JEAN-CHRISTOPHE GAWRYSIAK, VIOLONISTE «Le · PDF filedans la classe de Patrick Genet,...

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EN 36 LIGNES Jean-Christophe Gawrysiak est né le 12 juillet 1965 à Riaz. Après avoir obtenu sa maturité au Collège du Sud, il entreprend des études professionnelles de violon dans la classe de Patrick Genet, à Fribourg. Son diplôme d’enseigne- ment en poche, il travaille comme soliste, chambriste et musicien d’orchestre. En 1989, il entre à l’Académie de musique de Bâle. Peu avant d’obtenir sa virtuosité, en janvier 1994 au Conservatoire de Shaff- house, il fonde le Trio Animæ. Il dirige encore une classe de violon à l’Ecole de musique du Pays-d’Enhaut et œuvre au sein de l’asso- ciation Blankton (qui a déjà mis sur pied le festival iti- nérant «Sarine’s Pilgrim»). Voilà une biographie condensée qui ne serait pas complète si l’on ne men- tionnait pas qu’il partage sa vie avec son épouse (hon- groise) Marianna et, depuis onze mois, avec son fils Gabriel, qui marche déjà comme un galopin et pleure un peu parce qu’il a les dents qui poussent! DP PORTRAIT Jeudi 16 juillet 1998 La Gruyère N o 82 L'heure est à… 24 JEAN-CHRISTOPHE GAWRYSIAK, VIOLONISTE «Le Tzigane de l’équipe» ¥Dans son appartement bullois de la rue du Vieux-Pont, c’est à la cuisine que Jean-Christophe Ga- wrysiak accueille le visiteur. «Le lieu de la sociabilité, confie-t-il. La cuisine, c’est là où l’on mijote, où l’on fait le café. Où l’on parta- ge.» A l’image d’un personnage de Dostoïevski discutant près du samovar, le violoniste aux ori- gines polonaises parle avec volu- bilité et enthousiasme. Les gestes amples de ses bras révèlent son caractère passionné et exubérant. Il sait aussi donner du temps au silence pour trouver le bon terme, le mot juste. Car le temps, il se le donne toujours, comme il sait et aime en prendre pour les autres. Après Dvorak et Smetana, vous explorez l’œuvre de musiciens bien différents: l’Américain Charles Ives et l’Argentin Astor Piazzolla, le maître du «Tango Nuevo». Pourquoi ce choix atypique? La pratique du trio permet de passer dans des répertoires très différents. Aujourd’hui, un qua- tuor à cordes doit plus ou moins se spécialiser. Mais le trio n’y est pas forcé, car son répertoire est moins vaste, la liberté plus gran- de. Dès que nous avons abordé le Trio de Ives, nous étions sûrs d’en faire une fois un disque. Mais c’est une pièce complexe, polytonale… Avec quoi pouvions-nous com- pléter le disque? Le goût de l'époque est à un certain équilibre, et Piazzolla créait justement un contrepoids. Et nous avions envie de jouer une musique en dehors du répertoire habituel. Notre rôle est aussi de sortir des sentiers bat- tus. Le public a besoin de respirer. L’arrangement pour trio apporte-t-il quelque chose de plus – ou de neuf – à ces tan- gos de Piazzolla? Je sais que des gens sont gênés par les arrangements. Mais l’ar- rangement est un phénomène important du XX e siècle. Voyez le jazz: les standards sont déclinés en des centaines d’orchestrations. Que nous soyons des musiciens classiques ne doit pas nous impo- ser de tabous. D’autant que l’ar- rangement est une vieille notion: Bach adaptait parfois ses propres partitions à d’autres usages. Et Piazzolla? J’y viens. Il est vrai que l’on peut regretter de jouer du tango argentin sans bandonéon. Mais plaçons-nous du point de vue de l’interprète: Piazzolla utilise des thèmes et des harmonies telle- ment magnifiques! Son écriture, si subtile et fine, autorise des adap- tations. C’est une manière de don- ner à ces pièces un autre coloris. Bien sûr, il faut travailler sur de bons arrangements. C’est le cas ici: l’arrangeur n’est autre que le violoncelliste de Piazzolla. Votre répertoire est très éclectique. Quel est l’apport de chaque musicien? Nous sommes tous trois très ouverts. Notre réflexe commun, Jean-Christophe Gawrysiak: «Notre rôle est aussi de sortir des sentiers battus» En 1993, le violoniste gruérien Jean-Christophe Gawrysiak fondait le Trio Animæ avec deux amis du Conservatoire de Bâle. Après un premier disque consacré à Dvorak et Smetana, le trio a sorti ce printemps un album consa- cré à Ives et Piazzolla. A la veille d’un concert au Cantorama de Bellegarde, le 7 août, le violoniste évoque ce nouvel album et sa vie de musicien. C. Dutoit quand l’un d’entre nous propose une idée, c’est de se dire: «Pour- quoi pas?» Bien sûr, chacun a sa spécialité. Dieter Hilpert, le vio- loncelliste, a une démarche très musicologique et savante. Il dégo- te des raretés classiques, roman- tiques… Tomas Dratva, le pianis- te, est très analytique. Il a su nous faire aimer la musique contempo- raine, qu’il décode parfaitement. Moi, je suis l’homme des autres styles: jazz, tango… Je suis un peu le Tzigane de l’équipe! Justement, vous êtes d’origi- ne polonaise. Le sang slave qui coule dans vos veines influence-t-il votre jeu? Je suis avant tout Gruérien. Mais j’ai grandi dans un contexte culturel particulier, du fait que mes