Intérêt d’une prise en charge transdisciplinaire dans l ...

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Institut Régional de Formation aux Métiers de la Rééducation et Réadaptation Pays de la Loire. 54 rue de la Baugerie- 44230 SAINT SEBASTIEN SUR LOIRE Intérêt d’une prise en charge transdisciplinaire dans l’appareillage d’un patient amputé vasculaire bilatéral reprenant la marche Romain SADIN Travail Ecrit de Fin d’Etudes En Vue de l’obtention du Diplôme d’Etat de Masseur Kinésithérapeute Année Scolaire : 2012/2013 REGION DES PAYS DE LA LOIRE

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Institut Régional de Formation aux Métiers de la Rééducation et Réadaptation

Pays de la Loire.

54 rue de la Baugerie- 44230 SAINT SEBASTIEN SUR LOIRE

Intérêt d’une prise en charge transdisciplinaire dans l’appareillage d’un patient amputé vasculaire bilatéral

reprenant la marche

Romain SADIN

Travail Ecrit de Fin d’Etudes

En Vue de l’obtention du Diplôme d’Etat de Masseur

Kinésithérapeute

Année Scolaire : 2012/2013

REGION DES PAYS DE LA LOIRE

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Résumé :

Cet écrit explique les stratégies de reprise de la marche d’un patient amputé bilatéral d’origine vasculaire dans un contexte diabétique et artériopathie. La prise en charge se décompose en trois phases. La première dite en décharge consiste à favoriser l’état cutané trophique et à éviter les désadaptations à l’effort. La seconde est celle de l’élaboration des appareillages. A gauche elle suit un cheminement « classique » d’appareillage d’amputation transtibiale tandis qu’à droite l’amputation de l’avant pied requiert une approche du type essai-erreur. Lorsque l’appareillage permet l’appui, le travail en charge débute. Des exercices de proprioception, d’équilibre et de marche analytiques sont effectués dans un premier temps. Pour laisser la place à des exercices plus fonctionnels tels que la marche, l’utilisation d’escalier, le relever de sol, la conduite automobile... A la fin de la prise en charge, la déambulation est acquise sous couvert de 2 cannes anglaises et la reprise de la conduite automobile est possible.

Mots clés :

� Amputation bilatérale � Appareillages � Marche � Polypathologie

Keywords :

� Bilateral amputation � Equipments � Walking � Polypathology

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Table des matières

1 Introduction ......................................................................................................................... 1

2 Les incidences de la polypathologie ................................................................................... 1

2.1 La composante diabétique ........................................................................................... 1

2.2 La composante artéritique ........................................................................................... 2

2.3 La composante cardiaque ............................................................................................ 2

2.4 La composante d’amputation ....................................................................................... 3

3 Elaboration du bilan ............................................................................................................ 5

4 Bilan .................................................................................................................................... 7

4.1 Diagnostic .................................................................................................................... 7

4.2 Objectifs et moyens ..................................................................................................... 8

5 Rééducation ......................................................................................................................... 9

5.1 Organisation des séances ............................................................................................. 9

5.2 Prise en charge en attente de la reprise d’appui ......................................................... 10

5.3 Appareillage ............................................................................................................... 14

5.4 Exercices en charge : principes, objectifs et exercices clefs ..................................... 18

6 Résultats ............................................................................................................................ 23

7 Discussion ......................................................................................................................... 24

8 Conclusion ........................................................................................................................ 25

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1 Introduction

Cette prise en charge s’effectue dans un centre de soin de suite et de rééducation à Cambo les Bains. Ce centre accueille tout type de pathologies, prises en charge par une équipe de professionnels de santé tels que les kinésithérapeutes, les ergothérapeutes, les médecins, les aides physiques adaptées, les infirmières, les orthoprothésistes, et les psychologues. Il s’organise en plusieurs services, la prise en charge s’effectue dans le service d’amputation. Les patients y sont accueillis deux fois par jour avec une séance le matin et une l’après-midi. Ces séances sont de temps variable, en fonction de la fatigabilité et de l’emploi du temps du patient. Ce service est doté d’un atelier équipé d’outillage et de matériaux adaptés à la fabrication de prothèses provisoires. En effet ici les kinésithérapeutes du service préalablement formés, sont responsables de la confection des appareillages provisoires. Quant à l’appareillage définitif, il est réalisé par les orthoprothésistes qui effectuent leur visite chaque mercredi pour participer aux ajustements, et prendre les mesures nécessaires à la confection de l’appareillage définitif. Au niveau médical le suivi quotidien est effectué par le médecin et l’infirmière permettant ainsi d’ajuster les traitements et après l’observation cutanée au changement de pansements. Une réunion médicale a lieu un jeudi sur deux avec la participation du personnel médical et paramédical afin de recueillir le point de vue de l’ensemble des professionnels sur les prises en charge du patient et répondre aux questions de ce dernier qui est aussi présent.

Cet écrit explique les trois temps de la prise en charge de M. C. 61 ans, amputé bilatéral à 8 jours de sa dernière amputation, et sur une durée de 50 jours. Le premier temps est celui de l’entretien et de l’amélioration de l’état cutané trophique, la récupération des amplitudes articulaires, le reconditionnement à l’effort et la préparation à la reprise de la marche. Le deuxième temps est celui de l’élaboration d’un appareillage spécifique, répondant à la fois aux exigences biomécaniques et au souhait du patient : « Si ça remonte trop haut comme à gauche je ne le porterai pas. ». Le troisième temps concerne la remise en charge basée sur des exercices travaillant la proprioception, l’équilibre, la fonctionnalité du membre inférieur pour aboutir à la restitution de la marche. Ces différents temps sont ponctués par les difficultés de cicatrisation, d’adaptation cardiaque, et d’ajustement d’un appareillage du pied droit non standardisé. Tout au cours de cette rééducation la transdisciplinarité permettra de trouver les meilleurs compromis pour atteindre l’objectif de marche (1).

2 Les incidences de la polypathologie

Le contexte pathologique influence la prise en charge avec la mise en place d’adaptations spécifiques.

2.1 La composante diabétique

Atteint du diabète de type 2 dit insulinorésistant, un traitement, umuline (insuline), associé à une éducation thérapeutique sur l’hygiène alimentaire, et la surveillance de la glycémie par le DEXTRO, contribuent à réguler ses troubles glycémiques. Sa rétinopathie diabétique (2) ne constitue pas un obstacle à la rééducation. Lors de l’équilibre cette entrée visuelle est

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d’ailleurs privilégiée dans ce nouveau contexte d’altération de la sensibilité cutanée et de la proprioception. Lors de l’équilibre sa visiodépendance l’amène à fixer l’appui de ses prothèses au sol. Une attitude en cyphose apparait, résultant de cette stratégie d’équilibration. Le travail proprioceptif sera privilégié afin d’améliorer l’équilibre, de rétablir un regard à l’horizontal et de restituer une statique rachidienne moins contraignante. Dans la littérature des troubles de la sensibilité distale sont énumérés. Ils conduisent à des atteintes trophiques graves (3) (4). Lors de l’élaboration du bilan aucun trouble de la sensibilité n’est recensé, néanmoins la surveillance cutanée par les thérapeutes et par le patient est effectuée. Aucune complication de néphrologie n’est détectée. Le diabète est délétère pour le mécanisme de cicatrisation de par son statut d’angiopathie entrainant une dégradation des artères , ceci ralentissant la stabilisation de l’état cutané (2) (4) (5).

