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JNGG 2002, 8 et 9 Octobre 2002, Nancy 1 INTERACTION SOL-STRUCTURE EN CENTRIFUGEUSE : RIGIDITES RELATIVES ET REDISTRIBUTION DES EFFORTS HOUY Laurent 1 , BREYSSE Denis 1 , NIANDOU Halidou 1 , RIOU Christine 2 1 Centre de Développement des Géosciences Appliquées, Université Bordeaux I, Bat B18, 33405 Talence Cedex, atlas.cdga.u-bordeaux.fr, [email protected] , [email protected] , [email protected] bordeaux.fr 2 CEA-CESTA, DEV/SDET/LESR, BP2, 33114 Le Barp, [email protected] RESUME : La variabilité des propriétés mécaniques et géométriques du sol peut conduire à des tassements différentiels sur les ouvrages et générer des désordres. Afin d’optimiser l’insertion de l’ouvrage dans le sol, il est nécessaire de limiter les désordres d’origine géotechnique. Pour cela, il faut reconnaître, quantifier et modéliser l’hétérogénéité, et également être capable de décrire de façon satisfaisante les mécanismes d’interaction globale entre le sol et l’ouvrage. L’étude d’un portique hyperstatique à 3 appuis est menée à l’aide d’un modèle réduit prédimensionné par éléments finis et embarqué jusqu’à 100 g sur la centrifugeuse du CEA-CESTA. Différentes configurations sont étudiées en faisant varier la géométrie du sol, le chargement et la souplesse de la structure. La réponse de l’ouvrage (déformation et déplacement vertical) est analysée à l’aide d’un modèle numérique qui permet de mettre en évidence l’intensité des redistributions d’efforts dans la structure. MOTS-CLEFS : Interaction sol-structure – Variabilité spatiale – Rigidité – Tassement différentiel – Redistribution des efforts ABSTRACT : Mechanical and geometrical soil variability can induce differential settlements on structure, and, for some cases, damage can appear. So, soil variability and soil-structure interaction should be described to limit the disturbance of geotechnical origin. The reduced scaled model of an hyperstatic 3-support frame, designed after finite element computation, is embarked in the CEA-CESTA centrifuge, up to 100 g. Differents cases are considered with varying ground, load and stiffness of the structure. Numerical model is used to understand the behaviour of structure from the strain and settlement measurements. The magnitude of load and forces redistributions is focussed on. KEY-WORDS : Sol-structure interaction – Spatial Variability – Stiffness – Differential settlement – Load redistribution 1. Introduction La variabilité des propriétés mécaniques et géométriques du sol peut générer des tassements différentiels sur les ouvrages, et dans certain cas conduire à des désordres. Lors de la conception, l’ouvrage est prévu pour pouvoir se déformer, en fonction des caractéristiques géométriques de l’ouvrage et des matériaux de constructions employés. Optimiser l’insertion de l’ouvrage consiste à limiter les désordres d’origine géotechnique. Pour cela, il faut reconnaître, quantifier et modéliser l’hétérogénéité, et également être capable de décrire de façon satisfaisante les mécanismes d’interaction globale entre le sol et l’ouvrage. Le tassement différentiel de l’ouvrage est sous le contrôle d’une part, de la variabilité géométrique et mécanique des sols, et d’autre part, de l’interaction sol-ouvrage qui en découle (Breysse, 2001). L’ouvrage transmet des efforts au sol qui se déforme ; les déplacements qui en résultent à l’interface

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JNGG 2002, 8 et 9 Octobre 2002, Nancy 1

INTERACTION SOL-STRUCTURE EN CENTRIFUGEUSE : RIGIDITES RELATIVES ET REDISTRIBUTION DES EFFORTS

HOUY Laurent1, BREYSSE Denis1, NIANDOU Halidou1, RIOU Christine2 1Centre de Développement des Géosciences Appliquées, Université Bordeaux I, Bat B18, 33405 Talence Cedex, atlas.cdga.u-bordeaux.fr, [email protected], [email protected], [email protected] 2 CEA-CESTA, DEV/SDET/LESR, BP2, 33114 Le Barp, [email protected]

