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Amiante

Un héritage empoisonné

Dossier réalisé par Céline Ravallec, avec Antoine Bondéelle, Jérôme Lemarié et Delphine Vaudoux.

N. B. : certaines photos ont été prises lors d'opérations préparatoires (confinement-curage) en vue de travaux  de désamiantage. Les EPI sont conformes aux interventions réalisées.

Nouvelles dispositions de formations professionnelles, définition de nouvelles valeurs limites d’exposition, nouvelle méthode de mesure de l'empoussièrement… La prévention du risque amiante fait actuellement l’objet d’évolutions à différents niveaux comme l'illustre l'annonce par le ministère en charge du Travail de la modification de la réglementation au 1er semestre 2012. Si l’exploitation et l’utilisation de ce produit cancérigène sont interdites depuis quinze ans en

France, il fait toujours partie de notre quotidien. Aujourd’hui, les métiers du second œuvre dans le BTP et de la maintenance industrielle se retrouvent en première ligne face à ce risque. Ils sont en effet appelés à intervenir sur des éléments dans lesquels l’amiante est potentiellement toujours en place. Quant aux activités de désamiantage à proprement parler (activités dites de sous-section 3), depuis le repérage jusqu’à la gestion des déchets, des marges de progrès sont là aussi possibles.

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Passage en revue

Nocif et durable

Q uelle  est  l’étendue du  risque  amiante en  France ?  Quinze 

ans après l’interdiction de son exploitation et de son utilisa-tion, il reste extrêmement pré-sent dans nos environnements professionnels et domestiques. De  par  ses  excellentes  carac-téristiques  physiques  –  résis-tant  à  la  chaleur,  aux  agents chimiques,  à  la  traction,  à l’usure,  isolant  phonique…  – ce  «  super-matériau  »  a  été largement utilisé au cours du XXe  siècle.  Au  total,  plus  de 3 000 produits en contiennent aujourd’hui,  essentiellement dans  les  bâtiments  (plâtre amianté,  enduits  de  débul-lage, enduits extérieurs, pein-tures,  colles,  flocage,  plaques en  amiante-ciment,  revête-ments de sol…). L’Inserm a éva-lué entre 50 000 et 100 000 le nombre  de  décès,  en  France, liés à  l’amiante sur  la période 1995-2025. Et au-delà ? « Cela dépendra des mesures de prévention mises en œuvre aujourd’hui  »,  répond  Michel Gaul, formateur, ancien agent de  contrôle  à  l’inspection  du travail de la Manche.

Comme l'amiante se trouveencore fréquemment dans les bâtiments et dans l'industrie, de nombreuxmétiers issus du second œuvre ou de la maintenance peuvent y être exposés.Les mesures de prévention restent indispensables.

Car  aujourd’hui  encore,  de multiples  professions  sont amenées  à  être  en  contact avec de l’amiante. Les inquié-tudes  se  portent  particuliè-rement sur  les activités dites de  la  sous-section  4.  Celle-ci définit  les  interventions  sur des matériaux pouvant conte-nir  de  l’amiante  (hors  retrait ou confinement), et concerne essentiellement  les  métiers du second œuvre dans le BTP et la maintenance industrielle. Sur 15 millions de logements contenant  de  l’amiante  en France, seuls 500 000 ont été désamiantés  depuis  1996, parfois  partiellement.  Un matériau  amianté  peut  donc se  rencontrer  dans  tout  type d’intervention dans le BTP.

Les artisans du second œuvre se  trouvent  souvent  exposés sans  le  savoir,  sans  l’identi-fier  et  donc  ne  suivent  pas les bons protocoles. Une  for-mation  pour  les  profession-nels  de  cette  sous-section et  l’établissement  de  modes opératoires  sont  pourtant obligatoires, mais ceux-ci sont rares. « C’est aujourd’hui dans ces métiers que sont déclarées le plus de maladies profession-nelles liées à l’amiante », com-mente  Anita  Romero-Hariot, expert en amiante au dépar-tement  Expertise  et  conseil technique (ECT) de l’INRS. Au total,  plus  de  deux  millions de  salariés  sont  potentielle-ment  exposés  quotidienne-ment,  dont  la  moitié  dans les métiers du BTP. Parmi  les plus  concernés,  citons  les plombiers-tuyauteurs,  les électriciens,  les  maçons,  les couvreurs et les peintres. Sans 

Toute procédure de décontamination demande entre 15 et 25 minutes selon le cas de figure.

