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INSTITUT DE DROIT DES AFFAIRES INTERNATIONALE En Partenariat avec l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne MEMOIRE pour le : MASTER DROIT INTERNATIONAL ET EUROPEENS DES AFFAIRES CONTRATS D’ETAT ET INTERNATIONALISATION DE LA LOI APPLICABLE Présenté par : Nadim DAGHER Directeur : M.Ronan BERNARD-MENORET Année 2009 / 2010

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INSTITUT DE DROIT DES AFFAIRES INTERNATIONALE

En Partenariat avec l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

MEMOIRE pour le :

MASTER DROIT INTERNATIONAL ET EUROPEENS DES AFFAIRES

CONTRATS D’ETAT ET INTERNATIONALISATION DE LA LOIAPPLICABLE

Présenté par :Nadim DAGHER

Directeur :M.Ronan BERNARD-MENORET

Année 2009 / 2010

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CONTRATS D’ETAT ET INTERNATIONALISATION DE LA LOI APPLICABLE

juin. 30

CONTRATS D’ETAT ET INTERNATIONALISATION DE LA LOI APPLICABLE

SOMMAIRE

ABREVIATIONS.....................................................................................................3

INTRODUCTION....................................................................................................4

PREMIERE PARTIE : Le Contrat d’Etat : un contrat sui generis....................10

Titre 1 : Caractéristiques du « contrat d’État.............................................................11

Chapitre 1 : Difficulté conceptuelle du contrat d’État...................................11

Chapitre 2 : Apparente volonté des mettre les parties à pied d’égalité..........15

Titre 2 : Le Recours à l’arbitrage international en matière de contrats d’Etats..........24

Chapitre 1 : L’émergence de la pratique arbitrale..........................................24

Chapitre 2 : L’arbitrage international face aux juridictions nationales..........43

SECONDE PARTIE : L’internationalisation de la loi applicable au contrat.....61

Titre 1 : Différentes approches vers l’internationalisation du contrat........................62

Chapitre 1 : L’approche horizontale...............................................................62

Chapitre 2 : L’approche verticale...................................................................70

Titre 2 : Principes directeurs régissant l’internationalisation.....................................75

Chapitre 1 : Le contrat d’Etat : contrat fondé sur un droit national...............76

Chapitre 2 : Loi applicable au cadre procédural............................................78

Chapitre 3 : L’Absence de choix de la loi applicable.....................................82

Chapitre 4 : L’autonomie de la volonté des parties et le principe

pacta sund servanda.................................................................

CONCLUSION.........................................................................................................85

ANNEXES.................................................................................................................89

BIBLIOGRAPHIE...................................................................................................104

TABLE DES MATIERES........................................................................................105

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CONTRATS D’ETAT ET INTERNATIONALISATION DE LA LOI APPLICABLE

Introduction

Le droit international «n’est plus cette discipline ésotérique qui se dérobait au

commun des mortels, il parle un langage plus humain, … ; il est descendu de l’Olympe

pour se mêler à la foule»1,

La notion de contrat d’État a été conçue par la doctrine pour rendre compte du

développement d’une pratique contractuelle venant régir les rapports entre une partie

Étatique et une partie privée. Un bref rappel historique s’impose ainsi pour bien

comprendre le processus qui a mené à l’émergence de ce concept nouveau en droit

international mais aussi pour comprendre sa spécificité.

Traditionnellement, les États optaient pour une conception absolue du l’immunité

juridictionnelle2. L'immunité de juridiction de l'Etat étranger a été considérée comme

absolue, sans qu'il soit fait de distinction selon la nature des actes de l'Etat étranger

évoqués devant les tribunaux français. Cette jurisprudence est illustrée notamment par

l'arrêt de la Cour de cassation du 22 janvier 1849 "Gouvernement espagnol c/ Lambeze

et Pujol". Cette approche a donc prévalue jusqu’à la fin du XIXème siècle laissant place,

progressivement, à une approche plus restrictive de l’immunité juridictionnelle3. En

effet, avec l’empiètement de plus en plus prononcé de l’État sur la sphère d’activité

traditionnellement réservée au domaine privé, les tribunaux ont commencés à opérer une

distinction entre les actes de puissance publique (Jure imperii) et les actes de gestion

privée (Jure Gestionis), n’octroyant l’immunité que dans le cadre des actes de pure

puissance publique4.

Par ailleurs, dans la mesure où en théorie tout acte de l’État peut être considéré

comme étant un acte de puissance public, le critère qui a été adopté par les États pour1 Cf. L. L. EL-ZEID, op. cit., note 20, p. 1252 Selon la théorie de l’immunité juridictionnelle, sauf consentement exprès l’État et ses biens ne peuventêtre mis en cause devant les tribunaux d’un système juridique étranger. Si l’immunité trouve application,le contrat passé entre une partie privée et l’État sera alors a fortiori régi par la loi de l’État contractant.Cf. Patrick DAILLIER et Alain PELLET, Droit International Public, 7e édition, Paris, L.G.D.J., 2002, n°290, p. 452 3 Procureur Général de la Cour de cassation c/ Vestwig et autres4.Voir à cet effet les décisions de la Cour de cassation des 19 février 1929 et 15 décembre 1936. concernantdes actes de commerce passés par la représentation commerciale de l'URSS en France, ont consacré cetterègle de l'immunité restreinte, fondée sur la distinction des "actes d'autorité", accomplis "jure imperii", quimanifestent la souveraineté de l'Etat étranger, et des "actes de gestion", accomplis "jure gestionis"

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savoir s’il l’on est face à un acte de Jure Imperii ou non à été celui de la « nature

juridique » de l’acte et non son « objet »5. Ainsi, du point de vue du droit international

les États auront tendance à refuser l’octroie de l’immunité juridictionnel lorsque l’État

s’engage dans des activités commerciales. Or cela admis, on est encore loin d’avoir

touchés aux problématiques posées par le contrat international auquel un État est partie.

Admettre qu’un État peut être poursuivi par une juridiction étrangère ne règle en rien la

question de la loi applicable au contrat. En effet, c’est la loi appliquée au fond du litige,

plutôt que la juridiction qui l’applique qui importe le plus sur l’issue du différend entre

État et partie privée. Ayant des capacités différentes, l’un agissant en tant que Souverain

et l’autre en tant que simple partie privée, l’État aura naturellement tendance à attirer la

solution du litige vers son propre système juridique. Dans cette optique, le problème

central qui est soulevé par les contrats d’État est celui de l’usage éventuel par l’État de

ses prérogatives souveraines d’une manière qui modifie l’équilibre convenu.

Ainsi, parallèlement à la question de l’immunité juridictionnelle qui fut réglée

assez tôt, les États ont également cherchés à atteindre un consensus quant au problème

de la loi applicable au contrat d’État, notamment par « l’internationalisation » des

normes applicables à l’État en matière de pratique contractuelle et de soumission à

l’arbitrage. C’est ce que visent notamment les divers traités bilatéraux et multilatéraux

en matière d’investissement et d’arbitrage international. Dans ce sens la convention de

New York signée en 19586 ainsi que la convention de Washington du 18 mars 19657

créant le CIRDI, organisme exclusivement dédié au règlement des différends relatifs aux

investissements entre États et investisseurs étrangers encouragent toutes deux le recours

à la pratique arbitrale et imposent un certain nombre d’obligations aux États quant à la

reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales internationales. Le recours de plus

en plus fréquent à l’arbitrage reflète ainsi le désir de la partie privée de se soustraire à la

sphère juridique où l’État est souverain, notamment par une « délocalisation » du contrat

qui trouve sont fondement dans la volonté des parties et dont la portée restera à définir.

Le droit international public offre donc des standards à l’aide desquels on peut

juger les actions prises par les États à l’égard du contrat conclu avec un investisseur

étranger. Toutefois, ces standards étant externes au contrat, et par conséquent distinct de

la loi qui lui est applicable. Vu sous cet angle, la question qui se pose n’est plus vraiment

5 Cour de cassation 5 février 1946,6 Convention pour la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales étrangères, 10 Juin 1958,(entrée en vigueur le 7 juin 1959) [Convention de New York], consultée en ligne:"http://www.uncitral.org/uncitral/fr/uncitral_texts/arbitration/NYConvention.html" 7Convention pour le Règlement des Différends relatives aux Investissements entre Etats et Ressortissantsd’autres Etats, 18 mars 1965, (entrée en vigueur le 14 octobre 1966) [CIRDI]

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de savoir dans quel système juridique situer le contrat, la loi de l’État- hôte étant

généralement admise comme régissant celui-ci (sauf choix différend par les parties),

mais davantage de savoir jusqu’à quel degré, les effets produits par ce système de droit,

devraient être reconnus.

Dans une première partie nous procéderons ainsi à une analyse plus approfondie

de la spécificité du contrat d’État tout en dévoilant le rôle central que joue l’arbitrage

international en la matière. Puis, dans un second temps nous nous attarderons sur les

différentes approches retenues par les arbitres internationaux en vu d’internationaliser la

loi applicable au contrat. Cela nous amènera ainsi à esquisser un certain nombre de

principes directeurs en ce qui attrait à la loi applicable aux contrats d’État. Enfin, en

guise de conclusion, suite à un bref récapitulatif des caractéristiques et normes propres

au contrat d’État nous élargirons le champ de notre étude en nous intéressant aux

perspectifs avenirs de ce type particulier de relations contractuelles.

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PREMIÈRE PARTIE

LE CONTRAT D’ETAT : UN CONTRAT SUI GENERIS

Le professeur P. Mayer a montré le premier que les contrats d’Etat sont des

contrats conclus entre une personne privée et l’Etat sujet de droit international, par

opposition à l’Etat-administration8. Se faisant, il a en fait construit une théorie du contrat

d’Etat sur la distinction opérée par Kelsen dans sa Théorie Pure du Droit, lorsqu’il

introduit, à côté d’une notion large de l’Etat entendu comme souverain en droit

international, une notion étroite de l’Etat en tant qu’ « appareil bureaucratique de

fonctionnaires avec à sa tête le gouvernement »9. Ainsi, les contrats conclus par l’Etat

souverain avec une personne de droit privée étrangère sont des contrats conclus en

dehors de son ordre juridique, là où les contrats passés par l’Etat-administration

appartiennent à l’ordre juridique interne.

Les contrats d’Etat constituent donc une nouvelle catégorie d’actes juridiques

internationaux.

Nous verrons donc dans un premier chapitre quelles sont les caractéristiques du

contrat d’Etat (Titre 1). Cela nous permettra dans un second temps de nous pencher sur

le forum de règlement des litiges dans lequel se trouve tranché ce genre de contrats.

Nous verrons comment l’arbitrage c’est progressivement imposé comme moyen

privilégié dans le domaine des contrats d’Etats (Titre 2).

8 P. Mayer, « La neutralisation de du pouvoir normatif de l’Etat en matière de contrats d’Etat »9 V. Kelsen, Théorie Pure du Droit, 2ème édition, traduction Ch. Eisennmann, Paris, Dalloz, 1962, 354 et368 : « Etat stricto sensu ».

