Jeanne SUSPLUGAS « All the world's a stage€¦ · exposition du 22 juin au 27 octobre 2013 Centre...

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Jeanne SUSPLUGAS « All the world's a stage » photo Phœbé Meyer © Jeanne Susplugas dossier d'accompagnement à la visite exposition du 22 juin au 27 octobre 2013 Centre d'Art le LAIT, Moulins Albigeois, 41 rue Porta, 81000 Albi ouvert du mercredi au vendredi de 14h à 19h et sur rendez-vous. Visite enseignants et présentation du programme jeunes publics 2013-2014 : jeudi 12 septembre à 17h30 Ateliers enfants - ados hebdomadaires du centre d'art le LAIT les mercredis 25 septembre, 2 octobre, 9 octobre et 16 octobre de 14h30 à 16h pour les 4-10 ans et de 16h15 à 17h45 pour les 11-15 ans Dossier réalisé par Christel Martinez, Tony Kunter et Hélène Lapeyrère, service des publics Contact : Hélène Lapeyrère – 06 27 40 10 86 – [email protected] 1

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Jeanne SUSPLUGAS « All the world's a stage »

photo Phœbé Meyer © Jeanne Susplugas

dossier d'accompagnement à la visite

exposit ion du 22 juin au 27 octobre 2013Centre d'Art le LAIT, Moulins Albigeois, 41 rue Porta, 81000 Albi

ouvert du mercredi au vendredi de 14h à 19h et sur rendez-vous.

Visite enseignants et présentation du programme jeunes publics 2013-2014 : jeudi 12 septembre à 17h30

Ateliers enfants - ados hebdomadaires du centre d'art le LAITles mercredis 25 septembre, 2 octobre, 9 octobre et 16 octobre

de 14h30 à 16h pour les 4-10 ans et de 16h15 à 17h45 pour les 11-15 ans

Doss ier réal isé par Christel Martinez, Tony Kunter et Hélène Lapeyrère, serv ice des publ ics

Contact :Hélène Lapeyrère – 06 27 40 10 86 – helene.lapeyrere@centredartlelait .com

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Table des matières

Présentation de l'artiste.................................................................................................................................................................................... 5Bibliographie de Jeanne Susplugas...................................................................................................................................................... 6

Présentation de l'exposition........................................................................................................................................................................... 7Light House III ................................................................................................................................................................................................. 8

Iatrogène............................................................................................................................................................................................................ 10

Containers.......................................................................................................................................................................................................... 13

Stratégie d'enfermement......................................................................................................................................................................... 15

Graal....................................................................................................................................................................................................................... 17

All the world's a stage............................................................................................................................................................................. 19

Le haut de mon crâne............................................................................................................................................................................... 21

There's no place like home, ................................................................................................................................................................ 22

House to House............................................................................................................................................................................................ 23

Références culturelles..................................................................................................................................................................................... 26Le monde de l'enfance :.......................................................................................................................................................................... 26

De la pathologie et du médicament:............................................................................................................................................ 29

Mobilité et nomadisme:.......................................................................................................................................................................... 30

« All the world's a stage » / « Le monde entier est un théâtre », de William Shakespeare à

Jeanne Susplugas ......................................................................................................................................................................................... 31

Art contemporain et médicaments : des drogues de création au médicament œuvre d'art. ............33

Références artistiques:..................................................................................................................................................................................... 35Jeux de lumière.............................................................................................................................................................................................. 35

Rapports au texte........................................................................................................................................................................................ 39

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Présentation de l'artiste

Jeanne Susplugas est une artiste plasticienne, photographe, installationniste, vidéaste française, née le 10 juin 1974 à Montpellier.

Diplômée d'un doctorat d'Histoire de l'Art qu'elle a obtenu à Paris 1 Panthéon-Sorbonne, elle vit à Paris depuis 2006 après huit ans passés à Berlin.

Elle a été exposée au musée d'art moderne de Grenoble, au musée d'art moderne de Saint-Etienne, aux expositions MOCCA etV-Tape de Toronto, à l'exposition Kunst-werke de Berlin, à l'institut d'art de Wyspa à Gdansk, au Palais des Papes à Sienne, au Studio national des arts contemporains Le Fresnoy, au Musée d'Art du Guangdong, à la Biennale de Shangai, au musée d'art contemporain Ulrich à Wishita, à la villa Médicis à Rome, au Palais de Tokyo. Ses films ont été montrés dans des festivals tels Hors Pistes (Centre Pompidou), Locarno International film festival, Miami film festival, Rencontres Internationales Madrid, Paris, Berlin...

Elle figure dans la série Place à l'art contemporain! De Jacques Bouzerand et Thierry Spitzer.

Jeanne Susplugas s ' intéresse aux modes de vie et comportements de ses contemporains. Le rapport à soi, à l'autre, aux objets, les modes d'échanges et leur dimension existentielle et psychologique, sont évoqués de multiple façons.Entre fascination et répulsion, fusion et rejet, entre le réel et l'intime, les œuvres déploient des strates de sens émanant des usages quotidiens et des questions de société actuelles.

« Qu’il soit dit ou non, le corps y est le prétexte, le sujet et/ou l’objet d’une réflexion sur les différents « process » dans lesquels, paradoxalement, la société l’enferme alors même qu’elle vise son bien-être. Engagée mais non militante, la démarche de Jeanne Susplugas s’en prend à toutes les formes et toutes les stratégies d’enfermement tant pour interroger les relations de l’individu avec lui-même qu’avec l’autre. La façon qu’elle a de traiter des pathologies du monde contemporain ne procède pas d’une intention scientifique – elle ne se prétend ni psychologue, ni sociologue – mais s’applique à en traduire les signes et les symboles dans le champ des arts plastiques. Ses dessins, photographies, sculptures, installations et vidéos sont autant de vecteurs instruisant les termes d’une esthétique singulière que détermine un être au monde obsessionnel, tour à tour troublé et rassuré, inquiet et serein, solitaire et complice. »

Philippe Piguet, commissaire chargé des expositions

Dossier de presse de l'exposition Stratégie d'enfermement , du 6 avril au 2 juin 2013 à la Chapelle de la Visitation,

espace d’art contemporain de Thonon-les-Bains

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Bibliographie de Jeanne Susplugas

- Jeanne Susplugas, éd. galerie Charles de Jonghe, 2010

- Jeanne Susplugas, Semaine, éd. Analogues, 2009

- Expiry date _ works 1999-2007, éd. Archibooks, Paris (textes en français et anglais par Alain

Declercq, Béatrice Gross, Michele Robecchi, Aneta Szylak), 2007

- Ordinary landscapes, éd. Maat, Paris(textes en anglais par Corinne Rondeau), 2004

- Anecdotes, évidemment…, éd. Papiers Libres, Milhaud (texte en français par Harry Bellet), 2004

- L'une, l’autre, éd. AMF, Montpellier (texte en français par B. Ramade & Manou Farine), 2004

- Dependence, V Tape / MOCCA, Toronto (textes en français et en anglais par A. Franke & D. Liss),

2003

- Addicted, Galerie Olivier Houg, Lyon, France (texte en français et anglais par Léonor Nuridsany),

2003

- Hyponcondriaque, Mizuma Art Gallery, Japan (texte en japonais et anglais par Masashi Ogura),

2003

- Made in Japan, ( textes en français Nicolas Rey), éd. RARe, Paris, 2002

- Aliénation, Nikolai Fine Art Gallery, New York ; Galerie Valérie Cueto, Paris (textes en français

par Michel Nuridsany et Julian Zugazagoitia), 2000

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Présentation de l'expositionLa plupart des œuvres est produite pour l 'exposit ion : une grande sculpture (Light House ) , variante d'une série déjà existante, monumentale cage de lumière, dans laquelle les visiteurs peuvent s'isoler, se magnifier et se projeter dans un monde factice; une vidéo (Iatrogène ) dont les textes sont écrits par Marie Darrieussecq traitant de façon tragi-comique de la médicamentation et plus particulièrement du distilbène; une autre (Le haut de mon crâne ) autour de gestes compulsifs (textes de l’écrivain Basile Panurgias); une sculpture en marbre et feuilles d'or (Stratégie d'enfermement ) ; une pièce en céramique (Conta iners ) résultant d’une résidence au lieu d'art contemporain Artelineha, sous forme de flacons pharmaceutiques composant une phrase à lire de Frédéric Beigbeder; une pièce en verre (Graal ) , réalisée par les maîtres verriers Glass Fabrik, en partenariat avec le Musée / Centre d'art du Verre de Carmaux, et une oeuvre en carton, modulable et sur roulettes (All the world's a stage) . Elle forme ici une église, face à la Cathédrale Sainte Cécile d'Albi, et est augmentée des textes de Basile Panurgias et Marie-Gabrielle Duc., diffusés par casques dans les modules associés à l'église.

Enfin, House to House , présentée dans la Box du Centre d'art, est inspirée à la fois des maisons de poupées et de l'esthétique des caisses de transport.

Elle contient une exposit ion collective it inérante qui s'enrichit d'œuvres différentes à chaque étape, par les travaux d'artistes, sélectionnés par Jeanne Susplugas, selon des thématiques choisies. Ici, la ruine. Spectres chantres et lapins blancs sont au rendez-vous.

La pièce pr incipale donne son titre à l 'exposit ion : All the world's a stage , c itation extraite de la pièce As you l ike it ( Comme il vous pla ira , de Shakespeare , acte II, scène 7) 1599. Cette citation s'inscrit parfaitement dans la démarche baroque selon laquelle les certitudes ou vérités humaines ne seraient que des illusions... La société serait une sorte de théâtre où chacun « joue un rôle » jusqu'à ce que les masques tombent.Dans une approche plus contemporaine, ce texte nous invite à une réflexion sur les rapports humains, les normes et les codes sociaux. Cette problématique est très riche dans la mesure où elle met à jour notre rapport aux autres et à nous-même. Dans une société du spectacle et de l'apparence, tout ne serait-il qu'illusion au détriment de la vérité ?