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Passage en revue

Nocif et durableoublier  les  professionnels de  l’entretien  d’immeubles, de  sites  agricoles  et  indus-triels. Il va falloir apprendre à vivre avec l’amiante, car il est encore là pour longtemps.

Dysfonctionnements sur les chantiers

Si les activités de retrait et de confinement d’amiante (dites sous-section  3)  sont  mieux encadrées,  elles  font  néan-moins  encore  l’objet  d’insuf-fisances.  «  La réglementation amiante est composée de nombreux textes réglemen-taires, autour de 1 000, tous codes confondus, alors que les fondamentaux ne sont pas

respectés  »,  poursuit  Charles Ducrocq, expert indépendant et  ancien  ingénieur-conseil en prévention à la Cramif. Les bonnes  pratiques  sont  rare-ment  respectées,  des  erreurs grossières souvent constatées. Une  campagne  de  contrôles réalisée en 2006 sur 936 chan-tiers  de  désamiantage  avait montré  que  76 %  d’entre  eux présentaient  au  moins  une infraction  par  rapport  à  la protection  des  travailleurs. Depuis,  la situation n’a guère progressé.« On voit toujours des dysfonc-tionnements énormes sur les chantiers de désamiantage, et plus généralement sur les chantiers de réhabilitation

Au-delà des désamianteurs professionnels, les métiers du second œuvre dans le BTP et la maintenance industrielle sont amenés à être au contact de l'amiante.

L’amiante et ses effets sur la santé

D ’origine naturelle, l’amiante est un

matériau minéral fibreux. 400 à 500 fois plus fines qu’un cheveu, les fibres d’amiante sont le plus souvent invisibles à l’œil nu. En cas d’intervention sur des matériaux amiantés, les fibres qui se dégagent dans l’air ambiant peuvent être respirées et se déposer dans les alvéoles pulmonaires. Leur inhalation peut alors provoquer diverses pathologies : plaques pleurales, asbestose (fibrose pulmonaire), cancer broncho-pulmonaire, mésothéliome (cancer de la plèvre). Des suspicions existent par ailleurs sur de possibles cancers colo-rectaux, sans certitude à ce jour. Ces pathologies sont d’autant plus difficiles à mettre au jour qu’elles surviennent jusqu’à plusieurs dizaines d’années après le début de l’exposition. Les fibres d'amiante sont facilement mises en suspension dans l'air ce qui favorise leur transport via les vêtements ou tout autre objet. C’est la raison pour laquelle lors d’une intervention en présence d’amiante, les combinaisons utilisées sont obligatoirement jetées et tous les outils décontaminés.

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L ’arrêté du 22 décembre 2009 modifié définit les nouvelles modalités de la formation des

travailleurs à la prévention des risques liés à l’amiante. Celles-ci sont applicables à partir du 1er janvier 2012. Le contenu et la durée de la formation varient en fonction du type d’activité exercé (sous-section 3 ou sous-section 4) et du niveau de responsabilité du salarié dans l’entreprise (encadrement technique, encadrement de chantier, opérateur de chantier). Pour les activités de sous-section 3, elle doit être délivrée par un organisme de formation certifié. Une formation de formateurs a été élaborée conjointement par l’INRS et l’OPPBTP. Cinq sessions ont eu lieu depuis un an, à raison de dix personnes par session. Cette formation se déroule sur deux semaines, non consécutives. « Elle décline les exigences de l’arrêté en trois niveaux : connaissances réglementaires, compétences techniques, capacité à organiser et à animer des sessions de formation », présente Henri Aussel, formateur spécialisé en risques chimiques à

l’INRS. Les formateurs sont évalués sur ces trois compétences. « Cette formation a été l’occasion de nombreux échanges de pratiques et d’expériences entre stagiaires, témoigne Didier Cottin, responsable Partenariats et développements à l’OPPBTP. La quasi-totalité des formateurs, même exerçant depuis de nombreuses années, a décidé de remettre en cause sa stratégie pédagogique et de donner à la prévention la place qu’elle mérite dans ses formations. » Un espace de partage informatique a été mis en place pour le suivi de la formation : mise à disposition de tous les contenus des interventions au cours de la formation, et suivi des évolutions techniques et réglementaires. Un recyclage est prévu. Pour les métiers de la sous-section 4, la formation peut être délivrée par l’employeur ou un organisme de formation. Environ 1,5 million de salariés sont concernés. L’obligation de formation pour cette catégorie de salariés est, au même titre que pour ceux du secteur du désamiantage, obligatoire depuis 1996.