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Titre 1 : Caractéristiques du « contrat d’État »

Bien que la notion de « contrat d’État » ait fait l’objet de maintes controverses

tant au niveau doctrinal qu’au niveau jurisprudentiel, il semblerait néanmoins que l’on

puisse s’accorder, ou du moins identifier, l’existence d’une définition et d’un régime

propres à ces contrats justifiant par là même l’existence d’une catégorie juridique propre

au « contrat d’État »10 (Chapitre 1). Nous verrons également que l’une des

caractéristiques nouvelles de ce type de contrats, et ce dans un contexte de globalisation

des investissements internationaux, réside précisément dans la volonté apparente de

mettre les parties sur un pied d’égalité (Chapitre 2).

Chapitre 1 : Difficulté conceptuelle du contrat d’État

Selon la doctrine nous pouvons relever plusieurs types de contrats d’Etats. En

premier lieu, nous pouvons distinguer les « contrats d’États » au sens strict par rapport

aux autres types de contrats passés par l’État, et qui donnent application soit à un régime

de droit public, soit à un régime de droit privé.

Dans un premier type de contrats, il apparaît que le cocontractant privé accepte

de se placer sous le régime de droit public de l’État partie. Il en va ainsi, à titre

d’exemple, dans le cadre du « contrat administratif » français11, où la partie contractante

avec l’État se soumet à une procédure d’agrément ou qu’elle adhère à un régime de

10B. AUDIT, op. cit., note 8, p. 3011 V. André MAURIN, Droit administratif, 3ème édition, Paris, Dalloz, 2001, p. 67 : le contrat administratifest « un accord de volonté ayant un objet de service public ou comportant un régime exorbitant du droitcommun dont la finalité est la satisfaction d’intérêts publics».

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marché public.12La jurisprudence arbitrale n’offre pas beaucoup d’exemples quant à ces

contrats précisément du fait qu’ils comprennent rarement des clauses renvoyant à

l’arbitrage. Ainsi, dans l’affaire Alsing c. Grèce13 les arbitres ont conclus que le contrat

en litige s’insérait sous la qualification de contrat administratif selon le droit national de

l’État partie, par conséquent ces contrats sont soumis à la loi de l’État et en tout les cas à

la compétence de ses tribunaux. Il n’est cependant pas impossible que le contrat

administratif puisse donner lieu à un contentieux international, néanmoins, dans la

mesure où le contrat de part sa nature même prévoit des prérogatives en faveur de l’État,

la partie privé ne pourra « internationaliser » le contrat qu’en invoquant la protection

diplomatique de son propre État. Or dans un tel cas le conflit n’en est plus un entre partie

privé et État mais se transforme ipso facto en un contentieux entre deux États devenant

par là même soumis au droit international public.

Par ailleurs, nous pouvons opposer aux « contrats d’État », les contrats dans

lesquels l’autorité publique agit ou se présente comme une personne privée. Soulignons

que le régime du contrat privé est celui qui convient le mieux à la partie privé qui

cherchera alors, si le rapport de force le lui permet, d’en imposer l’application. À titre

d’exemple, c’est souvent le cas dans le contexte des emprunts internationaux, où les

banque s’assurent de demeurer sous un régime de droit privé notamment par l’insertion

d’une clause de loi applicable ainsi qu’une clause attributive juridiction qui ne pointent

pas nécessairement vers le droit privé de l’État contractant.14

Entre ces deux catégories de contrats décrits ci-dessus, nous pouvons identifier

les « contrats d’États » au sens strict. Un des éléments essentiels qui caractérise le

contrat d’État réside sans doute dans l’assujettissement juridique différent des deux

contractants. D’une part nous avons un État également souverain et contractant dont les

objectifs s’inscrivent dans la poursuite de l’intérêt public, alors que de l’autre bord nous

avons une compagnie privée, ou en l’occurrence un consortium, représentant les intérêts

économiques et financiers d’un groupe d’individus. Ainsi, la partie publique opère dans

un domaine relevant de la souveraineté étatique ou de ses responsabilités

particulières (une activité de service public, la mise en valeur des ressources naturelles,

l’équipement général du pays), alors que la partie privée entend quant à elle rester sous

un régime de droit privé. Afin de trouver un compromis susceptible de satisfaire les

12B. AUDIT, op. cit., note 8, p. 3113 Alsing v. The Greek State, 22 December 1954, International Law Reports, Volume 23 publié par H. Lauterpacht, consulté en ligne14 B. AUDIT, Bernard Audit, L’arbitrage transnational et les contrats d’État : Bilan et perspectives,LaHaye, Nijhoff, 1987, note 8 p. 31

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attentes des deux parties, le contrat d’État s’est progressivement vu « internationalisé » à

la volonté express ou tacite des parties.

Ainsi les contrats internationaux auxquels un État est partie semblent constituer

une catégorie spécifique de contrats qui tout à la fois isole l’État de son ordre juridique

interne et intègrent, même si de manière limitée15, la partie privée cocontractante à

l’ordre juridique international. Cette transcendance est généralement déduite de la

possibilité pour une personne privée de se prévaloir de droits dans un acte juridique

international (le contrat d’Etat lui-même, un traité bilatéral ou multilatéral de protection

des investissements, etc.) et ont la capacité de porter un litige les opposant à leur

cocontractant étatique devant un tribunal arbitral international (tribunaux mixtes,

tribunaux CIRDI16) .Il en ressort qu’à la différence du contrat administratif, marqué par

la prééminence de la partie étatique, les contrats d’États se caractérisent par la volonté

d’établir une certaine égalité juridique entre l’État et son cocontractant privé étranger, ce

qui n’est possible que si le contrat échappe à l’ordre juridique de l’État cocontractant et à

ses tribunaux. Ainsi, les contrats conclus par l’Etat souverain avec une personne de droit

privée étrangère sont des contrats conclus en dehors de son ordre juridique, là où les

contrats passés par l’Etat-administration appartiennent à l’ordre juridique interne. Les

contrats d’Etat constituent donc une catégorie a part entière d’actes juridiques

internationaux et sont régis, à ce titre, par le droit international selon diverses modalités

dont la plus courante est énoncée dans la deuxième l’alinea 1er de l’article 42 de la

convention de Washington17. Tenant compte de l’essence même du contrat d’État,

l’arbitrage international se présente donc comme ayant un rôle central en la matière.

Chapitre 2 : Apparente volonté des mettre les parties à pied d’égalité

Bien que la pratique ne conforte pas l’idée que tous les contrats d’États soient

soumis à un régime uniforme, dans la mesure où l’État dispose d’une très grande liberté

de choix dans l’exercice de sa souveraineté.18 Il semblerait néanmoins que les contrats

15 La cour international de Justice, depuis l’arrêt Anglo-Iranian Oil Co du 22 juillet 1952, avait exclu queles particuliers puissent conclure des traités avec les États. Cf. Anglo- Iranian Oil Co (Iran c. Royaume-Uni), [1951] C.I.J. http://www.icjcij.org/docket/index.php?p1=3&p2=3&k=ba&case=16&code=uki&p3=516 Dans le cas du CIRDI, la majeure partie de la procédure est inscrite dans la Convention de Washington, ce qui en fait une procédure arbitrale régie par le doit international et les tribunaux CIRDI disposent de voies de recours autonomes des juridictions étatiques17 Le Tribunal statue sur le différend conformément aux règles de droit adoptées par les parties. Faute d’accord entre les parties, le Tribu-nal applique le droit de l’Etat contractant partie au différend—y compris les règles relatives aux conflits de lois—ainsi que les principes dedroit international en la matière18 Leila L. EL-ZEIN, Les contrats d’États à l’épreuve du droit international, coll. : « Collection de droit international » vol. 48, Bruylant, 2001.compte rendu

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qualifiés de « contrat d’État » soient théoriquement marqués par le refus, ou du moins

l’atténuation de la prédominance reconnue à la partie Étatique. Ce refus de reconnaître la

prééminence de l’État provient du fait que ce dernier tente d’attirer les investisseurs vers

son territoire par des privilèges et clauses protectrices. Ainsi, tout en rejetant l’idée d’une

internationalisation automatique des contrats transnationaux, rien ne s’oppose à ce que

l’État puisse souverainement choisir de détacher, intégralement ou partiellement le

contrat de son droit interne.19

Dans cette optique le problème qui se soulève instantanément est un problème de

preuve. En l’absence de référence au droit applicable au contrat l’interprète doit

déterminer la loi applicable selon le cas d’espèce devant lui et notamment en tenant

compte d’indices tendant à démontrer la volonté des parties de détacher le contrat de

l’emprise du droit national de l’État hôte afin de mettre les parties, du moins de façon

limité, sur un même pied d’égalité.20

Pour ces raisons, on constate que les parties à ce genre d’accords cherchent à

insérer dans le contrat qui les lient la description de l’ensemble de leurs relations et

obligations respectives, ce qui a même amené certains auteurs jusqu’à considérer le

contrat comme la seule source de droit pour les parties.21Nous devons toutefois écarter

une telle théorie, puisque le contrat d’État, comme toute autre contrat entre personne

privé, ne peut êtres considéré comme un traité, et ne peut à ce titre se trouver fondé sur

le droit international public. Néanmoins, même si l’on admet que le contrat d’État aspire

nécessaire sa force d’un droit étatique donné, cela ne fait pas obstacle au pouvoir de

l’État de souverainement renoncer, par le biais du contrat ou même à travers des

engagements internationaux, à l’emprise exclusive de l’ordre juridique de base

applicable au contrat, en l’occurrence son propre ordre juridique.

Parmi les clauses juridiques contenues dans le contrat et qui ont pour objet de

protéger l’investisseur, on peut citer en premier lieu la clause arbitrale prévoyant

l’arbitrage exclusif de toute juridiction étatique.22 La validité de telles clauses demeure

toutefois sujette à la loi du For, cependant comme nous le soulignerons ci-après, la

plupart des législations nationales sont aujourd’hui favorables à la reconnaissance de ces

http://www.erudit.org/revue/ei/2003/v34/n2/009184ar.pdf19 Ibid.20 Ibid.21 Jean-Michel jacquet, Droit du commerce international, 1er edition, Dalloz22 L’expression « convention arbitrale » recouvre en réalité deux notions différentes : d’une part, la« clause compromissoire » insérée dans le contrat et stipulant que tout litige relatif au contrat sera réglépar voie d’arbitrage et, d’autre part, le « compromis d’arbitrage », qui est un accord entre deux parties quidécident de soumettre à l’arbitrage un litige précis qui les sépare d’ores et déjà.

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dites clauses, et ce même s’ils ont pour effet d’ôter la compétence de leurs propres

juridictions nationales.

