JA 2661 DU 8 AU 14 JANVIER 2012 PLUS SANTE

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Le système ADO CÔTE D’IVOIRE Comment et avec qui travaille le chef de l’État Alassane Ouattara. ÉDITION INTERNATIONALE France 3,50 • Algérie 170 DA • Allemagne 4,50 • Autriche 4,50 • Belgique 3,50 • Canada 5,95 $ CAN • Danemark 35 DKK • DOM 4 Espagne 4 • Éthiopie 65 birrs • Finlande 4,50 • Grèce 4,50 • Italie 4 • Maroc 23 DH • Mauritanie 1100 MRO • Norvège 41 NK • Pays-Bas 4 Portugal cont. 4 • RD Congo 5,50 $ US • Royaume-Uni 3,50 £ • Suisse 5,90 FS • Tunisie 3,30 DT • USA 6,50 $ US • Zone CFA 1700 F CFA • ISSN 1950-1285 HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 52 e année • N° 2661 • du 8 au 14 janvier 2012 ÉCONOMIE CE QUI NOUS ATTEND EN 2012 L’Afrique contre le cancer SANTÉ LE PLUS de Jeune Afrique Spécial 10 pages SÉNÉGAL LES VÉRITÉS DE TANOR TUNISIE BEN JAAFAR: « POURQUOI NOUS ALLONS RÉUSSIR » Voyage au cœur Voyage au cœur de l’armée algérienne de l’armée algérienne RÉVOLUTION À LA MAROCAINE jeuneafrique.com

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Page 1: JA 2661 DU 8 AU 14 JANVIER 2012 PLUS SANTE

Le système

ADOCÔTE D’IVOIRE

Comment et avec qui travaille le chefde l’État Alassane Ouattara.

ÉDITION INTERNATIONALEFrance 3,50 € • Algérie 170 DA • Allemagne 4,50 € • Autriche 4,50 € • Belgique 3,50 € • Canada 5,95 $ CAN • Danemark 35 DKK • DOM 4 €Espagne 4 € • Éthiopie 65 birrs • Finlande 4,50 € • Grèce 4,50 € • Italie 4 € • Maroc 23 DH • Mauritanie 1100 MRO • Norvège 41 NK • Pays-Bas 4 €Portugal cont. 4€ • RDCongo 5,50 $ US • Royaume-Uni 3,50 £ • Suisse 5,90 FS • Tunisie 3,30 DT • USA 6,50 $ US • Zone CFA 1700 F CFA • ISSN 1950-1285

HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 52e année • N° 2661 • du 8 au 14 janvier 2012

ÉCONOMIECE QUI NOUSATTEND EN 2012

L’Afriquecontre le cancer

SANTÉ

LE PLUSde Jeune Afrique

Spécial 10 pages

SÉNÉGALLES VÉRITÉSDE TANOR

TUNISIE BEN JAAFAR:« POURQUOI NOUSALLONS RÉUSSIR »

Voyage au cœurVoyage au cœurde l’armée algériennede l’armée algérienne

RÉVOLUTION À LA MAROCAINEjeuneafrique.com

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L’Afriquecontre le cancer

SANTÉ

Loin d’être l’apanage des pays développés, la maladie fait des ravages sur lecontinent. États, praticiens, associations, patients, organisations internationales…Une bataille sanitaire de grande ampleur doit s’engager d’urgence.

LE PLUSde Jeune Afrique

ÉTAT DES LIEUX La maladie silencieuse

INTERVIEWAdama Ly, chercheur et cancérologue

RÉSEAUX Des professionnels aux patients, l’union fait la force

PORTRAITS Grands pontes sur tous les fronts

ONSABID

POURJ.A.

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Notre recherche se préoccupe devotre santé. Les maladies gravessont au cœur de nos efforts.

Combattre des maladies graves

comme le cancer est notre spécialité.

Nos innovations permettent de

traiter des millions de personnes

qui souffrent, tout en améliorant

leur qualité de vie.

Nous leur donnons de l’espoir.

Nous innovons la santé

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ÉTAT DES LIEUXLa maladie silencieuse

p. 52

INTERVIEWAdama Ly, chercheur etcancérologue sénégalais

p. 54

RÉSEAUXL’union fait la force p. 56

QUESTIONS ÀRachid Bekkali, directeurexécutif de l’AssociationLalla Salma de luttecontre le cancer p. 57

TRIBUNEPr David Khayat,chef du service d’oncologiede l’hôpital Pitié-Salpêtrière,à Paris p. 58

ÉQUIPEMENTSLe Maghreb en servicesde pointe

p. 59

PORTRAITSGrands pontes sur tousles fronts

p. 60

PENDANTLEXXESIÈCLE,laprioritésanitaire aétédonnéeenAfriqueàla lutte contre les maladies infec-tieusesetparasitaires responsables

d’une forte mortalité et très médiatisées.Puis vint la « transition épidémiologique »,avec l’importance croissante prise par lesmaladiesdégénératives et les cancers, sansque disparaissent – hélas ! – les affectionsprécédentes. C’est le « double fardeau ».Aujourd’hui, les cancers sont responsablesde centaines demilliers demorts chaqueannée.Une surmortalité considérable quis’expliquepar lemanquede spécialistes etdemoyens techniques et thérapeutiques.En lamatière, la situationactuelle fait appa-raître une avance importante duMaghrebsur l’Afrique subsaharienne, notammentfrancophone (hors Afrique du Sud, trèsbien équipée).

La recherche africainesur le cancer, peu dévelop-pée jusqu’ici, a cependantapporté quelques résultatstrès intéressants. Lepremier virus reconnucomme facteur causald’uncancer (le virusd’Epstein-Barr) l’a été en Afrique, dans lelymphomedeBurkitt.ÀDakar,onamontréla relationducancerprimitif du foieavec levirusde l’hépatiteBetavecune toxined’ori-gine alimentaire (aflatoxine). En AfriqueduNord, l’association entre bilharziose etcancer de la vessie a été envisagée.

