Interview choc sur Charlie Hebdo

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CHARLIE HEBDO: Ce livre, c’est le récit d’une déception… t Ali Amar: En 1997, deux ans avant l’ar- rivée de Mohammed VI, Hassan II, au soir de sa vie, comprend qu’il lui faut des- serrer son pouvoir. Le monde a changé. Il y a une pression très forte. Le livre de Gilles Perrault, Notre ami le roi, fait un carnage. Hassan II commence à lâcher du lest. Il ne peut plus être le dictateur chaperonné par les puissances occiden- tales. Il octroie le gouvernement à ses anciens opposants, il libère les prison- niers politiques. Je ne dis pas qu’il est devenu démocrate, bien sûr, il agit sous la contrainte. Mais il y a cette alternance. Donc, pour nous, c’est un moment chargé d’espoir. Et puis il meurt. La vitesse de changement à cette époque-là nous disait que Mohammed VI allait pro- bablement continuer sur cette lancée. Mais très vite il a repris les habits de son père. Il n’est pas comme Hassan II, le dic- tateur sanguinaire qui pouvait tout se per- mettre. Mais, derrière une modernité de façade, il n’arrive pas à couper le cordon ombilical. Effectivement, je suis déçu. Je pense qu’il aurait pu aller beaucoup plus loin Ce qui est terrible aujourd’hui, c’est que dix ans ont passé et on nous bassine encore avec la transition démocratique… « On veut être des citoyens, pas des sujets. » Le livre fait aussi l’histoire du Journal, qui est aux premières loges pour mesurer cette « transition ». En 1997, quand Le Journal apparaît, on est dans cette phase d’espoir. On est dans une exaltation qui s’est construite petit à petit. On n’est pas politisé comme on l’est devenu aujourd’hui. Mais, à l’orée de cette transition, on essaye de repousser les limites de la liberté de la presse. Pour pouvoir nous projeter dans l’avenir, il fal- lait que l’on comprenne notre histoire récente, qui est complètement occultée. Dans les écoles au Maroc, on ne t’apprend rien. Alors, quelle mémoire peut-on reconstruire ? Peut-on tout dire et aborder toutes les questions concernant notre pays en rendant compte de tous les points de vue ? On avait le premier journal indé- pendant fait par des jeunes qui avaient des référents universels. La liberté d’ex- pression en particulier. On a commencé à écrire « le roi ». Tout le monde écrivait « Sa Majesté » dans la presse… Et très vite on a buté contre cette sacralité. C’est le nœud gordien du système. Mohammed VI est une personne constitutionnelle- ment sacrée, parce que prétendument descendant du Prophète. Tu ne peux pas être de droit divin et responsable politi- quement. L’un est exclusif par rapport à l’autre. La transition se révèle vite généa- logique, mais pas démocratique, avec des évolutions et des progrès qui ne touchent pas au fond. On est passé d’un roi à un autre, mais pas d’un régime à un autre. La grande force de Mohammed VI, c’est d’avoir su s’attirer l’indulgence du monde parce qu’il était jeune et que son image est plus sympathique que celle, révulsive, de Hassan II… Votre livre est sévère, mais n’est pas bêtement manichéen. Vous analysez un régime rempli de contradictions avec, malgré tout, un mouvement interne… Le Maroc, ce n’est pas la Tunisie, qui est un commissariat avec un maton à sa tête. Au Maroc, il y a les attributs d’institu- tions. Il y a un Parlement. Il y a une vie politique. Mais on prend vite conscience que tout cela ne sert au bout du compte pas à grand-chose. Le pouvoir est tou- jours ultra-concentré. Parce que je suis critique, comme n’importe quel journa- liste doit l’être, on me dit souvent: regar- dez vos voisins. Évidemment, quand on compare avec le reste du monde arabe, tout va bien au Maroc… Est-ce qu’on doit être condamné à cette comparaison régionale-là ? Le Maroc est à 14 kilo- mètres de l’Europe… La monarchie, c’est vrai, y est extrêmement populaire, mais elle a besoin d’être réformée. Il faut qu’il y ait une vraie séparation des pouvoirs. Il faut un Premier ministre qui soit rede- vable auprès des citoyens. Il faut casser cette sacralité du monarque. On veut être des citoyens, pas des sujets… Vous montrez que la capacité du palais à pouvoir leurrer les médias occidentaux, notamment français, est un de vos grands problèmes. La France a, en gros, gobé le mythe de ce roi démocrate. Les Français, diplomates ou journalistes, se font avoir par une génération de jeunes Marocains modernes qui ont, comme moi, fait les mêmes études qu’eux et leur racontent leur Maroc. En faisant Le Jour- nal, on subissait d’ailleurs une grosse pression de ces gens de la génération Mohammed VI, qui sont au pouvoir, écono- mique ou politique, et qui ne comprenaient pas le sens de nos enquêtes. Ils s’étonnaient que des gens qui devaient être formatés comme eux ne le soient pas. Parce que les élites sont domestiquées par la coop- tation et l’argent. Il suffit d’un minimum de participation active au système pour vivre dans un confort insolent. Alors, on a beau leur