J. Kristeva Recherches Pour Une Sémanalyse, Essais

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Jean-Claude Chevalier J. Kristeva : Recherches pour une sémanalyse, Essais In: Langue française. N°7, 1970. pp. 115-116. Citer ce document / Cite this document : Chevalier Jean-Claude. J. Kristeva : Recherches pour une sémanalyse, Essais. In: Langue française. N°7, 1970. pp. 115-116. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_1970_num_7_1_5517

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Sémiotique

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Jean-Claude Chevalier

J. Kristeva : Recherches pour une sémanalyse, EssaisIn: Langue française. N°7, 1970. pp. 115-116.

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Chevalier Jean-Claude. J. Kristeva : Recherches pour une sémanalyse, Essais. In: Langue française. N°7, 1970. pp. 115-116.

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les temps »), sur La Littérature et l'espace, les autres articles qui composent Figures II, on le voit, s'articulent de près 3 sur le programme proposé à la critique.

Mais Figures II vaut aussi par ses propres qualités d'écriture : on pourrait étudier la fonction des figures dans Figures, et peut-être même n'est-il pas exagéré d'appliquer à son auteur la formule par laquelle il oppose, à la suite de R. Barthes, écrivant et écrivain : « l'écriture n'est pas pour lui un moyen d'expression, un véhicule, un instrument, mais le lieu même de sa pensée ».

Jean-Baptiste Comiti, Paris- Vincennes.

Julia Kristeva, Hy^eicotixt], Recherches pour une sémzn~!yse. Essais, Paris, Le Seuil, coll. « Tel Quel », 1969.

Julia Kristeva est devenue en quelques années l'un des membres les plus remarquables de la critique moderne; douée d'une vaste culture philosophique, mathématique, littéraire, utilisant un style éblouissant et provocant, elle s'est attachée à remettre en cause les fondements mêmes d'une théorie du signe. On pourra contester telle ou telle analyse, juger hâtive telle ou telle lecture; c'est le sort des vastes synthèses d'être aventurées, — au sens où il s'agit d'une aventure intellectuelle — et Foucault a reçu les mêmes critiques. N'en reste pas moins qu'il s'agit d'une démarche — d'un geste, dirait-elle — aujourd'hui capitale. C'est en partie faute d'une telle théorie du signe que la Grammaire de Port-Royal est restée une tentative géniale, mais avortée, faute d'une telle théorie qu'aujourd'hui la grammaire generative s'essouffle et tourne en rond dans un empirisme inquiétant (comme le remarque Ant. Culioli, dans son remarquable article des Cahiers pour l'Analyse, n° 9).

Pour éclairer mieux l'horizon de J. K., on pourra relire le vaste panorama de la linguistique paru à la fin de 1969 sous le titre Langage cet inconnu et signé J. Joyaux : Ет^еютх-}] у prendra sa perspective. Le livre recueille des articles parus depuis trois ans, qui ont été à peu près tous commentés par J.-C. Coquet dans L.F. 3, commentés ici même par Anne Nicolas, ce qui me permettra d'être bref. Par rapport à eux, le plus récent, « l'engendrement de la formule », apportera une matière nouvelle de réflexion, pour cerner la théorie du signifiant. L'article liminaire « Le texte et la science » fait le point de l'état présent de la réflexion de J. Kristeva.

A la différence de l'acte commun de langage, qui est, pour la société, moyen de contact et de compréhension, la littérature est « l'acte même qui saisit comment la langue travaille et indique ce qu'elle a le pouvoir, demain, de transformer » (p. 7). Elle fait de la langue un travail, elle œuvre dans la matérialité pour constituer un texte. Il n'y a là aucune magie, comme le prétendait l'idéalisme, mais une pratique.

Le « texte » par sa production même (le rapport de ce concept avec le concept marxiste de production est encore un peu obscur) questionne la

3. L'article intitulé « Rhétorique et enseignement », pourtant, a plutôt trait à l'histoire de l'enseignement, et il éclaire le propos général de Figures d'une façon plus oblique. M. Genette se propose d'y « mesurer la distance qui sépare l'enseignement littéraire actuel de ce qu'était l'enseignement rhétorique voici seulement un siècle, et de s'interroger sur sa signification ».

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langue; ce travail de différenciation, de stratification, de confrontation, c'est la signiflance qu'étudiera la sémanalyse.

Toucher à la langue, c'est toucher les tabous sociaux et historiques, c'est participer à la transformation d'un réel saisi dans ses possibilités d'ouverture, c'est s'en construire son propre théâtre, un théâtre multiplié, « pluriel », dira Barthes, « dont l'inscription non centrée met en pratique une polyvalence sans unité possible » (p. 11); c'est éliminer de la littérature le sacré, le magique, la religion des « effets », c'est refuser sa fusion avec une histoire linéaire établie en dehors d'elle, avec la science aussi — puisque la littérature traverse l'idéologie. Ici peut être situé le rapport de cette pratique avec la psychanalyse d'une part (reconstruction du sujet), avec le marxisme de l'autre. Le texte enfin n'est pas réductible à une analyse linguistique, puisque c'est une pratique à saisir « par une théorie de l'acte signifiant spécifique qui s'y joue à travers la langue ».

Tel est le projet sémiotique, encore un peu flou, mais dont J. K. dessine l'hérédité découverte chez Boole, Morgan, Peirce..., et aussi chez Saussure qui, en réintroduisant les Anagrammes dans la structure, a remis en cause sa notion de signe. La sémiotique participera à cette nécessaire réflexion interdisciplinaire sur le discours, elle rencontrera sociologie, mathématique, psychanalyse, linguistique, logique, elle sera « une condensation, au sens analytique du terme, de la pratique historique ».

Jean-Claude Chevalier.

Jacques Dubois, Francis Edeline, Jean-Marie Klinkenberg, Philippe Minguet, François Pire et Hadelin Trinon, Rhétorique générale, Paris, Larousse, coll. « Langue et Langage », 1970, 1 vol. 15 x 21 cm., 206 p.

Cet ouvrage mériterait une longue analyse qu'il n'est pas possible de mener ici; nous nous contenterons d'indiquer le projet des auteurs et de suggérer quelques thèmes de réflexion. Aristote et R. Jakobson sont unis au seuil du livre dans un même hommage; lointaine et proche rhétorique dont le renouveau est jalonné en France depuis une dizaine d'années par des travaux de R. Barthes, G. Genette, T. Todorov, J. Cohen, sans parler de ce qui peut se faire en psychanalyse ou en sociologie.

S'agissant de définir « quels sont les procédés du langage qui caractérisent la littérature » (p. 14), les auteurs introduisent leurs études par une longue discussion sur un terme aussi souvent contesté qu'utilisé, celui d'écart : contre les « crocéens » qui rejettent toute analyse des catégories linguistiques au profit d'une esthétique première et totalitaire, ils proposent une approche linguistique de la littérarité définie « provisoirement » comme un écart, mais ils manifestent ici une extrême prudence x : « c'est (...) le rapport norme-écart qui constitue le fait de style et non l'écart comme tel » (p. 22). Plus loin, on trouvera une référence à M. Rifîaterre. Une métaphore est dite renvoyer « en même temps au sens propre et au sens figuré » (p. 22), et à plusieurs reprises on parle de polysémie nécessairement première. Le message renvoie finalement à deux ou plusieurs sens, et cela parce qu'il est figuré. Il est en effet « des transformations réglées de l'usage

1. Sans doute a-t-on tenu compte des critiques suscitées par le livre de J. Cohen, Structure du langage poétique, Paris, Flammarion, 1966.

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