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Quel est l’avenir des politiques contractuelles ? Ces démarchesd’action publique impliquent une négociation explicite des objectifs,des engagements sur des projets conjoints et une coopérationfinancière dans un calendrier précis. Il s’agit moins d’obligationsjuridiques que d’engagements politiques.

Cet ouvrage en propose une synthèse et souligne l’ampleur de leursdéveloppements récents. Les politiques publiques contractuelles ontd’abord concerné la politique de la ville, l’aménagement, ledéveloppement économique local et les politiques culturelles. Puiselles sont intervenues largement dans des secteurs aussi différentsque la santé et la politique universitaire, la formation ou les politiquessociales. Même des domaines régaliens comme la justice et la policesont concernés.

Doit-on considérer ces contrats comme des bricolagesinstitutionnels temporaires ? Ou bien faut-il y voir une manièreprospective de concilier souci de performance et esprit denégociation ? Adaptabilité, coopérations nouvelles entre acteurspublics et privés, capacité à structurer des partenariats entre niveauxde gouvernement constituent leurs principaux atouts. Mais opacitédécisionnelle, irresponsabilité, coûts collectifs de décision et degestion en sont les discutables contreparties.

Jean-Pierre Gaudin, directeur de recherche au CNRS, professeur desuniversités à l’IEP d’Aix-en-Provence, est spécialiste des politiques publiques.

Jean-Pierre GaudinGOUVERNER PAR CONTRAT2e édition revue et augmentée

Jean-Pierre Gaudin

18€

ISBN 978-2-7246-1049-9 SODIS 978 181.0

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Catalogage Électre-Bibliographie (avec le concours de la Bibliothèque deSciences Po)Gouverner par contrat / Jean-Pierre Gaudin – 2e édition revue et augmentée –Paris : Presses de Sciences Po, 2007.ISBN 978-2-7246-1049-9RAMEAU :– Politique publique – France– Concertation – France – Relations gouvernement central-collectivités locales – FranceDEWEY :– 320.7 440 : Conjoncture et conditions politiques France– 351 : Administration centrale

La loi de 1957 sur la propriété intellectuelle interdit expressément la photocopieà usage collectif sans autorisation des ayants droit (seule la photocopie à usageprivé du copiste est autorisée).Nous rappelons donc que toute reproduction, partielle ou totale, du présentouvrage est interdite sans autorisation de l’éditeur ou du Centre français d’ex-ploitation du droit de copie (CFC, 3, rue Hautefeuille, 75006 Paris).

© 2007, PRESSES DE LA FONDATION NATIONALE DES SCIENCES POLITIQUES

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ISBN - version PDF : 9782724682069

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SOMMAIRE

Introduction 7

Première partieLe contrat d’action publique

Chapitre 1 / L’ÉMERGENCE DES POLITIQUES CONTRACTUELLES 17L’héritage centralisé 17Décentralisation et contrats d’action publique 25

Chapitre 2 / LE CONTRAT : UNE MISE EN FORME DE LA NÉGOCIATION 37Coopérations et concurrences 37Une négociation personnalisée 49

Chapitre 3 / LA FIN D’UN JARDIN À LA FRANÇAISE 59Les croyances en l’intérêt général 59L’hypothèse d’une crise de gouvernabilité 70Les asymétries dans la nouvelle action publique 80

Deuxième partieLes politiques contractuelles et les analyses de la négociation

Chapitre 4 / LA NÉGOCIATION CONTRACTUELLE 103La diffusion internationale de la négociation explicite 103Le contrat d’action publique comme « désordre » 119

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Chapitre 5 / COMMENT ANALYSER LA NÉGOCIATION EXPLICITE ? 129Des partenariats inégaux 130L’institutionnalisation de la négociation 140La contractualisation et le changement politique 161

Troisième partieLa légitimation des contrats d’action publique

Chapitre 6 / APPRENTISSAGES COLLECTIFS ET MÉDIATIONS PROFESSIONNELLES 175De l’investissement professionnel à l’engagement public 179Des apprentissages collectifs 186