RESUME : La variabilité des propriétés mécaniques et géométriques du sol peut conduire à des tassements différentiels sur les ouvrages et générer des désordres. Afin d’optimiser l’insertion de l’ouvrage dans le sol, il est nécessaire de limiter les désordres d’origine géotechnique. Pour cela, il faut reconnaître, quantifier et modéliser l’hétérogénéité, et également être capable de décrire de façon satisfaisante les mécanismes d’interaction globale entre le sol et l’ouvrage. L’étude d’un portique hyperstatique à 3 appuis est menée à l’aide d’un modèle réduit prédimensionné par éléments finis et embarqué jusqu’à 100 g sur la centrifugeuse du CEA-CESTA. Différentes configurations sont étudiées en faisant varier la géométrie du sol, le chargement et la souplesse de la structure. La réponse de l’ouvrage (déformation et déplacement vertical) est analysée à l’aide d’un modèle numérique qui permet de mettre en évidence l’intensité des redistributions d’efforts dans la structure. MOTS-CLEFS : Interaction sol-structure – Variabilité spatiale – Rigidité – Tassement différentiel – Redistribution des efforts ABSTRACT : Mechanical and geometrical soil variability can induce differential settlements on structure, and, for some cases, damage can appear. So, soil variability and soil-structure interaction should be described to limit the disturbance of geotechnical origin. The reduced scaled model of an hyperstatic 3-support frame, designed after finite element computation, is embarked in the CEA-CESTA centrifuge, up to 100 g. Differents cases are considered with varying ground, load and stiffness of the structure. Numerical model is used to understand the behaviour of structure from the strain and settlement measurements. The magnitude of load and forces redistributions is focussed on. KEY-WORDS : Sol-structure interaction – Spatial Variability – Stiffness – Differential settlement – Load redistribution

1. Introduction

La variabilité des propriétés mécaniques et géométriques du sol peut générer des tassements différentiels sur les ouvrages, et dans certain cas conduire à des désordres. Lors de la conception, l’ouvrage est prévu pour pouvoir se déformer, en fonction des caractéristiques géométriques de l’ouvrage et des matériaux de constructions employés. Optimiser l’insertion de l’ouvrage consiste à limiter les désordres d’origine géotechnique. Pour cela, il faut reconnaître, quantifier et modéliser l’hétérogénéité, et également être capable de décrire de façon satisfaisante les mécanismes d’interaction globale entre le sol et l’ouvrage.

Le tassement différentiel de l’ouvrage est sous le contrôle d’une part, de la variabilité géométrique et mécanique des sols, et d’autre part, de l’interaction sol-ouvrage qui en découle (Breysse, 2001). L’ouvrage transmet des efforts au sol qui se déforme ; les déplacements qui en résultent à l’interface

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peuvent modifier sensiblement les contraintes générées par la structure et donc les efforts transmis aux sols. La solution du système couplé peut être obtenue par une démarche itérative. Le comportement non linéaire des matériaux (sol de fondation et matériau de construction) et les non linéarités géométriques peuvent également perturber la redistribution des efforts.

2. Principe de l’interaction sol-ouvrage en statique

2.1. Modèle étudié

Un portique hyperstatique à 3 appuis soumis à un effort vertical dans chaque travée est étudié (figure 1). Les appuis sont des semelles non encastrées, placées sur un sol souple. Les caractéristiques du portique sont les suivantes :

-aspect géométrique : le portique a une hauteur H, et la longueur de chacune de ses travées est notée L. Les poteaux et les poutres, de section carrée, ont pour largeur respective aM et aT.

-aspect mécanique : le module d’élasticité ainsi que l’inertie sont respectivement notés EM et IM pour les poteaux, et ET et IT pour les poutres.