Par ailleurs, l’évolution du cancer dupoumonest uncasd’école : alorsqu’ilétaitrarissime il y acinquanteansdansdenom-breuxpaysducontinent, il yestaujourd’huien croissance constante, soutenu par lapublicité indécentedel’industrie tabagique.

L’avenir est à l’organisation de la luttecontre le cancer. Des études africainescommunesàplusieurs centres aurontplus

de poids devant l’opinion internationale,en particulier l’Organisation mondialede la santé (OMS). Des synergies s’orga-nisent entre cancérologues africains eteuropéens, et aussi, c’est très important,entre les équipes africaines.

Vous découvrirez dans les pages sui-vantes les différentes structures misesen place (associations, instituts, comitésnationaux, partenariats avec l’industriepharmaceutique…); toutesontpourobjectifde dépister plus tôt, d’aider et de traiter lesmalades. Cette multiplicité d’initiativesest une bonne nouvelle. Elle nous permetde rêver à un grand « plan cancer » pourl’Afrique subsaharienne: il bénéficierait del’aide internationaleetpourrait coordonnerles activités. Une telle entreprise néces-site des appuis politiques sûrs et engagés,

garantissant l’intégrationduplandans lesservices de santé nationaux.

La prévention doit être privilégiée.Elle implique l’adhésion des populations,laquelle sera beaucoupmieux obtenue si,parallèlement, on traite les malades.

Quantauxcampagnesdedépistage, ellessontutiles si les structures sontdisponiblespouraccueillir lesmaladesdépistés; sinon,elles sont décevantes pour ces derniers etcontre-productives pour la lutte.

Le fait le plus positif dans cette grandeaventureanticancéreuse,c’est…laprésencede cancérologues dans presque tous lespays. Ennombreencore insuffisant, certes.Mais rappelons-nousqu’il n’y en avait pasou très peu il y a seulement une vingtained’années. ●

L’Afriquecontre le cancer

SANTÉ

LE PLUSde Jeune Afrique

Double fardeau

PréludePr Edmond Bertrand*

Le Plus de Jeune Afrique

C’est en Afrique qu’a été identifiéle premier virus reconnu commefacteur causal du cancer.

* Doyen honoraire de la faculté de médecine d’Abidjan, membre correspondant de l’Académiefrançaise de médecine, le Pr Edmond Bertrand a exercé pendant trente ans en Afrique dans lescentres ruraux, les hôpitaux régionaux et les CHU.

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JEUNE AFRIQUE No 2661 • DU 8 AU 14 JANVIER 2012

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Ndom (lire p. 60), président de l’ONG SolidaritéChimiothérapie (Sochimio). Résultat : le taux demortalitéparcanceratteint75%danscertainspays.

Selon l’Agence internationale de l’énergie ato-mique (AIEA), la radiothérapie, utilisée efficace-ment sur plus de la moitié des malades dans lespaysdéveloppés, n’est accessiblequedans21des54 pays du continent (couvrantmoins de 20%dela population totale), où elle est parfois vétuste etpeuts’avérerdangereuse.Ducôtédespraticiens, lecasde laCôted’Ivoire (quiavalidésonProgrammenational de lutte contre le cancer en 2009) est

éloquent:pour21millionsd’habitants, lepaysnecomptait en2011que4cancérologues…

COÛT DES TRAITEMENTS. L’accès aux théra-pies, quand elles sont disponibles, se heurte àun problème de coût, que l’offre maghrébine,indienne et sud-africaine en génériques ne suffit

Le cancer tueplus que le paludisme, latuberculoseet lesidaréunis.À l’échellemondiale, il cause plus de 7 millions(13 %) des décès chaque année. Etl’Afriquen’estpasépargnée.Loinde là.Si desmesures de prévention ne sont

pas prises d’urgence, l’Organisationmondiale dela santé (OMS) prévoit que, d’ici à 2030, y serontenregistrésentre800000et1,6milliondenouveauxcas de cancer et entre 500000 et 1,2 million dedécès par an (soit 20 % de la charge demorbiditédu continent). Un constat d’autant plus alarmantquecesestimationss’avouent sous-évaluées, fautede registres fiablesqui répertorient l’ensembledescas et des pathologies dans les différents pays.

DIAGNOSTIC TARDIF. Absence de prévention,tabou de la maladie, diagnostic tardif, indigencedes infrastructures,pénuriedepersonnelqualifié…À tous les niveaux de la chaîne, le manque demoyensest criant. Sur leplande laprévention,deséquipements, comme de l’accès aux traitementset aux soins palliatifs, le Maghreb et l’Afrique duSud affichent une longueur d’avance. Le reste del’Afriquesubsahariennearrive loinderrière. «Plusde 70%desmalades ne se rendent dans les struc-turesdeprise enchargeque lorsqu’il est déjà troptard », explique lecancérologuecamerounaisPaul

LaLamaladiemaladie

FANNY REY

Le paludisme et le sida font oublierque le cancer fait aussi des ravagessur le continent. Or sa progression yest des plus alarmantes. Une bataillesanitaire de grande ampleurdoit s’engager d’urgence,qu’aucun pays ne peut gagner seul.

ÉTAT DES LIEUX

�BLOC DE CHIRURGIE

ONCOLOGIQUE À L’INSTITUT

SALAH-AZAÏEZ deTunis.Fondé en 1969, c’estle premier centrespécialisé encancérologie du pays.

ONSABID

POURJ.A.

