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    maxime weigert

    charg de recherche ipemed

    Dcembre 2012

    C O N S T R U I R E L A M D I T E R R A N EC O N S T R U I R E L A M D I T E R R A N E

    Le rle des firmestouristiques

    dans le dveloppement

    du tourisme au Maroc

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    LInstitut de Prospective conomique du monde Mditerranen (ipemed) est un think-tankmditerranen dont la mission est de rapprocher, par lconomie, les pays des deux rivesde la Mditerrane. Depuis sa cration en fvrier 2006, il uvre la prise de conscience

    dun avenir commun et dune convergence dintrts entre les pays du Nord et du Sudde la Mditerrane. Essentiellement financ par de grandes entreprises et des personnes physiques

    qui partagent son engagement, il a pour valeurs lindpendance politique et la parit Nord-Suddans sa gouvernance comme dans lorganisation de ses travaux.

    Il est prsid par Radhi Meddeb et dirig par Jean-Louis Guigou, qui en est le fondateur.

    construire l a mditerrane

    La collection Construire la Mditerrane a t cre en 2009 par ipemed. Les experts dipemed,originaires des deux rives de la Mditerrane, y croisent leurs rflexions pour contribuer au dbatsur les grandes problmatiques mditerranennes, fconder une nouvelle approche des relationsNord-Sud et formuler des propositions utiles aux populations des pays du Bassin mditerranen.

    Les tudes publies dans la collection Construire la Mditerrane sont valides par le Comitscientifique dipemed. Elles sont disponibles sur le site Internet dipemed. www.ipemed.coop

    dj parus

    Rgion mditerranenne et changement climatique,Stphane Hallegatte, Samuel Somot et Hypahie Nassopoulos, 2009

    Eau et assainissement des villes et pays riverains de la Mditerrane,sous la direction de Claude Martinand, 2009

    Mditerrane 2030. Panorama et enjeux gostratgiques, humains et conomiques,Guillaume Almras et Ccile Jolly, 2010

    Convergence en Mditerrane,Maurizio Cascioli et Guillaume Mortelier, 2010

    Mditerrane : passer des migrations aux mobilits,Pierre Beckouche et Herv Le Bras, 2011

    Rgulations rgionales de la mondialisation. Quelles recommandations pour la Mditerrane?,coordonn par Pierre Beckouche

    Demain, la Mditerrane. Scnarios et projections 2030,Coordonn par Ccile Jolly et ralis avec le Consortium Mditerrane 2030

    Tomorrow, the Mediterranean. Scenarios and projections for 2030,Coordinated by Ccile Jolly and produced with the Mediterranean 2030 Consortium

    Partenariats public-priv enMditerrane. tat des lieux et recommandations pour dvelopper

    les PPP dans le financement de projets dans le Sud et lEst de la Mditerrane.Nicolas Beauss et Michel Gonnet, 2011

    La confiance dans la socit numrique mditerranenne : vers un espace.medcoordonn par Laurent Gille, Wahiba Hammaoui et Pierre Musso

    Partenariats stratgiques pour la scurit alimentaire en Mditerrane (Psam)chapitre 1 tat des lieux

    Nahid Movahedi, Foued Cheriet, Jean-Louis Rastoin, 2012chapitre i1 Besoins et opportunits des cooprations inter-entreprises agroalimentaires en Mditerrane

    Foued Cheriet, Jean-Louis Rastoin, 2012chapitre iii La situation cralire en Mditerrane. Enjeux stratgiques et lments de prospective

    Nahid Movahedi, Foued Cheriet, Jean-Louis Rastoin, 2012

    Pour une politique agricole et agroalimentaire euro-mditerranenneJean-Louis Rastoin, Lucien Bourgeois, Foued Cheriet et Nahid Movahedi,

    avec la collaboration de Fatima Boualem, 2012

    Les dynamiques des ressources agricoles en MditerraneFoued Cheriet, Nahid Movahedi, Jean-Louis Rastoin, avec la collaboration de Fatima Boualem, 2011

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    3 L E S F I R M E S T O U R I S T I Q U E S A U M A R O C

    S O M M A I R E

    RSUM......................................................... 4

    INTRODUCTION ............................................. 5

    La stratgie touristique marocaine de 2001 2010............................................................. 8

    Le lancement de la Vision 2010....................... 8

    Les rsultats ingaux de dix annesde politique touristique.................................. 10

    La mobilisation des firmes touristiquesdans la Vision 2010 ......................................... 12

    Les effets de structuration des firmestouristiques.................................................... 14

    Les firmes et la structuration de loffre........... 14

    Les firmes et la structuration de la demande .. 17

    Un dveloppement en profondeur du territoiretouristique sous limpulsion des firmes?........ 21

    Le rle des firmes dans ltablissementdune filire locale de tourisme...................... 23

    Les effets de dveloppement des firmestouristiques.................................................... 24

    Les effets dentranement sur lconomiemarocaine ...................................................... 24

    La normalisation de lconomie touristiquemarocaine ...................................................... 27

    La formalisation et la rgulation de lconomietouristique...................................................... 32

    Le transfert de comptences par la priseen charge de la formation .............................. 36

    CONCLUSION................................................. 39

    BIBL IOGRAPHIE ............................................. 40

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    R S U M

    lheure o la Vision 2010 sachve et o la Vision 2020 la relaie, le bilande la stratgie touristique que le Maroc a dploye partir de 2001 est globa-lement positif au regard des objectifs fixs, comme lattestent les arrives inter-nationales passes de 4,4 9,2 millions entre 2001 et 2010. Au-del des chif-fres, la performance du Maroc est surtout davoir, dans un temps trs court,structur son territoire touristique et difi une conomie touristique alignesur les standards europens. De nombreuses tudes ont fait le bilan de cettestratgie en termes de lits construits, demplois crs, de flux capts. Ipemed

    a choisi de se concentrer sur un aspect moins connu : la contribution du sec-teur priv, particulirement des firmes touristiques europennes, ce succs.Ltat marocain a souhait laisser le champ libre aux groupes touristiques

    internationaux dans la planification de loffre, estimant que seuls de tels am-nageurs-dveloppeurs seraient en mesure de soutenir lambition du projet.Organise travers des conventions-cadres dinvestissement et dincitationen faveur des investissements directs trangers (IDE) touristiques, leur impli-cation a effectivement contribu au dveloppement de lconomie touristiquemarocaine. Par leur capacit mobiliser des volumes massifs de touristes, lesfirmes ont structur le march et le territoire touristiques, en favorisant lacroissance de la frquentation et ldification dune offre locale de services

    touristiques. Par leur stratgie dexploitation, elles ont par ailleurs produit deseffets de rgulation sur lconomie marocaine, en diffusant des procds denormalisation et de formalisation du secteur touristique, et en favorisant destransferts de comptences du Nord vers ce pays du Sud de la Mditerrane.

    En orchestrant la structuration du territoire touristique marocain et sonintgration dans le march touristique europen, les firmes ont concouru auxrecompositions sectorielles, territoriales et socio-conomiques rsultant dumode de dveloppement pour lequel le Maroc a opt au dbut des annes2000 : amnagement du territoire, promotion de lconomie de march, ali-gnement sur lconomie europenne, etc. Dans le cas plus particulier du tou-risme, les recompositions reposent sur un renforcement et un approfondis-sement des mobilits touristiques euro-marocaines et sur une convergencenormative et conomique dont les firmes touristiques constituent les princi-paux agents. Ces dernires ont pos les fondements dune intgration euro-marocaine par le tourisme favorable lancrage durable du pays dans lco-nomie europenne. Mais le rle de rgulateur de ces acteurs trangers pose desproblmes de gouvernance, surtout lheure o le printemps arabe incite lespays de la rive sud de la Mditerrane revendiquer le renouvellement dupartenariat avec lUnion europenne.

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    I N T R OD U C T I ON

    en 2001, plusieurs annes aprs avoir renonc la planification touris-tique, le Maroc a lanc en grande pompe une vaste stratgie de dveloppe-ment touristique, baptise Vision 2010, qui devait permettre au pays dinitierun changement structurel de son conomie en faveur du tourisme. Ambi-tieux dans ses objectifs passer de 4,2 millions de touristes internationaux en2000 10 millions en 2010, ce plan dcennal visait faire bnficier le paysde lessor annonc du tourisme mditerranen, par la mise en valeur de dota-tions touristiques prsumes comptitives (patrimoine culturel et naturel, cli-

    mat, plages, etc.), mais demeures sous-valorises jusqualors. Alors que laVision 2010 sachve, et que la Vision 2020 la relaye, les indicateurs de perfor-mance sectorielle montrent que les objectifs chiffrs en 2001 ont tous tapprochs. Ce saut quantitatif a entran une mutation structurelle du secteurtouristique, dont linfluence croissante du secteur priv est lune des dimen-sions. En effet, un trait saillant de la Vision 2010 est le rle central concd auxacteurs privs dans la planification : les firmes touristiques1 sont aux cts dessocits internationales dinvestissement ceux avec lesquels ltat marocain aengag le partenariat le plus troit, fond sur des incitations financires et surdes conventions dinvestissement portant sur des grands projets (les stationsbalnaires du Plan Azur notamment). Cette note se propose danalyser le rle

    de ces firmes dans la mise en uvre de la Vision 2010. Elle entend montrer leseffets que ces acteurs, vritables outils du dveloppement touristique, ont pro-duit sur la constitution du march touristique marocain actuel.

    Le rle des firmes multinationales dans le dveloppement touristique despays du Sud au Maroc, en loccurrence sinscrit dans un dbat critique danslequel ces dernires sont gnralement plus rprouves pour leur actionquelles ne suscitent ladhsion. Pour beaucoup, elles vhiculeraient un tou-risme de masse, source de pollutions et de perversions diverses, moralementrprhensible une poque o le tourisme durable est communment pensen termes de pratiques, travers les oppositions vacancier-voyageur et tourismede masse-tourisme thique2. Dans cette perspective, les chanes htelires quioprent dans les pays du Sud sont perues comme des entreprises destruc-trices de lenvironnement et pourvoyeuses demplois dvalorisants. Les tour-oprateurs sont mis lindex pour les profits quils ralisent au dtriment desacteurs locaux et pour les comportements moutonniers quils encouragent tra-vers les voyages organiss. Sur le plan thorique, cette interprtation trouveson expression dans la thorie marxiste de la dpendance, selon laquelle lespays dvelopps et leurs agents conomiques auraient provoqu une dpen-dance des pays du Sud envers les marchs metteurs du Nord, exerant de lasorte un puissant contrle sur le secteur touristique de ces pays3. Cette approchemet laccent sur lanalyse macro-conomique de linvestissement touristique

    tranger, et vise dnoncer les fuites touristiques auxquelles donne lieu le tou-risme de masse, cest--dire les flux ngatifs de la balance courante lis lac-tivit des firmes trangres et domestiques : importations de biens et de ser-vices, rapatriements des profits, remboursement de prts ltranger,propension recourir lemploi expatri pour les postes responsabilit4.

