j. Perrin La Performance Cinematographiee Dyvonne Rainer

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  • La performance

    cinmato

    graphie dYvonne

    rainer

    Julie perrin

    Article publi dans revue Vertigo. Esthtique et histoire du cinma, hors-srie Danses, Images En Manuvres Editions, Marseille, octobre 2005, p. 57-60.

  • 1La performance cinmatogra

    phie dYvonne rainer

    Julie perrin

    Article publi dans revue Vertigo. Esthtique et histoire du cinma, hors-srie Danses, Images En Manuvres Editions, Marseille, octobre 2005, p. 57-60.

    Lorsque la chorgraphe Yvonne Rainer prsente son premier long-mtrage en 1972, la critique lac-

    cueille comme un tournant dans la carrire de lartiste. Cette grande figure amricaine de lavant-garde

    chorgraphique des annes soixante change soudain de mdium. La performance ne semble plus repr-

    senter ncessit ni urgence pour elle la chorgraphe le confirme elle-mme dans de nombreux en-

    tretiens. Un nouveau mode dexpression vient donc remplacer lcriture scnique : il autorise ce que la

    danse ne permet pas encore. Lives of performers apparat ainsi rtrospectivement comme lamorce dune

    exploration cinmatographique qui se dveloppera au cours des films qui suivront. A ce jour, la cinaste

    compte en effet son actif sept films et a su simposer dans le courant dun cinma exprimental exi-

    geant, politique, fministe.

    Le film se dveloppe en pisodes successifs, mlant ralit et fiction, autour du rcit dcousu dune

    compagnie de danse celle dYvonne Rainer, qui incarne ici son rle de chorgraphe mais aussi de ci-

    naste. Rptition dune danse, description de photographies dun spectacle, huis clos des interprtes

    dans un studio dsert Des tableaux vivants se suivent, accompagns de commentaires en voix off

    des diffrents protagonistes, concernant des rflexions esthtiques sur la danse mais aussi les conflits

    psychologiques entre les interprtes, leurs penses, leurs motions. De longs plans fixes alternent avec

    des mouvements de camra, parfois lents et sattardant sur les murs blancs. La narration repose sur des

    espaces dconnects, sur une temporalit trouble, discontinue, sans cesse interrompue.

    La critique, ds lors, sinterroge. Elle tente de comprendre et dexpliquer le passage de la danse au

    film1. Si de nombreux chorgraphes ont t tents par le cinma, se dclarent marqus et influencs par

    le langage cinmatographique, si certains ont collabor avec des cinastes ou ont confront leur danse

    1 Voir en particulier les articles rassembls dans : Yvonne Rainer, A Woman Who Essays, Interviews, Scripts, The Johns Hopkins University Press, Art + Performance Baltimore (Maryland), 1999 ; Sid Sachs (dir.), Yvonne Rainer: Radical Juxtapositions 1961-2002, The University of the Arts, Philadelphia, 2003.

  • 2la performance cinmatographie dYvonne rainer - universit de paris 8 saint-denis - dpartement danse - Julie perrin - 2005

    ce mdium (Merce Cunningham cre des danses pour la camra, considrant quelle est un nouvel outil

    de cration), ou si dautres ralisent ponctuellement un film2, peu sont rellement devenus cinastes.

    Comme Maya Deren ou Sally Potter, Y. Rainer fait partie de ceux-l. Peggy Phelan y voit lultime geste

    de refus dune chorgraphe connue pour ses rejets successifs des ressorts traditionnels du spectacle :

    une renonciation la danse3. Mais ce qui intrigue encore davantage la critique, cest ce quelle lit

    plutt comme une rupture radicale dans le parcours de lartiste : celle que lon associe, depuis vingt

    ans, un No manifesto qui rejette avec vhmence narration ou motion, prononce un programme

    esthtique qui apparat soudain loppos. Le mdium cinmatographique viendrait donc confirmer

    le tournant esthtique.

    Une telle lecture semble pourtant quelque peu force. Elle ne rend pas compte des logiques plus

    subtiles qui sous-tendent la trajectoire dun artiste ; il convient dy revenir, afin de se demander com-

    ment lart chorgraphique dYvonne Rainer vient bousculer lart cinmatographique ses conventions,

    sa forme, sa structure narrative.

