déjà ça. Pour l’absen-téisme scolaire, on est à 75% de retour àl’école après le suivi par la CCTP», se sa-tisfait Caroline Pozmentier. A ses côtés,Ahmed griffonne, pour le maître princi-pal Mourre, son nom et son numéro detéléphone en tout petit sur un largepost-it jaune.•

(1) Tous les prénoms ont été modifiés.

«D’ici à Noël, c’estle collège, le centresocial et ta chambre!OKKarla? On vate suivre, on vatout savoir.»

CAROLINE POZMENTIERAdjointe au maire de Marseille (LR),membre de la CCTP

MARDI POLITIQUE

En direct à 18h10 sur RFI - Paris 89FM

1er

Yves

JÉGO

Page 12: Journal LIBE Du Mardi 10 Novembre 2015

12 u Libération Mardi 10 et Mercredi 11 Novembre 2015

TricherieDepuisle scandale sur lesémissions de CO2,les concessionnairesde lamarque, symbolede la fiabilité del’industrie nationale,doivent consentird’importantesristournes outre-Rhin.

Par

NATHALIEVERSIEUXCorrespondante

à Berlin

Contrôles sur le sitedeWolfsburg, siègedeVolkswagen.Le constructeur vadevoir rappeler2,8millions devéhicules rien qu’enAllemagne. Dans lemonde, le scandaleconcerne 11millionsde voitures. PHOTOODD

ANDERSEN. AFP

L’homme assis au bout d’un vaste cou-loir en carrelage blanc immaculé etplanté de colonnes à miroirs est au té-

léphone. Ses deux collègues aussi. Petites lu-nettes, cheveux courts grisonnants, chemiseblanche et jeans, la cinquantaine… Appe-lons-le Herbert W. Il dirige depuis de longuesannées cette concession de Volkswagen (VW),dans l’ouest de Berlin. Et comme la plupartde ses collègues, il n’a pas la moindre enviede s’exprimer, si ce n’est sous le sceau del’anonymat. Herbert W. a pour-tant beaucoup à faire depuis quele scandale des moteurs dieseltruqués a éclaté, début septembre. S’y estajouté celui des émissions biaisées de CO2 desvéhicules VW roulant à l’essence –bien plusélevées qu’annoncé elles aussi…

AMENDESETPLAINTESNon pas que sa concession déborde demonde: pas un client en vue autour des Golf,Polo, Beetle ou Passat rutilantes et alignéesdans la cour de la concession. Pas un enfantdans le coin réservé aux bambins. Les petitesvoitures qui doivent faire patienter la progéni-ture des acheteurs de Passat ou de Sharann’ont pas quitté de la journée la caisse destinéeà les ranger. Pas un client non plus à proximitédes modèles de la vitrine, comme cetteGolf VII gris métallisé, intérieur cuir noir, dontle prix corrigé en rouge affiche 26990 euros.La fiche promet des émissions de CO2

de 116 grammes par kilomètre, norme 6. Maispeut-on encore croire les fiches produit deVolkswagen?Herbert W. se gratte la tête d’un air las. «Re-gardez, la nouvelle Passat. Elle est belle,hein?»: il est satisfait de quitter pour quelquesminutes le téléphone et les complaintes de sesanciens clients pour retrouver son costumede vendeur face à un rare client potentiel…Mais le téléphone sonne de nouveau. «Oui, jesais. Mais pour l’instant, je ne sais rien deplus… Allô? Vous êtes toujours là?» Le clientau bout du fil a raccroché. «On a déjà vu pire,assure le vendeur. Je me suis déjà fait traiterde connard. Et une femme m’a dit que je men-tais autant que Winterkorn.» Martin Winter-

korn, l’ancien patron du groupe aux 12 mar-ques, qui, devant l’ampleur du scandale, a dûcéder la place au patron de Porsche, MatthiasMüller. Ce dernier a pour mission de fairetoute la lumière sur la tricherie.Tromperie qui va contraindre Volkswagen àrappeler des millions de véhicules dans lemonde et à faire face à des amendes et desplaintes qui pourraient atteindre un montantastronomique. Entre mise aux normes desvoitures, indemnisations pour baisse prévisi-ble de la valeur de certains modèles et lesdommages et intérêts aux Etats-Unis, FrankSchwope, analyste de NordLB, estime désor-mais la facture pour VW… à 30 milliardsd’euros. «A cela, il faut ajouter les conséquen-ces sur la réputation du groupe, les baisses desventes à venir, la chute des bénéfices», anticipel’analyste. Bref, un cauchemar pour Volkswa-gen qui avait terminé 2014 sur un bénéfice netde 11 milliards d’euros. De quoi couvrir unetoute petite partie des dégâts.Dans le garage de la concession berlinoise, unmécatronicien (métier qui associe électro-nique et mécanique) en bleu de travail sigléVW s’affaire autour d’une Polo. Lui non plusne veut pas que son nom figure dans la presse.«On va avoir du boulot», se contente-t-il desouligner, faisant allusion aux 2,8 millions devoitures qui seront rappelées, rien qu’en Alle-magne, à partir de janvier 2016. Le scandaleconcerne au total 11 millions de véhicules àtravers le monde. «Une chose pareille, onn’avait encore jamais vu ça. Ils font des conne-ries au siège, et nous, on doit gérer les consé-quences ! A Wolfsburg [ville du siège histori-

que du groupe, ndlr], ils s’enfoutent. Mais qu’est-ce qui va sepasser avec les contrôles antipol-

lution? Et puis les clients vont-ils devoir payerune augmentation de la taxe automobile, si lesémissions de CO2 sont supérieures à ce qui fi-gure sur la carte grise ?» Le mécatroniciens’inquiète aussi pour son porte-monnaie.Comme tous les salariés de la concession, ilroule en Volkswagen.Les temps sont durs pour les concessionnairesde VW en Allemagne. Contrairement à sesconcurrents BMW ou Mercedes, qui possèdentun réseau de vente propre, le géant allemandde l’automobile travaille avec des concession-naires en franchise. La plupart sont de petitesPME familiales, acculées à de colossaux inves-tissements, pour présenter dans les halls devente les derniers modèles et toutes les op-tions chères aux clients. Selon les chiffresd’octobre, les ventes ne se sont pas écroulées.Pour l’instant. En Allemagne, la demande endiesel est stable, et les ventes de VW n’ont re-culé que de 0,7%. «Mais quand un client vient,c’est en général pour demander une ristournede 5000 euros», se lamente Herbert W.Comme les autres concessionnaires, il s’in-quiète pour la survie de son entreprise. Lacrise des moteurs diesel truqués, à laquelles’est donc ajouté la semaine dernière un nou-veau scandale aux émissions de CO2 supé-rieures à celles affichées, a déclenché dans lepays une spirale de baisses des prix chez lesconstructeurs. «VW tout particulièrement aréagi au scandale avec de forts rabais, noteFerdinand Dudenhöffer, spécialiste du sec-teur à l’université de Duisburg. En octobre, onpouvait trouver sur Internet une Golf neuve

REPORTAGE

Volkswagen Le moteur de

avec une réduction de 29 % ; 28 % pour unePolo.» Ferdinand Dudenhöffer parle mêmed’un «effet VW» qui concernerait l’ensembledes marques du pays: confrontés à la baissedes prix des Volkswagen, les autres construc-teurs seraient eux aussi contraints de revoirleurs prix à la baisse.

UNCERTAINSANG-FROIDChez Herbert W., le téléphone sonne de nou-veau. Cette fois, c’est une cliente exaspéréepar la longueur de l’attente téléphonique. Ellea commandé une voiture avant l’annonce duscandale. Depuis, elle cherche par tous lesmoyens à résilier son contrat. Un cas isolé,jure le concessionnaire de Berlin. Les clientsallemands ont réagi jusqu’à présent avec un

Page 13: Journal LIBE Du Mardi 10 Novembre 2015

Libération Mardi 10 et Mercredi 11 Novembre 2015 www.liberation.fr f facebook.com/liberation t@libe u 13

certain sang-froid, profitant de l’effetd’aubaine pour obtenir une ristourne supplé-mentaire. Mais les choses pourraient changer.Tant que seules les émissions d’oxyde d’azoteétaient en cause, la plupart des clients se con-tentaient d’attendre leur rendez-vous de re-mise aux normes.Mais que faire d’une voiture dont les émis-sions de CO2 sont supérieures à ce qu’annoncela fiche client, alors que le montant de la taxeautomobile est calculé depuis 2009 sur la basede ces émissions de gaz carbonique responsa-bles du réchauffement climatique? Les émis-sions de CO2 de la plupart des véhicules es-sence de marques VW, Skoda, Audi et Seatsont jusqu’à 18% plus élevées que ce que leconstructeur promet sur le papier. Leurs con-

ducteurs redoutent maintenant d’être con-frontés à une forte hausse de leur taxe auto-mobile. Pour l’instant, 800000 véhicules,dont 98000 moteurs à essence, sont concer-nés en Allemagne. Mais Volkswagen annon-çait la semaine dernière n’en être «qu’au dé-but» de la nouvelle enquête interne sur lesmoteurs essence.

RECETTESFISCALES«VW s’est rendu coupable de fraude fiscale endéclarant des émissions de CO2 inférieures àla réalité», s’emportent les Verts, qui exigentune enquête contre le constructeur. Les auto-rités européennes particulièrement sour-cilleuses sur les émissions de CO2, font ellesaussi monter la pression. Longtemps accusé

de mollesse, le gouvernement allemand a,cette fois, réagi avec virulence. Berlin n’est eneffet pas disposé à renoncer aux recettes fisca-les qui lui ont échappé avec cette nouvelle su-percherie. L’association écologiste allemandeDeutsche Umwelthilfe (DUH) estime le man-que fiscal pour la seule année 2015 à 1,8 mil-liard d’euros et à 2,2 milliards pour 2016. Lesestimations incluent aussi les modèles de plu-sieurs concurrents dont DUH est convaincuqu’ils trichent aussi. Alors à Berlin, les conces-sionnaires des autres marques ne se frottentpas les mains face: eux aussi ont affaire à desclients réclamant des baisses de prix. «Ils onttous triché, affirme le mécatronicien de VW.Ils savent bien que le scandale va les rattraperun jour ou l’autre.»•

Carnet

La reproductionde nos petites annoncesest interdite

Le CarnetEmilie Rigaudias00114400110055224455

[email protected]

DécèS

YvetteBERNARD-FARNOUX,RésistanteetdéportéeàAuschwitz-BirkenauGrand-Croixde laLégiond'Honneurs'en est allée samedi 7novembre 2015 aupetitmatin.Unhommage lui sera rendudans laCourd'HonneurdesInvalides 129 ruedeGrenelleParis 75007 lemardi 17novembre à 11 heures,suivi d'unecrémation auCimetière Intercommunal deClamart et d'une inhumationauCimetièredeVanves.De lapart de :ClaudineBAUMANN-AARONSON, sa sœur,et sa familleLa famille de sondéfuntmariAbel FARNOUX,GrandOfficier de la Légiond'Honneur,Ses enfants :SylvianeFARNOUX-TOPORKOFFetMichel TOPORKOFFJean-Guy FARNOUXAgnèsFARNOUX-VOURC'Het Jean-LucVOURC'H,sespetits-enfants :Stéphanie, Irène, Pascal,Karen, Sophie,Marie,Noémie,Camille, Thomasses arrièrespetits- enfants :Louise, Rose, Roman,Solveig, Yoschka, Laïla,Dimitri, Tamara.

Ni fleurs ni couronnes,desdonspeuvent être versésà l'Associationde laMémoiredesDéportés et Résistantsd'Europe2 av. duParc92170Vanves, association crééeparYvette afindetransmettre aux jeunes lesvaleurs de laRésistance.

Grenoble,

JacquesPITIOTVous fait part de sondépart,l'adversitémorale etphysiquedevenait troplourde.Continuez à exercer votrecitoyenneté.

SouvenirS

AliceLEFORTRienn'arrêteranos souvenirsPasmême le train foude latristesse

Document : LIB_15_11_10_CAR.pdf;Date : 09. Nov 2015 - 15:48:49

de l’Allemagne au rabais

Page 14: Journal LIBE Du Mardi 10 Novembre 2015

14 u Libération Mardi 10 et Mercredi 11 Novembre 2015

Tous mes vieuxdebonheurPhoto SachaGoldberger, quiavait pris des clichés loufoques desa grand-mère, en sort un best-of.Et dans une nouvelle sérieexposée à Paris, il met en scèneles relations parents-enfants.

C’est un garçon qui a at-teint son objectif enshootant sa grand-

mère. A bout portant. Sans flé-chir. Depuis dix années. Le nomde ce maniaque ? Sacha Gold-berger, 46 ans, devenu photo-graphe après des antécédents decréatif dans la pub chez desgrands du secteur (Publicis,Scher-Lafarge…). L’identité desa victime préférée? Frederika,96 ans, baronne, surnommée«Mamika» («petite mamie» enhongrois). «Quand j’étais plusjeune, j’étais très inquiet de sadisparition, raconte Sacha Gold-berger. Je me demandais à quij’allais pouvoir parler d’elle, quise souviendrait d’elle. J’en suis àplus de 10 000 clichés de magrand-mère. Maintenant, elle estdevenue immortelle.»

