IRIBIJMIJI - bib.kuleuven.bec,as d ivresse ou de fuite). En Hollande, le d~a1 ,d epreuve. T?mbera du...

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76e ANNEE - 4308 12 FEVRIER 1961 IRIBIJMIJI >-.:.:.- HEBDOMADAIRE JUD.iêiuu '·.'\ LIRE EN CHRONIQUE JUDICIAIRE : . r:·:. Edmond Picard 1882 - 1899 MAISON FERD. S. A. 39, rue des BRUXELLES . Cours et conférences : La crise congolaise. - L'&dmi- nistr.ation de la société de statut européen. - Un projet de moratoire. - Les deuils fudiciaires: Le bâ- tonnier Constant Smeesters. - Maurice de Wée. - Le bâtonnier Gérard Kasier-s. - Coups de règle., - Léon Hennebicq 1900 -1940 Notes de législation. - Echos. De la répression formules actueliement en usage, les naux condamnent à une amende par qer ple de 50 francs, pour préciser enMte qu'avec iles déci1:pes additionnels cette amen- de est portée à I .ooo francs. l'ls pourraient, en changeant seulement l'ordre des idées et en matière de roulàgè; Une répression adéquate des délits de la route peut sans aucun doute, par ses effets intimidants, contribuer à diminuer le nom- bre des accidents. Il . .faudrait que .chez Eau- tomobiliste moyen, la crainte de la répression soit suffisamment forte pour agir sur lui et le dissuader de commettre l'infraction à la- quelle ile ·pousse son penchant naturel. Som- mes-nous arrivés à ce résultat en Belgique ? Je ne le crois pas, et c'est ce qui m'a incité à écrire le présent article. Comme i1 convient à un magistrat, c'est moins dans le travail des tribunaux que dans celui du législateur que je signalerai des la- cunes. J'examinerai cependant aussi la juris- prudence. Je terminerai par quelques mots au sujet de l'exécution des peines prononcées par les tribunaux. Sur la loi il y avait jusque tout récemment beaucoup à redire. Mais les réformes les plus urgentes ont été apportées par la loi du 15 avril 1958 (entrée en vigueur le 6 juillet 1959). Cette loi .a créé un délit nouveau : le fait de conduire avec 1,5 %0 d'alcolhémie. Elle a renforcé notablement ies peines exis- tantes pour toutes les infractions du roulage, spécialement l'ivresse au valant et le délit de fuite. E!l!le a créé des peines nouvelles : l'im- mobilisation temporaire et la confiscation du véhicule. Le juge dispose maintenant d'armes de répression variées et sévères, lui permettant de réaliser ·la répression énergique que ré- clame de lui l'opinion. E"St-'oe à ·dire que ·la loi du 15 avril lzjsE - ne mérite que des louanges? Non sans dou- te. On peut trouver inutilement compliquées les dispositions relatives à la déchéance du droit de conduire. On peut aussi trouver regrettable que le législateur ait repris à la loi sur l'ivresse une disposition d'une affli- geante cocasserie : l'interdiction de conduire un aéronef (et pourquoi pas un sous-marin?) et une monture (et pourquoi pas un tapis 'volant, tant qu'on est dans les chimères?). Dans une matière aussi sérieuse, on ne de- v1rait pas faire de folklore. Mais ce sont là des critiques d'ordr-e mi- neur. En revanche il semble que des oublis importants doivent être signalés. Ainsi, on a renforcé les peines des infrac- tions à la police du roulage, mais on n'a pas renforcé les peines des a:rtides 419 et 420 du Code pénal, qui pa:r l'effet- du concours idéal d'infractions sont souvent les smllles à être appliquées. H en résulte une criante anomalie, puisque le taux maximum de l'amende comminée pour blessures pa,r im- prudence n'est désormais pas plus élevé que ., , . . donc sans ·rien faire d'illéga1l, condamner celui qui est prévu pour une. simple.· in- frac-1 d'emblée à une amen.,d_ .e de l.ooo francs. en tion à la police du roulage. A remarquer ajoutant immédiatement «soit 50 fr;ncs d'autre part que le de la peine augmentés des décines .a_dditi0nnels résultanf pm:r· par -impniâence reste -de six - la loi du 5 mars 1952 ». Psychologique- mo1s d emprisonnement et 500 francs , cette formule porterait certainement d'amende, alors que le maximum de la pei- da\\:!l'ntage. Il suffirait peut-être qu'elle soit ne pour délit de a été porté à deux ans adoptée. par un tribunal pour qu'elle le soit d'emprisonnement et 5.000 francs d'amende. à la lorigu.(! par tous. - La comparaison de .est cho- .. Bien enÙadu, _une modification législative quante. On_ a eu fois _raison _de ren- serait encore préférable. Elle permettrait d'in- forcer la de. fmte. M 11 a1s, toute t!roduire · fa jusque les extraits gal'dee, il . fallait fa11re de meme pour les casiers j udiciai.tes · ( l). Nous sortirions dehts des ara.des 419 et 420 du Code amsi sans équivoque d'un p:(ovisoire qui du- . re depuis plus de quarante Si pour 'les cas graves de blessures par rm- S . · · --. " d 1 . . . , . ur ce pomt aussi on pourra1t renvoyer pru ence e maxnnum de six mois d empn- - l·' · 1 · d · · -·· · · · " . ff" . aux eg1s at1ons es pays v01sms : partout on sonnemeil!t isant, qm est prononce les amendes à leur chiffre ·r'éd. La en tout cas msuff1sant c est le maxnnum de 1 · · 1 · 1 '·''·· f · d' d " d , 1 . e gique se smgu anse ma encontreusement 500 rancs amen e pour ce meme e it · · d d 'f" · if ·· .- · f 1 · d'h · "d C ' par un prov1so1re evenu e mit . 1 .ooo rancs pour ce m om1ci e. es taux . , datent du temps des . diligences. Ils sont in- Mais fermons cette pa:enthese, et _revenons- a.daptés aux exigences acorues de la répres- en aux lacunes de la loi du 15 avril 1958. sion. Inadaptés aussi à l'importance actuelle Dans cette loi, qui organise de manière des fortùnes. Inadaptés enfin à_,.;râ:ison de ce très détaillée la déchéance du droit de con- par le jeu dê' sursis et par duire, titre. ;de une. chose le fait que les courtes peines <l'emprisonne- av?ir ete oubhee : ,1 de la ment ne sont pas exécutées l'amende est rehahihtat10n, en cas de decheance pronon- dans la majorité ·des cas, l; seU!le cée à titre d6finitif. effectivement subie. Le taux maximum de Comme les auteurs d'accidents se recru- l'amende comminée par les articles 419 et tent autant chez les gens honnêtes que chez 420 pourrait sans aucun doute très raison- les repris de justice, la plupart- sont en me- nablement être porté à 5.000 sUlfe de postuler leur réhabilitation après le Pourquoi ne pas regarder ce qui se fait légal de _cinq .. Or que, pri':és , du à cet égard chez nos voisins ? Le maximum d:o1t de ils n aient plus cause d ac- de l'emprisonnement pour les·-délits en ques- - .::c-ident ies:-cmq cella est sans au- tion y est beaucoup plus élevé. Quant à cune s1gnif1cat10-? au ?e vue de l'amende, le maximum pour blessures in- mte:d1ts:. de condmre, volontaires est en France· de 15 . 000 NF ils n plus ete da_ns la causer (30.000 en cas d'ivresse ou de fuite), et pour u? Ils obtiendront leur involontaire 20 . 000 NF ( 40 . 000 en faute de dans c,as d ivresse ou de fuite). En Hollande, le ,d epreuve. T?mbera du i:neme, l amende peut être de 20 . 000 filorins. Nous ·du d_ro1t de sommes fort loin des -taux en vigueur chez amsi a quelque cmq annees, alors qu elle nous. avait été prononcée à titre définitif. Puisqu'il est question d'amende, c'est le Pour la sécurité publique ce peut être moment de rompre une lance en faveur de grave. la prononciation de l'amende à son chiffre Il serait souhaitable, semble-t-il, que la loi réel, celui qui résulte de l'adjonction des sur la réhabilitation comporte une disposition db;imes additionnels. Ce n'est là peut-être 9ue de conduire pr?'" qu une question de mots, mais les questions noncee ne sera pas affectee de mots ont leur importance psychologique. par la rehabihtation. . . Quand on entend à .J'audience ou qu'on lit En attendant, la 1unsprudence peut-elle dans un compte rendu de presse qu'un pré- obvier à l'inconvénient signa·lé? Dans une venu a été condamné à 26 ou 5o francs certaine mesure, oui. La déchéance à vie du d'amende du chef d'un ac.ci-dent de roulage, l'impression est dérisoire. La justice prend figure d'épouvantail à moineaux. Faut-il, pour que cela change, une modi- fication à la loi ? Il ne semble pas. Selon les (1) Il suffirait de remplacer l'article 1er, alinéa 2, de la loi du 5 mars 1952 sur les décimes additionnels par une disposition prévoyant que « Cette majoration est incorporée dans le montant de l'amende, telle que celle-ci sera prononcée ». ( .,\ /'\

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  • 76e ANNEE - N° 4308 12 FEVRIER 1961

    IRIBIJMIJI >-.:.:.-

    HEBDOMADAIRE JUD.iêiuu '·.'\

    LIRE EN CHRONIQUE JUDICIAIRE :

    . r:·:. ÉDITEUR$.~ Edmond Picard

    1882 - 1899 MAISON FERD. LAitC~, S. A. 39, rue des Min~~~-:-;,

    BRUXELLES ~ . ";l:::iJ.~(-..

    Cours et conférences : La crise congolaise. - L'&dmi-nistr.ation de la société de statut européen. - Un projet de moratoire. - Les deuils fudiciaires: Le bâ-tonnier Constant Smeesters. - Maurice de Wée. -Le bâtonnier Gérard Kasier-s. - Coups de règle., -Léon Hennebicq

    1900 -1940 Notes de législation. - Echos.

    De la répression de~ê,-~infractions formules actueliement en usage, les naux condamnent à une amende par qer ple de 50 francs, pour préciser enMte qu'avec iles déci1:pes additionnels cette amen-de est portée à I .ooo francs. l'ls pourraient, en changeant seulement l'ordre des idées et en matière de roulàgè;

    Une répression adéquate des délits de la route peut sans aucun doute, par ses effets intimidants, contribuer à diminuer le nom-bre des accidents. Il . .faudrait que .chez Eau-tomobiliste moyen, la crainte de la répression soit suffisamment forte pour agir sur lui et le dissuader de commettre l'infraction à la-quelle ile ·pousse son penchant naturel. Som-mes-nous arrivés à ce résultat en Belgique ? Je ne le crois pas, et c'est ce qui m'a incité à écrire le présent article.

    Comme i1 convient à un magistrat, c'est moins dans le travail des tribunaux que dans celui du législateur que je signalerai des la-cunes. J'examinerai cependant aussi la juris-prudence. Je terminerai par quelques mots au sujet de l'exécution des peines prononcées par les tribunaux.

    Sur la loi il y avait jusque tout récemment beaucoup à redire. Mais les réformes les plus urgentes ont été apportées par la loi du 15 avril 1958 (entrée en vigueur le 6 juillet 1959). Cette loi .a créé un délit nouveau : le fait de conduire avec 1,5 %0 d'alcolhémie. Elle a renforcé notablement ies peines exis-tantes pour toutes les infractions du roulage, spécialement l'ivresse au valant et le délit de fuite. E!l!le a créé des peines nouvelles : l'im-mobilisation temporaire et la confiscation du véhicule.

    Le juge dispose maintenant d'armes de répression variées et sévères, lui permettant de réaliser ·la répression énergique que ré-clame de lui l'opinion.

    E"St-'œ à ·dire que ·la loi du 15 avril lzjsE -ne mérite que des louanges? Non sans dou-te. On peut trouver inutilement compliquées les dispositions relatives à la déchéance du droit de conduire. On peut aussi trouver regrettable que le législateur ait repris à la loi sur l'ivresse une disposition d'une affli-geante cocasserie : l'interdiction de conduire un aéronef (et pourquoi pas un sous-marin?) et une monture (et pourquoi pas un tapis 'volant, tant qu'on est dans les chimères?). Dans une matière aussi sérieuse, on ne de-v1rait pas faire de folklore.