2.2 La composante artéritique

Atteint d’artérite oblitérante des membres inférieurs, il présente une sténose de l’artère fémorale commune gauche, une détérioration de l’artère tibiale antérieure et postérieure à droite, et des lésions athéromateuses modérées généralisées sur les membres inférieurs. L’amélioration de la cicatrisation et la diminution des risques d’une nouvelle amputation implique une stabilisation de l’artériopathie Cette stabilisation passe par un traitement des facteurs de risques (1) (6). L’obésité, l’hypercholestérolémie, le diabète et la sédentarité sont traités au moyen d’une hygiène alimentaire, de traitements médicamenteux (umuline), et de l’activité physique incluant l’objectif principal de reprise de la marche. Une prise en charge spécifique composée d’exercices actifs permettra de stimuler le réseau artériel et de développer la circulation collatérale afin de limiter l’influence de la détérioration vasculaire sur les structures des membres inférieurs (7) (6) (5).

2.3 La composante cardiaque

Insuffisant cardiaque, il présente des antécédents de pontages et de dilatations coronariennes. Un traitement de phase aigüe est prévu dans le cadre d’efforts avec la trinitrine, celle-ci doit en permanence être apportée lors des séances. Ce facteur cardiaque entre dans la spirale de déconditionnement à l’effort (figure 1). Un réentrainement à l’effort effectué après la séance kinésithérapique de l’après-midi est instauré par les APA. Ils utilisent un protocole sur

Diabète Trouble cardiovasculaire

Déconditionnement

à l'effort

Obésité Sédentarité

Amputations

Diminution des

Activités

physiques

Fig. 1 - Cercle vicieux de la désadaptation à l'effort.

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ergocycle à bras (Tech Med) (annexe 1) (6). Durant la prise en charge le suivi de la fatigabilité sera effectué via l’échelle de Borg (annexe 2) afin d’assurer un effort sous maximal non délétère. L’entretien de l’état cardiaque passe par des objectifs similaires à la stabilisation de l’artériopathie vu ci-dessus. En effet les facteurs de risque sont identiques. Les objectifs de diminution de l’obésité, du cholestérol, et de la sédentarité seront donc au service de l’entretien cardio-vasculaire global.

2.4 La composante d’amputation

Ses amputations itératives sont justifiées par des infections aggravées par son terrain pathologique. L’amputation est bilatérale mais a été effectuée à différents niveaux et différents temps (figure 2).

Le membre inférieur gauche présente une amputation transtibiale à moignon fermé ayant été pratiquée le 27 juillet 2012 (J-8 de cette prise en charge) mais il présente une plaie (figure.3), occasionnée par des chutes post opératoires et reprise chirurgicalement. L’appui au moyen de la prothèse tibiale se concentrera, en sous rotulien avec un contre appui de la région poplitée, ainsi qu’à la partie sous condylienne en latéral (8). Pour l’heure les plaies ne permettent pas ces appuis. Le nouvel équilibre des fléchisseurs/extenseurs, le bras de levier court du segment tibial, la station assise privilégiée sont autant de facteurs favorisant l’attitude en flexum de genou et de hanche devant être combattus.

Amputation

de Lisfranc

(pied droite)

Amputation

des

cunéiformes

(pied droit)

Prise en

charge au SSR

pour

restitution de

la marche

Amputation

transtibiale

gauche

Prise en

charge au

SSR pour

restitution de

la marche

Retour à

domicile

J-320 J50 J-8 J0

Fig. 2 - Temporalité de l'hospitalisation.

Fig. 3 - Plaies du moignon gauche à J0.

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L’amputation initiale du membre inférieur droit intéresse l’interligne de Lisfranc. Suite à une nouvelle ostéite, l’amputation est reprise le 17 février 2012 (J-320), avec l’ablation des cunéiformes moyen et latéral. La plaie est refermée par une greffe de peau en antéro latéral. Cette zone reste néanmoins fragile, inflammatoire et présente une désunion de suture sur sa partie inférieure. Cette amputation oblique crée un changement biomécanique. En effet les différentes conceptions du pied ; le trépied, la ferme, la clef de voute sont bouleversés par l’amputation osseuse, aponévrotique, et musculaire. La destruction des arches du pied (figure 4) aboutit à l’annulation de l’effet ressort du pied permettant d’une part un amortissement mais aussi une restitution énergie. Seul le point d’appui calcanenus est conservé. (9)

L’étude de ces points d’appuis lors de la marche montre deux instants où les contraintes verticales sont maximales (figure 5). Le premier instant correspond à l’attaque du talon. Les forces s’exerçant sur le talon sont alors de 1,3 fois le poids du corps. Il est intéressant ici de conserver ces qualités mécanique du talon (10) (11). Le second instant correspond à la propulsion, les forces s’exercent ici sur l’avant pied passant des têtes métatarsiennes du 5ème rayon vers le premier (10) (8). Dans le contexte d’amputation cet appui s’applique au medio tarse qui présente une plage cutanée fragile et une prédisposition à l’ulcération (12) (3) (2). L’appareillage devra alors limiter l’appui antérieur.

« Le résultat fonctionnel est celui correspondant au niveau d’amputation le plus court »... « En effet, le niveau le plus long ne peut malheureusement que rarement être exploité, et introduit même parfois un déséquilibre gênant... » (8). Ici le segment le plus court correspond à l’interligne de Chopart. La présence du cunéiforme médial crée un segment plus long pouvant être à l’origine de déséquilibres (figure 6). Le résultat fonctionnel attendu correspond à une amputation de Chopart appareillée. Cette amputation présente dans la littérature des résultats décevant avec des effondrements de l’arrière pied et des complications cutanées fréquentes. (12) Néanmoins la préservation du talon permet de conserver sa qualité mécanique irremplaçable d’amortissement (10) (11). Pour l’effondrement, celui-ci peut être résolu par une arthrodèse offrant alors une meilleure stabilité au détriment de la mobilité. Plus tard cette stabilité sera la clef de la réussite de reprise de la marche avec

Fig. 4 - Modèle tripode composé de 3 points d'appuis (calcanéus, les têtes métatarsiennes du 1er

et 5ème rayon (9).

Fig. 5 - Pression au sol pendant la période d'appui (10).

Fig. 6 - Niveau d’amputation droite avec ablation des os grisés

(19).

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une diminution des conflits cutanés et des douleurs mécaniques, au moyen d’un appareillage de type attelle de releveur en thermoformé.

Du point de vue cognitif l'amputation induit des sensations dont celles dites fantômes. Ici elles sont présentes sur les deux membres et sont à prédominance nocturne. Les nuits sont altérées, provoquant une fatigue dont il faudra tenir compte lors de la rééducation L'amputé passe par plusieurs phases psychologiques : choc, refus, colère, négociation, tristesse, acceptation (13) (1). L'acceptation prédomine lors de la prise en charge sauf en ce qui concerne l’appareillage du pied qu’il souhaite le plus discret possible, et qui fait l’objet d’une négociation représentant aussi un challenge pour la conception de la prothèse.