    1. On entend parfirmes touristiques,les entreprises detourisme intgreshorizontalement

    et/ou verticalementayant opt pour unengagement ltranger(investissementdirect, contrats degestion, etc.).

    2. ce sujet, voirEquipe MIT, 2002,Tourismes 1, Lieuxcommuns, Belin,Paris.

    3. Khan M., 1997,TourismDevelopment andDependency Theory:Mass Tourism vs.Ecotourism, Annalsof Tourism Research,24, 4, Oct, 988-991.

    4.UNCTAD, 2007,FDI in tourism, theDevelopment Dimen -sion, UNCTAD,Geneva, p.49.

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    5. Ibid. p. 50.

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    Les opposants de la thorie de la dpendance insistent, pour leur part,sur le rle des grands groupes dans le dveloppement des pays et des zoneso ils dploient leurs activits. Selon eux, les effets ngatifs de la dpendancesont largement compenss par les crations demplois occasionnes par lesfirmes, par leur contribution linstauration dune filire touristique locale etpar le rle catalytique quelles exercent sur le dveloppement des infrastruc-tures. Dans une tude relative limpact des IDE touristiques sur les pays endveloppement5, les experts de la Cnuced prcisent quil nest pas possible dedonner raison lune ou lautre de ces thories, dans la mesure o les rsul-tats des tudes portant sur la question dpendent avant tout de lchelle dana-lyse. Laction des firmes multinationales a des implications ngatives et posi-tives pour les territoires o elles simplantent on distingue entre les effetsde levier (leverage), les effets dentranement ( linkage) et les effets de fuite ( lea-

    kage). Comme le montre le TABLEAU1 , alors que les effets ngatifs sobservent lchelle macro-conomique (accroissement des importations, captation dela valeur ajoute), lchelle micro-conomique, les effets sont surtout posi-tifs (emplois, effets dentranement, etc.). En outre, la prsence des firmespeut avoir des incidences positives sur le plan macro-conomique (accroisse-ment des entres de devises, renforcement de lattractivit du territoire dac-cueil). En ralit, conclut la Cnuced, lintensit des effets ngatifs et positifstient pour lessentiel aux politiques de dveloppement touristique adoptes parles pays en vue dattnuer les effets de la dpendance, et non un rapport dedomination supposment fig entre les acteurs du Nord et les acteurs du Sud.

    TABLEAU1 Impacts des firmes touristiquesImpacts micro-conomiques Impacts macro-conomiques

    Effets dentranement Effets de fuite Effets de fuite Effets dentranement

    Les firmes dveloppent Les firmes captent Les firmes effectuent Les firmes drainentdes partenariats avec lessentiel de la valeur de nombreuses importations, un grand nombre deles entreprises locales. ajoute. rapatrient leurs profits et touristes internationaux Les firmes contribuent Les firmes exercent remboursent des prts et contribuent ltablissement dactifs des pressions ou des contrats de gestion laccroissementet dinfrastructures. foncires et raliss ltranger. de lentre de devises. Les firmes produisent environnementales. Les prestataires locaux La prsence des firmesdes effets intangibles sur accroissent leurs importations. renforce lattractivitlconomie locale (transferts Les firmes emploient des territoires daccueil.de technologie et de comptences, des expatris pour leseffets de concurrence). postes responsabilit.

    Ipemed (daprs UNCTAD, 2007)

    Face ces questionnements, il est intressant dtudier le rle des grandsgroupes dans la stratgie touristique marocaine, puisque cette stratgie cor-respond justement une politique sectorielle o le rapport entre le Nord(reprsent par ses firmes) et le Sud (ltat marocain) sest voulu collaboratif.Ltude mene ici vise montrer la place des firmes dans le dveloppementtouristique et conomique du Maroc. Les observations qui seront prsentesse feront principalement lchelle micro-conomique, plus propice un exa-men qualitatif, et qui rend mieux compte des effets, aussi bien positifs que

    ngatifs, dcrits par la Cnuced. Elles donneront voir les tensions multiples,lies lingalit de dveloppement Nord-Sud, qui dterminent les modalitsdaction des firmes europennes au Maroc : adaptation au contexte local vsintroduction de pratiques oprationnelles ; profit conomique vs responsabi-

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    10. Les chiffres dusecteur touristiquemarocain apparaissantdans cette partie sontissus de quatre rapportsinstitutionnels traitantde lvolution dutourisme pendant lapriode de la Vision2010 :- Haut Commissariatau Plan, 2007, Tourisme2030, Quelles ambitions

    pour le Maroc?, Pros-pective 2030, HautCommissariat au Plan,Rabat ;- Fdration nationaledu tourisme, 2008,Bilan stratgique de laVision 2010, FNT, ralisavec Daif conseil,Casablanca ;- Fdration nationaledu tourisme, 2011,Secteur du tourisme :bilan dtape et analyse

    prospective, FNT,Casablanca ;- Ministre du Tou -risme et Observatoiredu tourisme, 2010,Annuaire statistique dutourisme 2010, Observa-

    toire du tourisme, Rabat.11. Hillali M., 2007, LaPolitique du tourisme auMaroc : diagnostic, bilanet critique, LHarmattan,Histoire et perspectivesmditerranennes,Paris.

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    La stratgie touristique marocaine de 2001 2010 10

    le tourisme au maroc a dbut lpoque du protectorat franais, commedans les autres pays du Maghreb. lIndpendance, les autorits ont tent depromouvoir le tourisme en tant quactivit conomique favorable au dvelop-pement du pays. Mais, la diffrence de la Tunisie, ltat marocain, soumis des pressions tant exognes (conflit du Sahara occidental) quendognes(annes de plomb des annes 1970, crise macro-conomique des annes 1980ayant conduit la mise en place dun Plan dajustement structurel), na pasrussi trouver un quilibre entre dveloppement planifi et autonomie dusecteur priv. Entre 1960 et 1993, sept plans de dveloppement touristique ontt labors. Ces politiques segmentes et contrles par un tat scuritaire

    se sont rvles impropres crer une dynamique, et nont pas russi ini-tier le dcollage du tourisme 11. En 1993, le Maroc renonce la planificationpour inaugurer la privatisation et la libralisation du secteur touristique. Maisles lourdeurs structurelles, lendettement des tablissements publics et laconjoncture internationale ont entran une stagnation de larrive de tou-ristes internationaux et une baisse des investissements touristiques. la findes annes 1990, les autorits ont redonn la priorit au tourisme, et laborpour la premire fois une politique globale de dveloppement touristique.

    Le lancement de la Vision 2010

    le plan de relance du tourisme a t entrin Marrakech en 2001, loccasion des premires assises du tourisme, qui se sont tenues sous la pr-sidence du roi Mohamed vi. La Fdration du tourisme et le gouvernementtaient runis pour y adopter une stratgie touristique intitule Vision 2010, quiprenait la forme dun contrat-programme. Cette stratgie correspondait unepolitique de croissance, qui devait lever lensemble des indicateurs de lco-nomie touristique (arrives, emplois, recettes, investissements, etc.). Les objec-tifs taient au premier chef quantitatifs. La formule symbolique de 10 millionsde touristes en 2010 en constituait le principal slogan. Compte tenu du nom-bre de touristes internationaux visitant le Maroc en 2000 (4,3 millions), cetteannonce publique fixait les grandes ambitions du pays en matire de dve-loppement touristique.

    La Vision 2010 a t divise en six chantiers complmentaires les uns desautres, dont la ralisation devait seffectuer paralllement. Les multiples pro-jets dfinis devaient conduire un vaste renouvellement du secteur touris-tique marocain, dans toutes ses composantes.

    Un chantierproduit. Ce chantier concernait les infrastructures dhbergement.En 2000, le Maroc disposait de 70 000 lits sur lensemble de son territoire.Lobjectif tait de tripler ce nombre, en construisant 130 000 lits balnaires et

    30 000 lits dans les autres destinations, soit 160 000 lits en dix ans (au total,230 000 lits). Le Plan Azur, qui ambitionnait la cration de six stations tou-ristiques balnaires en lespace de dix ans (110 000 lits au total), constituaitle principal programme du chantier (TABLEAU2 ).

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    Un chantier transport. Cadenc sur le chantierproduit, ce chantier visait accrotre les flux ariens internationaux destination du Maroc par la libra-lisation des transports ariens, dans le but damliorer le rapport qualit/prixdu produit marocain (par la rduction du cot de larien). Lobjectif tait depasser de 5,5 millions de passagers internationaux en 2000 15,6 millions en2010, et daugmenter la frquence des vols internationaux de 600 frquenceshebdomadaires 1 300.

    Un chantier marketing, communication, commercialisation. Ce chantier avaitpour objectif la restructuration de lOffice national marocain du tourisme(ONMT), de manire optimiser sa fonction de promotion du tourisme maro-cain ltranger.

    Un chantier organisation institutionnelle. Ce chantier portait sur la redfinitiondes rles de lensemble des institutions touristiques prives et publiques, et surlamlioration de leur coordination. Il comportait un volet dcentralisation, travers la cration de conseils rgionaux du tourisme (CRT), censs prendre,au niveau de la rgion, le relais de ltat en matire de dveloppement touris-tique (dcision, investissement, promotion, etc.).

    Un chantierformation. Lobjectif tait de crer des structures daccompagne-ment permettant de former 72 000 personnes aux emplois qualifis delaccueil, afin de favoriser la professionnalisation du tourisme marocain.

    Un chantier environnement touristique. Ce chantier qualitatif tait centr surlamlioration des pratiques de laccueil et de la gestion des flux, ainsi que surlenvironnement juridique de lactivit.