Chapitre 7 / LA FORCE DES LIENS FAIBLES 193De nouveaux répertoires d’action 193Les forums des politiques contractuelles 206La circulation des expériences 212

Chapitre 8 / DÉMOCRATIE ET « TECHNOTABLES » 219Les ressources des élites intermédiaires 219Les technotables 228Entre procédures théâtrales et participation confinée 236

Conclusion / D’UNE CRISE DE GOUVERNABILITÉ À UNE CRISE DE GOUVERNANCE ? 245

Bibliographie 251

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Introduction

Partenariats et médiations sont dans l’air du temps.Entre solutions opérationnelles et horizon citoyen, entre inter-

ventions publiques et philosophie politique, qu’est-ce qui se joueréellement dans ce que certains appellent déjà une nouvelle« culture de la négociation » ?

Les propositions se multiplient pour « moderniser la viepublique ». Nos gouvernants, en l’occurrence, pensent surtoutmodes de scrutin, rôle du Parlement, cumul des mandats, ou encoreregroupements en communautés de communes. Cela les conduit,bien entendu, à évoquer un partage renouvelé des décisions et despouvoirs institutionnels. Et aussi à préconiser l’expérimentationd’une nouvelle action publique, débattue et négociée, « moins loindes citoyens ». Négociation, partenariat et médiation sont ainsi desmots très étroitement associés par les acteurs d’un nombre croissantde politiques publiques.

Pourquoi ces mouvements convergents de célébration de lanégociation ? S’agit-il là d’une tendance effective dans l’ensemblede l’action politique, qui manifesterait que l’État ne peut plusprendre ses décisions de manière autarcique, ou bien d’une simpledéclaration d’intention ?

Lieu après lieu, depuis quelques décennies, le panorama desméthodes des politiques publiques s’est, de fait, modifié progressi-vement en France : mobilisation des services publics autour deprojets de services ; décentralisation des compétences et foisonne-ment de politiques contractuelles ; assouplissement des rapportspublic/privé, notamment par le biais d’autorités indépendantes. Detous côtés, des changements diversifiés semblent aller dans unmême sens : la négociation plus explicite de l’action publique et lamultiplication de contrats dans les politiques publiques.

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Si, aux yeux du citoyen, il reste éclipsé par le sacre récent de ladécentralisation, le déploiement actuel des politiques contractuellesfrappe, en revanche, les acteurs politiques et les observateurs. Cesdémarches, sous des intitulés divers, chartes, conventions, contrats,pactes, mettent en forme, par la négociation d’objectifs ponctuels etde moyens ciblés, des coopérations entre des mondes multiples, à lafois partenaires et concurrents : régions, départements, communes,État, associations et entreprises. Elles apparaissent sans doutemoins décisives pour des politiques d’orientation macroécono-mique, comme la production des biens industriels et agricoles, oules politiques de protection sociale, que pour les actions« réformistes » et territorialisées, tels environnement, prestation desservices de proximité ou encore politique des banlieues. Maisquand bien même les modalités de la contractualisation restentassez variables, aujourd’hui presque toutes les politiques publiquessont concernées, même les plus régaliennes.

Les maîtres mots de l’action sont désormais coordination etdécloisonnement. Est-ce la raison pour laquelle ces partenariatsfleurissent tant aujourd’hui ? Leur première éclosion a commencéen réalité il y a plus de vingt ans, dans une conjoncture alorsmarquée par la prise de conscience d’un essoufflement de la crois-sance. Ce qu’on imputa d’abord à la crise pétrolière puis aux muta-tions technologiques était aussi l’expression des limites du modèlede développement français qui liait étroitement État providence,intervention économique et tutelle centraliste. Cela a conduitdepuis à la remise en cause de la planification économique, bientôtsuivie d’une recomposition de l’État social et de la centralisation àla française.

L’ossature de la décision publique en a été modifiée, au rythme dela décentralisation des années 1980 par le jeu des transferts decompétences, de la redistribution des administrations et des fiscalités.