Nouveaux casenregistrés en Afrique

Décès liés au cancer

Aujourd’hui2002 En 2030Aujourd’hui2002 En 2030

582 000 412 000 512 000700 000

él

COÛpies,un proindi2030

000

Auj d’hui En 203

000

En 203Auj

casen Afrique

2002

412 00700 000

Auj

00

2002 Aujd’hui En 2030

2 000 700

En 2030

700 000

Auj d’h2002

582

Auj d’h

2 000

1,6million 1,2

million

Une redoutable évolution

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Le Plus deJeune Afrique

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Col del’utérus

12%

Sein

10%Foie

8%

Prostate

5%Sarcome de Kaposi

5%

silencieusesilencieused’infrastructures, sansoublier le volet prévention.Certains pays ont engagé des plans nationaux,notamment ceuxduMaghreb. En revanche, ainsiquelesouligneleprofesseurguinéenNamoryKeita,« hormis l’Afrique du Sud, qui a fait un grand pasdans ce sens, tous les pays au sud du Sahara fonttraîner l’application de leurs plans nationaux ».Et pour cause : alors que les pays africains se sontengagés, à travers laDéclarationd’Abujade 2001,à affecter 15 % de leur PIB au secteur de la santé,ils n’y consacrent en moyenne que 3 %, ciblantenpriorité le sida, le paludismeet la tuberculose.

PROMESSES.Celaétant,mêmeenyaccordantunepolitiquevolontariste,aucunpaysn’est susceptiblede faire face, seul,auxcoûtsélevés incontournablesà tous les niveaux. D’où l’importance du secteurprivé et des réseaux Nord-Sud, mais aussi Sud-Sud, qui se mettent en place entre chercheurs,praticiens, laboratoires, associations de profes-sionnels et de la société civile. Dans le sillagede l’Organisation africaine pour la rechercheet l’enseignement sur le cancer (Oarec), fondéeen 1983, ou encore d’Afrocancer, créée en 2005,l’AfricaCancer Foundation a été lancée auKenyaen avril 2011. « C’est le réseau associatif qui faitévoluer les choses, avec au premier rang l’Asso-ciation Lalla Salma contre le cancer [lire p. 57,NDLR], au Maroc, qui n’a pas d’équivalent enAfrique », souligne le cancérologue sénégalaisAdama Ly (lire p. 54). De leur côté, les organisa-tions internationales multiplient les démarches,à l’imagede l’AIEA avec sonprogrammed’actionpour la radiothérapie contre le cancer.

Face aux promesses gouvernementales nontenues et aux plans inachevés ou virtuels, c’estde ces partenariats que viendront les progrès.« Dans de nombreuses localités rurales et danscertains bidonvilles, les acteurs privés sont lesseuls prestataires de santé », a rappelé le docteurKhamaRogo, responsable de l’Initiative santé enAfrique à la Banquemondiale, lors de la réunionde l’Assemblée des ministres de la Santé de laCommunauté économiquedesÉtats de l’Afriquede l’Ouest (Cedeao), le 5 décembre, à Dakar. Lesecteur privé semble en tout cas être le seul àmême, pour l’instant, d’accélérer la réalisationd’objectifs sanitairesenespérantqu’à terme la luttecontre le cancerpuisse être intégréeauxObjectifsdumillénaire pour le développement définis parl’ONU.UnGraal synonymedemanne financière.●

pas à résoudre. Quelques laboratoires s’efforcentd’y remédier. Finnovembre2011,unpartenariat aétésignéentre l’algérienBiopharmet lebritanniqueAstraZeneca pour la production de traitementsanticancéreuxquidevraient couvrir,à terme, 70%desbesoinsenAlgérie.Degrands laboratoiresocci-dentaux soutiennent par ailleurs le financementd’infrastructuresetd’équipements,etoffrenttoutoupartiedes traitements.Parexemple, leprogramme« Accès » du suisse Roche permet aux patients àrevenusmodestes, auMaroc et enMauritanie, debénéficier de traitements innovants àmoitiéprix.

Reste qu’il est difficile de sortir de l’impasseen l’absence manifeste de volonté politique etde programmes cohérents, financés et durables.Aucun pays aumonde ne peut prétendre vouloirlutter contre le cancer sans avoirmis enœuvreunplan national à cet effet. Ce qui implique l’exis-tence réelle d’un registre national et d’un plan

SARCOMEDE KAPOSI, n. m.Tumeur liée à l’infectionpar l’herpèsvirusHHV8, endémique enAfrique, qui provoquedes lésions cutanées,muqueuses puisviscérales. Il se développeparticulièrement chezles personnes infectéespar le virus du sida.

Pathologiescancéreuses lesplus fréquentes

(en % des cas de canceren Afrique)

L’Afrique contre le cancer 53

JEUNE AFRIQUE No 2661 • DU 8 AU 14 JANVIER 2012

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A près un internat à l’InstitutGustave-Roussy (IGR) et àl’hôpital Paul-Brousse (uni-versité Paris-XI) de Villejuif,

Adama Ly a effectué un postdoctorat auSidneyKimmelCancerCenter, auxÉtats-Unis.Chercheurà l’Institutnationalde lasantéetdelarecherchemédicale(Inserm),àParis, depuis 2002, il a créé l’associationAfrocancer en 2005 et codirigé avec lePr David Khayat (lire p. 58) un ouvragecollectifderéférence:LeCancerenAfrique,de l’épidémiologieauxapplicationsetpers-pectives de la recherche biomédicale (éd.INCa,2007).À47ans,sonnouveaudéfiestl’ouvertureen2013àTouba,auSénégal,duCentredepréventionetde recherche surlecancer(Ceprec),premièreinfrastructuredu genre en Afrique de l’Ouest.

JEUNE AFRIQUE: Comment expliquer laprogressiondescasdecancerenAfrique?

ADAMA LY: Cela tient à la croissancedémographique, au vieillissement de lapopulationetàdesfacteurscomportemen-tauxcommele tabagisme, la consomma-tiond’alcooletunemauvaisealimentation.

Lescancers liésàdes facteursenvironne-mentaux, dont la pollution urbaine, et àdes infectionsbactériennesouviralessontégalement très importants, un quart descasdecancerenAfriquedécoulantd’uneinfection chronique.

Yobserve-t-onunprofil épidémiologiqueparticulier?