    TABLEAU2 Les projets du Plan Azur en 2001Sadia Guelmin Taghazout Port Lixus Mazagan Mogador Total

    Amnageur Fadesa Fadesa Colony, Thomas et Piron, Kerzner, CDG, Thomas et Piron,Capital Delta holding, Somed, Risma (Accor),Satocan Colbert-Orco MEMDA/MCMA Colbert-Orco

    Nombre de lits crer 28 000 30 000 21 000 12 000 8 000 10 500 109 500

    Emplois directs 8 000 10 000 8 000 3 750 2 000 3 300 35 050Emplois indirects 40 000 50 000 40 000 18 750 10 000 16 500 175 250

    Investissements(Mrds de DH) 12,00 10,00 10,00 5,60 6,30 5,20 49,10

    FNT, HCP

    Outre la cration de 160 000 lits additionnels, le plan devait permettre auMaroc, la fin des annes 2000, denregistrer 10 millions darrives interna-tionales (+6 millions par rapport 2001), de raliser 50 millions de nuitestouristiques dans les htels classs (contre 13 millions en 2001), de recevoir80 milliards de dirhams de recettes touristiques (30 milliards en 2001) et de

    crer 600 000 emplois directs et indirects. La Vision 2010 avait donc des objec-tifs ambitieux, la fois sur le plan qualitatif et sur le plan qualitatif. Pour yparvenir, ltat marocain se devait de maintenir une attitude volontariste danslensemble des rles quil stait attribus dans chaque chantier.

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    12. El Yaalaoui M.,2012, Le Maroc est-ildevenu le terrain dejeu des low cost ?Quel impact sur lescompagnies

    rgulires : le casRAM, Organisationmondiale dutourisme, 6e conf -rence sur la gestiondes destinationstouristiques, 16-17avril 2012, Djerba.

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    Les rsultats ingaux de dix annes de politique touristique

    la mise en uvre de la stratgie touristique marocaine nest pas alle sansheurts, et la conjoncture internationale na pas jou en la faveur du pays. Outreles vnements dfavorables au dveloppement touristique (attentats du 11sep-tembre 2001, attentats de Casablanca en 2003 et de Marrakech en 2011), leMaroc, comme les autres pays du Sud de la Mditerrane, a subi les effetsngatifs de la crise conomique et financire mondiale, qui a frapp les prin-cipaux pays metteurs de touristes et entran une baisse de leurs dpensestouristiques. En dpit de ces difficults, les moyens dploys par ltat maro-cain et les acteurs privs associs la stratgie ont permis dinitier un dve-loppement touristique et une croissance sectorielle relativement satisfaisantsau regard des objectifs poursuivis. Le nombre darrives internationales a frl

    lobjectif initial daccueillir 10 millions de touristes en 2010, puisque 9,3 mil-lions darrives ont t enregistres cette anne le Maroc inclut les Marocainsrsidents ltranger (MRE) dans ses statistiques du tourisme international.Les recettes touristiques ont atteint 56 milliards de dirhams en 2010, portant 440 milliards de dirhams le total des recettes du pays entre 2001 et 2010, soit82 % du total espr. Les rsultats des chantiers ont t les suivants.

    Chantierproduit. Avec un taux de croissance de 6,6 % entre 2001 et 2010, lacapacit dhbergement du Maroc a atteint 173 000 lits en 2010, rpartis dans2003 tablissements, soit environ 75 % des objectifs initiaux (fixs 230 000 lits). Ce sont les segments haut de gamme qui ont connu la meil-

    leure croissance (les htels 4 et 5 toiles reprsentent 43 % de loffre de lits en2010). Cet cart sexplique en grande partie par les difficults du Plan Azur,dont les stations prsentent un taux de ralisation assez bas. Ces raisons tien-nent autant la dfection de certains investisseurs, pour des motifs divers(faillite de Fadesa, retrait de Colony Capital aprs la crise financire, etc.), qudes retards dans le plan daction de ltat (amnagement hors site, dvelop-pement de lignes ariennes, etc.). En 2012, seules les stations de Sadia, deMogador et de Mazagan taient (partiellement) oprationnelles.

    Chantier transport. Ce chantier a t marqu en premier lieu par la libralisa-tion effective du secteur arien, officialise par lentre en vigueur de laccordOpen Sky avec lUnion europenne le 12 dcembre 2006. Cet accord aentran un accroissement des flux, car il a permis la massification des vols lowcostprovenant de lensemble des pays europens destination du Maroc. Entre2005 et 2011, le nombre de liaisons low costreliant le Maroc lEurope a aug-ment de 507 %, ce qui rvle la forte demande existant dans ce segment dutransport arien en 2011, 21 compagnies low cost opraient sur le territoiremarocain. La corrlation entre la croissance des arrives touristiques interna-tionales et la libralisation du transport arien est un autre indice du succsde cette rforme : les arrives internationales ont cr de 6 % par an enmoyenne sur la priode 2001-2005, et de 12 % par an en moyenne sur la

    priode post-Open Sky (2006-2011)12.

    Chantier marketing, communication, commercialisation. Conformment lobjectif fix, la rforme de lONMT a t mene, conduisant un recentragede son activit vers la fonction de promotion. LOffice a notamment dvelopp

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    une stratgie de diversification des marchs cibles (dont les pays dEurope delEst et la Russie), et investi dans le-marketing. En 2010, lONMT a t dotdun budget de 500 millions de dirhams (contre 170 millions en 2000).

    Chantier organisation institutionnelle. Ce chantier a conduit une restructura-tion des services publics du tourisme. Avec le repositionnement de lONMT,la transformation de la Direction des amnagements et des investissements(DAI) en la Socit marocaine dingnierie touristique (SMIT), ddie exclu-sivement au dveloppement des produits touristiques, fait partie des princi-pales actions. Par ailleurs, un Observatoire du tourisme a t cr, pour assu-rer la collecte et lanalyse des informations sur le secteur touristique(statistiques, stratgies, etc.). Enfin, les associations professionnelles natio-nales et rgionales ont t renforces, notamment sur le plan juridique. La

    principale faiblesse de ce chantier concerne la dcentralisation. Faute de bud-gets suffisants, et cause de problmes de gouvernance locale, les Conseilsrgionaux de tourisme (CRT) ont chou donner aux rgions une vritableautonomie en matire de dveloppement touristique.

    Chantierformation. Loptimisation du dispositif national de formation auxmtiers du tourisme a t poursuivie, par la restructuration des filires et lim-plantation de programmes spcifiques (mtiers de laroport, formation conti-nue, etc.). Dans lensemble, les rsultats de ce chantier apparaissent insuffi-sants, tant sur le plan quantitatif (dficit demploys forms) que sur le planqualitatif (insatisfaction des professionnels, manque de coopration public-

    priv, etc.).

    Chantier environnement touristique. Ce chantier, qui concerne la lgislation etle financement, est marqu par la lenteur des rformes entreprises, due lalourdeur des procdures administratives, et par la persistance dune activitinformelle et de dfaillances qui nuisent limage du pays et aux investissements(hbergement informel, transports vtustes, mauvais tat des sites, etc.).

    sur le plan macro-conomique, la dynamique de la croissance touristiquesest affirme nettement : le PIB touristique est pass de 28 milliards dedirhams en 2001 50 milliards de dirhams en 2009, ce qui correspond untaux de croissance annuel moyen en valeur de 8,4 %. En 2010, le tourismecomptait pour 6,8 % dans la formation du PIB marocain. En revanche, dansles quatre rapports institutionnels fournissant des donnes quantitatives surle dveloppement touristique, la question de la cration des emplois touris-tiques est passe sous silence. Aucun ne fait tat du taux de ralisation delobjectif de crer 600 000 emplois directs et indirects entre 2001 et 2010.Comme le montre le bilan des ralisations, ce nest pas tant sur le plan quan-titatif que les principales difficults ont t rencontres, que sur celui de lagouvernance. La refonte de la gestion du tourisme impliquait une rorgani-sation et une re-rgulation sectorielle tellement vaste quelle constituait nces-

    sairement une gageure pour un pays comme le Maroc, o les blocages admi-nistratifs, les contraintes rglementaires et les enjeux de pouvoir agissentcomme autant de rsistances au changement, surtout dans un dlai aussicourt que celui fix par la Vision 2010. Toutefois, et bien que les objectifs dfi-nis en 2001 naient pas t atteints dans leur totalit, les accomplissements et

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    13. Ds 1999, ltatmarocain a tabli desconventions dinves-tissement portant surla cration dtablisse-ments avec de grandsoprateurs touris-tiques, comme SolMelia (2000 lits, en1999) et Fram(3200 lits, en 2000).Cf. Hillali M. (2007),La politique dutourisme au Maroc,lHarmattan, Paris,p. 163. Par ailleurs,dans la priode 2001-2010, 68 projets ontt conventionns,totalisant 98 milliardsde dirhams dinvestis-sements et portantsur la cration de84 000 lits et de54000 emplois.

    14. Voir par exemple :www.lagazettedumaroc.com/

    articles.php?r=5&sr=957&n=461&id_artl=9193.www.lexpress.fr/actualite/monde/afrique/maroc-l-empire-accor_1106838.html.

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    les rsultats obtenus laissent penser que le pays a su faire face au dfi dunemise en tourisme acclre. Avant danalyser les modalits de la mise enuvre de la Vision 2010, en se concentrant sur le rle des firmes touristiquesdans les transformations quantitatives et qualitatives quelle a entranes, ilconvient de prsenter la manire dont ces acteurs ont t mis contribution,et selon quelle gouvernance.

    La mobilisation des firmes touristiques dans la Vision 2010

    aprs des dcennies dtatisation du secteur touristique, la Vision 2010devait sonner la rconciliation du tourisme marocain et des entreprises pri-ves. Cest principalement dans le cadre du Plan Azur mais pas seulement13

    que ce renouveau devait se concrtiser. Les conventions portant sur la cra-tion des stations mobilisaient une multitude dacteurs privs internationaux(TABLEAU 2), qui tous les moyens allaient tre donns pour que les projets seralisent. Les engagements de ltat taient ceux dfinis dans les diffrentschantiers (lindispensable libralisation du transport arien notamment) etceux inclus dans les conventions (la construction dinfrastructures hors site parexemple). Ils prenaient galement la forme de mesures incitatives censesconvaincre les oprateurs trangers dinvestir massivement. Les groupes tou-ristiques ayant investi au-del dun seuil minimum de 200 millions dedirhams ont ralis leurs projets dans le cadre de conventions dinvestisse-ment avec ltat. Le rgime conventionnel auquel ils ont accd compor-

    tait de nombreuses incitations linvestissement : exonration des droits dim-portation pour les biens dquipement touristique, exonration pendant cinqans de limpt sur le chiffre daffaires ralis en devises, etc. Il accordait parailleurs dimportants avantages fonciers : cession de terrains bruts des prixcomptitifs (50 % maximum du prix de revient) et ralisation par ltat desinfrastructures hors site (TABLEAU3). En change de ces appuis, linvestisseurtouristique devait sengager crer un nombre minimum prdfini demploislocaux, raliser lensemble des infrastructures in situ prvues dans le projet, assurer la commercialisation et la promotion des biens, et respecter uncertain nombre de critres dexploitation (environnementaux notamment).