Farce. Une histoire de fous ?Plutôt l’histoire folle d’un petit-fils qui a choisi de faire une farcedes affres de cette vieillesse quel’on préfère taire ou cacher. Ou,au mieux, «montrer en noir etblanc, avec des visages perdus de

retraités qui dorment. Oui, onsait que c’est dur. Mais on peutaussi ne pas sombrer dans leglauque, s’en amuser, déconner,se battre.» Ce qu’il a choisi.Mettre mamie en maison? «Horsde question.» Un rien fauchée surses vieux jours, elle a vendu l’ap-partement du XVIe parisien enviager, mais y réside toujours,entourée d’aide-soignantes, de safille, de son petit-fils qui y a ins-tallé son bureau. Laisser mamiese morfondre à tricoter? Pas legenre. «Quand elle a commencéà déprimer à force d’ennui, j’aidécidé de la faire poser pourmoi», explique Goldberger.De cette idylle est sorti un pre-mier ouvrage il y a cinq ans (Li-bération du 20 octobre 2010) in-titulé Mamika, grande petitegrand-mère, dont le côté déjantéa d’emblée emballé. Cinq annéesplus tard, d’expos en shootingspour des magazines de modebranchés comme Wad ou Sochic,voici le best-of (Mamika, theBest) (1). Sur 280 pages, il aligneles clichés de la presque cente-naire, scrutant l’horizon avecdeux rouleaux de papier cul surles yeux en guise de jumelles, selimant les ongles avec un con-combre ou posant, très digne, en

Par

CATHERINEMALLAVAL

Ci-dessous:Gabrielle et Sacha.Onvoit SachaGoldberger portersamère. Enarrière-plan,Mamika, sa grand-mère.Adroite, de hauten bas:RedLipstick, SheepMamika et FaceLift. PHOTOS SACHA

GOLDBERGER

Page 15: Journal LIBE Du Mardi 10 Novembre 2015

Libération Mardi 10 et Mercredi 11 Novembre 2015 www.liberation.fr f facebook.com/liberation t@libe u 15

habits de la Renaissance avec…un casque de moto sur la miseen plis. Oui, ça charrie. L’absurderéconforte. Et ce n’est pas fini.

Tendresse. Non content dejouer avec sa Mamika, SachaGoldberger s’est mis en tête demitrailler maman : Gabrielle,69 ans, ex-styliste, qui a terminésa carrière comme antiquaire.Dans cette nouvelle série bapti-sée Meet My Mum, il met enscène des fils et des filles portantsur le dos leur mère ou leur pèredans des décors qui rappellentles toiles d’Edward Hopper oudes épisodes de Mad Men. Lepoids de la vie? Des vieux? Desliens familiaux ? Sans doute,mais pas la lourdeur. Cette sérietout en tendresse est exposée àla School Gallery-Olivier Cas-taing à Paris (2), aux côtés deplusieurs portraits de Mamika.Parfait pour se dérider. Lapreuve en quatre clichés.•

(1)MAMIKA, THEBEST

SACHAGOLDBERGERFleuve Editions.Sortie le 5 novembre, 45 euros.(2) Expositionjusqu’au 19 décembre.Rens. : SchoolGallery.fr

«J’adore les super-héros, comme Super-manouCaptainAmerica,quiontété inven-tés par des Américains avec des originesjuivesd’Europecentrale. Pendant laguerre,magrand-mèreasauvé16personnes.Alorsj’ai décidé de faire deMamika une super-héroïne,mais àmamanière», affirme Sa-cha Goldberger.Ainsi, là où les super-héros américains sontinvincibles, il arrive à «Super-Mamika» dese manger des portes, de prendre un taxiplutôt que de voler, parce qu’elle est vrai-ment trop fatiguée ou tout simplement detomber en panne. «Moi,mes super-héros

FORCEETFARCESSUPER-MAMIKARÉSISTE

Un matin d’il y a dix ans, SachaGoldberger décide de faire po-ser mamie, avec une bombe àcheveux en guise de téléphone.A plus de 80 ans, elle com-mence à perdre la mémoire im-médiate, mais ni son esprit nison humour. Ravie de poser, ellesurprend son petit-fils en ren-trant à fond dans le jeu, et en luisuggérant des situations à la li-mite du grotesque. Ainsi, elleinsiste pour se faire tirer le por-trait sur la moto de son petit-fils,mais à l’envers, en tournant ledos au guidon. Elle suggère unescène dans laquelle elle repasseun chien… «Onadécidédemi-ser sur l’incongru, expose Sa-

MÉMOIREGRAND-MÈREPOSEETPROPOSE

Comment fêter la nouvelle année? «Pour 2015, jevoulaisenvoyerdesphotosdemoidéguiséenmou-ton.MaisMamikam’a dit : “Moi aussi, je veux po-ser.”»Alors Sacha Goldberger s’est exécuté, mêmesi Frederika n’a jamais rien eu d’un mouton. Filled’un industriel juif hongrois qui a refusé de porterl’étoile jaune et qui a trouvé la mort au camp deconcentration de Mauthausen, elle a passé la Se-conde Guerre mondiale cachée, après avoir prissoin de mettre sa première fille et sa mère à l’abri.Après les nazis, les Russes. Celle qui a remontél’usine de son père est prévenue à temps, en 1948,qu’elle risque d’être envoyée au goulag. Elle fuit àpied, avec ses deux filles, dont la mère de Sachaqui n’a alors qu’un an. Passe en Suisse, se réfugieen France. Pour vivre, elle décide de travailler dansle textile, où elle est chasseuse de tendances pourles grands du tissu. Métier auquel elle s’est résolueà renoncer à 83 ans. Avant d’entamer cette nou-velle carrière d’égérie de son photographe de pe-tits-fils. «Chaque fois qu’elle regardaitmonbookdephotos, elle disait: “C’est formidable,mais je n’ycomprends rien à cette histoire. Alors, j’ai décidéde l’associer àmon travail. Au fond, elle s’est trom-pée de voie : ma grand-mère aurait dû êtreactrice.”»

LESÉRIEUXDEL’HISTOIRETROMPE-LA-MORT

sont humains. C’est l’Europe romantiquecontre l’Amériquedure, froide», s’emballeSacha Goldberger.Mais foin de trop de sérieux. Comme lephotographe redoutait que sa Mamikas’ennuie à force de solitude, il lui a créé descompagnons. Un poulet, oui, un poulet enpeluche (mais sans le paprika), mais aussiun «Papika» et son double noir, l’amant deMamika.Une friponne, cette Mamika? Dans la vraievie, Frederika Goldberger a été mariéequatre fois. Bilan : quatre divorces. Etalors ?

cha Goldberger.LemagazineWadm’a alors demandé une “série ab-surde”.Ça tombait bien, c’est notrehumourmaison,notrehumournoirjuif de l’Est.» Ainsi a jailli l’idée ducliché de Mamika pédalant sur unvélo d’appartement sur lesChamps-Elysées –«Onn’avait pasd’autorisation,maisona réussi ànepas se faire virer», se marre le pho-tographe – ou se maquillant à tra-vers la visière d’un casque demoto, accessoire dont elle raffole.Elle qui dit toujours à son petit-fils:«Comme ça, on ne voit pas mescheveux.» Coquette la vieilledame ? «Elle veille à être toujourstrès soignée. Et à avoir un certainchic dans ses postures.»

Page 16: Journal LIBE Du Mardi 10 Novembre 2015

16 u Libération Mardi 10 et Mercredi 11 Novembre 2015

En finir avec la dominationde la nature par l’homme

Dans «The Historical Roots of OurEcological Crisis», un article publiéen 1967 dans la revue Science (1) et

qui fit grand bruit, l’historien médiévisteaméricain Lynn White remarquait (déjà…)que la combustion de carburants fossilesmenaçait d’altérer la composition chimi-que de toute l’atmosphère du globe avecdes conséquences, soulignait-il, que nouscommençons seulement à entrevoir clai-rement. Pointant du doigt le fait qu’en de-hors de l’être humain aucune créaturen’avait jamais souillé son habitat avecautant de rapidité, il s’interrogeait sur lescauses de cette situation.Laissant d’abord croire à son lecteur qu’ilimputait ce comportement au progrès

technique, et plus précisément à l’inven-tion, à la fin du VIIe siècle, d’une charruepourvue d’un nouveau type de soc, quimarquait non seulement la fin de l’agricul-ture de subsistance maisaussi l’avènement d’un rap-port radicalement nouveauentre l’humain et le monde–un rapport d’exploitationet de domination–, LynnWhite ne s’arrêtait pas en sibon chemin.Car comment expliquer lapossibilité même de tellespratiques, la diffusion detelles inventions? Seul unchangement radical dans lareprésentation du rapporthumain-nature a rendu pos-sible cette révolution, sou-tient l’historien. Quelle peutdonc être la source de cettenouvelle anthropologie et même de cettenouvelle cosmologie dans laquelle l’hu-main ne fait plus partie de la nature, maisconsidère celle-ci exclusivement commeun objet à mettre en forme pour son usage?C’est dans le texte de la Genèse que LynnWhite trouve la justification ultime du

De la Génèse àDescartes,la puissance humainesemble légitimée à avoirune emprise sur la planète.Il est urgent de rompre aveccette représentation et derompre avec une visionproductive de l’économie.

comportement prédateur et exploiteur del’homme vis-à-vis de la Nature. Le ver-set 26 de Genèse 1 est pour lui sans ambi-guïté : «Puis Dieu dit : faisons l’homme à

notre image, selon notre res-semblance, et qu’il domine surles poissons de la mer, sur lesoiseaux du ciel, sur le bétail,sur toute la terre, et sur tousles reptiles qui rampent sur laterre. […] Dieu créa l’hommeet la femme. […] Et leur dit :Soyez féconds, multipliez,remplissez la terre, et l’assu-jettissez ; et dominez sur lespoissons de la mer, sur lesoiseaux du ciel, et sur toutanimal qui se meut sur laterre.» Le texte biblique con-tiendrait donc, selon lui, lescomposants fondamentauxd’une vision du monde en

rupture complète avec le paganisme :alors que dans l’antiquité, chaque arbre,chaque source, chaque colline avaitson propre genius loci, son gardienspirituel, le christianisme aurait désacra-lisé le monde et permis l’exploitation dela nature.

C’est sur ce fond que pourra alors se déve-lopper une modernité déchaînée, renduepossible par cette nouvelle représenta-tion, qu’un Bacon pourra expliquer com-ment extorquer ses secrets à la nature,qu’un Descartes affirmera «par la Nature,je n’entends point ici quelque Déesse, ouquelque autre sorte de puissance imagi-naire ; mais que je me sers de ce mot poursignifier la Matière même», qu’un Smithdonnera la recette pour démultiplier lapuissance productive du travail avant

Par

DOMINIQUEMÉDA

DR

Professeure de sociologie à Paris-Dauphine, directrice de l’Institutde recherche interdisciplinaireen sciences sociales(Irisso)

HOMME-NATURE,COMMENTSORTIR DURAPPORTDE FORCES?Alors que la COP 21va s’ouvrir à Paris,nous avons demandéà des personnalités denous dire commentchacun doit changer.Mardi prochain, ErriDe Luca, écrivain.

Adamet Eve au jardin d’Eden. Planche tirée de la Vie sainte, illustré par André EdouardMarty (1882-1974) en 1938. PHOTO ISADORA.LEEMAGE

IDÉES/

Page 17: Journal LIBE Du Mardi 10 Novembre 2015

Libération Mardi 10 et Mercredi 11 Novembre 2015 www.liberation.fr f facebook.com/liberation t@libe u 17

qu’au XXe siècle, en une sorte d’apogée, leprogrès et la puissance des Nations puis-sent être résumés par un seul chiffre: letaux de croissance.L’interprétation de Lynn White, très con-troversée, a fait l’objet de nombreuses re-mises en cause: la dernière en date estcelle du pape lui-même qui, dans une allu-sion très claire à cette thèse dans le troi-sième chapitre de sa fameuse encycliqueLaudato Si’, intitulé «la racine humaine dela crise écologique», disculpe Dieu et faitporter l’entièreté de la faute à l’humain, àla diffusion du paradigme technocratiqueet à l’anthropocentrisme alors qu’Adamavait été institué gardien du jardin d’Eden,ayant pour vocation de cultiver celui-ci etd’en prendre soin.Malgré leur différend, Lynn White et lepape en appellent pour sortir de notrecrise écologique à la même solution: la re-ligion. Le premier suggère la nécessitéd’une nouvelle religion, susceptible de dé-finir un nouveau cadre de référence quipermettrait de réinscrire l’humain dans lanature et de constituer un nouveau guidepour les actions humaines. C’est la mêmefigure qui est convoquée dans les deux tex-tes: celle de François d’Assise, le plusgrand révolutionnaire spirituel de l’his-toire occidentale selon Lynn White, parcequ’il a tenté de substituer l’idée d’une éga-lité de toutes les créatures, l’homme com-pris, à celle d’une domination sans bornesde l’homme sur la création.Avons-nous besoin d’une nouvelle religionpour promouvoir une nouvelle représenta-tion du monde? Non, si nous sommes ca-pables, par notre raison –une raison qui neserait plus réduite à sa dimension calcu-lante, à cette rationalité purement instru-mentale visant la seule efficacité dontAdorno et Horkheimer dénonçaient l’ex-pansion et dans laquelle ils voyaient lacause du retour de la barbarie–, si noussommes capables, donc, de comprendrequ’il nous faut désormais instaurer unemanière différente de produire et de con-sommer, de rompre avec l’assimilation duprogrès au taux de croissance et avec leproductivisme et de réintroduire au cœurde nos pratiques quotidiennes de travail etde production l’attention portée aux consé-quences de nos actes, comme y invitaitHans Jonas: «Vis de telle sorte que tes ac-tions soient compatibles avec la perma-nence d’une vie authentiquement humainesur terre.»Dès les années 70, la prise de consciencedes dégâts de la croissance sur le patri-moine naturel, mais aussi sur la cohésionsociale et le travail humain, était aigüe.Jouvenel rappelait déjà que si les gains deproductivité sont un progrès pour le con-sommateur, ils peuvent aussi constituerun «regrès» pour le producteur. L’écono-miste Jean Gadrey, qui appelle à rompreavec l’obsession des gains de productivitéet à lui substituer la recherche de gains dequalité et de durabilité, donne des clésconcrètes pour y parvenir, y compris encréant des millions d’emplois durables quipermettraient la satisfaction des immen-ses besoins sociaux et la refondation denotre système énergétique et productif.Nous sommes capables de concevoir uneanthropologie et une cosmologie permet-tant de promouvoir des actions visant plu-tôt au prendre soin qu’à la prédation. Ellesexigent une rupture radicale avec l’anthro-pologie simpliste trop souvent en voguedans les disciplines qui conseillentaujourd’hui les princes.•

(1) «Science», Vol. 155, 1967

Régionales: au Frontde gauche, on prend lesmêmes et on recommence!Les élections de décembre nemarquent toujourspas un renouvellement du personnel politique.En Ile-de-France par exemple, deux des têtesde liste de la formation n’habitent pasle département, deux se sont déjà vues confierd’autresmandats et toutes sont blanches.