La structure est soumise à un chargement vertical, celui-ci peut être une charge répartie d’intensité p, ou un effort ponctuel F, concentré au milieu de la travée. La maquette repose sur un sol supposé élastique et limité à sa base par un substratum considéré comme infiniment rigide. Soit hs l’épaisseur du sable et Es son module d’élasticité.

Figure 1 : Système sol-ouvrage soumis à un chargement réparti

2.2. Principe de l’interaction

Lors de la conception, en fonction des efforts internes calculés par la descente de charge, l’ingénieur vérifie le dimensionnement des semelles qui, généralement, sont supposées fixes. En fonction des efforts appliqués à la structure, les appuis tassent et induisent une redistribution des

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efforts internes, ce qui modifie le déplacement des appuis… Le phénomène se poursuit jusqu’à tendre vers une situation d’équilibre ou provoque l’endommagement de l’ouvrage.

Le déplacement des appuis et les efforts exercés aux appuis sont reliés par la rigidité, selon la formule :

F = kδ. (1) Dans notre cas, chaque appui possède une rigidité à trois degrés de liberté : une rigidité verticale kv, une rigidité horizontale kh et une rigidité de rotation kc. En connaissant la valeur de la rigidité, on peut recalculer les efforts internes, ou les déplacements d’appui. Le concept de rigidité est une approche simplifiée du milieu continu que constitue le sol ; il suppose une indépendance pratique entre les différentes composantes.

3. Simulation sur modèle réduit en centrifugeuse

3.1. Principe de la simulation

La simulation est basée sur l’étude du comportement de la structure en fonction du chargement imposé. Celui-ci induit des efforts internes dans la structure et des déplacements d’appuis. Afin d’analyser le comportement, la déformation ainsi que les tassements d’appuis sont mesurés. A partir de ces mesures, la redistribution des efforts en fonction des déplacements d’appuis est étudiée.

La géométrie du sous-sol (épaisseur du milieu déformable et pente du substratum) ainsi que le type de chargement (symétrie ou dissymétrie entre les travées) sont modifiés pour vérifier leur influence.

La simulation a été conduite sur la centrifugeuse Latéocère 265 (Figure 2) du CEA CESTA (Centre d’Etude Scientifique et Technique d’Aquitaine). La centrifugeuse est en activité depuis 1964 et a pour rayon de trajectoire 10 m (Corté et Garnier, 1986). La masse maximale embarquée est de 2,2 t, pour une accélération maximale de 100 g à 10 m.

Figure 2. La Centrifugeuse du CEA-CESTA

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3.2. Conception du modèle réduit

La méthode des éléments finis a été employée pour concevoir le modèle et définir les gammes des capteurs et des jauges de déformation (Lacaze, 2000). L’ouvrage simulé est un portique hyperstatique sur 3 appuis soumis à un chargement réparti uniforme. Le noeud situé à l’intersection de l’appui central et des deux travées peut simuler une articulation ou un encastrement, en fonction de la rigidité de l’ouvrage souhaitée. Les caractéristiques du portique, sont :

- ses dimensions : L = 25 m, H = 6 m, B1 = B3 = 1m, B2 = 3,3 m et aM = aT = 1 m²

- ses propriétés mécaniques : EM = ET = 15 000 MPa

La modélisation par modèle réduit nécessite le respect des lois de similitude (Tableau 1). Les propriétés mécaniques du prototype (ouvrage à l’échelle 1) et du modèle réduit (échelle 1/n) sont identiques. Avec la centrifugeuse, l’accélération maximale n est de 100 g, ce qui autorise un modèle réduit à l’échelle 1/100 (Garnier, 1995).