Nouvelles dispositions de formation professionnelle

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et de démolition  »,  constate Michel Gaul. Et ce, à tous les niveaux :  repérage,  forma-tion  et  information  des  opé-rateurs,  modes  opératoires, procédures (décontamination des  personnes  en  sortie  de zone,  gestion  des  déchets, 

nettoyage en fin de chantier), moyens  matériels  mis  à  dis-position  parfois  inadaptés, etc. « On trouve par exemple des enduits amiantés sur les voiles en béton. C’est un vrai problème, ils ne sont pas recherchés aujourd’hui lors des repérages  »,  constate  Hervé Clermont, contrôleur de sécu-rité à la Cramif, dans le cadre d’un chantier de réhabilitation d’un  foyer  dans  le  XIe  arron-dissement  à  Paris.  Même présent  en  petites  quantités (de  l’ordre de 10 cm2, parfois moins),  l’amiante non repéré pollue énormément dès qu’il est  agressé  mécaniquement et expose les ouvriers appelés à intervenir dessus.« Les personnes sont plus expo-sées sur les chantiers de réno-vation ou de réhabilitation que sur les chantiers de désa-miantage  »,  affirme  Charles Ducrocq.  Les  entreprises  se plaignent  de  ne  pas  obtenir les  repérages  «  amiante  »  – avant  travaux,  dossier  tech-nique amiante (DTA) – auprès des  donneurs  d’ordres  (syn-dics  de  copropriété,  maîtres d’ouvrage). Les plans de retrait ne  sont  pas  toujours  établis ou  adaptés  aux  travaux  pro-grammés.  Les  entreprises certifiées font parfois preuve de relâchement. Les règles ne sont vraiment respectées que lorsqu’un organisme (inspec-tion du travail, Carsat) s’inté-resse au chantier. Le décalage entre  le  travail  prescrit  et  le travail réel, entre les plans de retrait  écrits  et  les  pratiques du terrain peut être flagrant. Par  ailleurs,  pour  les  acteurs du  secteur,  il  n’existe  pas  de 

Étude pour un badge amiante

Les métiers du second œuvre du BTP étant particulièrement susceptibles d’être exposés à l’amiante et moins contrôlés,

l’INRS va mener courant février 2012 une étude en partenariat avec la Capeb sur une centaine de plombiers-chauffagistes. « Ils porteront un badge pendant cinq jours de travail, puis ils nous le retourneront pour analyse », décrit Céline Eypert-Blaison, chercheuse au laboratoire d’analyse inorganique et de caractérisation des aérosols de l’INRS. Comportant des membranes électrostatiques, les badges captent les particules et les fibres. « L’objectif de cette étude est de parvenir à dire si les opérateurs ont été exposés à des fibres d’amiante, poursuit Céline Eypert-Blaison. Les résultats obtenus, bien que semi-quantitatifs, pourront avoir une utilité pédagogique, en sensibilisant les participants à la problématique de la présence d’amiante. »  

Pour en savoir plus

Web• www.travailler-mieux.gouv.

fr/Amiante.html.• www.amiante.inrs.fr.• www.amiante.com/.• Fiches métiers de l’INRS

pour les travaux de maintenance et d’entretien : www.inrs.fr/inrs-pub/inrs01.nsf/IntranetObject-AccesParReference/RubriqueAmiante3/$File/fset.html.

• www.inrs.fr/accueil/header/actualites/campagne-meta.html.

Publications• ED 6091. Travaux de retrait

ou d’encapsulage de matériaux contenant de l’amiante. Guide de prévention. INRS.

• ED 809. Exposition à l’amiante dans les travaux d’entretien et de maintenance. Guide de prévention. INRS.

• ED 6028. Exposition à l’amiante lors du traitement des déchets. Guide de prévention. INRS.

À consulter ou à télécharger sur www.inrs.fr.

Le travail au contact de l'amiante ne s'improvise pas. Tout salarié

amené à le côtoyer doit avoir suivi une formation.

