7/25/2019 Jolle la stupfiante, Maggie liconique, Elio le revanchard, Yvan le clivant...

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POLITIQUE BELGE

ABONNS

Jolle la stupfiante, Maggie liconique, Elio le revanchard, Yvan le clivant...JONAS LEGGEPubli le samedi 23 janvier 2016 11h45 - Mis jour le samedi 23 janvier 2016 11h45

Une pile d'examens repose sur la table du salon de Nicolas Baygert. Pour cet enseignant de l'ULB et de l'Ihecs, la priode est videmment

charge suite aux preuves de janvier. Ce trentenaire loquace a cependant dgag un peu de temps pour dcortiquer, sans concession, la communication

dploye par les principaux leaders politiques belges. Il porte galement un regard trs critique sur les syndicats qui "continuent dfendre leur modle, qui est

un reliquat d'une tranche d'histoire". Nicolas Baygert est l'Invit du samedi de LaLibre.be.

En relanant les dbats sur l'avenir institutionnel belge, Bart De Wever peut-il rellement rassurer son propre lectorat et le mouvement flamand ?

C'est une stratgie de survie idologique pour le projet politique de la N-VA. Jean-Pierre Rondas, qui gre Doorbraak.be (NdlR : un site web flamingant), disait

dernirement que si la N-VA continuait se taire sur le communautaire, elle finirait par perdre sa raison d'tre. Des signaux rassurants doivent tre envoys au

mouvement flamand. Contrairement d'autres formations, la N-VA a ce luxe de disposer d'une identit politique forte voire d'un projet de socit. Elle se doit deprserver ce capital qui constitue son "core business". Bien quau pouvoir au fdral, la N-VA doit donc revenir aux fondamentaux travers la voix de son

prsident pour prouver que son offre politique reste dactualit. Une situation identique se poserait si un PS au pouvoir disait "pendant 5 ans on met le social au

frigo" ou un Ecolo "pas d'environnement".

En intervenant de la sorte, De Wever est peru par l'opposition comme "le vrai Premier ministre".

On reste dans un gouvernement de coalition et la fusion de partis ne semble pas lordre du jour. Dans son rle de Premier ministre, Charles Michel privilgie

l'action en temps rel. Bart De Wever, lui, fonctionne certes sur une "stratgie du coup d'clat permanent" avec des sorties qui lui permettent daccaparer

l'attention mdiatique et politique. Mais comme prsident de parti, il est galement garant dun agenda politique particulier, une vision institutionnelle sur le long

terme. Mme si les mdias les mettent volontiers en concurrence, je dirais quentre Michel et De Wever, il y a surtout une volont de ne pas se marcher sur les

pieds.

PS, CDH, Ecolo ragissent de faon virulente chaque dclaration de Bart De Wever. Est-ce ncessaire de se positionner contre lui ?

Je ne crois pas que ce concert d'indignations soit rellement profitable. Il participe mme sa stratgie de mdiatisation. En dbut de lgislature, on a assist

une mise en scne orchestrale de l'indignation autour de la participation de la N-VA au fdral. Cette stratgie n'a pas port ses fruits et s'est estompe. De

mme, d'un point de vue mdiatique, il y a un clatement de la bulle motionnelle.

Adopter une posture d'indignation, est-ce porteur lectoralement ?

Dans l'indignation, il y a toujours terme un essoufflement, une lassitude. Les gens demandent : "Mais vous n'avez rien d'autre faire que de vous indigner ?".

Cette posture morale peut mme provoquer un effet miroir vis--vis de lindign : "Et vous, quel est votre bilan ?" C'est dangereusement contre-productif. Il

faudrait vraiment limiter la squence dindignation des moments o l'on est sr de son coup. Concernant la participation de la N-VA au fdral, l'opposition a

cru que le sentiment dans la population allait tre si fort que quelque chose allait se passer. Sil y avait une stratgie de pourrissement, elle se situait davantage

du ct francophone.

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Elio Di Rupo est plutt effac. En tant qu'ancien Premier ministre, il ne peut faire autrement ?

En devenant Premier ministre, il a gomm ses signaux naturels envoys vers son lectorat, il s'est neutralis en tant que socialiste pur jus pour se placer au-dessus des partis, au-dessus de la mle avec succs. Une fois qu'on a gomm tout cela et qu'on est devenu presque une icne folklorique, y compris en

Flandre, c'est trs difficile de reprendre les habits du militant. Ses sorties sont aujourd'hui teintes d'amertume, tantt en multipliant les mea culpa quant aux

mesures prises durant son mandat de Premier ministre, tantt par un ton revanchard. Cette posture loblige constamment justifier un bilan quelques fois dans la

mme ligne de ce qu'il reproche au gouvernement actuel, notamment dans la dite "chasse aux chmeurs". C'est assez dvastateur dun point de vue

communication politique !