Tableau 1. Lois de similitude

Grandeur physique Facteur d’échelle Masse volumique 1

Longueur 1/n Déplacement 1/n Déformation 1

Force 1/n² Moment 1/n3

Accélération n

3.3. Dispositif expérimental

La maquette utilisée est un portique mécano-soudé à 3 appuis en alliage d’aluminium. Le module (EM = ET) déterminé expérimentalement vaut 28 500 MPa. La spécificité de ce portique est la possibilité de modifier sa rigidité. En effet, le nœud central, situé à l’intersection des travées et du poteau central, peut simuler un encastrement ou une articulation, en fonction du serrage du boulon et de l’écrou (figure 3).

Afin de multiplier le nombre de simulations, deux maquettes du prototype sont placées dans 2 bacs distincts situés sur la même nacelle. Les bacs ont pour dimensions 0,75 m * 0,5 m. Chaque maquette est équipée de 18 jauges de déformations, lesquelles sont positionnées de manière à fonctionner en couple. De plus, deux capteurs de déplacements sont placés au droit d’un appui latéral et de l’appui central. Un cinquième capteur mesure les déplacements verticaux du sol d’un des deux bacs. Le rajout de 2 semelles latérales (2,2*2,2 cm) ainsi que d’une semelle centrale (3,3*3 cm) sous chaque appui améliore la stabilité transversale de la structure. La structure est soumise à un chargement concentré au milieu de chaque travée. Le chargement peut être symétrique ou dissymétrique.

Le substratum indéformable est simulé par une plaque en aluminium lisse, supposé infiniment rigide (E = 70 000 MPa), dont la pente peut être nulle, de 8° ou de 17°. Le sol est un sable dont le d50 = 0,15 mm (Gemperline, 1988). Le sable est mis en place par pluviation (Chen et al, 1998), à hauteur constante par rapport au bord des bacs. Le poids volumique est de 14 kN.m-3.

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Figure 3. Dispositif expérimental

Après une première séquence de consolidation du sable sans les portiques, la rotation de la centrifugeuse débute avec les portiques chargés, et posés sur le sable. L’accélération jusqu’à 100 g est progressive, avec des paliers intermédiaires à 10, 20, 40, 50, 60 et 80 g. Après le palier à 100 g, la vitesse de rotation décroît avec de nouveau des paliers à 50, 20 et 10 g.

Différentes configurations sont étudiées, en fonction de la pente du substratum, de la hauteur de sable sous les appuis et de la symétrie ou de la dissymétrie du chargement ponctuel sur les travées.

4. Résultats de la simulation en centrifugeuse

Nous nous limiterons ici à l’analyse du portique hyperstatique (celui dont l’encastrement au centre est bloqué) en présence d’un substratum à fond plat (Hs = 0,25 m) et soumis à une accélération de 100 g. Le chargement est symétrique (F1 = F2 = 2 N à 1g) (soit 20 kN à l’échelle 1). La rigidité verticale est calculée pour l’appui central et l’appui latéral à partir des efforts internes calculés et des mesures de déplacements.

L’enregistrement des déformations permet de calculer les valeurs de réactions aux appuis en fonction de l’effort appliqué. Le nombre élevé de jauges de déformation permet de déterminer l’ensemble des efforts internes qui offre le meilleur compromis. Les efforts internes déduits des différentes équations de moments fléchissants sont :

Appui latéral : V1 = 84,2 N H1 = 13,4 N M1 = 0,07 N.m

Appui central : V2 = 223,6 N H2 = 3,3 N M2 = - 0,16 N.m

Appui latéral : V3 = 86,1 N H3 = -16,7 N M3 = - 0,13 N.m

Cette procédure d’analyse est complexe, le nombre de mesures excédant (volontairement) celui strictement nécessaire à l’inversion du système d’équations, aucune solution théorique n’est strictement compatible avec l’ensemble des mesures et avec la simple vérification de l’équilibre statique. Ainsi, V1 + V2 + V3 n’approche 400 N qu’avec une erreur de 2 %.