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Lors d’opérations de retrait d’amiante, les mesures d’empoussièrement en milieu 

professionnel étaient réalisées jusqu’à présent par microscopie optique à contraste de phase (MOCP). Cette technique mesure la concentration de toutes les fibres de diamètre supérieur à 0,2 µm présentes dans l’atmosphère de travail. L’Afsset, ayant confirmé en 2009 le caractère cancérogène des fibres fines d’amiante (FFA) et n’ayant pu exclure le caractère toxique des fibres courtes (FCA), a recommandé dans un premier temps d’abaisser la valeur limite d’exposition professionnelle (VLEP) d’un facteur 10, soit une concentration à 10 fibres/litre. Elle a ensuite recommandé de modifier la méthode d’analyse en adoptant la microscopie électronique à transmission analytique (META), afin de différencier les fibres d’amiante des autres fibres et d’intégrer les fibres les plus fines, non visibles en MOCP, dans les comptages.De novembre 2009 à octobre 2010, une campagne de mesure par META en milieu professionnel a été diligentée par la Direction 

générale du travail. L’INRS a participé avec les experts du Lepi (1) et la CNAMTS à l’élaboration du protocole de prélèvement et de mesure. Le Syrta (syndicat du retrait et du traitement de l'amiante et des autres polluants) a développé un outil permettant de coordonner l'inscription des entreprises volontaires et de centraliser de façon anonyme les résultats. L'INRS a exploité les résultats et défini des recommandations en matière de prévention vis-à-vis d’opérations sur matériaux amiantés (cf. encadré). « 265 résultats ont pu être exploités, représentant 29 typologies de chantiers, commente Anita Romero-Hariot, expert en amiante au département Expertise et conseil technique de l’INRS. Ils correspondaient pour la majorité à des chantiers de désamiantage sur des matériaux de type friable ou non friable et suivant les techniques de retrait les plus couramment utilisées en entreprise. La part des FCA a représenté 68 % des fibres comptées en moyenne, tous échantillons confondus, bien plus que les FFA (17 %) et les fibres classiques (15 %). L’étude a permis d’observer des

concentrations inattendues d’empoussièrement en fibres. Les plus élevées correspondent aux retraits des plâtres amiantés, quelle que soit la technique employée, des flocages et des peintures et enduits. Les concentrations les moins élevées correspondent au retrait de canalisations en amiante ciment par désemboîtage. à noter que les expositions pourraient dépasser la VLEP dans l’hypothèse de son abaissement d’un facteur 10. » Cette campagne met en évidence la nécessité de poursuivre les études afin d'adapter les méthodes de travail (2).1. Laboratoire d’études des particules inhalées de la ville de Paris.2. Dans une prochaine édition, nous reviendrons sur les mesures annoncées par la direction générale du Travail et le programme des travaux que va continuer à mener l'INRS sur ce sujet. 

C. R.

Quelques recommandations de l’INRS

• Vérifier par META les facteurs de protection en situation de travail des appareils de protection respiratoire.

• Ne pas procéder au retrait de certains matériaux très liés rendus trop émissifs du fait des techniques de retrait employées, mais les confiner en assurant une traçabilité

• Mettre en place dans chaque entreprise. concernée un programme pour l’utilisation des appareils de protection respiratoire.

• Développer des techniques de retrait évitant l’intervention directe des opérateurs.

• Élaborer une formation spécifique dont bénéficierait le personnel des organismes chargés du prélèvement afin d'améliorer la qualité des prestations de contrôle et d’harmoniser les pratiques au niveau national.

• Poursuivre l’acquisition des connaissances sur les niveaux d’empoussièrement, mesurés avec la méthode META, générés pour les activités de type « interventions » sur matériaux amiantés (sous-section 4).

Campagne METADes données qui changent la donne ?

formation  complètement aboutie.  «  Deux semaines ne suffisent pas à former quelqu’un. Il est difficile de trouver un opérateur sortant de formation directement opérationnel », explique Jean-François  Fraboulet,  directeur de  l’entreprise  de  désamian-tage  Poulingue.  Le  travail  en présence d’amiante nécessite de  l’appréciation,  où  le  bon sens et l’expérience comptent beaucoup.  C'est  une  activité dont on tire constamment des enseignements.L’amiante a également comme défaut de masquer les autres problématiques  en  santé  au travail.  Même  en  présence de fibrociment,  il ne faut par exemple  pas  oublier  que  le risque le plus  immédiat pour un couvreur reste la chute de hauteur. De même,  la forma-tion à la prévention du risque amiante ne doit pas se substi-tuer à la formation à la sécu-rité au poste de travail et à la formation  au  port  des  équi-pements de protection indivi-duelle.  L’évaluation  du  risque amiante  doit  s’insérer  dans une  évaluation  globale  du risque (électrisation, chute de hauteur,  risque  chimique…). La  réalité  économique  et financière,  qui  peut  diverger des  objectifs  de  prévention, est  également  omniprésente sur  ces  questions.  Comment atteindre les objectifs de pré-vention et  respecter  la  régle-mentation tout en respectant les  contraintes  financières et  les  délais  imposés ?  Avec l’amiante,  on  n’a  jamais  fini d’apprendre…

