Je dirai malgré tout que cette vie fut belle

20
GALLIMARD JEAN D ORMESSON Je dirai malgré tout que cette vie fut belle de l’Académie française

Transcript of Je dirai malgré tout que cette vie fut belle

  • G A L L I M A R D

    JEAN DORMESSON

    Je dirai malgr toutque cette vie

    fut belle

    de lAcadmie franaise

  • DU MME AUTEUR

    Aux ditions Gallimard

    LA GLOIRE DE LEMPIRE ( Folio , n1065).

    AU PLAISIR DE DIEU ( Folio , n1243).

    AU REVOIR ET MERCI.

    LE VAGABOND QUI PASSE SOUS UNE OMBRELLE TROUE ( Folio ,

    n1319).

    DIEU, SA VIE, SON UVRE ( Folio , n1735).

    DISCOURS DE RCEPTION DE MICHEL MOHRT LACADMIE FRAN-

    AISE ET RPONSE DE JEAN DORMESSON.

    DISCOURS DE RCEPTION DE MARGUERITE YOURCENAR LACAD-

    MIE FRANAISE ET RPONSE DE JEAN DORMESSON.

    ALBUM CHATEAUBRIAND (Iconographie commente).

    GARON DE QUOI CRIRE (Entretiens avec Franois Sureau) ( Folio , n2304).

    HISTOIRE DU JUIF ERRANT ( Folio , n2436).

    LA DOUANE DE MER ( Folio , n2801).

    PRESQUE RIEN SUR PRESQUE TOUT ( Folio , n3030).

    CASIMIR MNE LA GRANDE VIE ( Folio , n3156).

    LE RAPPORT GABRIEL ( Folio , n3475).

    CTAIT BIEN ( Folio , n4077).

    Bibliothque de la Pliade:

    UVRES

    Ce volume contient : Au revoir et merci La Gloire de lEmpire Au plaisir de Dieu Histoire du Juif errant.

    Aux ditions Julliard

    LAMOUR EST UN PLAISIR.

    LES ILLUSIONS DE LA MER.

    Suite des uvres de Jean dOrmesson en fin de volume

  • j e d i r a i m a l g r t o u t q u e c e t t e v i e f u t b e l l e

  • JEAN DORMESSONde lAcadmie franaise

    J E D I R A I M A L G R T O U T

    Q U E C E T T E V I E F U T B E L L E

    G A L L I M A R D

  • Il a t tir de ldition originale de cet ouvrage quatre-vingt-dix exemplaires sur vlin rivoli

    des papeteries Arjowiggins numrots de 1 90.

    ditions Gallimard, 2016.

  • Il faut aller la vrit de toute son me

    platon

  • personnages

    moi: Magistrat intgre, svre, bienveillant, ironique.Dans les milieux intellectuels et la mode, souvent

    surnomm Sur- Moi avec une ombre de drision en raison de ses hautes fonctions et de lide quil sen fait.

    moi : Cest moi. Plaisirs, travail, ambitions, foutaises et Cie.

    entre autres : politiques, artistes, crivains, jour-nalistes, femmes du monde, putains, fonctionnaires nationaux ou internationaux, chauffeurs, mdecins, banquiers, diteurs, marins, mannequins, facteurs, sol-dats, chmeurs, htesses de lair, escrocs, gnies, etc.

    (Le cumul est autoris.)

  • dcor

    Le dcor est le monde.Avec ses mers, ses fleuves, ses montagnes, ses forts,

    ses palais, ses chteaux, ses jardins, ses vieilles pierres, ses glises et ses temples, ses synagogues et ses mosques, ses changeurs et ses ponts, avec ses lois partout les mmes et avec ses visages innombrables et toujours diffrents dans lespace et dans le temps, il fait peur et il est beau.

  • accus, levez- vous !

  • moi : Accus, levez- vous !moi : Mme assis, je ne tiens pas debout.moi : Alors, restez assis. moi : Merci.moi : Mais ne vous vautrez pas.moi : Je tcherai de me tenir aussi droit que possible.moi : Nen faites pas trop.moi : Juste ce quil faut.moi : Vous savez pourquoi vous tes l ?moi : Aucune ide.moi : Aucune ide, vraiment ?moi : Vraiment.moi : Pas la moindre ?moi : Pas la moindre. Je suis l, cest tout.moi : Pas dinquitude ? Pas de soupons ?moi : Mon Dieumoi : Vous tes nmoi : Oui.moi : Vous voyez bien !moi : Ah ! videmment