    Si Y. Rainer semble elle-mme concourir, lors des premiers changes sur ses films, la construction

    dun tel rcit biographique, cest quelle tente de se dfaire dune image esthtique qui la poursuit

    tort : depuis le No manifesto de 1965, son uvre chorgraphique a explor diverses voies qui d-

    mentent en partie la radicalit du manifeste. Comment, dailleurs, suivre longtemps un tel programme,

    qui rejette une chose mais aussi parfois son oppos : non au grand spectacle non la virtuosit non

    aux transformations et la magie et au faire-semblant non au glamour et la transcendance de limage

    de la vedette non lhroque non lanti-hroque non la camelote visuelle non limplication de

    lexcutant ou du spectateur non au style non au kitsch non la sduction du spectateur par les ruses

    du danseur non lexcentricit non au fait dmouvoir ou dtre mu4 ?

    Mais la critique ne semble pas toujours avoir pris la mesure de son volution. Y. Rainer dplore que,

    depuis vingt ans, ses propres mots la poursuivent bien quelle ait cherch les ravaler (ou au moins

    les modifier)5 . On peut alors imaginer que lartiste veuille profiter de lintrt que suscite son passage

    au cinma pour porter un dernier coup quelques clichs qui continuent daveugler la critique : cest sur

    lmotion quelle se met insister. La danse ne parviendrait pas contenir ni exprimer le nouvel objet de

    sa recherche : les motions6. Celle que lon classait du ct du neutral doer7 (cet acteur neutre), du ct

    dune danse abstraite, parfois minimaliste, aux mouvements sans affects, sans lans, sans narration, sans

    psychologie, cette chorgraphe de la distanciation et du refus de lempathie, revendique ainsi la repr-

    sentation de lmotion et nhsite pas sous-titrer Lives of performers, a melodrama. Comment ne pas

    2 Voir Mouvements lcran , Funambule. Revue de danse, Saint-Denis, Anacrouse, n 6, juin 2004.3 Peggy Phelan, Yvonne Rainer: From Dance to Film (1999), in A Woman Who, op. cit., p. 11.4 Yvonne Rainer, Some retrospective notes on a dance for 10 people and 12 mattresses called Parts of Some Sextets , Tulane Drama Review, New Orleans, vol. 10, n 2, Winter 1965, p. 178 ; trad. Denise Luccioni in Sally Banes, Terpsichore en baskets. Post-modern dance, Chiron / Centre national de la danse, Paris, 2002, p. 90.5 Yvonne Rainer, Thoughts on Womens Cinema: Eating Words, Voicing Struggles (1986), A Woman Who, op. cit., p. 224.6 Yvonne Rainer, Work 1961-73, The Press of the Nova Scotia College of Art and Design, Halifax, New York University Press, New York, 1974, p. 238.7 Yvonne Rainer, The mind is a muscle. A Quasi Survey of Some Minimalist Tendencies in the Quantitatively Minimal Dance Activity Midst the Plethora, or an Analysis of Trio A , in Battcock Gregory, Minimal Art: A critical Anthology, E.P. Dutton, New York, 1968, p. 263-273, trad. Laurence Louppe, in Le Travail de lart, Association des Arts en Europe, Paris, n 1, automne/hiver 1997, p. 91-99.

  • 3la performance cinmatographie dYvonne rainer - universit de paris 8 saint-denis - dpartement danse - Julie perrin - 2005

    voir, par ce mlodrame , la part dironie contenue dans ce titre et plus gnralement, lexagration ou

    le paradoxe des discours dune chorgraphe-cinaste qui avoue par ailleurs son esprit de contradiction ?

    On aimerait envisager Lives of performers comme une transition, non comme une rupture. Sil y a chan-

    gement de mdium, on dcle nanmoins une grande continuit que les diverses mythologies construites

    autour de luvre tendent clipser. Diffrents lments concourent cette interprtation et conduisent

    envisager autrement le passage de la danse au film, rvlant la singularit artistique dY. Rainer. Dans les

    annes quatre-vingt, Y. Rainer inflchit dailleurs son discours et vient soutenir ce qui apparat de faon

    plus flagrante au public contemporain.