3 Elaboration du bilan

La rencontre avec monsieur C., s’effectue dans ce service le 7 septembre 2012, à J320 de son amputation droite et J8 de l’intervention à gauche. Agé de 61 ans, il mesure 1,76m pour un poids de 99 kg ; son IMC à 32 non corrigé traduit donc une obésité modérée (30-35). A ce jour il est à la retraite mais a travaillé comme agent qualité dans l’électronique. Ses loisirs actuels sont la marche et la conduite automobile. Il est hospitalisé pour une reprise de la marche suite à ses amputations vasculaires (artérite et diabète). A gauche l’amputation est transtibiale, tandis qu’à droite elle se situe entre la ligne de Chopart et la ligne de Lisfranc. Les niveaux actuels sont le fruit d’amputations itératives liées aux infections. A son arrivée au centre, faute d’appareillage du fait des problèmes de cicatrisation, ses déplacements s’effectuent en fauteuil roulant. Plusieurs facteurs entravent l’acquisition de la marche. Cette partie cherche à recueillir les informations sur l’origine de ces obstacles alors que les appuis prothétiques sont impossibles. Par anticipation les premiers résultats obtenus en charge avec ses prothèses seront fournis dans le dernier paragraphe.

Les douleurs mécaniques sont l'obstacle principal. Celles-ci sont créées par l’appui et soulagées immédiatement à l’arrêt de celui-ci. Ces douleurs s’expliquent par le changement d’appuis et les lésions cutanées provoquées par l’amputation :

• A droite elle est cotée à 7/10 sur l’échelle visuelle analogique. Elle se situe sur la face plantaire sur la partie distale et latérale, ainsi que sur la greffe située sur la face antéro externe. Elle s’entend sur un diamètre de 4 cm et à les caractéristiques d’une inflammation ; composée d’une coloration rouge et d’une chaleur anormalement élevée. De plus cette greffe présente une désunion sur sa partie inférieure induisant une évacuation de liquide physiologique (figure 7).

• A gauche elle est cotée à 6/10. Elle se situe sur la lésion cutanée provoquée par des chutes post chirurgicales (annexe 3). Cette lésion cutanée se situe au niveau de la face supéro antérieure, et s’entend sur un diamètre de 5,5 cm (figure.3). Sur le côté gauche une seconde lésion est présente au niveau de la partie latérale, celle-ci s’étend sur un

Fig. 7 - Greffe de peau à droite à J0.

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diamètre de 3 cm. Cette douleur est provoquée par l’appui, et sera par la suite un frein à la rééducation, lors de la mise en place des appareillages provisoires. Les douleurs mécaniques entravant l’acquisition de la marche sont intimement liées aux lésions cutanées. Or comme vu précédemment le contexte polypathologique freine la cicatrisation et empêche la verticalisation.

Des douleurs fantômes sont cotées à 5/10 sur EVA. Celles-ci ne parasitent pas directement les séances, car de prédominance nocturne elles altèrent son sommeil provoquant une fatigue psychique et physique en cours de journée. A gauche, elle est d’abord décrite comme une impression de continuité de sa jambe, cette sensation le trompera le menant à la chute. A droite la douleur, en étau, se situe au niveau de la cheville, et se poursuit sur les orteils. A droite la sensation douloureuse est localisée sur les orteils avec une prédominance pour le 5ème rayon.

Lors de l’examen articulaire, la présence de plaies, et d’un bras de levier court à gauche entrainent un biais lors de l’évaluation. Les genoux présentent un déficit d’extension à droite de 10° et à gauche de 20°. Ces attitudes vicieuses sont favorisées par la station assise privilégiée durant cette phase. Lors de la marche, ces flessums provoqueraient un déficit durant l’attaque du talon. Les déficits d’extension de hanche de 10° à droite et à gauche retentiront sur la marche avec une altération du pas postérieur gênant la propulsion, et induisant une compensation en antéversion du bassin et une position dite de salutation. A gauche un genu valgum est visible, cette donnée est prise en compte lors du réglage des différents appareillages. Ces déformations morphologiques peuvent être à l’origine de douleurs mécaniques car elles induisent une compression anormale des surfaces articulaires (14). Au niveau de la cheville, des membres supérieurs et du rachis les résultats des tests articulaires ne décèlent pas d’anomalies.

Au niveau musculaire l’évaluation de la force avec une échelle s’inspirant du testing est utilisée. En tenant compte des corrections liées aux conditions du Testing International (placement de la résistance dépendant de l’état cutané, bras de levier court à gauche) l’obtention de cotations 4-5 traduit une musculature fonctionnelle au regard du testing qui interroge peu l’endurance. Ainsi la présence de cotation 4 met en garde face à une désadaptation à l’effort induite par une phase assise de décharge de 9 mois associée à la polypathologie décrite précédemment. Au niveau des deux membres inférieurs aucune amyotrophie n’est observée. Néanmoins cette observation peut être biaisée par la présence d’œdèmes. Une palpation réalisée pendant les contractions valide cette observation. La force des membres supérieurs est testée par les APA à l’aide d’un dynamomètre (annexe 3). Ceux-ci ne révèlent pas de déficit, permettant ainsi une aide des membres supérieurs lors des transferts, dans l’équilibration et plus tard pour l’allégement de son poids au moyen de barres parallèles puis de béquillage. Un réentrainement à l’effort est effectué par les APA sur ergocycle à bras (annexe 1).

En charge avec ses prothèses, les tests d’équilibre debout montrent un déficit des stratégies d’équilibrations des membres inférieurs mais une suppléance des membres supérieurs est mise en place instinctivement. Un time up and go test permet d’évaluer les capacités d’équilibre et

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les risques de chutes en charge. La marche est évaluée tant qualitativement par l’observation et la corrélation effectuées au cycle de marche, que quantitativement avec un test de marche de 6 minutes. Les capacités fonctionnelles avec le passage d’obstacles, d’escaliers sont évaluées. La mise en place d’un appareillage est dépendant de l’évolution cutanée tant sur la cicatrisation des lésions qu’au niveau de l’œdème. En effet un œdème est dépisté visuellement et par une réaction positive au signe du godet. Cet œdème induit une instabilité du volume du moignon ne permettant pas la confection d’une emboiture adaptée, retardant ainsi la phase appui (1).

A ce jour fonctionnellement les déplacements s’effectuent via un fauteuil roulant manuel. L’autonomie est acquise pour l’hygiène, les transferts, les déplacements, l’alimentation, la toilette et l’habillage.

4 Bilan

4.1 Diagnostic

Monsieur C, 62 ans, 1,76m, 99 kg correspondant à un IMC non corrigé de 32 (obésité modérée) est hospitalisé à plusieurs reprises depuis le 17 février 2012 pour des amputations itératives de ses membres inférieurs induites par des infections aggravées par la présence du diabète et d’une artériopathie des membres inférieurs. Les niveaux d’amputations actuels pour lesquels est prévu l’appareillage sont : à gauche une amputation transtibiale, et à droite une amputation oblique au niveau de la ligne de Chopart avec conservation du 1° cunéiforme. Ces amputations engendrent plusieurs obstacles à la restitution d’une marche fonctionnelle :

• La douleur mécanique apparaissant sur le medio pied cotée à 7/10 se réveille lors du passage de la ligne de gravité du talon vers la zone amputation, le sujet étant debout et entre les barres parallèles mimant la phase de déroulement de 0 à 50% du cycle de marche. Faute d’appareillage, le déroulement complet (fonctionnel) du pas n’est pas testé.

• L’état cutané trophique (œdème) induit une instabilité de volume du moignon empêchant l’appareillage. La présence de plaies et de plages cutanées fragiles sur ces zones appuis augmentent ce stimulus douloureux.