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INTRODUCTION 9

En plus des collectivités locales, il faut compter avec les entreprises,puisque le chômage devient un problème majeur, et avec des asso-ciations, d’autant plus courtisées qu’elles sont instrumentalisables.Les interlocuteurs se sont multipliés et l’État doit descendre de sonpiédestal : avec des coopérations obligées et des concurrencessouvent euphémisées, on aboutit à un brouillage du classiquedialogue tutélaire entre le centre et la périphérie.

Mais la réforme institutionnelle ne saurait tout expliquer. Lesmodifications sont substantielles dans l’action publique parce qued’autres mouvements de fond vont dans le même sens.

Les années 1980 sont en effet celles du libéralisme économiquerayonnant. On a cru tout d’abord, en France, que c’était là unespécificité thatchérienne, puis une tendance maîtrisable par laculture française de l’intérêt général et de l’État colbertiste, avantd’y voir finalement une obligation, liée au développement deséchanges, à la modernisation administrative et à la concurrencesur les localisations d’entreprises. D’où des décloisonnementsnouveaux et des recherches de partenariats entre deux mondes queprincipes et pratiques avaient semblé longtemps opposer.

Mais ces années ont été peut-être, plus encore, celles de l’inté-gration européenne. Sans qu’on y ait initialement pris beaucoupgarde, les conséquences en sont devenues majeures sur les styles dedécision et les politiques publiques nationales. Un niveau de prescrip-tion de la norme et donc un étage de négociation s’ajoutent auxprécédents. En outre, les actions de l’Union européenne procèdentsouvent par contrats d’objectifs et de moyens. Les cocontractants sontles États membres mais aussi les régions, avec des effets de contour-nement des autorités nationales. Les contrats ouvrent ainsi la porte àdes interlocuteurs diversifiés et à des niveaux territoriaux multiples.

En somme, tant le climat néolibéral que l’intégration européenneet la décentralisation ont mis en selle des interlocuteurs promis à un

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rôle accru. Tout cela dans un contexte de crise des mobilisationscollectives, mais aussi de célébration du sujet stratège et du choixrationnel, deux figures de l’individualisme moderne. On perçoitalors que, si les formes contractuelles de la négociation innoventpeu sur le fond, leur généralisation et surtout leur affichagepolitique en font un phénomène neuf.

Focaliser ainsi l’attention sur l’intensité actuelle des partenariatsne saurait pourtant apporter tous les éclairages nécessaires. On reste,en effet, prisonnier d’une actualité magnifiée par ses protagonistes,qui aiment à y voir tantôt un triomphe irénique de l’esprit consen-suel ou, à l’inverse, la valorisation des jeux stratégiques et desconcurrences ouvertes de pouvoir. Or, ces modalités se dessinent enréalité sur fond de questions plus larges ; celles relatives à la gouver-nabilité et à la « capacité à rendre compte » (accountability).

Car avec la reconnaissance de ces interlocuteurs mis tous sur lemême pied que l’État, acteurs locaux par la grâce de la décentra-lisation, opérateurs privés avec le concours du libéralisme écono-mique, acteurs associatifs par l’appel à la citoyenneté, les dispositifsdécisionnels semblent devenus plus fragmentés et multicentrésqu’il y a une génération. À cette situation, correspondraient unefaçon concertée de gouverner et un art indirect de coordonner qui,pour certains, répond au joli nom de « gouvernance ». Façon doucede relativiser l’État (ou de le dévaloriser ?) en célébrant les coopé-rations multiniveaux entre initiatives européennes, nationales etlocales et les partenariats avec le privé. Or, c’est ce mot magiquequ’il faut interroger : pratique et pragmatique, en apparence, nesert-il en fait qu’à rendre raison des concurrences et à euphémiserles conflits ?