C. R.

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Afin de préparer au mieux le désamiantage et la réhabilitation de certains des bâtiments du CHU de Clermont-Ferrand, un chantier test préalable a été réalisé en conditions réelles. Les objectifs : déterminer les modes opératoires les plus efficaces générant le moins de poussières possible et préciser les matériaux et produits contenant de l’amiante.

Désamiantage en hôpital

Un test grandeur nature

R éhabiliter  et  moder-niser  un  hôpital  sans i nt e r ro m p re   s o n 

activité  ne  s’improvise  pas. A fortiori,  lorsque  celui-ci contient de l’amiante dans ses moindres recoins. C’est le cas des bâtiments anciens du CHU Gabriel-Montpied à Clermont-Ferrand, dans le Puy-de-Dôme. Datant des années 1970, leur structure  métallique  a  été enrobée  d’amiante  afin  d’as-surer  une  protection  contre les incendies. « Ils en contien-nent une grande quantité sous forme de flocage dans le plafond, les gaines…  explique Jean-Marc  Rivaud,  ingénieur-conseil  à  la  Carsat  Auvergne, et aussi sous forme non friable dans et sous les dalles. Il est incrusté partout !  »  Certains bâtiments  vont  être  désa-miantés avant d’être réhabili-tés, d’autres seront détruits (cf. encadré page 24).Les premiers travaux de désa-miantage  avaient  débuté  en 1999,  mais  ils  avaient  été interrompus pour des raisons techniques,  financières  et politiques.  Entre-temps,  de nouveaux  lits et blocs opéra-toires ont été construits, acco-lés à une partie des bâtiments anciens,  rendant  provisoire-ment impossible leur destruc-tion. En 2010, afin de préparer et de sécuriser les futures opé-rations  de  désamiantage, Coteba, le maître d’œuvre des opérations  de  désamiantage, et  le CHU ont souhaité réali-ser  une  phase  de  diagnostic et de test. « Cela va permettre d’évaluer les méthodes, les procédures de travail, les tech-niques de retrait,  les outils les

plus adaptés,  souligne  Jean-Marc Rivaud, et aussi de mesu-rer les taux d’empoussièrement et la pénibilité du travail. Tout cela permettra de préciser le cahier des charges » de l’appel d’offres pour le désamiantage de  l’ensemble  du  complexe hospitalier, en cours de rédac-tion.  Ce  test  doit  également définir  le  niveau  de  rendu des surfaces traitées et amé-liorer  la  recherche  des  maté-riaux  et  produits  contenant de  l’amiante  réalisée  par  le bureau Veritas.

Sas de décontamination

Étrange  sensation  –  proba-blement  due  à  la  proximité avec une matière dangereuse –  lorsque  l’on  arrive  devant la  zone  entièrement  confi-née.  Tout  se  passe  dans  une ancienne  salle  d’opération située  au  5e  étage  du  bâti-ment  HNA/HNB,  l'une  des quatre  ailes  destinées  à  être désamiantées  puis  réhabili-tées, dans une zone sécurisée de 400 m2. De part et d’autre de la zone de travaux propre-ment  dite,  qui  est  confinée, sont  installées  une  base  vie comprenant  les  sas  d’entrée et de sortie du matériel et du personnel,  ainsi  qu’une  zone tampon permettant d’isoler la zone  dangereuse  de  l’espace où  circule  le  public.  Les  4e  et 6e étages du bâtiment ont été condamnés. Mais aux étages supérieurs  et  inférieurs,  l’ac-tivité hospitalière se poursuit, ce  qui  impose  de  véritables contraintes  pour  l’entreprise qui sera chargée de réaliser les 