En collaborant avec d'autres artistes, en s'inspirant d'œuvres existantes et en réinterprétant ses propres travaux par le truchement de différents médiums, Jeanne tend à une ré appropriation continuelle de l'œuvre permettant ainsi un processus créatif croissant et perpétuel.

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Light House III Installation 2013 .Aluminium, LED. Coproduction Centre d'art Le LAIT - Centre d'art contemporain Chapelle de la Visitation Thonon-les-Bains.Son : Eddie Ladoire

photo Phœbé Meyer © Jeanne Susplugas

Dans la première salle, L ight house, en anglais maison de lumière ou « phare», interpelle le visiteur de son intense lumière accompagnée d'un son tellurique à la fois enveloppant et pénible.Comme le phare, à la fois signal de danger, et porte d'entrée invitation à entrer, elle nous précipite, par le son et la lumière, sur une scène narcissique entre exhibition et effacement. A à la fascination devant cette cage apparemment ouverte et lumineuse, succède le malaise d'un enfermement dans l'envers du décor qui lui, ressemble plus à une prison qu'à la bulle de lumière perçue au premier abord....Une illusion de bien-être bien à rapprocher d'une expérience d'addiction.

Mots-clefs : sphère, attraction/répulsion, cage, phare, enfermement, libération, vibration, lumière, accoutumance, prison dorée

✗ Zoom sur la scénographie:- la lighthouse étincelle dans pièce peu éclairée- elle attire dans cette grande pièce vide, la porte semi-ouverte- le son (tellurique, envoûtant, enveloppant) peut repousser le visiteur ou lui offrir une sorte de réconfort puissant qui le prend de l'intérieur...

✗ Zoom sur les matériaux utilisés :– la guirlande plastifiée, tube de lumière « au mètre », attractive (rappel de festivités), pas

vraiment précieuse, est plutôt familière.– L'aluminium, à l'intérieur, est léger, répandu, peu résistant : c'est une cage symbolique.

✗ Références:

Traduction littérale : la maison de lumière, en anglais, le phare.

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Le thème de la maison est fortement présent dans l'œuvre de Jeanne et ce jeu de mot basé sur la traduction en français de lighthouse permet un double sens plus que significatif.Le mot phare vient du mot latin pharus, lui-même dérivé du grec Pharos (φάρος), qui est le nom de l'île où se trouvait le phare d'Alexandrie. Cette origine est conservée dans beaucoup de langues, comme dans l'italien ou l'espagnol (faro) et les langues scandinaves .Cependant, certaines langues comme l'anglais (lighthouse) ou l'allemand (Leuchtturm), ont préféré créer un nom composé expliquant clairement la fonction du phare.

Le Phare

Le système de signalisation maritime est constitué d'un puissant système d'éclairage. Ces phares maritimes sont généralement placés près de la côte. Ils permettaient aux navires de repérer la posit ion des zones dangereuses se trouvant près des côtes, ainsi que les ports maritimes.

Certains phares sont entretenus uniquement parce qu'ils servent d'attraction touristique, mais on continue encore à en construire dans des zones dangereuses.

Vue éclatée d'une optique avec lentilles de Fresnel

Au vu de cette première définition du phare et de la photo ci-contre, l'œuvre de Jeanne prend de plus en plus de sens.En fonction de la dureté des conditions de vie à l'intérieur, les gardiens de phares français désignaient les phares selon trois appellations :

• Les paradis, phares situés à terre, • Les purgatoires, phares situés sur des îles, • Les enfers, phares isolés en mer, qui impliquent en plus des

relèves dangereuses.

Cette classification correspondait également à une progression de carrière, qui commençait dans un enfer pour terminer dans un paradis.. A quel type de phare correspond l'œuvre Light house ?

Les phares et leur fréquente situation isolée ont inspiré de nombreux auteurs. Ils sont présent dans la culture picturale et dans l'imaginaire littéraire et cinématographique.

Phare d'Adziogol à Hherzon , Ukraine 1911.structure hyperboloïde

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IatrogèneVidéo (2013), 7 minTexte : Marie DarrieussecqActeurs : André Antébi, Judith Gars, Manesca de Ternay

photo Phœbé Meyer © Jeanne Susplugas

Cette vidéo reprend le texte commandé à Marie Darieussecq (écrivain et figure publique des enfants « distilbène »1) et mis en scène au Café de Flore. Dans Iatrogène, Jeanne Susplugas nous propose une discussion incongrue sur les médicaments et leurs effets indésirables dans l'enceinte de ce célèbre café qui a vu naître les grandes idées du siècle passé...Sous la forme d'une conversation entre amis aux allures de rendez-vous d'intellectuels, cet échange révèle des rapports à la fois anodins, affectifs, contradictoires et très complexes avec la médecine et la médication, à l'heure où des scandales sanitaires agitent notre actualité.Quel est le rapport entre ses 3 personnages ?

Que sont-ils venu faire là ?

De quoi discutent-ils ?

Mots-clefs : conversation/discussion/palabre, intellectuels/savants/chercheurs, croyances/dictons / rumeurs, Iatrogène/nosocomial/tératogène, jeu d'acteur

✗ Quelques pistes de travail :

– Le jeu d'acteur : Prélever dans le quotidien (pendant la récréation, les repas, les cours, etc...) des phrases naturellement énoncées, les noter et les rejouer devant la classe.

– Le dialogue/l'écoute : Tour de classe ; le premier élève pose une question, le second en pose une aussi, le troisième répond à la 1ère question en en pose une, le quatrième répond à la question du 3ème et en pose une, et ainsi de suite. Cela force l'écoute et l'imagination personnelle.

– Sujet d'imagination : Imaginez un échange entre 3 personnes en septembre ou octobre 2013, en bas d'un immeuble.

1 Médicament responsable de malformations génitales pour le phoetus s'il est pris pendant la grossesse. A été effectivement prescrit jusqu'en 1983, formant toute une génération d'« enfants Distilbène ».

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✗ Zoom sur la scénographie :

– dispositif de tournage et de diffusion proche du cinéma (voir encart sur la Nouvelle Vague)

✗ Références:

L'auteur: Marie Darr ieussecq

(née le 3 janvier 1969 à Bayonne)

Écrivain et psychanalyste française, elle reçoit en 1988 le prix du jeune écrivain de langue française pour sa nouvelle La randonneuse. Son premier roman, Truismes, connait un véritable succès en 1996.

Depuis 2001, elle est aussi la marraine du Réseau DES France, une association d'aide et d'information aux victimes du Distilbène, médicament tératogène, dont elle fut elle-même victime et qui révèle sa signification dans le texte du même nom, mise en scène par Jeanne Susplugas.

Le café de Flore

Situé dans le quartier de Saint-Germain-de-Prés, quartier unique de Paris où se côtoyèrent et s'entremêlèrent les divers courants de la création artistique et littéraire dans un univers de liberté. Le Café de Flore fait son apparition au début de la IIIe République, sans doute en 1887. Il doit son nom à une sculpture de la petite divinité qui se dressait de l’autre côté du boulevard.

En 1917, André Breton et Louis Aragon y inventent le terme de surréalisme, dans les années 1930, des personnalités telles que Bataille, Desnos, Queneau, Derain, les frères Giacometti, Zadkine ou Picasso viennent y passer quelques jours, à partir de 1939, c'est toute une élite intellectuelle parisienne, Sartre et Beauvoir en tête, qui en fait son quartier général.

Jean-Paul Sartre écrit : « Nous nous y installâmes complètement (…) Après dîner, nous recevions les gens à qui nous avions donné rendez-vous. Cela peut vous sembler bizarre, mais nous étions au Flore chez nous ».

Boris Vian rédige « le manuel de Saint-Germain des Prés ». Lieu de rencontres et d’amitiés, c'est un formidable laboratoire où chacun propose sa forme, sa couleur, son goût, sa vision de la liberté.

Au XXe siècle la création y est toujours florissante et encouragée par la création du prix de Flore par Beigbeder et par l'exposition d'art contemporain du « parcours saint-Germain » où Jeanne à d'ailleurs exposé House to House en 2011.

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La nouvelle vague

le choix du jeu des acteurs, très théâtral, n'est pas sans rappeler les films de La Nouvelle Vague, mouvement du cinéma français de la fin des années 50.

Ce mouvement n'est pas le fruit d'une longue recherche sur le cinéma, mais le produit immédiat d'une époque et le fruit de la rencontre de plusieurs jeunes cinéastes (notamment François Truffaut, Jean-Luc Godard, Claude Chabrol, Eric Rohmer et Jacques Rivette).Il s'inscrit dans le contexte historique de l'époque et traduit les mouvements de société: début des Trente glorieuses, des révoltes étudiantes, de la guerre d'Algérie, du mouvement libertin des femmes...

La nouvelle vague n'est pas une « école artistique » avec un style particulier, mais plutôt un esprit... C'est toute la grammaire du cinéma qui est remise en question de multiples manières, dans le tournage, le jeu des acteurs, le montage, l'utilisation des voix off, le rapport à l'autobiographie, la manière de filmer la ville ou les sentiments : le réalisateur ne cherche plus à tromper le spectateur avec du faux vrai mais à montrer la réalité du cinéma comme elle est, notamment avec ses plans qui ne sont pas continus dans le temps comme pourrait le croire ou l'oublier le spectateur, avec des acteurs qui ne sont là que pour être acteur d'un film et non acteur d'une histoire ou d'un scénario et avec ses décors qui n'existent que parce qu'ils ont un pouvoir symbolique et non parce qu'il ressemble à la réalité. Ainsi ce mouvement ne cherche pas à reproduire la réalité comme elle devrait être mais à montrer la réalité du cinéma comme elle est.Les films de la nouvelle vague sont aussi caractérisés par leurs héros; jeunes et contemporains, en quête d'indépendance, souvent oisifs, n'ayant pas peur d'enfreindre la loi, et plutôt tournés sur leurs affaires personnelles, indifférents à la société et à la famille, en quête d'amour.