Augmentation constante del’abstention, chute de l’enga-gement dans les partis, dé-

fiance à l’égard du politique… Lesanalyses et les constats s’accumu-lent depuis des décennies mais rienn’y fait. Le système politique fran-çais continue de s’arc-bouter sur sesprivilèges, qui en font la chasse gar-dée d’hommes blancs, plutôt âgés,appartenant aux classes moyennessupérieures. Si ce «communauta-risme» des dominants n’étonneguère à droite, il a de quoi surpren-

dre à gauche,quand cettedernière seprévaut en-core d’idéauxrévolutionnai-res et émanci-pateurs. Cer-tes, cettegauche-làn’est pas nonplus la plusgrandementreprésentéeaujourd’huisur l’échiquierpolitique…Mais raison deplus! On sait legouvernementValls-Hol-lande et la di-rection du PSvendus li-quette, corps

et âme au néolibéralisme. EELV, quia pu, un temps, présenter une ap-proche un tantinet différente et no-vatrice, s’est embourbé dans sescontradictions internes. Quant auFront de gauche, n’en parlons mêmepas. Ou plutôt si, parlons-en juste-ment!Une belle idée au départ. Un bonprogramme: «l’humain d’abord».Une bonne stratégie: unité, autono-mie et mobilisation citoyenne. Unréel début de dynamique militanteet citoyenne, avec même un petitécho dans les quartiers populaires.Cinq ans plus tard, le rassemble-ment est resté un cartel d’organisa-tions de plus en plus étriqué, main-tenu sans grand enthousiasme sousrespiration artificielle, et à qui l’ontente péniblement de redonner vie àl’occasion des échéances électorales.Le spectacle donné au cours des né-gociations pour les prochaines élec-tions régionales est de ce point de

vue particulièrement édifiant. Dis-cussions dominées par la défenseégoïste d’intérêts d’appareils, misede côté de l’implication locale et ci-toyenne, mise au placard de nos re-vendications pour changer les prati-ques et «faire de la politiqueautrement»… Résultat: divisions ré-gionales, absence de lisibilité natio-nale, renouvellement et diversifica-tion de la représentation quasiproches de zéro.Bien sûr, nous savons qu’aucuneinstitution politique, économique,sociale ou culturelle n’est véritable-ment représentative de la Franced’aujourd’hui dans toutes ses diver-sités. Et le Front de gauche n’a ja-mais fait exception. Des réunionsde direction aux bancs du Parle-ment, ses élues et dirigeantes res-semblent peu ou prou à celles etceux des autres partis : majoritaire-ment blanches, relativement âgéeset CSP +. Tout ceci résulte de choixpolitiques (ou en l’occurrence denon-choix) et du refus (au mieux in-conscient mais tenace) de laisserémerger de nouvelles générations.Les prochaines élections régionalesseront un nouvel acte manqué,un de plus.Ainsi, en Ile-de-France, deux destêtes de liste n’habitent pas dans le

département dans lequel elles seprésentent. Elles sont donc «para-chutées». Deux sont déjà élues àd’autres mandats et donc potentiel-lement cumulardes, toutes sontmembres des partis du cartel, et tou-tes sont blanches. Comment ces pra-tiques politiciennes, que nous nepouvons que condamner, sont-ellesencore possibles à gauche? En 2015?Dans une région au tissu associatifdynamique, à la population jeune etsi riche de sa diversité culturelle?L’Ile-de-France serait-elle devenue,du jour au lendemain, une région«de race blanche», sans jeunes, sansclasses populaires? Dans une inter-view à l’AFP en février, MemonaHintermann, journaliste membredu CSA, déclarait que «les télés ontpeur de montrer des Noirs et desArabes». Visiblement, en tête deliste, le Front de gauche aussi. Ilaurait pourtant plutôt intérêt à mé-diter les paroles d’Edouard Glissantet de Patrick Chamoiseau: «Noussommes sur la même yole. Personnene saurait se sauver seul. Aucune so-ciété, aucune économie. Aucune lan-gue n’est, sans le concert des autres.Aucune culture, aucune civilisationn’atteint à la plénitude sans relationaux autres.»Plus de trente ans après la marchepour l’égalité et contre le racisme, etdix ans après les révoltes des quar-tiers populaires, il y a quelques jours,la Marche de la dignité et contre leracisme, à laquelle ont appelé lesprincipales forces du Front de gau-che (PCF, PG, Ensemble), réclamaitjustement le respect des quartierspopulaires dans toutes ses compo-santes. Malgré les luttes contre le ra-cisme d’Etat, les discriminations etles inégalités n’y ont jamais cessé.Parce que, précisément, rien n’achangé. La situation s’est même ag-gravée. La politique du PS, dans lalignée de celle d’une certaine droiteraciste décomplexée, l’a fait empireret a alimenté la montée du FN. Etla gauche radicale n’a ni su ni voulus’adresser à, représenter, et encoremoins s’allier à ces mouvements detoutes les couleurs.Antonio Gramsci disait que «la criseconsiste justement dans le fait que levieux monde se meurt, le nouveaumonde tarde à apparaître, et dans ceclair-obscur surgissent les monstres».Aujourd’hui, à gauche, la vieille poli-tique qui se meurt doit accepter defaire place à la nouvelle, qui s’inventenotamment dans les mouvementsalternatifs et autonomes pour pouvoirvaincre les monstres que nous avonslaissés prospérer. Faire place, en notresein, à l’égalité réelle, incarner l’idéalrépublicain à travers notammentune meilleure représentativité. Faire«place au peuple», à tout le peuple.Le temps nous est compté.•

LESSIGNATAIRESFethi Chouder adjoint au maire(Aubervilliers, Seine-Saint-Denis)Heger BenDjemaasympathisante (Chelles,Seine-et-Marne) Assia Benziane

adjointe au maire (Fontenay-sous-Bois), militante féministePaulineMacEachran

sympathisante (Saint-Denis,Seine-Saint-Denis)SofiaManseri conseillèremunicipale, militante citoyenneféministe et antiraciste(Gennevilliers, Hauts-de-Seine)MadjidMessaoudene conseillermunicipal délégué (Saint-Denis,Seine-Saint-Denis)DanièleObono militanteafro-féministe et altermondialiste(Paris, XIXe arrondissement)MounirOthman sympathisant(Saint-Denis, Seine-Saint-Denis)Raphaële Serreau

conseillère municipale(Saint-Denis, Seine-Saint-Denis),membres du Front de gauche

Le système politiquefrançais s’arc-boutesur ses privilèges quien font la chassegardée d’hommesblancs, plutôt âgés,appartenant auxclassesmoyennessupérieures. Si ce

«communautarisme»des dominantsn’étonne guère

à droite, il a de quoisurprendre à gauche.

Page 18: Journal LIBE Du Mardi 10 Novembre 2015

18 u Libération Mardi 10 et Mercredi 11 Novembre 2015

FannyPigeaud «Les projetsde Gbagbo gênaient les intérêtsfrançais en Côte-d’Ivoire»

Pendant que la bataille juri-dique autour du procès deLaurent Gbagbo s’enlise,

une autre guerre fait rage, sur lefront médiatique. Décrit à lon-gueur de colonnes comme res-ponsable «de la crise née de sonrefus de céder le pouvoir à Alas-sane Ouattara à l’issue de la pré-sidentielle de 2010», Gbagbo sem-ble condamné d’avance. L’imageutilisée en 2006 par Michel deBonnecorse, chef de la celluleAfrique de Chirac, lui colle en-core à la peau : il s’agirait d’«unfasciste» qui commandait «seule-ment une minorité de la popula-tion» en utilisant «des agitateursde rue et des voyous armés».Loin du vacarme ambiant, Fanny Pi-geaud se fait l’écho de voix plus dis-crètes. Celles de diplomates, de mili-taires et de politiques anonymes,qui racontent une histoire infini-ment plus complexe que la fable for-gée dans le feu de la guerre. Journa-liste indépendante, anciennecorrespondante de Libération enAfrique centrale et auteure d’un pré-cédent livre sur le système Biya auCameroun, elle retrace dans France-Côte d’Ivoire, une histoire tronquée(Vents d’ailleurs) vingt ans de turpi-tudes françafricaines. Une enquêtedétonante qui invite à dresser froi-dement le bilan de l’ère Gbagbo.Votre livre dresse un portraitdeGbagboàl’opposéedel’image

qu’onse faithabituellementdelui. Comment le voyez-vous?Ses amis le décrivent comme unbon vivant, toujours dans la séduc-tion, aimant avant tout la chose po-litique. Il a longtemps milité de ma-nière pacifique pour le retour dumultipartisme dans son pays. Ilavait un certain nombre d’idéauxet un programme qu’il voulait ap-pliquer. Mais il a été très vite con-fronté à des adversaires qu’il a, àmon avis, très mal évalués. Rien dece que j’ai trouvé en faisant mes re-cherches ne correspond à l’imaged’homme détestable que la plupartdes médias et dirigeants françaisont véhiculée. Il apparaît plutôtcomme un homme de compromis,tombé dans un piège qu’on lui atendu.Quelétait sonprogrammelors-qu’il a été élu en 2000 ?Il représentait le Front populaireivoirien (FPI), un parti socialiste. Ila fait par exemple voter une loi ins-taurant une assurance-maladie uni-verselle, s’est attelé à rendre l’écoleobligatoire et gratuite. Mais rien oupresque de son programme n’a vrai-ment abouti.Pourquoi ?Ses projets gênaient les intérêtséconomiques et militaires françaisen Côte-d’Ivoire. Au début de sonmandat, Gbagbo a voulu ouvrir lepays à de nouveaux partenaires. Ila donc revu les conditions d’attri-bution de marchés publics. Celan’a pas plu aux Français, quiavaient le monopole sur plusieurssecteurs de l’économie. Il voulaitaussi fermer la base militaire fran-çaise d’Abidjan. Et avait critiquél’existence du franc CFA. Il était àl’opposé de Ouattara, son succes-seur, un libéral proche des milieuxfinanciers et politiques français etaméricains.Il adoncété selonvousvictimede la Françafrique ?Oui. Un certain nombre de faits ra-mènent toujours dans la même di-rection, à savoir des acteurs politi-ques ou militaires français. Arrivéau pouvoir sans que la France l’aitchoisi, Gbagbo pensait qu’il pouvaitavoir un rapport d’égal à égal avecl’ancienne métropole. Son attitude,ses idées dérangeaient Paris. Chiraca manifesté ouvertement son hosti-

Quatre ans après son transfert à LaHaye,l’ancien président ivoirien attend toujoursd’être jugé pour «crimes contre l’humanité»par la Cour pénale internationale.L’ouverture du procès, prévue aujourd’hui,vient d’être repoussée au 28 janvier. Cette foisà la demande de la défense, en raison de l’étatde santé de l’accusé.

lité à son égard. Très tôt, il y a eu destentatives de coups d’Etat contrelui. Celle de 2002 s’est faite avec lesoutien évident du président burki-nabé Blaise Compaoré, étroitementlié à la France. Tout indique égale-ment que des officiels français ontappuyé une autre tentative deputsch, en 2004, à la suite du bom-bardement de Bouaké [ville du cen-tre de la Côte-d’Ivoire, à 350km aunord d’Abidjan, et capitale de la ré-bellion occupant la moitié nord dupays, ndlr] –probablement lui aussimanipulé par Paris, comme l’ontsuggéré des officiers français de-vant un juge d’instruction. Enfin,Paris a tout fait pour écarter Gbagbodu pouvoir en 2010 à l’issue d’uneprésidentielle présentée commetransparente et juste, alors qu’elleétait en réalité truquée. Souscouvert d’un mandat de l’ONU,les militaires français ont faitla guerre à l’armée régulière de laCôte-d’Ivoire, sans le dire.