    Si lon ajoute ces dispositions les autres avantages concds par la chartede linvestissement aux amnageurs-dveloppeurs, comme par exemple lergime de convertibilit, qui garantit aux entreprises trangres ayant ralisdes investissements en devises lentire libert pour le transfert des bnficesnets et le transfert du produit de cession ou de liquidation totale ou partielle de lin-vestissement, y compris les plus-values (article 16), on constate que les condi-tions daccueil des firmes trangres taient pour le moins gnreuses. telpoint que ces conditions ont pu faire figure de faveurs14, dont loctroi devaitbeaucoup la collusion de leurs bnficiaires avec les autorits et les milieuxdaffaires marocains. Quoi quil en ait t, ces incitations ont eu pour effet depriver ltat marocain dun certain nombre de recettes lies au dveloppement

    touristique, tant sur le plan foncier que sur le plan de la construction et delexploitation des tablissements, o les exonrations dimpts taient enga-ges long terme. En clair, il tait ds le dpart entendu que les firmes tou-ristiques et les socits dinvestissement trangres ne contribueraient pas audveloppement du Maroc par la voie de la fiscalisation.

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    TABLEAU3 Mesures incitatives en faveur de linvestissement dans le secteur touristiqueRgime gnral Rgime conventionnel

    Exonration des droits dimportation pour tous les biens dquipement ncessaires Avantages du rgime

    pour la promotion et le dveloppement du projet. gnral. Exonration de la TVA sur les biens dquipement, matriels et outillages acquis au Maroc +pendant une dure de 24 mois compter de la date du dbut dactivit de la socit. Prise en charge des Exonration de la TVA limportation pour une dure de 36 mois pour les biens amnagements hors site.dquipement, matriels et outillages acquis limportation. Cessions foncires Exonration totale de limpt sur les socits pour le montant du chiffre daffaires ralis bas cot.en devises, pour une priode de 5 ans aprs la premire opration dhbergement effectue Avantages additionnelsen devises. Rduction de 17,5 % au-del de cette priode. (en fonction des projets). Exonration totale de limpt sur le revenu pour le montant du chiffre daffaires ralis endevises par les entreprises htelires pendant 5 ans. Rduction de 50 % au-del de cette priode. Rgime de convertibilit garantissant lentire libert de transfert des bnfices netsdimpts sans limitation de montant, ni de dure, ainsi que le transfert du produit de cessionou de liquidation totale ou partielle des investissements, y compris les plus-values.

    Invest in Morocco (www.invest.gov.ma)

    Cet tat de fait peut prter aux commentaires les plus critiques, maislanalyse de la stratgie marocaine et de sa gense montre que jamais ltat nesest cach de cet arrangement. La Vision 2010 correspondait une politiquetouristique, mais elle se voulait avant tout une politique de dveloppement etde lemploi. Laccord cadre qui a officialis la Vision 2010 prcisait que le tou-risme tait rig en priorit conomique nationale pour ses effets dynamisantssur les principales variables macro-conomiques (emplois, croissance, quilibresexternes et investissements), ses effets dentranement sur les autres secteurs de lco-nomie nationales et ses effets structurants sur le tissu industriel des pme-pmi, lam-

    nagement du territoire, les populations locales et le monde rural. Les proccupa-tions de ce document ntaient donc pas proprement touristiques. Cetteapproche sexplique par le contexte dans lequel la stratgie a t labore. lafin des annes 1990, le Maroc savait que son industrie serait confronte desdifficults prochaines, en raison de la concurrence de la Chine, de lAsie duSud-Est et des autres pays de la rive sud de la Mditerrane (dmantlementdes accords multifibres, sous-traitance, etc.). La ncessit de mener des chan-gements structurels susceptibles de compenser les destructions demplois aconduit le pays mener une politique de dveloppement touristique denver-gure. Le contrat pass avec les firmes trangres navait rien dasymtrique :il sagissait bien de concder des avantages fiscaux, mais en change de lacration de nombreux emplois directs, quon esprait quintupler par lesemplois indirects (200 000 emplois prvus rien que pour le Plan Azur). Ainsi,la station de Sadia, o 48000 emplois directs et indirects taient attendus, at conue comme la locomotive du dveloppement conomique de lOriental.

    Par ailleurs, compte tenu de linexprience des Marocains en matire detourisme, le pays avait besoin de recourir des dveloppeurs aptes la fois structurer et prenniser loffre et la demande, dun bout lautre de la chanede production. Lassociation, au sein des conventions, de grands investisseurs(Fadesa, Risma-Accor, Colony Capital, etc.) et exploitants touristiques (Accor,Barcelo, Satocan, etc.) montre que lobjectif tait de faire appel aux spcialistes

    mondiaux de la mise en tourisme, selon une approche de partenariat public-priv o ltat semploierait tenir ses engagements de coopration avec lesentreprises. Base sur la confiance des autorits dans la capacit des firmes remplir leur part du contrat (la cration de loffre et de lemploi, et lapport deflux), cette coopration se voulait rsolument gagnante-gagnante.

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    15. Page S., 2001,Gateways, Hubs andTransport: Intercon-nections in SoutheastAsia: Implications fortourism Developmentin Twenty-firstCentury, in Teo P.,Chang T. et Ho K.,Interconnected Worlds:Tourism in SoutheastAsia, Pergamon, coll.Advances in TourismResearch Series ,Oxford.

    16. Ibid.

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    Les firmes touristiques ont t sollicites pour leur capacit produire deseffets structurants sur le march touristique marocain, et pour leur capacit assurer la distribution du produit Marocen Europe. Sur le plan de la gou-vernance, les autorits ont pay de quelques revers le choix de laisser le champlibre aux grands groupes touristiques internationaux, qui ne seront pas dtail-ls ici : dfections dinvestisseurs face aux difficults conjoncturelles, influencedominante des firmes au dtriment des petits investisseurs locaux, etc. Pourautant, laction des firmes semble bien avoir produit les effets attendus, tantsur la structuration du territoire touristique que sur le dveloppement du sec-teur, comme le montreront les deux parties suivantes.

    Les effets de structuration des firmes touristiquesles effets de structuration correspondent la contribution des firmesau processus de maillage du territoire touristique marocain et au rle quellesjouent dans son insertion dans le march international du tourisme. Ils sana-lysent la fois dans les stratgies et les dynamiques de localisation des firmes,dans la manire dont elles dirigent les flux metteurs vers ce territoire et dansla manire dont leur activit favorise, par catalyse, la densification de loffre tou-ristique locale.

    Les firmes et la structuration de loffre

    le rle des firmes dans la structuration territoriale du tourisme marocainsobserve travers leurs choix de localisation, qui contribuent une polarisa-tion du territoire touristique. Elles favorisent un dveloppement touristique parpoints dentre (gateway tourism), caractristique des pays du Sud. Comme cesderniers ne bnficient pas dun maillage dinfrastructures ni dune intgra-tion nationale suffisants, le tourisme sy dveloppe dabord dans des ples,qui disposent gnralement dun aroport international et qui concentrent lamajeure partie des arrives internationales. Ces points dentre font fonctionde hub touristique, partir desquels les flux se redistribuent et se diffusent surle territoire environnant. Cette premire phase du dveloppement touristiquedonne naissance des rgions mtropolitaines tendues, qui correspondent des entits territoriales structures par larticulation dun hub et de corridors detransport qui dterminent lorganisation spatiale de lactivit conomique 15.

    La force dattraction de ces points dentre est primordiale pour les firmesdu tourisme de masse, qui doivent se localiser dans des zones qui non seule-ment sont attractives et desservies par le transport arien, mais aussi disposentdune masse critique doffre de main-duvre, de services, de fournisseurs etde logistique. Hormis les entreprises pionnires, les firmes touristiques qui

    simplantent dans les pays du Sud investissent dabord dans des destinationsrattaches un hub et une porte dentre rgionale16, et o loffre est dense.Ce nest quune fois les bases principales consolides que les firmes se lancentdans la diversification des destinations et le dveloppement de ples secon-daires.

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    CARTE1 , TABLEAU 4 Progression du maillage des htels Accor au Maroc

    Dcembre 2012. Tous droits rservs : Pierre Besnard

    1997 2002 2008 2012 1997 2002 2008 2012

    Marrakech 2 3 4 7 Tanger 2 3 2

    Casablanca 1 2 4 5 Mekns 1 1 1Agadir 2 3 3 4 Essaouira 1 2 3

    Rabat 1 2 2 4 Fnideq 1 1 1

    Fs 1 2 2 2 Ouarzazate 2 2

    Ttouan 1 1 1 1 El Jadida 1 2

    Oujda 1 1 1 1 Total 8 19 26 35

    Accor

    Le Maroc, bien quil affiche un faible niveau de dveloppement, disposede 16 aroports internationaux et de 13 villes de plus de 200 000 habitants,dont la plupart prsentent un fort potentiel touristique. Mais la dynamique

    du dveloppement par points dentre y a prvalu, comme le montre la rpar-tition du nombre de lits dans les principales destinations touristiques(TABLEAU4). La stratgie dimplantation dAccor au Maroc en tmoigne : legroupe, qui faisait partie ds le dpart des grandes firmes sollicites par ltatmarocain pour la mise en uvre de la Vision 2010, est aujourdhui le princi-

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    17. www.accorhotels.com

    18. Hillali M., 2007,op. cit., p. 139.

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    pal exploitant htelier du pays, avec 35 units en 2012, qui maillent la majeurepartie du territoire. Lanalyse de lvolution gographique de ce maillage (CARTE1)montre que si son offre sest dploye de manire progressive, elle sest sur-tout dveloppe dans deux grands ples du tourisme de loisirs (Marrakech etAgadir) et dans un grand ple du tourisme daffaires (Casablanca), qui concen-trent prs de la moiti des units. Le dploiement de la chane dans les plessecondaires a t plus tardif, avec six implantations ralises dans les annes2000. Accor a particip la structuration des stations du Plan Azur Essaouira-Mogador et Mazagan (El Jadida), et a difi des htels dans presque toutes lesdestinations secondaires : Rabat, Tanger, Oujda, Ttouan et Fnideq pour letourisme daffaires, les villes impriales (Fs, Mekns, Rabat) et Ouarzazate,porte du dsert17. Au total, la firme a contribu la structuration htelirede lensemble du territoire marocain, dans tous les crneaux (tourisme de loi-

    sirs, tourisme daffaires, tourisme culturel, tourisme domestique).TABLEAU5 Offres de sjour au Maroc dans le catalogue 2012 de cinq grands tour-oprateurs europens