L’origine infectieuse,justement, est très mar-quée, avec notammentles virus des hépatites Bet C et les papillomavirus,qui peuvent respective-ment entraîner des can-cers du foie et du col del’utérus. Certains cancerssontégalementassociésausida, leplus connuétant lesarcome de Kaposi. Autrespécificité continentale : l’origineparasi-taire. La bilharziose peut être à l’origined’un cancer de la vessie ; quant au palu-disme, il est responsable du lymphomede Burkitt, qui touche en particulier lesenfants. On remarque en outre que les

hommesafricainsdéveloppentdavantagedecancersde laprostateque lamoyenne,cequi aprobablementunedouble expli-cation, hormonale et génétique.

Comment la maladie va-t-elle évoluer àmoyen terme?

Lenombredecasvalittéralementexplo-serenAfrique.Selon l’OMS[Organisationmondialede la santé,NDLR], en2030, leschiffres de lamaladie seront en très forteaugmentation sur le continent, tant entermes d’incidence, avec 1,6 million denouveauxcasdecancercontre681000en2008,qu’entermesdemortalité, avecplusde 1 million de décès contre 512000 en2008. Le déséquilibre Nord-Sud est fla-grant : alorsque le tauxdemortalité tendà diminuer dans les pays développés, ilaugmente dans les pays du Sud, où sontenregistrés 63 % des décès et 56 % desnouveaux cas de cancer aujourd’hui. Etces pays paieront un tribut encore pluslourden2030,avec70%desdécèset60%des nouveaux cas.

Y a-t-il une prise de conscience sur lecontinent?

On ne parle pas beaucoup des mala-dies non transmissibles, car elles sontbien moins visibles que les pathologiesdemasse comme le paludisme et ont unimpactéconomiquemoindre,notammentau niveau touristique. Même si l’OMSalerte régulièrement l’opinion, chiffresà l’appui, et que quelques associationscommencentà tirer la sonnetted’alarme,sur le terrain, riennebouge.L’associationAfrocancer travaille àmutualiser les tra-vauxscientifiques, et l’ouvragecollectifLeCancerenAfriqueacontribuéà luidonnerplusde visibilité. Depuis, nous avons fait

des émules dans certainspays au niveau associatifet auprès des sociologues.Mais ilmanquetoujourslesfinancements.

Par où commencer pouraméliorer la situation?

Il faut miser en prio-rité sur la prévention demasse, enparticulierpourlescancersdufoieetducol

de l’utérus puisque des vaccins existent.L’OMS doit aussi faire en sorte que cestraitementssoientrapidementdisponiblesetaccessibles,entermesdecoûts,dans lespays du Sud. C’est le nerf de la guerre. ●

Propos recueillis par FANNY REY

Adama Ly « Sur le terrain,rien ne bouge »Chercheur à l’Inserm, à Paris, le cancérologue sénégalais a misses compétences au service de l’Afrique. Son sacerdoce : faireconnaître la maladie, étudier ses causes et trouver des traitements.

VINCEN

TFO

URNIER/J.A

.

ð Depuis2002, lemédecina choisi laRECHERCHE.Sans pourautantoublier lespatients.

À lire

Trimestriel scientifiqueet médical bilingue

(français-anglais), publiépar Afrocancer aux éditionsSpringer et dont Adama Lyest le rédacteur en chef

No 2661 • DU 8 AU 14 JANVIER 2012 JEUNE AFRIQUE

54 Le Plus de J.A. Santé

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Nous cherchonsdes solutions innovantes,pour des besoins médicauxnon satisfaits. Combattre des maladies graves comme le cancer

est notre spécialité.

Nos innovations permettent de traiter des millions

de personnes qui souffrent, tout en améliorant

leur qualité de vie. Nous leur donnons de l’espoir.

Nous innovons la santé

De quelle manière Roche perçoit-t-il lemarchéAfricain ?Pour Roche, l’un des enjeux majeurs est la re-cherche et le développement de solutions thé-rapeutiques innovantes en mesure de répondreà des besoins médicaux non satisfaits.Par ailleurs, Roche souhaite poursuivre sonengagement citoyen en jouant son rôle de par-tenaire de santé publique, notamment en élar-gissant l’accès aux traitements en collaborationavec les autorités sanitaires et les associationsde professionnels de la santé et de patients.Au Maroc, à titre d’exemple, Roche a été pré-curseur en participant dès 2009 au programmed’accès aux thérapies anticancéreuses inno-vantes en collaboration avec l’Association LallaSalma de lutte contre le Cancer. Nous avonsaussi lancé plusieurs programmes d’aide auxpatients indigents dans d’autres pays tels quel’Egypte et la Mauritanie.En 2012, Plusieurs accords de partenariatavec des gouvernements d’Afrique du Nord

et de l’Ouest phase avancée et permettronsaux patients de ces pays de bénéficier de nosthérapies innovantes.

Quelle est votre stratégie pour lesannées à venir en Afrique ?Continuer à soutenir les efforts des gouver-nements Africains visant la mise en place deplans nationaux pour la Lutte contre le canceret les maladies virales. Dans cette dynamiquesanitaire et sociale, nous souhaitons don-ner accès à nos thérapies innovantes à tousles patients et notamment les plus démuniset ceux ne bénéficiant pas d’une assurancemaladie. En ce qui concerne les professionnelsde la santé, Roche va continuer à nouer despartenariats afin de permettre un transfert dusavoir-faire en matière d’utilisation des théra-pies innovantes (biotechnologies) ainsi qu’enrecherche clinique. En somme, nous visonsl’accès pour tous les patients africains à nosthérapies innovantes.

Deux Questions au Dr. Sami Zerelli, Directeur Général de Rochepour L’Afrique du Nord et de l’Ouest :

Message

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I mpulserunedynamique,puispasserle relais. Telle est la raison d’être duGroupement franco-africaind’onco-logiepédiatrique (GFAOP)depuis sa

création, en octobre 2000. Tout est partid’un triste constat : moins de 20 % descancersde l’enfant sont guéris enAfriquesubsaharienne, contre75%dans lespaysdéveloppés, alorsmêmeque lescinqcan-cersqui touchent leplus fréquemment lesenfants sont ceux pour lesquels il existeles traitements lesplus efficaces…Cequiaconduit leDr JeanLemerle, ancienchefdu service d’oncopédiatrie à l’Institut

Gustave-Roussy (IGR) de Villejuif, l’undescentresde référence français,ànouerdes partenariats pour mettre en placeun réseau d’unités pilotes (UP) d’onco-logie pédiatrique, destiné à améliorer laprise en charge des cancers de l’enfantenAfrique et àmettre enplace unebasede données.