parents étaient immigrés – mon père est polonais et ma mère allemande. Du reste, la première fois que je suis allé en Pologne, je m’y suis senti très à l’aise, j’ai pu m’identifier à ce pays. Et si je dois partir quelque part, entre l’Est et l’Ouest, je choisis l’Est. C’est com- me ça. Point de vue musique, les violonistes slaves sont toujours entourés d’une certaine légende. Alors j’ai envie de répondre par une boutade: comme violoniste, pouvoir dire que je suis d’origine slave, «ça m’arrange bien»! A la diversité d’approches s’ajoute une diversité cultu- relle: Hilpert est allemand, Dratva slovaque… Nous avons toujours pris ça comme un plus. Mais le contact personnel prime tout le reste. Il n’y a pas de miracle: si on a un bon feeling avec une personne, ça fonctionne. Là, au bout de cinq ans, on commence à bien se connaître. Le succès aidant, on passe de plus en plus de temps ensemble. Nous commençons à donner des séries de concerts durant lesquels nous vivons vrai- ment en famille. Ce qui est formi- dable, c’est que dans un trio il n’y a que des minorités. Si bien que s’il y a un peu d’électricité entre deux musiciens, le troisième a tendance à faire le modérateur. Vous parlez de succès. Com- ment sentez-vous l’accession à une certaine notoriété? Il n’y a pas de passage bien précis à partir duquel on se sent reconnu. Cela dit, il y a mainte- nant un peu de répondant, nous sommes invités dans des salles un peu plus importantes… Mais c’est une évolution normale. Ça nous incite à travailler encore plus. Notre philosophie est la constan- ce du travail, quel que soit notre succès. Comme en politique: l’im- portant n’est pas d’être élu, mais d’être réélu. Par le public. Un disque, c’est important pour être reconnu? Oui. C’est une carte de visite. Aujourd’hui, une des premières questions qu’un organisateur pose à un ensemble, c’est sa discogra- phie. Et pour moi, un disque est comme une photographie. Si on veut être bien sur la photo, il faut se donner de la peine et présenter ce que l’on a de meilleur. Pour être bien sur la photo, il faut aussi un beau costard. Ce costard, ce sont vos ins- truments, violon et violoncel- le, commandés à un luthier chaux-de-fonnier… ¥Les silences sont longs, très longs, lorsque Jean-Christophe Gawrysiak se risque à répondre aux dix questions tirées au hasard… Et pourtant, à ce jeu, le violoniste excelle. «Je meuble mes silences par mes propres mono- logues»: à chaud, faut le sortir, ça! Si c’était à refaire, quelle autre profession choisiriez- vous? C’est difficile à dire… Pianiste. Avez-vous peur de la mort? Oui. Etes-vous plutôt cigale ou plu- tôt fourmi? Ça dépend de ce que j’ai à faire. Pour garder une trace de vos souvenirs, choisissez-vous le caméscope ou la photo? La photo. Parce que le camé- scope, c’est un scénario. La photo, c’est mille scénarii. Les trois mots que vous préfé- rez? J’ai beaucoup de mots que je préfère… Je cherche, je cherche… Forêt, c’est un mot que j’aime beaucoup… Liberté, et puis… Il y aura une analyse psychologique, après? Et puis… Tzigane, j’aime bien, pour la sonorité surtout. Mais trois mots, c’est beaucoup trop restrictif! C’est comme si je devais donner trois interpréta- tions d’une même sonate, alors que chaque fois qu’on joue un morceau, on choisit d’autres into- nations, d’autres phrasés… Quel est votre dernier gros chagrin? L’élimination du Paraguay en 1/8 e de finale du Mondial. Je suis toujours pour le plus petit. Et le Paraguay disposait avec le gardien Chilavert d’une personnalité au charisme incroyable. Les moments de solitude, le silence vous sont-ils pesants? La solitude, non. Je meuble mes silences par mes propres mono- logues. Etes-vous capable de faire plusieurs choses à la fois? Non. Comment vous voyez-vous dans vingt ans? Plus ou moins de la même manière qu’actuellement, les che- veux en moins. Le dernier événement qui vous a marqué? Pas vraiment un événement. Plutôt un phénomène: l’extrémis- me. Tous les extrémismes, politi- cards, religieux ou autres. DP EN DIX QUESTIONS Effectivement. Avec nos pré- cédents instruments, il nous man- quait peut-être un certain équi- libre. Le trio avec piano est quelque chose de très délicat. Le violon et le violoncelle ont tôt fait d’être couverts. Il faut que les ins- truments aient la puissance néces- saire pour résister. C’est d’abord une nécessité pour les concerts. Vos instruments sont des ré- pliques de modèles de Gua- dagnini, un luthier du XVIII e siècle. Pourquoi ce choix? On a laissé carte blanche au luthier, Claude Lebet. Pour lui, Guadagnini était le choix idéal pour de la musique de chambre avec piano. Ce sont des instru- ments très robustes, qui ont une sonorité de base assez ronde, assez forte. Maintenant, ces ins- truments sont encore «verts», ils vont prendre de l’ampleur. Nous les avons depuis à peine trois ans! Ils ont déjà acquis beaucoup de rondeur et de stabilité, mais sont parfois un peu rebelles. Il faut encore un peu les dompter. Propos recueillis par Didier Page