    Mais ce sont là des critiques d'ordr-e mi-neur. En revanche il semble que des oublis importants doivent être signalés.

    Ainsi, on a renforcé les peines des infrac-tions à la police du roulage, mais on n'a pas renforcé les peines des a:rtides 419 et 420 du Code pénal, qui pa:r l'effet- du concours idéal d'infractions sont souvent les smllles à être appliquées. H en résulte une criante anomalie, puisque le taux maximum de l'amende comminée pour blessures pa,r im-prudence n'est désormais pas plus élevé que

    ., , . . donc sans ·rien faire d'illéga1l, condamner celui qui est prévu pour une. simple.· in-frac-1 d'emblée à une amen.,d_ .e de l.ooo francs. en tion à la police du roulage. A remarquer ajoutant immédiatement «soit 50 fr;ncs d'autre part que le ma.~imum de la peine augmentés des décines .a_dditi0nnels résultanf pm:r· bl~sures. par -impniâence reste -de six - ,~e la loi du 5 mars 1952 ». Psychologique-mo1s d emprisonnement et 500 francs , qiep.~, cette formule porterait certainement d'amende, alors que le maximum de la pei- da\\:!l'ntage. Il suffirait peut-être qu'elle soit ne pour délit de fui~e a été porté à deux ans adoptée. par un tribunal pour qu'elle le soit d'emprisonnement et 5.000 francs d'amende. à la lorigu.(! par tous. -La comparaison de c~s de~x pe~nes . est cho- .. Bien enÙadu, _une modification législative quante. On_ a eu ~~le fois _raison _de ren- serait encore préférable. Elle permettrait d'in-forcer la pe1~e ~u deh~ de. fmte. M

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    . . . , . ur ce pomt aussi on pourra1t renvoyer pru ence e maxnnum de six mois d empn- - l·' · 1 · d · · -·· · · · " . ff" . aux eg1s at1ons es pays v01sms : partout on sonnemeil!t ~ppar~it m~ isant, c~ qm est prononce les amendes à leur chiffre ·r'éd. La en tout cas msuff1sant c est le maxnnum de B· 1 · · 1 · 1 '·''··

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    1. e gique se smgu anse ma encontreusement

    500 rancs amen e pour ce meme e it · · d d 'f" · if ·· .- · f 1 · d'h · "d C ' par un prov1so1re evenu e mit . 1 .ooo rancs pour ce m om1ci e. es taux . ,

    datent du temps des . diligences. Ils sont in- Mais fermons cette pa:enthese, et _revenons-a.daptés aux exigences acorues de la répres- en aux lacunes de la loi du 15 avril 1958. sion. Inadaptés aussi à l'importance actuelle Dans cette loi, qui organise de manière des fortùnes. Inadaptés enfin à_,.;râ:ison de ce très détaillée la déchéance du droit de con-qu'a~jourd'hui, par le jeu dê' sursis et par duire, infli~ée, ~ titre. ;de p~in~, une. chose le fait que les courtes peines

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    droit de conduire n'est pas affectée par la réhabilitation quand elle est prononcée pour incapacité physique, et constitue de ce chef une mesure de sécurité. Or la Cour de cas-sation est fort large dans r appréciation de ce qui constitue une incapacité physique. Dans une espèce soumise à la Cour de Gand, une femme qui avait causé deux accidents mortels en l'espace de quinze jours avait été déchue à vie du droit de conduire, par un jugement où cette mesure avait été motivée par le manque de sang-froid de la prévenue. La Cour d'appel de Gand, saisie d'une de-mande de réhabilitation, a accordé celle-ci, mais a décidé d'office que le manque de sang-froid, ayant sa racine dans l'état phy-sique de la prévenue, constituait une inca-pacité d'ordre physique, et que dès lors la déchéance était une mesure de sécurité non atteinte par fa réhabilitation. La Cour de cassation a admis cette interprétation ( Cass., 14 mars 1955, Pas., 776).

    Les tribunaux qui, dans des cas de ce genre, prononcent une interdiction à titre définitif, feraient bien de relever dans leur jugement que la sécurité publique est mise en danger par la présence chez Je prévenu de dispositions d' or·dre caractériel, liées à l'état physique, le rendant inapte à la con-duite de véhicules automoteurs. Dans le dis-positif il faudrait alors que l'interdiction soit expressément prononcée dans l'intérêt de la sécurité publique, avec référence à l'article 2-8, § Itl", modifié de la loi du i'er août 1899. La Cour d'appd, saisie de la de-mande de réhabilitation, n'aurait alors plus à hésiter : ·d'office elle devait déclarer que la réhabilitation laisse intacte l'interdiction dé-finitive de conduire.

    Enfin, parmi les lacunes de notre. légis-lation, il faut en signaler une qui a trait aux peines nouvellement instaurées par la loi du 15 avril 1958, l'immobilisation temporaire et la confiscation du véhicule.

    Ces .peines, réclamées depuis longtemps par l'opinion publjque, paraissent au premier abord devoir 'être efficaces. Mais leur effi-cacité est diminuée, sinon détruite, du fait que le jugement définitif n'intervient que longtemps après la date du délit.

    Pour que ces mesures fassent tout leur effet, i:l faudrait deux choses.

    Il faudrait d'abord que l'immobilisation temporaire du véhicule puisse être rendue exécutoire sur-le-champ, nonobstant l'appel ou le pourvoi en cassa,tion. S.inon le prévenu exercera tous les recoÙrs à sa disposition, et le véhicule sera devenu ferraille avant d'être immobilisé èffectivement. Si l'immobilisa-tion était exécutoire sur-le-champ, ila confis-cation elle ausisi deviendrait plus efficace, car les tribunaux pourrnient, en même ·temps que la confiscation, ordonner l'immobilisa-tion «jusqu'au jour où la confiscation de-viendra définitive», de manière à éviter l'in-convénient résultant de l'exercice éventuel des recours.

    Mais il faudrait davantage encore. Il fau-drait que dans les cas graves fa mise à la chaîne du véhicule puisse être ordonnée par le parquet sans attendre la fin de la procé-dùre. L'idée que l'avance serait révo1ution-naire si cette mise à la chaîne constituait une sanction; maisi il ne faut y voir qu'une me-sure de sécurité. Ne perdons pas de vue que les accidents du roulage sont devenus une plaie effroyable. Pour la combattre il faut des mesures drastiques. Il ne faut pas crain-dre d'innover et de faire preuve

  • de deux mois d'emprisonnement ou moins .ne seront pas exécutées. Il s'ensuit que toute une catégorie de jugements est d'avance vouée à rester à l'état de simple menace.

    Quoi que les -juges puissent penser de ces instructions, ils se doivent d'y adapter leur jurisprudence. Ainsi, en matière de roulage, plutôt que de prononcer une courte peine d'emprisonnement, .il sera souvent plus effi-cace ·de recourir aux autres peines prévues par la loi et qu'aucune circulaire administra-tive ne déclare par avance lettre morte.

    "' "'"' Quelques brèves réflexions, pour finir,

    au sujet de la politique du ministère de la Justice en matière d'exécution de peines.

    J'ai déjà fait aUusion aux instructions gé-nérales concernant l'exécution, ou plutôt la non-exécution, des courtes peines de prison. Pour être juste, et atténuer ce que ces in-structions ont de choquant au premier abord, il faut préciser deux choses : que le parquet est invi:té à proposer le remplacement de la courte peine de prison par une amende lors-que le prévenu est solvàble, et que dans les cas particulièrement odieux la circulaire elle-même prévoit que l'exécution pourra être proposée exceptionnellement.

    Malgré tout, il est clair que ces instructions affaiblissent gravement la répression. Sont-elles ·néanmoins justifiées ? Je n'oserais pas

    -me prononcer sur la question, qui est com-plexe. Je me permets cependant de signaler que la Belgique semble être en cette matière plus large qu'on ne l'est ailleurs. J'ai vérifié ce qui se pratique en. France, en Hollande et en Italie. Dans ces trois pays - et je suis enclin à croire qu'il en est de même ailleurs - les peines sont exécutées telles que pro-noncées par les tribunaux. C'est d'ailleurs la pratique normale, et je me demande même si ce n'est pas la seule constitutionnelle.

    Le ministre de la Justice ne m'en voudra

    nonobstant déchéance ou sans être assuré, enfin le cas. où le prévenu a été condamné antérieurement à une peine non conditionnelle d'emprisonnement. Ce dernier cas est spécialement à signaler : il en résulte que, bien qu'une peine effective de prison, si elle est «courte», ne soit pas exécutée, elle est néanmoins plus grave, dans ses conséquences ultérieures possibles que la même peine prononcée conditionnellement.

    pas d'autre part de relever que c'est lui. qui, dans le texte qui est devenu la loi du 15 avril 1958, a proposé d'élever le taux maximum de l'emprisonnement, en matière d'infrac-tions à la police de roulage, de huit jours à un mois. Après avoir remplacé lé sabre de ses juges par des sabres de carton~ il les .in-vite ensuite à frapper plus fort. En fait de lo-gique, il y a mieux.

    Une autre question, aussi délicate que celle des courtes peines d'emprisonnement, est celle de l'intrusion de la politique dans le domaine de l'exécution. des peines.

    Bien entendu, cette question, comme la pré-cédente, n'est pas particulière à la matière du roulage. Mais elle se pose en toute matière, du moment qu'il s'agit de savoir - et c'est l'objet de cet article - si notre pays dispose d'un système répressif efficace.

    On entend parfois sur cette question des rumeurs alarmistes. Je crois que ces rumeurst sont fausses, et je tiens à le dire, car le pays n'a rien à gagner à ce que ses institutions soient injustement suspectées.

    Un collègue obligeant a fait pour moi un tableau des exécutions de peines d'emprison-nement prononcées, en matière de roulage, par une des chambres correctionnelles de la Cour d'appel de Gand, de 1957 à 1959. Un autre a fait un travail analogue pour les peines d'emprisonnement prononcées, en toute matière, par un des principaux tribu-naux correctionnels du ressort de Gand au cours de l'année 1959. Ces recherches ne ré-vèlent pas de situation abusive. Il n'y a donc pas lieu de tirer la sonnette d'alarme.

    Qu'on m'entende bien : je ne veux pas dire que certaines réformes ne seraient pas sou-haitables. N'est-ce pas déjà un abus que des avocats porteurs de mandats politiques in-terviennent au ministère de ila Justice en fa-veur de clients condamnés ? Ne faudrait-il pas confier la haute main sur l'exécution des peines à des juges spécialisés ?

    Mais ces questions, auxquelles on pourrait en ajouter bien d'autres, débordent le sujet de notre article. Un jour viendra peut-être, et je l'appelle de tous mes vœux, où, la ré-forme judiciaire ayant été heureusement menée à bien, on pourra les poser et les ré-soudre, dans le cadre d'une autre réforme, celle de nos institutions pénales.

    Etienne V EROUGSTRAETE.

    La procédure devant la Cour de Justice des Communautés européennes

    CHAPITRE V. Les preuves

    et les mesures d'instruction.

    37. - Introduction.

    Dans le droit communautaire que la. Cour de justice est chargée d'appliquer, la preuve n'est pas soumise à des règles de fond parti-culières.

    La preuve est donc libre quant au fond ·et n'est soumise qu'aux règles de forme de la procédure.

    Celles-ci ont un triple but : 1) obliger les parties à n'avancer aucun

    moyen qui ne soit dès l'abord, étayé d'offres: de preuve précises;

    (*) Voir J. T., n° 4307, pp. 89-96.

    .2) permettre tant à la Cour qu'aux parties de recourir jusqu'à la clôture des débats à tous les moyens propres à la manifesta-tion de la vérité;

    3) donner aux mesures d'instruction le ma-ximum d'efficacité en les plaçant sous le contrôle de la Cour et du juge rap-porteur.

    Il s'entend que toute preuve inutile est exclue du 1débat (Garsonnet et Cézar-Bru, t. II, 235). La Cour appréciera souveraine-ment quels faits sont indifférents au procès, quels autres sont de nature à en déterminer la solution (Ibid. et Cass. fr., 24 déc. 1902, D. P., 1909, I, 96).