CINQ CIBLES. Après de premièresimplantations au Maghreb, le réseaus’est progressivement étendu aux paysfrancophones d’Afrique subsaharienne.Aujourd’hui, douze pays accueillent

17 UP, comptant entre 10 et 30 lits, dont7 auMaghreb (2 àAlger, 1 àCasablanca,Rabat,Marrakech, Tunis etNouakchott)et 10 en Afrique subsaharienne (1 àAbidjan,Dakar, Bamako,Ouagadougou,Lomé, Yaoundé, Lubumbashi, et 3 àAntananarivo). Le réseau est appelé às’agrandir, leGabon, le Bénin et leNiger,entre autres, étant sur les rangs.

« Il est aussi question de créer desantennes secondaires pour désengor-ger les capitales », précise Louis Omer-Decugis, président du comitéde soutiendu GFAOP. C’est le cas notamment auSénégaletauMali, où, commeleconstateLucienne Traoré, infirmière à l’UP deBamako, « lesmalades viennent de loin,même de pays voisins comme la Côted’Ivoire ou la Guinée ». À l’image detant deparents, FantaDiarra a ainsi par-couruprèsde300kmpourqueson filsde4anspuisseêtrepris enchargeà l’hôpitalGabriel-Touré de Bamako. « Comme iln’y a qu’une seule unitédans le pays, denombreux patients abandonnent, d’oùla nécessité d’unités relais », expliqueM’Hamed Harif, directeur du CHUMohammed-VI de Marrakech et pré-sident du GFAOP.

Dès l’origine, les oncopédiatres afri-cains se sontassociésà leurshomologuesfrançaispouradapter lesprotocoles inter-nationauxaux réalitésde leurpays. Leurscinq cibles : le lymphome de Burkitt, latumeur du rein, la leucémie aiguë lym-phoblastique, lamaladiedeHodgkinet lerétinoblastome,pour lequelunprotocoleGFAOP vient d’être mis en place. « Cescinqmaladies, qui représentent 70%descancers de l’enfant, sont faciles à traiter,avecdetrèsbonspronosticsdeguérison»,insiste LouisOmer-Decugis. De fait, sur

RÉSEAUX

L’union fait la forceS’il est du devoir des pays du Nord d’aider ceux du Sudà contrer la maladie, ils doivent aussi favoriser une coopérationaccrue entre Africains. Ce que fait, avec un certain succès,le Groupement franco-africain d’oncologie pédiatrique.

LA PREMIÈRE « MAISON DES PARENTS » d’Afrique subsaharienneouvrira ses portes fin 2012 à Bamako, à proximité de la seule unitéd’oncopédiatrie du Mali. « L’État a offert un terrain et une maison prèsdu CHU Gabriel-Touré, et le Maroc, à travers l’Association Lalla Salmacontre le cancer, va financer sa réhabilitation et son équipement. Il s’agitde désengorger le service d’oncopédiatrie de l’hôpital en permettantaux parents accompagnants d’être hébergés et d’avoir accès auxcommodités nécessaires », explique Débora Lolonga, du Groupementfranco-africain d’oncologie pédiatrique (GFAOP). L’objectif est surtoutde fixer les « perdus de vue », comme les appelle le professeur BoubacarTogo, coresponsable de l’unité d’oncopédiatrie du CHU, car, « à défautd’hébergement des parents, on est confrontés à des abandons detraitement dans 18 % des cas ». Avec une capacité d’accueil d’unevingtaine de chambres, la structure pourra recevoir chaque annéeenviron 300 parents pendant la prise en charge de leur enfant. ● F.R.

AU CHEVET DES PETITS

HASS

AN

OUAZZ

ANIP

OURJ.A.

LYMPHOMEDE BURKITT, n. m.Cette tumeur maligne,souvent d’origine virale,affecte le systèmelymphatique. Rare dansle reste du monde,elle touche quasiexclusivement les enfantsafricains sous sa formeendémique ou associéeà l’immunodéficience.

� L’HÔPITAL D’ENFANTS DE RABAT accueillel’une des 17 unités pilotes du GFAOP.

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3000 enfants traités en onze ans, le tauxde survie varie entre 50 % et 80 % selonles pathologies.

« Progressivement, d’autres patho-logies vont être abordées, mais nousnousheurtons encore àunproblèmedesoutien logistiqueetdeprise encharge »,ajoute le Pr M’Hamed Harif. Si tous lesenfants sont soignés sur le continent,leur suivi est assuré à travers des basesdedonnées centraliséesà l’IGR,de façonà étudier l’efficacité des traitements etles faire évoluer.

Au-delà des soins, la formation, tota-lement absente sur le terrain, représenteledeuxièmepilierduGFAOP.Lediplômeinteruniversitaire d’oncopédiatrie créépar le Dr Jean Lemerle a permis àtrente soignants, dont quatorze méde-cins spécialistes, de se perfectionner.« Chaque année, deux ou trois d’entreeuxviennent se formerà l’IGR,où ils sontsalariés comme des internes », préciseLouis Omer-Decugis.

TÉLÉMÉDECINE. Pour étoffer le dis-positif, une école africaine d’oncologiepédiatrique est en train de voir le jour.« Une formation intensive et courte aété organisée au Maroc en 2011, dansun premier temps, indique M’HamedHarif. L’objectif cette annéeest de former25 infirmières et 25médecins.À terme, ilfaudra pouvoir développer des cours enAfrique subsaharienne, sous une formeitinérante, pour toucher beaucoup plusde monde. » Le GFAOP s’attelle aussi àdévelopper la télémédecine, pour que

les équipes puissent échanger sur uncas précis, ainsi qu’un outil de suivi despatients.