• Des douleurs fantômes à prédominance nocturne ne favorisent pas le repos induisant une fatigue tant physique que psychique avec altération de l’humeur lors de la rééducation.

• La restitution de sa marche requiert des qualités : musculaires, proprioceptives, articulaires et d’équilibrations qui sont à ce jour dégradées après un temps décharge de 320 jours. La présence de flessums au niveau des genoux et des hanches sont décelées. Ces déformations orthopédiques sont des barrières à l’acquisition de la marche car elles empêchent l’attaque du talon pour les déformations du genou et la fin du pas postérieur pour les déformations de hanche. Ces déformations induisent aussi une variation des zones appuis au niveau des surfaces articulaires conduisant au long terme à une possible arthropathie.

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• Une désadaptation à l’effort est à craindre tant sur les membres inférieurs ;avec une absence de travail en chaine fermée et des changements proprioceptifs ; que sur le plan cardiaque au vue du contexte.

4.2 Objectifs et moyens

L’objectif principal est de restituer une marche fonctionnelle en tenant compte des deux doléances du patient : la reprise de la conduite automobile et un appareillage discret à droite. La restitution de la marche passe par le challenge de l’élaboration d’un appareillage annihilant au maximum les douleurs mécaniques et les conflits cutanés tout en préservant les aptitudes à la marche, notamment le déroulement du pas et la capacité de propulsion.

La confection de cet appareillage requiert un état cutané trophique stable, la cicatrisation et la diminution de l’œdème. Ces prés requis sont recherchés au moyen d’une surveillance cutanée régulière, la mise en place de pansements quotidiens, un massage circulatoire associé à des crèmes, une contention du moignon (figure 8) pour favoriser son amaigrissement (1) (8) (14), et des exercices actifs contribuant à une amélioration de la vascularisation (5) (6) (7)

Fig. 8 – la technique de bandage utilisée en tibial est similaire à celle présentée ci-dessus (8).

Durant la phase de décharge toutes les actions visent à préparer la marche. Les déformations orthopédiques sont évitées et diminuées au moyen de mobilisations passives et actives. L’état musculaire est travaillé à l’aide d’exercices actifs spécifiques. La proprioception est sollicitée dès que possible en chaine semi fermée. Même l’équilibre est travaillé dans plusieurs positions (assis, quatre pattes, à genou). Ainsi associé au travail proprioceptif l’intégration du schéma corporel est travaillée (7).

Lorsque la cicatrisation et l’évolution de l’élaboration des appareillages le permettent, la phase en charge débute, ainsi un nouveau travail vers la reprise progressive de la marche commence. Enfin un travail purement fonctionnel est effectué avec le travail du passage d’obstacles aboutissant à la pratique d’escaliers ; l’essai d’une voiture automatique ; et des marches « libre » lui permettant une appropriation des acquis à son rythme (1). Tout au long de la prise en charge une conduite de diminution des douleurs est adoptée par l’adaptation de l’appareillage et le dosage de l’intensité des exercices. Les douleurs fantômes sont traitées de façon médicamenteuse (lyrica et cymbalta) et par l’exercice de desensitization utilisant une bassine contenant des coquillettes. Le reconditionnement à l’effort est essentiellement réalisé

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par un travail des membres supérieurs sur ergocycle. Il facilite la reprise d’activité physique à la fin de la prise en charge (1) (6) (7).

5 Rééducation

5.1 Organisation des séances

Fig. 9 - Organisation d'une journée de rééducation et son adaptation dans le temps.

La figure 9 ci-dessus présente l’organisation des séances et leurs adaptations dans le temps. Les séances évoluent en fonction de la douleur mécanique et de la cicatrisation. Au fil de la prise en charge les séances passent d’une prédominance d’exercices en décharge (bleu) vers une prédominance d’exercices en charge (rouge). Cette évolution passe par une élaboration des appareillages (vert) indispensable pour la verticalisation. Une surveillance cutanée est effectuée tout au long des séances et de la rééducation. La flèche en orange ponctue la chronologie d’une séance de rééducation. Celle-ci débute par un massage circulatoire, se poursuit par des mobilisations actives, des exercices actifs des membres inférieurs en

Massage

Circulatoire Mobilisation

passive Exercices

actif du Tronc

Exercices

actif des

MI

Traitements des

douleurs

Proprioception

en décharge

Mobilisation

active

Appareillage

Travail de

la marche Proprioception

en charge Ergocycle

Equilibre en

décharge

Equilibre en

charge

SUREVEILLANCE CUUTANEE (Systématique au cours de

chaque séance)

EVOLUTION

PRISE

EN

CHARGE

CHRONOLOGIE D’UNE SEANCE

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décharge. Puis un temps d’élaboration d’appareillage est dégagé. La séance se termine par le traitement des douleurs.

5.2 Prise en charge en attente de la reprise d’appui

Cette phase cible l’amélioration de l’état cutané (cicatrisation, œdème), un entretien global du corps et un travail spécifique des membres inférieurs en vue de la restitution de la marche.

Le massage : de type circulatoire composé de pression glissée, permet de diminuer l’œdème. Cependant son objectif vise surtout la prise de contact, le réveil sensitif via extéroception, et la prise d’informations sur l’état cutané. Il est complété d’une application de crème hydratante et la mise en place de pansements favorisant la cicatrisation et prévenant d’éventuelles compilations d’infections, d’ulcérations...

Les mobilisations passives associées à des temps posturant (inférieur à 6 secondes) (14) sont pratiquées dans le but de diminuer les flessums des hanches et des genoux. La mobilisation du genou gauche est limitée par la diminution du bras de levier disponible laissant rapidement la place aux mobilisations actives aidées. Ce travail actif permet un entretien vasculaire au moyen de mécanismes artériels (développement collatéralité, vasodilatation) induit par les contractions sur le débattement maximal (1) (7) (8)

Des exercices actifs analytiques visent plus particulièrement le réentrainement à l’effort (1) (7). Si la seule lecture du dossier médical donne une représentation d’un patient fonctionnellement épuisable, peu coopératif, son état clinique réel révèle un tout autre potentiel d’où la richesse d’exercices proposés et leurs adaptations pour répondre à sa progression.

• Pour les abdominaux les positions de travail sont variables : soit à l’aide d’un coussin triangulaire, la hanche est placée à 90° ciblant l’action des abdominaux en limitant l’action des fléchisseurs de hanche (figure 11), soit le plan antérieur est travaillé dans sa globalité, l’exercice consiste à décoller les scapulas et les membres inférieurs, préalablement lestés, et de maintenir la position. Durant ce maintien des passes de ballon sont effectuées (figure 10). Pour des raisons de sécurité le ballon utilisé dans un premier temps est en mousse, pour être remplacé par un medecine-ball de 1,5 kg évoluant vers 4 kg. L’exercice évoluera aussi en durée avec une augmentation du nombre de passes allant de 10 à 30 et en intensité en augmentant la distance des passes. Enfin selon l’axe des passes, différents groupes musculaires sont sollicités (oblique, grand droit).

Fig. 10 - Travail du plan antérieur au moyen de passes.

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• Les paravertébraux sont travaillés en procubitus (figure 2b), ou à quatre pattes (figure 2b) associant ainsi dans cette position un travail d’équilibre. L’exercice consiste à effectuer une flexion maximale du bras associée à une extension de hanche controlatérale et à maintenir la position. Le mouvement est imagé par la position de « superman ». En progression le maintien de la position sera contraint par deux résistances maintenues 3 secondes. Ces exercices intègrent l’objectif de réduction des flessums et d’entretien articulaire grâce aux extensions de hanche et de genou produites.

