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26 PC EXPERT NOVEMBRE 2008 DOSSIER // PROTOCOLE INTERNET Dossier réalisé par Philippe Roure IPv6 prépare l’Inter S.TIMASHOV - M. CHAPELAT / FOTOLIA -PHOTOMONTAGE CV IPv6 prépare l’Inter Document :0026_PCE194_V1.ps;Format :(209.90 x 285.04 mm);Date :13. Jan 2009 - 16:52:00

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DOSSIER / / PROTOCOLE INTERNET

Dossierréalisé par

Philippe Roure

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L’essor d’Internet va-t-il se ralen-tir dans les années à venir ? Laquestion peut paraître absurdesi l’on admet que la diversifica-tion des usages du réseau mon-

dial en voix, téléphonie et télévision et l’ex-tension de son accès au cinquième de lapopulation mondiale sont survenues enquelques années seulement, à l’aide de latechnologie actuelle. Mais le débat existe :IPv4 (Internet Protocol version 4), le pro-tocole de communication qui assurel’acheminement de paquets de donnéesentre la quasi-totalité des PC, ne permettraplus à Internet de changer d’échelle pourtoucher cette fois la majorité des humainsou créer de nouveaux services. Pour évi-ter l’asphyxie, il serait urgent de passer àIPv6, développé à partir de 1992-1993 poursuccéder à l’actuelle version du protocole,avec l’idée qu’Internet s’étendra un jour àplusieurs milliards d’objets communicants.

L’alerte a été lancée par Geoff Huston,un chercheur australien impliqué dans lagouvernance d’Internet et dont la paroleest très écoutée dans ce milieu. Jusqu’alors,il situait l’épuisement des adresses v4 nonencore distribuées par l’Iana (organismegérant leur attribution au plus haut niveau)et les RIR (registres agissant au niveau desgrandes régions du monde) vers 2037. Uneévaluation fondée sur des hypothèses erro-nées selon les partisans d’un passage rapideà IPv6 mais dont les opérateurs avaient puprendre prétexte pour ne pas hâter la tran-sition. En mai, sur son site (www.potaroo.net/tools/ipv4), il livrait des projections

d’épuisement des stocks Iana et RIR pournovembre 2010 et novembre 2011, à sup-poser qu’il n’y ait pas de changement dansles politiques de distribution d’adressesd’ici là. À cette nouvelle, reprise en bouclesur les forums spécialisés, s’est ajouté unrapport de l’OCDE qui montre, avec desarguments économiques, que la migrationvers IPv6 est la seule solution à long termepour faire fonctionner Internet. Enfin, aucours de l’été, des responsables politiqueseuropéens en ont rajouté une couche surla nécessité de s’y mettre vite sous peinede nuire au développement économique.

Notre enquête montre que beaucoupd’opérateurs et de fournisseurs d’accèsfrançais ont mesuré leurs investissements.Aujourd’hui, ils sont en retard sur un payscomme le Japon en termes de services. Deplus, dans beaucoup d’écoles d’informa-tique, IPv6 est mal enseigné. Pourtant, dansle monde de la recherche, les applicationssont presque prêtes. Nous sommes allés lesvoir de près. L’Internet v6 sera peuplé parnombre d’objets autonomes et mobiles.Que fera la société de ces innovations ?

« IPv6, ce n’est pas l’Internet du futur »,affirme Thierry Ernst, chercheur à l’Inria.En fait, c’est l’Internet d’aujourd’hui, avecles fournisseurs d’accès Free ou Nerim.Nous nous sommes facilement connectésavec une Freebox à quelques-uns des ser-vices v6 existants. L’intérêt réside pourl’instant dans l’apprentissage des particu-larités de ce protocole, des réflexes à acqué-rir, notamment concernant la sécurité.

Le protocole de communication IPv4 est à bout de souffle etne devrait plus, à court terme maintenant, assurer la continuitédu développement d’Internet. Le futur immédiat, c’est IPv6.Les équipements sont prêts, les services se mettent en place.