dire qu’on est avant tout des démo- crates et des pluralistes, rien n’y fait. Der- rière notre simple travail de journalistes indépendants, on nous prête des inten- tions cachées. Parfois, on dit que l’on est des crypto-islamistes, parfois des athées mécréants, ou des nihilistes à la solde du Mossad quand on parle d’Israël, ou à la solde de la DGSE française ou de l’Algé- rie si on parle du Sahara occidental… Comment définir le type de capita- lisme qui sévit au Maroc ? On est dans un système de prédation économique. Le roi possède une société qui agit à tous les rouages de la vie éco- nomique. Il façonne le business. Les capitalistes marocains sont des gens qui ont toujours profité du parapluie du palais pour évoluer dans un capitalisme de rentier. Il faut toujours être dans les jupes du pouvoir. C’est un système d’ap- paratchik. Ceux qui ont le pouvoir poli- tique ont le pouvoir économique. Ils savent ce qui est bien pour le pays. Une nouveauté du régime : Mohammed VI accapare plus de biens et de contrôle que son père. C’est un businessman entouré d’affairistes mafieux. « Mohammed VI: un businessman entouré d’affairistes mafieux » Comment Mohammed VI gère-t-il l’hé- ritage de Hassan II en ce qui concerne l’oppression des opposants, la tor- ture?… Il y a eu un processus de réconciliation, mais ce qui est terrible, c’est comment il est arrivé à engloutir les opposants dans le système. Le rapport a lieu, il y a une catharsis, c’est vrai, mais ça n’a rien changé institutionnellement. Des cri- minels qui agissaient sous Hassan II sont toujours dans l’entourage influent du roi. Qu’est-ce qui pourrait empêcher que cela se reproduise ? Et, le fait est, après le 11 sep- tembre, le Maroc a rouvert des prisons secrètes et pra- tiqué la torture. C’est docu- menté… Tout ça au nom de la lutte contre le terrorisme. Quelle est la situation de l’islamisme radical au Maroc? Le grand danger, pour Has- san II, c’était la gauche. Il a favorisé l’émergence d’une classe politique islamiste en pensant sincèrement qu’en tant que « commandeur des croyants » il pourrait contrôler. Il a ouvert la porte du wahha- bisme saoudien. Pour des raisons de fric aussi. Le Maroc a ouvert ses mosquées. Ils ont alimenté le terreau de l’isla- misme. Une partie de la jeunesse, aujourd’hui, se reconnaît dans l’inter- nationale djihadiste. Et la ligne de frac- ture économique épouse cette ligne de fracture idéologique… Il faut voir Casa- blanca. Son centre, c’est une ville moderne, européenne. La banlieue, c’est l’Afghanistan. Au Maroc, il n’y a pas une fracture sociale, mais un gouffre béant. Un petit bantoustan d’opulence au milieu d’un océan de bidonvilles, où il y a une influence très forte des radicaux. Ce modèle de société gagne du terrain à cause des tensions qui existent. « Le Maroc, un petit bantoustan d’opulence au milieu d’un océan de bidonvilles » Il y a beaucoup de chapitres sur l’en- tourage de Mohammed VI, mais aucun ne lui est exclusivement consa- cré. Pourquoi ? Parce qu’il reste une énigme. On ne sait pas ce qu’il pense sur le fond. Il ne s’ex- prime jamais. On doit extirper les infor- mations qui le concernent. Cette ques- tion ultime de la prise de décision au Maroc reste mystérieuse. On ne sait rien. On sait qu’il a tous les pouvoirs en main, mais on doit toujours décrypter les mécanismes internes du palais, même en étant initié. C’est le système du makhzen, un système féodal de cour- tisanerie et d’allégeance. Il y a un cabi- net de l’ombre qui prend toutes les déci- sions importantes. En marge du gouvernement, il y a des commissions royales qui coupent l’herbe sous le pied aux mécanismes institutionnels et aux logiques un peu plus démocratiques qu’il pourrait y avoir. En permanence, c’est le fait du prince. Mohammed VI est prisonnier du système dans lequel il a été élevé. Comment le livre va-t-il être reçu au Maroc? Je ne crois pas que mon livre y sera vendu. Le plus grand grossiste du pays n’a pas fait de commande. Alors, je ne sais pas. Il y a un bureau de la censure pour les périodiques, mais pas pour les livres… Ce serait stupide de l’interdire! Mais la presse va sortir les bonnes feuilles. C’est l’actualité du moment. C’est la première fois qu’un journaliste marocain fait un livre d’enquête sur la monarchie. PROPOS RECUEILLIS PAR STÉPHANE BOU « La France a gobé le mythe d’un Mohammed VI démocrate » Ali Amar a été l’un des fondateurs du Journal, premier titre indépendant du Maroc. Il fête à sa manière le 10 e anniversaire du règne de Mohammed VI: en publiant une enquête qui fait tomber les masques. Derrière l’image marketing d’un Maroc en mouvement? Un pays plombé par une monarchie affairiste qui, tout en prétendant avoir rompu avec l’héritage de Hassan II, se révèle incapable de couper le cordon ombilical. Rencontre avec l’auteur de Mohammed VI, le grand malentendu. Dix ans de règne dans l’ombre de Hassan II, Calmann-Lévy. ENTRETIEN AVEC ALI AMAR 10-11-881-Inter 4/05/09 19:43 Page 11