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L’établissement de la courbe de moment fléchissant calculé à partir des efforts internes est comparée sur les valeurs expérimentales (figure 4). Les valeurs de moments fléchissants déduites pour x = 0, L/2 et L sont respectivement : -0,8, 4,24 et -2,70 N.m.

Poutre

-3

-2

-1

0

1

2

3

4

5

0 0,02 0,04 0,06 0,08 0,1 0,12

Longueur de la travée (m)

mom

ent f

léch

issa

nt (N

.m-1

)

mf calculé

mf mesuré

Figure 4. Courbe de moments fléchissants pour une travée

Les courbes de déplacement en fonction du temps sont altérées aux fortes accélérations (figure 5). Ce phénomène est lié au décollement inopiné du film disposé sur le sable pour empêcher son envol.

0

0,4

0,8

1,2

1,6

2

2,4

2,8

3,2

3,6

4

4,4

4,8

5,2

00:00 05:00 10:00 15:00 20:00 25:00 30:00 35:00 40:00 45:00 50:00 55:00

Temps (min : s)

Dép

lace

men

t (m

m)

sem latéralesolsem centrale

accélération = 100 g

Figure 5. Déplacement vertical des appuis en fonction du temps

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Quoique le sable soit déjà tassé lors de la rotation à vide, le tassement mesuré n’est pas totalement réversible (figure 6). Les courbes de la figure révèlent aussi son caractère non linéaire, au chargement comme au déchargement. Dans un souci de simplification, on négligera cependant cet aspect, dans un premier temps en calculant des rigidités équivalentes, à partir des déplacements mesurés entre 0 et 40 g. ou entre 0 et 100 g.

Les déplacements mesurés doivent aussi être traités de façon à n’en conserver que la partie provoquée par le portique, en déduisant celle du au tassement du massif sous son propre poids. A cet effet, on utilise les mesures du capteur de référence, et les simulations éléments finis qui permettent de connaître ce que serait le tassement du sol non chargé à l’emplacement du portique.

Dans notre configuration, à 100 g, les valeurs de tassement sont pour l’appui latéral δ1 = 0,99 mm et pour l’appui central δ2 = 1,44 mm.

0

20

40

60

80

100

120

0 0,5 1 1,5 2 2,5 3 3,5 4 4,5 5 5,5

Déplacement (mm)

Acc

élér

atio

n (n

bre

de g

)

sem latérale

solsem centrale

Figure 6. Déplacement vertical des appuis en fonction de l’accélération

A partir de l’équation (1), on détermine la rigidité des appuis en tenant compte des efforts internes et des déplacements, soit Kv1 ou 3 = 86000 N.m-1et Kv2 = 155300 N.m-1.

5. Approche numérique de l’interaction sol -structure

5.1. Modèle numérique du portique et calculs des efforts

La difficulté du phénomène d’interaction est de déterminer la rigidité de chacun des appuis afin d’en tenir compte dans le calcul. Différentes méthodes existent pour connaître la rigidité : par des mesures de réaction et de déplacement sur un modèle embarqué, par une simulation numérique du continuum (en modélisant le comportement du sol et du contact sol-semelle à partir du module supposé du sol), où enfin par l’utilisation d’une formule semi-empirique de la géotechnique (pour

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kv) couplé avec un modèle ’’rdm’’ ; dans cette partie, seule la dernière méthode est présentée. Les aspects non linéaires liés à la plasticité du sol et aux non linéarités géométriques à l’interface sol-semelle ne sont pas pris en compte.

Le déplacement vertical, horizontal et de rotation dépend de la rigidité pour chacun de ces degrés de liberté. La rigidité est fonction de la géométrie de la semelle et des propriétés du sol (matériaux mis en jeu et géométrie du sous-sol). La formule de Ménard (Ménard, 1975) appliquée à une structure à plusieurs appuis exprime le tassement de chaque appui en fonction des parties déviatoriques (indice ’’d’’) et sphériques (indice ’’c’’) lié au tassement local sous la semelle (indice ’’sem’’) et au tassement de l’ensemble de la structure (indice ’’ens’’) :

ens dens csem d sem ctot S S S S S +++= (2)

La résolution du système est effectuée à partir de la méthode des forces avec des appuis élastiques dont la rigidité équivalente est calculée par itération : une rigidité est introduite dans le calcul, cela génère des redistributions d’efforts dans la structure, et modifie les tassements aux appuis.