Fig. 12 - Travail des muscles paravertébraux en quadrupédie (a) et en procubitus (b).

• Les membres supérieurs dans un but d’autonomie au fauteuil et de futur béquillage sont principalement renforcés lors des séances en aide physique adaptée via divers ateliers (annexe 3). En raison de plusieurs chutes lors de transferts, un travail de push up est réalisé pour observer des stratégies et rétablir des transferts sûrs afin de prévenir d’éventuels chutes retardant la cicatrisation.

• Les quadriceps sont sollicités dans un but circulatoire et (travail dynamique intermittent) (14) (7), des poids sont placés en distal offrant ainsi un bras de levier le plus grand possible (figure 13). A gauche celui-ci est réduit résistant peu le

Fig. 11 - Travail des abdominaux en flexion de hanche.

Fig. 13 - Travail des quadriceps.

a b

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12

mouvement faute de pouvoir y placer une charge importante. En association les releveurs sont sollicités par un mouvement de flexion dorsal lors de l’extension de genou permettant ainsi d’intégrer une partie du schéma de marche correspondant ici à l’attaque du talon.

• Les muscles jambiers, releveurs et triceps, sont travaillés sur le plateau de Freeman (6) dans le plan sagittal. Une indication « Venez toucher avec la planche en avant et en arrière sans faire de bruit » permet ainsi d’intégrer trois objectifs : la stimulation de la pompe vasculaire, l’entretien articulaire de la cheville de par les amplitudes maximales demandées, la proprioception par l’indication « sans faire de bruit » induisant le contrôle fin du mouvement (figure 14).

• Le moyen fessier est entretenu à l’aide d’une bande élastique enserrant les genoux, résistant à l’abduction. L’exercice consiste à réaliser 30 contractions par un maintien statique d’un côté et dynamique de l’autre. Après un temps de repos de 60 secondes cet exercice est repris en inversant les côtés statique et dynamique. Les fléchisseurs de hanche ne sont pas exclus et font en sorte que le mouvement se fasse sans contrainte de frottement avec la table.

• Le grand fessier est travaillé en procubitus au moyen d’une extension de hanche contre résistance. En fin d’amplitude la résistance est réduite afin de favoriser la course externe et ainsi limiter la pérennisation du flessum.

• Un exercice de « pédalage » en décubitus latéral (figure 15) permet une approche du schéma de marche. Lors du « pédalage » les phases de pas antérieur (en flexion de hanche, extension de genou et flexion dorsal de cheville) et de pas postérieur (en extension de hanche, flexion de genou et flexion plantaire de cheville) sont favorisés. De plus le mouvement est possible seulement au moyen d’une légère abduction de hanche nécessitant ainsi une participation de l’éventail fessier en contraction statique

Le travail de l’équilibre vise surtout à accélérer la reprise d’une marche sécuritaire, en se basant sur la sollicitation des réactions parachutes, à partir de positions de plus en plus instables :

• Dans la position assise, l’équilibre assis est maintenu, même lors de réceptions et jets de ballon. Alors l’équilibre réaction se travaille sur ballon de Klein avec le pied droit placé

Fig. 14 - Travail sur plateau de Freeman.

Fig. 15 - Travail de pédalage en décubitus latéral.

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13

sur une mousse. Ceci favorise l’instabilité et diminue les contraintes mécaniques liées à l’appui sur sol dur. Lors de cet exercice l’utilisation des membres supérieurs pour la rééquilibration est la stratégie la plus utilisée. Ceci s’explique par l’esquive d’appui du membre inférieur douloureux. Lors de la progression l’appareillage améliorera cet appui. La stratégie des membres supérieurs reste privilégiée mais n’agit plus seule. Ainsi le temps d’équilibre maintenu augmente (figure 16a).

• En quadrupédie, l’équilibre réaction est travaillé au moyen de deux déstabilisations: la première des poussées provenant du thérapeute, la seconde, des éléments instables placés sous les paumes des mains et sous les genoux (figure 16d).

• Dans la position genoux dressés, l’équilibre action-réaction est travaillé au travers de déstabilisations manuelles (figure 16b) et de passes effectuées avec un medecine-ball (figure 16c) : en progression le poids de la médecine ball et la distance des passes augmentent Les réactions sont efficaces lorsque les déstabilisations s’effectuent dans le plan frontal. Dans le plan sagittal les situations aboutissent souvent à une chute lors de déstabilisations vers l’arrière, travaillant ainsi les réactions parachutes des membres supérieurs. Cette difficulté s’explique par l’absence de pied à gauche et d’avant pied à droite, limitant ainsi les sources d’appuis ou de résistance inertielle permettant la stabilisation dans ce plan.

Fig. 16- Travail de l'équilibre en position assise (a), agenouillé (b,c), quadrupédique (d), chevalier servant (e).

a b c

d

e

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14

• Le travail proprioceptif a pour but d’accélérer la reprise de la marche avec un entretien du schéma corporel. Au vue des possibilités d’appuis et de la fonction du membre inférieur un compromis est trouvé. Les exercices s’effectueront en chaine semi fermée. Pour le côté droit, le pied est placé sur un ballon de Klein situé entre lui et le thérapeute. Dans un premier temps il recherche à stabiliser le ballon de Klein malgré des déstabilisations provoquées par le thérapeute. Puis dans un second temps il lui est demandé de stabiliser le ballon lors de mouvements associant la hanche, le genou et la cheville (figure 18). En progression le thérapeute induit des déstabilisations et des résistances au mouvement plus

importantes. A gauche lorsque la cicatrisation le permet, un exercice similaire de déstabilisations est effectué au moyen d’un ballon mou placé sous le moignon (figure 17). Le but de ces deux exercices est de combiner la sensibilité superficielle, crée par l’appui du ballon, et la sensibilité profonde ; pour aboutir à des réactions musculaires contrôlées. Plus tard l’association de ces sensibilités et réactions seront au service de la marche et de l’équilibre en charge.

Il est intégré dans le cadre proprioceptif, un exercice fonctionnel destiné à la conduite. Deux hémisphères de mousse représentant l’accélérateur et le frein d’une voiture automatique sont mis en place. Des situations sont dictées afin de faire réagir soit le freinage soit l’accélération à différentes insistances. Les dépressions des hémisphères ont une fonction de feed back sur la pression

exercée (figure 19).

5.3 Appareillage

La prise en charge de l’appareillage est effectuée par le kinésithérapeute spécialisé, avec la collaboration d’orthoprothésistes. Si le kinésithérapeute élabore les prothèses provisoires à gauche comme à droite, les prothèses définitives sont fabriquées et ajustées par l’orthoprothésiste chaque mercredi. Durant cette phase d’appareillage, un temps est consacré à

Fig. 18 - Travail en chaine semi fermé à droite.

Fig. 17 - Travail en chaine semi fermée à gauche.

Fig. 19 - Travail de la conduite automobile est présenté ici au moment de l’appareillage mais il a été initié bien avant.

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15

expliquer au patient la mise en place de sa prothèse, et à vérifier les conflits cutanés (1) (8). La chronologie de la prise en charge de l’appareillage se déroule comme dans la figure 20 ci-dessous.

Fig. 20 - Démarche itérative vers un appareillage définitif.