ContainersPièces en céramique, 2013.Réalisation en résidence Artelineha, Languedoc-Roussillon – 2013

photo Phœbé Meyer © Jeanne Susplugas

Pour cette pièce en céramique, l’artiste poursuit une recherche débutée en 2007 dans une série de dessins. Elle est inspirée des « containers » américains, flacons donnés dans les pharmacies

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contenant le nombre exact de gélules requises pour un traitement. Sur ceux-ci sont inscrits le nom du patient, du médecin, du médicament... Jeanne Susplugas collectionne des mots, des phrases littéraires depuis une dizaine d'années. Ici, elle a retenu une phrase de Frédér ic Beigbeder "Après, quand tu rentres chez toi, tu lexomiles et ne rêves plus", d'un blanc vaporeux, qui se dissipe, imperceptiblement dispensée en blanc sur fond blanc.

Mots-clefs : médicament, habitude, préconisations, fragilité, accoutumance, blanc, littérature

✗ Quelques pistes de travail :

Pour les plus petits :– composer des phrases différentes à partir de mots, les intervertir,– Adapter la taille et le lieu d'affichage du mot en fonction du contenu (DEFENSE DE... en gros

dans la salle de motricité et j'ai faim en tout petit à la cantine... ou l'inverse!)Mais aussi...

– reproduire un objet du quotidien avec un matériau différent : un fourchette en pâte à modeler (ne résiste pas), une petite cuillère en caramel mou (fond dans le thé ou le lait chaud), des carrés de chocolat en bois ou de sucre en ciporex...

Pour les plus grands:– imaginer des boîtes, des packaging qui induisent en erreur le consommateur sur le produit.– Prendre des phrase extraites de livre ou de toute autre littérature (modes d'emploi,,

programme cinéma...) et leur donner une autre résonnance par une présentation liée à un objet (l'exemple contraire à cette démarche serait BEN, qui transforme les objets en véhicule de sa pensée)

✗ Zoom sur la mise en scène de l'œuvre :

– choix de l'artiste de ne pas protéger les céramiques qui restent accessibles, à portée de main

– pas de socle « classique » mais la caisse de transport des containers, prête à partir.– Exposition à hauteur d'homme, inaccessibles aux enfants suivant les préconisations de

rigueur– lumière indirecte et froide qui rappelle le milieu médical.

✗ Références:

Frédéric Beigbeder (né le 21 septembre 1965 à Neuilly-sur-Seine)

Son premier roman est publié en 1990, il a alors 24 ans, il le nommera Mémoires d’un jeune homme dérangé. Il a créé, en 1994, le "Prix de flore" du nom du célèbre café de Saint-Germain-des-Prés à Paris.

Frédéric Beigbeder est un personnage très controversé et contradictoire. Ce dandy aime son personnage et en même temps, il n'hésite pas à se critiquer dans ses auto-fictions. Il dénonce un système, la publicité, mais il y est resté 10 ans. Provocateur, il ne cache pas son goût pour les drogues.

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Pharmacie

La pharmacie (du grec /pharmakôn signifiant drogue, venin ou poison) est la scienceφάρμακον s'intéressant à la conception, au mode d'action, à la préparation et à la dispensation des médicaments.

Le terme pharmacie désigne également une officine, soit un lieu destiné à l'entreposage et à la dispensation de médicament. Ce lieu est sous la responsabilité d'un pharmacien qui peut y fabriquer des préparations magistrales ordonnées par un médecin.

Pharmacopée

De nos jours, le terme désigne généralement un recueil à caractère officiel et réglementaire des matières premières autorisées dans un pays ou dans un groupe de pays pour la fabrication des médicaments. Par métonymie, le terme de pharmacopée désigne aussi l'ensemble des médicaments, souvent des plantes, utilisés dans une région ou à une époque donnée.

Stratégie d'enfermementmarbre blanc, marbre rouge du Languedoc, feuille d'or, bois, mousse, 2012.

Photo Phœbé Meyer © Jeanne Susplugas

Ce globe de marbre blanc, évidé puis rempli de morceaux effilés de marbre rouge, doré à la feuille à l'endroit des continents, protège et dévoile une précieuse planète à l'intérieur froid et piquant. Vider la planète de ses réserves ou vider l'individu de son potentiel, Stratégie d'enfermement se transpose à des situations individuelles et collectives où l'on s'enferme pour se protéger, où l'on se dénature pour s'adapter.La caisse de transport et ses roulettes, comme dans de nombreuses œuvres de Jeanne Susplugas, invite à imaginer des mouvements et évolutions possibles.Le choix des matériaux, de la forme et de la mise en scène évoquent à la fois le baroque et le surréalisme ; On peut y voir tantôt un œil, un œuf, une noix de coco, ...

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Mots clefs sculpture, baroque,: lisse/doux/saillant/rugueux, clair/sombre, dur/mou, solide/fragile, précieux/protégé/cassé, caché/montré protection/isolation/isolement, mobile/immobile, globe oculaire/terrestre, individu/populations, personnel/universel, destruction, pouvoir d'évocation

✗ Quelques pistes de travail :

– créer une pièce en matériaux composites « contradictoires » (expérimenter les aspects et textures de différents matériaux)

– partir d'un objet, en garder la forme mais utiliser d'autres matériaux (une tasse en papier absorbant, ou en papier tue-mouche...

✗ Zoom sur la scénographie:

– le globe est placé dans sa caisse de transport capitonnée. Ce capitonnage évoque la protection, l'isolation et l'isolement.

– La mise en lumière théâtralisée, par un faisceau lumineux qui magnifie l'œuvre réalisée en matériaux précieux et brillants évoque les scénographies baroques.

✗ Zoom sur les matériaux :

– le marbre : matière rare, lourde, fragile et précieuse que seuls des maîtres savent travailler. Longtemps, de l'Antiquité (Pline) au XVIIIème siècle, beaucoup ont cru que le marbre était une matière vivante qui, même, recomblait les excavations des carrières.Depuis la plus haute Antiquité, l'utilisation du marbre est liée à l'art et à la volonté des hommes. Le marbre blanc vient de Carrare, en Italie, tandis que le rouge vient du Languedoc.

– Le bois : solide, peu cher, facile à travailler, à assembler. S'utilise brut ou poncé et vernis. E:st très souvent utilisé pour la confection de caisse de transport, ici d'aspect assez brut.

– L'or : matériau extrêmement précieux et rare, est extrait de la croûte terrestre, rappelle le bijou, brille comme le soleil, évoque la richesse...

✗ Références:

Le baroque:

Le baroque est un mouvement littéraire et artistique à la charnière des XVIe et XVIIe siècles qui trouve son origine en Italie dans des villes telles que Rome, Mantoue, Venise et Florence.

Le baroque, qui touche tous les domaines, se caractérise par l’exagération du mouvement, la surcharge décorative, les effets dramatiques, la tension, l’exubérance, la grandeur parfois pompeuse et le contraste, ce même contraste dont parlait Philippe Beaussant : l’époque baroque a tenté de dire « un monde où tous les contraires seraient harmonieusement possibles ».

Il touche tous les domaines artistiques, sculpture, peinture, littérature, architecture, théâtre et musique et se répand rapidement dans la plupart des pays d’Europe

Le terme « baroque » vient du portugais « barroco » qui signifie « perle irrégulière ». Les idées germinales du baroque se retrouvent dans le travail de Michel-Ange. Le style baroque débute aux alentours de 1580.

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La peinture baroque est née au XVIIe siècle en Italie. On peut y voir que les corps des personnages sont très détaillés. La perspective joue un rôle important, il y a un grand nombre d’effets de lumières et de jeux d’ombre. Les tableaux sont formés de courbes ; on a du mal à repérer l’organisation du tableau du premier coup d’œil.

Les principales caractéristiques de cette peinture sont :– l’utilisation de couleurs chaudes et vives– les contrastes de lumière– l'impression de mouvement donnée par les gestes des personnages et les drapés– des lignes de force en diagonale– des personnages communiquant par le regard– des personnages très expressifs.

L'architecture baroque quant à elle se caractérise par des formes massives et chargées.

Le surréalisme:

Le Surréalisme est un mouvement littéraire, culturel et artistique de la première moitié du XXe siècle, comprenant l’ensemble des procédés de création et d’expression utilisant toutes les forces psychiques (automatisme, rêve, inconscient) libérées du contrôle de la raison et en lutte contre les valeurs reçues. En 1924, André Breton le définit dans le premier Manifeste du Surréalisme comme un « automatisme psychique pur, par lequel on se propose d'exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée, en l'absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale [...].

Graalcristal, 2013.

Photo Phœbé Meyer © Jeanne Susplugas

Ce comprimé nerveusement rompu est une réplique d'un cachet de Lexomil . Le jeu d'échelle , de transparence, de couleur et de texture le rendent attirant tout en révélant des fragilités. Celle des consommateurs, vulnérables, pour lesquels la prise de comprimé soulage peut-être les symptômes d'un mal-être intime et social.

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Et l'utilisation du cristal, matériau précieux mais fragile et toxique (il s'agit d'un composé de verre et de plomb), renforce le sens de l'œuvre.