En considérant les trois degrés de liberté de rigidité pour chacun des appuis, la résolution du système hyperstatique soumis à un chargement réparti p, ou concentré F au milieu de la travée, s’exprime selon f(V1, H1, M1, V2, H2, M2, V3, H3, M3, H, L, ET, EM, IT, IM, p1 ou F1, p2 ou F2, kv1, kh1, kc1, kv2, kh2, kc2, kv3, kh3, kc3) = 0. La solution fournit les valeurs des efforts exercés sur les appuis, à partir desquelles on déduit la valeur du déplacement sous chaque appui.

Par la suite, le modèle numérique est exploité afin de vérifier le rôle effectif des rigidités d’appui et de déterminer la redistribution des efforts.

5.2. Evaluation de la rigidité des appuis

5.2.1 Contraste sol-structure

Le modèle numérique permet de vérifier l’influence des rigidités d’appuis sur le comportement de l’ouvrage, étudié ici à l’échelle du modèle réduit. Le rapport de rigidité entre le sol et la structure influence la valeur des efforts internes, et par conséquent les déplacements (tableau 2). Les calculs sont menés en faisant varier Kv et en gardant Es constant. Les mêmes résultats seraient obtenus en faisant varier Es à Kv constant.

Tableau 2 : Influence de la rigidité relative entre le sol et la structure

Kv (précisée), Kh et Kc tendent vers l’infini

Déplacement (m) Moment fléchissant (N.m)

Kv (N.m-1) V1 ou 3 (N) V2 (N) δ1ou δ3 δ2 x = 0 x = L/2 x = L 1,00E+00 133,33 133,33 133,33 133,33 -4,486 3,514 -0,4861,00E+05 123,90 152,21 1,2*10E-3 1,5*10E-3 -3,978 3,456 -1,1101,00E+10 88,22 223,56 8,8*10E-9 2,2*10E-8 -2,057 3,236 -3,471

La configuration expérimentale est encadrée par deux cas extrêmes :

-une structure infiniment souple par rapport au terrain, cela correspond au cas d’une poutre continue sur 3 appuis. C’est la situation du portique lorsque la rigidité verticale kv de chacun des appuis tend vers l’infini :

FL)16(H

8L 5H V 3ou 1 ++= et V2 = (F1 + F2) – (V1 + V3) (3) et (4)

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-une structure infiniment raide par rapport au terrain, ce qui revient à traiter le cas d’un radier rigide, dans ce cas la rigidité kv de chacun des appuis du portique tend vers zéro. V1 ou 3 = V2 = (2/3)F (5)

La conséquence directe de la redistribution des efforts selon le rapport de rigidité sol-structure est une modification des valeurs de moment fléchissant, les moments fléchissants étant d’autant plus négatifs sur l’appui central que la rigidité augmente.

5.2.2 Contraste entre appuis

A ce rapport de rigidité, s’ajoute le rapport de rigidité entre les appuis. L’étude de Kv est réalisée pour des valeurs voisines de 1E+05 N.m, qui correspondent à l’ordre de grandeur des rigidités d’appui évaluées en centrifugeuse. Deux hypothèses sont considérées :

-la première suppose que les rigidités horizontales et de rotation tendent toujours vers l’infini (Tableau 3). Dans ce cas, la réaction verticale tend à se concentrer sous l’appui le plus raide ; les composantes horizontales aux appuis sont du même de grandeur que les composantes verticales.