    Travelplan (Espagne) Marmara (France) Thomson (Royaume-Uni) TUI (Allemagne) Neckermann (Hollande)

    Marrakech 20 9 2 11 8

    Agadir 8 7 5 12 11

    Essaouira 4 3 3 1 1

    Tanger 4

    Sadia 2

    Ouarzazate 1

    Travelplan, Marmara, Thomson, TUI, Neckermann

    Les tour-oprateurs participent eux aussi la polarisation du territoiretouristique travers la commercialisation et la distribution des produits tou-ristiques. Loffre de sjour des grands TO gnralistes europens est essen-tiellement concentre Marrakech et Agadir. Elle dborde progressivement surEssaouira (TABLEAU5). Dans ces ples, leur rle nest pas seulement dalimen-ter en flux les htels partenaires. La plupart dentre eux ont investi directe-ment sur le territoire marocain, soit par le biais de joint-ventures avec des par-tenaires locaux, soit par franchisage, soit par louverture dun tablissement.Les produits phares de ces TO sont les clubs de vacances (Club Marmara, ClubRobinson, Club Mditerrane), mais ils sassocient galement avec diffrentesmarques htelires, trangres et marocaines. Pour le tourisme de sjour dansles destinations secondaires, les consommateurs sont tenus de passer par desoprateurs certes gnralistes, mais positionns sur des crneaux plus sp-cialiss, mme si leur activit engendre un tourisme de masse, comme legroupe franais Fram (offre htelire Ouarzazate) et le groupe allemand FTIgroup (offre htelire Fs et Casablanca). Ces destinations secondairessont desservies par les tour-oprateurs dans les circuits plus ou moins origi-naux quils commercialisent, celui des villes impriales constituant la variantede base de ces produits. Comme le dveloppement htelier, le dveloppementdu tourisme itinrant de type circuit ou excursion est dtermin par loffre

    logistique locale. Le succs du circuit des villes impriales repose, depuis leurmise en exploitation dans les annes 1960, sur des facteurs de scurit (secou-risme et dpannages rapides), dhygine (restauration, hbergement) et danima-tion spontane offerte par la vie quotidienne (mdina de Fs, Jama el Fna Mar-rakech, Moussems)18.

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    Les firmes et la structuration de la demande

    les firmes touristiques nont pas seulement un rle dans la structurationde loffre. Etant donn leur place dans la distribution du tourisme internatio-nal, leur influence est tout aussi forte sur la structuration de la demande. Enplus de leur taille, qui leur donne des capacits dinvestissement considrables,elles disposent dau moins trois avantages comptitifs dans la course mon-diale la commercialisation du tourisme. Le premier est leur marque, ou ven-tuellement leur portefeuille de marques. Dans lindustrie htelire, ces marquessont gages de qualit, de standardisation et de scurit ; dans le tour-operating,elles sont porteuses de la valeur ajoute des voyagistes, cest--dire de la mis-sion de rassurance quelles remplissent auprs des touristes (fonction de recom-mandation et de certification). En suscitant la confiance et la fidlit de la clien-

    tle, elles favorisent linternationalisation du tourisme, car elles permettentaux voyageurs de garder leurs repres en terre inconnue. Le deuxime avantage,indissociable du premier, est le savoir-faire de ces firmes, qui partout sontcapables de fournir aux consommateurs un service de qualit, le plus souventen rfrence aux standards les plus levs qui sont utiliss dans le pays dori-gine de la firme. Leur troisime avantage comptitif est leur fort degr din-tgration dans les rseaux de distribution, notamment dans les rseaux inter-firmes (par exemple, RIU et TUI). Sur ces trois avantages repose une capacit mobiliser et drainer des flux touristiques colossaux, dans le monde entier.

    La structuration de la demande par les firmes est un processus complexe,dans lequel intervient toute la diversit conomique et sociologique quim-

    plique la multiplicit des marchs sources. Lessor touristique du Maroc adonn loccasion de voir de quelle manire la demande internationale seststructure sous limpulsion des firmes. Si le groupe Accor, leader europen delhtellerie, parvient polariser une clientle en provenance de tous les mar-chs metteurs dEurope occidentale (tous les grands tour-oprateurs de cespays commercialisent des sjours dans les htels de la chane), les autres op-rateurs ont apport une clientle plus circonscrite. Cest le cas du Club Mdi-terrane, dont les clients sont essentiellement franais et belges (TABLEAU6), etde la chane htelire espagnole RIU, qui sest positionne sur les marchsdEurope du Nord. Fonde Majorque en 1953 et spcialise dans le tourismebalnaire de masse, RIU sest dabord dveloppe sur les les Balares, o pen-dant trois dcennies, elle a fidlis une nombreuse clientle anglaise et alle-mande. Lorsque le groupe sest internationalis, partir de 1993, ces touristessont demeurs fidles, continuant de frquenter les htels RIU hors dEs-pagne. Cest le groupe TUI, dont la chane est depuis 2002 lun des principauxactionnaires, qui a organis le dispatching international de cette clientle versleurs htels favoris. Dans la deuxime partie des annes 2000, face aux diffi-cults du Maroc attirer les touristes allemands et anglais, TUI, qui venait defusionner avec le gant anglais First Choice, a favoris la venue de ces tou-ristes en acclrant le dveloppement de la chane, qui compte aujourdhuisix units. La stratgie sest avre efficace : la moiti de loffre de sjour pro-

    pose par Thomson, filiale britannique de TUI, est celle des htels RIU, lequart de loffre pour TUI Allemagne. Bien plus, afin dexploiter lefilon Mar-rakech sur le march anglais et allemand, la chane a mme difi deux uni-ts dans cette ville, qui demeurent aujourdhui les deux seuls htels RIU nonbalnaires, sur plus de cent tablissements travers le monde. Cette combi-

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    19. Atout France,2011, Tourisme etdveloppement durable,de la connaissance desmarchs lactionmarketing, Paris,p. 59.

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    naison stratgique des marques orchestre par TUI et RIU, qui a contribu la structuration des flux britanniques et allemands au Maroc, montre com-ment ces groupes russissent mettre en valeur leur connaissance fine dumarch. Cette matrise leur donne une capacit dorientation et de rpartitiondes flux touristiques lchelle mondiale.

    Pour les territoires touristiques, cette capacit dorientation nest pasbnfique seulement pour les apports de flux quelle engendre. La sociologiedes touristes europens montre quil existe, en ce qui concerne les pratiques,les motivations et les comportements qui prvalent au sein des socits met-trices de touristes, des diffrences trs nettes entre les nationalits et entre lesgroupes sociaux. Pour le Maroc comme pour tous les pays touristiques, levolume des arrives internationales par nationalit varie en fonction de nom-breux paramtres, comme la proximit gographique et culturelle du pays

    metteur, lorganisation des rythmes scolaires, la structure de la pyramide desges, le pourcentage de touristes voyageant avec un tour-oprateur, etc. Cettesegmentation a des incidences sur la rpartition gographique et saisonniredes touristes europens frquentant le Maroc, et sur le type doffre que chaquenationalit est susceptible de privilgier. Comme le montre le TABLEAU 5, lestour-oprateurs des pays dEurope du Nord commercialisent davantage desjours Agadir qu Marrakech, alors que cest linverse pour les tour-op-rateurs dEurope du Sud. De mme, Alpitour, le principal tour-oprateur ita-lien, propose seulement des sjours Marrakech et aucun Agadir. Ces obser-vations suggrent que lhliotropisme balnaire lemporte dans les choix devacances des Allemands et des Anglais faisant appel aux voyagistes, tandis

    que pour les Franais, les Espagnols et les Italiens, laspect dcouverte inh-rent au produit marrakchi prvaut. Le rle de la segmentation par nationalitest lavenant pour chaque produit touristique : loffre de croisire attire plusde touristes anglo-saxons (TABLEAU 7), loffre de nature plus de touristes alle-mands19, etc. Le jeu des nationalits des grandes firmes europennes influedonc sur la distribution des flux sur le territoire touristique marocain.

    TABLEAU6 Origine des touristes frquentant les villagesClub Mditerrane

    2007 2008 2009 2010 2011

    France 560 594 531 504 502

    Belgique 101 107 95 92 93Royaume-Uni 28 31 35 39 43

    Italie 63 59 47 42 33

    Suisse 30 32 27 27 28

    Autre Europe 118 132 113 107 105

    Amriques 217 211 192 196 220

    Asie 207 195 188 212 221

    Total 1 324 1 361 1 228 1 219 1 245

    Club Mditerrane, Rapport annuel 2011

    TABLEAU7 Nationalit des touristes europens effectuant descroisires (2005)Royaume-Uni 34,6 % Italie 14,9 % France 7,0 %

    Allemagne 20,3 % Espagne 11,2 % Autres 12,0 %

    Plan Bleu, 2007

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    Les firmes jouent enfin un rle de captation et de structuration cono-mique des flux chappant aux rseaux traditionnels de distribution. Au Maroc,Voyageurs du Monde a mis en place une exprience innovante de conqute destouristes individuels souhaitant dcouvrir le pays dans le cadre de circuits oude sjours, mais en saffranchissant du tour-operating europen. Maroc surMesure est une filiale de Voyageurs du Monde. Depuis limplantation dugroupe au Maroc en 2002, elle fait office dagence rceptive, en charge dor-ganiser les packages sur mesure commands par les clients de lensemble desmarques du groupe. Suite une tude de march, qui a montr quil existaitune demande de touristes europens pour une offre strictement locale, lafiliale a dvelopp une nouvelle marque, tapes marocaines, proposant tra-vers son site Internet un ensemble de produits et un service doffres surmesure commercialiss sans intermdiaire, conus et achets sur le territoire

    marocain uniquement. Lagence peut ainsi faire valoir son professionnalismede standard europen, qui rassure les clients site Internet moderne, paie-ment en ligne, correspondance sans fautes dorthographe, etc. sans pourautant les tromper : certes la part de march capte par la filiale accrot le chif-fre daffaires global de Voyageurs du Monde, mais les recettes engendres res-tent au Maroc, car elles sont destines la consolidation et au dveloppementde lentreprise locale. Cette dernire peut ainsi multiplier les produits et accro-tre leur frquentation, employer plus de salaris, solliciter plus de prestataires,et au final, mieux contribuer au dveloppement local, tout en renforant lacomptitivit de la maison-mre sur la destination Maroc et en amliorant sasant financire.