SOMMAIRE● L’ÉTAT DES LIEUX

p. 28

● IPV6 EN PRATIQUE,C’EST MAINTENANTp. 30

● LARA, LA VOITUREROBOT IPV6 p. 34

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La mutation IPv6 a déjà bien commencé dans le cœur des réseauxd’opérateurs mais trop rarement encore dans les services accessiblesaux usagers d’Internet. Le temps presse pourtantcar IPv4 arrive maintenant en bout de course.

IPv6 L’état des lieux

Depuis 1981, IPv4 mène ladanse. Ce protocole a per-mis l’évolution des usagesd’Internet que l’on connaîtet l’explosion des possibili-

tés d’accès. Pourquoi parle-t-on alors depénurie d’adresses ? Une adresse IPv4 estun nombre codé sur 32 bits, ce qui enlimite le nombre maximal théorique à4.294.967.296. On obtient le nombred’adresses publiques attribuables à deshôtes (machines du réseau) en enlevantquelques millions d’adresses réservées auxusages privés, spéciaux ou expérimentaux.Ces adresses publiques sont indispensablesaux machines devant être jointes depuisn’importe quel point d’Internet, princi-palement des serveurs. Elles ne peuventêtre attribuées qu’une fois, d’où la néces-sité d’en tenir le registre. Sur quatre mil-liards d’adresses, il n’en reste qu’un (mil-liard) non encore alloué. Et cela justifieune politique de distribution plus restric-tive, expose le directeur technique de Nerim,Raphaël Bouaziz. « Dans les années 80, lesadresses IP ont été distribuées sans mesureet, longtemps, on n’a pas regardé l’usage quien était fait. Il y a dix ans, les LIR (registresInternet locaux fournissant des adresses àdes tiers) obtenaient des adresses /19 (préfixede 19 bits pour un bloc de 8 192 adresses).Aujourd’hui, on distribue par petits blocspour mieux coller aux besoins. Les LIR ob-tiennent plutôt des /22 (blocs de 1 024), lesgrands utilisateurs en bout de chaîne, desblocs plus petits encore. Le temps est loin oùune université pouvait obtenir un /16. Si lapénurie s’aggrave, les registres pourront

mesurer l’utilisation publique des adressesdéjà allouées à une organisation avant delui en accorder d’autres. D’après Geoff Hus-ton (bgp.potaroo.net), seulement 44 % del’espace d’adressage estannoncé.» En fait, les pre-mières craintes de pénu-rie et la planification demesures palliatives datentdu début des années 90,rappelle Mohsen Souissi,responsable recherche etdéveloppement à l’Afnic.« À cette époque, les pré-fixes IP de classe A étaientpresque épuisés, ceux declasse B très largemententamés, et l’attributiondes adresses de classe Cavait commencé. On s’in-quiétait déjà de la diminution du stockd’adresses, et l’on redoutait aussi l’explosionde la taille des tables de routage, en raisondu très grand nombre des réseaux de classe Cqui risquaient d’être utilisés sans aucuneagrégation. Deux techniques ont été misesau point pour s’attaquer à ces problèmes. LeCIDR (Classless Inter-Domain Routing, rou-tage inter-domaine sans classe), qui remplaceles classes par un adressage agrégé géré parles registres Internet régionaux (RIR) et lo-caux (LIR, typiquement les fournisseursd’accès), permet une meilleure attributiondes blocs d’adresses (préfixes). Le NAT auto-rise quant à lui l’emploi de mêmes plagesd’adresses (dites RFC 1918) au sein de dif-férents réseaux privés. En ouvrant ces espacesd’adresses privées, le NAT a permis l’exten-

sion rapide d’Internet dans les années 90, maisil a aussi cassé un de ses principes fonda-teurs, le bout-en-bout, la possibilité de joindreun hôte directement depuis n’importe quelpoint du réseau, ce qui pose des problèmescroissants aux développeurs d’applications. »IPv6 devrait éloigner le spectre de la pénu-rie et, à terme, réduire le recours au NATcar il apporte un nombre gigantesqued’adresses valables d’un bout à l’autre duréseau global (2128 adresses en théorie).