Dans un premier temps une prothèse de décharge ischiatique est produite pour soulager les plaies situées sur le moignon gauche. La déformation en genu valgum provoque un conflit cutané avec une barre métallique. Afin de l’éviter, celle-ci est « tordue » mais au vue des contraintes mécaniques la prothèse se plie à plusieurs reprises et demande alors des renforcements. Néanmoins elle permet la verticalisation en soulageant l’appui du pied droit (figure.21).

Dans l’attente de la cicatrisation du moignon gauche, de l’autre côté sont testés différents types d’appareillages pour répondre à la spécificité du moignon par une approche du type essai erreur. Une chaussure améliorée d’une semelle, normalement recommandée lors d’une amputation de l’avant pied au niveau de Lisfranc est testée pour répondre au cahier des charges d’un appareillage discret, correspondant à la demande du patient (12) (11) (8). Mais cette tentative aboutit à un pied instable et douloureux. La chaussure standard est remplacée par une chaussure montante afin de rechercher plus de stabilité entrainant le confort. Cet essai mène à une amélioration mais la douleur reste intense conduisant à l’esquive d’appui. Comme vu dans la littérature lors d’amputation de Chopart, la recherche d’une stabilisation dans le plan sagittal du pied rend l’appui fonctionnel. Cette stabilisation peut être induite chirurgicalement par l’arthrodèse (6) (12). Ce concept peut être

Production

de la

prothèse à

décharge

ischiatique

Essayage

de

semelles

et

chaussure

s

Essayage

d’une

attelle

rigide

avec

ajout de

gel

Moulage

du pied

droit

Moulage

moignon

gauche et

production

de la

prothèse

provisoire

1

Ajustement

de la

prothèse

au moyen

de gerser

Essayage

et réglage

de

l'attelle

sur

mesure

Moulage

moignon

gauche et

production

de la

prothèse

provisoire

2

Côté

Gauche

Côté

Droit

Réparation

de la

prothèse à

décharge

ischiatique

Création

de

prothèses

définitives

Temps

Fig. 21 - Prothèse de décharge ischiatique.

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16

comparé à une attelle de type releveur semi rigide bloquant ainsi la mobilité de la cheville dans le plan sagittal. Sur sa partie plantaire du gel placé au niveau des appuis afin d’en diminuer la douleur (11).

Fig. 22- Attelle releveur avec ajout de gel dans l'objectif de rendre l'appui non douloureux

Cette attelle améliore la stabilité et limite le déroulement du pas, temps où les douleurs sont maximales, elle est testée en charge, en statique, mais un conflit postérieur est provoqué par l’ajout du gel induisant une nouvelle épaisseur. Un remodelage de cette partie postérieure est effectué. Le test peut se poursuivre avec des appuis postérieurs (talon) et antérieurs (avant pied) dans les limites permises par l’appareillage. L’essayage en statique est concluant car le patient évoque seulement des douleurs cotées à 1/10 sur l’EVA. Puis la même attelle est expérimentée lors de la marche. Ce test est biaisé par la prothèse de décharge ischiatique qui plie. Au vu des résultats un moulage du pied droit est effectué afin de produire une attelle en thermoformé sur mesure (figure 23).

Fig. 23 - Elaboration de l'attelle sur mesure. Avec le moulage (a), le négatif (b), l'ajustement du positif (c), l'application du thermoformé (d,e).

a

d

b c

e

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17

Celle-ci évoluera via une réflexion itérative et l’œil expert du kinésithérapeute. Dans un premier temps des matériaux de type gels et mousses sont placées au regard des zones appuis douloureuses pour diminuer les pressions. Après de multiples ajustements le test en charge, statique aboutit à un appui non douloureux. Le test se poursuit donc lors de la marche. Le pied part alors en abduction et en supination induisant ainsi un conflit cutané sur le bord latéral du pied. En réponse à cette déformation les ajustements suivants sont mis en place : une mousse est placée en postéro latéral limitant ainsi l’abduction, une calle corrigeant la supination est placée sous l’attelle, enfin la partie latérale de l’attelle est coupée afin d’éviter tout conflit.

Après toutes ces modifications la déambulation est possible sans douleurs du pied droit. En revanche la désadaptation de la prothèse de décharge ischiatique provoque elle des douleurs à gauche. Dès lors au vue de l’évolution de la cicatrisation du moignon gauche et de l’avancée fonctionnelle du côté droit, le moulage du moignon gauche est effectué (figure 24). Il se fera avec un repérage tout particulier des zones sous condyliennes pour la stabilité frontale et sous rotulienne pour la stabilité sagittale, afin de produire une emboiture et un manchon à serrage mécanique, provisoire sur mesure (1) (8). Pour finaliser cette prothèse provisoire, la mise en place et le réglage de la pointe pyramidale sont effectués avec pour objectif de diminuer les déformations du genou (genu valgum, flessum de genou). Enfin un pied de classe deux vient terminer cette prothèse. Celle-ci est testée lors de la marche. Elle provoque une douleur sur la partie antérieure du moignon. En réaction un évidement est effectué dans la résine afin de diminuer les pressions exercées sur cette zone. Néanmoins l’action est limitée, car une suppression importante de résine entrainera outre un transfert de pressions, une instabilité de la prothèse, ayant pour conséquence des frottements engendrant des lésions cutanées (figure 25).

Maintenant appareillé des deux côtés, un travail de marche dans les barres parallèles permet d’habituer le patient à l’utilisation de ses prothèses. Lors de ces marches une surveillance cutanée rigoureuse et régulière est effectuée (1). Un léger écoulement de sang dû au serrage et un léger frottement sont observés, la marche est alors stoppée pour ce jour. Les prothèses sont confiées au patient avec l’objectif de les porter le plus longtemps possible afin de se familiariser avec le port de celle-ci et de favoriser l’amincissement du moignon à

Fig. 24 - Négatif du moignon gauche obtenu par moulage.

Fig. 25 - Prothèse provisoire gauche.

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18

gauche. A cause des risques de chutes il lui est formellement contre indiqué de marcher ou même de se verticaliser sans la présence des kinésithérapeutes.

Durant l’évolution l’amincissement du moignon entraine une diminution du serrage mécanique. La solution passe tout d’abord par un épaississement secondaire via l’ajout de jersey et de chaussettes adaptées (1). Mais cette correction de jour en jour ne suffit plus. La désadaptation de la prothèse entraine des conflits cutanés et une marche douloureuse. Dès lors un nouveau moulage du moignon gauche est effectué et une nouvelle prothèse provisoire du même type que la première est produite.

Enfin, une fois le moignon stable de par son volume et sa cicatrisation, le dernier temps est effectué par les orthoprothésistes qui produisent les prothèses définitives (figure 26). Il sera choisi à droite d’ajouter les chaussures montantes du premier essai afin d’augmenter la stabilité de la cheville, mais aussi d’un point de vue esthétique.

Durant les périodes consacrées à l’appareillage, et à la fin de la prise en charge, un temps d’éducation est effectué. Il est alors exposé l’importance de l’entretien cutané avec une surveillance globale : des zones appuis, de frottements, et l’entretien du moignon au moyen son hydratation (crème), de mise en place de pansement et la rapidité de consultation médical en cas de complication. Cet entretien cutané doit être pluriquotidien. Un temps d’explication sur l’entretien de la prothèse et sa mise en place est réalisé afin d’éviter la désadaptation et le mauvais port de celle-ci pouvant provoquer des conflits cutanés et un échec fonctionnel. Cette éducation est acquise par Monsieur C. pendant la rééducation (1) (4) (13).