Il devrait davantage regarder vers l'avenir que vers le pass ?

Le ressentiment et la dnonciation doivent laisser place une force de proposition. En ce sens, le chantier des ides constitue un processus dintrospection

ncessaire au PS pour rebondir, pour se reconstruire et clarifier son projet. Cest tout cela quil se doit avant tout dincarner comme prsident de parti. En outre, il

doit justifier son bilan d'ex-Premier qui est presque dans la mme ligne que ce qu'il reproche au gouvernement sudois, notamment dans la chasse aux

chmeurs. C'est dvastateur au niveau de la communication politique !

Diriez-vous que le discours de Charles Michel est adapt au grand public ?

Ce qui ressort de son discours, c'est langle pragmatique, volontariste ("On se retrousse les manches") adopt. Il n'est que rarement dans l'idologie. C'est bien

vu vis--vis des citoyens flamands qui prfrent ce style, l'image d'un Yves Leterme lorsqu'il tait ministre-prsident flamand. Un style d'anti-leader : un

mdiateur au service de l'entreprise "Begov", attentif ses ministres, pugnace lorsquil sagit de les dfendre. Un manager de proximit, alors qu'Elio Di Rupo

avait largement "prsidentialis" la fonction.

Lors du passage au niveau 4, cette communication a montr ses faiblesses : tout le monde s'est exprim, jusqu' trop en dire ou contredire le

Premier ministre.

Dans une squence de crise, c'est essentiel de prsenter une rpartition claire des rles, comme a tent de le faire le fdral : Jan Jambon, premier flic du

royaume, Theo Francken sexprimant sur les rfugis, Didier Reynders comme VRP de la Belgique l'tranger. Bien sr, il y eut des couacs communicationnels

notamment lis aux sorties de Didier Reynders dans les mdias trangers. Mais les voix dissonantes provenaient surtout des entits fdres : les reprsentants

de communauts, de rgions, de communes sexprimant tour tour et se contredisant... Dans cette cacophonie, la voix du Premier ministre ne dominait pas

systmatiquement. Il y eut au contraire une lutte de pouvoir, avant tout mdiatique, une lutte pour l'image.

Jolle Milquet s'est aussi fait remarquer lors de cette crise avec ses sorties sur la fermeture des coles, les "safe rooms", "l'hystrie mortifre

dmoniaque"...

Jolle Milquet a occup des postes responsabilit tous les niveaux. Bonne cliente pour les mdias, lorsqu'elle communique, elle outrepasse parfois sesattributions sestimant autorise sexprimer sur des problmatiques connexes. Des sorties qui peuvent provoquer stupeur ou rprobation. Certains mandataires

ont ainsi d lui rappeler qu'elle n'tait plus ministre de l'Intrieur.

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Son parti, le CDH, convainc-t-il davantage dans sa communication ?

Le CDH, c'est la crature de Jolle Milquet. Elle a faonn ce parti, lui a donn son pine dorsale idologique. Benot Lutgen ne parvient jusquici pas imposer

un style de leadership et une ligne idologique nouvelle. Il fonctionne par coups : des sorties mdiatiques espaces, lomniprsence mdiatique de Jolle Milqueten tmoigne. On citera son projet de nouvelle ville : "La-Louvire-La-Neuve" il y a deux ans. Or, il n'y a pas de projet global cohrent. C'est cruel mais un parti

politique doit se demander quelle est sa valeur ajoute dans une offre politique trs concurrentielle. Il est essentiel de redfinir un projet de socit et de le

personnifier .

Au niveau bruxellois, Rudi Vervoort est peu visible. Est-ce rellement problmatique pour un ministre-prsident ?

C'est un vrai souci dun point de vue marketing territorial. Si on veut rendre attractive sa rgion aux touristes, aux investisseurs mais aussi sa propre population,

il faut l'incarner. Pour le leadership mdiatique Bruxelles, la notorit de Rudi Vervoort est mise en concurrence au sein de son propre camp politique. Pour

beaucoup, l'homme fort bruxellois, c'est Yvan Mayeur, bourgmestre de Bruxelles-Ville. Mayeur est trs clivant, son style dtonne, mais adepte de leffet

dannonce, ses projets, linstar du pitonnier, impriment lopinion publique. Qui peut citer les projets de la Rgion ? Or, il faut des gestes forts !