Tableau 3 : Influence de la rigidité relative entre une semelle latérale et une semelle centrale (Kv précisée, Kh et Kc tendent vers l’infini)

Kv (N.m-1) V (N) Moment fléchissant (N.m) Appui 1 ou 3 Appui 2 Appui 1 ou 3 Appui 2 x = 0 x = L/2 x = L H1 (N) M1(N.m)

1,00E+05 1,00E+05 123,90 152,21 -3,98 3,46 -1,11 108,47 -1,99 1,00E+05 6,00E+04 143,69 112,62 -5,04 3,58 0,20 137,52 -2,52 1,00E+05 1,00E+06 55,18 289,64 -0,28 3,03 -5,66 7,60 -0,14 6,00E+04 1,00E+05 105,38 189,24 -2,98 3,34 -2,34 81,28 -1,49 2,00E+05 1,00E+05 142,71 114,59 -4,99 3,57 0,13 136,07 -2,49 1,00E+06 1,00E+05 162,43 75,13 -6,05 3,69 1,44 165,03 -3,02

-en réalité, les rigidités horizontale et de rotation ne sont pas infinies, ce que confirment les faibles valeurs de H et M identifiées sur la maquette embarquée. Ainsi, on peut supposer que la rigidité Kh est une fraction de Kv (Kh = 1/10Kv) et Kc est faible (10 N.m.rad-1) (Tableau 4).

Tableau 4 : Influence de la rigidité relative entre une semelle latérale et une semelle centrale (Kv précisée, Kh = 1/10 Kv et Kc = 10 N.m.rad-1)

Kv (N.m-1) V (N) Moment fléchissant (N.m) Appui 1

ou 3 Appui 2 Appui 1 ou 3 Appui 2 x = 0 x = L/2 x = L H1 (N) M1 (N.m)

1,00E+05 1,00E+05 104,666 190,67 -0,54 5,74 0,02 7,369 0,131 1,00E+05 1,00E+03 197,593 4,81 -1,45 10,41 10,26 19,896 0,353 1,00E+05 1,00E+04 178,862 42,28 -1,26 9,47 8,20 17,371 0,309 1,00E+05 6,00E+04 124,339 151,32 -0,73 6,73 2,19 10,021 0,178 1,00E+05 2,00E+05 81,571 236,86 -0,31 4,58 -2,52 4,256 0,076 1,00E+05 5,00E+05 61,430 277,14 -0,11 3,57 -4,74 1,541 0,027 1,00E+05 1,00E+06 53,102 293,80 -0,03 3,16 -5,66 0,418 0,007 1,00E+05 1,00E+07 44,703 310,59 0,05 2,73 -6,58 -0,714 -0,013 6,00E+04 1,00E+05 92,065 215,87 -0,31 5,22 -1,26 3,607 0,107 2,00E+05 1,00E+05 118,323 163,35 -1,03 6,07 1,17 16,132 0,142 1,00E+06 1,00E+05 142,695 114,61 -3,11 5,46 2,02 54,881 0,087

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Dans les deux configurations limites (Kv2 = 1/10 Kv1 ou Kv1 = 1/10 Kv2), le contraste entre les réactions d’appuis est plus faible si l’on considère des rigidités horizontales et en rotation réalistes. Cette hypothèse conduit à des valeurs de H, tout à fait compatibles avec les mesures sur maquettes.

La différence des résultats des tableaux 3 et 4 confirme le rôle essentiel des rigidités. On peut préciser ce rôle en faisant varier Kh et Kc, tout en gardant Kv constant (Tableau 5). Les résultats montrent que les réactions horizontales et les moments à l’appui sont beaucoup plus sensibles à ces variations que ne le sont les réactions verticales.