Mots-clefs : comprimé, toxicité, soin/danger, poudre, dose, drogue, échelle, transparence, fascination, Graal

✗ zoom sur la scénographie:

– le socle rappelle les table métallisée des hôpitaux– Devant les fenêtres, la pièce est frappée par la lumière du soleil, qui la magnifie, la

sacralise. (rappel de la mise en lumière de Stratégie d'enfermement, à ceci près qu'il s'agit de la lumière naturelle du soleil)

✗ zoom sur les matériaux :

– le cristal est issu du mélange entre le verre et le plomb. Plus fluide et plus précieux que le verre. Le plomb qu'il contient est connu pour sa toxicité.

✗ Références:

Le Graal:

Le Graal est un objet mythique de la légende arthurienne, objet de la quête des chevaliers de la Table Ronde. À partir du XIIIe siècle, il est assimilé au Saint Calice (Coupe utilisée par Jésus -Christ et ses douze disciples au cours de la Cène, et qui a recueilli le sang du Christ) et prend le nom de Saint-GraalLa nature du Graal et la thématique de la quête qui lui est associée ont donné lieu à de nombreuses interprétations symboliques, ainsi qu'à de multiples illustrations artistiques.

L'objet légendaire du Graal apparaît pour la première fois à la fin du XIIe siècle, dans le roman Perceval ou le conte du Graal (chapitres 8, 15 et 19), de Chrétien de Troyes. Ce Graal qui produit une nourriture miraculeuse qui se renouvelle chaque jour se présente comme un souvenir des vases et récipients d'abondance au contenu inépuisable, fournisseurs de mets et de boisson, dont la mythologie celtique et les légendes d'autres cultures indo-européennes font souvent mention.D'autres auteur le présentent comme une pierre mythique.C'est un objet sacré aux pouvoirs puissants. La découverte du Saint Graal marque symboliquement l'instauration du christianisme. L'ancienne civilisation celtique druidique puis médiévale païenne, chaotique, faite de magie, de sorcellerie et de superstition, se termine pour laisser place à la civilisation chrétienne.Cette christianisation de la légende du Graal est parachevée par la Queste des Saint-Graal, roman anonyme écrit vers 1220, probablement par un moine, qui fait du Graal la Grâce divine. Selon la légende, celui qui boit dans cette coupe accède à la vie éternelle.

Le Lexomil permet-il d'accéder à la vie éternelle ?Le Graal du XXIe siècle serait donc le médicament et plus particulièrement un lexomil, propre à nous empêcher de penser, de rêver ?Qu'instaure, au XXeme siècle, la découverte du Lexomil (bromazépan ) et à quelle civilisation laisse-t-il place?

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All the world's a stageCartons, bois, roulettes, 2013

Photo Phœbé Meyer © Jeanne Susplugas

Des modules architecturaux ont été rassemblés en une église en face de la cathédrale Sainte-Cécile. Ils s'agencent en fonction des attentes de la communauté sous la forme d'un lieu de culte ou de rassemblement, d'un village, etc. Ici, l'église, faite de caisses de transport en carton, évoque les modèles architecturaux d'après-guerre pour construire des églises mobiles*. Des extraits de textes** révèlent des pensées intimes en contradiction avec les rituels collectifs dont il est question dans ces architectures. Les matériaux utilisés font tous référence au déménagement.

✗ Zoom sur la scénographie:

– Jeanne a perçu la ressemblance des volumes de la salle, ses voûtes, ogives, piliers, avec ceux d'une église

– L'église de carton est en face à face avec la cathédrale sainte-Cécile.– Les modules autour de l'église, donnent une impression de village... d'enclos paroissial.– L'ouverture des fenêtres, format panoramique rappellent le cinéma.– Là encore on retrouve l'œuvre sous un faisceau de lumière bien précis, de nature artificielle

(le projecteur) ou naturelle (le soleil selon les heures de la journée vient frapper l'église en passant par les étroites ouvertures).

✗ Zoom sur les matériaux

– le carton est un matériau léger et rigide de même origine que le papier ordinaire, Les usages du carton sont principalement l'emballage et l'industrie de l'édition, mais aussi toutes les industries de cartonnage où ses qualités d'isolant phonique, mécanique et électrique sont utilisées. Depuis l'origine, il est utilisé comme matériau support de réalisations artistiques dans l'emboîtage de luxe, la reliure, l'encadrement et même le maquettisme. Isolant, il sert aussi de maison de fortune au sans abris.

* cf. Églises nomades de Jean Prouvé au milieu des années 1950.** Extraits de textes de Basile Panurgias et Marie-Gabrielle Duc

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Marie Gabrielle Duc

(née en 1956)Voix dans les modules de « All the world's a stage »

Publicitaire et romancière française, Marie-Gabrielle Duc aime l'art contemporain au point qu'elle propose sur son blog Croquis de rencontre* un point de vue d'écrivain sur des artistes ».Loin de la critique, ses textes s'inscrivent avec humour dans une continuité artistique; son médium à elle, c'est l'écriture, son inspiration, les artistes.Rien d'étonnant donc à collaborer avec Jeanne Susplugas qui revendique elle-même une continuelle ré appropriation de l'œuvre pour de nouvelles créations.

William Shakespeare (1564- 1616)

Considéré comme l'un des plus grands poètes, dramaturges et écrivain de la culture anglaise. Il est réputé pour sa maîtrise des formes poétiques et littéraires, ainsi que sa capacité à représenter les aspects de la nature humaine.

Son influence sur la culture anglo-saxonne est telle que de nombreuses références lui sont faites : citations, adaptations. D'ailleurs l'anglais est souvent surnommé la langue de Shakespeare, tant il a marqué la langue de son pays. Il continue d'influencer les artistes aujourd'hui. De nombreuses citations sont passées dans le langage courant dont celle reprise par Jeanne Susplugas qui fait référence au théâtre.

All the world's a stage – Le monde entier est une scène

titre de l'œuvre salle J-C. Lattes ayant donné son nom à l'exposition.Citation extraite de la pièce As you like it (Comme il vous plaira, acte II, scène 7) 1599.Ce texte compare la vie à un jeu théâtral et répertorie les 7 étapes de la vie : Le nourrisson « vagissant et bavant, la seconde enfance « sans dents », « l'écolier pleurnicheur », « l'amoureux aux soupirs de forge », le soldat « en chasse de l'éphémère gloriole », le juge « plein de sages dictons et de jugements récents », le sixième âge « aux mollets ratatinés » préludant le retour à l'enfance du vieillard sénile.

All the world's a stage,And all the men and women merely players;They have their exits and their entrances,And one man in his t ime plays many parts. . .

Le monde entier est un théâtre,Et tous les hommes et les femmes seulement des acteurs;Ils ont leurs entrées et leurs sorties,Et un homme dans le cours de sa vie joue différents rôles...

* http://www.mariegabrielleduc.com/ article sur l'exposition de J. Susplugas au Centre d'Art le LAIT

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Cette citation s'inscrit parfaitement dans la démarche baroque selon laquelle les certitudes ou vérités humaines ne seraient que des illusions.

Le baroque, qui touche tous les domaines, se caractérise par l’exagération du mouvement, la surcharge décorative, les effets dramatiques, la tension, l’exubérance, la grandeur parfois pompeuse et le contraste. Philippe Beaussant, fondateur du Centre de musique baroque de Versailles et membre de l'Académie française, en disait « un monde où tous les contraires seraient harmonieusement possibles ». Le baroque trouve dans le théâtre l’expression privilégiée de ses thèmes de prédilection, qui croisent parfois les œuvres de Jeanne : la métamorphose, le mouvement, l’instabilité, (par les caisses de transport sur roulettes), le jeu (théâtral), l’ostentation (par la lumière ou par le ton des récitants), l’illusion (par la lumière, le reflet, le jeu des acteurs)...

« Totus mundus agit histrionem » : la phrase était apposée sous forme d'épigraphe en latin sur le frontispice du « Théâtre du Globe », célèbre, à Londres pour avoir abrité de nombreuses représentations des pièces de William Shakespeare et pour avoir brûlé accidentellement lors d'une de ses dernières pièces. Epigraphie latine : (« Le monde entier est un théâtre »)

✗ Pistes de lecture :

– La comédie Humaine de Balzac– La vie est un songe de Calderón de la Barca

Le haut de mon crânevidéo, 2012Auteur : Basile PanurgiasComédien : Pierre Mignard

Photo Phœbé Meyer © Jeanne Susplugas

Ce texte de l'écrivain français Basile Panurgias commandé par l'artiste, fait parler un homme de sa manie (Tic*) de se gratter le haut du crâne. Celle-ci, apparemment bénigne mais incontrôlable, semble à la fois entraîner un rejet social profondément gênant et être l'expression de sa liberté personnelle. Une attitude addictive le handicape mais le révèle à lui-même.

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Basile Panurgias

(né le 12 juillet 1967 à Paris)Le haut de mon crâne (salle 6)

Basile Panurgias est un écrivain français d'origine grecque. Après avoir effectué des études d'histoire de l'art à l'Université de New York, l'Institut Courtauld de Londres, et l'Institut Michelet à Paris, il se consacre à la littérature.Jeanne Susplugas lui a commandé le texte le haut de mon crâne en liaison avec son travail sur les rituels quotidiens et les « TOCs **».

There's no place like home, vidéo, 2012Comédienne : Manesca de Ternay

Photo Phœbé Meyer © Jeanne Susplugas

Cette citation est tirée de la fin du « Magicien d'Oz 2 », une fois que la jeune fille a pu rentrer chez elle après de nombreuses et éprouvantes péripéties.« Il n'y a pas de meilleur endroit que chez soi », phrase au rythme entêtant, à la fois rassurante et inquiétante quand elle est récitée en boucle, sans fin, tournant sur elle-même, comme une spirale infernale entre quête et repli...