    La preuve par présomptions est admissible (voy. conclusions de l'avocat général dans l'affaire 10-55, Rec., Vol. II, p. 407. __,. Sur la preuve par présomptions, voy. Cass., 25

    lll

    sept. 1959, J. T., 631 et la note Ch. V. R.). En principe, la preuve d'un fait incombe

    à celui qui l'avance (voy. art. 38, § Ier, c). Cependant les parties ne peu vent se sous-traire au devoir de collaborer dans toute la mesure de leurs moyens à la manifestation de la vérité. Plusieurs textes, au demeurant, donnent un contenu positif à cette obliga-tion (Sur là preuve ·de faits négatifs, voy. Glasson et Tissier, t. II, n° 596).

    Ce devoir des parties de collaborer à la vérité, encore qu'on ne puisse lui reconnaî-tre un ca'factère absolu (Garsonnet et Cézar-Bru, t. Il, 236 à 239; - Aubry et Rau, t. XII, 749), a été heureusement souligné par la doctrine et la jurisprudence les plus récentes (Voy. particulièrement Legeais, Les règles de preuve en droit civil et la remar-quable mercuriale de M. l'avocat général· Stévigny, J. T., 1957, pp. 745 et s., princi-palement n-os 76 et s. ::--- Adde : Dekkers, Rev. crit. jur. b., 1959, p. 148 et les réfé- · rences citées; - Savatier, Les métamorpho-ses éc. et soc. du dr. privé, 2e série, n° 30 ).

    38. - Les preuves écrites.

    Les parties doivent joindre à tout acte de procédure 1les documents. auxquels elles se ré-fèrent dans cet acte (art. 37, § 4) (g).

    Aux, termes du statt;t C.~.C.A., artiole ~~' lorsqu un recours est rorme contre une dec1-sion prise par une des institutions de la Communauté, cette institution est tenue de transmettre à la Cour toutes les pièces rela-tives à l'affaire qui est portée devant elle.

    Il en est ainsi des procès-verbaux relatifs à la décision attaquée (arrêt du 21 déc. 1954, aff. 2-54, Rec., t. rr, p. 79). La Cour peut toutefois autoriser la suppression du nom des orateurs; elle peut aussi renoncer à ordon-ner la communication de ces documents si elle estime que ceux-ci ne sont pas indis pensables pour l'éclairer sur la question liti-gieuse (ibidem).

    La production de tout document peut être réclamée par la Cour durant l'instruction (art. 45, § 2).

    La Cour apprécie librement la valeur pro-bante des documents qui lui sont soumis. Seuls les actes auxquels un caractère authen-tique est reconnu par le droit communautaire s'imposent comme tels à la Cour (sur l'in-scription de faux et la vérification d'écriture, voy. infra, n'O 55).

    39. - La communication des dossiers.

    Il 's'impose que les preuves écrites soient portées à la connaissance de toutes les par-ties au litige.

    Les statuts prévoient la communication aux parties ainsi qu'aux institutions de la Communauté dont les décisions sont en cau-se, des requêtes, mémoires, défenses et ob-servations et éventuellement des répliques, ainsi que de toutes pièces et documents à l'appui ou de leurs copies certifiées confor-mes.

    Il est précisé que les communications sont faites par les soins du greffier dans l'ordre et les délais déterminés par le règlement de procédure (statut C.E.C.A., art. 21; C.E.E., art. 18; C.E.E.A., art. 18).

    Aucun texte ne règle toutefois le mode de communication.

    (9) Il paraît se déduire de l'article 14 des lnitmc-tions au greffier que les annexes aux actes de procé-dure pourraient ne point être déposés en même temps q,tie ces actes (comp. supra, n° 33bis).

    -----~

  • 112

    II est certain que 'les documents ·peuvent être tenus au greffe à la disposition des par-ties qui ont la faculté de venir les y consulter, comme il est prévu pour les rapports d'ex-pertise (art. 53, § 2 ).

    Le greffier peut aussi communiquer par la voie postale, aux parties, les documents ou leurs copies certifiées conformes. S e 1 o n M. Delvaux (La Cour de justice de la CE.-C.A., 1956, p. 52), le greffier se servirait à cette fin des copies des documents jointes par lès parties à leurs actes de procédure. Cepen-dant, il faut le souligner, l'obligation pour les parties d'annexer aux copies de leurs actes des copies de leur dossier, n'est exprimée ni dans les statuts, ni dans le règlement de procédure. Celui-ci impose simplement aux parties de présenter l'original de tout acte de procédure avec deux copies pour la Cour et autant de copies qu'il y a de parties en cause et d'y annexer un dossier contenant les piè-ces et documents invoqués à l'appui, accom-pagné d'un bordereau de ces pièces et docu-ments (art. 37, §§ Ier et 4).

    Comme la responsabilité de la communi-cation des pièces incombe au greffier, c'est à lui qu'il appartiendrait, le cas échéant, de faire établir des copies du dossier, pour les communiquer aux intéressés. Cette solution est ·d'ailleurs consacrée dans les Instructions au greffier (art. 3, § 3), seul le cas de docu-ments très vo!umineux y étant réservé.

    40. - Les offres de preuve. Dès le début de la procédure, les parties

    sont tenues non seulement d'exposer leurs moyens, mais encore de préciser les modes dei preuve auxquels elles estiment qu'il peut être recouru pour vérifier la réalité de leurs allégations. ,,

    Ces offres de preuve sont faites dans la requête, par le demandeur, et par le· défen-deur dans son mémoire en réponse; tous deux peuvent encore faire des offres de preuve respectivement dans la réplique et la dupli-que, à condition de donner les raisons pour lesquelles ces offre·s sont formulées tardive-ment (art. 38, § Ier; art. 42, § 1u).

    41. - L'instruction écrite. Ce que le règlement . appelle l'instruction

    de la cause, n'est en réalité que la deuxième phase - d'ailleurs facultative - de l'in-struction, à savoir celle qui est dirigée par la Cour après la première instruction faite par les parties elles-mêmes, qui déposent leur dossier et leurs mémoires au cours de la procédure écrite ( voy. ·statuts C.E.C.A., art. 21; C.E.E. et C.E.E.A., art. 18. - Supra, n°5 26 et s.).

    42. - Le rapport et la mise à l'instruc· tion.

    Dès le dépôt de la requête, le président de la Cour a attribué l'affaire à une chambre, au sein de laquelle il a désigné le juge rap-porteur (art. 24, § 2).

    A l'issue de la procédure écrite, le juge rapporteur présente son rapport préalable sur la question de savoir si l'affaire a besoin d'être instruite. Ce rapport n'aborde pas le fond.

    La Cour, l'avocat général entendu, décide s'il est nécessaire de procéder à des mesures d'instruction, dont elle peut se charger elle-même ou charger la chambre à laquelle l'affaire est attribuée (art. 44).

    43. - Les mesures d'instruction.

    ~Ues. sont fixées par une ordonnance de la Cour articulant les . faits à prouver, qui est signifiée aux parties par le greffier.

    Elles corn prennent : a) la comparution personnelle des parties; b) la demande de renseignements et la pro-

    duction de documents; c) la preuve par témoins; d) l'expertise; e) la descente .sur les lieux (art. 45).

    Ces différentes mesures peuvent être cumu-lées.

    La Cour, la chambre, ou le juge rappor-teur peuvent· en être chargés (art. 44, § 2; 45, § 3; 46, § Ier). L'avocat général y prend part (art. 45, § 3).

    Ce qui est dit de la Cour, dans l'exécution des mesures d'instruction, s'applique à la chambre lorsqu'elle en est chargée (art. 46, § 2).

    La preuve contraire et l' « ampliation » des offres de preuve restent possibles jusqu'à la clôture de l'instruction (art. 45, § 4). Une partie peut donc, à défaut d'avoir réussi à établir son droit par un des modes de preu-ve, demander à la Cour de recourir à une nouvelle mesure d'instruction. La Cour gar-de, en tout cas, un pouvoir d'appréciation souverain qu'elle exercera dans la recherche des voies efficaces de découverte de la vérité.

    44. - La comparution personnelle des · parties.

    Suivant les statuts. (C.E.C.A., art 28; C.E.E., art. 29; C.E.E.A., art. 30), la Cour peut, au cours des débats, interroger les parties elles-mêmes.

    Cette mesure d'instruction est pareille à celle que le Code de procédure civile de 1806 prévoit en son article II9 : «Si le jugement ordonne la comparution des parties, il dési-gnera le jour de la comparution.». Cet arti-cle, qui fut adopté sans observation par le tribunat (Locré, t. rr, p. 281), n'appelle effectivement qu'un bref commentaire. Ce moyen d'instruction est entièrement aban-donné à l'arbitraire du juge qui peut le re-jeter s'il le juge à propos (Cass. fr., 28 oct. 1895, D. P., 1896, I, 35).

    On a vu dans la comparution personnelle un moyen d'obtenir en justice l'aveu des par-ties (Cuche, Procédure civile et commerciale, n° 461; - comp. Cuche et Vincent, édit. 1960, n·0 535). Il faut y reconnaître, d'une manière plus générale, une voie de procédure tendant à faciliter la compréhension du li-tige gd.ce aux explications verbales que les parties seront requises de donner à 'la Cour.

    Elle n'est soumise à aucune forme parti-culière sauf la tenue d'un procès-verbal qui est de règle lors de toutes les audiences d'instruction (art. 53, § i'er).

    La disposition du règlement de la Cour de justice de la C.E.C.A. aux termes de la-quelle, en cas de refus ·de comparaître, la Cour en prencrit acte et y donnait la suite qu'elle estimait justifiée, n'a pas été rep!.2; duite.

    Lorsqu'une partie est un Etat ou une per-sonne morale de droit public ou de droit privé, la détermination de la .personne appe-lée éventuellement à comparaître, peut pré-senter des difficultés. Il faudra rechercher qHelle est la personne physique qui a le pouvoir légal d'engager la personne morale dans les rapports de celle-ci avec les tiers.

    Un Etat comparaît normalement par l'or-gane à la compétence duquel ressortit l' af-faire en litige sans préjudice des délégations permises selon le droit interne et dont la justification sera au besoin fournie.

    Le collège qui est· responsable de la· ges-tion d'une société devra désigner, dans le

    silence de ses statuts, celui de ses membres apte à comparaître en son nom, s'il n'a été désigné par la Cour elle-même. Rien ne s'oppose à ce que deux ou plusieurs per-sonnes physiques comparaissent pour une œ_ême partie.

    Le règlement confère un caractère contra-dictoire à cette mesure d'instruction. Les parties peuvent y assister (art. 46, § 3).

    Les avocats peuvent-ils aussi y être pré-sents ? En Belgique, aux termes de l'arti-cle II9 du Code de procédure civile, tel qu'il a été modifié par l'arrêté royal du 30 mars 1936, la réponse doit être affirmative. On n'aperçoit pas qu'il y aurait lieu d'appliquer devant la Cour. de justice une règle diff é-rente. Les avocats pourront, le cas échéant, demander à la Cour que des questions soient posées aux parties. Mais le débat sur les faits de la cause n'est point encore ouvert ( comp. Cuche et Vincent, loc. ât., n'0 536; - Van Reepinghen et Reyntens, Form. ann. proc. civ., t. 1er, n° 209; - Papon, Rép. proc. civ. Dalloz, 1955, v" Comparution personnelle).

    45. - La demande de renseignements et la production de documents.

    La matière est réglée directement par les protocoles annexés aux traités C.E.C.A. (art. 24), C.E.E. (art. 21) et C.E.E.A. (art. 22). .

    Il est prévu que la Cour peut demander aux parties de produire tous documents et de fournir toutes informations qu'elle estime désirables. En· cas de refus, elle en prend acte.

    Ainsi considérée, la demande de rensei-gnements apparaît davantage comme un com-plément de l'instruction écrite que comme un mode de preuve proprement dit. La pro-duction de renseignements et documents n'est assujettie à aucune forme particulière (IO) et n'est pas dès lors comparable à la procé-dure d'interrogatoire sur faits et articles du Code de procédure civile belge abrogé en France depuis 1942. Le statut C.E.C.A. pré-voit même que les renseignements peuvent être demandés directement aux agents et représentants des parties.

    Toutefois, comme les autres, cette mesure d'instruction est décidée par une ordonnance de la Cour, signifiée aux parties et articu-lant les faits à prouver (art. 45).