Y a-t-il vraiment urgence?

Les appréciations sur l’urgence de passerà IPv6 sont nuancées. « En 2011, il y auraencore des adresses IPv4 disponibles parceque leur distribution a été rationalisée et

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IPv6, théorieet pratique

Le livre sur IPv6 réalisé parle collectif de chercheurset de professionnels“Gisèle Cizault” et éditépar O’Reilly estdisponible sur Internet(http://livre.g6.asso.fr).Le but est d’en faireévoluer le texte pourqu’il soit à jouren permanence.

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restera bien contrôlée. Mais il est temps depenser IPv6 comme le protocole Internet pardéfaut étant donné le temps nécessaire à samise en place. C’est un travail qui ne se faitpas en un an. Il n’y a pas urgence aujour-d’hui mais il est temps de s’y mettre», estimeRaphaël Bouaziz, dont l’entreprise, Nerim,propose déjà héberge-ment et connexionsIPv6. Blaise Thauvin,son homologue chezl’hébergeur Amen, estplus pessimiste. « Il esturgent de savoir faire del’IPv6, parce que lesadresses v4 sont déjàrationnées et que lesbesoins vont augmen-ter dans les années àvenir avec l’utilisationcroissante d’IP par lestéléphones et les voi-tures. Aujourd’hui, le

trafic IPv6 est très faible, et il n’est indis-pensable à personne. Mais il faut être prêtpour le moment où cela décollera. ChezAmen, nous allons former les administra-teurs réseau, notamment aux aspects desécurité d’IPv6, et adapter notre réseau pourfournir des services en v6. »

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Il est urgent de savoir fairede l’IPv6, parce que les adresses v4 sontdéjà rationnées et que les besoins vontaugmenter avec l’utilisation croissante d’IPpar les téléphones et les voitures.Blaise Thauvin, directeur technique d’Amen

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Les investissementspour apporter IPv6jusqu’à l’utilisateur sousforme de services ontété longtemps retardés.Maintenant, le tempscommence à manquer.

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d’un mar-ché parallèlealimenté par lesorganisations possé-dant les anciennes classesA ou B. Un recyclage anar-chique n’irait pas sans présen-ter quelques risques, parmi lesquelsl’inflation des tables de routage, les pro-blèmes techniques et juridiques de chan-gement de numérotation des réseaux, laspéculation, etc.

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Si l’on admet qu’il existe un certainnombre d’incertitudes sur la date exactede la fin des adresses IPv4, le problèmen’est pas pour autant évacué. Une fois lestock épuisé, l’entrée de nouveaux acteursou le développement de l’Internet publicne seront possibles qu’en IPv6, à moinsque l’on trouve un moyen de recycler lesadresses v4 non annoncées en limitant leseffets de bords. Dans le rapport de l’OCDEsont évoquées quelques hypothèses à cesujet. L’une d’entre elles évoque l’émergence

La plupart desrouteurs bon marché– des petits serveursNas – ne comprennentpas IPv6. Les boîtiersdes fournisseurs (iciune Freebox) peuventêtre mis à jour àdistance avec unsystème compatible.

IPV6 EN PRATIQUE, C’EST MAINTENANT !.

Nerim et Free proposent desconnexions IPv6 jusqu’à l’abonné.Avec Nerim, il faut utiliser un routeurcompatible ; avec Free, la Freebox jouele rôle d’un routeur IPv6. Il suffit d’activerl’option dans l’interface d’administrationWeb. La Freebox est, par défaut, un ponten IPv4 et un routeur en IPv6. Il est plussimple d’avoir le même type de réseaudans les deux protocoles et de configurerla Freebox comme un routeur NAT IPv4.On pourra ainsi placer un commutateurderrière la Freebox pour y connecterles diverses machines. Chaque abonnébénéficie non pas d’une adresse IPv6mais d’un préfixe, un début d’adresse fixed’une longueur de 60 bits chez Free, de48 bits chez Nerim. Les appareils situésderrière le routeur disposent des bitsrestants pour former leur adresse IP. PourFree, on peut créer quatre sous-réseauxde 64 bits (un seul actuellement, quatre