Mots Clefs : home (maison, foyer, « chez-soi »), portrait, expression, repli, intérioriser/extérioriser, obscurité, recherche

✗ Zoom sur la scénographie:

– Le lieu de présentation de la pièce, dans le tunnel plutôt humide, un peu hostile, sans lieu pour s'installer, questionne en lui-même le concept de « chez soi », cet endroit familier, identifié et confortable.

– Le jeu sur le reflet dans l'eau renvoie l'actrice à elle-même– la vidéo dans ce tunnel complètement noir tranche avec le reste de l'exposition par son

immatérialité. Elle est seulement lumière et son, accentuant le côté métaphysique de cette pièce.

* cf. Paragraphe au sujet de la pathologie et du médicament2 cf. thématique sur le monde de l'enfance.

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House to House2010bois, roues116 x 157x129 (fermé)

Photo Phœbé Meyer © Jeanne Susplugas

Cette pièce est une exposition itinérante qui se déploie autour de sa caisse de transport. Elle a déjà été présentée trois fois, avec des œuvres différentes, dans une caisse plus ou moins ouverte, plus ou moins accessible. Ici, jeanne a rassemblé des œuvres sur le thème de la ruine, qu'elle présente de façon très partielle, très secrète pour certaines. Le visiteur est obligé d'engager son corps à la recherche de l'oeuvre, de deviné ce qui a été produit, de renoncer à tout appréhender, de n'apercevoir que des formes, des lignes, tel un archéologue arrivé après destruction du site ou comme n'importe qui confronté à ses souvenirs ravagés par les manques de la mémoire...Le tout dans une box aux allures de boîte de médicaments... L'accès aux œuvres, à leur genèse, aux explications est partiel, obscur, caché malgré cette luminosité presque aveuglante, un peu comme certaine évidences échappent à notre raison jusqu'à ce qu'on ouvre la boîte de Pandore...

« House to House » est l'équivalent de l'expression française « clou à clou », terme garantissant l'assurance d'une œuvre d'un lieu d'exposition à un autre (d'un clou à l'autre), incluant le transport, les douanes, les lieux de stockages, etc...En anglais, il est intéressant de constater qu'il est question de maison, sujet cher à Jeanne.

Cette « maison » est inspirée des maisons de poupées modulables qui s'ouvrent et se transforment. L'artiste s'approprie ici l'esthétique d'une boîte de transport, bien connue des artistes, et qui la fascine depuis le plus jeune âge.

Mots clefs : exposition collective, présenté/caché, ruine, spectre, fantôme.

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les œuvres présentées par Jeanne

Sarah TroucheAction for Macédoniavidéo 2012Cette performance filmée de Sarah Trouche a pour but de dénoncer les climats conflictuels présents en actuelle république de Macédoine et plus particulièrement à Tétovo, ville située à quelques kilomètres de la frontière Albanaise.A la question depuis quand ce conflit et cette haine entre « voisins » durent-elles ? Les habitants de Tétovo ont répondu qu'ils ne savaient pas, pas plus que l'on sait qui est venu en premier entre l'œuf et la poule... photo Phœbé Meyer © Jeanne Susplugas

Isabelle Lévénez, Baiser, 1997, aquarelle, 30 x 20 cm

Jota Castro, Pelota suave, 2011, balle de baseball, fil de fer barbelé, miroirL'artiste utilise la force évocatrice d'une balle de baseball, qu'elle rend inutilisable par l'adjonction de fil barbelé.

Instrument de jeu ou de torture, l'objet est posé sur un miroir, évocateur de double sens...

Alain Declerq :Meeting placeComment entrer en contact avec les services secrets américains ? Comment faire en sorte que ces agents particuliers aient envie de vous rencontrer ? Alain Declerq à trouver la solution avec Meeting place...

photo Phœbé Meyer © Jeanne Susplugas

Emmanuel RégentPendant qu'il fait encore jour:Des photos au contraste poussé en noir et blanc ? Approchez-vous plus encore et vous verrez qu'il s'agit d'œuvres réalisées au feutre. Cette volonté de figurer des ruines au feutre alors que la réalisation par informatique ne prendrait que peu de temps est volontaire témoigne véritablement du temps qui passe et de la lenteur.

photo Phœbé Meyer © Jeanne Susplugas

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Dans la « boîte »

Volontairement fermée, il n'est possible de voir les œuvres exposées que par deux petites ouvertures. Ainsi, nous faisons les curieux comme si l'on regardait en cachette, par un trou de serrure.A l'intérieur, il fait sombre mais on peut deviner des ombres, des fantômes, des dessins de médicaments, une jeune fille au lapin...Tout un univers présent dans la maison de poupée de l'artiste qu'il ne tient qu'à nous de créer.

Vincent Mesaros – Fantôme (Demeure, Reichstag et Vatican) feutre à base d'eau, encre à pigmentation sur papier, 60 x 60 cm, 2013

Françoise Petrovitch, Jeune fille au lapin, aquarelle

Jeanne Susplugas, Daily Obsessions, 2008, techniques mixtes sur carnet Moleskine japonais, 14,1 x 9,4 cm

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Références culturelles

Le monde de l'enfance :

Le travail de Jeanne Susplugas rappelle le monde de l'enfance. La référence est plus évidente lorsque l'on se réfère à ses œuvres passées : maison de poupée rose, détournement de jouets pour enfants, dessins et mises en scène d'enfants.

Pink House 2002© Jeanne Susplugas

House to House (exposition Box) nous évoque la maison de poupée que l'on souhaiterait ouvrir pour créer sa propre histoire à partir des pièces que l'on y trouve.Les modules de All the world's a stage , entre cartables d'écolier géants ou trop petites maison sont inscrits dans cette même volonté de création de « maisons transportables »

Le monde de l'enfance, c'est aussi le bonbon. Et du bonbon sucré au médicament au packaging attractif il n'y a qu'un pas. L'artiste nous propose de nous servir parmi les nombreux containers quasiment là, à notre disposition, pour notre bon plaisir, puis le remède miracle (Graal), qui peut ressembler à énorme bonbon acidulé ou qui évoque souvent chez les enfants de fameuses barres chocolatées gourmandes.

Ces changements de dimensions qui nous font être trop grand pour une maison ou une église, puis tout petit face à un énorme cachet translucide, rappelle le pays « merveilleux » d'Alice. Monde ou tous les codes de la société sont bouleversés. Dans la même optique de l'enfance et du conte, Jeanne Susplugas fait référence dans « There's no place like home » à l'adaptation cinématographique du magicien d'Oz. Univers proche de celui d'Alice au pays des Merveilles. Deux histoires ou les héroïnes sont des enfants évoluant dans des univers à la fois merveilleux et terrifiants peuplés d'êtres marginaux.

Le magicien d'Oz et Alice aux Pays des Merveilles, deux ouvrages proches dans leur thématique, tous deux adaptés sur grand écran, nous éclairent un peu plus encore sur le monde de Jeanne Susplugas.

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Alice aux Pays de Merveilles de Lewis Carroll (1865)

Lewis Carroll, de son vrai nom Charles Lutwidge Dodgson naît en 1832, au sein d’une famille de onze enfants dont tous étaient comme lui gauchers et sept d'entre eux (Charles y compris) bégayaient. Ces différences partagées permirent à Charles de développer une personnalité d’enfant doué, hors des normes, dans un cocon protecteur.

En écrivant Alice, Lewis Carroll s’est placé sous le signe de la féerie mais il n’en conserve que l’apparence. Point de fées mais les personnages de l’univers merveilleux : roi, reine, nain, sorcière, messager, animaux doués d’un comportement et d’un langage humain.

Résumé:

John Tenniel, illustration Pour Alice, 1865

Alice s'ennuie auprès de sa sœur qui lit un livre tandis qu'elle ne fait rien. «À quoi bon un livre sans images, ni dialogues ? », se demande Alice. Mais voilà qu'un lapin blanc aux yeux roses vêtu d'une redingote rouge passe près d'elle en courant. Cela ne l'étonne pas le moins du monde. Pourtant, lorsqu'elle le voit sortir une montre de sa poche et s'écrier : « Je suis en retard ! En retard ! En retard ! », elle se dit que décidément ce lapin a quelque chose de spécial.

En entrant derrière lui dans son terrier, elle fait une chute presque interminable qui l'emmène dans un monde aux antipodes du sien. Elle va rencontrer une galerie de personnages retors et se trouver confrontée au paradoxe, à l'absurde et au bizarre…

Elle n'hésitera pas à absorber des substances étranges qui modifieront ses propriétés corporelles... Dans ce monde parallèle, les personnages font en quelque sorte le contraire de ce qu’on attend d’eux.

Le thème de l'inversion est une thématique du pays des merveilles. Tout comme le non-sens, un genre que Lewis Carroll manipule avec génie. Le non-sens feint de laisser espérer au lecteur une explication logique puis traîtreusement trompe ses habitudes de pensée. Alice est en porte à faux dans le pays des merveilles comme Charles Dodgson l’était dans la réalité. Elle fait tout à rebours ou à contretemps de ce qui est convenable sur un plan social . Elle est toujours trop grande ou trop petite et a conscience de son inadaptation. La reine blanche l’accuse carrément de vivre à l’envers et lui conseille d’apprendre à croire à l’impossible.

John Tenniel, illustration Pour Alice, 1865

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« Il a ouvert la voie à un genre littéraire absolument nouveau, dans lequel les faits psychologiques sont tra ités comme des faits objectifs… Le non-existant, les animaux qui parlent, les êtres humains dans des situations impossibles, tout est considéré comme admis et le rêve n’est pas troublé », dit Florence Becker Lennon.

Que peut-on voir dans la caisse fermée de House to House ? Un tableau de Françoise Petrovitch représentant une jeune fille au lapin...

