Jean-ClaudeCarrière, unevie àécrirelecinéma g · g Jean-ClaudeCarrière, unevie...

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Jean-Claude Carrière, une vie à écrire le cinéma Cinéma. Cyrano, La piscine, Belle de jour, La controverse de Valladolid, ou Le Mahâbhârata au théâtre ont en commun le scénariste Jean-Claude Carrière. À 88 ans, il est toujours en action. Discuter avec Jean-Claude Carrière c’est entamer un long voyage au cœur du cinéma et du théâtre. Un périple peuplé de Jean-Paul Rappe- neau, Pierre Étaix, Jean-Louis Trinti- gnant… Mais aussi une balade à tra- vers les cultures du monde. La preuve sur les murs de sa maison, à l’abri d’une petite cour dans le quartier de Pigalle à Paris. À 88 ans, Jean-Claude Carrière se déplace un peu difficilement mais, dès que la conversation commence, la scène s’anime. Le seul hic est de savoir où entamer le parcours de cette vie. Comme il est parrain d’un festival de films iraniens à Vitré (1), consa- cré à de jeunes réalisateurs, autant commencer par l’Iran. Ce pays, il l’a découvert avec le metteur en scène de théâtre Peter Brook, dans les an- nées 1970, quand ils ont monté La conférence des oiseaux du poète Fa- rid al-Din Attar. C’est à peu près à la même époque qu’il a épousé une Ira- nienne, une femme savante, docteure en chinois. Et puis, bien sûr, il y a eu le cinéma. « Avec Jean-Luc Godard, nous étions allés voir Au travers des oli- viers d’Abbas Kiarostami. On est resté deux séances de suite. On voyait des choses qu’on avait jamais vues. Un auteur authentique avec une liberté de récit, de ton… Depuis le cinéma iranien a beaucoup évo- lué mais ça reste passionnant. C’est un peuple très cultivé dans l’un des plus beaux pays du monde. » On n’évoquera pas les événements qui viennent de secouer le pays. Cet entretien a eu lieu avant. Et puis, un coup de fil de Louis Garrel interrompt la conversation. Après L’homme fi- dèle, ils écrivent un nouveau film en- semble. « J’ai besoin du rire » L’occasion de demander ce qu’est un bon scénario ? « L’essentiel, c’est l’intérêt dramatique. Le spectateur a besoin d’une action dont il veut connaître le dénouement. Après, sû- rement à cause de Tati et Étaix, j’ai besoin du rire. Il me sert à dédrama- tiser. Il faut donner au public le droit de rire. » Il sait de quoi il parle avec plus de 120 scénarios au compteur. Et comme il les égraine dans son der- nier livre (2), c’est autant d’anecdotes. Par exemple pour Cyrano de Ber- gerac. Avec le réalisateur Jean-Paul Rappeneau, il était gêné par les tra- versées incessantes de Cyrano à tra- vers les lignes ennemies pour poster des courriers à Roxane. Comment faire au cinéma ? Quand ils appri- rent, qu’au XVII e siècle, le blé était au moins trente centimètres plus haut, ils récupérèrent des semences au Mu- séum d’histoire naturelle, les semè- rent. Et, l’été suivant, Gérard Depar- dieu courait, caché dans les blés. Ça devint même l’affiche ! Nouvelle histoire sur La controverse de Valladolid. À l’occasion du 500 e an- niversaire de la découverte de l’Amé- rique, la télé lui commande un film. Il se souvient de cette controverse entre deux hommes d’Église pour savoir si les Indiens avaient une âme. Un dé- bat essentiellement épistolaire mais Jean-Claude Carrière le transpose dans un lieu unique. « J’avais Jean- Pierre Marielle et Jean Carmet, mais je voulais Jean-Louis Trintignant. Or il s’était engagé pour un film, à che- val, au Canada. Puis, il s’est acheté une moto et s’est fracturé la jambe. Le rôle était assis et il a tout fait avec une jambe dans le plâtre. » « Vive la République ! » Pour comprendre la précision de son travail de scénariste, il faut évoquer Le Mahâbhârata, ce grand poème épique indien qu’il a adapté pour une pièce mise en scène par Peter Brook. Onze ans de travail ! Là, la précision se jouait sur chaque mot. « Comment traduire la notion de désorienter quand on parle de l’Orient ? » Ou, celle de pensée inconsciente pour un public européen qui va tout de suite imaginer le divan du psychanalyste ? « J’ai fini par trouver l’expression « le cœur profond ». Ça me convenait bien pour le français mais quand Pe- ter Brook a écrit la version anglaise, ça n’allait plus. Deep in my heart sonnait comme une roucoulade sen- timentale ! » La famille de Jean-Claude Carrière ne le destinait pourtant pas à un tel métier : « Je suis d’une toute petite origine de paysans. Mais une insti- tutrice a convaincu mes parents de me faire passer une bourse. Elle m’a permis de faire des études jus- qu’à être normalien. Si je n’ai qu’une chose à dire c’est : « Vive la Répu- blique ! »« Ma vie a été incroyablement rem- plie », conclut-il. Pour le moins ! Gilles KERDREUX. (1) Nouvelles images d’Iran. Du 11 au 15 décembre à Vitré avec six films en compétition. www.nouvellesimagesdi- ran.fr (2) Ateliers de Jean-Claude Carrière. Ed. Odile-Jacob. 440 pages. 22,90 €. Jean-Claude Carrière en février 2017 lors de la cérémonie des Césars. Christophe Petit Tesson, EPa C’est Noël au Day spa ! - 15% du 21 novembre au 04 décembre 2019 - 10% du 05 décembre au 31 décembre 2019 Surtous vos soins! DAYSPA | 20 rue Jean Jaurès | La Roche-Sur-Yon | 02 51 36 95 10 - Achetez sur place ou sur dayspa.fr avec le code noel19 Rencontre

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Jean-Claude Carrière, une vie à écrire le cinémaCinéma. Cyrano, La piscine, Belle de jour, La controverse de Valladolid, ou Le Mahâbhârata authéâtre ont en commun le scénariste Jean-Claude Carrière. À 88 ans, il est toujours en action.