lorsque l’interface d’administration dela Freebox sera mise à jour). Chez Nerim,on dispose de 65 536 sous-réseaux de64 bits, un préfixe qui conviendra à unebelle organisation. Un sous-réseau de64 bits (on parle d’un /64) contient plusde 18 milliards de milliards d’adressesmais ne peut être subdivisé en plus petitssous-réseaux. Les stations et le routeurdoivent être sur le même lien – sansrouteur intermédiaire – pour bienfonctionner. Lorsque l’on branche sur ceréseau un ordinateur avec un OS prêtpour IPv6, il acquiert d’abord une adressevalable sur le lien (Link-local), qui lui sertà contacter un éventuel routeur. Celui-cirépond aux sollicitations par un messagecontenant les éléments nécessaires àl’autoconfiguration, comme le préfixe duréseau. La station construit son adresseIPv6 valable globalement avec le préfixeet l’adresse MAC de sa carte réseau. On

peut imposer une allocation del’adresse par DHCPv6 (en configurantun serveur) ou en utilisant d’autresdonnées que l’adresse MAC, qui peutposer des problèmes de préservation dela vie privée (cette adresse est unique,donc caractéristique d’une machine).

Avec IPv6, il n’est plus nécessaire de fairedu NAT, chaque station du réseau peutêtre jointe directement, sur chacun deses ports. Un filtre de paquet n’en est pasmoins nécessaire. « Avec IPv4, on estobligé de faire du NAT, qui va de pairavec un routeur pare-feu. Avec v6,beaucoup oublieront le pare-feu. C’estcomme la formation des adresses v6avec les adresses MAC, le comportementpar défaut n’est pas très sûr », estimeNicolas Monnet, administrateur systèmeindépendant. Un conseil : lisez de ladocumentation avant de vous lancer…

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Après avoir coché l’option IPv6 dans la consoleWeb d’administration de la Freebox, on redémarre.Les OS doivent alors hériter d’une adresse globaleleur permettant d’accéder aux sites IPv6.

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unien Comcast,qui requiert un blocde 100 millions. La solutionconsistant à créer des réseaux NAT en cas-cade, emboîtés comme des poupées russes,ne ferait qu’aggraver les problèmes de fonc-tionnement du réseau et de codage desapplications, limitant ainsi les possibilitésd’innovation.

Il reste que c’est peut-être une techniquede la famille NAT qui sera utilisée pour relierles ordinateurs uniquement IPv6 (dépour-vus d’adresses v4), à la part d’Internet quin’a pas entamé la migration (toujours sousIPv4). En effet, IPv6 n’a pas été pensé pourêtre rétro-compatible : il devait se déployerbien avant qu’il y ait pénurie d’adressesIPv4. Les mécanismes de transition ne cou-vrent donc pas le cas où les adresses IPv4sont épuisées avant l’essor d’IPv6. De nou-veaux mécanismes de traduction v6-v4 sonten cours d’étude à l’IETF, l’instance où sontélaborés les standards techniques du Net.

Pourquoi tant de retard?

Alors que l’échéance d’épuisement desadresses IPv4 se rapproche, on a l’impres-sion d’une impréparation générale. Desentreprises dont le métier est le réseau,opérateurs internationaux ou historiques,

ont rendu compatibles IPv6 leurs cœursde réseau mais plus rarement la connexionà l’abonné. Mis à part Renater (depuis2001), Nerim (2002) et Free (fin 2007),aucun fournisseur d’accès français ne pro-pose IPv6. Parmi les hébergeurs, on necompte que Nerim, OVH et Free. Côté ges-tionnaires DNS, IPv6 est supporté par unebonne partie des opérateurs de la racineDNS et des opérateurs de domaines de pre-mier niveau (Top Level Domain) tels quel’Afnic (gérant le .fr) qui a intégré IPv6 dès2002. Les bureaux d’enregistrement, leshébergeurs et titulaires de noms de do-maine peinent à suivre. Depuis le mois defévrier, Google a ouvert son moteur derecherche en v6 (http://ipv6.google.com)mais aucun autre de ses services. Pourquoiune progression si lente ? Existe-t-il desblocages? Mohsen Souissi, de l’Afnic, donnedes éléments de réponse. « Il y a six ans, lessystèmes d’exploitation étaient immatures

D’autres voies ont bien sûr été explo-rées, et certains prônent l’usage du méca-nisme de traduction d’adresses NAT pourcontourner les limites d’IPv4. En effet, enpermettant à de nombreux ordinateursd’un réseau privé de partager une seuleadresse publique, il semble à première vueremplir les conditions nécessaires.