Desviolencesontétécommisesparsessupporteursen2010.No-tamment dans le quartierd’Abobo,oulorsdelarépressionde la marche du 16 décembre.N’est-il pas responsable ?Je ne suis pas là pour établir des res-ponsabilités. Ce qui m’intéresse,c’est de comprendre ce qui s’estpassé. En retraçant les faits, je mesuis rendue compte que ce qu’onnous a raconté à l’époque ne corres-pond pas à ce qui s’est passé. Lamarche du 16 décembre 2010 est untrès bon exemple. On a accuséGbagbo d’avoir donné l’ordre de ré-primer une manifestation «pacifi-que». En réalité, cette manifestationcomptait des éléments armés de larébellion des Forces nouvelles pro-Ouattara qui ont attaqué. Il y a donceu répression en face. Le campGbagbo savait que les rebelles vou-laient prendre la radio publique etla présidence. Il a agi comme s’ilétait en guerre. Et il l’était.

Pensez-vousquesonprocèsper-mettradefaire la lumièresur lesévénements de 2010-2011 ?Jusqu’ici, les juges ont pris des déci-sions systématiquement défavora-bles à Gbagbo. Cela fait maintenantquatre ans que cette histoire dure,et le procès vient d’être encore re-porté. Le procureur n’a apparem-ment pas d’éléments solides pourdéfendre son dossier, la défense deGbagbo a déjà apporté de quoi re-mettre en cause l’histoire présentéepar le procureur. Mais comme ils’agit d’une affaire éminemmentpolitique, on peut s’interroger sur lavolonté de la CPI de dire le droit.Ceux qui ont amené Gbagbo là où ilest aujourd’hui ont peu intérêt à cequ’il dise tout ce qu’il sait au coursd’un procès. Plus les choses traî-nent, plus ça les arrange. Les jugesattendront-ils qu’il meure de sabelle mort pour refermer le dossier?

Recueilli parÉMILERABATÉ

L'ŒIL DE WILLEM

IDÉES/

FANNYPIGEAUDFRANCECÔTE

D’IVOIRE,

UNEHISTOIRE

TRONQUÉE éd.Ventsd’ailleurs, 256 pp., 24€

Page 19: Journal LIBE Du Mardi 10 Novembre 2015

Libération Mardi 10 et Mercredi 11 Novembre 2015 www.liberation.fr f facebook.com/liberation t@libe u 19

RÉ/JOUISSANCES

Par

LUCLEVAILLANT

Alertez lesbébés! LaFrance-cigogneferaitmoinsd’enfants etnedevraitpas tarder à finir dans les chouxdu

déclinparturient (1).Cettechutede lanata-lité serait le symptômed’unepertedecon-fianceennoscapacitésdeproductionrepro-ductives, entre manque d’agilité desspermatozoïdes gaulois et dépérissementdes ventres féconds d’où ne sortirait plusaucune jolie petite bête.Tout cela serait bien sûr àmettre au débitdusocialisme (mollement) redistributifdesgéniteursprolifiquesquinousdirigent,Hol-landeetValls ayantquatre enfants chacun.Leurquotapersonneldoublement rempli,nos deux malthusiens s’acharneraientaujourd’hui à lester la couche-culotte fis-

cale et àplomber le laitmaterniséde taxesnouvelles.Il estvraique laprimeà lanaissanceestver-séeplus tardivement,que lequotient fami-lial n’est plus une facilité de riches et quel’onvavers la finde l’universalitédesallocsqu’ont toujours célébrée les natalistes lesplus croyants dans les vertus de ces cellu-les biologiques où papa lit et mamancoud. Ce qui éviterait aux enfants de faireles 400 coups.Relativisons sansattendre!Ladernièreex-ceptionnationale seporte encore fort biendans un continent à petit remplacement.L’ex-filleaînéede l’Eglisedevenueavorteuseheureuse remplit encore lesberceauxàunniveauinconnudesesvoisins.LaFrancedé-

Après le baby-boom,le bébé badaboum?

La France feraitmoins d’enfants? Peut-être. Mais queles amants natalistes demère Nature évitent de renvoyerles femmes à lamaison, nurser les poupons.

primée est toujours reine des poussetteseuropéennes. Elle devance l’Irlande, quipeineàentrerdans lepost-catholicismeetlaSuède,quin’adoncpascoupé lescouillesà tous lesmâles enâgedeprocréer. Enbasdubabygro,ontrouve laGrèceet l’Espagne.Ce qui pourrait s’expliquer facilement, sil’Allemagne, lanouvellematriarcheécono-mique, n’était elle aussi enpannede chairàpoupons.Dans le jolipaysd’Angela, sihu-main, si compassionnel, si écolo, la jeune«mutti»doitnursersonkinderaulieud’allerau boulot, sinon ce n’est pas bueno et ellerisque de se faire traiter de corbeau.L’Allemagne a choisi de résoudre son pro-blème de dénatalité en ouvrant grand lesbrasauxréfugiés.C’estunepossibilité inté-ressante. Il estd’autresvoiesàexplorerquipourraientaussiséduire laFrancesi laréces-sion démographique se confirme. Cela apournomgestationpourautrui etprocréa-tionmédicalementassistée,qu’il fautencou-ragerau lieudetoujourspasserpar lesvoiesnaturelles.Facilitonségalement l’adoption,qui reste unparcours du combattant alorsque cela pourrait permettre d’exfiltrer deszonesdeguerre les futurs enfants-soldats,lesprochaineskamikazesvoilées et autrespetits frères d’Aylan.Et n’oublions pas de lancer le mercato del’adoption, comme cela se pratique auxEtats-Unis.Commeenfoot, le joueur-enfantpourrait changerdeclub-parents.Et inver-sement… On pourrait aussi permettre lestransferts au sein des familles de sang. Etcela quel que soit l’âge. Je vous fichemonbillet qu’il y aurait de la demande.Pour l’instant,cesontencore les femmesquimettentaumondelesenfants.Enattendantquel’hommedevienneunemèrecommelesautres, je voudrais témoignerdemongoûtpour lemodèle français. Et tantpis simon

égalitarismevous sembleunpeuchauvin,si cen’est germanophobeou religiophobe.Cela me plaît que mes compatriotes nesoientpas assignées auxcouches-culottesqu’il faut désormais laver à la main pouravoir 10 sur 10à sonbilande compétencesdécarbonées.Je suis contentque les fraîchesaccouchéeséchappentsans tarderà l’assignationàrési-dence. La mixité au bureau est un plaisirtoujours recommencé. Ne réglons pas laquestionduchômageenrenvoyant lamoitiéde lapopulationenâgedeprocréerdanssesfoyers.Partageons le travailetpensonsreve-nus d’existence,mais surtout permettonsauxmèresparfaitescommeauxpapaspou-les d’échapper à l’enfermement parental.Pour êtreheureux, il fautpouvoir changerde lieuetmultiplier les allers-retours sansoublierde s’égarerdansquelquesnoman’sland imaginaires.Etc’estpourquoim’énerventabsolument lesrecommandationsde l’Organisationmon-dialede la santé (2), quiprône l’allaitementjusqu’à6mois.Vive lesevrageenbasâgequiéviteauxdamesenrelevailles ladévorationde leurs tétonsmignons.N’yvoyezaucunejalousie intergénérationnelle.C’est justequela santé du pauvre petit bébé occidental,gavéd’hygiénismeprotéiné,n’apasgrand-choseà craindredesbiberons lactés etdestétinesplastifiées. Ilestbienplusperturbantpour l’équilibre futur d’une société qu’onrenvoie les mères à lamaison et qu’on re-fonde la différenciation sexuelle. Et celam’horripilederéaliserquecertainsdécrois-sants veggies, naturalistes bios ou fonda-mentalistes verts veulent eux aussi réser-ver les seins des femmes au maternagenewage.•(1) «Le Parisien» du 4 novembre.

(2) «Libération» du 22 septembre.

ECONOMIQUES

Par

IOANAMARINESCU

Dansune interviewauPari-sien le 2novembre,NicolasSarkozyacritiqué lapoliti-

que du gouvernement, remar-quant: «Il yaundomainedans le-quel [la ministre de la Justice]Christiane Taubira tient ses pro-messes: lenombrededétenusadi-minué enFrancedepuis troisans.Lesdélitsaugmententet lenombredegensenprisondiminue,quipeutl’accepter?»Cette petite phrase asuscitéunepolémiqueconcernant

les chiffres cités par l’ex-prési-dent. Au-delà de celle-ci, NicolasSarkozy semble vouloir direqu’augmenter le nombre de gensenprison ferabaisser la crimina-lité.AuxEtats-Unis, lenombredeprisonniersparhabitantaétémul-tipliépar cinqdepuis ledébutdesannées70.Onpeutdoncexaminerl’expérience américaine pourmieux comprendre l’impact decette politique sécuritaire sur lacriminalité. L’augmentation fou-

Plus de détenus =moinsd’insécurité? Faux

Nicolas Sarkozy s’est inquiété de la baisse dunombre de détenus en France. Le contre-exempledes Etats-Unis, où le nombre de prisonniers a étémultiplié par cinq, devrait le rassurer.

droyante du nombre de prison-niers aux Etats-Unis s’expliquesurtout par l’augmentation de lasévéritédespeines. Par exemple,lapolitique californienne«ThreeStrikes You’re Out» impose unepeined’aumoinsvingt-cinqansdeprisonpour la troisièmeinfractioncouvertepar la loi.Cettepolitiquea seulement euun effet dissuasifsur les criminels qui avaient déjàcommisdeuxinfractions,etmêmecet effet aétéassez faible.Plusgé-néralement, la recherchemontreque l’augmentationde la sévéritédespeinesdissuade,maisceteffetdissuasif est faible (DurlaufetNe-gin, 2010).Pendantqu’ils sont enprison, lesdélinquantsne sont évidemmentpas enmesure de commettre descrimes. Mais que se passe-t-ilquandilsensortent?Pourpouvoirexaminer rigoureusement l’effetde laduréede lapeinesur ladesti-néedesprisonniersaprès leursor-tie, il fautexaminerdes situationsoù la durée de la peine varie parchance. Ainsi, si un accusé a lamalchance (de son point de vue)de tombersurun jugeplussévère,il va passer plus de temps en pri-sonques’il tombesurun jugeplusclément.Enutilisantcettevariationdans lasévéritédes juges,Mueller-Smith(2015)montreque,pour lespetitscriminels,passerplusdetempsen

prisonaugmente laprobabilitéderécidiveà lasortie.Avecunepeineplus longue, le criminel commetmoinsdecrimespendantqu’il esten prison, mais il commet beau-coup plus de crimes quand il ensort. Passer plus de temps enpri-son augmente la récidive parcequ’il estplusdifficilede retrouverunemploi.Deplus, la prisonmetles criminels en contact avecd’autrescriminelsqui leurdonnentdes idéespourcommettredescri-mes,etpeuventmêmeensuiteser-vir de complices.Ilestparticulièrementtragiquequel’incarcérationdesdélinquantsmi-neursmèneàuneaugmentationdelacriminalitéà l’âgeadulte.Cetef-fetnéfasteaétédémontréparAizeret Doyle (2015) en comparant lesdélinquantsmineursassignésàdesjuges sévères qui les envoient enprison,et lesdélinquantsassignésàdes jugespluscléments.Les jeu-nes qui ont eu la malchance detombersurunjugesévèreetd’allerenprisonontmoinsdechancesderetournerà l’écoleetplusdechan-cesde continuerdans la crimina-lité à l’âge adulte.Celaveut-ildirequ’ilnefautpaspu-nir?Absolumentpas.Lesrésultatsquejeviensdedécrires’appliquentà ceuxquin’ontpas étédissuadésdecommettredescrimes.Or, il fautconsidérerà la fois l’effetdissuasifdelaprisonetsoneffetpotentielle-

menttrèsnégatifpourceuxquinesontpasdissuadésetcommettentquandmême des crimes. En pre-nant en compte cesdeuxaspects,onpeutconclurequ’augmenter lasévérité des peines n’est pas unepolitique efficace pour réduire lacriminalité.Eneffet, l’effetdissua-sifde lasévéritédespeinesestmo-deste, et lecoûtde longuespeinesdeprison est élevé à la fois en ter-mesdecrimesàlasortiedeprison,etendollars (il fautpayerpour lesplacesdeprison).Unepolitiquebeaucouppluspro-metteuseest laprévention,notam-ment via le déploiement efficacedes forces de police. Un exempledemesure particulièrement effi-cace est la concentration du dé-ploiementpolicierdans lespointschauds («hot spots»), comme lescoinsderueoù,àcertainesheuresde la journée, laplupartdescrimesont tendanceà seproduire. Cetteméthodeaété testéepardesexpé-riences grandeur nature et la ré-duction des crimes commis esttrès substantielle par rapport aucoût. L’expérience américainemontreainsi les limitesde l’empri-sonnementcommeinstrumentdeluttecontre lacriminalité.Contrai-rement à ce que semble suggérerNicolas Sarkozy, mettre plus degensenprisonn’estpas forcémentlameilleure stratégie pour luttercontre l’insécurité.•

Page 20: Journal LIBE Du Mardi 10 Novembre 2015

20 u Libération Mardi 10 et Mercredi 11 Novembre 2015

ABONNEZ-VOUS À LIBÉRATION

Ofre à durée libre sans engagement

Offre intégrale

Par mois(1), soit plus de 55% de réduction par rapport au prix

de vente en kiosque.