    Les firmes parviennent capter un autre segment clat : le tourisme desMarocains rsidents ltranger (MRE), qui compte pour prs de 47 % dutourisme international au Maroc en 2010, avec 4,4 millions de visiteurs. CesMRE, qui se sont progressivement intgrs dans les socits europennes,ont modifi leur manire deffectuer des visites dans leur pays dorigine. Moinsdisposs sjourner dans les maisons familiales, moins aptes communi-quer avec leurs familles du fait de la moindre pratique de larabe, ces touristessont de plus en plus nombreux loger lhtel lors de leur visite. Par ailleurs,ces visites se font de plus en plus en milieu urbain, soit parce que les famillesrestes au Maroc ont effectu un exode rural, soit parce les MRE sont nom-breux profiter de leur retour pour faire des affaires et faire un passage en ville.Le logement htelier se prtant mieux au tourisme urbain, ces visiteurs sjour-nent dornavant dans des htels, et comme nimporte quels touristes, euxaussi prfrent choisir des marques htelires quils connaissent et dont ils ontlusage dans leur pays de rsidence. Plus de 93% des MRE20 vivent en Europemditerranenne (47 % en France, 13 % en Italie, 10% en Espagne) et auBenelux (13 % aux Pays-Bas, 10 % en Belgique). Leader sur lensemble de cesmarchs ouest-europens, Accor est le principal bnficiaire de cette formede tourisme. Dans le cadre de lopration Assiyahia lance par lOMNT en2007 en vue de valoriser le tourisme des MRE, le groupe franais est la seulechane htelire non marocaine avoir sign une convention avec la Banque

    Centrale Populaire du Maroc, aux cts dAtlas Hospitality, de Kenzi et deTikida, portant sur la cration dune carte de rduction spcialement ddieaux MRE. Le sige dAccor estime rcuprer grce ce double positionne-ment une grande part de cette clientle, bien quelle soit difficile chiffrer.

    20. Haut Commissa-riat au Plan, 2012,50 ans de dvelop-pement humain auMaroc et perspectivespour 2025, Rabat,p. 36.

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    21. La rgion deMarrakech-Tensift-Al Haouz est celle quiconnat la meilleurecroissance depuis ledbut de la Vision2010, avec un taux deannuel moyen de 6%entre 2001 et 2010

    (contre 3,9 % auniveau national). En2009, avec 6,3 mil-lions de nuites, largion de Marrakech-Tensift-Al Haouz estdevenue la premirergion touristique duMaroc (35 % du totaldes nuites au Maroc),devant celle duSouss-Massa-Dra(33 % des nuites),qui comprend pour-tant Agadir etOuarzazate.

    22. Cf. Weigert M.(2012), Le tourisme enTunisie, les dfis lheure de la transitiondmocratique, Paris,Ipemed, NotesdIpemed, n12.

    23. Jean Viard dsignepar dveloppementpost-touristique le caso une destinationtouristique bnficiantdun climat agrablese rvle attrayante,non plus simplementpour les touristes,mais aussi pour lesentreprises, les tu-diants et les retraits.En Mditerrane, celaa conduit audveloppement actuelde la Cte dAzur etde la Catalogne.Lamnagement etlquipementtouristiques de cesrgions et limagepositive dont ellesbnficiaient aprsplusieurs annes defrquentation touris-tique y ont favorisltablissement denombreux migrantsrsidentiels. Cf. ViardJ., 2006, loge de lamobilit, Essai sur lecapital temps libre et lavaleur travail, Paris,LAube, p. 115.

    24. Onze en 2012.www.madein-marrakech.com/fr/golf.html

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    CARTE2 Frquentation touristiquedu Maroc, en nombrede nuites (2010)

    Firmes et concentrationla principale critique adresse aux firmes touristiques quant leurschoix dimplantation, qui dterminent, comme on vient de le voir, aussi bienla localisation de loffre que la localisation de la demande, est quelles contri-buent une polarisation excessive de lactivit, dont ptit Marrakech en pre-mier lieu (CARTE 2). La ville ocre a connu depuis la fin des annes 1990 une crois-

    sance trs leve de son taux de frquentation21, en raison du succs du produitMarrakech dans la plupart des segments (haut de gamme, voyages forfait,tourisme indpendant). Mais la success story semble confiner au filon et lhy-pertrophie, et cette volution entrane son lot dexternalits ngatives. la dif-frence des ples tunisiens de Sousse et de Hammamet, qui ont tir du tou-risme des gains durbanit propices attirer dautres industries22, Marrakechnest pas entr dans un tel processus de dveloppement post-touristique23,aucune stratgie dindustrialisation nayant t associe lessor touristique.Ainsi, le dveloppement fulgurant du tourisme y a caus de nombreuses dsta-bilisations, dabord dordre social et socital : hausse des prix des produits ali-mentaires, des loyers et du foncier, qui entranent exode urbain, artificialisa-tion de la ville, transformation de la gestion municipale, propagation dutourisme sexuel, etc. Les perturbations sont galement environnementales :multiplication des piscines et des golfs24 dont larrosage est hautementconsommateur en eau, dans une rgion semi-aride affecte par une sche-resse chronique, dfiguration des sites, etc. Elles sont enfin conomiques :incidences sur la rentabilit de linvestissement (baisse du taux doccupationdu fait de la saturation concurrentielle), expansion des offres informelles(riads, chambre dhtes) qui chappent la fiscalit du tourisme tout enaccroissant la concurrence, disparition de lagriculture extensive locale, deve-nue foncirement trop chre, etc. Du fait de leur influence sur la localisation

    des flux de masse, tour-oprateurs et hbergeurs internationaux participentactivement la sur-polarisation de loffre et de la demande internationales surMarrakech et, dans une moindre mesure, sur Agadir. Elles contribuent cepen-dant la dconcentration progressive de lactivit touristique, mesure quellesadaptent leur offre aux volutions de la demande internationale.

    Dcembre 2012. Tous droits rservs : Pierre Besnard

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    Un dveloppement en profondeur du territoire touristiquesous limpulsion des firmes ?

    dans les premires phases du dveloppement touristique, les firmes for-ment le point dintersection entre loffre et la demande, jouant la fois le rledamnageur-dveloppeur et celui de pont dacheminement de flux touris-tiques de masse. Le besoin quont les touristes dtre rassurs par les marqueset leurs exigences de qualit aura probablement pour effet de prenniser le rleconcentrateur des grands groupes touristiques, surtout dans un contexte glo-bal de moins en moins scuris (guerres, pandmies, dlinquance, risquesenvironnementaux). La persistance de cette fonction concentratrice ne signi-fie pas pour autant que ces groupes se figent dans un modle immuable. Leschangements qui soprent dans les pratiques (croissance du tourisme dura-

    ble et du tourisme individuel) et dans les lieux touristiques (contexte socitalchangeant) les conduisent constamment remettre en question leurs strat-gies dexploitation et sadapter aux volutions de la clientle et de lenviron-nement local. Le dsintrt progressif pour le tourisme bronzer idiot, lesrevendications thiques des touristes et lavnement dun tourisme de masseautonomis travers le-tourisme constituent des enjeux dterminants pourles firmes. En fonction des pays, cela se traduit par une monte en gamme deloffre, une diversification des destinations disponibles et une meilleure priseen compte des territoires daccueil. Autrement dit, les firmes se font facteursde diffusion du tourisme, en assurant progressivement le relais entre un tou-risme strictement de masse, concentr et dconnect des territoires, et un tou-

    risme mieux rparti, plus spcialis et plus intgr dans lenvironnement local.Ce relais se traduit dabord par le dveloppement de destinations secondaires.Sur le plan de lexploitation, il se traduit soit par le rle de bases que peuventtenir certains tablissements les touristes y dorment mais circulent demanire autonome en journe soit par lorganisation de circuits, ou par lebiais dexcursions plus ou moins encadres.

    Le dveloppement de destinations secondaires au Maroc est troitementli la drgulation du transport arien initie par laccord open skyque lepays a pass avec lUE en 2006. La facilitation du dveloppement de nouvelleslignes ariennes a ouvert des perspectives aux firmes touristiques quant ladiversification de leurs points dimplantation. Le dveloppement des ligneslow costa contribu aux recompositions les plus significatives. En effet, outreleur forte prsence dans les aroports des zones touristiques consacres, cescompagnies prsentent la particularit de sinstaller dans des destinationssecondaires, moins coteuses et plus diffrencies, favorisant de la sorte ladiffusion du tourisme sur le territoire. Louverture du ciel marocain a entranun essor de loffre low costvers le pays, qui a connu depuis 2005, en nombrede siges vendus, une progression annuelle moyenne de 85 % (cf. page 10,Les rsultats ingaux de dix annes de politique touristique). La frquentation desaroports secondaires demeure faible en comparaison de celle des grandesdestinations touristiques comme Marrakech (TABLEAU8 ), mais comme le mon-

    tre lanalyse des taux de croissance annuels moyens sur la priode 2006-2010par rapport ceux de 2003-2006, une dynamique de diversification sembleenclenche. Ce sont dornavant les ples secondaires, comme Fs et Nador(qui assure la desserte de Sadia) qui captent la croissance des flux ariens, tan-dis que Marrakech et Agadir, destinations matures, arrivent saturation.

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    TABLEAU8 volution du trafic dans les principaux aroports marocainsTCAM TCAM

    2003 2004 2005 2006 2003-06 2007 2008 2009 2010 2006-10

    Casablanca 3 395 668 3 803 479 4 456 639 5 071 411 14,3 % 5 858 192 6 209 711 6 392 789 7 245 508 7,3 %Marrakech 1 368 281 1 667 267 2 195 899 2 648 742 24,6 % 3 050 916 3 100 495 2 982 151 3 453 044 4,2 %

    Agadir 975 181 1 160 127 1 313 919 1 433 353 13,7 % 1 497 039 1 455 194 1 446 735 1 627 485 2,8 %

    Fs 128 778 189 027 222 522 228 399 21,1 % 333 929 409 260 530 432 743 018 30,5 %

    Tanger 259 466 256 149 262 698 292 599 4,1 % 374 692 475 695 654 025 767 803 27,0 %

    Nador 81 604 89 287 94 380 110 589 10,6 % 171 239 215 045 307 483 442 508 37,2 %

    ONDA

    Les oprateurs non ariens ont contribu la dynamique de dveloppe-ment touristique de ces ples secondaires. Les firmes ont souvent t asso-cies, dans le cadre de conventions dinvestissement passes avec ltat maro-

    cain, des oprations de valorisation du patrimoine culturel et naturel de cesdestinations. Tel a t le cas pour Atlas Hospitality, qui a financ la rnovationde lentre de la mdina dOujda, o le groupe a ouvert un htel en 2009.