Dans le même temps, l’administration est conviée à se« moderniser » pour accompagner les évolutions économiques et

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sociales. Démarches contractuelles, médiations et partenariats sontdonc censés contribuer à optimiser le travail administratif, à décloi-sonner les genres, à individualiser les rapports avec l’usager.Derrière la dimension opérationnelle de cette gouvernabiliténouvelle, se profile un objectif réactivé de participation. Par la clas-sique consultation ou, mieux, par la mise en débat procédurale etl’implication directe des citoyens dans la définition de certainsprojets, c’est une intensification de la démocratie qui paraîtsouhaitée.

En rejoignant ainsi, par son caractère visible et officiel, le cerclevertueux de la politique, la négociation contractuelle ne romptévidemment pas avec les classiques arrangements, mais elle entendne plus s’y enfermer. De surcroît, elle parvient même à arraisonnerune part de l’imaginaire politique du contrat social. Pour autant, lespratiques ont-elles aussi changé ? Qui participe véritablement audébat public, à quelles conditions et avec quelles ressources classi-ques ou nouvelles ? Laquelle des deux tendances, élitiste ou démo-cratique, se nourrira le mieux de ces nouveaux modes de faire ?Les objectifs poursuivis veulent à la fois faire place à l’efficacitégestionnaire et à l’approfondissement démocratique. Maiscomment, par la seule vertu de la négociation, concilier démocratieet performance ? Aux yeux de nombre de commentateurs, onaboutit plutôt en France à l’opacité croissante des décisions, àl’incertitude des règles et, donc, au désordre.

Pour éclairer les termes du débat actuel, il faut comprendred’abord quelle est la portée du partenariat explicite. Par rapport auxformes traditionnelles de la négociation politique qui s’inscriventdans le creux des conflits et le secret des couloirs et privilégientl’arrangement direct plutôt que des formes élaborées de médiationpar des tiers. Par rapport, également, aux autres traditions de la

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délibération ou du débat : la négociation diplomatique, la négocia-tion sociale collective, ou encore la négociation de marché.

Mais négociation explicite ne vaut pas nécessairement négo-ciation ouverte. Le filtrage des interlocuteurs, l’opacité desprocédures, l’instabilité des modes de faire sont des caractéristiquesen réalité très courantes.

Elles ne sauraient masquer longtemps que les contrats d’actionpublique et autres formes de partenariat reproduisent, derrière leursapparences égalitaires, des asymétries de pouvoir et des domina-tions. Dans l’immédiat, elles donnent une impression de désordre,qui contraste singulièrement avec le « jardin à la française », claire-ment organisé, bien lisible dans ses développements symétriques,que constituaient auparavant les politiques publiques convergeantautour de l’argument de l’intérêt général.

On en vient, alors, à interroger plus avant l’idée de partenariatqu’on voit partout fleurir : conventions multiples liant les pouvoirspublics, le secteur privé et, parfois, ce qu’on appelle les associationsde la « société civile ». Le développement de ces modalités conduit-il à envisager, sous un jour plus pragmatique, le principe de l’intérêtgénéral, les redistributions sociales, et le rôle même de l’État ?

Mais il faut savoir aussi raisonner dans le cadre européen. LaFrance n’est pas seule en jeu dans ces multiples évolutions ; ondécouvre qu’au sein de bien des pays voisins, en effet, destendances comparables se manifestent. Peut-on parler alors d’uneforme de négociation standard dans l’action publique contempo-raine, voire d’un modèle européen de régulation partenariale ? Àpartir de possibles rapprochements faits de pays à pays, on pourraitavancer que la négociation explicite est en passe de devenir unmodèle qui se diffuse de proche en proche, par contagion interna-tionale. Cependant, les différentes problématiques de la négocia-tion politique conduisent à mettre en doute cette perspective. Car

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elles soulignent plutôt le rôle de ce qui reste inscrit dans les institu-tions, les valeurs et les intérêts spécifiques, qui font les enjeuxdifférenciés de la négociation partenariale. Les États, et parfois lesrégions, sont des produits historiques aux évolutions qui restentdiversifiées.