La forceduréseau,outrecepartenariatentre l’IGR et lesUP, est aussi d’être sou-tenu, sur le plan financier et logistique,par des associations et organismes du

Nord comme du Sud (L’Avenir, l’OrdredeMalte, l’Académienationaledeméde-cine française…), et par des industriels(Sanofi-Aventis, Roche, Total, Carrefour,Siim…). Un modèle de réseau à suivre.Et à rejoindre. ●

FANNY REY

12000à 15000

JEUNE AFRIQUE: Quelles sont lesréalisationsmajeures de l’associationdepuis sa création en 2006?

RACHID BEKKALI: La lutte contrele cancer ne peut réussir que si elleest globale (de la prévention aux soinspalliatifs) et intégrée à un système desanté.AuMaroc, ladonnea totalementchangé avec la mise en place d’unplan national sur le long terme et lagénéralisation de l’accès aux soins.Désormais, 95 % des patients néces-siteux ont accès aux traitements depointe grâce à l’ALSC et à ses parte-naires. Nous devons encore renforcerlesprogrammesdedépistageprécocepour les cancers du sein et du col del’utérus, et institutionnaliser la luttecontre le tabagisme.

Comment évoluent les partenariats?Nous avonsmis en place un parte-

nariat de formationavec laMauritanie.AuMali, nouscontribuonsà la création

d’unemaisondesparents [lire encadrép. 56, NDLR] et d’un nouveau centred’oncologie pédiatrique, ainsi qu’à lamiseenplaced’unplannational.Nousavons des projets avec le Sénégal, leGabon, la Côte d’Ivoire…Onobserveun intérêt de plus en plusmarqué despays pour la lutte contre le cancer.L’ALSC a créé une Alliance des ONGde laMéditerranée orientale. Reste àl’étendre à l’Afrique francophone.

Qu’attendez-vous de la conférenceinternationale sur le cancerqui se tientà Marrakech du 12 au 14 janvier?

Nous allons insister sur la coopé-ration et l’accès aux soins, et plaiderpour que le prix du vaccin contre lecancer du col de l’utérus, entre autres,devienne accessible. Les laboratoiressont prêts à faire uneffort. Il faut impli-quer de plus en plus les États et lesorganismes internationaux. ●

Propos recueillis par F.R.

QUESTIONS À | Rachid Bekkali

DR

SOURCE:R

OCHEPHARMACEU

TICALS

2011

Ce qui a changé la donne

Directeur exécutif de l’AssociationLalla Salma de lutte contre le cancer (ALSC)

Au Mali, par exemple, oùil n’y a qu’un seul servicespécialisé, de nombreuxpatients abandonnent…

Nouveaux cas de cancerdes moins de 15 ans enAfrique francophone par an

Tunisie

Libye

Égypte

Maroc

Algérie

Mauritanie

Gabon

Cameroun

Sénégal

0 0,50 10 1,5 2,5 3,52 30,20 0,70 1,20 1,70 2,20

Équipementsde radiothérapie

en Afrique du Nord eten Afrique francophoneNombre d’appareils

pour 1 million d’habitants

Nombre dechirurgiensspécialisésen oncologiepour 1 milliond’habitants

Nombre d’oncologuesmédicaux

pour 1 million d’habitants

Seuil minimum requis : 22011 2012

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

LibyeAlgérieTunisieÉgypteMarocGabon

SénégalCôte d’Ivoire

MaliCamerounMauritanie

TunisieCôte d’Ivoire

GabonMali

AlgérieCamerounMauritanie

LibyeMarocÉgypte

Sénégal

Moyens et effectifs en légère augmentation

JEUNE AFRIQUE No 2661 • DU 8 AU 14 JANVIER 2012

L’Afrique contre le cancer 57

Page 12: JA 2661 DU 8 AU 14 JANVIER 2012 PLUS SANTE

Le cancer est très probablement le plusgrand fléau auquel l’Afrique devra faireface dans les trente prochaines années.L’Afrique du Sud et les pays d’Afrique du

Nord étant aussi avancés que l’Occident enmatière de lutte contre le cancer, c’est dans« l’Afrique dumilieu » que devront se concentrerles efforts. La situation est contrastée selon lespays. Des instituts spécialisés et des stratégiesde prise en charge commencent à s’organiserdans les grandes villes, mais, partout, on estconfrontés à un problème dramatique de retarddans les diagnostics : entre 50 % et 70 % despatients arrivent à l’hôpital à un stade déjà trèsavancé de la maladie.

Ainsi, dans le cas du cancer du sein, alors quel’âge moyen d’apparition de la maladie est de43 ans en Afrique, contre 59 ans en Occident,une étude comparative entre le Nigeria et despays européens révèle que 53 % des patientesnigérianes sont dia-gnostiquées à un étattrès tardif, contre 7 %des patientes occi-dentales. Résultat : lataille de la tumeur au moment du diagnostic estde 4,8 cm chez les premières, contre 2,6 cm chezles secondes. Il est donc urgent d’asseoir despistes d’amélioration de l’accès au diagnostic.

Cela suppose davantage de spécialistes. Orc’est la pénurie. Il est indispensable que lesnombreux oncologues, radiothérapeutes etphysiciens africains formés à l’étrangerretournent dans leur pays. Malheureusement,parce qu’ils ont peu ou prou les mêmes besoinsde spécialistes, les pays développés ont tendanceà en retenir un grand nombre. En outre, la for-mation ne doit pas concerner que les hautsniveaux de qualification : envoyer dans les dis-pensaires ruraux des généralistes et des infir-miers qualifiés permet d’établir les diagnostics,puis d’orienter les malades vers les centres desoins basés en ville.

Pour poser leurs diagnostics, les praticiensont aussi besoin d’équipements adéquats. Chaquepays devrait disposer de deux ou trois centresde référence et de plateaux de radiothérapie,laquelle est le traitement à privilégier dans lescas de cancers détectés tardivement. Elle permetde traiter quand c’est possible et, au moins,d’améliorer la fin de vie le cas échéant.