Par ailleurs, une autre clause récurrente dans les contrats d’États est celle relative

au choix de la loi applicable. Celle-ci peut renvoyer au droit interne de l’État contractant,

ou plus rarement au droit applicable de l’État national de l’entreprise/investisseur, soit

enfin au droit d’un État tiers. Le principe de l’«autonomie de la volonté» permet

également aux parties d’opter pour, de principes généraux de droit international ou

encore de principes de droit communs aux systèmes juridiques auxquels appartiennent

les parties, ou pour l’application simultanée de plusieurs droits nationaux. C’est ce que

l’on nomme le dépeçage du contrat. Il faut cependant dans cette hypothèse veiller à

conserver une certaine cohérence. Ainsi, s’il paraît concevable de soumettre une clause

d’indexation à une loi différente de celle qui régirait le reste du contrat, il n’est pas

possible de faire régir la résolution du contrat par deux lois différentes pour chaque

partie : il y aurait alors dépeçage, de principes généraux de droit international ou encore

de principes de droit communs aux systèmes juridiques auxquels appartiennent les

parties

Enfin, un troisième type de clause que l’on retrouve souvent dans le contexte des

contrats d’État est la clause dite de «stabilisation». En effet, lorsque les parties adoptent

la loi de l’État contractant comme loi applicable en cas de litige, la partie privée cours le

risque d’une modification subséquente de cette loi ce qui pourrait avoir pour effet de

changer l’équilibre convenu. Un tel risque existe aussi, même si les impacts peuvent être

moindres pour la partie privée, lorsque l’État modifie sa législation par exemple en

matière de taxation, de standards environnementaux ou encore en matière de droit du

travail. Pour ce mettre à l’abri de telles modifications unilatérales de la part de l’État

cocontractant, l’investisseur peut ainsi demander l’inclusion d’une clause de stabilisation

du droit étatique. De ce fait, si l’État décide de changer ses lois, ces changements ne

pourront pas être invoqués contre l'autre partie au contrat. De la perspective de

l’investisseur, le système juridique de l’État se trouve ainsi cristallisé au moment de la

conclusion du contrat. La validité d’une telle clause et son caractère contraignant sous le

droit international a notamment été soulignée dans la sentence TOPCO.23 23 Texaco Overseas Petroleum Company/ California Asiatic (Calasiatic) Oil Company v. Libya, Award, 19January 1977, http://www.questia.com/googleScholar.: «… a State cannot invoke its sovereignty todisregard commitments freely undertaken through the exercise of this same sovereignty and cannot,through measures belonging to its internal order, make null and void the rights of the contracting partywhich has performed its various obligations under the contract. (…) Thus, the recognition by internationallaw of the right to nationalize is not sufficient ground to empower a State to disregard its commitments,because the same law also recognizes the power of a State to commit itself internationally, especially byaccepting the inclusion of stabilization clauses in a contract entered into with a foreign private party»

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CONTRATS D’ETAT ET INTERNATIONALISATION DE LA LOI APPLICABLE

Par l’inclusion d’une clause arbitrale, ainsi que d’une clause de choix de loi

applicable autre que celle de l’État dont le droit régi le contrat (du moins au niveau de sa

validité, dans la mesure où les règles de conflits des lois du For peuvent renvoyer à une

loi étrangère), la partie privée trouve ainsi une sécurité relative dans le contrat d’État,

dans le sens où ce dernier échappe à l’emprise exclusive de la loi du For.

Titre 2 Le recours à l’arbitrage international en matière de contrats d’Etats

Avec la multiplication des Investissements directe à l’étranger tant en termes de

volume qu’en termes d’accès aux marchés des pays à économie émergente, la nécessité

de mettre en place une juridiction neutre et impartiale s’est imposée de soi. C’est ainsi,

que l’arbitrage a été promu comme moyen privilégié en matière de résolutions des litiges

relatifs aux contrats d’Etats (Chapitre 1). En effet, cela n’est guère surprenant dans la

mesure où l’objectif principal est d’échappé à l’emprise tribunaux étatiques (Chapitre 2).

Chapitre 1 : L’émergence de la pratique arbitrale

Il faut noter qu’en l’absence d’obligations conventionnelles, les litiges entre États

relatifs à un investissement étranger prennent la forme de protections diplomatiques. En

effet, la protection diplomatique qui s’insère dans la partie du droit international relative

à la responsabilité internationale de l’État, est un moyen par lequel les États peuvent

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CONTRATS D’ETAT ET INTERNATIONALISATION DE LA LOI APPLICABLE

interférer en vue de faire respecter les droits, ou en l’occurrence obtenir compensation au

nom de particuliers nationaux lésés à l’étranger.

Tel que relevé par la doctrine :

« Traditionnellement (…) les particuliers sont dépourvus de personnalitéjuridique internationales et ne peuvent être titulaires de droits et obligations dans lesrelations internationales, il a toujours paru impossible de reconnaître que le dommagesubi par eux était causé à un sujet du droit international. Pour éviter un véritable dénide justice, il fallait trouver un détour juridique justifiant l’interposition de l’ « écranétatique » entre les particuliers et le sujet de droit international auteur du dommage ».24

Ainsi, on assiste à la création d’une fiction juridique où la protection diplomatique est

conçue comme étant l’« appropriation par un État de la réclamation d’un particulier

lésé par un fait internationalement illicite d’un autre État »25. Cette fiction est elle même

fondée sur l’idée selon laquelle l’État à un droit à voir respecter le droit de ses

ressortissants et de ses agents. Selon la célèbre formule de la Cour permanente de justice

internationale (C.P.I.J.) « en prenant fait et cause pour l’un des siens, en mettant en

mouvement en sa faveur l’action diplomatique ou l’action judicaire internationales, cet

État, fait, à vrai dire, valoir son propres droit ».26Il en ressort qu’une fois que l’État

exerce la protection diplomatique en faveur de l’un de ses ressortissant qui a souffert

d’un préjudice à l’étranger, le litige se trouve « portée sur le terrain international »27 et

deviens un litige entre deux États.

Bien que la protection diplomatique constitue un moyen valable pour obtenir

justice face un État en défaut d’exécution, ceci à la double condition que la personne au

profit de laquelle la protection est exercée ait la nationalité de l’État protecteur, mais

aussi, que cette personne ait épuisé les recours disponibles dans le système juridique de

l’État auteur du préjudice28, cette voie est cependant désavantageuse pour la partie privé.

Ce désavantage provient du fait que contrairement aux requêtes individuelles qui ont

pour base le contrat conclu avec l’État hôte, la protection diplomatique lorsque exercée

par l’État national à quant à elle pour fondement le droit international, qui par définition

est moins détaillé que les systèmes juridiques nationaux.

De ce fait, dès la conclusion des premiers contrats d’États qui avait surtout lieu

dans le domaine de la recherche et de l’exploitation minières et pétrolières (concessions)

24 A. PELLET, op. cit., note 2, p. 793 par. 48725 Ibid.26 Affaire des Concessions Mavrommatis en Palestine (Grande Bretagne c. Grèce) (1924), C.P.I.J.www.icj-cij.org27 Ibid.28 Cf. A. PELLET, op. cit., note 2, p. 809 par. 495;

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CONTRATS D’ETAT ET INTERNATIONALISATION DE LA LOI APPLICABLE

à partir du début du XXème siècle, les investisseurs privés on privilégiés le recours à

l’arbitrage international en tant que moyen de résolution de conflit, plutôt que de se fier

au droit interne de l’État hôte et le cas échéant, après épuisement des recours internes, à

la protection diplomatique de l’État d’origine.

L’Arbitrage se présente donc comme un moyen plus efficace et mieux adapté aux

intérêts des particuliers traitant avec un État souverain. Il s’agit d’un mécanisme privé de

règlement des différents auquel les parties se soumettent volontairement soit par le biais

du contrat d’État soit par le biais de traités internationaux conclus entre l’État

contractant et celui dont l’investisseur est originaire. Selon le professeur Lalive,

« que ce soit en matière interne ou en matière international, qu’il s’agisse derelations privées ou de relations ou de relations interétatiques, l’essence de l’institutionest la même : fondée sur un accord, elle tend à obtenir le règlement d’un litige par unedécision émanant d’une ou plusieurs personnes choisies par les parties. ».29

L’arbitrage constituerait ainsi une sorte de «tiers forum» où le litige peut être

tranché en toute impartialité puisque contrairement aux juridictions étatiques dont le

contrôle relève de la souveraineté étatique l’arbitrage présente l’avantage de la neutralité

vis-à-vis des parties. En outre, mis à part le cas d’un nombre limité de pays

industrialisés, les Cours locales manquent souvent d’expérience, de compétence et de

ressource afin de trancher de manière satisfaisante les litiges en matière de relations

commerciales internationales.

Les avantages associés à l’arbitrage international ont en fait une voie privilégiée

d’une part pour les investisseurs désirant protéger adéquatement leurs intérêts, mais

aussi pour les États industrialisés qui recherchent une protection plus accrue de leurs

investisseurs nationaux à l’étranger et de l'autre coté les États en voie de développement

qui cherchent à attirer ces dits investisseurs sur leur territoire. Les accords internationaux

relatifs à l’arbitrage commercial qui dans un premier temps prenait la forme de traités

bilatéraux, et continuent d’ailleurs aujourd’hui à se présenter de manière récurrente sous

cette forme, on par la suite fait l’objet multiples traités multilatéraux30 engageant de la

sorte un nombre important d’États à reconnaître et à exécuter les sentences arbitrale

internationales. En outre, ces traités internationaux ont étés à la base de la création de

nombreux centres d’arbitrages internationaux. Parmi les centres les plus importants, et

qui connaissent le plus de litiges mettant en cause des contrats internationaux auxquels

un Etat est partie, on compte le Centre international pour le règlement des différends

29B. AUDIT, op. cit., note 8, p.2130 Convention de New York de 1958 sur la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrale

juin. 30

CONTRATS D’ETAT ET INTERNATIONALISATION DE LA LOI APPLICABLE

relatifs aux investissements (CIRDI), la Commission des Nations Unies pour le droit

commercial international (CNUDCI) ou encore la London Court of International

Arbitration (LCIA).

La convention de Washington de 1965 ayant créée le CIRDI a été ratifié par la

grande majorité des Etats, Le CIRDI étant l’institution la plus sollicité concernant le

contentieux en matière d’investissements, il importe de s’attarder sur cette dernière.

L’arbitrage selon la Convention CIRDI n’est soumis à aucune loi nationale

d’arbitrage. En d’autres termes, il n’a pas de lex arbitri nationale. Il est exclusivement

régi par la Convention CIRDI, de même que par le Règlement d’arbitrage élaboré

par le CIRDI. Cette absence de soumission au droit national signifie également que les

tribunaux locaux n’ont pas compétence pour intervenir en qualité de juge d’appui ou de

contrôle de l’arbitrage. Il s’agit du seul système d’arbitrage d’investissement

complètement isolé du droit et des tribunaux nationaux.

Pour que la compétence du tribunal arbitral soit établie, trois conditions énumérées à

l’article 2531 de la Convention doivent être remplies. Premièrement, l’exigence de

nationalité : le litige doit opposer un Etat contractant au ressortissant d’un autre Etat

contractant. Il est fréquent que des ressortissants d’un Etat étranger fondent une

société locale qui constituera le véhicule de l’investissement. Pour cette

hypothèse, la Convention admet qu’une personne morale ressortissante de l’Etat-hôte

puisse être traitée comme une ressortissante étrangère à condition que les parties soient

convenues de la traiter comme telle compte tenu du fait qu’elle est contrôlée par des

intérêts étrangers10.