Quel sera, dès lors, l’avenir de ces partenariats, et particulière-ment des démarches contractuelles si valorisées actuellement enFrance ? La médiation politique et sociale pourrait difficilement sejustifier longtemps à partir des seules vertus dont on crédite l’inte-raction. Et l’efficacité pragmatique ou l’accoutumance progressiveaux procédures nouvelles seraient des argumentations bien mini-males… Face au retrait relatif de la règle générale et du rôle de lareprésentation politique dans ces modes de faire, il faut alors inter-roger les formes de légitimation, qui accompagnent la négociationexplicite. C’est dans les pratiques qui entremêlent étroitementcarrières et militantismes, engagement professionnel et engage-ment public qu’on peut déceler un patient travail d’accréditation dela négociation explicite. Il promeut de nouveaux répertoiresd’argumentation, s’appuie sur des forums d’opinion locaux ounationaux, et construit des profils d’intermédiaires situés à lacharnière du technique et du politique.

Si la croyance dans le bien-fondé de la négociation partenarialepeut ainsi s’étayer sur l’offre de procédures de débat, n’est-ce pasen renonçant aux ambitions de démocratisation affichées parailleurs ? Les nouvelles élites de la négociation territoriale risquent,ainsi, d’aller dans le sens d’une valorisation des processus les plusthéâtralisés plutôt que vers une délibération accrue.

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Première partie

Le contratd’action publique

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Chapitre 1 / L’ÉMERGENCE

DES POLITIQUES CONTRACTUELLES

Comme nous le rappellent les chansons de l’entre-deux-guerres,Paris a été chéri, idolâtré même. Paris, « reine du monde », étaitd’abord le centre tant politique et économique que culturel de laFrance. Une capitale absolue, dont le reste du pays, l’ensembleindistinct de la province, n’était que la « périphérie ». Par des ritour-nelles, le centralisme français était ainsi inscrit jusque dans lescœurs ; et leurs refrains imagés ont pu célébrer un rayonnementsans partage. Au début des années 1960, encore, une correspon-dance étroite s’établissait entre la quasi-centralité géographique deParis dans l’Hexagone et son rôle éminent de commandementpolitique, administratif et économique sur l’ensemble du territoire.

L’héritage centralisé

Cette forme de raisonnement qui oppose centre et périphérieavait été développée au plan international. La critique des tutelleséconomiques exercées par les pays industriels sur les pays pauvres,colonies tardives ou États nouvellement indépendants dans lemonde de l’après-guerre, s’était portée sur les mécanismes del’échange inégal et sur les déséquilibres entre les centres névralgi-ques de l’économie internationale (les riches métropoles) et leurspériphéries politiques et sociales. Le modèle centre/périphéries’affirmait ainsi comme une caractéristique essentielle des rapportsde domination.

Mais cette perspective critique a conduit également à une réin-terprétation des relations entre Paris et province. La « VilleLumière », dont on avait tant célébré le rayonnement, apparaîtdorénavant trop polarisatrice, dévorante et dominatrice. Sont tour à

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tour dénoncés les risques d’un « désert français » (Gravier, 1947) ;puis les effets discriminants des relocalisations industrielles impul-sées alors par la toute jeune Datar, lesquelles ne feraient que renou-veler l’exploitation économique des périphéries de l’Ouest et du Sudde la France ; et, plus encore, les tutelles multiples d’une adminis-tration d’État, paternelle mais autoritaire, pesant sur des éluslocaux. Tout cela après que les investissements requis après guerrepar l’effort de reconstruction, puis les premières politiquesd’aménagement du territoire avaient déjà accompagné des rééva-luations de la place exorbitante prise par Paris au sein de l’ensemblenational.

Dès lors, la référence au modèle centre/périphérie imprègne ledébat d’opinion et l’action politique. Mais elle marque égalementen profondeur les travaux des chercheurs et les réflexions desobservateurs. Au point qu’au-delà des divergences théoriques etdes oppositions de points de vue ce modèle d’analyse semble faireréférence implicite pour la majorité de la communauté intellec-tuelle. Cela devient un véritable paradigme dans les années 1960 et1970, qui fait consensus au plan international (Judge, Stoker etWolman, 1995).