25€

Nom

Oui, je m’abonne à l’offre intégrale Libération. Mon abonnement

intégral comprend la livraison chaque jour de Libération et chaque samedi de Libération

week-end par portage(2) + une fois par mois le magazine Next + l’accès aux services

numériques payants de Libération.fr et au journal complet sur Iphone et Ipad.

Prénom

E-mail

(obligatoire pour accéder aux services numériques de Libération.fr et à votre espace personnel sur Libération.fr)

(les 3 derniers chiffres au dos de votre carte bancaire)mois année

@

Code postal

Numéro de téléphone

N° Rue

Ville

Carte bancaire N°

Expire le J’inscris mon cryptogramme

Règlement par carte bancaire. Je serai prélevé de 25€ par mois(1) (au lieu de 55€, prix au

numéro). Je ne m’engage sur aucune durée, je peux stopper mon service à tout moment.

Règlement par chèque. Je paye en une seule fois par chèque de 300€ pour un an

d’abonnement (au lieu de 662,70€, prix au numéro).

Vous pouvez aussi vous abonner très simplement sur : www.liberation.fr/abonnement/

(1) Tarif garanti la première année d’abonnement. (2) Cette offre est valable jusqu’au 31/12/2015 exclusivement pour un nouvel abonnement

en France métropolitaine. La livraison du quotidien est assurée par porteur avant 7h30 dans plus de 500 villes, les autres communes sont

livrées par voie postale. Les informations recueillies sont destinées au service de votre abonnement et, le cas échéant, à certaines publications

partenaires. Si vous ne souhaitez pas recevoir de propositions de ces publications cochez cette case .

Signature obligatoire :

À découper et renvoyer sous enveloppe afranchie à Libération, service abonnement, 11 rue Béranger, 75003 Paris. Ofre réservée aux particuliers.

ABONNEZVOUS

H55a.mariérencontrerait F.situation idempourrelation affective etsexuelle durabledansrespect, créativité,intensité.- Une annoncedansLibé ?à l'heuredeMeetic etGleeden ?! c'est d'undémodé-Unebelle rencontre esttoujours une lumièred'oùqu'elle vienne.Ecrivez-moi unmot sur :[email protected]

CherAtiqRahimi, unechronique sur LaballadeduCalameest en lignesur Passiondulivre.com.Merci !Ingrid

DIVersrÉperToIre

Disquairesérieuxachètedisquesvinyles33t/45t.Pop/rock, jazz,classique,...Grandequantitépréférée.Déplacementpossible.Tél. :0689687143

DÉmÉnageUrs

"DÉMÉNAGEMENTURGENT"MICHELTRANSPORTDevisgratuit.Prix très intéressant.Tél. [email protected]

anTIQUITÉs/BroCanTes

AchètetableauxanciensXIXe et Moderne

avant 1960

Estimation gratuiteEXPERT MEMBRE DE LA [email protected]

06 07 03 23 16

Tous sujets, école de Barbizon,orientaliste, vue de venise,marine, chasse, peintures degenre, peintres français &étrangers (russe, grec,

américains...), ancien atelierde peintre décédé, bronzes...

[email protected] 40 10 51 51Libération est officiellement habilité pourl’année 2015 pour la publication des annonceslégales et judiciaires par arrêté de chaquepréfet concerné dans les départements :75 (5,49€) - 91 (5,12€) - 92 (5,49€) - 93 (5,49€)94 (5,49€) tarifs HT à la ligne définispar l’arrêté du ministère de la Culture etla Communication de décembre 2014.

Annonces lé[email protected] 40 50 51 66

[email protected] 40 10 51 66

Entre-nous

messagespersonnels

92HAUTS-DE-SEINE

<J3><O>0001812450</O><J>10/11/15</J><E>LIB</E><V>1</V><P>10</P><C>1</C><B>0000707191</B><M>egm</M><R></R></J3>@

EGMSociété par Actions Simplifiée

au capital social de 70 000 Eurossiège social :

5, rue des Courrières92000 NANTERRE

SIREN 349 146 415 RCS NANTERRE

Aux termes du procès-verbal du 24septembre 2015, l'associée uniquestatuant conformément à l'articleL.223-42 du Code de commerce, adécidé de ne pas dissoudre la société.

Mention sera faite au RCS deNANTERRE.

NOUVEAU

est habilité pour toutesvos annonces légalessur les départements

75 - 91 - 92 - 93 - 94

Votrejournal

Renseignements commerciauxde 9h00 à 18h00 au 01 40 10 51 51ou par email : [email protected]

Divers société

Vous souhaitez passerun messagedans les rubriques

TRANSPORTSAMOUREUX,MESSAGESPERSONNELS,JOUR DE FÊTE.Professionnels,contactez-nousau 01 40 10 51 50,Particuliersau 01 40 10 51 [email protected]

Document : LIB_15_11_10_PA.pdf;Date : 09. Nov 2015 - 15:41:23

Page 21: Journal LIBE Du Mardi 10 Novembre 2015

Libération Mardi 10 et Mercredi 11 Novembre 2015 www.liberation.fr f facebook.com/liberation t@libe u 21

SCREENSHOTS

Jamais undocumentaire n’avait autant inquiété laScientologie.Mais lesmenaces de la secte pour torpillerla diffusiondeGoingClear (Scientologie, sous emprise)auront surtout servi à attiser la curiosité. Ovationné àSundance et auréolé de trois EmmyAwards, le filmd’AlexGibneydécortique lesméthodes et lesmensongesde l’organisation fondée audébut des années 50parRonHubbard. «Lemeilleurmoyende gagner de l’argent est defonder sapropre religion», avait prophétisé le gourou.Basé sur des images d’archives inédites et lestémoignages glaçants d’anciens responsables dumouvement, le documentairemontre comment la sectea basculé dans la tyrannie sous la coupede son leader,l’inquiétantDavidMiscavige. Rongéepar les dissidencesinternes, condamnée enFrancepour «escroquerie enbandeorganisée» et enprocès enBelgiquepour«organisation criminelle», la Scientologie voit fondre lenombrede ses adeptesmais reste à la tête d’un trésorestiméàplus de 3milliards dedollars. Cettemanne sertnotamment à financer les bassesœuvres de l’OSA (Officeof Special Affairs), le service secret de la secte, dont lamission consiste à faire taire ses opposants.

EMMANUELFANSTENSCIENTOLOGIE, SOUSEMPRISE

mercredi sur Canal+ à 20h55.

Nettoyageà sectewww.liberation.fr11, rue Béranger

75154 Paris cedex 03tél.: 01 42 76 17 89

Edité par la SARLLibération

SARL au capitalde 15 560 250 €.11, rue Béranger,

75003 ParisRCS Paris: 382.028.199

Durée: 50 ans à compterdu 3 juin 1991.

Associés: SAinvestissements Presse

au capital de 18 098 355 €et Presse MediaParticipations

SAS au capital de 2 532 €.

CogérantsLaurent Joffrin

Marc LauferDirecteur opérationnel

Pierre FraidenraichDirecteur

de la publicationet de la rédaction

Laurent JoffrinDirecteur en charge

des EditionsJohan Hufnagel

Directeurs adjointsde la rédaction

Stéphanie AubertDavid Carzon

Alexandra SchwartzbrodRédacteurs en chef

Christophe Boulard (tech.) Guillaume Launay (web)

Directeur artistiqueAlain Blaise

Rédacteurs en chefadjoints

Michel Becquembois(édition), Grégoire Biseau

(France), SabrinaChampenois (Next), Lionel

Charrier (photo), CécileDaumas (idées), Jean

Christophe Féraud (futurs),Elisabeth Franck-Dumas(culture), Didier Péron(culture), Marc Semo

(monde), SibylleVincendon et Fabrice

Drouzy (spéciaux).Directeur administratif

et financierGrégoire de VaissièreDirectrice Marketing

et DéveloppementValérie Bruschini

Service [email protected]

[email protected]

abonnements.liberation.frtarif abonnement 1 an

France métropolitaine: 391€tél.: 03 44 62 52 08

PUBLICITÉDirecteur général

de Libération MédiasJean-Michel Lopestél. : 01 44 78 30 18

Libération Medias. 11, rueBéranger, 75003 Paris.

tél.: 01 44 78 30 67

Amaury Médias25, avenue Michelet 93405

Saint-Ouen cedextél.: 01 40 10 53 04

[email protected] annonces. Carnet

IMPRESSIONMidi-Print (Gallargues)

PoP (La Courneuve)

Imprimé enFrance

Membre deOJD-Diffusion

Contrôle.CPPP: 1115C80064. ISSN0335-1793.

La responsabilité dujournal ne saurait être

engagée en cas de non-restitution de documents.Pour joindre un journaliste

par mail : initiale dupré[email protected]

Libérationest une publication

du Groupe PMPDirecteur général

Pierre FraidenraichDirectrice Marketing

et DéveloppementValérie Bruschini

TF1

20h55. Mentalist. Série. ...

Avec le feu. Mariage endeuillé.

22h40. Mentalist. Série.

FRANCE 2

20h55. Un jour, une histoire.Documentaire. The Queen.

22h50. Infrarouge. Documen-

taire. Les enfants du péché.

FRANCE 3

20h50. Les fusillés. Téléilm.

Avec : Grégoire Leprince-Rin-

guet, Michaël Grégorio.

22h35. Grand Soir 3. 23h15.Ma bonne étoile. Film.

CANAL +

20h55. Un homme très recherché. Espionnage.

Avec : Philip Seymour Hof-

man, Grigoriy Dobrygin.

22h55. Retour à Ithaque. Film.

ARTE

20h55. En guerre. Documen-

taire. 22h35. Shoah, les oubliés de l’histoire.Documentaire.

M6

20h55. La France a un incroyable talent. Divertisse-

ment. Les auditions. 23h00.La France a un incroyable talent, ça continue.Divertissement.

FRANCE 4

20h45. Les animaux du zoo.Documentaire. 22h15. Une sai-son au zoo. Documentaire.

FRANCE 5

20h40. La dette (1974-2015) -Chronique d’une gangrène.Documentaire. Partie I

(1974/1992). Partie II

(1992/2015). 22h40. C dansl’air. Magazine.

PARIS PREMIÈRE

20h45. Deux hommes dans laville. Policier. Avec : Jean

Gabin, Alain Delon. 22h30. Il était une fois en Amérique.Film.

TMC

20h55. Dans les coulisses duZoo le plus étonnant deFrance. Documentaire. 22h40.Puy du Fou : dans les cou-lisses du parc d’attractionpréféré des français.

W9

20h55. Enquête d’action.Magazine. Douanes : la grande

traque anti-drogue et argent

sale. 23h00. Enquête d’action.

NRJ12

18h10. Smallville. Série.

A.D.N. Ryan.20h55. Le gar-dien du manuscrit sacré. Film.

D8

20h55. The expatriate. Film

d'action. Avec : Aaron Eckhart,

Olga Kurylenko. 22h55. Lerègne du feu. Film.

NT1

20h55. Percy Jackson : la merdes monstres. Aventure.

Avec : Logan Lerman, Alexan-

dra Daddario. 23h00. HôtelTransylvanie. Film d’anima-

tion.

D17

20h50. Alone : les survivants.Divertissement. 3 épisodes.

23h40. American pickers :chasseurs de trésors.Divertissement.

HD1

20h50. Section de recherches. Série. Le haras.

Randonnée mortelle. Tourner

la page. 22h55. Section de recherches. Série.

6 TER

20h55. Coast guards. Aven-

ture. Avec : Kevin Costner,

Ashton Kutcher. 23h20. Ter-rain d’investigation. Maga-

zine.

CHÉRIE 25

20h55. Philadelphia. Drame.

Avec : Tom Hanks, Denzel

Washington. 23h15. La ven-geance de Monte-Cristo. Film.

NUMÉRO 23

20h45. Toi et moi. Comédie

dramatique. Avec : Marion

Cotillard, Julie Depardieu.

22h30. Entre ses mains. Film.

LCP

20h30. Droit de suite.Documentaire. Le déi de

réformer, Jacques Chaban

Delmas. 21h30. Débat.

a la tele ce soir

Strasbourg

Dijon

Lyon

Toulouse

Bordeaux

Orléans

Nantes

Caen

Brest

Lille

Paris

MontpellierMarseille

Nice

Strasbourg

Dijon

Lyon

Toulouse

Bordeaux

Orléans

Nantes

Caen

Brest

Lille

Paris

MontpellierMarseille

Nice

-10/0° 1/5° 6/10° 11/15° 16/20° 21/25° 26/30° 31/35° 36/40°

Soleil

Agitée Peu agitée Calme Fort Modéré Faible

Éclaircies OrageNuageux Pluie/neigePluie NeigeCouvert

0,3 m/18º

La persistance de conditions anticycloni-ques rend la prévision plus incertaine dansle détail, avec sans doute beaucoup denuages bas et brouillards dans l'ensemble. L’APRÈS-MIDI La grisaille matinale restetenace du Médoc aux Pays de la Loire, vers leBoulonnais et le Cotentin, tandis qu'ailleursles conditions sont plus changeantes. Cieldégagé entre les Pyrénées et les Alpes.

MARDI 10Persistance d'un temps calme etanticyclonique avec son lot de brouillardset nuages qui sont parfois tenaces. Cielplus dégagé ailleurs. L’APRÈS-MIDI La grisaille pourrait semontrer persistante au nord et près descôtes atlantiques, vers le Val de Saône etautour du Golfe du Lion. Ailleurs, leschances d'éclaircies sont plus importantes.