Tableau 5 : Influence des rigidités horizontales et de rotation

Moment fléchissant (N.m) Kh (N.m-1) Kc (N.rad-1) V1 (N) V2 (N) x = 0 x = L/2 x = L H1 (N) M1 (N.m) 1,00E+20 1,00E+20 123,90 152,21 -3,98 3,46 -1,11 108,47 -1,99 1,00E+20 1,00E+01 122,87 154,27 -3,79 3,58 -1,05 69,24 -0,01 1,00E+05 1,00E+01 113,57 172,86 -2,13 4,68 -0,50 37,64 0,06 5,00E+04 1,00E+01 110,10 179,80 -1,51 5,10 -0,30 25,84 0,09 5,00E+05 1,00E+01 119,94 160,12 -3,27 3,93 -0,88 59,28 0,01 1,00E+05 1,00E+02 114,48 171,03 -2,29 4,58 -0,56 33,05 0,48 1,00E+05 1,00E+00 113,45 173,09 -2,11 4,70 -0,49 38,23 0,01

L’ensemble de ces résultats souligne le soin qu’il convient d’apporter à la modélisation des raideurs d’appui si l’on souhaite apprécier correctement les redistributions d’efforts dans la structure.

5.3. Effets du contraste de rigidité entre les appuis sur les efforts internes.

Les figures 7, 8 et 9 traduisent les résultats du tableau 4, avec en référence les valeurs du portique encastré. Elles confirment que, même pour des variations de rigidités sous appuis tout à fait raisonnable (1/10 à 10), pouvant découler de la variabilité des terrains ou de défauts locaux, les moments fléchissants dans la poutre horizontale peuvent être très significativement modifiés.

0,00

50,00

100,00

150,00

200,00

250,00

300,00

350,00

0,01 0,1 1 10 100

Kv1 ou 3/KV2

V 1ou

3 ou

V 2 (N

)

V1ou3V2référence

Figure 7 : Réaction aux appuis, Kv1 = 1E+5 N.m

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0,00

5,00

10,00

15,00

20,00

25,00

30,00

35,00

40,00

45,00

0,01 0,1 1 10 100

Kv 1 ou 3/KV2

V 1ou

3/V2

(N)

V1ou3/V2référence

Figure 8 : Rapport V1ou3/V2, Kv1 = 1E+5 N.m

-8,00-6,00-4,00

-2,000,002,004,006,00

8,0010,0012,00

1,00E-02 1,00E-01 1,00E+00 1,00E+01 1,00E+02Kv1 ou 3/KV2

mom

ent f

léch

issa

nt (N

.m)

x = 0x = L/2x = Lx= 0, référence x= L/2, référencex= L, référence

Figure 9 : Profil de moments fléchissants, Kv1 = 1E+5 N.m

Ainsi, par rapport au cas de référence ’’rdm ’’, le moment fléchissant à mi-portée varie de -16 % à +222 % et le moment fléchissant sur l’appui central peut être augmenté de 396 % (appui central très raide) ou, au contraire, changer de signe !

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6. Conclusion

L’utilisation des valeurs expérimentales de déplacements et de déformations dans le modèle numérique confirme l’importance de la rigidité d’appui. Le modèle numérique et les valeurs expérimentales soulignent la nécessité de prendre en compte le rapport de rigidité entre les appuis, rapport qui prédomine sur celui entre le sol et la structure dans le cas des tassements différentiels. La prise en compte de ce rapport permettrait une meilleure compréhension du phénomène de tassements différentiels et une meilleure prédiction des risques de dommages sur les ouvrages.

Les non linéarités matérielles, du fait de l’endommagement ou de la plasticité de l’ouvrage, devront faire l’objet d’études ultérieures ainsi que l’effet de la variabilité spatiale des propriétés du sol.

7. Bibliographie

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Ménard L. Le pressiomètre, règles d’utilisation des techniques pressiométriques et d’exploitation des résultats obtenus pour le calcul des fondations, Notice Générale. Soc. L. Ménard, 1975.

Vaillant J.M., Mroueh H., Shahrour I., Influence de la rigidité sol-structure dans le calcul d’interaction sol-structure, Rencontres AUGC-AFGC-IREX, Toulouse, CD, 30-31 Mai 2002