    Le chercheur en danse qui se penche aujourdhui sur ces questions nest pas en prise sur ces dbats

    et bnficie en effet dune distance qui lui permet de juger diversement dun parcours. Mais plus encore,

    ne pas avoir t le spectateur direct des danses dY. Rainer conduit une connaissance de son uvre

    bien spcifique. Cest par une srie de documents que lon approche les pices : les textes ceux de la

    chorgraphe, mais aussi de Sally Banes ou Jill Johnston , les photographies, et un film en noir et blanc,

    enfin : Trio A, cr en 1966, et dans pour la camra par Y. Rainer en 1978. Ces sources sont trangement

    semblables celles qui entourent chaque film de lartiste : entretiens, photographies, commentaires sur

    la dmarche, descriptions, scripts et bien sr, les films eux-mmes. Que la connaissance visuelle de Trio A

    passe aujourdhui par le support dun film, tend rapprocher cette danse de Lives of performers, dautant

    que le long-mtrage en noir et blanc intgre lui-mme des squences danses et semble se drouler dans

    un studio de danse : un projecteur, des murs blancs, un matelas et quelques chaises constituent le seul

    dcor ; des rires du public se feront entendre. Pour le chercheur contemporain, film et danse trouvent l

    un point de convergence vident li dune part la nature des sources, mais galement au sujet reprsent,

    ou encore au souci cinmatographique de lartiste (quand Robert Alexander ralise Trio A, Y. Rainer a dj

    ralis trois long-mtrages, et lon peut supposer quelle partage la conception du film). Le passage dun

    mdium lautre peut alors se faire sans heurt : on trouve une continuit vidente de questionnement tant

    dans la forme que dans le contenu.

    Lives of performers prolonge dautant mieux les questionnements chorgraphiques et scniques ant-

    rieurs quil prend parfois la forme dune sorte de documentaire sur la danse8 : le film commence avec une

    squence de rptition de Walk, She Said (1972). Il se prolonge avec un commentaire de photographies

    de Grand Union Dreams (1971) et, plus tard, le solo de Valda Setterfield, tir de la mme pice et film

    en public au Whitney Museum. La rfrence directe la danse, la prsence des performers eux-mmes, en

    rptition ou en scne et appels par leur prnom rel, la reprsentation de la chorgraphe, consistent en

    une mise abyme vidente. On retrouve donc l les mmes acteurs, les mmes actions, les mmes attitudes

    et les mmes formes dexpression que dans des pices antrieures. Certes, le film opre ensuite un dcolle-

    ment de cette premire ralit, superposant des rcits autres un drame amoureux, un dpart au Chili, un

    rve, des discussions entre les personnages-danseurs, etc. Mais la trame du mlodrame a bien pour support

    des images trs proches de lunivers chorgraphique dY. Rainer.

    Si le cinma permet doprer une transition vers une nouvelle forme de structure narrative et motion-

    nelle, il poursuit donc et affine les interrogations incessantes dY. Rainer : sur la relation de luvre au

    8 Yvonne Rainer, Declaring Stakes: Interview by K. Easterwood, L. Poitras, and S. Fairfax (1990), A Woman Who, op. cit., p. 240.

  • 4la performance cinmatographie dYvonne rainer - universit de paris 8 saint-denis - dpartement danse - Julie perrin - 2005

    public (le rejet du narcissisme et du voyeurisme, le pouvoir dune uvre guider le regard du spectateur,

    la distanciation), sur la composition (la structure dune uvre, le flux dans ou film, les dynamiques,

    la fragmentation, le montage, les logiques narratives ou alatoires), sur lexpression et la thtralit (le

    regard, le visage, lorientation de linterprte par rapport au public, les inflexions du jeu et de la voix, len-

    gagement corporel). La forme du film, comme les commentaires des interprtes sur leur propre jeu ou sur

    leur performance danse, en tmoignent.