Évidemment, on ne peut se permettre d’installerdes centres de radiothérapie tous les 300 km; ilfaut donc développer l’accueil des patients etde leurs familles en ville le temps dutraitement.

Il ne faut pas s’en cacher, le continent n’aurapas, dans un premier temps, les moyens finan-ciers de traiter tous les cancers. D’où l’importancede mettre enœuvre dès à présent des politiquesde prévention, moins onéreuses, qui passententre autres par la lutte contre le tabagisme.Alors que l’Occident diminue sa consommationde tabac, l’Afrique, où les législations sont plusfaibles, devient l’eldorado des cigarettiers… etdu cancer du poumon.

Dans le cadre de la prévention, il faut aussipouvoir agir sur les cancers liés aux maladiesinfectieuses, notamment aumoyen de traitementsantibiotiques, qui peuvent par exemple facilement

éradiquer la bactérie Helicobacter pylori, res-ponsable du cancer de l’estomac, ainsi qu’avecles vaccins contre l’hépatite B et contre le papil-lomavirus, responsables respectivement descancers du foie et du col de l’utérus. D’autantqu’une négociation panafricaine permettraitd’obtenir des industriels des vaccins à prixcoûtant.

Quant au cancer du sein, on peut, comme onle fait dans les régions rurales françaises, amé-nager des «mammobus » et organiser des dépis-tages réguliers dans tous les coins de l’Afrique.Les mammographies seront ensuite confiées àdes spécialistes locaux, au gré des déplacements,ou envoyées sous forme numérique à des expertsoccidentaux, dans le cadre d’une coopération.

Toutes ces voies sont exploitables, à conditionqu’il y ait une prise de conscience des risquesqui se profilent et une réelle volonté politiquede les contrer, sans tarder. L’ensemble devras’articuler autour de campagnes visant àmodifierla perception que lesAfricains ont de cette mala-die. Ils doivent la considérer comme n’importequelle autre, l’issue n’étant pas forcément fatale.Pris en charge suffisamment tôt, le cancer peutêtre soigné. ●

Propos recueillis par CLARISSE JUOMPAN-YAKAM

PR DAVIDKHAYAT

Chef du serviced’oncologiede l’hôpitalPitié-Salpêtrière,à Paris

TRIBUNE

De l’urgence d’améliorerl’accès au diagnostic

Le continent devient l’eldorado descigarettiers… et du cancer du poumon.

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No 2661 • DU 8 AU 14 JANVIER 2012 JEUNE AFRIQUE

Le Plus de J.A. Santé58

Page 13: JA 2661 DU 8 AU 14 JANVIER 2012 PLUS SANTE

«A vec 12 000 nouveauxcas de cancer par an enTunisie, la pathologie dusiècle n’a fait l’objet d’au-

cunedécisionpolitique réelle,malgré lesdifférents plans stratégiques proposés.Nous avons les compétences humaines,mais lemanquede structures publiquescrée une discrimination entre les villeset les régions en termes d’accès auxtraitements », déclare le Pr Farhat BenAyed, éminent cancérologue présidentde l’Association tunisiennecontre le can-cer (ATCC). Cause, en 2009, de 1 décèssur 6 (dont 40 % dus au tabagisme),le cancer frappe de plus en plus unepopulationqui vieillit et prenddupoids,sans parler de la pollution de l’environ-nement par des produits chimiques etde métaux lourds.

Actuellement, près de 30000 patientsétrangers atteints de cancer consultenten Tunisie. Venus essentiellement deLibyeetd’Afriquesubsaharienne,notam-ment du Gabon et de Côte d’Ivoire, ilssont suivis dans des établissements pri-vés équipés de matériel de pointe, quiassurent des prestations dehaut niveau.Si la Tunisie est bien dotée en termes decompétences et d’infrastructures, elle aimporté en 2010, faute de production

locale de génériques, pour 87,6millionsde dinars (45,4millions d’euros) de trai-tements contre le cancer.

PRÉVENTION.AuMaroc, lemal touche30000 nouveaux patients par an et estresponsable de 7,2% des décès. Depuis2009, le royaume est entré en guerrecontre cette maladie, qui a un coûthumain et économique colossal. Aucœurde cette bataille, l’AssociationLallaSalma de lutte contre le cancer (lirep. 57), présidée par l’épouse du roi. Enpartenariat avec leministère de la Santé,

elle a lancé en 2010 le Plan national deprévention et de contrôle du cancer.Pragmatique et ambitieux, ce plan partdu constat que 40 % des cancers pour-raient être évités et insiste en particuliersur la prévention et la communication.

En termes d’équipement, certainesstructures sont à la pointe. Ainsi, lecentre d’imagerie Rabat Petscan vientdesedoterd’unappareil de tomographiepar émissiondepositrons, le premier dugenre enAfriqueetdans lemondearabe.Coût : 25 millions de dirhams (2,2 mil-lionsd’euros). Cependant, l’insuffisancedes structures de soins et de personnelsspécialisés oblige encore les patients àde grands trajets ou à des rendez-voustardifs. Il n’existe aujourd’hui qu’unedizainedecentresd’oncologie auMaroc,aussi est-il prévu d’en ouvrir prochaine-mentàMeknès,Tanger, Safi et Laayoune,et de créer des services d’oncologie deproximité dans les hôpitaux provin-ciaux.Deux centresd’hémato-oncologiepédiatrique vont également êtremis enplace à Fès et Marrakech. Le Maroc apar ailleurs lancé une commission dumédicament pour tenter de développerle recours aux génériques et de réduireles prix de vente. ●

FRIDA DAHMANI, à Tunis,

et LEÏLA SLIMANI

ÉQUIPEMENTS

Le Maghreb en services de pointeEn termes de plateauxtechniques, la Tunisie etle Maroc sont plutôt biendotés. Reste à étoffer le réseaudes structures de soins.