5.4 Exercices en charge : principes, objectifs et exercices clefs

Les exercices en charge visent l’intégration fonctionnelle de la nouvelle dynamique prothétique. Ils peuvent être décomposés : en exercices proprioceptifs, exercices équilibres, exercice de marche analytique et enfin des activités purement fonctionnelles.

Durant cette phase finale, l’autonomie du patient à réduire l’évolution de son artériopathie via l’activité physique est recherchée. Le massage et les mobilisations actives sont donc remplacés par l’ergocycle (figure 27). Cette activité lui permet de travailler de façon indépendante l’entretien articulaire, musculaire et la stabilisation de son artériopathie (15).

Fig. 24 - Prothèses définitives.

Fig. 25 - Travail sur ergocycle.

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Le travail de l’équilibre s’effectue dans les barres parallèles pour deux raisons. Celles-ci permettent de sécuriser les situations d’exercices et aident à soulager l’appui en cas de douleurs.

• Pour le premier exercice, l’équilibre réaction est travaillé sur mousse. En progression le polygone de sus tentation est réduit passant d’une position pied écartés, pieds joints (figure 28a), en fente et enfin en unipodal. Comme pour la station assise la stratégie favorite est celle des membres supérieurs. Pour lutter contre sa tendance à regarder ses pieds et sa posture cyphosante, tout en travaillant l’équilibre, une nouvelle consigne est ajoutée. Avec son bâton il doit venir toucher l’extrémité du mien placé en hauteur. Cet exercice appelé « dark vador » (figure 28b) limite la rééquilibration via les membres supérieurs et favorise l’horizontalité du regard.

• Pour le deuxième exercice le travail s’effectue sur un plateau de Freeman stabilisé par la présence de deux « oursins ». L’objectif est de maintenir une position moyenne. Pour réussir cet exercice l’information barométrique transmis par les membres inférieurs est indispensable, ceci intégrant de la proprioception. Ce travail est effectué dans le plan frontal et sagittal (figure 29).

Les exercices proprioceptifs ont pour objectif de créer des interactions entre le moignon et la prothèse, avec la transmission d’informations de pressions, de vibrations, de postions. Ceux-ci permettront d’améliorer le contrôle des mouvements dans la vie quotidienne. Toujours pour pouvoir soulager instantanément l’apparition de douleurs, ces activités s’effectuent entre les barres parallèles.

• Dans un premier temps des gobelets en plastique sont placés en avant et en arrière du patient. Les consignes sont les suivantes « venez toucher le gobelet de devant avec le talon » et « venez toucher le gobelet de derrière avec la pointe du pied » (figure 30). Ces mouvements contribuent au travail de la marche via sa décomposition. En effet les

Fig. 26 - Travail de l'équilibre sur mousse instable (a) et l'exercice "dark vador" (b)

Fig. 27 - Travail de l'équilibre sur plateau de Freeman stabilisé par les "oursins".

a b

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positions correspondent aux phases d’attaque du talon et de propulsion. Cet exercice favorise l’acquisition de la précision et de la récupération d’informations barométriques, grâce au feed back de la chute ou l’écrasement du gobelet.

• Le second exercice s’inspire du troisième degré de la méthode de Perfetti. Le membre inférieur gauche est placé sur un skate.

Préalablement trois repères sont marqués en arrière du patient. Le but est de placer la roue arrière du skate sur le repère demandé sans l’aide de la vision (figure 31). Cet exercice permet de travailler la phase de déroulement du pas et de la propulsion lors de la marche. La compensation d’antériorisation du tronc présente peut être due au flessum de hanche. Un feed back oral permet de corriger la position.

• Enfin des hémisphères différenciés par un chiffre et une couleur sont placés de part et d’autre du patient. Il doit placer son pied sur un hémisphère donné. Ici il effectue sans ordre particulier et machinalement un toucher par le talon en avant et par la pointe du pied en arrière (figure 32). En comparaison au gobelet cet exercice recherche un geste moins précis mais plus rapide avec des possibilités de repère multipliées.

Les exercices fonctionnels ont pour objectif de rassembler tous les acquis des étapes précédentes afin de les intégrer à la vie quotidienne et à ses doléances qui sont la marche et la conduite automobile.

• Le passage obstacle de type trottoir est travaillé dans les barres parallèles. La montée (figure 33b) s’effectue avec le pied droit étant le membre inférieur le plus fort et le plus stable, tandis que la descente (figure 33a) se fait avec le pied gauche (1). En progression il effectuera le franchissement d’un escalier (figure 33c).

Fig. 30 - Exercice des gobelets.

Fig. 31 - Exercice du skate (type perfetti).

Fig. 32 - Exercice des hémisphères.

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• Le relever de sol en plusieurs étapes (figure 34) permet de vérifier la tenue de la prothèse, son utilisation dans différentes postures, l’équilibre dans différentes positions et d’améliorer sa capacité à se relever dans le cadre de chutes.

• Une mise en condition dans une voiture automatique permet de noter la réussite du transfert (figure 35b) fauteuil voiture et le test des pédales avec l’attelle (figure 35a). Aucune difficulté n’est remarquée.

Fig. 293 - Passage obstacle avec la descente (a), la montée (b), l'utilisation escalier (c).

Fig. 284 - Etape du relever de sol.

a b c

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22

• Des ateliers de marche sont proposés entre les barres parallèles (1) (14) : un atelier de redressement pour lutter contre l’attitude cyphosante avec une charge placée sur la tête du patient l’obligeant ainsi à la maintenir. Un atelier de dissociation des ceintures via un travail des membres supérieurs sur les barres associées à l’avancement des membres inférieurs. Un atelier de longueurs de pas via un marquage au sol composé de ronds et de croix correspondant à l’attaque du talon droit et du talon gauche (figure 36). Enfin de nombreuses marches libres sont réalisées, débutant entre les barres parallèles, évoluant vers l’utilisation du déambulateur (figure 37a), puis de 2 cannes anglaises (figure 37b) . Cette évolution s’effectue progressivement en fonction de la cicatrisation et de la douleur mécanique. En effet les diverses aides techniques proposées n’offrent pas la même décharge de contrainte, aux mêmes phases de la marche.

Fig. 30 - Mise en situation au poste de conduite.

Fig. 36 - Atelier de marche avec repère au sol.

Fig. 37 - Marche "libre" avec déambulateur (a), avec 2 cannes anglaises (b).

b a

a b

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6 Résultats

A six semaines de cette prise en charge la marche est obtenue sous couvert de cannes anglaises. Elle est limitée par des douleurs mécaniques de l’appui sous rotulien du côté gauche, la plaie n’étant pas cicatrisée. Le résultat au test de marche de six minutes est de 75 m sans pause. Malgré le travail articulaire effectué, le patient garde un flessum à gauche de 10° associé à un genu valgum. Mais cette déformation sera par la suite corrigée via le réglage de l’appareillage. Les plaies sont toujours présentes avec une amélioration à gauche passant, en antérieur, d’un diamètre de 5,5 cm à 3 cm. La plaie latérale est totalement réunifiée. Le côté droit ne comporte pas d’amélioration avec une plage cutanée fragile, inflammatoire et présente une désunification en inférieur. Les douleurs fantômes persistent pendant la nuit avec une intensité de 5/10 sur l’échelle visuelle analogique.