    Il faut galement rappeler que la chorgraphe avait dj opr un rapprochement entre les deux mdiums

    et la conception quelle en avait. Entre 1967 et 1969, elle ralise cinq court-mtrages qui peuvent tre in-

    tgrs des reprsentations scniques : les films ctoient ainsi ses danses. Elle les considre comme une

    extension de son intrt pour le corps et le corps en mouvement9 . Ces films mettent en vidence des

    situations athltiques (Volleyball, 1967), danses (Hand movie, 1968), jouant de gros plans, de dcoupes du

    corps, de points de vue insolites sur le corps nu (Trio film, 1968). Cet intrt pour les variations soudaines

    dchelle ou pour les activits physiques ne sest pas tari : on peut ds lors considrer cette recherche comme

    une priode de transition qui ne sest jamais acheve10 , dclare Y. Rainer ; on en trouve une transposition

    dans les long-mtrages travers le souci du cadre et du traitement du corps comme objet de recadrages suc-

    cessifs. Je suis, ou jtais, une danseuse. Je suis trs lie lespace et au mouvement, et cela va ressortir

    sous plein de formes diffrentes. Lespace du cadre, mtaphores des relations, lespace physique de lintimit,

    de lvitement, de lattraction, du flirt, ou de lhostilit11. Si la transition entre danse et film continue de se

    produire, cest aussi pour la raison biographique vidente que la chorgraphe na pas vritablement dlaiss la

    danse : elle cre des chorgraphies jusquen 1975 (Kristina (for a Opera)), continue de danser ou enseigne

    Trio A tardivement, et rpond rcemment la demande de Mikhal Baryshnikov de crer une chorgraphie

    After Many a Summer dies the Swan rassemble des fragments de danses passes. Les rptitions filmes de ce

    travail, accoles des textes, constitueront une installation vido ultrieure.

    Lapparition, dans les uvres chorgraphiques, dlments qui constitueront le cur de la recherche

    narrative et motionnelle du cinma dY. Rainer, opre une autre sorte de lien entre danse et film. La chor-

    graphe fait surgir des situations dune thtralit subtile qui annonce la dramaturgie de ses films : dpassant

    les simples relations kinesthsiques ou danses, elle intgre une sorte dintrigue et suggre des situations

    dramatiques. Les performers de Grand Union Dreams sont ainsi reprs comme des personnages (les hros, les

    dieux, les mortels, pre, mre, amant, ami, sur) et si leur attitude nvoque rien, leur proximit construit

    un vnement porte narrative. Samorce donc sur scne la recherche dune forme de narration et dmotion

    singulire construite par superposition dlments disparates : disposition des interprtes, introduction de

    textes, utilisations daccessoires ou de costumes ayant une porte symbolique, etc. La logique narrative sc-

    nique nuse donc pas des conventions de narration traditionnelles, comme le dialogue ou le monologue, mais

    sinsinue par dautres moyens plus proches du cinma : je pensais dj en terme de cadrage et de voix off12 ,

    analyse Y. Rainer. Des textes viennent se juxtaposer la danse, ds Terrain en 1963. Le cinma de rfrence

    9 Yvonne Rainer, Work 1961-73, op. cit., p. 209.10 Yvonne Rainer, Profile: Interview by Lyn Blumenthal (1984), A Woman Who, op. cit., p. 68.11 Yvonne Rainer, Interview by the Camera Obscura Collective (1976), A Woman Who, op. cit., p.159.12 Yvonne Rainer, Profile: Interview by Lyn Blumenthal , art. cit., p. 69.

  • 5la performance cinmatographie dYvonne rainer - universit de paris 8 saint-denis - dpartement danse - Julie perrin - 2005

    de lartiste interroge les structures de la narration, les logiques de la fiction, la relation au langage ou les

    liens entre limage et le son elle cite volontiers Warhol, Snow, Frampton, Cocteau, Vigo, Bresson, Dreyer ou

    Godard. Y. Rainer entretient une guerre prive contre le cinma narratif13 .

    Aussi, lorsque la chorgraphe affirme que son passage au cinma est motiv par le dsir dexplorer les

    motions, faut-il lentendre avec nuance. Si elle demeure frappe par le thtre traditionnel indien dcou-

    vert lors de son voyage en Inde en 1971, et savoue fascine par la narration et la reprsentation du sens,

    par lexpression des visages (par tous ces changements infimes de la face), par la projection de lmotion14

    et si Grand Union Dreams est bien une rponse cette dcouverte, elle demeure bien loin des stratgies

    de ce thtre traditionnel. Lives of performers laisse place un jeu dacteurs dnu daffect. Hormis les

    rptitions danses, les interprtes apparaissent en une succession de tableaux quasi figs. Si les lvres

    bougent, le visage demeure imperturbable (ne serait-ce une trange grimace de Valda) et la camra scrute

    en gros plan cette impassibilit. Il sagit pour Y. Rainer de dfaire les clichs de lexpression des passions :

    comment signifier lamour, la peur, la jalousie autrement que par les visages de Katharine Hepburn ou