La deuxième condition que l’article 25 pose à la compétence est celle de

l’investissement. La Convention ne donne pas de définition de l’investissement. Selon

la pratique commerciale internationale, on considère qu’un investissement doit

comprendre cinq éléments : une contribution en argent ou en biens ; un retour en termes

de profits ; un risque pris par les deux contractants; une certaine durée ; enfin,

l’opération doit revêtir une certaine importance pour le développement de l’Etat-hôte.

Les domaines possibles d’investissement sont multiples et variés :concessions

minières, pétrolières ; concessions de distribution d’eau ou d’électricité ; projets

industriels de production de biens ; projets de fourniture de services, tels

31 Article 25 CIRDI : La compétence du Centre s’étend aux différends d’ordre juridique entre un Etatcontractant (ou telle collectivité publique ou tel organisme dépendant de lui qu’il désigne au Centre) et leressortissant d’un autre Etat contractant qui sont en relation directe avec un investissement et que lesparties ont consenti par écrit à soumettre au Centre. Lorsque les parties ont donné leur consentement,aucune d’elles ne peut le retirer unilatéralement.

juin. 30

CONTRATS D’ETAT ET INTERNATIONALISATION DE LA LOI APPLICABLE

transports, administration d’infrastructures, traitement d’ordures, gestion de complexes

hôteliers, construction, services bancaires et financiers. Ce sont là quelques exemples

puisés dans la jurisprudence du CIRDI.

La troisième et dernière condition de la compétence d’un tribunal arbitral selon la

Convention CIRDI se trouve être le consentement des parties. Dans le cadre d’un contrat

d’investissement, le consentement est manifesté par la clause arbitrale intégrée au

contrat.

En matière d’arbitrage fondé sur un traité, la jurisprudence considère que la

disposition du traité prévoyant le recours à l’arbitrage constitue l’offre d’arbitrer

exprimée par l’Etat. Quant à l’investisseur, il donne son consentement par le dépôt de

la requête d’arbitrage auprès du CIRDI. Si la construction contractuelle du consentement

est sauvegardée, en tous cas en apparence, il est indéniable que nous nous éloignons ici

considérablement du fondement consensuel classique de l’arbitrage commercial.

La procédure devant le tribunal arbitral est régie par la Convention et le

Règlement d’arbitrage CIRDI32. Elle ressemble beaucoup à une procédure standard dans

un arbitrage commercial international. A deux principales différences près : il n’y a pas

de juge local d’appui et les parties renoncent à s’adresser aux tribunaux étatiques pour

obtenir des mesures provisoires33.

Concernant le droit applicable au fond du litige, la question est régie par l’article 42 de

la Convention CIRDI. Il faut distinguer l’arbitrage fondé sur un contrat et l’arbitrage

fondé sur un traité. Dans le premier, le droit applicable est déterminé par l’élection de

droit des parties incorporée au contrat et, en l’absence d’élection, par le droit national

du pays-hôte. En déclarant applicable le droit de l’Etat-hôte de l’investissement, la

Convention met en œuvre le principe de proximité du droit international privé, selon

lequel une situation est régie par le droit avec lequel elle présente les liens les plus

étroits. Jusque-là rien de très particulier. Mais l’article 42 de la Convention prévoit

encore que le tribunal appliquera « les principes de droit international en la matière

». La jurisprudence arbitrale a mis en lumière un double rôle au droit international,

complémentaire et correcteur (nous étudierons en profondeur ce rôle dans la seconde

partie de notre sujet). Ainsi, le droit international comble les lacunes du droit national et

en corrige le résultat si ce dernier lui est contraire. Ce rôle s’exerce que le droit

national ait été élu par les parties ou désigné par un rattachement objectif.

32 Art. 44 Convention CIRDI33 Art. 26 et 47 Convention CIRDI et art. 39 Règlement d’arbitrage CIRDI

juin. 30

CONTRATS D’ETAT ET INTERNATIONALISATION DE LA LOI APPLICABLE

La dernière caractéristique de l’arbitrage CIRDI tient à l’exécution des décisions.

Dans la Convention, les Etats contractants s’engagent à reconnaître une sentence

CIRDI au même titre qu’un jugement local34. Les sentences CIRDI échappent donc à la

nécessité d’un exequatur au sens de la Convention de New York. Elles font directement

l’objet d’une procédure d’exécution forcée.

Chapitre 2 : L’arbitrage international face aux juridictions nationales

Le recours à l’arbitrage pour le règlement des différents opposant une personne

privée étrangère à un État souverain implique pour ce dernier une renonciation à la

juridiction de ses propres tribunaux. Il en résulte une limitation aux pouvoirs de l’État,

limitation que tous n’accueillent pas, pour le moins que l’on puisse dire, avec le même

degré d’enthousiasme35. On touche ainsi à la question de la validité même de l’arbitrage

en vertu du « régime de base » applicable au contrat.

Les législations nationales en matière d’arbitrage présentent ainsi une importance

capitale et ont un impact certain sur le succès de l’arbitrage en tant que mode de

résolution des litiges36. Ces mesures législatives touchent entre autre à la question des

matières susceptibles d’être sujettes à l’arbitrage, aux procédures arbitrales, mais aussi à

la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales.

Aujourd’hui, la plupart des États, du moins les plus industrialisés parmi eux, ont

adoptés des législations qui supportent et facilitent le processus arbitral. En particulier, le

Royaume Uni, la Suisse, la France, le Canada, les États-Unis, la Belgique, les Pays Bas,

la Suède, l’Autriche, l’Allemagne et l’Italie ont adoptés des lois arbitrales qui assurent la

mise en œuvre des sentences arbitrales avec le minimum d’interférence de la part du

système judicaire national dans le processus arbitral international.

34 Art. 54 (1) Convention CIRDI35G. B. BORN, op. cit., note 35, p. 29. Historiquement, de nombreux États se montrait suspicieux ethostiles à l’égard de l’arbitrage commercial international. Ceci était particulièrement vrai dans le cas depays d’Amérique latine et du Moyen orient. Toutefois au cours de la dernière décennie plusieurs de cesÉtats, incluant la Chine, la Russie, l’Inde, l’Arabie Saoudite, l’Argentine, l’Algérie, l’Égypte, le Bahreïn,la Tunisie, le Nigeria, le Pérou et le Venezuela ont ratifiés la Convention de New York et/ ou ont adoptésdes lois qui supportent le processus arbitral. Bien que ces changement soit bienvenu en matière d’arbitragecommercial, elles n’en garantissent malheureusement pas toujours le respect effectif. 36 Surtout si le pays en question est un pays dualiste en ce qui concerne les liens entre le droit internationalet le droit national.

juin. 30

CONTRATS D’ETAT ET INTERNATIONALISATION DE LA LOI APPLICABLE

La Confédération Suisse est le parfait exemple pour illustrer une legislation qui

favorise l’arbitrage. Ce dernier est régi par un chapitre de la loi Suisse sur le droit

international privé37. Sous ce droit, les sentences arbitrales ont automatiquement force

exécutoire à la condition que la convention arbitrale soit valide au regard de la loi

Suisse, ou le cas échéant au regard de la loi applicable à la convention arbitrale tel que

désigné par les règles de conflits Suisses38. La loi Suisse sur le droit international privé

admet que le tribunal arbitral puisse se prononcer sur les conflits de juridiction en

première instance39, et permet l’assujettissement d’une panoplie très large de matières à

l’arbitrage40. En outre, l’autonomie de la volonté des parties à choisir la loi applicable au

cadre procédural de l’arbitrage est expressément reconnue41. Enfin, les Cours Suisses

reconnaîtront et octroierons force exécutoire à la sentence arbitrale sans entreprendre

une révision substantielle de la décision42. Les fondements sur lesquels les décisions

arbitrales peuvent être annulées sont d’ailleurs limités aux motifs que l’on retrouve dans

la Convention de New York43.

A l’opposée certains pays malgré avoir ratifié la convention de New-York et de

Washington, adoptent des mesures qui vont à l’encontre de l’arbitrage. A Titre

d’exemple l’Egypte a récemment émis un décret ministériel faisant obstacle à

l’exécution des sentences arbitrales. Ce décret met en place un bureau technique relevant

du ministère de la justice à qui il lui revient d’accepter ou non l’exécution des sentences

arbitrales. Nous trouvons ici donc un empiètement flagrant de la partdu pouvoir exécutif

sur la pouvoir judiciaire, à qui, il lui revient en principe la tâche de vérifier et d’ordonner

l’exécution des sentences arbitrales.

La capacité à compromettre des personnes publiques reste tout de même la

condition essentielle avant tout arbitrage. En droit Français, en principe, les personnes

publiques ne peuvent pas compromettre44. Mais, en matière internationale, il apparaît

que les priver de cette capacité les place dans une position très défavorable par rapport

aux personnes de droit privé. La jurisprudence française a donc développé une règle de

37 291 Loi fédérale du 18 décembre 1987 sur le droit international privé (LDIP)38 bid. art. 178(2) & (3)39 Ibid. art. 18640 Ibid. art. 17741 Ibid. art. 182 & 18742 Ibid. art. 194; les parties peuvent même librement consentir à ce que la décision ne fasse même pasl’objet d’une révision sommaire par les tribunaux Suisses pourvu que les parties à la convention arbitralen’ait pas leur résidence en Suisse. 43 Ibidd. art. 19044 Prohibition posée par l’art. 2060 du code civil français

droit matériel dans l’affaire “Galakis”, décidant ainsi que l’interdiction de compromettre

posée à l’article 2060 ne s’appliquait pas dans l’ordre international. La Cour précise en

outre, dans l’arrêt Galakis, qu’il ne s’agit pas là d’une question de capacité qui

nécessiterait de recourir à la méthode conflictuelle. Il n’y a donc pas lieu de rechercher

la loi applicable en vertu d’une règle de conflit: le juge doit simplement constater que

l’article 2060 n’est pas applicable en matière internationale. La Cour de cassation ne

raisonne donc plus en termes de règles de conflit de lois pour déterminer la capacité à

compromettre d’une personne de droit public. C’est donc en vertu d’une règle matérielle

du droit français de l’arbitrage international que la question doit être traitée. Cette règle,

celle de la capacité de compromettre des personnes publiques, posée par l’arrêt Galakis

pour une personne morale française, fut étendue aux personnes morales étrangères dans

son aspect négatif par l’arrêt “Gatoil”45. Ainsi, une personne publique étrangère ne peut

se prévaloir des dispositions restrictives de son droit national pour faire annuler a

posteriori la clause compromissoire. L’inopposabilité des dispositions restrictives de la

capacité à compromettre contenues dans la loi nationale de la personne de droit public

partie au contrat et à l’arbitrage est depuis lors devenue un principe général de

l’arbitrage, ou principe d’ordre public réellement international. Il peut être considéré

comme faisant partie de la lex mercatoria.