A la fin de la prise en charge la marche est fonctionnelle avec l’aide de cannes anglaise traduisant ainsi un équilibre dynamique et une proprioception prothétique fonctionnelle. Le périmètre de marche évalué lors du test des 6 minutes est de 300 mètres Les plaies à gauche sont cicatrisées mais l’unification reste fragile. A droite la greffe cutanée reste inflammatoire, une IRM est prévue afin de vérifier la présence ou non d’une nouvelle infection. Les douleurs fantômes, diminuent depuis que l’appareillage est porté de façon régulière, mais elles persistent, leurs désagréments nocturnes influençant ainsi l’état physique et psychique. Il quitte le centre de rééducation avec ses deux appareillages définitifs et la formation pour leurs entretiens et leurs utilisations. Les tests d’installation au poste de conduite et de travail sur simulateur montrent que la conduite d’une voiture automatique est possible.

La réduction des facteurs de risque cardio-vasculaires passe par les conseils d’hygiène de vie suivant :

• Pour l’obésité : lors du séjour un amaigrissement de 3 kg est noté. Un entretien avec une nutritionniste est effectué afin de poursuivre son régime alimentaire.

• La restitution de la marche lui permet de diminuer sa sédentarité. Cette diminution dépend essentiellement de sa volonté. Le conseil d’effectuer 30 min de marche deux fois par jour est transmis.

Fig. 38 - Fin de la prise en charge, autonomie avec 2 cannes anglaises.

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7 Discussion

Leçons tirées de la confection d’un appareillage non conventionnel chez un patient vasculaire :

• La notion de transdisciplinarité impliquant le partage de compétences complémentaires. En effet face à l’échec des premières semelles élaborées par les orthoprothésistes, leurs proposition s’oriente vers un appareillage de décharge à appui sous rotulien. Or cet appareillage est moins performant : physiologiquement la décharge du segment sous rotulien entraine une déminéralisation osseuse par l’absence de compression axiale (8) et sur le plan biomécanique il bloque totalement les secteurs de mobilité de la cheville et l’entrée proprioceptive du pied, limitant ainsi les stratégies d’équilibration et le périmètre de marche. Enfin cet appareillage ne correspond pas aux doléances du patient, tant sur l’aspect esthétique, que sur la reprise de la conduite automobile. Cette inadaptation peut aboutir à une diminution du port de la prothèse. D’ailleurs le port de la prothèse tant en durée, qu’en vécu fait partie intégrante des échelles fonctionnelles de l’amputé de type Houghton (16). Grâce au bilan kinésithérapique, et à la compréhension de la complexité de la situation via l’échec des orthoprothésistes, une discussion entre kinésithérapeutes, médecin, et orthoprothésistes aboutit à une idée d’orthèse dirigée par les kinésithérapeutes pour la partie provisoire et une intervention des orthoprothésistes pour l’appareillage définitif. Lors de cet appareillage, la chaussure montante du premier essai est ajoutée dans un but de stabilité supplémentaire mais aussi esthétique.

• La fonctionnalité est au prix de la physiologie. La restitution de la marche, et la possibilité de conduite automobile passent par un compromis entre stabilité et mobilité : un consensus entre la stabilité ; permettant une diminution des douleurs mécaniques et des conflits cutanés, et la mobilité autorisant une marche semblable à la physiologie (énergie, esthétique) ainsi qu’une reprise de la conduite automobile.

• Un appareillage définitif hybride. L’appareillage proposé peut correspondre dans la littérature à un mix entre la bottine, recherchant un confort des appuis plantaires via une surface en gel, et l’orthèse mollet plante quêtant la stabilisation (figure 39). Cette stabilisation est modérée au profit de la mobilité grâce à l’utilisation d’une plaque thermoformée fine autorisant ainsi une légère déformation lors des mouvements. Le choix de l’appareillage ne se fait pas de façon standard mais est bien lié aux forces et aux faiblesses du patient. Ces forces sont une mobilité active passive de chevilles saines, la présence de sensibilité plantaire, un

Fig. 39 - Bottine en silicone et orthèse mollet plante (12).

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appui talonnier non douloureux, et une compréhension de l’importance de la surveillance cutanée, tandis que ces faiblesses sont une douleur à l’appui du medio pied, la présence d’une plage cutanée fragile, le diabète.

Des capacités surprenantes : Il est vrai que le patient présente un tableau clinique laissant penser à une désadaptation importante, entre les antécédents de tabagisme, de chirurgie cardiaque ; la présence d’artériopathies et de diabète aboutissant à de multiple amputations. L’importance du bilan clinique physique établi par le kinésithérapeute ainsi que les nombreux exercices proposés permettent ainsi de révéler le potentiel du patient aux yeux de l’équipe de soin mais aussi du patient lui-même. C’est pour cela qu’au-delà des examens il y a un homme.

8 Conclusion

En fin de prise en charge les objectifs sont atteints dans un contexte de pathologies lourdes. La mobilisation des compétences y compris celles du patient a permis de relever le défi de l’appareillage. Alors que le tableau dressé par le dossier clinique était sombre, pouvant démobiliser l’équipe soignante, la réalité fonctionnelle contredisait ce pessimisme. Ainsi une rééducation bien conduite, passe non seulement par la motivation du patient mais aussi par l’enthousiasme de l’équipe soignante.

Une stabilisation des facteurs de risques cardio vasculaire est nécessaire afin d’éviter l’aggravation des lésions structurelles, et l’indication d’une nouvelle amputation. Elle passe par un traitement de la sédentarité, l’obésité, au moyen de l’activité physique telle que la marche, et d’une hygiène de vie rigoureuse, tant sur l’alimentation que sur la surveillance cutanée En fin de prise en charge la marche est acquise sous couvert de cannes anglaises. La conduite automobile est possible avec la capacité d’interagir avec le poste de conduite. Lors de cette prise en charge on observe l’étroite collaboration entre les professionnels de santé : la partie cutanée avec l’infirmière, l’appareillage avec les orthoprothésistes, la reprise de la conduite automobile avec l’ergothérapeute, le réentrainement à l’effort avec les APA et le médecin accessible pour tous conseils et source d’information. Cette collaboration est nécessaire afin d’effectuer une prise en charge du patient dans sa globalité.

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15. S.Theys, Th.Deltombe, M.Meunier, C.Legrand, B.Dufour, Ph.Hanson. Faire pédaler un artériopathe. 2005. pp. 41-43.

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16. I.Loiret, J.Paysant, N.Martinet, JM.André. Evalutation des amputés. [éd.] annales de réadaptation et de médecine physique. s.l. : Elsevier, 2005. pp. 307-316. Vol. 48.

17. A.Barret, F.Accadbled, D.Garrigues, X.Chaufour. Amputations des membres inférieurs au cours de l'évolution des artériopathies chroniques oblitérantes. 2005. pp. 43-029-M.

18. A.Fredenrich, M.Batt, PJ.Bouillanne. Artériopathie diabètique des membres inférieurs. [éd.] Elsevier SAS. 2004. pp. 10-366-J-40.

19. E.Viel. Contraintes statiques et dynamiques s'exerçant sur le genou en charge. [éd.] Masson. 1991. pp. 455-458. Vol. 18.

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Annexe 1

Protocole et résultats du réentrainement à l’effort effectué par les APA :

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Annexe 2

Echelle de Borg (tiré de entrainement longue distance Trail-Nordic de Ph. Aigroz):

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Annexe 3 :

Test de force des membres supérieurs au moyen de dynamomètre effectué par les APA :

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