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EN 36 LIGNES

Jean-Christophe Gawrysiakest né le 12 juillet 1965 àRiaz. Après avoir obtenu samaturité au Collège du Sud,il entreprend des étudesprofessionnelles de violondans la classe de PatrickGenet, à Fribourg.

Son diplôme d’enseigne-ment en poche, il travaillecomme soliste, chambristeet musicien d’orchestre. En1989, il entre à l’Académiede musique de Bâle.

Peu avant d’obtenir savirtuosité, en janvier 1994au Conservatoire de Shaff-house, il fonde le TrioAnimæ. Il dirige encore uneclasse de violon à l’Ecole demusique du Pays-d’Enhautet œuvre au sein de l’asso-ciation Blankton (qui a déjàmis sur pied le festival iti-nérant «Sarine’s Pilgrim»).

Voilà une biographiecondensée qui ne serait pascomplète si l’on ne men-tionnait pas qu’il partage savie avec son épouse (hon-groise) Marianna et, depuisonze mois, avec son filsGabriel, qui marche déjàcomme un galopin et pleureun peu parce qu’il a lesdents qui poussent! DP

P O R T R A I T

Jeudi 16 juillet 1998 La Gruyère No 82

L'heure est à…24

JEAN-CHRISTOPHE GAWRYSIAK, VIOLONISTE

«Le Tzigane de l’équipe»

¥Dans son appartement bulloisde la rue du Vieux-Pont, c’est à lacuisine que Jean-Christophe Ga-wrysiak accueille le visiteur. «Lelieu de la sociabilité, confie-t-il.La cuisine, c’est là où l’on mijote,où l’on fait le café. Où l’on parta-ge.» A l’image d’un personnage deDostoïevski discutant près dusamovar, le violoniste aux ori-gines polonaises parle avec volu-bilité et enthousiasme. Les gestesamples de ses bras révèlent soncaractère passionné et exubérant.Il sait aussi donner du temps ausilence pour trouver le bon terme,le mot juste. Car le temps, il se ledonne toujours, comme il sait etaime en prendre pour les autres.