Au niveau du droit international conventionnel, il faut dire que les régimes mis

en place par la CNUDCI, le CIRDI et d'autres centres internationaux concernant

l’arbitrage international s’accordent avec les régimes nationaux des pays les plus

industrialisés dans le sens où ils encouragent le recours à l’arbitrage et exigent, sauf

exceptions prévues, la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales46. Selon

l’article 5(2) de la Convention de New York47les États parties peuvent refuser la

reconnaissance du jugement arbitral si la matière en litige ne peut faire l’objet de

convention arbitrale selon leurs lois nationales, ou si la sentence en question porte

atteinte à l’ordre public de ces dits États. Pour ce qui relève de la Convention de

Washington, l’article 53 al.1 dispose que «la sentence est obligatoire à l'égard des

parties et ne peut être l’objet d’aucun appel ou autre recours, à l’exception de ceux

prévus par la présente convention»48. En outre, l’article 54 al.1 va encore plus loin45 Soc Gatoil c. National Iranian oil Company, 17 déc. 199146 Farhan AL- FARHAN, The procedural law applicable to arbitration, the seat theory & the delocalizationtheory, 2002, consulté en ligne: «http://www.cailaw.org/academy/magazine/farhan_paper.pdf», p. 647 Convention de New York, précitée note 10, art. 5(2)48 Les articles 50 à 52 de la convention traitent de l’interprétation, de la révision et de l’annulation de lasentence. Sur l’annulation de la sentence (article 52) statue un comité ad hoc constitué de trois membres,nommés par le président du CIRDI. Les motifs d’annulation sont les suivants : vice dans la constitution dutribunal; excès de pouvoir manifeste du Tribunal; corruption d’un membre du Tribunal; inobservation

puisqu’il assimile les sentences aux jugements définitifs des autorités judiciaires internes

des États contractants.49

Dans le même sens la Convention européenne sur l'arbitrage commercial international

dispose dans son article 2 al 2 « Dans les cas visés à l'article 1, paragraphe 1, de la

présente Convention, les personnes morales qualifiées, par la loi qui leur est applicable,

de personnes morales de droit public ont la faculté de conclure valablement des

conventions d'arbitrage. » cet article ne consacre pas la prééminence de la loi applicable

à la capacité mais il met en place une règle matérielle.

En dernier lieu, nous pouvons mentionner qu’il existe actuellement un effort

d’harmonisation des règles et procédures en matière d’arbitrage international. C’est ce

que vise notamment les travaux de la Commission des Nations Unies pour le droit

commercial international (CNUDCI) qui a adopté une loi type en 198550. Celle-ci, qui

n’a bien entendu pas valeur contraignante, sert ainsi de model pour les États et marque la

volonté d’une harmonisation des règles en matière d’arbitrage international.

grave d’une règle de procédure; défaut de motifs. 49 CIRDI,,art. 54. al. 1 : les États s’engagent à reconnaître les sentences arbitrales «comme s’il s’agissaitd’un jugement définitif d’un tribunal fonctionnant sur le territoire desdits États»50 Loi type de la CNUDCI

juin. 30

CONTRATS D’ETAT ET INTERNATIONALISATION DE LA LOI APPLICABLE

PARTIE II L’INTERNATIONALISATION DE LA LOI APPLICABLE AU CONTRAT

L’examen de la spécificité du contrat international auquel un État est parti fait

donc ressortir trois facteurs d’internationalisation ou d’internationalité de l’ordre

juridique de base du contrat d’État. « Tel qu’avancés par ses laudateurs, les trois facteurs

(…) sont relatifs à la répercussion interétatique de ces contrats, à leur règlement arbitrale,

et aux clauses de ‘‘choice of law’’ »51.

Nous examinerons à présent les différentes approches par lesquels les arbitres

internationaux, et ce d’un point de vue pratique, ont cherchés à décrocher le contrat de

son ordre juridique de base pour lui rendre applicable des principes généraux de droits, en

l’occurrence des principes de droit international public ou privé (Titre 1). Apres avoir

exposé ces différentes approches, nous nous efforcerons à mettre en avant les principes

directeurs applicables en la matière qui constituent le cadre théorique duquel doit se

rapprocher l’arbitre (Titre 2)

51 Leila L. El-Zein, Les contrats d’États à l’épreuve du droit international, coll. : « Collection de droit international » vol. 48, Bruxelles, Bruylant, 2001. compte rendu consulté en ligne.

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juin. 30

CONTRATS D’ETAT ET INTERNATIONALISATION DE LA LOI APPLICABLE

Titre 1 : Différentes approches vers l’internationalisation du contrat

La jurisprudence arbitrale a mis en lumière un double rôle au droit international,

complémentaire et correcteur. Ainsi, le droit international comble les lacunes du droit

national et en corrige le résultat si ce dernier lui est contraire. Ce rôle s’exerce que le

droit national ait été élu par les parties ou désigné par un rattachement objectif.

Nous verrons dans un premier temps comment l’approche horizontale se dénote

par une application parallèle du droit national étatique et des principes généraux de droit

(Chapitre 1). Afin de se pencher dans un second temps sur l’approche verticale de

l’internationalisation de la loi applicable au contrat, qui consiste quant à elle à appliquer

en premier lieu le droit du système juridique choisi par les parties, sauf si cette dernière

présente des lacunes (Chapitre 2).

Chapitre 1 : L’approche horizontale en vue de l’internationalisation du droit

applicable

Dès les premières sentences arbitrales en matière de litiges opposants un

investisseur étranger à un État, les arbitres ont cherchés à conserver la plus grande marge

de manœuvre possible dans le choix du droit applicable au contrat et ce même en

présence d’un choix de loi par les parties. Dans l’affaire Lena Goldfields52, concernant un

accord de concession minière par le biais duquel l’Union Soviétique avait octroyé des

droits d’exploration et d’exploitation exclusifs à la société Lena Goldfields sur de vastes

parties du territoire soviétique, les arbitres ont franchis un pas important dans

l’internationalisation du droit applicable au contrat. En effet, le tribunal a accueilli

l’argument du concessionnaire selon lequel les lois de l’Union Soviétique gouvernent

uniquement les matières qui relèvent de la compétence domestique de l’URSS, pour toute

autre matière, ce sont les principes généraux du droit tel qu’énoncé par l’article 38 du52 Lena Goldfields Company Ltd. v. Government of the Socialist Soviet Republics, ADILC 1929-1930, p. 3consulté en ligne http://iclq.oxfordjournals.org/content/vol47/issue4/index.dtl

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juin. 30

CONTRATS D’ETAT ET INTERNATIONALISATION DE LA LOI APPLICABLE

statut de la Cour permanente de Justice Internationale qui constituent la loi applicable au

contrat. Il s’agit en l’espèce d’une des premières affaires où l’on assiste à

l’internationalisation de la loi applicable au contrat d’État, ce qui a même amené certains

auteurs à qualifier cette instance comme étant «un pas gigantesque pour l’arbitrage

commerciale international, presque équivalent à la découverte du feu par l’homme des

cavernes».53

Ainsi, l’internationalisation du «régime de base» dans l’affaire Goldfields est le

résultat d’une application parallèle du droit national soviétique et de principes généraux

de droit. L’approche est ici horizontale dans la mesure où elle consiste en l’application

d’un système juridique donné relativement à certains aspects du contrat, alors que

d’autres aspects du contrat sont jugés à la lumière de principes généraux de droit.

Un autre exemple où l’on constate que les arbitres mettent la partie étatique et la

partie privée sur un même pied d’égalité dénotant de la sorte une approche horizontale à

l’internationalisation de la loi applicable au contrat se trouve dans l’affaire ARAMCO54.

Bien que le tribunal ne soit en aucun cas réticent à affirmer que le contrat entre les parties

tire sa force obligatoire du droit Saoudien, les arbitres sont cependant d’avis que les

droits d’ARAMCO ne peuvent être « sécurisés de manière incontestable par la loi

applicable en Arabie saoudite. . . [Et que les lois saoudiennes] doivent être interprétées

complétées à la lumière des principes généraux du droit, par les coutumes du commerce

pétrolier et par la jurisprudence.»55. En l’espèce, les arbitres ont donc considérés le

contrat comme étant la loi fondamentale des parties et de l’arbitrage, l’Arabie saoudite

n’est donc pas justifiée de mettre fin à des droits qu’elle avait souverainement concédé à

l’investisseur privé. Le principe pacta sund servanda, même si reconnu par le droit

saoudien, a donc constitué le fondement sur lequel le tribunal s’est basé pour se détacher

de ce même droit.

53 V.VEEDER, The Lena Goldfields arbitration: the historical roots of the three ideas, Int Comp Law Q 199847: 747-792Consulté en ligne:http://iclq.oxfordjournals.org/content/vol47/issue4/index.dtl)54 Arabie saoudite v. Arabian American Oil Company (Aramco), (1958) :http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/afdi_0066-3085_1961_num_7_1_109155 Arthur J. GEMMELL, Commercial Arbitration in the Islamic Middle East, secured in an unquestionablemanner by the law of force in Saudi Arabia . . . [and that Saudi laws] must be interpreted or supplementedby the general principles of law, by the custom and practice in the oil business and by notions of purejurisprudence. consulté en ligne: «http://www.scu.edu/scjil/archive/v5_GemmellArticle.pdf», p. 11.

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juin. 30

CONTRATS D’ETAT ET INTERNATIONALISATION DE LA LOI APPLICABLE

Dans une autre affaire également impliquant une concession pétrolière56, et tout en

se basant sur les principes de l’autonomie de la volonté des parties et de pacta sund

servanda, les arbitres sont allés encore plus loin pour faire respecter les droits de

l’investisseur. Tout en reconnaissant l’applicabilité du droit en vigueur à Abu Dhabi, Lord

Asquith affirme que le Sheikh est un «absolute, feudal monarch . . . [who] administers a

purely discretionary justice with the assistance of the Koran; and it would be fanciful to

suggest that in this very primitive region there is any settled body of legal principles

applicable to the construction of modern commercial instruments»57. Asquith poursuit en

énoncant que le contrat «invite, indeed prescribe, the application of principles rooted in

the good sense and common practice of the generality of civilized nations — a sort of

‘modern law of nature»58. Ainsi, sans même appliquer le droit d’Abu Dhabi, les arbitres

ont eu recours à des principes généraux de droit qu’ils estiment relever du simple « bon

sens ». Bien que cette décision ait été critiquée, et qu’elle fait ressortir certaines

contradictions avec les décisions précitées dans la mesure où les arbitres semblent

complètement écarter l’application du droit d’Abu Dhabi qu’ils n’estiment pas complet et

dont il n’est même pas nécessaire de s’y référer dans la mesure où ce droit est insuffisant

pour trancher le litige. Cependant, cette décision démontre une approche purement

horizontale dans le sens où aucune prérogative n’est donnée à l’État du fait de sa qualité

de souverain.