    Les circuits et combins font systmatiquement partie de loffre des tour-oprateurs europens. Mme si le circuit des villes impriales, tradition dutourisme itinrant au Maroc, demeure le principal produit, la tendance est ladiversification de loffre, dans une perspective de diffrenciation. Les innova-tions suivent les volutions du territoire touristique marocain. Les produitstourisme rural et tourisme de randonne, segments pour lesquels ltat a dve-lopp une stratgie cible, apparaissent dsormais dans la plupart des cata-logues des voyagistes (Club Mditerrane, Marmara, TUI, Franco Rosso), fai-

    sant bnficier lAtlas et les zones de Chefchaouen et Taroudant de ces fluxnouveaux. Pour les excursions, on observe un dploiement de plus en plusprofond des itinraires proposs. Cette dynamique a trois causes. Tout dabord,il y a, parmi les touristes frquentant le Maroc, un grand nombre de repeaters,ce qui implique un besoin de diversification des activits proposes locale-ment. Deuximement, la concurrence croissant au fur et mesure que la des-tination gagne en attractivit et donc en nombre doprateurs prsents, il estncessaire pour les firmes de sans cesse se diffrencier de leurs comptiteurs.Enfin, les produits traditionnellement dvelopps par les firmes (resorts, clubsde vacances, complexes hteliers) se rvlent de moins en moins en phaseavec les volutions du tourisme international, o la demande de dcouverteprend progressivement le pas sur les sjours en enclaves touristiques25. Mmedans le tourisme de masse, il existe une pression, manant des consomma-teurs, pour que les oprateurs rendent lenvironnement local plus accessible.Cette volution se traduit non pas par la multiplication des excursions conuespar les firmes, mais par un renversement dans la production de ces presta-tions : les clients sont de moins en moins consommateurs dexcursions toutesfaites, et prfrent dcider eux-mmes des lieux quils vont visiter et des acti-vits quils vont y pratiquer. Au Maroc, le Club Mditerrane, Voyageurs duMonde et Holiday Service (TUI) se sont adapts depuis plusieurs annes cette demande croissante pour une offre sur mesure, plus individuelle, suivant

    la politique de monte en gamme permanente quils poursuivent dans ce pays.Lindividualisation des excursions nentrane pas pour autant une d-massi-fication de cette activit, mais plutt une diversification des itinraires propo-ss et, de ce fait, une redistribution beaucoup plus fine des excursionnistes surles territoires.

    25. Lexpressionenclaves touristiquesdsigne les espacesclos, comme certainshtel-clubs placssous surveillancedans unenvironnementscuris et consacrsexclusivement auxtouristes et auxemploys qui les

    servent. Cf. FreitagTilman G., 1994,Enclave tourismDevelopment: ForWhom the BenefitsRoll?, Annals ofTourism Research 21,538-554.

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    26. Lanter G. et Weil

    A., 2010,Quel tourisme pourles zones reculesdes pays endveloppement?,Revue Secteur privet dveloppement,Proparco, Paris.

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    Le rle des firmes dans ltablissement dune filire locale de tourisme

    les firmes contribuent ldification et la structuration des filires tou-ristiques des pays o elles dveloppent des activits. Lexploitation dun terri-toire par des chanes htelires et des voyagistes de renom entrane toutdabord une consquence intangible sur la structuration de loffre : ltablis-sement de ces firmes provoque gnralement larrive des concurrents, par uneffet dmulation. tant donne la comptition entre les grands groupes mon-diaux, il est extrmement prjudiciable de ne pas tre prsent l o se trouventses rivaux, et de ne pas y proposer une offre au moins quivalente, et au mieuxdiffrencie (cest le cas pour les excursions, un tour-oprateur tant tenu deprsenter ses clients un catalogue aussi attractif que celui de ses concur-rents). Cet enjeu defacingproduit un effet catalyseur sur les territoires, leur

    attractivit tant renforce aussi bien auprs des oprateurs touristiques quau-prs de leurs partenaires et de leurs fournisseurs (tour-oprateurs, compa-gnies ariennes, compagnies de croisires). La dynamique dborde parfois lesecteur du tourisme, appelant des investisseurs non touristiques rassurs parla prsence des grandes marques. Au Maroc, la cration dun village ClubMditerrane Agadir suite au tremblement de terre de 1960 a jou un rlede catalyseur dans le dveloppement ultrieur de la rgion, la prsence duClub Mditerrane ayant servi dindicateur de qualit et de scurit26 aux inves-tisseurs suiveurs.

    Cet effet dmulation saccompagne dun effet dentranement sur len-semble de la filire touristique. Compte tenu des flux de touristes massifs que

    les firmes multinationales sont en mesure de drainer sur un territoire, et dela ncessit qui en dcoule que se dveloppe une offre locale de services, lim-plantation des grands groupes est favorable la constitution, au niveau local,dune chane de valeur toffe. Au Maroc, la faveur de la politique de dve-loppement touristique, un grand nombre dentreprises de tourisme ont vu lejour travers des partenariats avec des firmes trangres, tandis que cellesqui prexistaient la Vision 2010 se sont considrablement renforces. Cestnotamment le cas des deux grandes chanes htelires marocaines, Atlas Hos-pitality et le groupe Kenzi, fondes respectivement en 1968 et en 1988. Cesgroupes ont tir parti des contrats dallotement quils ont passs avec la plu-part des grands tour-oprateurs europens, dans tous les pays dEurope. Certesces entreprises sont lorigine strictement marocaines et se sont constituesde manire autonome, sans appui extrieur. Mais lassociation avec les tour-oprateurs a acclr leur dveloppement et facilit llvation du niveau deleurs prestations. Dabord parce quelles ont eu accs aux rseaux de distri-bution les plus performants dEurope. Ensuite parce que leur association avecles grands noms du tour-operating a jou en leur faveur en accroissant leurnotorit. Enfin, ces groupes ont bnfici de la coopration technique destour-oprateurs commercialisant leurs chambres. Ces chanes oprent aujour-dhui sur lensemble du territoire marocain, dans les segments du tourismede loisirs, du tourisme daffaires et du tourisme de bien-tre. elles deux,

    elles totalisent 28 tablissements, 9 000 lits et 3 200 employs en 2012. Parailleurs, leur expertise du domaine de lhtellerie a avanc dun cran dans lesannes 2000, puisque les deux groupes se sont lancs dans le franchisage, cequi tmoigne du succs de leur marque, tant auprs des clients que des tour-oprateurs.

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    Une autre catgorie dentreprises locales a bnfici des partenariats avecles firmes trangres : les agences rceptives. Ces oprateurs, trs intgrsdans le terrain, ont pour mission dorganiser le sjour des touristes leur sor-tie de lavion ou du bateau de croisire (transport jusqu lhtel, excursions,etc.). Pour les tour-oprateurs qui sassocient eux, leur valeur ajoute reposesur la logistique et sur leur capacit de grer les flux massifs de touristes quilsrceptionnent tout en faisant face aux imprvus (retards, annulations, der-nires minutes). Cette responsabilit soumet les rceptifs rude preuve enmatire de professionnalisme, et explique le fait que leur collaboration avec lestour-oprateurs est gnralement troite ils passent dailleurs avec eux descontrats dexclusivit qui leur interdisent de prendre en charge les clients devoyagistes concurrents. Tel a t le cas de lentreprise Holiday Service et deTUI. Pendant prs de trente ans, lagence marocaine a t associe 50 %

    avec le groupe allemand, qui la finalement rachete en 2008. Ces collabora-tions sont loccasion pour les agences locales de se dvelopper, car la scuritfinancire que leur apportent les contrats avec les grands groupes leur per-met de dgager dimportantes capacits dinvestissement. Le groupe AtlasVoyages, fond en 1964, est le rceptif de Marmara au Maroc depuis les annes1990. Par ce partenariat, lagence est passe dune activit de 25 30 clientspar semaine en 1975 plus de 5 000 la fin des annes 2000. Pour faire face cette croissance, elle a t tenue dinvestir la fois dans les ressourceshumaines, par le recrutement de cadres, et dans les quipements, notammentpar la cration dune socit dautocars, Atlas Rider. En 2012, cette dernirepossde 120 vhicules, grs par un logiciel de rservation qui couvre len-

    semble du territoire marocain. Ces dernires annes, Atlas Voyages a ralisun chiffre daffaires annuel moyen de 50 millions de dirhams. Fin 2011, ilemployait 450 personnes, dont 30 % de cadres, plus 50 ingnieurs dont lamission est dadapter lagence aux nouvelles technologies.

    Les effets de dveloppement des firmes touristiques

    les effets de dveloppement correspondent la manire dont les firmesinfluent, directement et indirectement, sur le niveau de dveloppement dusecteur touristique et sur son poids dans lensemble de lconomie. Ces effets,bien quils sinscrivent dans une dynamique quantitative, induisent pour les-sentiel des changements qualitatifs. Ils concernent aussi bien la connexiondu secteur touristique aux autres secteurs de lconomie, que la normalisa-tion, la formalisation et la professionnalisation du tourisme marocain.

    Les effets dentranement sur lconomie marocaine

    leffet dentranement, ou effet multiplicateur, postule que les achatsde biens et de services une entreprise entranent dautres achats dautresentreprises, et ainsi de suite. Concrtement, il se traduit par un accroissementde la production connexe au tourisme (agro-alimentaire, textile, etc.) et parune augmentation du nombre demplois un emploi direct entranerait la

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    27. Haut Commis-sariat au Plan, 2007,Tourisme 2030, Quellesambitions pour leMaroc, Prospective2030, Rabat.

    28. Berriane M., 2011,

    Profil de durabilitdans quelques desti-nations touristiquesmditerranennes,La destination dulittoral de Ttouan auMaroc, Plan Bleu,Sophia Antipolis.

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    cration de un trois emplois indirects ou induits selon les pays. La porte deleffet dentranement dpend essentiellement de loffre locale en fournisseurset en prestataires de services, et de la varit des connexions intersectoriellesqui peuvent stablir. Au Maroc, la dcomposition de la production touristiqueen 2005 montrait que 34,5 % de la consommation touristique relevait dacti-vits connexes ou autres27. Les firmes touristiques, qui drainent des flux mas-sifs de consommateurs au sein de grandes infrastructures htelires, et le plussouvent en diffrentes parties du territoire dimplantation, effectuent desachats aussi diversifis en produits quen points de vente. Par ailleurs, quandles produits sont disponibles localement et satisfaisants sur le plan de la qua-lit, les firmes favorisent lachat local, gnralement meilleur march, et quileur permet de saffranchir des cots dimportation. Pour ces deux raisons,on peut aisment faire lhypothse que les firmes, du fait de la nature de leur

    commerce (tourisme de masse) et des objectifs stratgiques qui sont les leurs(politique de qualit, conomies dchelle et rduction des cots), sont struc-turellement favorables lachat local, et engendrent de ce fait dimportantseffets dentranement sur les territoires o elles simplantent.