Pourquoi pas le NAT?

Mais le NAT trouve aujourd’hui sa limiteavec les applications requérant l’ouverturede connexions depuis un serveur, ou depuisun autre pair, ou celles utilisant les adressesdes hôtes dans leurs données : programmesde messagerie, téléphones (Skype, GTalk,Blackberry), jeux en ligne, logiciels mul-timédias, de stockage distribué, de distribu-tion de fichiers ou de flux vidéo. Pour bienfonctionner, ils doivent recourir à diversesastuces alambiquées et ont parfois besoind’un proxy sur la passerelle NAT. Le codenécessaire à la traversée des passerelles NATrend plus complexes les pare-feu et les appli-cations concernées, ce qui lèse la sécuritéet le développement. D’après Microsoft, lecoût additionnel serait de l’ordre de 10 %.Erik Kline et Lorenzo Colitti, de Google,estiment en outre que le NAT omniprésentempêche le fonctionnement optimal desapplications Ajax. Enfin, le NAT ne per-met pas la création de réseaux de plus de16 millions d’adresses, ce qui est trop peupour un gros câblo-opérateur comme l’états-

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IPv6favorisera

les services à based’échanges pair à pair,

comme la distributionde vidéos, la sauvegarde enligne, etc. Le mariage avecla fibre optique jusqu’auclient, porteuse de débitssymétriques, est évident.

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dans la prise en charge d’IPv6, et des fabri-cants d’équipements de réseaux s’étonnaientde recevoir des demandes de produits pourIPv6. Aujourd’hui, les systèmes y sont pas-sés, même Windows avec Vista. Quant auxéquipements, les offres commerciales exis-tent, mais elles sont moins nombreuses, etles fonctions ne sont pas toujours à parité,principalement en ce qui concerne les pare-feu ou les répartiteurs de charge. Un pro-duit, par exemple, pourra avoir une fonc-tion réalisée par le matériel en IPv4 et parle logiciel en IPv6. Elle sera moins perfor-mante. Cela dit, j’estime que les fournisseursd’accès ou les hébergeurs ne peuvent plustirer prétexte de ce moindre choix de maté-riels pour repousser encore les investisse-ments nécessaires au déploiement d’IPv6. »

Pour Rani Assaf, directeur technique deFree, les équipements v6 ne sont en effetpas au même niveau. «Ce qui manque vrai-ment aujourd’hui ce sont les loadbalancers(répartiteurs de charge) supportant IPv6.Linux Virtual Server (LVS) ne le fait pas en-core, et Cisco vient tout juste de sortir unecarte qui le supporte. » Free a pourtant dé-ployé partiellement IPv6. Chez Amen, oùl’on n’est toujours pas passé à v6, on ren-contre plusieurs difficultés, dont la dispo-nibilité d’équipements réseau compatiblesou l’offre de connexions internationales.« Pour un Cisco qui supporte v6 depuis long-temps, d’autres le proposent en option payante.Et l’offre de transit IPv6 n’est pas très large.Les opérateurs à petits prix (Cogent, LambdaNet) ne le font pas. Il faut aller chez Teliaou Above Net, et c’est deux à trois fois pluscher », note Blaise Thauvin, le directeurtechnique d’Amen. Et quand les services