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Une interview d'Ali Amar et des caricatures à mourir de rire sur la "transition démocratique " marocaine

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CHARLIE HEBDO : Ce livre, c’est lerécit d’une déception…t Ali Amar: En 1997, deux ans avant l’ar-rivée de Mohammed VI, Hassan II, ausoir de sa vie, comprend qu’il lui faut des-serrer son pouvoir. Le monde a changé. Ily a une pression très forte. Le livre deGilles Perrault, Notre ami le roi, fait uncarnage. Hassan II commence à lâcherdu lest. Il ne peut plus être le dictateurchaperonné par les puissances occiden-tales. Il octroie le gouvernement à sesanciens opposants, il libère les prison-niers politiques. Je ne dis pas qu’il estdevenu démocrate, bien sûr, il agit sousla contrainte. Mais il y a cette alternance.Donc, pour nous, c’est un momentchargé d’espoir. Et puis il meurt. Lavitesse de changement à cette époque-lànous disait que Mohammed VI allait pro-bablement continuer sur cette lancée.Mais très vite il a repris les habits de sonpère. Il n’est pas comme Hassan II, le dic-tateur sanguinaire qui pouvait tout se per-mettre. Mais, derrière une modernité defaçade, il n’arrive pas à couper le cordonombilical. Effectivement, je suis déçu. Jepense qu’il aurait pu aller beaucoup plusloin Ce qui est terrible aujourd’hui, c’estque dix ans ont passé et on nous bassineencore avec la transition démocratique…

« On veut être des citoyens,pas des sujets. »

Le livre fait aussi l’histoire du Journal,qui est aux premières loges pourmesurer cette « transition ».En 1997, quand Le Journal apparaît, onest dans cette phase d’espoir. On est dansune exaltation qui s’est construite petit àpetit. On n’est pas politisé comme on l’estdevenu aujourd’hui. Mais, à l’orée de cettetransition, on essaye de repousser leslimites de la liberté de la presse. Pourpouvoir nous projeter dans l’avenir, il fal-lait que l’on comprenne notre histoirerécente, qui est complètement occultée.Dans les écoles au Maroc, on ne t’apprendrien. Alors, quelle mémoire peut-onreconstruire? Peut-on tout dire et abordertoutes les questions concernant notrepays en rendant compte de tous les pointsde vue? On avait le premier journal indé-pendant fait par des jeunes qui avaientdes référents universels. La liberté d’ex-pression en particulier. On a commencéà écrire « le roi ». Tout le monde écrivait« Sa Majesté » dans la presse… Et très viteon a buté contre cette sacralité. C’est lenœud gordien du système. MohammedVI est une personne constitutionnelle-