    Plus remarquable est le droit de la Cour de s'adresser directement aux Etats membres et aux institutions qui ne sont pas parties au procès, pour leur réclamer tous rensei-gnements qu'elle estimé nécessaires aux fins du procès (corn p. Demontès, L'action « ad exhibendum ~ en droit moderne, 1922).

    Bien que le règlement soit muet sur ce point, il s'entend que les documents et ren-seignements ainsi obtenus sol).t communi-qués aux parties par la voie du greffe de façon notamment à leur permettre, le cas échéant, de réclamer la preuve contraire qui leur est réservée (Argt., art. 37, § 4).

    46. - La preuve par témoins.

    1) Le règlement de la Cour ne contient aucune disposition limitant son pouvoir d'ordonner une enquête. Celle-ci est seu· lement mentionnée parmi les mesures d'in~ struction (art. 45, § 2, c), et la procédure à laquelle donne lieu son accomplissement est brièvement exposée (art. 47 et 48), On remarquera pourtant qu'il n'est fait allusion

    (10) Il pourrait se. déduire des lnstrz4Ctions au gref· fier (art. 7, § 2) que cette production se fait éven-tuellement en audience publique.

  • qu'à la preuve de certai.'ns faits, ce qui re-joint la lettre de l'article 254 du Code de procédure civile en vigueur en Belgique et en France. Tous faits ne seront pas néces-sairement admissibles. L'ordonnance de I667 voulait que le juge examinât la qualité du fait articulé, et n'en admît la preuve que lorsqu'il serait probant. Ce principe a été

    ·pareillement reconnu au cours des travaux préparatoires du Code de procédure civile de I8o6, bien qu'il n'y soit pas formellement exprimé (Locré, t. rr, p. 469 ). L'article 261 au reste dispose que si les faits sont admis-sibles, et que la loi n'en défende pas la preu-ve, elle pourra être ordonnée.

    Il s'ensuit que, nonobstant son pouvoir d'appréciation souverain, la Cour n'ordon-nera ou n'admettra la preuve testimoniale d'un fait que si celui-ci est concluant ( comp. Cass. fr., I5 mai I922, D. P., I923, I, I91)· Frustra admittitur probandum quod .proba-ium non relevat. La règle remonte au droit romain (Garsonnet et Cézar-Bru, t. II, n~ 235). Le fait doit aussi être précis (arg\ art. 47, § Ier, al. 3).

    2) La procédure de 1' enquête n'est pas présentée dans le règlement de la Cour en des termes et un ordre parfaitement clairs (art. 4') et 47 ).

    L'article 47 dispose tout d'abord que la vérification par témoins de certains ·faits est ordonnée par la Cour soit d'office, soit à la demande des parties, l'avocat général enten-du~ l'ordonnance de la Cour énonce les faits à établir. Apparemment, il s'agit là de l'or-donnance qui est déià prévue à l'article 4'), § r. A ce moment, les témoins ne sont donc point encore nécessairement désignés.

    Il est indiqué ensuite que «les témoins sont cités par la Cour soit d'office, soit à la demande des parties ou de l'avocat général» et aue « la demande d'une partie tendant à l'audition d'un témoin indique avec préci-sion les faits sur lesquels il y a lieu de l'en-tendre et les raisons de nature à justifier son audition».

    On peut en déduire qu'à la suite de l'or-donnance prescrivant 1les enquêtes, au plus tard, il aopartient aux parties ou à l'avocat général ·d'indiquer le nom des personnes sus-ceptibles d'être entendues, les parties ayant l'obligation de préciser les faits sur lesquels le témoin devra être interrogé et les motifs justifiant son audition.

    La Cour, le cas échéant, complétera cette liste ou y suppléera, et prononcera une se-c~nd; ordonnance dans laquelle seront in-diques : - l'identité des témoins cités par la Cour; - les faits sur lesquels ils seront interrogés; - éventuellement, les dispositions prises par

    la Cour pour le remboursement des frais exposés· par les témoins et les peines a p-plicables aux témoins défaillants (art. 47, § 2; .;.___ Sur la provision à verser éventuel-kment par les parties, voy. l'art. 47, § 3).

    La signification de cette ordonnance aux témoins par les soins du greffier, constitue le titre en vertu duquel ils sont tenus de com-paraître. A l'égard des témoins défaillants, la Cour jouit des pouvoirs généralement re-connus en la matière aux cours et tribunaux (statuts C.E.C.A., art. 28; C.E.E., 24; C.E.-KA., 25 ). Elle peut leur infliger une amende dont le maximum est de 2')0 unités de comp-te A.M.E. (2')0 dollars U.S.A.) et ordonner la réassignation du témoin aux frais de celui-ci (art. 48, § 2).

    La même sanction peut être infligée au

    témoin qui, ayant comparu, refuse de dépo-ser ou de prêter serment.

    Le témoin qui n'a pas comparu et a été condamné peut être déchargé de l'amende s'il produit devant la Cour des excuses lé-gitimes (ibidem).

    L'exécution forcée de cette condamnation est soumise aux règles générales qui seront examinées plus loin (infra, chap. X).

    3) Les térrioins sont entendus par la Cour, les parties convoquées.

    A l'issue de la déposition, le président, chacun des juges et l'avocat général, peu-vent, à la demande des parties ou d'office, poser des questions aux témoins (art. 47, § 4).

    Sauf dispense par la Cour, de l'accord des parties, les témoins prêtent serment, après .leur déposition, en disant : «Je jure d'avoir dit la vérité, toute la vérité, rien que la vé-rité», ou en suivant les formes prévues par leur législation nationale (§ 5). Chaque Etat membre regarde toute violation des serments des témoins et des experts comme le délit correspondant commis devant un tribunal statuant en matière civile.

    Sur dénonciation de la Cour, il poursuit les auteurs de ce délit devant la juridiction nationale compétente (statuts C.E.E.,· art. 27 et C.E.E.A., art. 28; comp. statut' C.E.C.A., art. 28). La procédure de dénonciation sera fixée dans un règlement additionnel (art. 109).

    Sous la direction du président, le greffier établit un procès-verbal de chaque déposi-tion. Après lecture, il est signé par le té-moin, le président ou le juge rapporteur et le greffier. Il constitue un acte authentique (art. 47, § 6).

    La récusation d'un témoin peut être for-mulée pour cause d'incapacité, d'indignité, ou pour toute autre cause. Elle peut être re-çue par la Cour pour autant qu'elle soit op-posée dans le délai de quinze jours à compter de la signification de l'ordonnance qui cite ce témoin, par acte contenant les causes de récusation et · 1es offres de preuve (art. 50 ). Ici encore l'appréciation de la Cour sera sou-veraine. Son règlement n'a point fixé les causes d'incapacité ou d'indignité. On se référera donc généralement à la loi nationale du témoin. L'indignité résulte d'une con-damnation pénale, tandis que l'incapacité ré-sulte de la parenté, de l'alliance, de l'age ou de l'insanité d'esprit. Il n'existe point, au demeurant, de causes de reproche au sens et selon les règles où le Code de r8o6 les av~i~ !ixées. Comme le règlem;nt n:a point prec1se les autres causes de recusat10n sus-ceptibles d'être invoquées, la jurisprudence de la Cour aura à les déterminer. On n'aper-çoit oas qu'elles puissent être aisément ac-cueillies (Comp. Glasson et Tissier, t. II, p. 777. - Sur le secret professionnel, voy. ibid. p. 769. - Van Reepinghen, J. T., I959, 3 7, et les références citées). ·

    Le règlement ne limite pas l'audition de témoins aux personnes qui ont « vu ou en-tendu». Le témoignage per relationem n'est donc pas a priori exclu. Les remairques du commentateur du Code de procédure de I 806 gardent, au surplus, toute leur valeur quant à la foi qu'on doit ajouter ou refuser au témoignage selon les circonstances de la déposition (Locr·é, t. rer, p. 455). Il semble qu'il y ait 1là une marge convenable d'appré-ciation (Voy. H. Sol us, «Les réformes de la procédure ·civile française», J. T., I959, p. 452, c).

    113

    Les témoins ont droit ·à Une indemnité pour manque à gagrier, qui leur est payée par la caisse de la Cour après leur interven-tion (art. 5I, § 2).

    47. - Les commissions rogatoires. La Cour peut, sur demande des parties

    ou d'office, délivrer des commissions roga-toires pour l'audition des témoins par les autorités judiciaires de leur domicilt:;,. suivant les modalités d'un règlement complémentaire à intervenir (art. 52 et 109; voy. aussi statut C.E.E., art. 26; statut C.E.E.A., art. 27 ).

    48 . ...:_ L'expertise. L'expertise consiste à charger des per-

    sonnes compétentes de faire, en vue de la solution du procès, des constatations qui exi-gent des connaissances spéciales et de com-muniquer au ·juge le résultat de cet examen (Ouche et Vincent, n'0 54I).

    La Cour peut charger d'une mission d'ex-pertise «toute personne, corps, bureau ou commission de son choix » (statut C.E.CA., art. 24; statut C.E.E., art. 22; statut C.E.E.A., art. 2 3) .. L'expertise est donc pour la Cour, une mesure purement facultative ( Cass. fr., 9 févr. I955, D., 1956, somm. 35). L'avis de l'expert ne la liera point (Proc. civ., art. 323. - Cass. fr., I9 avril I944, D., 1945, I, 56).

    Le choix de l'expert n'est soumis à au-cune condition d'âge, de sexe ou de natio-nalité. L'expert peut cependant être récusé dans les mêmes conditions qu'un témoin (art. 50, §§ i'er et 2 ).

    L'ordonnance de la ·Cour précise limitati-vement la mission de l'expert et fixe un délai pour la présentation de soff rapport. L'expert reçoit copie de l'ordonnance ainsi que de toutes les pièces nécessaires à sa mis-sion (art. 49, § § 1er, 2 et 4 ). Il a droit au remboursement ·de ses frais de déplacement et de :séjour; une avance sur ceux-ci peut lui être faite parla caisse de la Cour (art. 5I, § rer). Quant à ses honoraires, ils lui seront payés après l'accomplissement de sa mission (art. 5 I, § 2). On remarquera l·a distinction ainsi faite .entre les frais à rembourser à l'expert, et ses honoraires (comp. Rép. pr. dr. b., v'0 Expert, expertise, I84 et s. - Civ. Brux., Ier mai I897, Pas., III, I88).

    L'expert est placé .sous le contrôle du juge rapporteur qui doit être tenu au courant du déroulement de sa mission et peut assister aux opérations (art. 49, § 2 ). "

    A la demande de l'expert, des témoins peuvent être entendus par la Cour dans les formes ordinaires de l'enquête. L'expert ne peut donc procéder lui-même à leur audition. Sa mission se· borne à donner un avis sur les points qui lui ont expressément été sou:. mis (art. 49, § 4. - Voy .. Cass. fr., 5 juin I947• D., 406).

    Le rapport de 1' expert ne fait pas l'objet d'un dépôt au greffe, mais d'une présenta-tion à la Cour, à la suite de laquelle l'expert prête le serment suivant : «Je jure d'avoir rempli ma mission en conscience et en toute impartialité». L'expert peut aussi prêter ser-ment selon les formes de sa législation na-tionale. On sait qu'en Belgique, en vertu de l'article 3I7 du Code de procédure, le ser-ment de l'expert est mentionné au-dessus de la signature de son rapport. Il est ·donc uni.,. quement écrit et est conçu en ces termes : «Je jure que j'ai rempli ma mission en hon-neur et conS1Cience avec exactitude et pro-bité».

    Avec l'accord des parties, la Cour peut dis-penser l'expert du serment.

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  • 114

    Après la présentation du rapport, la Cour peut ordonner que l'expert soit entendu, les parties convoquées. Celles-ci peuvent prendre connaissance au greffe du rapport de l'expert et en obtenir copie à , leurs frais ( Comp. Code proc. civ., art. 322).

    Les règles concernant les commissions ro-gatoires sont applicables aux experts comme aux témoins (art. 52 ).