56 Petroleum Dev. (Trucial Coast) Ltd v. Sheik of Abu Dhabi, (1951) 57 Arthur J. GEMMELL, Commercial Arbitration in the Islamic Middle East, consulté en ligne:«http://www.scu.edu/scjil/archive/v5_GemmellArticle.pdf»58 A. J. GEMMELL, op. cit., note70, p. 11

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juin. 30

CONTRATS D’ETAT ET INTERNATIONALISATION DE LA LOI APPLICABLE

Chapitre 2 : L’approche verticale en vue de l’internationalisation du droit applicable

L’approche verticale vers l’internationalisation du contrat consiste quant à elle à

appliquer en premier lieu le droit du système juridique choisi par les parties. Toutefois,

dans le cas où le droit applicable présenterait une lacune, ou serait en conflit avec des

normes de droit international, les arbitres pourront alors recourir à des principes de droit

international pour trancher le litige. Cette approche s’est d’ailleurs trouvée cristallisée

lors de l’adoption de la convention de Washington de 1965, dont l’article 42(1) prévoit:

« Le Tribunal statue sur le différend conformément aux règles de droit adoptées

par les parties. Faute d’accord entre les parties, le Tribunal applique le droit de l’Etat

contractant partie au différend—y compris les règles relatives aux conflits de lois—ainsi

que les principes de droit international en la matière»59

Ainsi, dans les décisions rendues suite à l’adoption de la convention de

Washington, les arbitres ont adoptés une position se conciliant davantage avec l’approche

verticale en ce qui concerne la loi applicable. Dans cette optique, la décision du comité

Ad Hoc dans Klöckner c. Cameroun offre un exemple où la première décision arbitrale

fut annulée dans la mesure où les arbitres auraient faillis à convenablement appliquer la

loi du système juridique régissant le contrat60. En l’espèce le différend était né d’un

contrat de construction et de gestion d’une usine de fertilisants conclu entre Klöckner et

le gouvernement du Cameroun. Suite à une période de production non profitable, qui a

conduit l’investisseur à effectuer des réparations et enfin à fermer l’usine, ce dernier a

réclamé des compensations pécuniaires. Dans la sentence rendue par le premier tribunal,

les arbitres, se basant sur le fait que Klöckner avait omis de déclarer des informations

pertinentes lors de la conclusion du contrat et dans la mesure où il n’avait exécuté ses

obligations contractuelles que de manière partielle et imparfaite, ont jugé que le

Cameroun n’était plus lié par le contrat et qu’il ne devait donc plus rien à l’investisseur.

59 CIRDI, précitée note 11, art. 42(1) 60 Klöckner c. Cameroun,3 May 1985, CIRDIhttp://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/afdi_0066-3085_1986_num_32_1_2718 , la requêted’annulation soumise par Klöckner sous l’article 52 de la convention CIRDI était la première de songenre.

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juin. 30

CONTRATS D’ETAT ET INTERNATIONALISATION DE LA LOI APPLICABLE

Le comité Ad hoc est d’avis que l’arbitre a identifié la bonne loi applicable, soit le code

civil napoléonien qui constituait la loi du Cameroun, cependant ce dernier n’aurait pas

concrètement appliqué le droit du système en question, puisqu’il n'a fait aucune référence

à des dispositions spécifiques.

L’approche verticale adoptée dans l’affaire Klöckner a été confirmée dans la

décision d’annulation relative à l’affaire Amco c. Indonésie61, dans laquelle un autre

Comité Ad Hoc a réitéré le principe selon lequel le droit international n’avait qu’un rôle

supplétif et correcteur par rapport aux systèmes juridiques nationaux. En l’espèce les

parties ne s’étaient pas accorder sur la loi applicable en cas de conflit, par conséquent le

premier tribunal arbitral62 a appliqué la loi indonésienne, soit la loi de l’État parti au

contrat tel que prévu par l’article 42(1) de la convention de Washington. Selon les

arbitres, le rôle du Comité Ad Hoc se limite à déterminer, si le tribunal à correctement

appliquer la loi qu’il est supposée appliquer. Dans le cas ou le tribunal failli dans

l’application de cette loi, cela constitue excès de pouvoir manifeste du Tribunal en vertu

de l’article 52 (1) (b) de la convention de Washington63

Dans son analyse le Comité affirme, bien que la loi applicable ait été correctement

identifiée, le Tribunal aurait failli à appliquer la disposition pertinente de la loi en

question. Bien que la décision d’annulation d’Amco ait été critiquée pour avoir procédé à

une révision extensive de l’interprétation faite par le premier Tribunal quant à la loi

indonésienne64, elle offre tout de même un exemple de l’approche verticale vers

l’internationalisation de la loi applicable au contrat.

Sous l’approche verticale, le droit national doit être appliqué en premier lieu, ce

n’est qu’en cas de lacune ou d’incompatibilité avec le droit international que la loi

applicable au contrat peut être internationalisée, alors que sous l’approche horizontale, le

droit national et le droit international ont chacun leur propres sphère d’application

61 Amco c. Indonesia, decision d’annulation, 16 May 1986, http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/afdi_0066-3085_1986_num_32_1_2718 62 ibid63 http://icsid.worldbank.org/ICSID/StaticFiles/basicdoc-fra/CRR_French-final.pdf64 L'annulation des sentences Klockner et Amco http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/afdi_0066-3085_1986_num_32_1_2718?_Prescripts_Search_tabs1=standard&

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juin. 30

CONTRATS D’ETAT ET INTERNATIONALISATION DE LA LOI APPLICABLE

distincte. Les deux approches se fondent sur le principe de l’autonomie des parties ainsi

que le principe pacta sund servanda. Même s’ils obéissent à des logiques quelque peu

divergentes, ces deux approches nous aident néanmoins à identifier un certain nombre de

principes directeurs en ce qui à trait aux problèmes de loi applicable aux contrats d’État

Titre 2 : Principes directeurs régissant l’internationalisation de la loi applicable au

contrat

Ayant examiné les « approches pratiques » par les quels les arbitres internationaux

réussissent à se distancier, a divers degrés, de la loi étatique applicable au contrat, notre

but dans la présente partie est d’exposer et de réaffirmer l’état du droit quant aux

possibilité et à la marge de manœuvre qu’il offre effectivement à l’arbitre international

lorsque celui-ci se penche sur la question de la loi applicable.

Nous verrons en premier lieu que le contrat tire nécessairement sa force probante

du droit national d’un État donné (Chapitre 1). Néanmoins, l’arbitre dispose de divers

moyens lui permettant d’internationaliser la loi applicable au niveau de la procédure

(Chapitre 2) Nous intéresserons par la suite au cas de figure très important, dans lequel un

choix de loi applicable n’a pas été effectué par les parties (Chapitre 3), pour enfin

confronter, tant en droit national qu’en droit international, le principe de la libre volonté

des parties au principe « pacta sund servanda ».(chapitre 4)

28

juin. 30

CONTRATS D’ETAT ET INTERNATIONALISATION DE LA LOI APPLICABLE

Chapitre 1 : Le contrat d’Etat : contrat fondé sur un droit national

Malgré la tendance parfois prononcée des arbitres à recourir aux principes

généraux de droit international public pour faire échapper le contrat à certains effets

produits par le droit national de l’État contractant, celui-ci tire toutefois nécessairement sa

force probante du droit national d’un État donné. En effet, tel que souligné par la Cour

Permanente de Justice International dans l’affaire relative aux emprunts Serbes :65

« Tout contrat qui n’est pas un contrat entre des États en tant que sujet de droitinternational à son fondement dans une loi nationale. La question de savoir quelle estcette loi fait l’objet de la partie du droit qu’aujourd’hui on désigne le plus souvent sousle nom de droit international prive ou de théorie du conflit des lois»66.

Tout en reconnaissant que ces règles de droit international privé peuvent être

communes à plusieurs États, ou même être établies par des conventions internationales ou

la coutume, la Cour insiste néanmoins qu’ «il y a lieu de considérer que lesdites règles

font partie du droit interne ».67

Bien que la pratique en matière d’arbitrage commercial international ait beaucoup

évoluée depuis l’affaire des emprunts serbes, tendant à accorder de plus en plus

d’importance au principe de l’autonomie des parties.

Le principe selon lequel une décision arbitrale doit être fondée sur un système

juridique donné, quitte à ce que les règles de conflit de ce système aient pour effet

d’internationaliser la loi applicable en reconnaissant la possibilité pour les parties de

choisir des principes généraux ou tout autre loi comme droit applicable entre elles, se

retrouve dans l’interdiction faite aux arbitres de décider ex aequo et bono sans

l’autorisation préalable des parties. En effet, selon l’article 42(3) de la Convention

instituant le CIRDI « Les dispositions des alinéas précédents ne portent pas atteinte à la

faculté pour le Tribunal, si les parties en sont d’accord, de statuer ex aequo et bono »68.

En outre, les parties peuvent à tout moment durant les procédures arbitrales s’accorder à

65 Affaire concernant le paiement de divers emprunts Serbes émis en France (Serbie c. France)http://www.icj-cij.org/pcij/serie_A/A_20/62_Emprunts_Serbes_Arret.pdf66 Ibid. 67 Ibid. 68 Art. 42(3) CIRDI, les articles 33(2) UNICITRAL règles d’arbitrage et 17(3) CCI règles d’arbitrages sontau même effet.

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juin. 30

CONTRATS D’ETAT ET INTERNATIONALISATION DE LA LOI APPLICABLE

ce que le juge puisse statuer selon les normes de l’équité en tant qu’amiable compositeur.

Cela était notamment le cas dans l’affaire Benvenuti & Bonfant c. Congo où les partie,

après que les procédures aient déjà étés entamés, ont demandés à ce que le Tribunal

arbitral «render its award as quickly as possible by judgment ex aequo et bono»69. Par

ailleurs, dans la décision d’annulation relative à l’affaire Amco c. Indonésie, le Comité

Ad Hoc à invoqué l’absence d’une application concrète des dispositions pertinentes du

système juridique applicable, toutefois, les arbitres apportent une nuance en ce qui

concerne la définition d’une décision ex aequo et bono. Selon eux:

«(not) any mention of “equitable consideration” in the Award necessarilyamounts to a decision ex aequo et bono and a manifest excess of power on the part of theTribunal. Equitable considerations may indeed form part of the law to be applied by theTribunal, whether that be the law of Indonesia or international law… The Ad hocCommittee thus believes that invocation of equitable considerations is not properlyregarded as automatically»70

Ainsi, même si les parties peuvent librement choisir la loi qui leur est applicable,

et notamment opter pour un règlement ex aequo et bono du litige, il n’en demeure pas

moins que c’est la règle de conflit de la lex fori qui accorde l’autorité et la force

obligatoire à la volonté des parties à un contrat international.