Discuter avec Jean-Claude Carrièrec’est entamer un long voyage aucœur du cinéma et du théâtre. Unpériple peuplé de Jean-Paul Rappe-neau, Pierre Étaix, Jean-Louis Trinti-gnant… Mais aussi une balade à tra-vers les cultures du monde. La preuvesur les murs de sa maison, à l’abrid’une petite cour dans le quartier dePigalle à Paris.

À 88 ans, Jean-Claude Carrière sedéplace un peu difficilement mais,dès que la conversation commence,la scène s’anime. Le seul hic est desavoir où entamer le parcours decette vie.

Comme il est parrain d’un festivalde films iraniens à Vitré (1), consa-cré à de jeunes réalisateurs, autantcommencer par l’Iran. Ce pays, il l’adécouvert avec le metteur en scènede théâtre Peter Brook, dans les an-nées 1970, quand ils ont monté Laconférence des oiseaux du poète Fa-rid al-Din Attar. C’est à peu près à lamême époque qu’il a épousé une Ira-nienne, une femme savante, docteureen chinois. Et puis, bien sûr, il y a eule cinéma.

« Avec Jean-Luc Godard, nousétions allés voir Au travers des oli-viers d’Abbas Kiarostami. On estresté deux séances de suite. Onvoyait des choses qu’on avait jamaisvues. Un auteur authentique avecune liberté de récit, de ton… Depuisle cinéma iranien a beaucoup évo-lué mais ça reste passionnant. C’estun peuple très cultivé dans l’un desplus beaux pays du monde. »

On n’évoquera pas les événementsqui viennent de secouer le pays. Cetentretien a eu lieu avant. Et puis, uncoup de fil de Louis Garrel interromptla conversation. Après L’homme fi-dèle, ils écrivent un nouveau film en-semble.

« J’ai besoin du rire »

L’occasion de demander ce qu’estun bon scénario ? « L’essentiel, c’estl’intérêt dramatique. Le spectateura besoin d’une action dont il veutconnaître le dénouement. Après, sû-rement à cause de Tati et Étaix, j’aibesoin du rire. Il me sert à dédrama-

tiser. Il faut donner au public le droitde rire. »

Il sait de quoi il parle avec plusde 120 scénarios au compteur. Etcomme il les égraine dans son der-nier livre (2), c’est autant d’anecdotes.

Par exemple pour Cyrano de Ber-gerac. Avec le réalisateur Jean-PaulRappeneau, il était gêné par les tra-versées incessantes de Cyrano à tra-vers les lignes ennemies pour posterdes courriers à Roxane. Comment

faire au cinéma ? Quand ils appri-rent, qu’au XVIIe siècle, le blé était aumoins trente centimètres plus haut, ilsrécupérèrent des semences au Mu-séum d’histoire naturelle, les semè-rent. Et, l’été suivant, Gérard Depar-dieu courait, caché dans les blés. Çadevint même l’affiche !

Nouvelle histoire sur La controversede Valladolid. À l’occasion du 500e an-niversaire de la découverte de l’Amé-rique, la télé lui commande un film. Il

se souvient de cette controverse entredeux hommes d’Église pour savoir siles Indiens avaient une âme. Un dé-bat essentiellement épistolaire maisJean-Claude Carrière le transposedans un lieu unique. « J’avais Jean-Pierre Marielle et Jean Carmet, maisje voulais Jean-Louis Trintignant. Oril s’était engagé pour un film, à che-val, au Canada. Puis, il s’est achetéune moto et s’est fracturé la jambe.Le rôle était assis et il a tout fait avecune jambe dans le plâtre. »

« Vive la République ! »

Pour comprendre la précision de sontravail de scénariste, il faut évoquerLe Mahâbhârata, ce grand poèmeépique indien qu’il a adapté pour unepièce mise en scène par Peter Brook.Onze ans de travail ! Là, la précisionse jouait sur chaque mot. « Commenttraduire la notion de désorienterquand on parle de l’Orient ? » Ou,celle de pensée inconsciente pour unpublic européen qui va tout de suiteimaginer le divan du psychanalyste ?« J’ai fini par trouver l’expression « lecœur profond ». Ça me convenaitbien pour le français mais quand Pe-ter Brook a écrit la version anglaise,ça n’allait plus. Deep in my heartsonnait comme une roucoulade sen-timentale ! »

La famille de Jean-Claude Carrièrene le destinait pourtant pas à un telmétier : « Je suis d’une toute petiteorigine de paysans. Mais une insti-tutrice a convaincu mes parents deme faire passer une bourse. Ellem’a permis de faire des études jus-qu’à être normalien. Si je n’ai qu’unechose à dire c’est : « Vive la Répu-blique ! ». »

« Ma vie a été incroyablement rem-plie », conclut-il. Pour le moins !

Gilles KERDREUX.

(1) Nouvelles images d’Iran. Du 11 au15 décembre à Vitré avec six films encompétition. www.nouvellesimagesdi-ran.fr(2) Ateliers de Jean-Claude Carrière.Ed. Odile-Jacob. 440 pages. 22,90 €.

Jean-Claude Carrière en février 2017 lors de la cérémonie des Césars.

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