ment sacrée, parce que prétendumentdescendant du Prophète. Tu ne peux pasêtre de droit divin et responsable politi-quement. L’un est exclusif par rapport àl’autre. La transition se révèle vite généa-logique, mais pas démocratique, avec desévolutions et des progrès qui ne touchentpas au fond. On est passé d’un roi à unautre, mais pas d’un régime à un autre.La grande force de Mohammed VI, c’estd’avoir su s’attirer l’indulgence du mondeparce qu’il était jeune et que son image estplus sympathique que celle, révulsive, deHassan II…

Votre livre est sévère, mais n’est pasbêtement manichéen. Vous analysez unrégime rempli de contradictions avec,malgré tout, un mouvement interne…Le Maroc, ce n’est pas la Tunisie, qui estun commissariat avec un maton à sa tête.Au Maroc, il y a les attributs d’institu-tions. Il y a un Parlement. Il y a une viepolitique. Mais on prend vite conscienceque tout cela ne sert au bout du comptepas à grand-chose. Le pouvoir est tou-jours ultra-concentré. Parce que je suiscritique, comme n’importe quel journa-liste doit l’être, on me dit souvent : regar-dez vos voisins. Évidemment, quand oncompare avec le reste du monde arabe,tout va bien au Maroc… Est-ce qu’on doitêtre condamné à cette comparaisonrégionale-là ? Le Maroc est à 14 kilo-mètres de l’Europe… La monarchie, c’estvrai, y est extrêmement populaire, maiselle a besoin d’être réformée. Il faut qu’ily ait une vraie séparation des pouvoirs. Ilfaut un Premier ministre qui soit rede-vable auprès des citoyens. Il faut cassercette sacralité du monarque. On veut êtredes citoyens, pas des sujets…

Vous montrez que la capacité dupalais à pouvoir leurrer les médiasoccidentaux, notamment français, estun de vos grands problèmes.La France a, en gros, gobé le mythe de ceroi démocrate. Les Français, diplomatesou journalistes, se font avoir par unegénération de jeunes Marocainsmodernes qui ont, comme moi, fait lesmêmes études qu’eux et leur racontentleur Maroc. En faisant Le Jour-nal, on subissait d’ailleurs unegrosse pression de ces gens dela génération Mohammed VI,qui sont au pouvoir, écono-mique ou politique, et qui necomprenaient pas le sens denos enquêtes. Ils s’étonnaientque des gens qui devaient êtreformatés comme eux ne lesoient pas. Parce que les élitessont domestiquées par la coop-tation et l’argent. Il suffit d’unminimum de participationactive au système pour vivre

dans un confort insolent. Alors, on a beauleur dire qu’on est avant tout des démo-crates et des pluralistes, rien n’y fait. Der-rière notre simple travail de journalistesindépendants, on nous prête des inten-tions cachées. Parfois, on dit que l’on estdes crypto-islamistes, parfois des athéesmécréants, ou des nihilistes à la solde duMossad quand on parle d’Israël, ou à lasolde de la DGSE française ou de l’Algé-rie si on parle du Sahara occidental…

Comment définir le type de capita-lisme qui sévit au Maroc?On est dans un système de prédationéconomique. Le roi possède une sociétéqui agit à tous les rouages de la vie éco-nomique. Il façonne le business. Lescapitalistes marocains sont des gens quiont toujours profité du parapluie dupalais pour évoluer dans un capitalismede rentier. Il faut toujours être dans lesjupes du pouvoir. C’est un système d’ap-paratchik. Ceux qui ont le pouvoir poli-

tique ont le pouvoir économique. Ilssavent ce qui est bien pour le pays. Unenouveauté du régime : Mohammed VIaccapare plus de biens et de contrôle queson père. C’est un businessman entouréd’affairistes mafieux.