    17

  • moi : Quand ?moi : Mes parents mont souvent assur que jtais n

    le 16juin 1925, quelques jours avant lt, entre la fin de la Premire Guerre mondiale et la grande crise tout aussi mondiale. Mais, franchement, je nen sais rien. Ce nest pas beaucoup plus quune rumeur qui court, appuye, je crois, sur des liasses de papiers qui se rptent les uns les autres. Sans aucune garantie. Mon identit me parat souvent trs floue et plus proche dune fiction juridique que dune vidence scientifique.

    moi : O ?moi : Jai longtemps essay de faire croire que jtais

    n dans lOrient- Express ou Rumeli Hisar, sur la cte europenne de la Turquie. Cest- - dire nulle part. Ou par-tout. Citoyen du monde. Cosmopolite. Je crois, en vrit, tre n Paris, rue de Grenelle, dans le 7earrondissement. Il faut bien saccrocher quelque part. Je suis franais. Et fier de ltre. Mais, quelques semaines peine, je me mets voyager. Je pars pour la Bavire. Je parle allemand avant de parler franais. Et si je chantonne quelque chose autour de mes quatre ou cinq ans, ce nest pas:

    Ainsi font, font, fontLes petites marionnettes

    mais:

    Hnschen kleinGing alleinIn die weite Welt hinein

    18

  • moi : Nom et prnom ?moi : Jean, Bruno, Wladimir, Franois de Paule

    Lefvre dOrmesson.moi : Jean, passe encore. Le Baptiste ou lvangliste ?moi : Le bien- aim. Lvangliste.moi : Mais pourquoi Bruno, pourquoi Wladimir et

    pourquoi Franois de Paule ?moi : Bruno tait un prnom courant dans la famille

    de ma mre. Wladimir tait le prnom du frre cadet de mon pre. Mon pre sappelait Andr. Mon oncle Wladi-mir est n en Russie o mon grand- pre tait en poste. Et nous descendons tous dune sur de saint Franois de Paule. Tous les Ormesson depuis quatre ou cinq sicles sappellent Franois ou Franoise de Paule.

    moi (consultant ses notes) : Daprs plusieurs tmoi-gnages, vous auriez droit un titre ?

    moi : Jappartiens une famille, probablement darti-sans, qui acquiert un semblant de notorit au xviesicle. Parmi dinnombrables greffiers, notaires, juristes, inten-dants qui formeront la caste modeste et orgueilleuse des parlementaires, elle se met, avec un esprit dindpen-dance, au service du roi. Lhistoire commence la fin du xivesicle, du ct dEnghien, avec un Pierre Lefvre. Elle se poursuit avec Olivier Ier, conseiller de Michel de lHospital et prsident de la Chambre des comptes. CharlesIX veut le mettre la tte de ses finances, mais Olivier dOrmesson refuse la charge.

    Jai mauvaise opinion de mes affaires, aurait dit le roi, puisque les honntes gens ne veulent point sen mler.

    Aprs des Adam (?), des Jean, des Nicolas, des Andr,

    19

  • la gloire de la famille est Olivier, troisime du nom, qui laisse un Journal bien connu des historiens et joue un rle important dans la seconde moiti du xviie sicle. Vantons- nous un peu. Un dicton courait lpoque : Courageux comme un Guise, spirituel comme un Mor-temart, honnte comme un Ormesson. Dans leur lutte contre Fouquet, matre des finances, protecteur des arts et lettres, seigneur de Belle- Isle quil a plus ou moins fortifie et de Vaux- le- Vicomte, le plus beau chteau de France au temps o Versailles nexiste pas encore, LouisXIV et Colbert sont convaincus que le rigoureux Olivier dOrmesson sera leur meilleur instrument pour abattre le fastueux surintendant qui commence les inquiter.

    Coup de thtre, longuement comment dans ses lettres sa fille par Mme de Svign, proche des Ormes-son et amie dvoue du mcne de Vaux- le- Vicomte : Olivier dOrmesson juge, en son me et conscience, que Fouquet, assurment coupable, ne lest pas beaucoup plus que tant dautres notamment Mazarin ou Colbert lui- mme, ennemi jur de laccus. Il ne mrite pas la peine de mort. Olivier dOrmesson opine pour lexil. Mcontent de tant dinsolence, le roi commue larrt dexil en prison perptuit et envoie Fouquet, sous la garde de dArtagnan, devenu dailleurs son ami, dans la sinistre prison de Pignerol.

    Dsavou, ruin, dchu de toutes ses fonctions par un LouisXIV rancunier, Olivier dOrmesson est mis au ban de la socit. Au sicle suivant, les Ormesson nen obtiennent pas moins du roi, pris peut- tre dun remords rtrospectif, un titre hrditaire: lan de la famille est

    20

    CouvertureDu mme auteurTitreCopyrightExerguePersonnagesDcorAccus, levez-vous !