Maggie De Block est l'exemple inverse : elle communique peu et est malgr tout trs populaire...

Mais elle ne doit pas incarner une rgion, elle ! Elle a dj connu son heure de gloire, son capital sympathie est trs bien install et il est parti pour durer. L aussi,

on peut presque parler dicne, y compris du ct francophone.

Le MR bruxellois, dans l'opposition, a un boulevard pour se faire entendre. Or, il semble inexistant. Comment l'interprter ?

C'est avant tout un problme de casting. Didier Reynders est prsident de la rgionale du MR mais il a aussi d'autres rles plus en vue, comme celui de ministre

des Affaires trangres. On ne l'identifie donc pas de prime abord comme l'homme fort des libraux Bruxelles. Parmi les leaders du MR dans la capitale, il

manque des figures mergentes ou des personnalits fortes combinant capital sympathie et ancrage local. C'est le grand malheur du MR depuis la disparition de

Jacques Simonet.Les Vincent De Wolf, Alain Courtois, Armand De Decker ou Franoise Schepmans nincarnent pas le renouveau, leur notorit mdiatique est

dclinante ou moindre que celle dautres comptiteurs.

En Wallonie, Paul Magnette semble avoir la stature de leader, incarner sa Rgion. Or, et malgr le transfert de comptences, le gouvernement wallon

ne pse pas encore normment mdiatiquement...

La superposition des gouvernements naide pas. Fdration Wallonie-Bruxelles, Wallonie, destin communautaire ou rgional. La majorit actuelle n'arrive pas

dfinir sa vision du "nous" francophone. Il convient pourtant de trancher.pour marquer symboliquement le basculement vers les entits fdres induit par la

rforme de lEtat. Pour porter un projet collectif, le rfrent identitaire, lattachement motionnel au territoire savrent essentiels, surtout lorsque l'on demande

aux citoyens de sinvestir, de dvelopper un sentiment de fiert ! Les campagnes de communication - travers les logos notamment - demeureront cosmtiques

tant que cette question dcisive ne sera pas rgle. Quant au ministre-prsident, son challenge est particulirement complexe, puisquil sagit la fois dincarner

le renouveau wallon et celui de sa ville, Charleroi. Un double pari risqu.

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L'image des syndicats, qui dbrayent la moindre occasion, s'est dgrade ces derniers mois. Leur communication est-elle dpasse ?

Les messages envoys entretiennent un malentendu : beaucoup visent en ralit l'interne (comme lorsquils se flicitent du suivi de la grve) et non le grand

public (qui ne voit que les nuisances) ou lon constate un manque de pdagogie vident. Les syndicats se sont mme dernirement construits une rputation

d'incivisme, notamment en maintenant la grve du rail lors du passage au niveau 4 ou les jours d'examens dans le suprieur. Le dficit dimage est grandissant.

Cette communication un peu autiste pose mme des problmes en interne : des dparts, des divisions communautaires. Lenjeu pour les syndicats aujourd'hui,

c'est leur adaptation au 21e sicle dans un nouveau contexte sociopolitique et communicationnel, o des nouveaux rapports de force ont merg. Or, les

syndicats continuent dfendre leur modle, qui est un reliquat d'une tranche d'histoire.

Les syndicats soulignent que ce sont les actions parfois virulentes qui leur ont permis d'obtenir des avances.

Oui, comme pionnier dans la protection des travailleurs, des allocataires sociaux, correspondant aux transformations propres une poque ou lemploi se

massifiait. Or, dit crment, les syndicats ont dsormais vocation ralentir la destruction d'un monde de l'emploi qui semble pourtant vou disparatre, comme

lindiquent notamment les travaux de Bernard Stiegler. En ce sens, la protection tout crin des acquis est un combat conservateur. Les syndicats srigent en

forces de rsistance plutt quen forces de proposition pour un monde du travail en pleine mutation. On sait que certains emplois dfendus bec et ongles vonttre graduellement remplacs par une gnralisation de l'automatisation, pendant que dautres mergeront travers la swarm economy lconomie de lessaim

ou seront affects par "luberisation". Il sagit donc de repenser les enjeux du salariat pour tre enfin perus comme forces de proposition constructives.

Entretien : @JonasLegge (https://twitter.com/JonasLegge)

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