– Après Dvorak et Smetana,vous explorez l’œuvre demusiciens bien différents:l’Américain Charles Ives etl’Argentin Astor Piazzolla, lemaître du «Tango Nuevo».Pourquoi ce choix atypique?La pratique du trio permet de

passer dans des répertoires trèsdifférents. Aujourd’hui, un qua-tuor à cordes doit plus ou moinsse spécialiser. Mais le trio n’y estpas forcé, car son répertoire estmoins vaste, la liberté plus gran-de. Dès que nous avons abordé leTrio de Ives, nous étions sûrs d’enfaire une fois un disque. Mais c’estune pièce complexe, polytonale…Avec quoi pouvions-nous com-pléter le disque? Le goût del'époque est à un certain équilibre,et Piazzolla créait justement uncontrepoids. Et nous avions enviede jouer une musique en dehorsdu répertoire habituel. Notre rôleest aussi de sortir des sentiers bat-tus. Le public a besoin de respirer.

– L’arrangement pour trioapporte-t-il quelque chose deplus – ou de neuf – à ces tan-gos de Piazzolla?Je sais que des gens sont gênés

par les arrangements. Mais l’ar-rangement est un phénomèneimportant du XXe siècle. Voyez lejazz: les standards sont déclinésen des centaines d’orchestrations.Que nous soyons des musiciensclassiques ne doit pas nous impo-ser de tabous. D’autant que l’ar-rangement est une vieille notion:Bach adaptait parfois ses proprespartitions à d’autres usages.

– Et Piazzolla?J’y viens. Il est vrai que l’on

peut regretter de jouer du tangoargentin sans bandonéon. Maisplaçons-nous du point de vue del’interprète: Piazzolla utilise desthèmes et des harmonies telle-ment magnifiques! Son écriture, sisubtile et fine, autorise des adap-tations. C’est une manière de don-ner à ces pièces un autre coloris.

Bien sûr, il faut travailler surde bons arrangements. C’est le casici: l’arrangeur n’est autre que levioloncelliste de Piazzolla.

– Votre répertoire est trèséclectique. Quel est l’apportde chaque musicien?Nous sommes tous trois très

ouverts. Notre réflexe commun,

Jean-Christophe Gawrysiak: «Notre rôle est aussi de sortir des sentiers battus»

En 1993, le violoniste gruérien Jean-Christophe Gawrysiak fondait le TrioAnimæ avec deux amis du Conservatoire de Bâle. Après un premier disqueconsacré à Dvorak et Smetana, le trio a sorti ce printemps un album consa-cré à Ives et Piazzolla. A la veilled’un concert au Cantorama deBellegarde, le 7 août, le violonisteévoque ce nouvel album et sa viede musicien.

C. D

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quand l’un d’entre nous proposeune idée, c’est de se dire: «Pour-quoi pas?» Bien sûr, chacun a saspécialité. Dieter Hilpert, le vio-loncelliste, a une démarche trèsmusicologique et savante. Il dégo-te des raretés classiques, roman-tiques… Tomas Dratva, le pianis-te, est très analytique. Il a su nousfaire aimer la musique contempo-raine, qu’il décode parfaitement.Moi, je suis l’homme des autresstyles: jazz, tango… Je suis un peule Tzigane de l’équipe!

– Justement, vous êtes d’origi-ne polonaise. Le sang slavequi coule dans vos veinesinfluence-t-il votre jeu?Je suis avant tout Gruérien.

Mais j’ai grandi dans un contexteculturel particulier, du fait quemes parents étaient immigrés –mon père est polonais et ma mèreallemande. Du reste, la premièrefois que je suis allé en Pologne, jem’y suis senti très à l’aise, j’ai pum’identifier à ce pays. Et si je doispartir quelque part, entre l’Est etl’Ouest, je choisis l’Est. C’est com-me ça. Point de vue musique, lesviolonistes slaves sont toujours

entourés d’une certaine légende.Alors j’ai envie de répondre parune boutade: comme violoniste,pouvoir dire que je suis d’origineslave, «ça m’arrange bien»!

– A la diversité d’approchess’ajoute une diversité cultu-relle: Hilpert est allemand,Dratva slovaque…Nous avons toujours pris ça

comme un plus. Mais le contactpersonnel prime tout le reste. Iln’y a pas de miracle: si on a unbon feeling avec une personne, çafonctionne. Là, au bout de cinqans, on commence à bien seconnaître. Le succès aidant, onpasse de plus en plus de tempsensemble. Nous commençons àdonner des séries de concertsdurant lesquels nous vivons vrai-ment en famille. Ce qui est formi-dable, c’est que dans un trio il n’ya que des minorités. Si bien ques’il y a un peu d’électricité entredeux musiciens, le troisième atendance à faire le modérateur.