    La résponsabilité de l'expert peut être en-gagée en cas de faute préjudiciable à la partie (Voy. Rép. pr. dr. b., v"' Expert, ex-pertise, 178 et s., ainsi ~que les références citées. - Mazeaud, 46 éd.,· t. rer, 515 et 522. - Papon, Ré.p. pr. civ. Dall., v"' Ex-pertise, 255 et s.). La responsabilité de l'ex-pert judiciaire, contrairement à ce qui a été soutenu (Ré.p. pr. dr. b., « loc. cit. », 178) procède exclusivement des articles 1382 et t~8.3 du Code civil (Lalou, Tr. resp., 4° éd., 76r. - Papon, lac. cit., 2::;5, 257 et s. Civ. Brux., V juill. 1959, J. T., 637).

    49. - La descente sur les lieux. Cette mesure d'instruction ne fait l'objet

    d'aucune disposition particulière. Suivant la règle générale. l'ordonnance qui la prescrit doit être signifiée aux parties ( Comp. Van Reepinghen et Reyntens, t. II, n'° 472. -Léauté, Rép. proc. civ. Dall., v0 Descente sur les lieux, r et s. ).

    Les ·parties peuvent assister aux opérations (art. 46, § .3); elles y seront donc convoquées.

    Il s'impose aussi que, suivant la disposi-tion générale de l'article i:q, le greffier éta-blisse . un orocès-verbal de la descente sur les lieux et des constatations effectuées par la Cour à .cette occasion.

    C'est ici l'occasion de rappeler que, notam-ment pour les nécessités de l'instruction, la Cour et les chambres peuvent, pour une ou plusieurs séances déterminées, choisir un lieu autre que celui où la Cour a son siège (art. 25, § .3 ).

    50. - La cl8ture de l'instruction. Après l'accomplissement des mesures d'in-

    struction, la Cour peut décider d'impartir _ aux parties un délai pour présenter des ob-

    servations écrites. En l'absence ou à l'issue de- ce délai, le

    président fixe la date d'ouverture de la pro-cédure orale (art. ::;4 ), ou plus exactement des débats puisque l'audition des témoins et experts relève déjà de la procédure orale (statuts C.E.C.A., art. 28; C.E.E., 29, et C.E.E.A., ~o ). .

    Si dans le délai, une partie formule une ampliation de ses offres de ses preuves, rien ne s'oppose à ce que sa demande ·puisse être accueillie par la Cour. L'ampliation des of-fres de preuves est en effet réservée en tout état de cause (art. 45, § 4, et 60, t'nfra ). Si le mot « ampliation » est sans doute impro-

    1 pre, on peut lui donner le sens de « déve-loppement » ou de « complément ».

    51. - L'instruction durant la procédure orale.

    Durant le cours des débats, la nécessité de procéder à des compléments d'instruction peut au reste apparaître.

    Aussi le règlement prévoit-il que, à tout moment, la Cour peut ordonner une mesure d'instruction ou prescrire le renouvellement et l'ampliation de tous actes d'instruction dont elle peut confier l'exécution à la cham-bre ou au juge rapporteur (art. 6o ).

    Les juges ·et l'avocat général peuvent, au cours des débats, poser des questions aux agents, conseils ou avocats- des parties (art. 57).

    CHAPITRE VI Des fins de non-recevoir

    et exceptions

    52. - Introduction. Dans le droit commun de la procédure, on

    groupe sous le nom d'incidents, toutes con-testations qui interviennent à l'occasion et dans le cours d'une demande principale pour s'y joindre, en suspendre la marche, en mo-difier la solution bu même l'écarter entière-ment (Papon, Rép. proc. civ. Dall., v0 In-cident, n.., r; - comp. Voc. jur. Capitant, v 0 Incident, p. 283).

    On distingue : I) les fins de non-recevoir et les exceptions; 2) les incidents relatifs à l'administration de

    la preuve; 3) les incidents qui élargissent l'instance.

    Dans le règlement de procédure de la Cour, les incidents de preuve sont réglés au chapitre deuxième du titre II consacré à l'instruction des affaires; les procédures de comparution personnelle, de demandes de renseignements, d'enquête, d'expertise et de descente sur les lieux y sont définies. D'au-tre part, les incidents qui élargissent l'in-stance font l'objet d'un chapitre III du titre troisième (voy. infra n00 56 et s.; - en ce qui concerne les demandes reconventionnel-les, voy. supra n° _30 ). La matière des fins de non-recevoir et exceptions, intitulée « Des incidents de procédure », est réglée au cha-pitre II du même titre.

    On entend généralement par exceptions, en dehors des défenses qui s'attaquent au fond du droit, .et des fins de non-recevoir oui s'at-taquent aux conditions de recevabilité de l'action, les moyens que le défendeur invoque pour se dispenser de discuter la demande au fond, tout au moins en r état de celle-ci : exception déclinatoire de compétence ou de juridiction, exception de nullité et exception dilatoire (voy. Laborde-Lacoste, Exposé mé-thodique de .procédure civile, n05 57-58 et 968). Le Vocabulaire juridique de Capitant définit « au sens large» le vocable exception : tout moyen invoqué par une des parties, principalement le défendeur, pour faire écar-ter une demande judiciaire, sans discuter le principe du droit sur lequel elle repose. « Au sens étroit», l'exception serait un moyen de forme, temporaire ou définitif, invoqué par l'une des parties pour critiquer la procédure ou en suspendre l'effet sans engager le débat sur le, fond. Cette terminologie donne lieu cependant à des imprécisions et à des con-fusions, issues de l'ancien droit, et qui n'ont point été entièrement dissipées (voy. notam-ment R. PoHet, Rép. proc. civ. Dalloz, v0

    Exceptions et fins de non-recevoir, n.., 2; -Adde S. Gerbrandy, « a.p. cit. », Sociaal eco-nomische wetgeving, 1960, p. 99; - comp. Cass., r8 nov. 1958, Pas., I, 292).

    On n'oserait dire que le règlement de pro-cédure de la Cour de justice, qui ne contient aucune définition des vocables dont il use, ait adopté une présentation rigoureuse des distinctions que la doctrine s'est appliquée à reconnaître. Le chapitre deuxième est inti-tulé « Les incidents de procédure »; ·il figure dans le titre III consacré aux « Procédures spéciales)). Le paragraphe r.,r de l'article gr prévoit que la demande de la partie est pré-sentée par acte séparé lorsqu'elle tend à faire statuer .la Cour « sur une exception ou un incident~- L'article 92 fait allusion, d'autre part, aux «fins de non-recevoir d'ordre pu-blic~> et il autorise la Cour à examiner cel-

    les-ci «à tout moment, d'office». Ces règles mêmes, on y reviendra plus loin, reçoivent une application particulière (art. 91, § 4).

    En assimilant l'exception à tout « inci-dent» dans le cadre d'application de l'ar-ticle 91, le règlement de la Cour a fixé seulement les modalités d'instruction de l'ex-ception de l'incident; elle s'est bornée à organiser une procédure particulière précé-dant tout jugement susceptible d'être rendu sans débat sur le fond du droit.

    Cette procédure spéciale pourra indif-féremment s'appliquer aux fins de non-rece-voir, c'est-à-dire aux moyens de procédure ou de fond tendant à faire déclarer la demande non recevable (voy. Beguet, Rev. tr. dr. civ., 1947, 133; - Hébraud, ibid., 1953, 568 et s.) et aux exceptions dans un sens large ou étroit.

    53. - Fins de non-recevoir et exceptions soulevées par les parties.

    Les moyens peuvent être soulevés par les parties dans le cadre ordinaire 'de lâ pro-cédure, conjointement à leur défense au fond.

    On a vu d'autre part qu'une partie peut aussi, par acte séparé, demander que la Cour statue sur une exception ou un incident sans engager le débat au fond .. La demande con-tient l'exposé des moyens de fait et de droit sur lesquels elle est fondée, les conclusions et, en annexe, les pièces invoquées à l'ap-pui (art. 91, § r"r).

    Dès la présentation de l'acte introduisant la demande, le président fixe un délai à l'autre partie pour présenter par écrit ses moyens et conclusions.

    La suite de la procédure est « orale», ce qui implique que les parties soient invitées à s'expliquer à l'audience, à moins que la Cour ne décide de statuer sans débats ( § j).

    Elle ne peut toutefois statuer sans avoir entendu l'avocat général.

    Si la Cour reje~te la demande ou, comme cela lui est loisible, la joint au fond, le pré-sident fixe de nouveaux délais pour la pour-suite de l'instance (art. 91, § 4). Elle devra faire de même si elle admet fa demande et que cette admission n'a pas pour effet de mettre fin à l'instance.

    La procédure sur incident a pour effet, normalement, de suspendre la procédure principale. L'article 69, § 4, de l'ancien règle-ment en disposait ainsi expressément. La même règle s'applique, logiquement, sans autre texte étant entendu que la Cour peut, comme il a été dit plus haut, joindre l'inci-dent au fond.

    54. - Fins de non-recevoir soulevées d'office;

    La Cour peut, à tout moment, examiner d'office les fins de non-recevoir d'ordre pu-blic (art. 92 ). Elle statue suivant la procédure prévue pour l'examen des eJOCeptions soule-vées par les parties au moment où la réponse écrite du défendeur est déposée. Cela signi-fie qu'en principe les parties seront invitées à s'expliquer à l'audience sur la fin de non-recevoir soulevée par la Cour (Argt art. 91, § § 3 et 4). La Cour peut toutefois décide1 sans débats (Argt art. 92, § 3). Il est à penser qu'elle n'usera d'un tel pouvoir que dans l'hypothèse où sa décision n'aura pas pour effet de mettre fin à l'instance. Agir autre-ment serait priver les parties de la possi-bilité de se faire entendre avant l'arrêt et dépouiller la procédure du caractère contra-dictoire que les traités et le règlement -ont incontestablement voulu lui donner.

    Les fins de non-recevoir d'ordre public

  • sont celles qui font obstacle à l'examen de la demande, par application de règles qui tendent non seulement à la sauvegarde des intérêts personnels des parties, mais aussi à la protection de l'intérêt général ou public. Ces règles doivent donc s'appliquer même si elles ne sont pas invoquées par les parties.

    L'ordre public qui est ici en cause, est celui qui est assuré par le droit communau-taire, et il ne peut être confondu .avec l'ordre public interne des Etats membres.

    La Cour décide souverainement du ca-ractère d'ordre public d'une fin de non-recevoir. Elle reconnaîtra notamment ce ca-ractère aux règles qui fixent les limites de sa propre compétence au regard des pouvoirs des autres institutions de la Communauté et des juridictions des Etats membres. (Sur le moyen d'ordre public déduit de la qualité du requérant, voy. l'arrêt du 23 avril 1956, Re-cueil, vol. II, p. 867; - comp. supra, n° 36.)

    55. - Contestation sur l'authenticité d'un document ou d'un acte.

    Il faut rattacher au contentieux des ex-ceptions et incidents qui ne concernent pas le fond, les contestations qui peuvent surgir sur l'authenticité ou la véracité d'un docu-ment produit par une partie à l'appui de ses prétentions.

    Une partie peut avoir intérêt, en effet, non seulement à faire constater par la Cour que tel ou tel document produit est mensonger, dans tel ou tel de ses· éléments (date, signa-ture, mentions) ,mais encore,. à le faire immé-diatement rejeter des débats de telle sorte qu'il ne puisse plus être à la connaissance de la Cour au moment où elle statuera.

    A cette hypothèse se rattache celle, plus grave, où un acte authenti"que serait argué de faux ..

    On a vu que le règlement attribuait la va-leur d'actes authentiques aux procès-verbaux dressés par le greffier (notamment lors de l'audition des témoins), aux inscriptions au registre du greffe, et aux inscriptions faites par le greffier sur les actes de procédure (art. 15). Il est possible que la même valeur soit reconnue à certains actes et procès-ver-baux des organes des communautés, notam-ment à ceux qui sont visés par les articles 92 du traité C.E.C.A., 192 du traité C.E.E. et 164 du traité C.E.E.A.

    Dans le silence du règlement sur ce point, il faut décider que, en attribuant force au-thentique à certains actes, il a été entendu que la vérité de leurs mentions ne pourrait pas être combattue, même. par la preuve con-traire, dans le cours du débat principal, et que celui qui la contesterait devrait deman-der à la Cour de statuer, par un arrêt for-mant titre, sur la véracité de 1' acte et les rectifications à lui apporter le cas échéant. Le cadre de la procédure sur incident, défini par les articles 91 et 92 du règlement, permet de le faire.