Le Magicien d'Oz de L . Franck Baum (1900),

adaptation cinématographique de Victor Fleming(1939)« There's no place like home » tunnel, dernière salle

Fortement ancré dans la culture populaire américaine, Le Magicien d'Oz est le film qui a été le plus vu dans le monde. Il est classé au Registre International Mémoire du Monde de l'UNESCO. Au même titre que la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen (2003), ou des films des frères Lumière (2005).

Synopsis:

Dorothy Gale, une jeune orpheline, est élevée dans une ferme du Kansas. Mais personne ne semble prendre au sérieux les soucis de la jeune fille. Sa tante lui reproche son imagination et lui demande de trouver sa place dans un monde sans problème.

Une tempête s'annonce. Dorothy court chez elle se réfugier mais c'est sa maison toute entière qui est emportée.

Durant l’atterrissage, la maison heurte une méchante sorcière, morte sur le coup.Pour la remercier, une gentille sorcière lui offre des souliers en argent et lui conseille de trouver le Magicien d’Oz, dans la cité d’Émeraude, pour l'aider à rentrer chez elle.

Dorothy emprunte donc le chemin de brique jaune. Sur sa route, elle rencontre un épouvantail sans cerveau, un bûcheron en fer sans cœur et un lion sans courage. Tous la suivent afin d'obtenir du Magicien vert ce qui leur manque.

Malheureusement, il s’avère être un charlatan, chacun possédant ces choses en eux. A la fin, Dorothée apprend que les souliers qu’elle porte depuis le début de l’aventure peuvent la ramener chez elle. Elle suit donc les instructions de la bonne fée et se réveille alors dans sa chambre au Kansas.

Différences entre le livre et le film :

Dans le livre les héros se retrouvent dans une ville où tout est en porcelaine même les habitants.

La morale que découvre Dorothy à la fin du film « rien ne vaut sa maison » est une invention des scénaristes.

Dans le film, i l s 'avère que Dorothy a en fait rêvé toute l 'h istoire tandis que dans le roman son voyage est bien réel.

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De la pathologie et du médicament:

La notion de médicament est précisément définie en France par l'article L5111-1 du code de la santé publique :

« On entend par médicament toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines ou animales, ainsi que toute substance ou composition pouvant être utilisée chez l'homme ou chez l'animal ou pouvant leur être administrée, en vue d'établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions physiologiques en exerçant une action pharmacologique, immunologique ou métabolique. Sont notamment considérés comme des médicaments les produits diététiques qui renferment dans leur composition des substances chimiques ou biologiques ne constituant pas elles-mêmes des aliments, mais dont la présence confère à ces produits, soit des propriétés spéciales recherchées en thérapeutique diététique, soit des propriétés de repas d'épreuve [...].»

Petit lexique du médicament :

Lexomil :

Utilisé pour le traitement symptomatique des manifestations anxieuses sévères et / ou invalidantes. Également en prévention et traitement du delirium tremens et autres manifestations du sevrage alcoolique.

Aspir ine:

Ou acide acétylsalicylique, est la substance active de nombreux médicaments . C'est un des médicaments les plus consommés au monde. Son nom vient du latin salix « saule » , cet acide ayant été isolé pour la première fois dans l'écorce de cet arbre.

Le médecin grec Hippocrate (460-377 av. J.C) conseillait déjà une préparation à partir de l'écorce du saule blanc pour soulager les douleurs et les fièvres.

Iatrogène :

« Hier j'ai appris un nouveau mot: iatrogène. J'ai regardé sur Internet, Iatros c'est le médecin, en grec. Iatrogène ça veut dire : tomber malade à cause du médecin. La maladie causée par le médecin. »

extrait du texte de la vidéo salle 2 écrit par Marie Darrieussecq

Posologie :

Étude du dosage et des modalités d'administration des médicaments (Dictionnaire Larousse)

Contre indication :

Circonstance, trouble, état particulier de l'organisme qui s'oppose à la réalisation d'un acte médical (Dictionnaire Larousse)

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TIC:

Les tics sont des mouvements compulsifs surprenant par leur caractère brusque et inapproprié à la situation. Leur déclenchement est lié à l'émotivité du sujet. Leur déclenchement est spontané et parfois parasite, semi-volontaire. Il est possible de le contrôler momentanément.Ex de tics: clignement des yeux, haussement d'épaule, mouvement du visage, mouvement des mains (se toucher les cheveux, les sourcils, se frotter le menton...) les tics peuvent être causé par le stress, la fatigue, la nervosité ou l'ennui. Certaines maladies neurologiques sont caractérisées par des tics à répétition.

TOC:

Le trouble obsessionnel compulsif est un trouble anxieux caractérisé par l'apparition répétée de pensées intrusives (qui produisent une inquiétude, une appréhension ou une peur). Ces pensées dites obsessions sont associées à des compulsions observées chez ces patients qui sont réalisées pour diminuer cette anxiété. Ces compulsions sont des séries de gestes reconnus comme irrationnels par le malade mais néanmoins répétés de façon r itualisée et très envahissante.

Les symptômes peuvent s'exprimer de façon très variable d'un patient à l'autre (incluant phobie de la saleté( cf. œuvre sonore, module n°3), lavage des mains, vérifications).

Approximativement un tiers à la moitié des adultes avec un TOC reportent un début à l 'enfance.

Malgré ces comportements irrationnels, le TOC est parfois associé à une intelligence supérieure à la moyenne.

Finalement, le médicament tel que le présente Jeanne Susplugas et tel qu' i l est dans notre société ne remplace t- il pas les croyances ancestrales d'autrefois ?

Le médicament devient- il rel igion quand Jeanne confronte la recherche éperdue de bien-être à la recherche du Graal ?

Mobilité et nomadisme:

Des roulettes, des poignées, des cartables d'écoliers ou des sacoches de médecins...Des maisons de poupées et des caisses de transport ultra sophistiquées.

Tous les moyens sont mis en œuvre dans le travail de Jeanne pour que ce qui nous est précieux, indispensable, soit transportable et que l'on puisse aisément emporter avec soi, sa pharmacie, sa maison ou il fait bon vivre, voire son village et son clocher.

Tandis que les sociétés traditionnelles pratiquaient le nomadisme à la recherche de nourriture, dans un souci vital, voici qu'une nouvelle forme de nomadisme est évoqué ici.Notre société implique une plus grande mobilité à la recherche d'un travail, d'un bien-être, d'un chez soi.Cette quête est favorisée par tous les dispositifs mis en œuvre par Jeanne Susplugas: Une maison à roulette pour toujours avoir un toit sur la tête, qui n'en reste pas moins en carton; une caisse à pharmacie pour pallier aux moindre aléas. Des capitonnages pour atténuer les chocs...

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« All the world's a stage » / « Le monde entier est un théâtre », de William Shakespeare à Jeanne Susplugas

Par Tony Kunter, pour le Centre d'art le LAIT

Célèbre dramaturge, poète et plus globalement écrivain anglais, William Shakespeare (1564-1616) s'est illustré dans la deuxième moitié du XVIe siècle par sa maîtrise des formes poétiques et littéraires, ainsi que par sa capacité à représenter les aspects de la nature humaine. Comiques comme tragiques, ses trente-sept œuvres dramatiques constituent le fer de lance de la culture anglo-saxonne, à ce point que l'on parle par périphrase de l'Anglais comme étant la langue de Shakespeare.

Issu d'un milieu confortable, Shakespeare est toutefois retiré de l'école secondaire en 1577 pour gagner sa vie ou pour aider son père qui est dans une mauvaise passe. Toujours dans sa ville natale, Stratford, il se marie à la hâte en 1582, et disparaît pour des raisons énigmatiques. On ne retrouve sa trace que sur la scène artistique londonienne. En 1592, le dramaturge à la mode Robert Greene (1558-1592) s'agace dans un pamphlet de l'activité théâtrale intense de Shakespeare en tant qu'auteur mais aussi en tant qu'acteur. Il interprète notamment Adam dans sa pièce Comme il vous plaira, une comédie qui nous intéresse plus particulièrement, puisque le titre de l'exposition de Jeanne Susplugas au LAIT est extrait de l'acte II, scène 7. Elle fut écrite vers 1599, peu de temps avant Hamlet. Comme il vous plaira est justement célèbre pour le monologue de Jacques, un seigneur compagnon du personnage principal, un vieux Duc banni par son frère qui l'a renversé pour devenir roi; ce monologue commence par notre fameux « All the world's a stage ».

Au début des années 1590, le théâtre londonien se déclinait en Moralités, des pièces qui mélangeaient piété, farce et burlesque, incitant le spectateur à se rapprocher des certaines vertus morales et à s'éloigner du mal. Dans les universités étaient représentés à la même époque du théâtre imprégné de dramaturgie romaine. Toutefois, ces deux traditions s'essoufflent au profit de leur synthèse et Shakespeare participe de l'élévation de ce nouveau genre en créant des pièces qui non seulement résonnent émotionnellement pour le public mais qui, de plus, posent des interrogations fondamentales sur la nature humaine.

"All the World's a stage" est donc un résumé du centre névralgique de l'oeuvre de Shakespare qui a pu trouver des échos intéressants dans La Comédie humaine de Balzac, ou dans 1984 d'Orwell, alors que les seules oeuvres qui ont échappées à la censure dans ce roman d'anticipation sont celles de Shakespeare. Sa vie n'est pas non plus étrangère à cette citation, ne serait-ce que quand on sait que son identité même a suscité de nombreuses polémiques au cours des siècles suivant sa disparition.

