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Extrait du Silence de la mer : Puis les yeux [de l’officier allemand] parurent revivre, ils se portèrent un instant sur moi, – il me sembla être guetté par un faucon, – des yeux luisants entre les paupières écartées et raides, les paupières à la fois fripées et raides d’un être tenu par l’insomnie. Ensuite ils se posèrent sur ma nièce – et ils ne la quittèrent plus. La main enfin s’immobilisa, tous les doigts repliés et crispés dans la paume, la bouche s’ouvrit (les lèvres en se séparant firent : « Pp… » comme le goulot débouché d’une bou- teille vide), et l’officier dit, – sa voix était plus sourde que jamais : – Je dois vous adresser des paroles graves. Ma nièce lui faisait face, mais elle baissait la tête. Elle enroulait autour de ses doigts la laine d’une pelote, tandis que la pelote se défaisait en roulant sur le tapis ; ce travail absurde était le seul sans doute qui pût encore s’accorder à son attention abolie, – et lui épargner la honte. L’officier reprit – l’effort était si visible qu’il semblait que ce fût au prix de sa vie : - Tout ce que j’ai dit ces six mois, tout ce que les murs de cette pièce ont entendu… » – il respira, avec un effort d’asthmatique, garda un instant la poitrine gonflée… « il faut… » Il respira : « il faut l’oublier ». Notice biographique de Jean Bruller Vercors par Alain Riffaud Jean Bruller est plus connu sous son pseudonyme « Vercors », adopté pendant la Seconde Guerre mondiale. On se souvient du fondateur en 1941 des Editions clandestines de Minuit et de l’auteur en 1942 du Silence de la mer. Cette nouvelle de Vercors fit entrer le livre en guerre, et devint le signe de la résistance intellectuelle à l’occupant nazi. Jean Bruller naquit à Paris le 26 février 1902, le jour du centenaire de Victor Hugo. Après ses études à l’école Alsacienne, à Paris, il suivit la formation de l’école Bréguet. Il devint ingénieur mais n’entra pas dans l’industrie, car c’est le dessin qui l’intéressait. Après avoir publié ses dessins dans des petites revues fantaisistes des années 1920, il fit paraître son premier album, 21 Recettes de mort violente, en 1926. Ce premier succès fut suivi par d’autres jusqu’en 1938, toujours dans le registre de l’humour amer qui le caractérise. Dans les années 1930, il se consacra à la composition d’une grande œuvre dessinée, La Danse des vivants, une sorte de comédie humaine brocardant les défauts des hommes. La montée du nazisme, puis la défaite de 1940, le bouleversèrent : le pessimiste qu’il était se métamorphosa en homme engagé, résolu à ne rien publier sous la botte nazie. Il fut la cheville ouvrière des Editions de Minuit, bien que personne, jusqu’à la Libération, ne sût qui était Vercors. Après la guerre, Vercors abandonna le dessin pour se consacrer uniquement à l’écriture jusqu’à sa mort en 1991. Défenseur infatigable de la justice et de la vérité, il amorça une réflexion sur la qualité d’homme ; pour lui, l’homme se distingue, en se détachant de l’état de nature et de l’animal qui subit son sort. Le roman Les Animaux dénaturés développe ce thème. Intéressé par la science et la biologie, il poursuivit sa quête sur l’humain en publiant des essais et en correspondant avec de grands savants. Son œuvre est riche de publications diverses : dessins, nouvelles, romans, théâtre, essais, articles… Mais un point commun à tout cela : la volonté de dire, de réfléchir avant tout, et non pas le souci de faire simplement de la littérature. Ville de LAON Jean Bruller Vercors graveur, illustrateur, dessinateur, écrivain, traducteur et adaptateur de théâtre du 9 mai au 20 juin les mardi, mercredi, vendredi de 14h à 18h le samedi de 10h à 12h et de 14h à 18h (sauf jours fériés) BIBLIOTHEQUE MUNICIPALE DE LAON Bibliothèque Suzanne-Martinet Rue Marcelin Berthelot - 02011 Laon Tél. : 03 23 22 86 70 Voracité ou le glouton litteraire

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Extrait du Silence de la mer : Puis les yeux [de l’officier allemand] parurent revivre, ils se portèrent un instant sur moi, – il me sembla être guetté par un faucon, – des yeux luisants entre les paupières écartées et raides, les paupières à la fois fripées et raides d’un être tenu par l’insomnie. Ensuite ils se posèrent sur ma nièce – et ils ne la quittèrent plus.La main enfin s’immobilisa, tous les doigts repliés et crispés dans la paume, la bouche s’ouvrit (les lèvres en se séparant firent : « Pp… » comme le goulot débouché d’une bou-teille vide), et l’officier dit, – sa voix était plus sourde que jamais :– Je dois vous adresser des paroles graves.Ma nièce lui faisait face, mais elle baissait la tête. Elle enroulait autour de ses doigts la laine d’une pelote, tandis que la pelote se défaisait en roulant sur le tapis ; ce travail absurde était le seul sans doute qui pût encore s’accorder à son attention abolie, – et lui épargner la honte.L’officier reprit – l’effort était si visible qu’il semblait que ce fût au prix de sa vie : - Tout ce que j’ai dit ces six mois, tout ce que les murs de cette pièce ont entendu… » – il respira, avec un effort d’asthmatique, garda un instant la poitrine gonflée… « il faut… » Il respira : « il faut l’oublier ».