MERCREDI 11

0,3 m/15º

0,3 m/15º

0,6 m/17º

0,6 m/16º

IP

04

91

27

01

16

0,3 m/18º

0,3 m/15º

0,3 m/15º

0,6 m/17º

0,3 m/17º

FRANCE MIN MAX

Lille CaenBrest NantesParis Nice Strasbourg

FRANCE MIN MAX

Dijon LyonBordeaux AjaccioToulouse Montpellier Marseille

MONDE MIN MAX

Alger BruxellesJérusalem LondresBerlin Madrid New York

99

13128

119

14141415151616

8111215131312

16181918202315

16101513119

11

22132015142116

8 5

6 7 4 2 8 5 9

1 8

9 7

2 3 9 8

8 4 1 2 7

7 8 3 6 1

6 7

6 3 8 2

2 4 8 1

1 7

6 9 2 5 3

4 5

3 9

9 1

4 5 2 3 9

8 9

8 6 4 1

◗ SUDOKU 2887 MOYEN ◗ SUDOKU 2887 DIFFICILE

SUDOKU 2886 MOYEN

5 3 2 6 9 8 4 7 1

1 9 7 2 5 4 6 8 3

6 4 8 1 7 3 9 5 2

8 6 4 3 1 9 7 2 5

7 5 3 4 2 6 1 9 8

2 1 9 7 8 5 3 6 4

3 7 5 9 4 2 8 1 6

4 2 1 8 6 7 5 3 9

9 8 6 5 3 1 2 4 7

SUDOKU 2886 DIFFICILE

5 6 2 7 3 9 8 1 4

7 1 9 4 6 8 5 2 3

8 4 3 5 1 2 9 6 7

2 3 1 8 7 4 6 5 9

6 5 7 1 9 3 2 4 8

9 8 4 6 2 5 7 3 1

1 7 5 3 8 6 4 9 2

4 9 8 2 5 1 3 7 6

3 2 6 9 4 7 1 8 5

Solutions desgrilles d’hier

ON S’EN GRILLE UNE? Par GAËTAN GORON

HORIZONTALEMENT

Solutions de la grille d’hierHorizontalement I. ÉVOCATEUR. II. CISELEUSE. III. ON. LUS. UE. IV. RALENTIR. V. NIUE. ASPE. VI. IGS. VISAS. VII. FRISAS. TP. VIII. LÉTAL. NOÉ. IX. ÉTAL. KIIR. X. UTILISERA. XI. RÉNÉGATES.Verticalement 1. ÉCORNIFLEUR. 2. VINAIGRETTE. 3. OS. LUSITAIN. 4. CELÉE. SALLE. 5. ALUN. VAL. IG. 6. TESTAIS. KSA. 7. EU. ISS. NIET. 8. USURPATOIRE. 9. RÉE. ESPÉRAS.

Grille n°140

1 2 3 4 5 6 7 8 9

I

II

III

IV

V

VI

VII

VIII

IX

X

XI

VERTICALEMENT

I. Jeune fille en fleur, narcisse en l’occurrence II. Pour ouvrir une page ; Classait pour les plus grands III. Lier une valeur à une autre IV. En-cas à Guadalajara ; Angle droit V. Organiserai VI. Peut-être la terre d’Abraham ; Acronyme contre trois maladies ; Note clé VII. Délices en bois ; Lieu de bonheur VIII. Ferais abstraction IX. Familier et désagréable ; Leurs baies sont dangereuses X. Toux, ièvre et frissons, voire pire XI. Autour de quatre pour une corde ; L’une des voies du lycée

1. Porté par le seigneur des anneaux 2. Fils de Juda ; Oui 3. Amie d’un lapin ; Montagne française 4. Après, il n’est point possible de revenir 5. Celui de la poule est dangereux ; Il est plus agréable à la taille que taillé 6. Jolie ville sur la Manche ; Maillon de la chaîne 7. Imposer ; Le corps du Christ 8. À la fois trois cinquièmes de tiers et demi-moitié ; Son homophone fait beaucoup plus peur que lui 9. À la fois synonyme et antonyme de inesses

Page 22: Journal LIBE Du Mardi 10 Novembre 2015

22 u Libération Mardi 10 et Mercredi 11 Novembre 2015

Aux Inrocks,les poulainssont lâchésEcurieRepérages au seind’une 28e édition, forte ennouvelles têtes, du festivalqui débutemercredi.

L’un des éléments fondateursdes Inrockuptibles, dont ildirige depuis lors les pages

Musiques et programme le festivalautomnal, Jean-Daniel Beauvalletdéchiffre pour Libération les axesd’une affiche moins garnie en têtesd’affiche flashantes qu’à l’accoutu-mée (malgré la présence de chou-chous maison tels que John Grant,Lindstrøm ou Algiers), et qui se veutd’autant plus défricheuse.Edition 2015, quoi deneuf?Cette année, on a dû faire avec pasmal d’annulations de dernière mi-nute dont on se serait passé. Entrepas mal d’albums repoussés et aumoins deux artistes quifont faux bond pour rai-sons de santé mentaleou d’internement, on n’a pas forcé-ment été très chanceux. Sans parlerde Christophe, qui fait son Christo-phe, en passant deux fois plus detemps que prévu sur son album, quiest loin d’être fini. Il nous avait pro-mis de nous donner la premièredate de concert autour de ce disque,mais ce sera plus sûrement pournovembre 2016 ou 2017…Queraconte laprogrammation?Pour la première fois, on s’est essayéà composer des plateaux assez ra-tionnels, compacts, avec une vraieunité de son. Comme celui avec FatWhite Family, The Districts, WolfAlice et Bo Ningen, qui se retrou-vent entre joyeux déglingués.L’album de Fat White Family devaitsortir là, et ce sera finalement pour

le début d’année prochaine, c’estdommage pour une tête d’affiche,mais ils viendront défendre leurshow, qui est dément, entre laisser-aller euphoriques à la HappyMondays et tournures sonores à laSpiritualized. C’est vraiment de lamusique de drogué, quoi. Et enplus, ces types sont très touchants,imprévisibles et désespérés… Tusens bien que si tu leur enlèves lamusique, il ne leur reste plus riendans la vie.D’ailleurs, ce genre de rapproche-ments fait sauter certaines chosesaux yeux: par exemple, en program-mant côte à côte Flavien Berger, SonLux, Ghost Culture et Formation, ona l’impression nette qu’il se dessineun truc. Un mélange désormais

complètement assuméet digéré de songwritinget d’électronique, tout

aussi entiers l’un que l’autre. Claire-ment, les uns et les autres auraientfait du folk il y a vingt ans, etaujourd’hui ils travaillent tous avecdes machines, mais en purs son-gwriters.Desdécouvertes?J’aime beaucoup Jack Garratt, quiva être une grosse révélation l’annéeprochaine, à mon avis. C’est unjeune Anglais, un peu un Musclor àcœur d’artichaut comme on lesaime bien, qui cache un côté EliottSmith très doux dans un physiquede bûcheron. Ces dernières années,dans le sillage de James Blake, on asurtout entendu des choses épou-vantables, et s’il y en a bien un quipeut soutenir la comparaison, c’estlui. Il y a aussi Algiers, dont je suis

fan, qui est sans doute le groupepour lequel je me suis le plus battusur ce festival, alors que la concur-rence les voulait. J’adore leur al-bum, ce mélange de gospel, d’in-dus, de post-punk, et je suis sûr qu’ilva se passer quelque chose surscène.Dure, la concurrence?Pas simple, disons, mais on estquand même sur un créneau ànous. Avec Pitchfork, on a une sortede gentlemen’s agreement, on ne sepose pas trop de problèmes. Biensûr, on ne peut pas du tout s’alignersur leurs prix, puisque nos jaugesn’ont rien à voir, et il y a donc desnoms qu’on a dû laisser filer fautede pouvoir suivre. Mais il y a aussides groupes comme Algiers qui ontpréféré venir jouer chez nous, dansde vraies salles, que dans unegrande halle démesurée. Il n’y a pasde guerre ouverte, d’autant qu’onboucle en général notre marchéavant les autres. C’est juste que cetteannée, on a donc accumulé les dé-fections tardives, et que trouver desremplaçants à la dernière minutesans rien lâcher artistiquement de-vient alors compliqué. Même si jesuis ravi par exemple que ça nousait permis de programmer à la placede Tobias Jesso Jr., dont l’album estl’un des plus forts de l’année, le fan-tastique C Duncan, qui va devenirtrès important l’année prochaine.C’est notre autre difficulté : sansdoute que l’on arrive un peu tôt surcertaines découvertes, avant qu’el-les ne remplissent des grandes sal-les. Et si on apprécie la fidélité à no-tre égard d’artistes comme Pulp, onaime renouveler les forces en pré-sence, ne pas s’enfermer dans desautomatismes qui nous auraientconduits cette année à réinviterNew Order, par exemple.•

FESTIVALLES INROCKS-

PHILIPSDu 11 au 17 novembre,à Paris, Londres, Tourcoing,Lyon, Nantes et Toulouse.Rens. : www.lesinrocks.com

Recueilli par

JULIENGESTER

INTERVIEW

CULTU

RE/

Flavien Berger, humeur dadaïste. PHOTOA.MONTANOETM.PEYRAUD

Page 23: Journal LIBE Du Mardi 10 Novembre 2015

Libération Mardi 10 et Mercredi 11 Novembre 2015 www.liberation.fr f facebook.com/liberation t@libe u 23

FlavienBergerlabobizarre

Apeu près tous les articles etinterviews consacrés à Fla-vien Berger tournent autour

du caractère inclassable, hors genrede ce jeune musicien et chanteurqui, interrogé sur ses influences,multiplie à loisir les items dérou-tants tels que le chanteur de néo-soul D’Angelo, le duo Suicide, lekrautrock seventies de Neu! maisaussi bien «un vieux livre animalierqui traînait chez ma copine» ou lesromans SF de Ray Bradbury.Dans le EP Mars balnéaire, il vatici-nait dans le décor d’une station devacances martienne avec des véli-planchistes glissant sur une mer ar-tificielle de la planète rouge: «Mebaigner dans les cratères sous latempête de poussière/ Me délecter deta chair à l’ombre des panneaux so-laires». Sur son album Leviathan, ildit «J’aspire les perles d’oxygènesbleu entremêlés dans tes cheveux»ou encore «Je plonge à l’envers, at-tiré par l’extase/ Un tourbillon vertillumine les sirènes/ Le reflet desflambeaux dans du vomi turquoise».Ado, il a appris à faire de la musiquesur sa PlayStation (Music 2000) puissur son ordinateur. Depuis, il fait leschoses tout seul sur ses machines,puisant au hasard ce qu’il trouvedans sa tête bizarre pleine d’imagesflashantes et dadaïstes. Après desétudes à l’Ecole nationale de créa-tion industrielle de Paris, il rejoint

un collectif d’artistes, designers,musiciens et réalisateurs installésà Bruxelles sous le nom Sin, «deschercheurs de failles», explique-t-ildans les Inrocks : «On installe dessystèmes, des Dreammachines, enréférence à Burroughs et Gysin, uneespèce de bric-à-brac pour triper enprenant de la drogue.»Entre rêveries de tourisme cosmi-que et nage fluidique par les grandsfonds marins, Flavien Berger in-vente une pop de synthèse. Il pour-rait faire des tubes, mais sa pented’artiste-laborantin-bricoleur lepousse à créer des asymétries, desruptures de tons et de couleurs. Lachanson sera d’autant plus belleque son lyrisme naïf est soudainemporté par des boucles de transeou, à l’inverse, qu’une phrase tropévidemment littéraire ou poétiquese déploie dans un refrain pourboîte à rythmes rudimentaire.

DIDIERPÉRON

Au festival, vous aimerez aussi :

Lindstrøm, John Grant, Ghost Culture,

C Duncan…

LEVIATHAN

(Pan EuropeanRecording).En concert (avec Son Lux,Formation et Ghost Culture)le 14 à la Cigale (75018),le 15 au Stereolux, Nantes (44)et le 17 au Bikini, Toulouse (31).

Odezennecourant ascensionnel

Universeul. Voilà : si unmot-clé devait permettrede pénétrer sans effrac-

tion dans la planque d’Odezenne,on prendrait celui-ci, variantecrâne et potache d’Universal, lamultinationale du disque à la-quelle le trio français opposeraitdonc cet intitulé, choisi au mo-ment où il a décidé de créer son

propre label. Groupuscule rompuà la guérilla, Odezenne apparaîtainsi sous les sunlights des topi-ques, après divers faits d’armeslui ayant déjà permis depuis cinqou six ans de tisser sa toile (enphase avec l’époque : Facebookfait le lien), jusqu’à remplirl’Olympia, en mars, en marge descircuits traditionnels.

Désormais en pole position(jeudi) au festival des Inrocks, lesplus ou moins bordelais AlixCaillet, Jaco Cormary et MattiaLucchini – deux MC et un bi-douilleur de sons, au look saison-nier de hipsters – suivent ainsileur chemin raboteux, empreintsd’un electro-hip-hop hâve quis’inscrirait schématiquementdans la continuité de Fauve etDiabologum (et Mickey 3D, pourla faroucherie provinciale?).Idéale pour dodeliner au bord duprécipice entre deux rasades d’al-cool fort –«A quoi bon aller loin?/Je ne sais même pas d’où je viens»(Satana); «Comment on fait pourmes cendres ?/ Ciao Pantin, j’aitrop bu, comment on fait pourdescendre ?» (Un corps à pren-dre)–, la pop cabalistique et lubri-que d’Odezenne paraît parée pourle décollage.Succédant aux albums Sans.Chantilly et O.V.N.I. –ainsi qu’àun rythme de tournée intensifayant renforcé le crédit live– Dol-ziger Str.2 a été conçu dans ladouleur cohésive d’un exil berli-nois. Mais il postule à une placeparmi nos temps forts de l’annéemusicale.