L’énigme du local

Dans un contexte de développement, qui marginalise les péri-phéries économiques et politiques tout en insistant sur les retards àleur faire rattraper, la réalité du pouvoir local est devenue uneénigme.

Alors que dans d’autres pays, comme la Grande-Bretagne, semaintenaient les signes d’une autonomie locale tangible, étudiée etcommentée comme telle, en France les choses paraissent beaucoupplus incertaines. Peut-on parler d’un « objet local », questionne uncolloque interdisciplinaire (Sfez, 1977) ? Les réponses apportées

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sont plutôt pessimistes quant à la consistance des pouvoirs locauxdans notre pays, mais elles laissent voir, à la fin des années 1970, lerôle des revendications de quartier et des mobilisations inscritesdans la vie quotidienne, ainsi que l’importance du travail de mobi-lisation politique locale, qui rejoint des formes d’appartenancesterritoriales revendiquées en Bretagne ou dans le Midi « rouge ».

S’il arrive que des études soulignent ainsi la grande capacité derésistance ou de ruse des pouvoirs locaux, c’est pour mieux illustrerle paradigme centre/périphérie, qui suppose une hiérarchie entre lerôle de Paris et les réactions que lui oppose le reste du pays. Lamajorité des réflexions et des recherches, conduites au plus près desterrains locaux, privilégie des analyses où les processus apparais-sent surtout « descendants » le long des circuits du pouvoir d’État,plutôt que les dynamiques inverses, de type bottom-up, que mani-festaient pourtant des initiatives locales, syndicales, associatives oumunicipales.

Que les perspectives fussent alors marxistes ou non, et lesproblématiques structuralistes ou bien stratégiques, l’impulsionlocale apparaissait secondaire. Elle était considérée comme réactiveplutôt que propositionnelle ou autonome.

La recherche urbaine a, en particulier, développé des problé-matiques qui privilégiaient majoritairement l’État contemporain, entant que centre d’impulsion ou de contrôle. Dans les travaux quiinterrogeaient le rôle des « équipements du pouvoir », l’explicationrésidait principalement dans une logique de puissance censée sous-tendre toutes les initiatives de l’État : pour les chercheurs d’inspira-tion foucaldienne, les équipements collectifs s’analysaient commeétant les outils d’une territorialisation du pouvoir central visant àquadriller les éléments de la vie quotidienne et à réduire l’échelonpolitique local à un rôle de relais. Tandis que, dans le courant

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marxiste de la recherche urbaine, on s’attachait prioritairement auxrapports entre pouvoir politique et forces économiques. L’analyseétait alors focalisée sur les stratégies des grands groupes industrielset bancaires qui se structuraient en France. Les alliances politico-économiques déterminantes, nouées à l’échelle nationale, faisaientdes politiques industrielles et d’aménagement la manifestationdominante d’un « capitalisme monopoliste d’État » (Castells etGodard, 1974 ; Lojkine et al., 1978). Le centre politique et les oligo-poles économiques du pays se confortaient ainsi mutuellement, nelaissant aux « périphéries » qu’une marge de réaction, de résistanceou de révolte. Dans ce cadre d’analyse, les pouvoirs locaux nedisposaient que d’une « autonomie relative ».

Troisième grand courant, celui des travaux de sociologie poli-tique abordait la question du pouvoir local, tout en n’échappant pastotalement au paradigme centre/périphérie (Lagroye, 1991). Dansl’analyse des organisations appliquée au monde politico-adminis-tratif, les pouvoirs locaux ont été en effet longtemps qualifiés de« périphériques » (Grémion, 1976 ; Duran et Thœnig, 1996). Cepen-dant, ces pouvoirs (élus, techniciens, socioprofessionnels) se révé-laient dotés d’une consistance spécifique, d’une capacité propred’initiative et de comportement stratégique. Loin de réagir seule-ment par la ruse, la protestation ou la révolte à des impulsionscentrales, ils apparaissaient comme des acteurs importants dans desjeux de négociation et d’échange politique (qu’ils contribuaient,autant que l’État central, à structurer). Les pouvoirs locaux étaientdonc caractérisés essentiellement par l’existence d’un bipôle, lepréfet et ses notables, où les relations interpersonnelles découlaientpour l’essentiel de la négociation nécessaire entre deux mondesd’action aux légitimités différentes. Les pouvoirs locaux se situaientainsi au point d’équilibre et de contact entre les délégués adminis-tratifs du centre politique (le préfet et les directeurs départementaux