    Le règlement de procédure de la Cour de justice de la C.E.C.A. (art. 33, § 7) pré-voyait : « Si l'authenticité d'une pièce ou d'un document est contestée, la Cour statue conformément à l'article 70 du présent règle-ment.». Et l'article 70 disposait que : «A tout moment, chacune des parties peut, sans préjudice des dispositions qui précèdent, de-mander à la Cour, par voie de requête, de statuer sur un point pertinent de fait ou de droit avant la continuation de la procédure. » Ces dispositions n'ont pas été . reproduites dans le. règlement actuel, mais rien ne per-met de croire, ·en l'absence· de toute dispo-

    sition sur ce point, qu'il soit interdit de -les appliquer . encore.

    S'il s'agit d'un acte auquel seul le droit interne confère valeur authentique, rien n'in-terdit à Ja Cour de renvoyer le règlement de l'incident sur son authenticité devant les tri-bunaux nationaux compétents (voy. J. de Richemont, op. cit., n° 125; - comp. sur cette question, F. Dumon et F. Rigaux, « La Cour de justice des Communautés eu-ropéennes et les juridictions des Etats mem-bres», Annales de droit et de science poli-tique, 1959, p. 24, et l'étude sur la Cour de justice de MM. Gori et Sizaert, attachés à la Cour, Recueil pratique du droit des aff ai-res dans les pays du Marché commun, Traité de Rome, ri0 15.825).

    Pour les actes sous seing privé, il n'y a pas de difficulté. En cas de contestation, la Cour ordonnera les vérifications nécessaires, notamment par voie cl' expertise ( voy. à ce sujet 1les conclusions de M. l'avocat général Lagrap.ge dans l'affaire 10-55, Recueil, vol. II, p. 407).

    CHAPITRE VII De l'intervention.

    56. - Admissibilité ·de l'intervention. Le statut de la Cour de justi~e annexé au

    traité instituant la C.E.C.A., reconnaît à toutes les personnes physiques ou morales justifiant d'un intérêt à la solution d'un li-tige soumis à la Cour, le droit d'intervenir à ce litige (art. 34), et aux Etats membres le droit d'intervenir dans les litiges entre Etats membres, dont ils doivent. être avertis par le greffier (art. 41 ).

    Les statuts C.E.E. (art. 37) et C.E.E.A. (art. 38) sont à la fois plus larges et plus restrictifs.

    Ils prévoient en effet que les Etats mem-bres et les institutions de la Communauté peuvent intervenir aux litiges soumis à la Cour, sans avoir à justifier d'un intérêt qui, dans leur chef, est présumé.

    En revanche, les autres personnes, même justifiant d'un intérêt, ne peuvent intervenir dans les litiges entre Etats membres, entre institutions de la Communauté, ou entre Etats membres d'une part et institutions de la Communauté d'autre part. Ils ne peuvent donc intervenir que dans les litiges introduits par des particuliers ou agents de la Com-munauté. L'intérh dont l'existence est re-quise sera, en l'absence de définition, tout avantage matériel ou moral que l'intervenant peut personnellement et légitimement retirer de l'adoption par la Cour d'une des thèses en. présence ( comp. J. de Richemont, op cit., n"' 21.1).

    Il s'agit là, bien entendu, et exclusivement, de l'intervention volontaire, c'est-à-dire de l'acte juridique par lequel une personne étrangère à un litige déclare vouloir y être partie, en d'autres termes être admise à pré-senter ses moyens, conclusions et offres de preuve, et se voir appliquer la décision qui interviendra et qui aura force de chose jugée à son égard (Voy. Crémieu, Rép. proc. civ. Dall., v0 Intervention, 1, 8 à 62). Personne ne peut en effet être appelé dans :une in-stance devant la Cour, si ce n'est en qua-lité de défendeur, suivant les 'Voies · ordi-naires. Il n'y a pas devant la Cour, de pro-cédure en intervention forcée.

    I:-es statuts disposent que les conclusions de l'intervenant ~e peuvent avoir· d'autre objet que le.'soutien des conclusions d'une partie (statut· C.E.E., art. 37; C.E.E.A., art. 38) ou

    115

    leur rejet {statut C.E.C.A., art. 34) . Le règle-ment de procédure fait mention, sans distinc-tion, des conclusions de l'intervenant « ten-dant au soutien ou au _rejet des conclusions d'une des parties au litige »(art. 93, § 2). Il doit donc aligner sa position sur celle d'une des parties en cause sauf lorsqu'il lui est pos-sible de conclure seul au rejet de conclusions qui, sur un point précis, auraient été expres-sément ou tacitement adoptées de part et d'autre (Sur la solution à retenir en présence de la divergence existant entre les statuts, voy. infra n° 92, L'intervention dans la pro-cédure par défaut). Rien ne lui interdit, au surplus, d'appuyer ses conclusions sur des moyens et des offres .de : preuve non encore exprimés (Voy. infra, n° 57. - Sur l'inter-vention dans la procédure' par défaut, voy. infra, n·0 92 ).

    Rappelons que les tiers sont avertis de l'introduction des· litiges devant la Cour par la publication, au Journal officiel des Com-munautés européennes, de l'inscription au greffe des requêtes introductives d'instance avec la mention de leur date, des nom et do-micile des parties, de l'objet du litige et des conclusions du requérant (art. 15, § 6).

    57. - Formes et délai de l'intervention. L'intervention se fait par requête présen-

    tée au greffe. Elle peut être effectuée depuis le dépôt de la requête introductive d'in-stance jusqu'à l'ouverture de la procédure orale exclusivement (art. 93, § 1..r). Mais l'in-tervenant accepte le litige dans l'état où il se trouve lors de son intervention ( § 5 ), ce qui signifie qu'il ne peut réclamer la répé-tition des actes de procédure et d'instruction déjà effectués, ni prétendre qu'ils ne lui se-ront pas opposables.

    S'ensuit-il aussi que l'intervenant ne peut invoquer de moyens que la partie dont il soutient les conclusions est forclose du droit d'invoquer elle-même parce qu'ils sortent du cadre soit de la requête, soit du mémoire en défense ? MM. Gori et Sizaert (Recueil pra-tique du droit des affaires dans les pays du Marché commun, n"'. 15.883) répondent par l'affirmative. Cette opinion nous paraît trop rigoureuse.· L'intervenant, on l'a vu, doit conclure au soutien ou au rejet des conclu-sions d'une des parties en cause. :Mais la liberté du choix de ses moyens ne lui a pas été refusée, à défaut de quoi l'intervention perdrait une grande partie de son utilité. Au surplus, en exigeant qu'il expose par écrit ses moyens à l'appui de ses conclusions, et en donnant a:ux parties au füige principal la . faculté d'y répondre, l'article 93, § c;, reconnaît implicitement à l'intervenant. le droit de proposer, en tout état de cause, ses moyens personnels à l'appui de l'adoption ou du rejet des conclusions des parties ( comp. S. Gerbrandy, op. cit., Sociaal eco-nomische wetgevinrz, Europa, 1960, p. IO~).

    En Belgique, la Cour de cassation a décidé, dans le même sens, que la partie appelée en intervention devient partie au litige et est fondée à faire valoir à l'encontre de la de-mande principale, les droits· lui appartenant (Cass., 3 juin 1954, Pas., 1, 182).

    58. - La requête en intervention. La requête en intervention contient l'indi-

    cation de l'affaire et des parties, les nom et domicile de l'intervenant, les conclusions ten-dant au soutien ou au rejet des conclusions d'une des parties au litige principal, les offres de preuve avec les pièces à l'appüi et l'élec-tion·. de domicile de l'intervenant au' lieu où la Cour a son siège.· Le cas échéant, l'inter-

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  • 116

    venant doit indiquer les raisons justifiant son intérêt à la solution du litige. A ce stade, il n'est pas tenu d'exposer ses moyens.

    L'intervenant doit être représenté par un · agent ou un avocat qui peut seul signer la

    requête (art. 37 ). Pour le surplus, les règles applicables à la requête introductive (art .. ~8 et 39) valent pour la requête en intervention; le greffier, notamment, peut fixer à l'inter-v~nant un délai raisonnable pour la régula-nser.

    59. - Procédure. La requête est signifiée par le greffier aux

    personnes qui sont parties au « litige prin-cipal». Après les avoir mises en mesure de présenter leurs observations écrites ou ora-les, la Cour, l'avocat général entendu, statue par voie d'ordonnance (art. 93, § ~; - voy. à titre d'exemple les ordonnances du 24 nov. I95'), Recueil, vol. II, pp. I47 et I9') )~

    affaires dont l'instruction est simultanément terminée, dans l'ordre de leur inscription au registre des requêtes (art. 55, § 1e').

    Deux dérogations à cet ordre sont pos-sibles : a) Au vu de circonstances particulières, le

    président peut décider de faire juger une affaire par priorité (art. 55, § I"r); on peut supposer dès lors qu'il est permis aux parties de demander par requête, au pré-sident, d'user de ce pouvoir ( comp. J. de Richemont, op. cit., n"' 162). Elles peu-vent en tout cas, dans la procédure écrite, insister sur l'opportunité de donner à la cause une priorité sur les autres.

    h) En cas d'accord des parties, et sur leur demande, le président peut renvoyer l'af-faire, c'est-à-dire la fixer après d'autres qui la suivent dans l'ordre établi comme il vient d'être dit (art. 55, § 2; - comp. règlement C.E.C.A., art. 46, § 3).

    Si une partie s'oppose au renvoi, le prési-dent défère la décision à la Cour.

    Si la Cour admet l'intervention, l'interve-nant recoit communication de tous les actes de pro~édure signifiés antérieurement aux parties (§ 4). 62. - Les débats.

    Le président fixe le, d~lai dans lequ~l l;in- Les débats sont ouverts, dirigés et clôturés teryenant expose ~ar ecnt ses, m.oyens a 1 ap- par le président qui exerce la police de l'au-pm de ~es conc:l1;1sions .et !e delai dans l~quel dience (art. 56 et 59, § 2). Ils sont précédés les parties au litige prmc1pal peuvent repon- par un rapport du juge rapporteur, « qui est dre. . ,. un exposé sommaire de l'affaire et une intrcr . ~ p~rtir de c~ moment, l mte~enant ,par- duction aux débats» (Delvaux, La Cour de

    t1cipe a la ,procedure selon .les n;e~es. regles justice de la C.E.C.A., p. 53; - statut C.E.-et, sou~0 reserve de ce ·~m a ete. ~ht plus C.A., art. 2I, al. 4; C.E.E., I8; C.E.E.A., I8). haut (n. 57), dans les memes conditions que Le règlement n'en fait pas mention. les autres parties. Il est partie à l'instance. ,

    Ainsi, en vertu d'ailleurs de l'article A.2 du Les debats comportent : statut C.E.C.A., si un Etat membre inter- - les plaidoiries des parties par l'organe de vient dans un litige entre Etats membres leur agent, conseil ou avocat (art. c;8); (art. 89 ), l'interprétation donnée par l'arrêt , - ~es questions que le président, chaque s'impose à lui. Il est en effet de principe que Juge et _l'avocat général, peuvent poser l'intervention soumet celui qui use de cette aux parties (art. 57); faculté à l'autorité de la chose jugée (voy~ - la prés~ntation par l'avocat.g~néral de ses notamment Cass. fr. 9 iuin I898 Sir. I902 conclus10ns orales et motivees (art. 59, ' ' ' ' § er) C "l d 0 ' .1' • 1 I, I'H; 22 juill. I902, 'Sir., 1 qo7, I, ~r6. _ I . omme 1 est it a 11 artic e 59, R. Perrot, Rép. proc. civ. Dall., v"' Chose §§ Ier et 2,. l'avocat ,.!?iénéral reçoit la jugée 89 et 9o). parole le dermer, le president prononçant

    ' ensuite la clôture de la procédure orale.

    CHAPITRE vm Les débats.

    60. - Introduction.

    Le greffier établit, de chaque audience, un procès-verbal qui est signé par lui-même et par le président. Il constitue un acte authen-tique (art. 62, § I"'r).