« Mohammed VI : un businessmanentouré d’affairistes mafieux »

Comment Mohammed VI gère-t-il l’hé-ritage de Hassan II en ce qui concernel’oppression des opposants, la tor-ture?…Il y a eu un processus de réconciliation,mais ce qui est terrible, c’est comment ilest arrivé à engloutir les opposants dansle système. Le rapport a lieu, il y a unecatharsis, c’est vrai, mais ça n’a rienchangé institutionnellement. Des cri-minels qui agissaient sous Hassan IIsont toujours dans l’entourage influentdu roi. Qu’est-ce qui pourrait empêcher

que cela se reproduise? Et,le fait est, après le 11 sep-tembre, le Maroc a rouvertdes prisons secrètes et pra-tiqué la torture. C’est docu-menté… Tout ça au nom dela lutte contre le terrorisme.

Quelle est la situation del’islamisme radical auMaroc?Le grand danger, pour Has-san II, c’était la gauche. Il afavorisé l’émergence d’uneclasse politique islamiste

en pensant sincèrement qu’en tant que« commandeur des croyants » il pourraitcontrôler. Il a ouvert la porte du wahha-bisme saoudien. Pour des raisons de fricaussi. Le Maroc a ouvert ses mosquées.Ils ont alimenté le terreau de l’isla-misme. Une partie de la jeunesse,aujourd’hui, se reconnaît dans l’inter-nationale djihadiste. Et la ligne de frac-ture économique épouse cette ligne defracture idéologique… Il faut voir Casa-blanca. Son centre, c’est une villemoderne, européenne. La banlieue, c’estl’Afghanistan. Au Maroc, il n’y a pas unefracture sociale, mais un gouffre béant.Un petit bantoustan d’opulence aumilieu d’un océan de bidonvilles, où il ya une influence très forte des radicaux.Ce modèle de société gagne du terrainà cause des tensions qui existent.

« Le Maroc, un petit bantoustand’opulence au milieu d’un océan

de bidonvilles »

Il y a beaucoup de chapitres sur l’en-tourage de Mohammed VI, maisaucun ne lui est exclusivement consa-cré. Pourquoi?Parce qu’il reste une énigme. On ne saitpas ce qu’il pense sur le fond. Il ne s’ex-prime jamais. On doit extirper les infor-mations qui le concernent. Cette ques-tion ultime de la prise de décision auMaroc reste mystérieuse. On ne saitrien. On sait qu’il a tous les pouvoirs enmain, mais on doit toujours décrypterles mécanismes internes du palais,même en étant initié. C’est le systèmedu makhzen, un système féodal de cour-tisanerie et d’allégeance. Il y a un cabi-net de l’ombre qui prend toutes les déci-sions importantes. En marge dugouvernement, il y a des commissionsroyales qui coupent l’herbe sous le piedaux mécanismes institutionnels et auxlogiques un peu plus démocratiquesqu’il pourrait y avoir. En permanence,c’est le fait du prince. Mohammed VI estprisonnier du système dans lequel il aété élevé.

Comment le livre va-t-il être reçu auMaroc?Je ne crois pas que mon livre y seravendu. Le plus grand grossiste du paysn’a pas fait de commande. Alors, je nesais pas. Il y a un bureau de la censurepour les périodiques, mais pas pour leslivres… Ce serait stupide de l’interdire !Mais la presse va sortir les bonnesfeuilles. C’est l’actualité du moment.C’est la première fois qu’un journalistemarocain fait un livre d’enquête sur lamonarchie.

PROPOS RECUEILLIS PAR STÉPHANE BOU

« La France a gobé le mythe d’un Mohammed VI démocrate »Ali Amar a été l’un des fondateurs du Journal, premier titre indépendant du Maroc. Il fête à sa manière le 10e anniversaire du règnede Mohammed VI: en publiant une enquête qui fait tomber les masques. Derrière l’image marketing d’un Maroc en mouvement? Unpays plombé par une monarchie affairiste qui, tout en prétendant avoir rompu avec l’héritage de Hassan II, se révèle incapablede couper le cordon ombilical. Rencontre avec l’auteur de Mohammed VI, le grand malentendu. Dix ans de règne dans l’ombre deHassan II, Calmann-Lévy.

ENTRETIENAVEC ALI AMAR

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