– Vous parlez de succès. Com-ment sentez-vous l’accessionà une certaine notoriété?

Il n’y a pas de passage bienprécis à partir duquel on se sentreconnu. Cela dit, il y a mainte-nant un peu de répondant, noussommes invités dans des salles unpeu plus importantes… Mais c’estune évolution normale. Ça nousincite à travailler encore plus.Notre philosophie est la constan-ce du travail, quel que soit notresuccès. Comme en politique: l’im-portant n’est pas d’être élu, maisd’être réélu. Par le public.

– Un disque, c’est importantpour être reconnu?Oui. C’est une carte de visite.

Aujourd’hui, une des premièresquestions qu’un organisateur poseà un ensemble, c’est sa discogra-phie. Et pour moi, un disque estcomme une photographie. Si onveut être bien sur la photo, il fautse donner de la peine et présenterce que l’on a de meilleur.

– Pour être bien sur la photo, ilfaut aussi un beau costard.Ce costard, ce sont vos ins-truments, violon et violoncel-le, commandés à un luthierchaux-de-fonnier…

¥Les silences sont longs, trèslongs, lorsque Jean-ChristopheGawrysiak se risque à répondreaux dix questions tirées auhasard… Et pourtant, à ce jeu, levioloniste excelle. «Je meuble messilences par mes propres mono-logues»: à chaud, faut le sortir, ça!

– Si c’était à refaire, quelleautre profession choisiriez-vous?C’est difficile à dire… Pianiste.

– Avez-vous peur de la mort?Oui.

– Etes-vous plutôt cigale ou plu-tôt fourmi?

Ça dépend de ce que j’ai à faire.

– Pour garder une trace de vossouvenirs, choisissez-vous lecaméscope ou la photo?La photo. Parce que le camé-

scope, c’est un scénario. La photo,c’est mille scénarii.

– Les trois mots que vous préfé-rez?J’ai beaucoup de mots que je

préfère… Je cherche, je cherche…Forêt, c’est un mot que j’aimebeaucoup… Liberté, et puis… Il yaura une analyse psychologique,après? Et puis… Tzigane, j’aimebien, pour la sonorité surtout.Mais trois mots, c’est beaucoup

trop restrictif! C’est comme si jedevais donner trois interpréta-tions d’une même sonate, alorsque chaque fois qu’on joue unmorceau, on choisit d’autres into-nations, d’autres phrasés…

– Quel est votre dernier groschagrin?L’élimination du Paraguay en

1/8e de finale du Mondial. Je suistoujours pour le plus petit. Et leParaguay disposait avec le gardienChilavert d’une personnalité aucharisme incroyable.

– Les moments de solitude, lesilence vous sont-ils pesants?La solitude, non. Je meuble mes

silences par mes propres mono-logues.

– Etes-vous capable de faireplusieurs choses à la fois?Non.

– Comment vous voyez-vousdans vingt ans?Plus ou moins de la même

manière qu’actuellement, les che-veux en moins.

– Le dernier événement quivous a marqué?Pas vraiment un événement.

Plutôt un phénomène: l’extrémis-me. Tous les extrémismes, politi-cards, religieux ou autres. DP

EN DIX QUESTIONS

Effectivement. Avec nos pré-cédents instruments, il nous man-quait peut-être un certain équi-libre. Le trio avec piano estquelque chose de très délicat. Leviolon et le violoncelle ont tôt faitd’être couverts. Il faut que les ins-truments aient la puissance néces-saire pour résister. C’est d’abordune nécessité pour les concerts.

– Vos instruments sont des ré-pliques de modèles de Gua-dagnini, un luthier du XVIIIe

siècle. Pourquoi ce choix?On a laissé carte blanche au

luthier, Claude Lebet. Pour lui,Guadagnini était le choix idéalpour de la musique de chambreavec piano. Ce sont des instru-ments très robustes, qui ont unesonorité de base assez ronde,assez forte. Maintenant, ces ins-truments sont encore «verts», ilsvont prendre de l’ampleur. Nousles avons depuis à peine trois ans!Ils ont déjà acquis beaucoup derondeur et de stabilité, mais sontparfois un peu rebelles. Il fautencore un peu les dompter.

Propos recueillis parDidier Page