Chapitre 2 : Loi applicable au cadre procédural

Au cœur de tout arbitrage international se trouve la question des procédures

auxquels l’arbitre va recourir pour trancher le litige qui lui est soumis. Bien que distinctes

des règles qui régissent le fond même du litige, celles-ci peuvent tout de même avoir une

incidence notable sur son issue. Il existe en effet des écarts prononcés entre les différents

systèmes procéduraux nationaux. Ces différences peuvent être liées au caractère plutôt

accusatoire ou inquisitoire, écrit ou oral, ou encore à une conception différente de la

preuve et de son administration. Dans le contexte des contrats d’États deux

69Rambaud Patrick. Premiers enseignements des arbitrages du CIRDI. In: Annuaire français de droitinternational, volume 28, 1982. pp. 471-491. consulté en lignehttp://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/afdi_0066-3085_1982_num_28_1_250070ibid

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juin. 30

CONTRATS D’ETAT ET INTERNATIONALISATION DE LA LOI APPLICABLE

problématiques semblent alors êtres soulevés. D’une part, l’arbitre international, étant par

définition indépendant de tout système de droit, peut-il appliquer le droit procédural d’un

État tiers, notamment celui du lieu où siège le Tribunal. Et d’autre part, dans le cas où

ceux sont les règles de l’État partie au contrat qui trouve application, n’y aurait t’il pas un

risque de déséquilibre entre les parties, du fait que l’une, plus familière avec les subtilités

du système, pourrait « prendre ombrage de contrainte inconnues dans son propre droit ».71

Traditionnellement, du fait que l’on considérait que les Tribunaux arbitraux

n’étaient pas dotés d’une lex fori sur la base de laquelle ils pouvaient choisir la loi

applicable, la doctrine a soutenue la thèse selon laquelle c’est la loi du lieu où siège

l’arbitrage qui s’applique à la procédure arbitral. En outre, la loi du lieu du siège régit la

validité de la clause compromissoire, les rapports contractuels entre les parties et les

arbitres et toute l’organisation du tribunal et détermine même «si la procédure à suivre

par les arbitres peut être librement établie par les parties»72, ainsi que les moyens de

recours en annulation si l’arbitrage n’est pas un arbitrage CIRDI. Toutefois, les sentences

arbitrales subséquentes ont démontré les limites de ce principe en matière de contrats

d’État. A titre d’exemple, dans l’affaire Sapphire c. NIOC73 l’arbitre affirme que:

«contrary to a State Judge, who is bound to conform to the conflict law rules ofthe State in whose name he metes out justice, the arbitrator is not bound by such rules.He must look for the common intentions of the parties, and use the connecting factorsgenerally used in doctrine and in case law and must disregard national peculiarities…».74

Tout comme pour la loi applicable au fond du litige, la pratique arbitrale démontre

que le principe de l’autonomie des parties admet que celles-ci puissent librement désigner

le système de droit applicable aux procédures de l’arbitrage, y compris la validité même

de la convention y donnant lieu. Il faut toutefois relever que dans les faits la question de

la loi applicable aux aspects procéduraux de l’arbitrage se pose aujourd’hui avec moins

d’intensité que dans le cas de la loi applicable au fond du litige. En effet, «définie comme

l’ensemble des moyens de parvenir à la solution du litige, la procédure est fréquemment71B. AUDIT, op. cit., note 8, p. 6172 Ibid., 73 Sapphire International Petroleum’s Ltd. V. National Iranian Oil Company, Award, 15 March 1963,http://www.biicl.org/files/3940_1963_sapphire_v_nioc.pdf74 Ibid

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juin. 30

CONTRATS D’ETAT ET INTERNATIONALISATION DE LA LOI APPLICABLE

caractérisée comme indifférente au fond du droit; suivant cette conception, il importerait

assez peu qu’elle soit soumise, dans un litige donné, à une loi nationale plutôt qu’à une

autre»75. En outre, l’existence de règlements ou de procédures de source internationale

pour lesquels les parties peuvent librement opter, vient atténuer les éventuelles difficultés

rencontrées par les parties lors du choix de la loi applicable. Nous pouvons citer à titre

d’exemple le règlement élaboré par la CNUDCI, et qui on le sait, a été utilisé, ou encore

celui élaboré par le CIRDI qui présente l’intérêt d’avoir été spécialement conçu pour les

litiges susceptibles de surgir dans le cadre des contrats internationaux auxquels un État

est partie. Ces différents instruments internationaux confèrent une marge de manœuvre

assez large aux parties et aux arbitres dans le règlement des questions procédurales76,

marge de manœuvre que les systèmes juridiques nationaux des pays les plus industrialisés

encouragent également.77

Ainsi, tout comme pour la loi applicable au fond du litige, la loi applicable au

cadre procédural de l’arbitrage peut elle aussi se trouver «internationalisée».

Chapitre 3 : L’Absence de choix de la loi applicable

Face à l’absence d’un choix de loi applicable par les parties, les arbitres

internationaux sont amenés à appliquer la règle résiduelle de l’article 42(1) de la

convention de Washington selon laquelle le «Le Tribunal statue sur le différend

conformément aux règles de droit adoptées par les parties. Faute d’accord entre les

parties, le Tribunal applique le droit de l’Etat contractant partie au différend—y compris

les règles relatives aux conflits de lois—ainsi que les principes de droit international en

la matière.».78Or, pour recourir à la règle résiduelle il faut en premier lieu déterminer

qu’il y a effectivement absence de choix. A cet égard plusieurs méthodes sont

75 B. AUDIT, op. cit., note 8, p. 6176 Règlement CIRDI, art. 19 et 20 ; règlement CNUDCI, art. 1, par. 1 et 15, aussi Convention européennesur l’arbitrage commercial international, art. 4, par. 1 b). ; Sous la Convention de Washington (art. 47),l’arbitre peut même recommander des mesures provisoires visant la conservation des droits des parties dèslors que les parties ne s’y étaient pas expressément opposées dès le début. 77 V. chapitre intitulé “ l’arbitrage face aux juridictions nationales”78 CIRDI, précitée, art. 42(1)

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juin. 30

CONTRATS D’ETAT ET INTERNATIONALISATION DE LA LOI APPLICABLE

disponibles. Par exemple dans l’affaire Benvenuti & Bonfant v. Congo79 le tribunal

arbitral, suite à un examen du contrat liant les parties, constate l’absence d’un choix

explicite de loi applicable. Par conséquent les arbitres ont conclus à l’absence de choix de

loi et ont procédés à l’application de la loi congolaise (se basant sur le droit français)

ainsi que le droit international, tel que prévu par la règle résiduelle de l’article 42(1).

Dans le même ordre d’idées, dans l’affaire SPP. c. Egypte80 où un litige est né

après que l’Egypte ait mis brutalement fin à un projet de développement touristique signé

avec une compagnie de Hon Kong, les parties n’avaient pas opérés un choix explicite

quant à la loi applicable. Se basant sur le fait que l’accord avait été conclu en Egypte, et

que maintes références à la loi égyptienne avaient étés faites par les parties, le Tribunal

conclu sans difficulté à l’applicabilité en l’espèce de la loi égyptienne. Cependant le

Tribunal arbitrale ne s’arrête pas là. Selon les arbitres la référence faite au droit égyptien

doit être interprétée comme incluant les principes de droit international applicable à

l’espèce, et qui, en cas de contradiction avec le droit national de l’Egypte, doivent

prévaloir81. Ainsi, les principes Pacta sund servanda et le principe selon lequel une

expropriation de droits acquis doit donner lieu à une compensation juste et équitable

«can be deemed as part of the Egyptian law», puisque de l’avis du Tribunal «the

adherence to the ICSID Convention should (…) be treated as conclusive evidence of

Egypt’s declared intent to abide by these priciples, which indeed represent the basic

philosophy adopted by the Convention’s drafters».82

Enfin, un choix implicite concernant la loi applicable peut être déduit du

comportement des parties, notamment lors de leur soumission aux procédures arbitrales.

Un exemple de cela se trouve dans l’affaire AAPL c. Sri Lanka83, où le Tribunal conclut

que «… both parties acted in a manner that demonstrates their mutual agreement to

consider the provisions of the Sri Lanka/ UK Bilateral Investment Treaty as being the

primary source of the applicable legal rules»84. Cependant les arbitres nuancent

79 80 Southern Pacific Properties v. Egypt, ICC Award, 11 March 1983, 22 ILM 752 (1983) 81 Ibid., «… reference to Egyptian law must be construed so as to include such principles of internationallaw as may be applicable and that the national laws of Egypt can be relied upon only in as much as they donot contravene said principles»82 Ibid. 83 AALP v. Sri Lanka, Award, 27 June 1990, ICSID 84 Ibid.

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juin. 30

CONTRATS D’ETAT ET INTERNATIONALISATION DE LA LOI APPLICABLE

l’applicabilitée exclusive dudit traité bilatéral qui selon eux doit être «envisaged within a

wider juridical context in which rules from other sources are integrated through implied

incorporation methods, or by direct reference to certain supplementary rules, whether of

international law character or of domestic law nature».85

Il ressort ainsi de l’examen de ces différentes affaires que l’internationalisation de

la loi applicable au contrat peut avoir lieu en l’absence même de choix de loi applicable

par les parties.

Chapitre 4 : L’autonomie de la volonté des parties et le principe pacta sund servanda

Tel qu’il ressort de cette étude, le principe de l’autonomie de la volonté des parties

revêt une importance capitale lorsqu’il est question de déterminer la loi applicable dans le

cadre d’un contrat international auquel est partie un État, ou l’une de ses subdivisions. Ce

dernier semble aujourd’hui solidement ancré tant dans les systèmes de droits nationaux,

qu’au niveau du droit conventionnel international.

Le Code Civil consacre la théorie de l’Autonomie de la volonté, selon laquelle les

parties se déterminent librement à contracter ; cet accord de volonté est par lui-même et

en corollaire créateur d’obligations et donc de responsabilité. La formule de l’article 1134

du Code Civil est incisive et établit sur le mode de la comparaison tronquée le parallèle

entre la convention des parties et la loi quand elle édicte : « les conventions légalement

formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ».

Dans la vie économique, cette position est porteuse de sécurité juridique, elle agit en

faveur des engagements, rassure et encourage les acteurs à s’engager dans les

transactions. Les parties ne sont pas admises à invoquer des circonstances extérieures ou

des évènements autres que ceux qui pourront être qualifiés de force majeure pour

s’exonérer d’une exécution à laquelle elles se sont engagées et à laquelle leurs

85 Ibid34

juin. 30

CONTRATS D’ETAT ET INTERNATIONALISATION DE LA LOI APPLICABLE

cocontractants s’attendent. Mais lorsque ce contrat est international comme nous l’avons

vu cette sécurité peut être menacée.

L’importance accordée au principe de l’autonomie des parties se traduit d’ailleurs dans le

principe de l’autonomie de la clause compromissoire. Selon cette conception largement

admise, la validité de la clause renvoyant à l’arbitrage serait complètement indépendante

de la validité du contrat même86. Bien que le principe de l’autonomie de la clause

compromissoire témoigne de l’importance accordée à la faculté des parties à choisir

librement le forum au sein duquel seront tranchés les éventuels litiges à naître entre elles,

ce dernier témoigne aussi de l’importance accordée au principe Pacta sund servanda qui

constitue dans cette optique une autre pierre angulaire en matière d’arbitrage

international. En réalité, il nous est même possible de soutenir, que dans le domaine

particulier des contrats d’États le principe de Pacta sund servanda a une incidence plus

prononcée sur l’internationalisation de la loi applicable au contrat, que le principe de

l’autonomie de la volonté des parties.

En effet, l’étude de la jurisprudence arbitrale internationale en matière de contrats

d’État décrit le principe pacta sund servanda comme une sorte de principe universel et

omniprésent auquel les arbitres seraient libres de recourir lorsqu’ils l’estiment nécessaire

à une résolution juste et équitable d’un litige issu d’un investissement international. Ainsi,

alors même que l’article 42(1) de la Convention de Washington donne prééminence au

principe de l’autonomie de la

volonté des parties, un choix explicite de la loi applicable au contrat par celles-ci ne

semble pas pour autant rendre les arbitres réticents à faire rentrer en jeu des principes

généraux de droit international, notamment le principe pacta sund servanda, en vue de

faire échapper le contrat à l’autorité exclusive du système juridique désigné par les

parties.