existent, ils ne sont pas toujours au mêmeniveau que pour IPv4. Chez Claranet, lesdemandes de connexion de transit peu-vent traîner en longueur, de même que lesdépannages chez OVH. Les procédures nesont pas rodées. Dernier obstacle poten-tiel, les boîtiers de connexion pour l’abonné.Si la plupart des routeurs bas de gamme,petits serveurs Nas, points d’accès Wi-Fiignorent IPv6, les boîtiers d’opérateursdont le logiciel est mis à jour régulière-ment le prennent en charge, au moinspotentiellement. Car, du côté des opéra-teurs, il y a peut-être un manque d’allant,d’après Paul Rolland, directeur techniquede Witbe, société d’étude sur la qualité desréseaux. « La plupart des opérateurs nevoyant pas de demande venir ne sont paspoussés à anticiper la lame de fond. C’estune logique à court terme et une erreur àmoyen terme. En reportant les investisse-ments, ils ne seront pas en position pour créerde nouveaux services. Si le cœur réseau dela plupart des opérateurs est passé sans tropde difficulté à IPv6, il n’en est pas de mêmepour les milliers de DSLAM et d’équipe-ments dits “de collecte”. IPv6 est alors uneformidable opportunité pour revoir unearchitecture de débits asymétriques quiconvient moins à Internet qu’au Minitel. »

Le retard constaté iciest lié à l’interdépendanceentre fournisseurs d’équi-pements, de réseau ou deservices. Comment alorsexpliquer que le monde dela recherche soit très bienconnecté en IPv6 (via leréseau Renater et OpenTransit) ? Et pourquoi de

nombreux opérateurs japonais fournissentIPv6 d’office pour les professionnels, à lademande pour les particuliers ? Un des élé-ments de la réponse tient au fait que lesJaponais savent ce qu’ils veulent faire avecIPv6 ; de la lecture des forums français sedégage plutôt une vision focalisée sur lecourt terme et une interrogation fré-quente : “Mais à quoi ça sert ?”

À quoi servira IPv6?

Il n’est pas évident, actuellement, d’affir-mer ce que pourrait être un Internet tirantparti des possibilités d’IPv6. Et ce ne sontpas les quelques services Web ou FTPaccessibles en v6 aujourd’hui qui y aide-ront. Plusieurs caractéristiques de ce proto-cole pourraient susciter une vague d’appli-cations et d’usages nouveaux : son nombreimmense d’adresses publiques, ses méca-nismes intégrés pour la sécurité, l’auto-configuration des hôtes, leur mobilité d’unréseau à l’autre, et des possibilités d’ex-tension prévues au sein même du proto-cole. L’abondance d’adresses publiques, enparticulier, devrait entraîner une vagued’innovations en rétablissant le principedu bout-en-bout, la capacité de se connec-ter à un hôte depuis un point quelconque

du réseau. «IPv6 a plusieurs foisété “vendu” comme indispen-sable à une killer application quel’on a cru un moment reconnaîtredans la vidéo ou la domotiqueet qui aurait fait espérer un re-tour rapide sur investissement.Il n’y a toujours pas de killerapplication, mais IPv6 repousseles limites de ce que l’on consi-dère comme possible et stimulel’imagination. Avec le rétablis-sement du principe du bout-en-bout, les applications de pair à

IPv6 est une formidableopportunité pour revoir une architecturede débits asymétriques qui convientmoins à Internet qu’au Minitel.Paul Rolland, directeur technique de Witbe

‘‘ ‘‘Rares sontles servicesIPv6. Googlene proposeque sonmoteur derecherche.

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l’on voit des matériels en pro-venance de leur archipel. Iciet là traînent une caméra IPPanasonic, une station météoWeathernews Inc, des cap-teurs de position, de tempé-rature, d’humidité, conçuspar le projet Wide. Ces objets

reliés au réseau ne sont que des élémentsde systèmes, encore à l’état de prototypes,qui nécessitent IPv6. « IPv4 bride certaines