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L’ÉMERGENCE DES POLITIQUES CONTRACTUELLES 21

des services de l’État) et les représentants territoriaux qu’étaient lesélus politiques ou socioprofessionnels. Le rapport centre/périphéries’envisageait dès lors comme un dispositif relationnel équilibré, oùle politique et l’administratif, le central et le local, s’opposaient,mais aussi s’étayaient réciproquement.

Centralisme et intérêt général

Le déplacement du regard qu’autorisait l’analyse stratégiquepermettait d’aller au-delà des procédures et des organigrammes. Detelles relations négociées restaient encore, pour l’essentiel,inavouées par les protagonistes et voilées derrière l’ordre juridiqueet administratif officiel.

Les négociations cachées autour de l’application locale de larègle générale ne pouvaient faire oublier l’asymétrie forte existantentre les grands pouvoirs tutélaires de l’État et les compétenceslimitées des collectivités locales. D’autant qu’avant la décen-tralisation, la justification de l’action tutélaire de l’État s’appuyaitsur des arguments encore très largement partagés : un centre puis-sant, qui contrôle l’ensemble de l’action publique, n’est-il pas lemieux à même de veiller à l’égalité des situations, à la redistributiondes ressources, à la rationalité des choix collectifs ?

Car assimiler centralisme et intérêt général faisait partie desformes de convictions collectives longuement élaborées à traversl’histoire française. Le déploiement de la centralisation adminis-trative et politique est un processus ancien, mais resté longtempsfragmentaire ou partiel, centré sur quelques politiques publiques.D’abord associée à l’affirmation des prérogatives régaliennes puis àl’émergence de l’État-nation et du premier noyau de l’administra-tion républicaine, la centralisation n’a pris ensuite une ampleurnouvelle et décisive qu’avec les programmes de reconstructionfaisant suite aux guerres mondiales, et la généralisation de l’État

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social en France. Les croyances cristallisées autour de l’intérêtgénéral et de la neutralité de l’administration d’État résultent d’untravail de construction progressive, où l’affirmation récente desbureaucraties administratives et de l’interventionnisme moderne aune bonne part.

Les tutelles classiques ont été de trois types. Le premier facteurde contrôle, le plus apparent, c’est celui de la tutelle juridique. Lerégime de Vichy, dans un contexte de guerre et de gestion de lapénurie, esquisse une planification économique et les linéaments deplusieurs politiques étatiques, à travers la production d’équipe-ments types et de plans d’urbanisme. Tout cela au nom de l’intérêtgénéral et de la neutralité de la rationalité technique. Ce mêmesystème de croyance assure ensuite la transition entre la QuatrièmeRépublique et la Cinquième, où de nombreux agencements tuté-laires se complètent mutuellement pour codifier particulièrementles aménagements de l’espace. La tâche de la reconstructionurbaine et industrielle en France est considérable aux débuts desTrente Glorieuses. S’y ajoute rapidement l’objectif de réaliser degrands ensembles de logements sociaux. L’ampleur des programmeset des financements publics mobilisés va de pair avec le développe-ment de grandes administrations d’État (transports, logement,enseignement, santé). Les collectivités territoriales sont alorsplacées sous forte tutelle juridique. Une grande part de leurs compé-tences est assujettie à un contrôle a priori du préfet et des servicesde l’État.

Deuxième type de tutelle, le système des subventions crée desurcroît une large tutelle financière, car il soumet les contributionsfinancières de l’État à un ensemble de ratios, de quotas, deprogrammes types et de standards définis par les administrationsnationales. Le tout doit encore s’insérer dans les calendriers de la

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