CRÉD

ITPHOTO

� DES MILLIERS DE MAMMOGRAPHIES, GRATUITES, sont réalisées chaque année au sein del’unité de dépistage du Centre de recherche en santé de l’Ariana (au nord deTunis).

OMAR BONGO ONDIMBA en avait rêvé, Ali Bongo Ondimba le voit naître.L’Institut de cancérologie de Libreville, situé dans le quartier d’Angondjé, estopérationnel depuis fin décembre 2010. Avec le CHU auquel il est adossé,cet établissement, troisième du genre en Afrique subsahariennefrancophone (après ceux de Dakar et Brazzaville), devient un pôle deréférence en matière de prise en charge du cancer, du diagnostic autraitement. Financé sur fonds européens (espagnols, autrichiens etallemands), il dispose d’une unité de médecine nucléaire et d’un service dechimiothérapie. Le centre de radiothérapie sera quant à lui livré en juillet.Les accélérateurs sont en cours d’installation, et une équipe de médecinsnucléaires et de physiciens médicaux étrangers, pour la plupart marocains,sont attendus pour faire fonctionner le plateau technique. Le temps, pourune vingtaine de spécialistes gabonais, de se former dans des centresd’études nucléaires occidentaux. ● CLARISSE JUOMPAN-YAKAM

UN INSTITUT OUVRE AU GABON

NICOLA

SFA

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WWW.IM

AGES

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UNISIE.COM

850millions de dollars

Coût estimé des nouveauxcas de cancer en Afriqueen 2009 (The Economist)

JEUNE AFRIQUE No 2661 • DU 8 AU 14 JANVIER 2012

L’Afrique contre le cancer 59

Page 14: JA 2661 DU 8 AU 14 JANVIER 2012 PLUS SANTE

PORTRAITS

Grands pontessur tous les frontsZoom sur ces médecins réputés qui mènent leur combatdes hôpitaux jusque dans le milieu associatif.

DIPLÔMÉEN1978de la facdemédecined’Alger,KamelBouziddirigedepuis 1996le service d’oncologie du Centre Pierre-et-Marie-Curie (CPMC), qui accueillechaque année des milliers de malades.En contact direct avec le terrain, ilmèneun combat sans relâche pour unemeil-leure prise en chargedes patients. Selonlui, « sur 44000 nouveaux cas de can-cer enregistrés chaque année dans lepays, 28000 nécessitent un traitementpar radiothérapie… et seuls 8000 y ontaccès ». En octobre 2011, il a lancé unpavé dans la mare en affirmant que leséquipementsde radiothérapieduCPMCétaient dans un état « calamiteux » àcausedeproblèmesdemaintenance. Enoutre, il a pointé le fait que, les patientsse voyant fixerdes rendez-voushuitmoisaprès leur consultation, 80%d’entre euxdécèdent avant… ● TAREK HAFID, à Alger

Kamel BouzidChef du service d’oncologie du CentrePierre-et-Marie-Curie, à Alger. Président dela Société algérienne d’oncologie médicale

Khaled RahalChef du service de chirurgie carcinologique à l’Institut Salah-Azaïez, à Tunis.Président de l’Association tunisienne d’assistance aux malades du cancer du sein

AUDÉBUTDESANNÉES1980, cette pédiatre aouvert une petite unitéd’oncologie (six lits) àl’Hôpital d’enfants deRabat. Les guérisons sesont faites de plus enplusnombreuses et le servicen’a cessé de grossir. En1986, elle a créé l’asso-ciation L’Avenir, qui col-lecte des fonds, gère desprogrammes médicauxet a permis la création,en 1995, de la premièremaison accueillant desparentsd’enfantsmalades.Fouzia Msefer Alaoui a

aussi supervisé un pro-jet de centre d’oncologiepédiatrique, qui a ouvertà Rabat en 2010.À 62 ans,celle qui a arrêté d’exer-cer depuis 2005 n’a pasabandonné son engage-ment social auprès desmalades. Elle a notam-ment fait bénéficier desonexpérience aux jeunesmédecinsetauxparentsenpubliant un livre en arabeet en français,LaLeucémiede l’enfant en mots et enimages (éd. Empreintes,2010). ●

LEÏLA SLIMANI

AU CAMEROUN, où 12000 nouveauxcas de cancer sont enregistrés chaqueannée, « 70 % des malades se rendentdans les services d’oncologie dans unétat critique », se désole Paul Ndom.En 1999, ce médecin a créé SolidaritéChimiothérapie,quiapportenotammentun soutien psychologique à quelque700 patients. Sous son impulsion, unepharmacie sociale a ouvert en 2004 ausein de l’Hôpital général de Yaoundé :les traitements anticancéreux y sontaccessibles à moitié prix et les patientsy bénéficient de facilités de paiement. ●

FANNY REY

À54ANSetaprèspresquevingt-cinq années de carrière dansle service public, le professeurRahalditêtre confrontéchaquejour encoreà l’énigmede la cel-lulemaligne : «Plus on avance,plus on se pose de questions. »De nombreux praticiens tuni-siens doivent leur formationà ce grand patron incontestéde la chirurgie oncologique.« Nous avons les spécialistes,maintenant il faut dévelop-per les structures », souligneKhaledRahal,quiappelleàplusd’interactionsentre les secteurspublic et privé, et insiste sur lanécessitédedévelopper la pré-ventionde lamaladie et le suivipsychologique des patients. ●

FRIDA DAHMANI, à Tunis

Fouzia Msefer AlaouiAncienne chef du service de pédiatrie hématologie et oncologie à l’Hôpital d’enfantsde Rabat. Présidente de l’association L’Avenir

Paul NdomChef du serviced’oncologie médicalede l’Hôpital généraldeYaoundé.Présidentde SolidaritéChimiothérapie

DR

ONSABID

POURJ.A.

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No 2661 • DU 8 AU 14 JANVIER 2012 JEUNE AFRIQUE

60 Le Plus de J.A. Santé

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