    Il n'est pas prévu qu'à l'issue des débats, les parties déposent un dossier ou une note de plaidoirie. La production de documents paraissait limitativement réglée par les ar-ticles 37, § 4, et 45, § 2, sauf le droit des parties de demander à la Cour d'ordonner que de nouveaux documents soient joints au dossier, ce qu'elle peut faire en tout état de cause (voy. infra, n·0 64), et pourvu que ces documents aient fait avant les derniers

    débats l'objet d'une communication régulière par la voie du greffe. Cependant il appert de l'article 4, § 2 des Instructions au greffier que celui~ci peut être autorisé par le prési-dent de la Cour à accepter des documents non prévus: par le règlement de procédure. Les mêmes Instructions font état des «.pièces déposées par les parties au cours de l'au-dience » (art. 7, § - 2) et des: annexes aux actes de procédure qui ne sont point déposées en même temps que ces actes (art. I4)·

    L'usage ne s'oppose pas au dépôt à l'au-diem:::e de la doctrine et de 1a jurisprudence publiées. En toute hypothèse, la règle de la communication préalable devra être respec-tée (II).

    63. - Publicité des débats.

    L'audience est publique, à moins qu'il n'en soit décidé autrement par la Cour, d'of-fice ou sur demande des parties, pour des motifs graves (statuts C.E.C.A., art. 26; C.E.E., 28; C.E.E.A., 29 ).

    La ·décision de huis dos entraîne défense de publication des débats (art. 56, § 2).

    64. - Mesures d'instruction complémen-taires.

    Comme nous l'avons vu, si au cours des débats, il apparaît à la Cour qu'une mesure d'instruction doit être renouvelée ou complé-tée, ou qu'une mesure nouvelle serait souhai-table, elle peut en prescrire l'accomplissement et donner mission à la chambre ou au juge rapporteur de l'exécuter (art. 60 ).

    65. - Délibération et réouverture des débats.

    Après la clôture des débats, la Cour dé-libère.

    Si elle l'estime nécessaire, la Cour peut ordonner la réouverture de la . procédure orale (art. 6I ). Elle pourra ainsi réentendre les parties, leurs agents et avocats ainsi que les experts, les témoins et l'avocat général.

    Charles V AN REEPINGHEN et Paul ÜRIANNE.

    (A sui"vre.)

    (11) Sur l'objet et la portée d'application de l'obli-gation de communiquer les pièces au cours d'une procédure judiciaire et les effets de cette communi-cation. Voy. L. Crémieux, Traité de la profession d'avocat, 1953, n° 303; Répert. prat. proc. civ. Dal-loz, v° Communication de pièces.

    En ce qui concerne la production d'un rapport de service confidentiel, voy. Cass., 11 mars 1960, J. T .. 1961, 60. La Cour admet que de tels rapports peu-vent, en certains cas, être produits, leur possession par un tiers étant d'ailleurs susceptible d'être licite.

    Sur l'inviolaibilité des lettres confidentielles, voy. Glasson et Tissier, t. II, ni) 607.

    Nonobstant l'importance donnée à l'ex-posé des moyens, défenses et exceptions au cours de la procédure écrite, la cause ne peut être jugée sans que les parties aient eu l'oc-casion d'exposer leurs arguments en un dé-bat oral. La neutralité du juge, on l'a dit, n'est possible que si celui-ci reçoit les expli-cations des deux côtés. Audiatur et altera pars (Cornu et Foyer, p. 369). L'élément oral de la procédure est important et son efficacité a été souvent ni.ise en lumière. Il est une garantie de bonne justice dont, ab initio au moins, aucune partie ne peut être prjvée (Morel, Tr. él. pr. civ., n° 427).

    -~---·~--~~~~~~--~------------,,_--------~~~~-~-~---

    Ce débat a nécessairement lieu devant la Cour elle-même, en audience publique, les chambres n'étant chargées que de l'instruc-tion des affaires qui leur sont dévoluees (art. 24, § I 0 r), sauf dans le ca.s1 des recours formés par un fonctionnaire ou autre agent de la Communauté (art. 95).

    61. - Fixation de la date des débats. Le rôle des audiences est arrêté par le pré-

    sident (statut C.E.C.A., art. 28; C.E.E., 3I; C.E.E.A., .~2 ).

    Les affaires viennent en principe à l'au-dience de la Cour dans l'ordre suivant lequel leur instruttion est terminée, et pour les

    JURISPRUDENCE Cass. (~ ch.), 31 octobre 1960.

    Prés. : M. G1RoUL, prés. Rapp. : M. DE W AERSEGGER, cons. Min. publ.: M. DELANGE, av. gén.

    (Daoust /., pr.) ROULAGE. - DELIT DE FUITE. - Loi

    du 1er août 1899. - Conditions d'application. - Conduite d'un véhicule sur la voie publi-que ou sur une voie ouverte à la circulation publique. - Parking de café. - Ouverlure incertaine à la circulation publique.

    Le délit de fuite prévu par l'article 2, alinéa 2 .de la loi du 1er août 1899, rem-plàcé par l'article 3 de la loi du 15 avril 1958, implique la conduite d'un véhieule sur la voie publique otz sur une voie ou-

    verte à la circulation publique même si son assiette est propriété privée.

    Tous les «parkings de cafés » n'étant pas nécessairement ouverts à la circula-tion publique, certains d'entre eux pou-vant être réservés à: la seule clientèle du café, il s'ensuit que du seul fait que l'en-droit où l'infraction retenue à charge du demandeur aurait été commise était un parking de café, le jugement attaqué n'a pu légalement déduire que cet endroit était ouvert à la circulation publique et soumis aux règles du roulage.

    Vu le jugement attaqué, rendu le 1er avril 1960 1par le tribunal correctionnel de NiveUes, statuant en degré d'appel;

  • Sur le premier moyen pris de la vio-lation des articles 97 de la Constitution, 1"r et 2bis- de 1a loi du tr août 1899 por-tant révision de la législation et des règ[e-ments sur la ipolice du roulage,

    ·en ce que le jugement attaqué a dit le demandeur coupable d'avoir, étant con-ducteur d'un véhicule sur la voie publi-que et sachant que celui-ci venait de cau-ser un accident, pris la fuite pour échap-per aux constatations utiles, afors que la collision ayant eu lieu dans un parking, propriété 1privée, l'infraction n'a pas éM commi'Se sur la voie pubU.que :

    Attendu que J'article 2-2 de la foi du rr août 1899, remplacé par l'article 3 de la loi du 15 avril 1958, est une diS'posi-tion .faisant partie de la législation sur la police de la circufation routière et ten-dant à assurer la sécurité de celle-ci,

    Attendu .que .le délit de fuite prévu par cette disposition implique la conduite sur .la voie .publique ou sur une voie ou-verte à la circulation publique, même si son assiette est ;propriété privée;

    Attendu que, pour déclar·er le deman-deur coupable de ce délit, le jugement attaqué relève «·qu'un parking de café est, comme le café lui-même, un endroit public; ·qu'il s'ensuit ·qu'un t~l parking est ouvert à la circulation .publique et que, partant, les règles du roulage y sont ap-plicables » ;

    ·Attendu qu'il appartient à la Cour de vérifier si les faits constatés rpar le juge du fond peuvent justifüer les conséquen-ces ·que la décision entreprise en déduit en droit;

    Attendu que tous les «parkings d·ë café» ne sont pas nécessairement ouverts à fa· circulation publique, certains d'entre eux rpouvant être réservés à la seule clien-tèle du café;

    Qu'il s'ensuit que, du seul fait ·que ren-d:roit, où l'infraction retenue à charg.e du demandeur aurait été commise, était un « :parkin,g de café», le jugement attaqué n'a ;pu légalement déduire que cet en-droit était ouvert à la circulation publi-que et soumis aux règles du roulage;

    Que le moyen est fondé;

    Par ces motifs :

    LA Coun, Casse le jugement attaqu.é sauf en tant

    qu'il reçoit l'a.pipe! du ministère public.

    Cass. ( }re eh.), 4 février 1960. Prés. : M. SoHIER, prés. Rapp. : M. VALENTIN, cons. Min. publ.: M. R. HAY-OIT DE TERMICOURT; proc.

    gén. Plaid. : MMes FAURÈs et SIMONT.

    (Leclercq c. S. A. Union et Prévoyance)

    ACCIDENTS SUR LE CHEMIN DU TRAVAIL .. - Risque inhérent au trajet. -Faute de la victime sans aucun rapport avec le trajet normal. - Exclusion d'un droit aux indemnités légales. - Condition.

    Si, aux termes de l'article 2, alinéa 2, de l'arrêté-loi du 13 décembre 1945 rela-tif à la réparation des domma.qes résul-tant des accidents survenus sur le chemin du travail, la faute qui n'a aucun rapport avec le trajet normal du travail n'est pas comprise dans le risque inhérent à ce trajet, encore fa ut-il que la faute de la victime qui exclut l'allocation des indem~ nités légales, soit une faute qui a causé Y accident.

    Vu le jugement attaqué, rendu le 26 juin 1958 par le tribunal de première in-stance de Nivelles, statuant en degré d'ap-

    - pel; Sur le moyen pris de la .violation des

    - articles 1er et 2 de I'arrêté;.loi dü 13 dé-

    cembre 1945 relatif à la réparation des dommages résultant des ac'Cidents surve-nus sur le chemin du travail, 1er, 2, 3, 9 des lois sur la réparation des dommages résultant des accidents du travail coor-données par arrêté .royal du 28 septem-bre 1931 (lesdits articles 2 et 3 précités, tels qu'ils ont été modifiés et complétés respectivement par les lois des 10 juillet 1951, a.rticle ter, et 17 juillet 1957, arti-cles 1er et 2) ainsi que 97 de la Consti-tution,

    1. - en ce que le jugement attaqué a décidé à tort ,que l'accident litigieux, bien que survenu sur le chemin normal du travail, ne tombait pas sous l'appli-cation de l'arrêté-loi précité du 13 dé-cembre 1945 et a, en conséquence, refus·é au demandeur qui en avait été la victime, le bénéfice de la législation sur la répa-ration des dommages résultant' des acci-dents du travail; en ce que, pour en déci-der ainsi, le jugement se fonde essentiel-lement, d'une :part, sur le fait ·que le de-mandeur, interrogé par 1es gendarmes verbalisants, ·aeux heures après l'acci-dent, a déclaré : «Quand j'ai ·quitté l'usi-ne, j'étais saoul, je trébuchais, j'avais mal à la tête, .i'étais mal», et n'avait pas été à même d'indiquer de manière p:r;é-cise les conditions dans lesquelles l'acci-dent s'était produit, et, d'autre part, sur les énonciations du certificat d'un méde-cin qui, ayant examiné le demandeur peu après l'accident, l'avait trouvé «sous l'effet hypnotique de la boisson», consta-tations et déclarations d_ont il .résulte, suivant le tribunal, ·que le demandeur « ne fait pas la preuve que l'accident est dû à un risque inhérent au trajet normal du travail».

    alors que, en matière de réparation des dommages résultant des accidents survenus sur le chemin du travail, la faute éventuelle de la victime n'exclut l'application à son profit des indemnités J.égales que dans le ·cas où elle doit être considérée comme sans rapiport aucun avec le trajet normal que le travailleur doit suivre pour se rendre à son travail ou pour en revenir; que dès lors, la cir-constance que la victime s'était, au mo-ment de l'accident, trouvée dans une cer-taine mesure sous l'influence de la bois-son, ne peut être considérée à cet égard comme une faute, sans raprport avec la nécessité .pour la victime de se déplacer, que dans I'hy;pothèse où H ·est 1établi que ledit état d'ébriété a eu ipour conséquence d'aggraver dans une mesure quekonque, le risque inhérent au trajet normal,

    en ce ·que le jugement attaqué, en se bornant à constater que -le demandeur se trouvait, lors des faits, dans un certain état d'ébriété, sans indiquer si, et dans quelle mesure, ledit état a contribué à causer l'accident Iiti~ieux est dès lors insuffisamment motivé et ne permet pas de vérifier s'il a été fait en la cause une exacte application des règles rrappelées ci~dessus;