Plus proche du dramaturge anglais, l'Espagnol Calderón élevait en 1635 cette affirmation au rang métaphysique avec son La vie est un songe. Le premier Corneille a aussi pu verser dans cette approche de la condition humaine. Bruno Rigolt, sur l'espace pédagogique du journal Le Monde, va plus loin dans l'analyse lorsqu'il se sert de cet extrait comme "citation du jour" le 10 février 2009 :

(...) Pour ces auteurs, nul doute que la société est une sorte de théâtre où chacun "joue un rôle". La mission de l'écrivain est précisément de faire tomber les masques et de mettre à jour le simulacre de "l'inhumaine comédie"... Cette problématique est très riche dans la mesure où elle met à jour notre rapport aux autres et à nous-même. Dans une société du

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spectacle et de l'apparence, tout ne serait-il qu'illusion au détriment de la vérité ? Divertissement au sens pascalien, surmédiatisation et mise en scène de soi au détriment de la morale ? (,,,)Cette citation s'inscrit parfaitement dans la démarche baroque selon laquelle les certitudes ou vérités humaines ne seraient que des illusions. Dans une approche plus contemporaine, ce texte nous invite aussi à une réflexion sur les rapports humains, les normes et les codes sociaux.

Du théâtre baroque de la Renaissance anglaise à l'art contemporain, il n'y aurait donc qu'un pas. Jeanne Susplugas franchit ce Rubicon sur le thème de l'enfermement et des addictions. Elle nomme ainsi All the World's a stage la pièce principale de son exposition au LAIT, une Église démontable, modulable selon le lieu d’exposition. Selon les lieux, cette œuvre peut s’agencer en village, en campement ou en structure unique... Elle est accompagnée d’un habillage sonore, composé de voix enregistrées, de chuchotements, de discussions.

Dans cette œuvre originale, le perceptions visuelles et sonores sont mises à rude épreuve, si bien que l'on retrouve cette illusion existentielle shakespearienne évoquée dans le monologue de Jacques. Le mise en scène de Susplugas se joue dans un monde confiné, comme sur une scène de théâtre, sauf que c'est le visiteur qui est sur scène, parallèle entre la fiction dramaturgique et la réalité quotidienne. Le caractère escamotable n'est par sans rappeler les décors de théâtre. Le monde entier, c'est à dire les visiteurs venus d'ici et d'ailleurs, se retrouvent séquestrés, au moins au travers de leurs sens, dans le théâtre de Jeanne Susplugas, qui réussit la prouesse d'illustrer la citation de Comme il vous plaira de la manière la plus conceptuelle qui puisse être, à la limite de la métaphysique de Calderón.

Elle fait entrer la réalité dans le théâtre, à l'inverse du procédé de mise en abîme, autrement appelé théâtre dans le théâtre, et qui est parfois utilisé pour rendre véridique une scène de fiction.

Avoir choisi une église n'est pas anodin : il s'agit assurément de sacraliser la démarche artistique et par là même, de désacraliser ou de le faire au détriment de nombre de litanies religieuses pour mieux dénoncer le caractère théâtral de ces manifestations. Nul ne doute que l'espace défini par Jeanne Susplugas devient dès lors quadridimentionnel : entre perception et réalité, entre terre et cieux. À ce détail prêt qu'elle inverse les rapports de forces entre chaque entité dans chaque binôme. D'aucuns en perdront leur Latin au profit de la langue de Shakespeare !

Tony KUNTER

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Art contemporain et médicaments : des drogues de création au médicament œuvre d'art.

Par Tony Kunter, pour le Centre d'art le LAIT

C'est avec le courant de l'art sociologique dans les années soixante-dix (Fred Forest, Hervé Fischer, Jean-Paul Thénot) que se pose de manière approfondie la question de l'imprégnation contextuelle dans l'art. L'explosion de la démocratisation de l'accès aux soins depuis la fin de la Deuxième guerre mondiale (institutionnalisation de la Sécurité sociale en France, pour exemple), si elle avait suscité une euphorie générale, a conduit dans un second temps, au tournant des années de l'art sociologique, à une approche critique avec la montée de l'idéologie consumériste des grandes firmes pharmaceutiques.

Le cas des psychotropes a retenu l'attention des artistes. Il faut dire que l'usage de drogues psychédéliques avait marqué la création artistique depuis la fin du XIXe, début du XXe Siècle. Le cas des surréalistes et de leur art « automatique » sous substances est à cet égard, largement connu. A l'époque, il s'agissait de drogues à proprement parler. Les valium gobés par Andy Warhol, le chantre du « Pop art », et son ami musicien de rock Lou Reed, dans les années soixante, marquent une autre étape avec une consommation de drogues qui sont des médicaments reconnus et populaires.

La fin des années soixante-dix détermine un aboutissement de ce procès de l'art confronté aux drogues médicamenteuses.

C'est Hervé Fisher, pour l'école sociologique et contextualiste, qu'il convient ici de mentionner. Non sans ironie, Fischer, au gré de ses multiples pérégrinations, instaura sa pharmacie, ici dans des galeries d'art (Bruxelles, Rio de Janeiro), là dans des musées (Paris, Sao Paulo, Middelburg), ou encore dans des boutiques ou chez un psychanalyste (Buenos Aires), dans des villages (Allemagne), ou sur les grandes places centrales da Republica à Sao Paolo ou du Duomo à Milan, en proposant des pilules "pour le bonheur, pour la fortune, pour être beau, pour se calmer ou s'exciter alternativement, pour les plantes, pour voter, pour lire des poèmes...".

L'utilisation des psychotropes n'est plus alors un outil procédant d'une création mais la création elle-même avec un véritable message sur la société de consommation qui médicalise toute sorte de comportements à des fins commerciales avec la naissance du marketing et de la force de vente. Fisher pousse à l'extrême cette logique, non sans humour, pour en dénoncer l'absurdité. En hissant cette idée au rang d'œuvre d'art, il sacralise son propos autant qu'il dévalorise le discours idéologique qu'il dénonce de même que la naïveté du classique qui adhère à celui-ci.

De nombreux artistes se sont mis dans le sillage de Fisher en faisant des médicaments des œuvres d'art à part entière. L'artiste anglais issu du courant minimaliste Damien Hirst a même poussé le cynisme plus loin avec ses aliments médicaments, des sortes de publicités pour de la nourriture reprenant le style de l'emballage des boîtes de pilules (1999). Hirst expose également en 2008 à New York des pilules sur des étagères en métal – dans un registre donc très aseptisé – sous le titre « Where there's a will there's a way » (« Quand on veut, on peut » ). Au début des années 2000, il proposait déjà des armoires à pharmacie géantes contenant des facsimilés de médicaments.

Les exemples les plus récents sont certainement le vietnamien Danh Vo ou l'anglais Steve

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McQuenn. Une exposition en cours (jusqu'au 19 mai 2013) est même consacrée à la problématique « sous influences, arts plastiques et psychotropes » à la Maison rouge (Paris).

La française Jeanne Susplugas en a fait un thème principal de ses créations. Fille de chercheur en pharmacie, elle a approfondi le ton ironique de Fisher avec son exposition intitulée « L 'aspirine, c'est le champagne du matin » en 2009 au Bureau d'Art et de Recherche de Roubaix. Susplugas dépasse l'intention de Fisher en partant d'un médicament largement consommé en masse par la population. Pourquoi alors comparer ce produit commun à un produit de luxe, en l'occurrence le champagne? Peut-être pour rappeler que, historiquement, avant l'existence d'un tel médicament, certaines affections considérées comme anodines pouvaient tuer. Sauver sa vie face à certaines maladies est devenu un acte banal, alors qu'il s'agissait auparavant d'un luxe. Autre piste, Susplugas dénoncerait certaines conditions bourgeoises, celles où l'on consomme du champagne comme de l'aspirine, c'est-à-dire en grande quantité.

En 1999, sa Maison malade était entièrement tapissée d'emballages de médicaments. En 2013, lors d'une résidence à Artelinea dans le Languedoc-Roussillon, elle poursuit un travail entamé en 2007 autour des « containers » américains, flacons donnés dans les pharmacies avec le nombre exact de gélules requises. Les noms des médicaments sont remplacés par des mots, qui, une fois assemblés, forment des phrases, issues d'une décennie de lectures de l'artiste.

Le rapprochement est ainsi consommé, dans ces conditions, entre art et littérature contemporaine, le tout sur la thématique du médicament. Entre facétie, cynisme et poésie, Susplugas boucle le procès dialectique d'utilisation des drogues pharmaceutiques en art contemporain, en rendant plus dense le champ des possibles.

De la consommation à la création, il n'y aurait qu'un pas. Si quelques artistes ont fait de l'ingestion de médicaments de véritables performances, c'est l'installation autour de ce produit démocratique qui retient davantage l'attention, entre minimalisme dans l'art et importance du concept, qui est, dans cette thématique, très lisible puisque la santé publique et l'industrie pharmaceutique appartiennent à notre monde contemporain, se manifestant souvent dans l'actualité au travers de scandales. Il aurait donc été inquiétant, que l'art de notre temps, qui utilise les médium et les médias actuels, laisse de côté un genre de recherche créatrice centrée sur le médicament.

Tony KUNTERCentre d'art Le LAIT

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Références artistiques:Jeux de lumière

A partir de la conférence-projection « l'art et la lumière », donnée au Musée d’art et d’histoire de Genève, 20 mai 2012. Mapping Festival par Manuela de Barros maître de conférence en esthétique à l’Université Paris 8.

Entre lumières naturelles et lumières artificielles de différentes natures utilisées dans l'exposition, Jeanne Susplugas soulève un lièvre couru de tous temps par les plasticiens : l'usage de la lumière dans les représentations.Reprenons à Georges De La Tour et ses Clairs obscurs, faisons un tour du coté des baroques pour s'attarder aussi sur les artistes contemporains et leurs usages de la lumière...