Notice biographique de Jean Bruller Vercors par Alain RiffaudJean Bruller est plus connu sous son pseudonyme « Vercors », adopté pendant la Seconde Guerre mondiale. On se souvient du fondateur en 1941 des Editions clandestines de Minuit et de l’auteur en 1942 du Silence de la mer. Cette nouvelle de Vercors fit entrer le livre en guerre, et devint le signe de la résistance intellectuelle à l’occupant nazi. Jean Bruller naquit à Paris le 26 février 1902, le jour du centenaire de Victor Hugo. Après ses études à l’école Alsacienne, à Paris, il suivit la formation de l’école Bréguet. Il devint ingénieur mais n’entra pas dans l’industrie, car c’est le dessin qui l’intéressait. Après avoir publié ses dessins dans des petites revues fantaisistes des années 1920, il fit paraître son premier album, 21 Recettes de mort violente, en 1926. Ce premier succès fut suivi par d’autres jusqu’en 1938, toujours dans le registre de l’humour amer qui le caractérise. Dans les années 1930, il se consacra à la composition d’une grande œuvre dessinée, La Danse des vivants, une sorte de comédie humaine brocardant les défauts des hommes. La montée du nazisme, puis la défaite de 1940, le bouleversèrent : le pessimiste qu’il était se métamorphosa en homme engagé, résolu à ne rien publier sous la botte nazie. Il fut la cheville ouvrière des Editions de Minuit, bien que personne, jusqu’à la Libération, ne sût qui était Vercors. Après la guerre, Vercors abandonna le dessin pour se consacrer uniquement à l’écriture jusqu’à sa mort en 1991. Défenseur infatigable de la justice et de la vérité, il amorça une réflexion sur la qualité d’homme ; pour lui, l’homme se distingue, en se détachant de l’état de nature et de l’animal qui subit son sort. Le roman Les Animaux dénaturés développe ce thème. Intéressé par la science et la biologie, il poursuivit sa quête sur l’humain en publiant des essais et en correspondant avec de grands savants.Son œuvre est riche de publications diverses : dessins, nouvelles, romans, théâtre, essais, articles… Mais un point commun à tout cela : la volonté de dire, de réfléchir avant tout, et non pas le souci de faire simplement de la littérature.

Ville de LAON

Jean Bruller Vercorsgraveur, illustrateur, dessinateur,

écrivain, traducteur et adaptateur de théâtre

du 9 mai au 20 juinles mardi, mercredi, vendredi de 14h à 18h

le samedi de 10h à 12h et de 14h à 18h (sauf jours fériés)

BIBLIOTHEQUE MUNICIPALE DE LAONBibliothèque Suzanne-Martinet

Rue Marcelin Berthelot - 02011 LaonTél. : 03 23 22 86 70

Voracité ou le glouton litteraire

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ExpositionJean Bruller Vercors

La Danse des vivants Dessins originaux des «Relevés Trimestriels» n°15 et 16 (1938)et autres reproductions de l’ensemble des Relevés trimestriels 1932-1938

HamletEaux-fortes, gravures «Portfolio “Hamlet” d’après Shakespeare, 1965»

Pour mémoire 39-45 Abums, ouvrages, lettres manuscrites, documents de Jean Bruller

du 9 mai au 20 juin 2009les mardi, mercredi, vendredi de 14h à 18h

le samedi de 10h à 12h et de 14h à 18h(sauf jours fériés)

Exposition conçue par la bibliothèque municipale, l’Association des amis de Jean Bruller Vercors et Alain Riffaud, dessins originaux prêtés par Philippe Bouquet.

«Tout le reste est silence.» Shakespeare, Hamlet

Conférence

«L’œuvre de Jean Bruller Vercors»le samedi 16 mai 2009 à 15h

Par Alain Riffaud, Université du MaineEn présence de François et Bertrand Bruller, fils de VercorsTable de libraire : vente d’ouvrages

L’écrivain Vercors est connu de tous grâce à sa célèbre nouvelle «Le Silence de la mer». Mais on connaît peu l’homme, de son vrai nom Jean Bruller, né en 1902, le jour du centenaire de Victor Hugo. On ignore généralement qu’il a mené une carrière de dessinateur humoriste de 1921 à 1940. On méconnaît aussi largement son oeuvre écrite après la guerre, alors que Vercors a été actif jusqu’à la fin de sa vie en 1991. Cette conférence sera l’occasion de redécouvrir un célèbre inconnu.

Alain Riffaud est l’auteur de «Le silence de la mer : Vercors», collection «Par-cours de lecture», Editions Bertrand-Lacoste, l’éditeur intellectuel de “Vercors : oeuvres complètes”, Editions Omnibus et de “Jean Bruller : La Danse des Vivants”, Editions Matière à Dire.

Concert«Chants de la Résistance»

le vendredi 19 juin de 19h à 19h15

Par le Choeur d’hommes du Conservatoire de Musique et de Danse de Laon à Rayonnement Communal Direction : Eric Münch Concert en point d’orgue de l’exposition et en prélude à la fête de la musique

Bibliothèque Suzanne-MartinetSalle de la Station

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