L’Internet avec IPv4 est limité auxordinateurs et aux terminauxmobiles. Il est petit, relativementà ce que pourrait être un Inter-net IPv6, qui a des adresses à foi-

son et une meilleure capacité à prendre encharge des hôtes mobiles. Alors qu’IPv4empêche de concevoir des systèmes impli-quant des flottes d’autobus ou de vélos,des étiquettes de marchandises, des cap-teurs de pollution, bref, d’imaginer unInternet étendu à des objets, IPv6 y incite.La recherche française, impliquée depuisl’origine dans la conception de ce proto-cole, est en pointe sur son potentiel. À l’In-ria de Rocquencourt, près de Versailles, onplanche dessus. Nous y avons été reçus parThierry Ernst, ingénieur de recherche surle projet Lara, La Route automatisée, etprésident du comité de pilotage de la TaskForce France, qui promeut IPv6, notam-ment auprès des politiques. Il a suivi avecattention une actualité favorable à IPv6,les annonces de l’épuisement prochain du

stock d’adresses v4 ou les décla-rations d’Éric Besson sur lesobjectifs d’utilisation d’IPv6par les administrations, lorsde la réunion de l’Icann enjuin. Il se réjouit aussi qu’unfournisseur d’accès grandpublic, Free, propose IPv6 enstandard. Mais il note une cer-taine frilosité du côté des indus-triels, dont les investissementssont pourtant nécessaires au fi-nancement de la recherche appli-quée. Un exemple en est 6Wind,pionnier des routeurs IPv6, re-converti aujourd’hui dans les ser-vices IPv4.

« Au Japon, on trouve davan-tage de partenaires industriels pourfinancer les recherches et dévelop-per le code. C’est le cas dans le domaine descapteurs», note Thierry Ernst. Dans le labo-ratoire, on croise des étudiants japonais et

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Visite d’un laboratoire de l’Inria (Institut national de la rechercheen informatique et en automatique) où des applications d’Internetv6 sont en préparation, dont une dans le monde de l’automobile.

pair pourront foisonner et progresser. Deslaboratoires travaillent actuellement sur desprotocoles et algorithmes pour les amélio-rer », explique Mohsen Souissi.

Débarrassé des contraintes d’IPv4, unInternet v6 s’ouvrirait à d’autres applica-tions. IPv6 rendrait possible les réseaux decapteurs à une échelle suffisante pour lagestion du trafic routier, la logistique desmarchandises, les mesures de pollution, ladiffusion d’alertes, la surveillance météoou celle des séismes. « Au Japon, les trainsShinkansen s’arrêtent automatiquement encas d’alerte de tremblement de terre. C’est

Blackberry exigent de l’opérateur des adap-tations non standard et complexes. Quantaux messageries instantanées, elles ne sup-portent pas le changement d’adresse consé-cutif à une interruption de connexion », noteNicolas Monnet, administrateur systèmeindépendant. En IPv6, les terminaux pour-raient avoir un accès direct et non restreintà Internet et être accessibles avec des pro-tocoles P2P, XMPP (Jabber) ou SIP (télé-phonie). Mais tous les services imaginables,grands utilisateurs de données, n’aurontde raison d’être que couplés à des tarifsraisonnables. Les opérateurs ont-ils vrai-ment intérêt à voir l’arrivée d’IPv6 ?

un système propriétaire fermé. Basé sur IP,il pourrait être étendu à d’autres services,par exemple pour fermer automatiquementle gaz dans les appartements. IPv6 est néces-saire à ces échelles », relève Thierry Ernst.Ce chercheur travaille sur la mobilité IPv6appliquée aux véhicules. L’horizon, c’estla voiture robotique (lire ci-dessous).

Moins futuristes sont les applicationsd’IPv6 au téléphone ou à l’ordinateurmobiles. Sans la nécessité du NAT, les pro-grammes de messagerie gagneraient ensimplicité. « Aujourd’hui, avec des réseauxderrière un NAT, les systèmes comme le

Lara, la voiture robot pilote IPv6

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Un véhiculecapable derouler en convoi,relié aux autresvoitures par descommunicationssur IPv6.