GILLESRENAULT

Au festival, vous aimerez aussi :

Motor City Drum Ensemble,

Yael Naim…

DOLZIGERSTR.2

(Universeul/Tôt ou Tard).En concert (avec JackGarratt,Rationale…) le 12 à laCigale (75018).

FatWhiteFamily radicaux libres

Fat White Family est un spéci-men rare dans le paysagepop britannique actuel : un

collectif de kooks, vraiment politi-sés, obscènes, excessifs, orientés,qui habitent ensemble au-dessusd’un pub du South London, balan-cent les offenses et les antagonis-mes à divers degrés de sérieuxcontre approximativement tout etn’importe quoi (Thatcher, Came-ron, les bobos, les pédophiles), po-sent très sérieusement devant latombe de Karl Marx et truffentleurs chansons carnavalesquesd’appels à l’insurrection délirants,de plaisanteries odieuses et de poè-mes pornos effarants.En un autre lieu, en un autre temps,on aurait pu prendre ce sextet d’il-luminés mal léchés (et, d’après lesdépêches des magazines spéciali-sés, très odorants) pour des cousinsbritanniques des Fugs ou une ver-sion dopée au bluegrass et au VelvetUnderground de The Fall. Maisen 2015, on accueille surtout leur ra-dicalité et leur penchant esthétiquepour la saleté comme un appel d’airfrais providentiel dans le Londresde Boris Johnson, avec ses bourgsjavellisés, ses couloirs de métro ré-servés aux cols blancs de la City etses vieux quartiers populaires gen-

trifiés. Musicalement surtout, leuramour du chaos et des gros motstranche inespérément avec la poppropre et «innovante» comme unproduit Apple des derniers succèstendance de la pop britannique,type London Grammar ou Alt-J.Enfants pouilleux des Happy Mon-days, de Spacemen 3 ou des

Cramps, les six de la Fat White Fa-mily ont surtout l’air fabuleusementvivants. Ils sont très réputés pourleurs concerts dont quelques échosmédiatiques promettent qu’ils peu-vent devenir aussi orgiaques et dé-goûtants que les performances desactionnistes viennois en leur temps.

OLIVIERLAMM

Au festival, vous aimerez aussi :

Wall of Death, Bo Ningen,

The Big Moon, Alabama Shakes…

CHAMPAGNEHOLOCAUST

(Fat Possum/Pias). En concert(avec TheDistricts,Wolf Alice…)le 12 à Tourcoing, le 13 à Paris,le 14 àNantes, le 16 à Toulouse.

FatWhite Family, entre carnaval et insurrection. PHOTOROGER SARGENT

Odezenne, trio enmarge des circuits. PHOTOROMINASHAMA

texte de

Marc Blanchet et Alexis Armengolconception et mise en scène

Alexis Armengol

du 6 novembre au 5 décembre 2015

d’après

Witold Gombrowicztexte et mise en scène

Christophe Honoré

du 3 au 28 novembre 2015

www.colline.fr01 44 62 52 52

Page 24: Journal LIBE Du Mardi 10 Novembre 2015

24 u Libération Mardi 10 et Mercredi 11 Novembre 2015

CINEMA/NOUVEAUVENUVendredi a ouvert la nouvelle salle parisiennedugroupeGaumont et Pathé, les Fauvettes,dans l’ancien cinéma lesGobelins. Le lieu projetteuniquement des films restaurés. Auprogrammed'ouverture, un cycleWongKar-wai,BladeRunner,Retour vers le futur, ou encore un filmméconnu,le Corniaud. PHOTOFRÉDÉRIC BERTHET

Rens.: Les Fauvettes, 58, avenue des Gobelins, 75013.

Moins identifié que les figures deproue couvertes d’or à Cannes dela nouvelle génération d’auteurs

éclose à Bucarest à l’aube des années 2000(Corneliu Porumboiu, Cristi Puiu, CristianMungiu…), Radu Muntean n’en est pasmoins l’un des piliers discrets, sillonnantles festivals au gré d’une trajectoire de ci-néaste semblable au tempérament de sespersonnages et des films qu’ils habitent–sec, pondéré, prudent, aussi soucieux derectitude que de ne jamais faire de vagues.

Paperassiers. Dans son cinquième longmétrage, il continue de pratiquer, commeauparavant dans le remarquable Mardi,après Noël (2010), un cinéma qui, de la vietelle qu’on croit la connaître, présente enquelque sorte le négatif : tout ce qui s’ytrouve de tristement banal y paraît incom-mensurablement tendu, quand tout ce quis’y joue de grave vire à la farce légère. Mun-tean y aimante une nouvelle fois sa caméraau quotidien d’un visage ordinaire de la

Roumanie contemporaine, chargé d’en prê-ter corps aux renoncements et travers. Ce-lui de Patrascu, brave type à l’allure bon-homme, père de famille protecteur, figuretaiseuse dont la simplicité de la vie très ré-glée tranche avec l’impénétrabilité dontelle prospère. De ses conversations télépho-niques sibyllines, on finit en effet par com-prendre qu’il a fait un métier de prendre encharge les phobies administratives imman-quablement suscitées par une société où lamoindre immatriculation de véhicule né-cessite de se confronter à un enfer de proto-coles paperassiers.Sortant de chez lui un jour d’été, il assistesans s’interposer aux éclats de ce qui res-semble à une violente dispute amoureuseentre sa voisine du dessous et un amant.Interrogé par la police quand la jeunefemme est retrouvée morte quelques heu-res plus tard, Patrascu se tait, trop sûr oupas assez de ce qu’il a vu, sans que l’onpuisse démêler ce qui dans son mutismeprocède de sa réserve ou de sa lâcheté. L’af-faire pourrait en rester à cette impassed’amoralité, mais l’amant de la défunte seprésente alors à lui, entrant toujourscomme par effraction dans sa vie et lechamp des plans, comme pour le défier demettre un mot sur ce qu’il croit savoir. Uneconfrontation au visage plein d’assurancedu meurtrier présumé qui abasourdit unpeu plus Patrascu, lequel vit très mal toutce qui échappe à son bon sens et son con-

trôle, comme s’il lui revenait dès lors deporter seul toute culpabilité.

Torpide. Moins polar que conte de l’opa-cité ordinaire (nul ne sait au fond qui étaitla jeune femme, même en scrutant commePatrascu sa page Facebook la nuit, pas plusque l’on ne parvient à saisir ce que les prota-gonistes ont dans la tête et le cœur), l’Etagedu dessous se range à un comportementa-lisme mat pour ne se nourrir que des ten-sions qui affleurent organiquement d’unequotidienneté torpide et médiocre. La sub-tilité du trait doit beaucoup à la façon dontl’acteur Teodor Corban (déjà croisé cette an-née, dans un registre autrement volubile,dans le beau Aferim !, de Radu Jude) im-prime d’intimes nuances à son incarnationd’un personnage et d’un monde environ-nant qui auraient baissé la tête de concert,somnambules maquillant leur résignationd’une façade de placidité ahurie. Plutôt quedes arêtes dramaturgiques d’usage du th-riller, le film édifie son théâtre moral de tel-les demi-teintes, éludant toujours fracas,reliefs et bascules au profit de la matièremolle et des creux de cette vie qui nous estdépeinte, où seuls croient pouvoir s’en sor-tir ceux qui lui tournent leur dos rond.•

L’ÉTAGEDUDESSOUS

deRADUMUNTEANavecTeodor Corban, IulianPostelnicu… 1h33.

Prise d’étage àBucarestFaux thriller, «l’Etagedu dessous» auscultele dilemmemoral d’unquidamqui aurait préférérester sans histoire.

ROUMANIE

Par

JULIENGESTER

«Francofonia»,dernière foliedeSokourovEntre passé et présent, le Russes’égare dans sa passion pour lavieille culture patrimoniale.

RÉSISTANCE

Francofonia évoque, entre autres consi-dérations, la collaboration forcée, à par-tir de 1940, entre un conservateur du

Louvre droit dans ses bottes, Jacques Jaujard,et son homologue nazi, le comte Franz Wolff-Metternich –le premier ayant assuré, avecl’aval du second, la sauvegarde des œuvresdu musée, remisées en province, face à la me-nace du pillage et de la destruction. A ce récits’entremêlent passé et présent, convoquésentre les murs du musée qu’arpente Napo-léon à quelques pas de la Pyramide. De fer-ventes interventions du cinéaste professantsa francophilie en voix off guident la narra-tion et évoquent l’influence sur sa cinéphiliedes visages de la peinture classique, ceuximmortalisés par le Radeau de la Médusede Géricault ou la Liberté guidant le peuplede Delacroix.Pâtre de l’âme russe, Alexandre Sokourovposait en 2012, avec le coup de force de Faust,un jalon final à sa tétralogie composéede Moloch (1999), Taurus (2000) etle Soleil (2005). Par ses motifs picturaux plusque par son dispositif, ce manifeste rappellel’Arche russe (2002), plan-séquence virtuosed’une heure et demie réalisé au musée del’Ermitage, à Saint-Pétersbourg. L’expérienceesthétique de Francofonia, projet d’envergureplus modeste, s’impose moins fortement: samatière dépareillée, entre captations contem-poraines et images d’archives, pâtit notam-ment de confrontations ratées, comme celleréunissant dans un même plan Marianneet Napoléon.Le cinéaste de 64 ans déclarait au dernier fes-tival de Venise vouloir rendre hommage à larésistance face à la culture dominante améri-caine, mais surtout à la «barbarie» de l’Etatislamique, qui détruit les vestiges archéologi-ques de la cité de Palmyre. Sokourov a tour àtour manifesté son soutien et ses doutes vis-à-vis du pouvoir exercé par Vladimir Poutine,un propos politique nébuleux que n’éclaircitpas cette ode poussiéreuse à la culture patri-moniale, pétrie d’une fascination datée dugrand art comme ciment des civilisations.Européen convaincu, Sokourov l’est sansdoute, pas sûr néanmoins que cette convic-tion passe forcément par une telle exaltationdu Vieux Continent.

CLÉMENTINEGALLOT

FRANCOFONIA

d’ALEXANDRESOKOUROVavec Louis-Do de Lencquesaing,BenjaminUtzerath, Vincent Nemeth… 1h28.

Patrascu (à gauche) en grande discussion avec l’assassin présuméde sa voisine. PHOTOÉPICENTRE FILMS

Page 25: Journal LIBE Du Mardi 10 Novembre 2015

Libération Mardi 10 et Mercredi 11 Novembre 2015 www.liberation.fr f facebook.com/liberation t@libe u 25

Les débuts à la réalisation de l’humoriste Kheiron connaissentun certain succès, sonNous trois ou rien s’imposant en têtedu classement entrées/écran. La productionpoids lourdSeulsurMars risquedenepas atteindre les 3millions d’entrées, cequi n’est pas rien,mais pas formid nonplus au vudubaroufmarketingdont il a fait l’objet. Autre sortie à laquelle onnepou-vait échapper, le Fils de Sauldémarre correctement et devraitau final attirer 250000 spectateurs dans sonAuschwitzreconstitué. SOURCE «ÉCRANTOTAL» CHIFFRESAUDIM. 8NOVEMBRE

FILM SEMAINE ÉCRANSENTRÉES ENTRÉES/ÉCRAN CUMUL

NOUSTROISOURIEN 1 233 139 118 597 139 118

ÀVIF! 1 296 173 712 587 173 712

SEUL SURMARS 3 560 294 890 527 1 997 633

LEDER. CHASSEURDE SORCIÈRES 2 266 120 261 452 381 363

LE FILS DE SAUL 1 151 65 075 431 65 075

LESNOUV. AVENTURESD’ALADIN 4 714 270 034 378 3 827 161

LOLO 2 518 179 892 347 623 061

THE LOBSTER 2 140 47 066 336 138 303

TICKETD’ENTRÉE

«LesYeuxbrûlés»,fragments de guerres

Diplômé de philosophie (il a fait unemaîtrise sous la direction de Jean-François Lyotard), le jeune Laurent

Roth a 25 ans quand il doit s’acquitter duservice militaire en 1985, alors obligatoire.Le capitaine de vaisseau Max Gréout, chefde l’ECPA (Etablissement cinématographi-que et photographique des armées) luipasse commande d’un film sur les reporters

Rédécouverte de ce filmde commande, fascinantevariation pirate sur lestraces de la France au front.