Geaorges De la Tour

Un tableau caractéristique de la technique du clair obscur, consistant à jouer sur les contraste pour mettre en évidence, en lumière, les éléments les plus forts du tableau, c'est celui de Georges de La Tour qui représente "Saint-Joseph".Lorrain d’origine, peintre ordinaire du roi en 1639, Georges de la Tour est célèbre pour ses jeux d’ombre et de lumière. Son tableau Saint Joseph charpentier est bien caractéristique de son style : intérieur en clair-obscur, éclairé par une bougie. Le personnage dont le visage est illuminé est l’enfant Jésus: il éclaire et observe le travail de son père Joseph.Ce tableau date de 1640, sa lumière nous touche comme si elle nous était contemporaine. Il faut dire que l'artiste exploite la beauté et la mémoire de la bougie si naturelle à son époque et si rare à la nôtre.

Georges de LA TOUR (1593-1652), Saint Joseph charpentier, 1642, Musée du Louvre.

Les corps du tableau sont certes éclairés par la lumière de l'Unique bougie mais en réalité ils sont à peine esquissés pour définir par l'absence la lumière de celle-ci. La présence absence de la lumière permet de focaliser le regard sur la partie lumineuse du tableau.

En 1501, Giovanni Bell in i peint un "Doge" où la lumière révèle le grain de sa peau :

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Cette peinture nous fait penser à la vidéo projetée dans le tunnel There's no place l ike home par le traitement du visage en clair-obscur.

Le Caravage utilisait également le « chiaroscuro ». Dans la plupart de ses tableaux, les personnages principaux de ses scènes ou de ses portraits sont placés dans l’obscurité : une pièce sombre, un extérieur nocturne ou bien simplement un noir d’encre sans décor. Une lumière puissante et crue provenant d’un point surélevé au-dessus du tableau enveloppe les personnages à la manière d’un projecteur sur une scène de théâtre, comme un rayon de soleil qui percerait à travers une lucarne.

"Le Doge Leonardo Loredano" de Giovanni Bellini, 1501

Le cœur de la scène est particulièrement éclairé, et les contrastes saisissants ainsi produits confèrent une atmosphère dramatique et souvent mystique au tableau. La lumière du soleil traverse le tableau pour se déverser en son centre, sur le corps blanc de l’assassin et les tenues claires du saint martyre et du jeune garçon terrifié, contrastent avec les vêtements sombres des témoins disposés dans la pénombre de ce qui semble être le chœur d’une église. Le saint écarte les bras comme pour accueillir la lumière et le martyre ; ainsi l’exécuteur, ne portant qu’un voile blanc et pur autour de la taille, semble un ange descendu du ciel dans la lumière divine pour accomplir le dessein de Dieu.

Martyre de saint Matthieu,1600,huile sur toile, 323 x 343 cm, Rome, chapelle Contarelli, San Luigi dei Francesi.

Rembrandt est généralement considéré comme l'un des plus grands peintres de l'histoire de l'art baroque européen, et le plus important des peintres néerlandais du XVIIe siècle.Une des caractéristiques majeures de son œuvre est l'utilisation de la lumière et de l'obscurité (technique du clair-obscur), qui attire le regard par le jeu de contrastes appuyés. Les scènes qu'il peint sont intenses et vivantes. Ce n'est pas un peintre de la beauté ou de la richesse, il montre la compassion et l'humanité, qui ressortent dans l'expression de ses personnages,

Les pèlerins d'Emmaüs peint par Rembrandt en 1646

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l’expression de la lumière caractérise aussi le travail de Vermeer.Son usage de la lumière diffère cependant de celui de son grand prédécesseur, Rembrandt. Celui-ci, en utilisant le clair-obscur, exprimait une esthétique religieuse, illustrant l’antagonisme entre Ciel et Terre, entre lumière et ténèbres, idée chère au protestantisme. Mais le catholique Vermeer réconcilie ces deux contraires :Il cherche à matérialiser une présence invisible dans le monde visible, présence indéfinissable mais qu’il veut réelle. Il crée donc une lumière immatérielle qui sublime les personnages, où il capte et exalte la lumière.Le but des peintres hollandais du XVIIe siècle était de présenter sur la toile un ensemble des connaissances du monde. Et en effet, une œuvre de Vermeer n’est pas une « fenêtre ouverte sur le monde », formule qui caractérise les oeuvres d'un peintre de la Renaissance italienne, mais plutôt une carte qui montre ce qu’on sait voit.

Le Géographe, Johannes Vermeer, 1669, musée Städel de Francfort

Vilhelm Hammershoi , peintre danois célèbre pour l'originalité de ses travaux et artiste très connu au Danemark. Les portes et les fenêtres occupent une place importante dans l’oeuvre d’Hammershoi. Il peignait son appartement de la Strandgade à Copenhague.Dans ce tableau, la fenêtre aux carreaux opaques ne laisse pas l’oeil s’évader, de même la porte fermée.L’artiste concentre au contraire le regard à l’intérieur de la pièce, sur ce jeu de la poussière lumineuse.

Vilhelm Hammershoi, Rayon de soleil, poussière dans un rai de lumière, 1900

René Magritte

Cette oeuvre (l'empire des lumières) est sûrement l'une des peintures majeures de Magritte. Ce paysage nocturne éclairé par un unique lampadaire, sous un ciel diurne, sorte de rendez-vous du jour et de la nuit illustre l'importance du thème de la lumière et du mystère dans l'oeuvre de Magritte.

"L'empire des lumières", Magritte

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Olafur El iasson

Avec sa proposition, The Weather Project, dans l’immense hall de la Tate Modern, Olafur Eliasson réinvente le coucher/ lever de soleil dans une sorte d’expérience cosmologique. En plus de ce disque solaire formé de centaines de lampes monochromatiques, il a utilisé des humidificateurs pour créer un environnement chargé de brume. D’immenses miroirs couvraient murs et plafonds dans lesquels les visiteurs pouvaient se voir. Ceux-ci ont répondu à l’œuvre en s’y installant, couchés au sol ou assis, jouant avec leur image dans le miroir comme des danseurs qui vérifieraient leur position. Présentée pendant six mois, cette œuvre a attiré deux millions de visiteurs.

Dan Flavin

Depuis les années soixante, Dan Flavin crée une oeuvre minimaliste, loin des jeux de mots et des slogans politiques. Abstraits, les néons colorés se reflètent sur toutes les surfaces de la pièce créant un espace poétique proche du rêve.

Dan Flavin n'utilise que des tubes fluorescents achetés dans le commerce, de tailles et de couleurs standards destinés aux enseignes publicitaires. Dans une grande économie de moyens, avec de simples tubes colorés qu'il combine, Dan Flavin interroge l'espace et la perception. Ses séries de lignes, grilles ou couloirs lumineux constituent une oeuvre émouvante et belle. La beauté n'est pas un concept très souvent utilisé à propos de l'art contemporain, on y parle plus souvent d'ironie, de distance ou de critique. Ici pourtant les mots de beauté ou de séduction s'imposent.

Lumières fluorescentes circulairesDan Flavin

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Rapports au texte

En portant le texte d'auteurs qu'elle sollicite, Jeanne montre son intérêt pour le verbe, le message, l'écriture. D'autres artistes bien sûr ont suivi ce chemin. Voici ceux qui ont également utilisé la lumière.

Jenny Holzer, qui installe des projections et des écrans à LED dans la rue, une forme spectaculaire de poésie engagée. Des œuvres qui utilisent la lumière ont aussi investi l’espace public. L’espace urbain ou cette nouvelle agora qu’est Internet.Aujourd’hui, Jenny Holzer installe des projections et des écrans à LED dans la rue. Jenny Holzer, Protect, Protect, 2009. Presque trente années plus tard, elle a investi les façades du Whitney Museum. Son style est presque inchangé,

Jenny Holzer, Xenon for Berlin 2001, projection lumineuse, église Saint Matthieu, Berlin

Jenny Holzer, protect me from what I want, 1982, Times Squre, New York

Installation for Bilbao, 1997

Les néons utilisés dans l'affichage publicitaire ont très tôt attiré les artistes contemporains. Ils y ont vu un nouveau média et ont détourné ces tubes colorés à la lumière vibrante qui se travaillent facilement. Au lieu de reproduire la lumière avec leur pinceau, au lieu de l'imiter, ils l'intègrent directement au centre de leur oeuvre.Dans une approche colorée, Bruce Nauman oppose les mots NEED-DESIRE, HUMAN-DREAM, HOPE-HUMAN en diverses couleurs.

Bruce Nauman, Hulman Desire, néon.

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Neon electrical light english glass letters green eightinstallation au néon de Joseph Kosuth

Cerith Wyn Evans

En 2006, expose une couronne de néon épelant en lettres blanches "In Girum Imus Nocte et Consumimur Igni". La citation latine est un bel exemple de palindrome: la phrase peut se lire de gauche à droite ou de droite à gauche. Cerith Wyn Evans dispose ses lettres en cercle suspendu au plafond comme un lustre, au-dessus de nos têtes. Peu importe le sens de lecture, il n'y a plus de direction, tout fait sens et rien ne fait sens. "Nous tournons en rond dans la nuit et nous sommes consumés par le feu!"

Cerith Wyn à la biennale architecturale de Venise 2010.

Cerith Wyn Evans, "In Girum Imus Nocte et Consumimur Igni", 2006

CONTACTS :Service des publics : Hélène Lapeyrère06 27 40 10 86 – helene.lapeyrere@centredartlelait.

INFOS PRATIQUES :Exposition du 22 juin au 27 octobreOuverte au public du mercredi au dimanche de 14h à 19h, ouverte aux scolaires sur rdvTarifs : 4,5€ l'entrée (ou 3€ TR)Visite commentée individuelle : 8€Visite commentée scolaires :GRATUIT.Visite-Atelier : 80€ le groupe.

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