Bien qu’en réalité le principe pacta sund servanda en tant que principe coutumier

de droit international ait vocation initial à s’appliquer uniquement aux traités conclus

entre États souverains, la pratique arbitrale n’a pas hésitée à opérer une analogie par le

biais de laquelle elle a rendue le principe pacta sund servanda applicable aux contrats

86 35

juin. 30

CONTRATS D’ETAT ET INTERNATIONALISATION DE LA LOI APPLICABLE

d’État, qui comme nous l’avons vu ne peuvent être considérés comme des traités de droit

international87. Les affaires Trucial Coast et SPP c. Égypte88 démontrent tout deux que le

choix d’une loi applicable par les parties n’empêche pas le Tribunal arbitral de recourir à

des principes de droits international pour contourner les obstacles des ces régimes

internes au regard du Pacta du contrat.

En bref, il convient de souligner que le principe de l’autonomie de la volonté des

parties concernant le choix de la loi applicable au contrat peut trouver des limites,

notamment si le droit désigné est celui de l’État contractant et que celui-ci remet en

question l’équilibre initial du contrat d’État. Bien qu’il existe une controverse doctrinale

quant à savoir si le principe pacta sund servanda peut servir de base juridique pour

internationaliser la loi applicable au fond du contrat89, force est de constater que tel à été

le cas dans la pratique arbitrale, tant sous l’approche horizontal que sous l’approche

verticale.

87 A. PELLET, op. cit., note 2, p. 1098, n 642: «accepter de soumettre un contrat d’Etat aux normes du droitinternational, ne revient pas à en faire un engagement international, ni a fortiori à l’assimiler aux traités »;v. aussi Texaco- Calasiatic: « dire que le droit international régit les rapport contractuels d’un Etat et d’unepersonne privée étrangère ne signifie nullement que celle-ci soit assimilée à un Etat, ni que le contratqu’elle a conclu avec lui soit assimilé à un traité » 88 Précitée, note 7989Leila L. El-Zein, Les contrats d’États à l’épreuve du droit international, coll. : « Collection de droitinternational » vol. 48, Bruxelles, Bruylant, 2001 selon l'auteur l'application du principe Pacta SundServanda aux contrats internationaux conclus entre États et personnes privées se serait fait au prix d'un«détour intellectuel laborieux, dénaturant sur son chemin les données juridiques jusqu'alors acquises dudroit international qui ne saurait constituer un développement progressif du droit international. (…) lanature du droit, en général, et du droit international en particulier, s'oppose à ce droit naturel support aupacta sund servanda dont on se ferait le partisan»

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juin. 30

CONTRATS D’ETAT ET INTERNATIONALISATION DE LA LOI APPLICABLE

Conclusion

La nécessite de l’internationalisation du contrat a été ressentie tout simplement

parce que soumettre un contrat conclu avec un investisseur étranger à l’autorité exclusive

d’un système de droit national subordonnerai indubitablement cet investisseur à la

souveraineté et par conséquent à la libre volonté de son cocontractant étatique. Or,

l’émergence de la société civile et la libéralisation de l’économie mondiale ont amenés

les États à concéder de plus en plus de leur souveraineté au nom du développement

économique. Cette réalité des choses est d’ailleurs reflétée par la spécificité du contrat

d’État dont les clauses viennent stipuler l’égalité des parties dans le cadre du contrat

conclu.

Les législations nationales se rapportant à l’arbitrage régulent l’intervention par

les Cours locales afin que les parties puissent jouir d’une plus grande flexibilité lorsqu’ils

ont recours à l’arbitrage. Comme nous avons pu le constater les législations des pays

industrialisés90, où se trouvent notamment les centres d’arbitrages les plus reconnus,

reconnaissent pleinement la validité de l’arbitrage en tant que mode auxiliaire de

résolution des conflits. Sauf exceptions prévus par la loi, et se rapportant notamment au

respect de l’ordre public national, les sentences arbitrales doivent donc trouver pleine

reconnaissance et être exécutées par les tribunaux étatiques.

Bien que l’on réfère communément aux contrats d’États comme des contrats

internationaux, on ne peut pas pour autant affirmer que ces derniers dérivent leur force

légale du droit international. Néanmoins, et c’est la que toute la spécificité du contrat

d’État prend son importance, il semblerait que la loi applicable à ces contrats puisse être

« internationalisée » par le biais de deux mécanisme. Le premier se trouve dans la

volonté expresse ou tacite des parties à rendre directement applicable des normes ou

principes généraux du droit international au contrat. Quant au deuxième, qui créer plus de

controverses, il semblerait qu’il se trouve dans l’obligation pour les parties de respecter le

principe Pacta sund servanda. En effet, la pratique arbitrale démontre que si des droits

90 Les législations des pays en développement semblent de plus en plus suivre le model libéral des loisoccidentales en matière d’arbitrage.

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CONTRATS D’ETAT ET INTERNATIONALISATION DE LA LOI APPLICABLE

contractuels détenus par la partie privée se trouvent affectés d’une manière non conforme

avec le principe Pacta sund servanda, et que le système juridique de l’État partie au

contrat n’offre par de remèdes conformes aux normes internationales pertinentes, alors le

Tribunal arbitral sera enclin à détacher le contrat, en partie ou même intégralement, du

droit national de l’État en question. A cet égard l’approche des arbitres peut être

horizontale dans la mesure où ils distingueront directement les sphères d’application

respectives du droit national et du droit international au regard du respect des

engagements contractuels, ou verticale, dans la mesure où les arbitres s’efforceront dans

un premier temps d’appliquer uniquement le droit national pour ne recourir aux principes

de droit international qu’en cas de non-conformité des mesures internes.

Aujourd’hui l’arbitrage gagne de plus en plus de reconnaissance par les pays

occidentaux, qui soutenant une idéologie de libéralisme économique cherchent à obtenir

le maximum de protections pour leurs ressortissants investisseurs à l’étranger. On

remarque donc que le développement de la notion de contrat d’État s’insère dans le

contexte de globalisation économique qui a suivi la deuxième guerre mondiale.

L’émergence de la société civile en tant que force économique grandissante a par ailleurs

remis en question le rapport de force entre ces entités privés et les États. Selon le

professeur Pellet

«On peut même reprocher à ces arbitrages (internationaux) d’opérer uneconciliation trop favorable aux intérêts des sociétés, entre les deux principes quisemblent dominer la matière : d’une part, le respect de la souveraineté des États, d’autrepart, le principe de la bonne foi. Accorder aux contrats transnationaux une intangibilitéque n’ont pas nécessairement les traités risque de réduire à néant l’idée de permanencede la souveraineté en matière économique »91

Le nouvel ordre économique mondial semblerait donc favoriser le principe de la

liberté contractuelle en se montrant très protecteur à l’égard des agents économiques

privés mais aussi en favorisant le recours à l’arbitrage commercial international. Bien que

les avantages de l’arbitrage soient nombreux, il incombe toutefois de souligner que

nombre d’États conservent une position hostile quant à ce moyen de résolution des

conflits. En effet, certains États d’Amérique latine ainsi que du Moyen Orient y voient

ainsi une perte de souveraineté trop importante, et redoutent également que le caractère

91 A. PELLET, op. cit., note 2, p. 1098, n 64238

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CONTRATS D’ETAT ET INTERNATIONALISATION DE LA LOI APPLICABLE

privé de l’arbitrage puisse mener plus facilement à des situations de conflits d’intérêt

entre les arbitres et l’une des parties.92

Bibliographique

92 G. B. BORN, op. cit., note 35, p. 739

juin. 30

CONTRATS D’ETAT ET INTERNATIONALISATION DE LA LOI APPLICABLE

doctrine/ouvrages :

André Maurin, Droit administratif, 3ème édition, Paris, Dalloz, 2001

Patrick Daillier et Alain Pellet, Droit International Public, 7e édition, Paris, L.G.D.J., 2002, n° 290

Jean-Michel jacquet, Droit du commerce international, 1er edition,Paris, Dalloz, 2007

George Soros, Open Society, Reforming Global Capitalism, Brown & Company UK, 200,AUC press library

Leila L. El-Zein, Les contrats d’États à l’épreuve du droit international, coll. : « Collection de droit international » vol. 48, Bruxelles, Bruylant, 2001

Articles en ligne

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Gary B. Born, International Commercial Arbitration : Commentary and Materials, secondedition, The Hague, Kluwer Law International, 2001

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juin. 30

CONTRATS D’ETAT ET INTERNATIONALISATION DE LA LOI APPLICABLE

législation:

Législation nationale

Code civil Français

Nouveau Code de procédure civil

Loi fédérale du 18 décembre 1987 sur le droit international privé (LDIP)

Loi égyptienne de 1994 sur l’arbitrage

Textes internationaux

CIRDI

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Jurisprudence :

Anglo- Iranian Oil Co (Iran c. Royaume- Uni), [1951] C.I.J. rec. 1951

Affaire des Concessions Mavrommatis en Palestine (Grande Bretagne c. Grèce) (1924), C.P.I.J. (sér. A) n˚2

Affaire concernant le paiement de divers emprunts Serbes émis en France (Serbie c. France) (1929), C.P.I.J. (sér. A) n˚20Losinger c. Yougoslavie, CPIJ serie C, n 78, p. 110

41

juin. 30

CONTRATS D’ETAT ET INTERNATIONALISATION DE LA LOI APPLICABLE

AALP v. Sri Lanka, Award, 27 June 1990, 4 ICSID Reports 246

Amco v. Indonesia, Decision on annulment, 16 May 1986, 1 ICSID Reports 509

Amco v. Indonesia, Award, 20 November 1984, 1 ICSID Reports 413

Benvenuti & Bonfant v. Congo, Award, 15 August 1980, 1 ICSID Reports 330

Cable TV v. The Federation of St. Christopher (St. Kitts) and Nevis, Award, 13 January 1997, 13 ICSID Review – FILJ 328 (1998

Klöckner v. Cameroun, Award, 21 October 1983, 2 ICSID Reports 9

Klöckner v. Cameroun, Decision on Annulment, 3 May 1985, 1 ICSID Review – FILJ 89 (1986), p. 109

Lena Goldfields Company Ltd. v. Government of the Socialist Soviet Republics, ADILC 1929-1930, p. 3

LETCO v. Liberia, Award, 31 March 1986, 2 ICSID Reports 358

Mexico v. Metalclad, March 2001, 5 ICSID Reports 238

Petroleum Dev. (Trucial Coast) Ltd v. Sheik of Abu Dhabi, 18 I.L.R. 144 (1951)

Sapphire International Petroleum’s Ltd. V. National Iranian Oil Company, Award, 15 March 1963, 35 ILR 136 (1967)

Saudi Arabia v. Arabian American Oil Company (Aramco), 27 I.L.R. 117, 168 (1958)

Southern Pacific Properties v. Egypt, ICC Award, 11 March 1983, 22 ILM 752 (1983)

Texaco Overseas Petroleum Company/ California Asiatic (Calasiatic) Oil Company v. Libya, Award, 19 January 1977, 17 ILM 1 (1978), LETCO v. Liberia, Award, 31 March 1986, 2 ICSID Reports 358

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