BIDASSE

de guerre photo. Roth a accès à un fondsd’archives considérable, où la plupart desconflits mondiaux ou coloniaux dans les-quels l’armée française est engagée sontamplement documentés. Il s’agit a priori defaire passer le message à la fois du brio es-thétique de ce service et du courage des mi-litaires crapahutant sur tous les fronts.Mais le jeune homme, cinéphile et fort d’unesprit critique bien trempé, ne l’entend pasde cette oreille. Il imagine un dispositif quipermette dans une certaine mesure d’exé-cuter la commande, c’est-à-dire tout à lafois remplir le cahier des charges et le viderde son contenu propagandiste. Il fait appel

à la jeune comédienne Mireille Perrier (quivient alors d’être révélée au côté de DenisLavant dans Boy Meets Girl, de Leos Carax)et donne rendez-vous pour les prises devues non au fort d’Ivry (où est installél’ECPA) comme sa hiérarchie le lui avait de-mandé, mais dans le hall d’attente deRoissy. Défilent sur un canapé orange audesign désormais daté André Lebon, RaoulCoutard, Pierre Ferrari, Pierre Schoendoerf-fer. On entend en voix off Raymond Depar-don qui commente quelques images d’ar-chives. Tous ces hommes ont été, à demultiples reprises, sur des théâtres d’opéra-tion. Ils ont côtoyé le chaos, les blessés et ilsont vu la mort en face. Tous évoquent unecertaine beauté paradoxale de ces incur-sions dans un temps et un lieu que tout in-dividu pacifique désignerait comme un en-fer, hideux et puant. Mais la guerre estencore pour beaucoup une expérience ver-ticale, presque aristocratique, d’affronte-ment avec le mal, une forme de démesuredes moyens humains et des techniques dé-ployés pour affronter l’ennemi.Le témoignage le plus marquant est celuide Marc Flament, un étudiant aux Beaux-Arts qui s’engagera pour en finir avec la vie,mais en vain, se réengageant et cherchantles zones les plus dures, devenant bientôtle photographe attitré du général Bigeard.Il raconte comment il assiste à l’agonie d’ungradé, qu’il photographie dans ses derniersinstants. Mireille Perrier est interloquée etlui demande s’il n’y avait pas mieux à faireen de pareils moments. Le montage des ar-chives est proprement fascinant, faisant ri-mer 14-18 et Diên Biên Phu, la Libération deParis et les opérations en Algérie –fascina-tion que les battements de cils de la comé-dienne, et sa lassitude exaspérée, contri-buent à mettre en question et en déroute.

DIDIERPÉRON

LESYEUXBRÛLÉS

de LAURENTROTH (reprise)avecMireille Perrier… 58mn.

Jamais limbessans l’autreSecond filmd’Aurélia Georges,«la Fille et le fleuve» narre uneromancemoderne etmortifère.

ONDES

Un jeune homme repêche in extremisune jeune suicidaire de la rivière geléeoù elle s’immerge, cours d’eau dans le-

quel germent les prémices de cette relecturecontemporaine du mythe d’Orphée et Eu-rydice. Nouk et Samuel (Sabrina Seyvecou etGuillaume Allardi), respectivement comé-dienne et journaliste, s’installent dans une ro-mance tourmentée jusqu’à l’accident de laroute qui tue Samuel sur le coup (à Vélib!).Le film bascule alors dans un registre moinsprosaïque et s’attache à figurer les échangesentre vivants endeuillés et morts fraîchementdébarqués dans une autre dimension.Un imbroglio bureaucratique empêchant sondécès d’être correctement enregistré, Samuelest prié de patienter dans l’antichambre deslimbes. Ce séjour à l’état gazeux parmi les fan-tômes est émaillé de trouvailles: on peut y as-sister à des conférences données par d’illus-tres macchabées comme Marilyn Monroe oudes séminaires sur la relativité par la femmed’Albert Einstein. Surtout, la belle idée de laFille et le fleuve consiste à filmer des champsélectromagnétiques témoignant de la perma-nence du sentiment amoureux par-delà letrépas (on peut communiquer avec l’être aimépar les ondes). Ce décrochage mystique quinimbe l’ensemble rappelle, en plus chaste-ment, les épiphanies urbaines de Jean-Claude Brisseau (la Fille de nulle part).Ce deuxième long métrage d’Aurélia Georges,après l’Homme qui marche, en 2007, étaitdiffusé l’an dernier à l’Acid, sélection can-noise défricheuse –et la plus confidentielle.Avec pour genèse le court métrage le FleuveSeine (2012), cet ambitieux projet de fictionfantastique et minimaliste d’inspirationrivettienne reste tributaire de son assise fi-nancière précaire, aux répercussions sensi-bles sur la direction d’acteurs, trop hésitantepour donner chair à ce récit éthéré.

C.Ga.

LAFILLE ETLE FLEUVE

d’AURÉLIAGEORGESavec Sabrina Seyvecou, GuillaumeAllardi,Françoise Lebrun, Serge Bozon… 1h05.

VITEVU

UNEHISTOIREDEFOU

deROBERTGUÉDIGUIANavec SimonAbkarian,ArianeAscaride… 2h14.Un étudiant grièvementblessé lors d’un attentat ar-ménien dans les années 80 àParis cherche à rencontrer età comprendre ses bourreaux.Dans leur louable volonté de

montrer comment le déni dugénocide aboutit au terro-risme, Guédiguian et soncoscénariste abusent dedidactisme et de sentimenta-lisme. Le livre dont s’ins-pire le film, la Bombe, deJosé Antonio Gurriarán(éditions Thadée), est autre-ment plus puissant.F.-X.G.

LESANARCHISTES d’ÉLIEWAJEMANavecTahar Rahim,Adèle Exarchopoulos… 1h41.Après un beau premier film,Alyah, Wajeman nous trans-porte dans un groupe d’agita-teurs antisystème, intellec-tuels bourgeois et ouvriers,pratiquant la poésie et le voldans le Paris de 1899. Le film

reste étrangement sage endépit de son sujet, figé dansune apesanteur bleutée ethivernale. Les enjeux sonttrop vaguement ancrés dansun Paris d’époque que l’ab-sence de moyens et de vastesperspectives historiques em-pêche de toute façon de re-présenter.D.P.

PH

OT

OS

HE

LL

AC

Page 26: Journal LIBE Du Mardi 10 Novembre 2015

Libération Mardi 10 et Mercredi 11 Novembre 2015 www.liberation.fr f facebook.com/liberation t@libe

L’hymne à l’amerFather JohnMisty Fils d’évangélistes, cetAméricain de 34 ans a trouvé le succès et l’amouren transformant son folk sévère en rock sarcastique.

Father John Misty contemple l’amour fou dans le foutreet les cendres de cigarettes qui transforment les drapsdes amants en test de Rorschach. I Love You Honey-

bear, «album concept» entièrement dédié à son couple fusion-nel et misanthrope s’ouvre ainsi. En érigeant un Taj Mahalmusical et décalé à la femme de sa vie, l’escogriffe à la barbedruidesque a signé l’un des albums pop-rock les plus aboutisde l’année. «Mon objectif était de révéler, dans toute sa lai-deur, sa drôlerie et son euphorie, le processus d’apprendre àaimer et à être aimé en retour. Je voulais exhiber l’angoisse,le narcissisme et la dépendance affective qui en découlent…Toutes ces choses banales dont personne ne parle dans leschansons d’amour», résume le chanteur à l’élégante silhouettede cyprès, le visage toujours figé dans une sorte de consterna-tion amusée. Assis dans le bar réservé aux happy few du Pit-chfork festival qui se tenait fin octobre à Paris, il sirote un théen ironisant sur la cerbère de la sécurité qui refusait de le lais-ser entrer faute de bracelet adéquat, alors qu’il est une destêtes d’affiche de la soirée. «C’est drôle parce qu’à l’origine,les festivals étaient ces endroits dépourvus de règles et de ta-

ParGUILLAUMEGENDRONPhotoMATHIEUZAZZO

bous, mais ils ont fini par devenir de mini-Etats kafkaïen…»Avant d’être Father John Misty, il fut Josh Tillman, l’aîné dequatre enfants d’un couple d’évangélistes rigoristes résidantdans la banlieue de Washington DC. Seule la musique reli-gieuse étant autorisée à la maison, il prend goût aufolk à l’adolescence grâce à la phase chrétienne deBob Dylan et décide de devenir musicien. A sa ma-jorité, il quitte l’étouffant cocon familial et débarque à Seattle,où il travaille dans une boulangerie tout en enregistrant sespremières démos. Pendant une décennie, Josh Tillman estun troubadour renfrogné, ressassant son mal-être dans deschansons désespérantes de sincérité et de fragilité, dans l’in-différence quasi générale.Grâce à ses connexions dans le petit milieu des bardes deSeattle, il devient le batteur des Fleet Foxes, mégastars indéen bonnet de laine dont le néofolk domine alors les charts.Un demi-million d’albums vendus, des tournées mondiales,des royalties… «On a eu de la chance, c’était juste avant Spo-tify», souligne-t-il. Fin de la galère. Mais derrière les fûts, il ya l’ennui, profond et poisseux, d’une existence confortable

mais vide de sens, à jouer comme une machine les partitionsdes autres. Un matin, après une nuit d’insomnie, il quitte songroupe et prend le volant de son vieux van. Direction Big Sur,cette côte californienne boisée aux falaises accidentées racon-tées par Kerouac. Dans un accès délirant, sous l’effet de cham-pignons hallucinogènes, il arrache ses vêtements, grimpe enhaut d’un arbre. Révélation: pour être heureux, il faut qu’ilcesse d’ouvrir son cœur. En finir avec cette sincérité à la conet devenir l’homme qu’il est vraiment, ce chaman aigri au sar-casme acéré, qui se moque de tout et ne croit en rien. C’estainsi que le tourmenté Tillman devient le cynique Father JohnMisty (le père Jean Brumeux), sûr de son charme et prêt à évis-cérer le ridicule de l’existence à la pointe de ses ballades veni-meuses. Le succès critique de l’album Fear Fun en 2012 enté-rine sa métamorphose.De son propre aveu, cet admirateur de Serge Gainsbourg adorepontifier. Avide lecteur de romans (de Philip Roth à Nabokoven passant par Franzen) et de philosophie (il cite le slovène Sla-voj Zizek et nous recommande les pensées d’Edmund Burkesur le sublime et le beau), il peut, avec la même aisance, discou-rir sur l’impasse postmoderniste de la critique musicale ac-tuelle ou appliquer des concepts marxistes à l’utilisation desréseaux sociaux. Il évoque le syndrome de Stockholm des artis-tes face à la «force oppressante» des sites de streaming. Lui aréagi comme à son habitudepar la farce, en mettant en li-gne une version MIDI (logicielde sons électroniques rudi-mentaires) de ses morceauxpour ceux qui «veulent es-sayer avant d’acheter», leuroffrant ainsi «l’expérience mu-sicale qu’ils méritent». Pourchaque apparition sur scène,il facture entre 55 000 et110000 euros, qu’il partageavec ses musiciens et techni-ciens. Il aurait bien voulunous donner «des détails pluscroustillants» mais avoueavoir une idée assez vague deses finances. «En bon Américain, je vis à crédit. Je fais partiede la petite bourgeoisie musicienne, une espèce en voie de dispa-rition. Aujourd’hui, ceux qui se font vraiment du pognon, ce sontces putains de DJ dont personne ne connaît le nom.» Il n’a jamaisvoté, et pense que «participer au système politique, c’est retar-der le changement». Le mouvement Occupy Wall Street l’a laisséde marbre, lui qui ne croit pas aux «révolutions sans sang».«Tout ce que j’ai vu, c’était des graphistes frustrés qui pouvaientse permettre de ne pas aller au taf pour aller écouter DavidCrosby chanter à Time Square… Avec toujours la même réthori-que: “Appelle ton député! Dis-lui que tu veux du changementet une meilleure vie!” Cause toujours. Tant que des briques nepassent pas à travers des carreaux, rien ne bouge. Si révolutionil y a en Amérique, ce sera à cause du mauvais traitement desNoirs. Ça au moins, c’est un truc vrai.» Sur le titre Bored in theUSA, il tourne en dérision les affres de la classe moyenne amé-ricaine –son ennui, ses dettes, ses overdoses médicamenteu-ses, sa libido en berne. Il sape sa complainte en la noyant sousdes rires préenregistrés de sitcom, hurlant «Sauve-moi Jésusblanc! Sauve-moi Président Jésus!» Quand on lui demande s’ilcroit en Dieu, il dégaine une formule réjouissante: «Je penseque c’est la plus brillante des théories du complot.»Dans les loges, on rencontre Emma, sa femme, emmitoufléedans un pull à col roulé noir. Elle le suit autant qu’elle peuten tournée: «Si l’on est séparé trop longtemps, on redevient cetindividu obnubilé par lui-même. On a besoin de n’être qu’un,

d’être cette entité.» Elle travaille sur son premierfilm, qu’elle espère tourner l’an prochain en Breta-gne, avec des acteurs français. Les hymnes à sa

gloire rejoués chaque soir par son jules exhibitionniste la tou-chent toujours. Lui se désole que son récital soit devenu laroutine. Elle l’assure: aussi blasé qu’il semble être, Tillmanest un grand sentimental, d’une attention débordante. On de-mande un exemple. «Eh bien, alors que cela ne faisait que quel-ques mois que nous sortions ensemble, il m’a acheté une voiture.Un corbillard Cadillac de 1972. C’était tellement romantique.»On comprend enfin où veut en venir Tillman quand il chante:«Une Cadillac suffira pour nous amener là où nous allons…»Ensemble, jusqu’au néant. •

n 3mai 1981Naissance à Rockville,Maryland (Etats-Unis).n 2008-2012 Batteurdu groupe folk FleetFoxes. n 3 septembre2013 Epouse EmmaGarr. n Février 2015I Love YouHoneybear.n 11 et 12 novembre2015 Concertsà Nantes (Stereolux)et à Lyon (EpicerieModerne).