    Liv Ullman15 ? Les paroles sont elles-mmes inaudibles, comme si le film, par ces acteurs muets, tentait

    dloigner toute trace du sentiment qui les occupe. Aucune tension dramatique ne traverse les corps. Le

    contenu motionnel est alors port par un discours en voix off, nanmoins inaccentu, ou par les interti-

    tres rcits de malaise, damour, de peurs, de rve, de performance Si certaines actions semblent pouvoir

    concider avec le texte (deux acteurs senlacent), le plus souvent texte et image se heurtent. Par exemple,

    la squence intitule Story suit une narration claire et linaire : lhistoire dun homme qui aime une

    femme et ne parvient pas la quitter lorsquil tombe amoureux dune autre. Mais elle se juxtapose une

    chorgraphie qui, bien que prise en charge par un homme et deux femmes, comme le suggre le rcit,

    demeure abstraite et sans lien : John (Erdman), Shirley (Soffer) et Valda qui lencadrent, font face la

    camra et effectuent une courte squence de quart ou demi-tours, rptes deux fois. Y. Rainer construit

    donc une ralit complexe suspendue entre narration et non-narration16, dont le sens reste indcis, les

    interprtations multiples. Si, depuis lInde, la question de la signification et du rcit la hante, elle refuse

    de la rsoudre simplement et lexplore sans fin. Eviter les cueils du cinma narratif, cest le cur du

    problme pour moi et cest absolument fascinant17.

    En retour, elle interroge ici, non sans humour, notre regard sur la danse, en lui juxtaposant des rcits

    qui vont du clich la rfrence savante, de la description la drive potique ou au burlesque (Que signi-

    fie cette danse ? Clbre-t-elle larrive du printemps ? Et cette valise ? Que contient-elle ? Des chaussettes

    sales ?). La distance permanente par rapport un rcit univoque repose sur le collage de ralits htrog-

    nes et sur une structure sans cesse interrompue par des cuts, des intertitres, des reprises de squence tel-

    les ces variations autour des entres successives de Valda. Le film, comme mimant le travail du performer,

    amorce, refait, rpte, sacclre, sinterrompt. Ce jeu dchos entre le sujet et la forme permet de dployer

    13 Chantal Pontbriand, De la danse et du cinma. Une interview avec Yvonne Rainer (1978, trad. Colette Tougas), Fragments critiques (1978-1998), Jacqueline Chambon, critique dart , Nmes, 1998, p. 114.14 Yvonne Rainer, From an Indian Journal , The Drama Review, New York, vol. 15, n 3, spring 1971, p. 136 : Regarder son [de lacteur] visage, cest comme regarder une carte sous LSD .15 Yvonne Rainer, A Likely Story , (1976), A Woman Who, op. cit., p. 139.16 Idem, p. 138.17 Chantal Pontbriand, art. cit., p. 114.

  • 6la performance cinmatographie dYvonne rainer - universit de paris 8 saint-denis - dpartement danse - Julie perrin - 2005

    tout un ventail de connivence et distanciation avec le public, la distorsion du clich demeurant lune des

    cls majeures de lecture : clich sur la vie du performer et dune compagnie, clich sur le mlodrame et la

    place de la femme victime, clich sur le jeu de lacteur et les ressorts du rcit cinmatographique. Fidle

    son intrt pour le mdium, Y. Rainer choisit ici de nen privilgier aucun et tente de combiner leurs

    stratgies contradictoires ; Lives of performers laisse ainsi sinfiltrer danse et cinma, qui en ressortent

    tous deux secous.

    Julie PERRIN

    Pour citer cet article : Julie Perrin, La performance cinmatographie dYvonne Rainer , revue Vertigo. Esthtique et histoire du cinma, hors-srie Danses, Images En Manuvres Editions, Marseille, octobre 2005, p. 57-60. Cit daprs la version lectronique publie sur le site Paris 8 Danse : www.danse.univ-paris8.fr