    Ces effets dentranement peuvent prendre plusieurs formes, en fonc-tion du stade de dveloppement touristique, et du lien plus ou moins direct quiexiste entre le tourisme et lactivit conomique qui bnficie des retombes.Dans une premire phase, ce sont les fournisseurs des structures dhberge-ment en produits de base (agro-alimentaire, picerie, cosmtique, textile, etc.)qui tirent profit du march naissant du tourisme et de lapport de nouveauxconsommateurs. Mais compte tenu de la ncessit pour les firmes de raliser

    des conomies dchelle, les bnficiaires sont avant tout les centrales dachat,seules structures mme de fournir les quantits requises dans lexploitationdu tourisme de masse. Ces centrales sont elles-mmes localises au niveau despoints dentre et dans les principaux carrefours. Dans cette configuration,leffet dentranement est absorb par les grossistes et ne se diffuse pas loca-lement. Cest en tout cas le diagnostic tabli par le Plan Bleu, qui a constatdimportantes fuites dans le ravitaillement des htels internationaux de largion de Ttouan : lexamen des points dachat des produits de ravitaillement(denres alimentaires, produits dentretiens, produits de lartisanat, blanchisserie,etc.) renseigne sur la part des sommes injectes sur place et celle qui chappe largion : 25 % seulement des dpenses des gros tablissements [] sont verss aux

    grossistes de Ttouan pour lachat des fruits et lgumes et une partie des ufs. Tousles autres achats sont capts par les grossistes de Casablanca. Pour des achats de

    poissons certains tablissements vont mme jusqu Agadir28. Cette organisationnest pas tant lie la stratgie de rduction des cots des firmes qu la struc-ture des circuits commerciaux marocains. Car au-del des conomiesdchelle, ce sont les enjeux logistiques et sanitaires relatifs aux approvision-nements qui obligent les firmes centraliser leurs achats dans les ples sus-ceptibles de concentrer la production ncessaire. Tant que le tourisme na pasatteint une taille critique dans les ples secondaires, les marchs locaux nesont structurellement pas en mesure de rpondre aux besoins des grandes

    firmes, dautant plus que ces besoins sont le plus souvent saisonniers. Dansle tourisme de masse international, leffet dentranement correspond unedynamique cumulative dtermine par le niveau de dveloppement touris-tique et le volume des flux.

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    Concomitamment la mise en tourisme des ples secondaires, uneseconde phase de cette dynamique senclenche au Maroc, en partie sous lim-pulsion des firmes. Dj, la centrale de rfrencement dAccor Maroc disposedune liste de prestataires agrs sur lensemble du pays. Mais le Club Mdi-terrane a lanc une initiative encore plus originale, en mettant en place unpartenariat avec lONG Agrisud, qui se consacre la lutte contre la pauvreten milieu rural. Initi en 2008 par le dpartement dveloppement durable duClub Mditerrane, ce partenariat entre loprateur et lONG consiste valo-riser les circuits courts dans lapprovisionnement en divers produits agricolesdes villages de vacances au Sngal, au Brsil, en Tunisie et au Maroc. Dansle cas du Maroc, lobjectif du programme, baptis Igran NAsni, tait de per-mettre des producteurs familiaux de la rgion de Marrakech de fournir lesdeux villages Club Mditerrane de la ville ocre en fruits saisonniers (pommes,

    poires, coings, pches, prunes). Avec laide dAgrisud, ces exploitants se sontorganiss en cooprative et se sont associs pour la mise en place dun systmelogistique de collecte et de livraison hebdomadaire des fruits. Le Club Mdi-terrane a trouv un double intrt dans lopration : la satisfaction thique desclients et laccroissement de la qualit des produits qui leur sont servis lesproducteurs emploient des procds agro-cologiques. Bien que base sur uneaction vocation sociale, la coopration entre Agrisud et le Club Mditerranea rapidement pris un tour structurant. Sous limpulsion du dpartement Dve-loppement durable du sige, limplication forte des services achats et cono-mat des clubs marocains a men une vritable institutionnalisation de ladmarche, notamment travers la contractualisation avec la cooprative. Dans

    le mme temps, les efforts de cette dernire pour se mettre aux normes tech-niques et sadapter aux mthodes commerciales (devis, facturation) lui ontpermis damliorer les rendements (+27 % la premire anne), favorisantaussi de leur ct la prennisation de lopration. Lors du premier mois des-sai, entre 3 et 11 % de la production des exploitants tait destine au Club Mdi-terrane. Le groupe sest fix pour objectif que ce taux grimpe 50 %, ce quicorrespondrait lachat de 50 tonnes de fruits dans la saison.

    Enfin, la prsence des firmes touristiques peut provoquer des effets den-tranement sur dautres secteurs, avec lesquels existent des connexions moinssystmatiques. Elles ont par exemple contribu la mise en place dune filirede traitement des dchets, porte par lentreprise Progress. Cre en 2006 Agadir, Progress est une structure base sur un GIE regroupant quatre entre-prises qui exercent dans le domaine du recyclage (papier et carton, verre, plas-tique et huile). Ds lorigine, les dirigeants se sont propos de dvelopper unefilire formelle de traitement des dchets, pour promouvoir le recyclage auMaroc. Fond sur la valorisation conomique des matires rcupres, le pro-jet impliquait la mise en place dun systme de collecte, de tri, de transfor-mation et de redistribution des produits. Afin datteindre la taille critiquencessaire au lancement et la viabilit dun tel dispositif, les responsables ontentrepris une dmarche auprs des industriels du Souss-Massa-Draa qui gn-rent des gros volumes de dchets, comme les oprateurs portuaires et les agri-

    culteurs de la rgion. Il leur a t propos de transformer les dtritus collec-ts chez eux en produits industriels (du cerclage en loccurrence) auxquels ilsauraient accs bas cot. Grce au succs de lopration, Progress a investidans lachat de bacs de tri, destins au secteur du tourisme. En 2008, le GIEa mis en place avec le groupe Accor un systme de prts de bacs gratuits aux

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    qui procde rgulirement lanalyse des aliments et de leau utiliss par leshtels et par les fournisseurs. Ces contraintes normatives obligent les presta-taires locaux dployer dimportants efforts de mise aux normes sur len-semble de leur chane de production et sur leur mode dexploitation (hyginedes quipements et des employs, respect de la chane du froid, considra-tions phytosanitaires, etc.).

    Le tour-operating assure galement une gestion par les normes des rela-tions de prestation. Dans les dernires annes, Holiday Service (TUI) a rem-port la plupart des appels doffres portant sur la conception de circuits pourles tour-oprateurs et sur la cration dexcursions pour les croisiristes. Legroupe est dailleurs devenu le rceptif exclusif de lagence Intercruise, filialede TUI, base Barcelone, charge dorganiser les circuits de croisires pourle compte de compagnies originaires du monde entier. De lavis des dirigeants

    de Holiday Service, la raison pour laquelle lagence a t slectionne, alorsmme quils concdent pratiquer des tarifs suprieurs ceux de leurs concur-rents marocains, rside dans la qualit non pas crative de leurs prestations,mais dans leur qualit normative. Compte tenu de la manire dont fonctionnele commerce touristique, les sries de procdures qui sont mises en uvredans llaboration des offres de Holiday Service (assurance, safety procedure,entretien des vhicules, etc.) jouent largement plus en leur faveur que les stra-tgies de rductions des cots, qui sont de toute faon ralises travers lesconomies dchelle. Les grands groupes prfrent confier la responsabilit deleurs clients des structures pouvant faire valoir un niveau fort de scurisa-tion des prestations. Dans le cas des fournisseurs alimentaires et dans celui

    des agences rceptives, les exigences des firmes entranent donc la moderni-sation des prestataires locaux et une propagation dans le march des normesen vigueur lchelle globale.

    Gestion environnementalela normalisation sapplique galement au champ de lenvironnement.Plus que dans toute autre industrie, les firmes touristiques sont proccupespar les effets environnementaux de leurs activits, dans la mesure o lenvi-ronnement o sinsrent les htels et les circuits dtermine la qualit et lavaleur du produit quelles commercialisent. Sur le plan de la communication,cette attention se manifeste dans le fait que la totalit des groupes touristiquesqui oprent au Maroc disposent dun dpartement en charge du dveloppe-ment durable, y compris les groupes nationaux comme Kenzi et Atlas Hospi-tality. Le cur de leur politique environnementale rside dans la politique dequalit quils mettent en uvre dans les pays o ils simplantent. Cette poli-tique est fonde sur une gestion par les normes, de lexploitation et des rela-tions commerciales tablies avec les partenaires locaux.

    Accor a transfr au Maroc son propre systme de gestion environne-mentale, baptis Open (Outil de pilotage environnemental). Il sagit dun outilde gestion et de vrification des consommations deau et dnergie des htels,ainsi que du volume de dchets traits dans les tablissements. Ce systme

    permet au sige dvaluer chaque htel, didentifier les amliorations les plussignificatives et de dfinir les points de blocage. Lvaluation est mene sur labase dun guide pratique labor par le groupe, intitul Charte environnementde lhtelier. Y figurent toute une srie dindicateurs prendre en compte et unebatterie de mesures mettre en uvre pour amliorer les performances envi-

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    30. La Fondationpour lducation lenvironnement(FEE) est uneassociation interna-tionale prsente dans60 pays sur 5 conti-nents et quidveloppe depuisplus de 25 ansdes programmesdducation lenvironnement.Elle est la cratricedu premier colabelau monde, le PavillonBleu.

    31. Egan M. (1998),Regulatorystrategies, delegationand European marketintegration,Journalof European PublicPolicy, Volume 5,Issue 3.

    L E S F I R M E S T O U R I S T I Q U E S A U M A R O C30

    Enfin, Accor a approfondi sa politique de gestion environnementale parun processus de labellisation de ses htels marocains. En plus des labellisa-tions gnriques ISO14001 et ISO9001 obtenues par la chane Ibis, le groupea contribu lintroduction au Maroc du label la Clef Verte. Cr par la Fon-dation pour lducation lenvironnement (FEE)30, ce label est aux units dh-bergement touristiques ce que le Pavillon Bleu est aux plages et aux eaux debaignade : un indicateur de haute qualit environnementale. Cest par le biaisdun partenariat de 2006 entre la fondation Mohamed vi et la FEE que lachane franaise a particip lopration. Elle a t choisie