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Page 9: IPv6 prépare l’Inter Document :0026 PCE194 … · adresses IP ont été distribuées sans mesure ... l’espace d’adressage est ... Avec v6, beaucoup oublieront le pare-feu.

simple à déployer. Ilsuffit d’une passe-relle IP-3G, Wimaxou Wi-Fi reliée aubus Can, en lectureseule. » L’idée demobilité des hôtes,absente du proto-cole IPv4, a étéprise en comptedès la conception

d’IPv6. La mobilité des sous-réseaux a étéétudiée plus récemment avec Nemo (Net-work Mobility). Elle sera nécessaire dèslors que les véhicules embarqueront plu-sieurs équipements pourvus d’une adresseIP, tels que les divers capteurs ou les sys-tèmes récréatifs. Tous ces appareils parle-ront IPv6, par souci de ne pas multiplierles réseaux incompatibles. Mais pour dé-crocher son permis de conduire, IP néces-site d’autres adaptations. Le projet Geo-

Thierry Ernst,ingénieur derecherche sur leprojet Lara,présente lavoiture dedemain, trufféed’ordinateurs etde routeurs IPv6pour une routeplus sûre.

NOVE M B R E 2008 PC EXPERT 35

applications ou services comme les objetsdomestiques IP. Le lapin Nabaztag, parexemple, ne pourrait être vendu en masse,à cause du manque d’adresses. D’autresapplications ne sont tout simplement pasimaginables en IPv4. Dans le monde de l’au-tomobile, lorsque l’on pense IP, c’est IPv6. »

L’automobile, justement, c’est le sujetdu projet Lara, La Route automatisée,mené avec l’école des Mines de Paris. L’idéede confier une part du pilotage à des auto-matismes provient d’un constat : la voirieest mal utilisée, la conduite humaine exi-geant une distance de sécurité et provo-quant des embouteillages. « L’objectif estd’avoir des véhicules en pilotage automa-tique capables de se coordonner. Nous avonsréalisé un train de voitures circulant à faiblevitesse pare-chocs contre pare-chocs. Onpourrait l’imaginer allant à 200 km/h. Noustravaillons ici à rendre IP compatible avecles contraintes du temps réel qui s’imposentpour les communications entre véhicules »,explique-t-il. Avant de conduire toutesseules, les voitures IPv6 devraient pouvoirassister le conducteur, l’avertir des embou-teillages, des dangers, alerter les secours oupermettre à un dépanneur d’établir untélédiagnostic. Cela sera possible d’iciquelques années, assure le chercheur. «C’est

net devrait lui ajouter la notion de posi-tion géographique, une capacité nécessaireà la diffusion de messages à destinationd’autres véhicules circulant sur une por-tion d’une route particulière, par exemplepour qu’une voiture puisse signaler undanger à toutes les suivantes.

À l’extérieur du laboratoire, une voi-ture aux couleurs de Lara, mais d’appa-rence banale, est garée. L’ouverture desportières montre des petits ordinateurs enréseau et des capteurs, dont un laser détec-teur d’obstacle dont on voit l’emplacementsous la calandre. Cette voiture préfigureles ITS (systèmes de transport intelligents),capables d’échanger des informations entreeux. «Les véhicules sont eux-mêmes des rou-teurs OLSR (mode Ad-Hoc). Ils captent desinformations sur les autres véhicules de laflotte, sur l’état de la route et les fusionnentavec celles qu’ils détiennent déjà », expliqueThierry Ernst. Grâce à la cybernétique età IPv6, l’intelligence viendra-t-elle à laconduite ?

En attendant la réponse, d’autres appli-cations basées sur les réseaux de capteurspourraient voir le jour. Petits comme unpaquet de cigarettes, ces appareils trans-mettent diverses données suivant leur con-ception : coordonnées GPS, température,humidité… Au Japon, des automates devente sont surveillés à distance, via des ré-seaux IPv6. Peut-être celui-ci s’invitera-t-ild’abord dans nos domiciles, dans nos ob-jets familiers, sans bruit. Il serait temps deréfléchir aux usages d’IPv6, y compris ceuxque l’on ne souhaite pas voir advenir. ●

É T A T D E S L I E U X D E S S E R V I C E S / L A V O I T U R E R O B O T , U N E A P P L I C A T I O N I P V 6

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