    II. - en ·ce que, tout au moins, dans la mesure où, se fondant sur le prétendu état d'ébriété dans lequel se serait trouvé le demandeur au moment de l'accident, il estime que le demandeur ne fait .point la preuve que l'accident litigieux est dû à un ris·que inhérent au trajet normal, le jugement attaqué omet de rencontrer de manière adéquate les conclusions par Iesqueiles le demandeur faisait valoir 1) ·que I'acddent était exdusivement im-putable à la brusque survenanèe du véhi-cule conduit par un sieur Rigo et qui, débouchant soudain d'un chemin privé, avait constitué pour lui un obstacle im-prévisible, et 2) qu'en toute hypothèse, « la circonstance que la -vfotime se trou-

    : vaît dans une certaine mesure sous l'in-fluence de Ja··boisson n'est pas une faute

    _117

    sans rapport avec la néces·sité de se dé-placer, alors qu'il n'est pas établi que la victime se trouvait dans un état d'inca-pacité totale» dû à l'ivresse :

    Attendu que le juge du fond, après avoir constaté ·que l'accident dont fut victime le demandeur était survenu sur

    'le chemin du travail, au ·sens de l'arrêté-loi du 13 décembre 1945, a décidé que le demandeur ne prouvait pas ,que l'acci-dent fût dû à un risque inhérent à ce

    1 traj.et et qu'en conséquence sa demande en paiement des indemnités légales était sans fondement;

    Qu'il a justifié cette .décision par la seule raison qu'il est .établi que le de-mandeur, au moment de l'accident, était soit en ·état d'ivresse, soit sous l'effet hypnotique de la bois.son~

    Attendu, sans doute, qu'aux termes de l'article 2, alinéa 2, de l'arrêté-loi pré-cité, la faute qui n'a aucun rapport avec le trajet normal du travail n'est pas com-prise dans le risque inhérent 1à ce trajet, mais que la faute de la victime qui exclut l'allocation des indemnités légales est une faute ·qui a causé l'accident;

    Attendu que, dans ses conclusions, le demandeur soutenait que, eût-il été en état d'ivresse, cet état était sans relation de cause à ·effet avec l'accident, celui-ci étant dû à l'obstacle imprévisible que constitua la survenance, dans la nuit noire, de l'automobile d'un tiers débou-chant d'un ipassage privé;

    Attendu qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions et de rechercher s'il existait une ·relation de cause à effet en-tre la faute ·commise par le demandeur et l'accident, le jugement a violé les dis-positions légales indiquées au moyen;

    Par ces motifs : LA CouR,

    Casse le jugement attaqué ...

    Bruxelles (8° ch.), 18 novembre 1960.

    Siég.: MM. vVINCKELMANS, prés.; VAN HAL et HoL-VOET, cons.

    Min. publ.: M. DYcKMANs, av. gén. Plaid. : MMes R. JAcOBS (du barreau d'Anvers) et

    L. V AN DJEREN. (Penon et S.p.r.l. Electromet c. S.p.r.l. Ets Lappei-e et

    A. Lappere)

    CONCURRENCE ILLICITE. - Action en cessation. - Concession d'exclusivité. -Offre de réparations d'un produit concédé. - Ancien employé. - Devoirs profession-nels. - Acte contraire aux usages honnêtes en matière commerciale.

    Commet zm acte de concurrence illi-cite, le commerçant qui annonce qu'il répare des appareils de marque alors que

    · la marque a été régulièrement déposée, que le représentant exclusif de cette mar-que l'a averti d'avoir à retirer tous placards où apparaît la dénomination querellée et qu'à raison de l'exclusivité_, le commerçant qui fait cette réclame n'est pas en mesure de se procurer les pièces de rechange originale.

    L'arrêt de la Cour dé cassation du 17 juin 1960 en matière d'exclusivité, fondé sur l'article 1165 du Code civil ne fait pas obstacle à la condamnation d'un commerçant qui. en sa qualité d'ancien employé d'un concessionnaire, a manqué à ses devoirs professionnels.

    (Traduction) Attendu que l'action originaire intro-

    duite par les intimés tendait par appli-cation de l'arrêté royal du 25 décembre 1934, à entendre déclarer que les agisse-ments_ des appelants étaient contraires aux usages honnêtes en matière commer-ciale et en conséquence à entendre or-

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    donner à ceux-ci de s'abstenir désor-mais de vendre, offrir en vente, réparer et échanger tous appareils de marque « Maico » et « Wilco »;

    Attendu que les ap;J?elants soutiennent en vain que les intimes n'établissent pas qu'Adrien Lappere et ensuite son succes-seur, la S.P.R.L. Ets Lappere soient les concessionnaires exclusifs des appareils auditifs prémen tionnés;

    Attendu cependant que le 26 février 19'56 le sieur Mertens, représentant géné-ral pour l'Europe des usines « Maïco » à Minnéapolis, a invité, par lettre recom-mandée, la S.P.R.L. « Electromet » à re-tirer de son magasin tous les panneaux publicitaires ou autres placards où ap-paraît le nom de « Maïco »;

    Que le 29 juin 1956, la société « The Maico Company» confirmait à Lap.pere qu'il était son distributeur exclusif en Belgique et dans le Grand-Duché de Luxembourg et que Penon a eu connais-sance de cet écrit;

    Que le 18 juillet 1956, l'huissier Vyt signifia à la S.P .R.L. Electromet que Lap-pere avait obtenu l'exclusivité de vente pour la Belgique et le Grand-Duché des appareils Maico et lui notifia défense de vendre, d'offrir en vente ou de faire mention

  • sous· prétexte , d'interprétation d'ajouter au texte ou d'y introduire une distinc-tion;

    Que par ailleurs il n'est rpàs contesté que postérieurement à la vente du fonds de ·commerce, le prpipdétaire de l'im-meuble a consenti un bail à l'acquéreur; qu'·ainsi un élément es>Sentiel du fonds de comme.rce a été fransf éré à l'aippelant; que, de C·e bail à durée ind1éterminée lui a1ccordé il ne découle toutefois pas un droit 1aœ renouvellement automatique et sans. restriction;

    Qu'à juste titre la décision entreprise relève que le droit au bail était un droit relatif soumis aux rprescrirptions légales sur les baux à lover et les baux commer-ciaux ·et dont la relativité, ·admise en l'espèce par les parties dès l'origine, condiitionnait la cession de fonds de commerce eUe-même;

    Attendu ·qu'à cet égard et ·surabondam-ment on doit .considérer 1qu'en cas de cession de fonds de commerce, un élé-ment primordial· est la cession de clien-tèle; qu'il est d'e jurisprudence et de doctrine ·que la défense encourue rpar le cédant d'·exercer un commerce semblable à ·celui auquel ,Ja clientèle cédée se rap-porte, n'est ·que tempoPaire et cesse dès qu'un délai suffisant s'.est écoulé pour que le concessionnaire se soit définiti-v·ement attaché la ·clientèle (Gand, 21 janv. 1950, Crit. droit belge, 1950, p. 273; - Frédéricq, Droit commercial, t. Il, n° 37; - Van Ryn, Principes de droit commercial, t. I, n:0 260) ;

    Qu'ainsi en cas de v.ente de fonds de commerce comprenant une clientèle, le droi:t corrélatif à .l'obligation de ne pas faire concurrence s'éteint s·ans l'accom-plissement d'aucun acte rpositi.f;

    Attendu que la protection d'un fonds de commerce cédé, comme en l'esrpèce, ne saurait - à défaut de tex:te - être 1protégé.e davantage lorsque ,Je rprorprié-taire de l'immeuble désire reprendre celui-ci pour l'occuper, les droits du pre-neur ·et cessionnaire se limifant à la pro-tection lui accordée par la législation sur les baux à loyer et commerciaux;

    Attendu que l'ap1pelant a occupé l'im-meuble dont le fonds de commerce lui a été cédé, pendant douz·e ·années, temps suffisant iJ)OUr s'attacher la clientèle;

    Attendu que nonobstant les termes tant de l'intitulé de la s·ection II bis que ·des artides 13, 14, 15, '16 - 11 et 25 ide la loi sur les baux ·commerciaux, le preneur n'a pas un « droit au .renouvellement '> mais sernlement dans certains cas un droit éventuel à une indemnité (Cass;, 3 janv. 1958, Pas., I, 456);

    Qu'en effet dans le système de la loi, le bailleur 'peut tou.f ours se refuser au renouvellement et user de son droit de

    reprise du bien loué, quitte à 1payer au preneur une indemnité d'éviiction dans les cas déterminés et suivant les moda-lités :prévues par la loi (ibidem);

    Qu'il ressort de la combinaison des articles 25 et 16, Jer, 1° .et 2, que le légis-lateur a exclu le droit à indemnité du locataire évincé Jorsque le baineur a entendu mettre fin ·au bail· eri vue d'oc-cuper p.ersonnellement ou de, faire occu-per par ·ses proches le bien loué, soit s·ans affectation commerciale soit en vue de I'ex1ploita.Uon d'un commerce non si-milaire à celui ·que le locataire évincé exploitait, ce, à la condition 1que l'occu-pation soit effective;

    Attendu que pour le s1mplus le congé étant signifié pour le premier février 1961, il n'est pas à l'heure actuelle acquis que l'oocu'P'ation de l'immeuble ne sera pas conforme au motif invoqué par le baiHeur en justification d·e son refus de renouveHement, motif ·qui, de l'aveu de l'ap1pelant, ne donne. dès ores lieu à au-cune indemnisation dans le 1cadr.e de la législation sur les baux 'Commerciaux;

    Attendu que de ces consid?érations U appert 1que Ja demande d'eXIJ)ertise solli-citée 1par l'apip·efan1 n'est .point justifiée;

    Par ces motifs : LA CouR,

    Vu l'article 24 de la loi du 15 juin 1935; Ouï M. Delrèe, substitut du procureur

    général, en son avis conforme donné en audience pub:Hqu·e et en langue française;

    Donne acte aux parties Marie Simonis et M. Van Can, épouse Joseph Deckers et .pour autant ·que de- besoin à celui-ci même, d 1è ce qu'elles d·éclarent reprendre l'instance .en tant qu'héritiers d'u sieur Lambert Van Can, actuellement décédé;

    Ce fait, reçoit les appels

  • 120

    l' Abako, tous les partis congolais ~vaient, en 1960, à peine lin ou deux ans d'existence.

    Selon M. Van Bilsen, jusqu'en septembre 1959, il y avait encore moyen de négocier, mais après cette date, l'indépendance devait être accordée.

    Aussi, il conclut que l'indépendance n'avait pas été donnée trop tôt, mais p~éparée trop tard.

    Pourtant, il y aurait eu moyen, poursuivit l'orateur, d'internationaliser nos responsabi-lités et de continuer notre gestion sous le contrôle de l'O.N.U.

    Le Congo aurait accédé à l'indépendance sous ce régime intermédiaire.

    Mais cette idée n'a pas reçu de la Belgi-que et de son gouvernement um accueil plus attentif que celui du fameux plan de trente ans que l'orateur émit en 1955.

    M. Van Bilsen expliqua ·ce refus parce que la Belgique voulait sauvegarder tous ses in-térêts dans un Etat dont la structure politi-que indépendante ·aurait simplement revêtu, sans les chainger, les cadres coloniaux belges.

    Sans doute était-ce là une politique cohé-rente mais pleine d'illusions et dont l'effon-drement date du succès électoral du parti de M. Lumumba.

    Le gouvernement belge ne s'est pourtant ,lamais départi de cette politique, ainsi qu'en témoignent l'intervention belge. en juillet der-nier, l'aide au Katanga et l'aide actuelle au général Mobutu et au président Kasavubu.

    Une étude des élections congolaises et des leçons qu'il faut en tirer, notamment sur le plan de la représentation réi:;ionale des élus, conduit l'orateur à dégager les trois régions clés dont il faut unir l'action dans toute poli-tique •congolaise : l"' la région du Bas-Congo, que dirigent

    l' Abako èt le président Kasavubu, repré-sente .par la présence du fleuve Congo, une position clé dont on· ne peut se passer;

    2° le parti de cadres du président Tshombé est à la tête du Katanga et de ses richesses dont le Congo a besoin;

    3'0 la contrée de Stanleyville est dominée par le mouvement national de Patrice Lu-mumba. Riche en facteur humain, son in-fluence est essentielle sur l'échiquier con-golais.

    M. Van Bilsen considère qu'il n'est pas possible que le Congo .vive sans que ces trois régions, qui représentent trois tendances, ne parviennent à conclure un ·compromis.

    Or, le compromis a été mis ou iremis en question par le détachement du K