travaux. « Il faut gérer les pous-sières de toute nature, les accès et les circulations, l’évacua-tion des déchets et le bruit », souligne  Jean-Marc  Rivaud. Sans oublier  l’inquiétude des patients, par ailleurs anxieux en raison de  leurs problèmes de  santé…  De  plus,  «  on est face à un grand nombre de produits amiantés très diffé-rents : sous forme de flocage, dans le mastic des fenêtres, les joints… » Le  confinement  est  réalisé avec  «  une double peau en polyane de 200 µm », explique Gérard  Martel,  conducteur d’opération  chez  Snadec (1). Afin  de  maintenir  la  zone  en dépression et d’assurer un bon renouvellement  d’air  néces-saire à  l’assainissement de  la zone  polluée,  quatre  extrac-teurs  équipés  de  filtres  ont été  installés.  «  L’entrée d’air se fait par les deux sas et trois ouvertures en façade », précise Gérard  Martel.  L’entrée  et  la sortie du personnel de la zone 

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contaminée se font exclusive-ment  via  un  sas  à  cinq  com-partiments.  L’opérateur  revêt ses  équipements  de  protec-tion  (combinaison  jetable, gants,  bottes  de  sécurité, masques  à  adduction  d’air) dans  le  vestiaire  et  pénètre dans  la zone contaminée par ce sas. Il en ressort en respec-tant scrupuleusement les cinq étapes :  dépoussiérage  par aspiration, douche de décon-tamination (tout habillé), dés-habillage,  douche  corporelle avec masque, puis douche cor-porelle normale et séchage. Le tout prend de 15 à 20 minutes environ. Un autre sas dit « sas matériel  »  permet  l’approvi-sionnement  en  matériel  et matériaux. Les déchets amian-tés sont quant à eux évacués, après  conditionnement,  par ce sas à trois compartiments, récupérés puis traités par une entreprise spécialisée.Une fois à l’intérieur, les opé-rateurs  (dont  le  nombre  est limité en fonction de la capa-cité du compresseur d’air res-pirable) sont protégés par un masque  «  alimenté par une clarinette d’air par un tuyau de 20 m de long », indique Gérard Martel. Ce jour-là, quatre sala-riés travaillent à l’intérieur de la zone contaminée. L’un deux utilise  une  rectifieuse  pour enlever  la  colle  noire  amian-tée  sous  les  dalles.  Celle-ci est  reliée  à  un  système  d’as-piration avec des bavettes de protection, qui permet de cap-ter à  la source  les poussières d’amiante.  Dans  le  base  vie, un « sas man » surveille atten-tivement que tout se déroule bien  et  prépare  le  matériel 

nécessaire  aux  opérations. «  Un contrôleur de pression est installé pour surveiller en continu le niveau de dépression de la zone de travaux, indique Hervé  Nambruide,  directeur technique et d'exploitation de la  société  Snadec  (en  charge de la phase de test). En outre, s’il y a un problème au niveau de l’air respirable, une alarme sonore se met en marche et le personnel est évacué. Chaque opérateur possède un talkie-walkie pour communiquer avec le “sas man”. »

Affiner et adapter les interventions

Outre  le  risque  d’inhaler des  poussières  d’amiante, le  moindre  incident  (trébu-cher  sur  un  objet  au  sol  par exemple)  peut  faire  paniquer l’opérateur.  De  plus,  travailler dans  un  espace  confiné  avec combinaison  et  masque  res-piratoire  peut  vite  devenir pénible.  «  Même si on a l’ha-bitude, le plus dur à suppor-ter, c’est la chaleur  »,  raconte M. Alayachi, un des opérateurs. « Un registre d’entrées et de sor-ties est tenu par le “sas man” pour vérifier que les hommes ne dépassent pas les durées de tra-vail, soit trois vacations par jour, explique Hervé Nambruide. Le temps de travail est diminué en été lorsqu’il fait trop chaud. Une synthèse est consignée dans le dossier médical de l’opérateur et transmise à la médecine du travail. »Durant ce chantier test, diffé-rentes mesures du niveau de pollution  à  l’amiante  ont  été réalisées  avant,  pendant  et 

Désamiantage en hôpital

Un test grandeur natureLes opérateurs (dont le nombre est limité en fonction de la capacité du compresseur d’air respirable) sont protégés grâce à un masque alimenté par un tuyau de 20 m de long raccordé à une clarinette d’air.

Responsabilités conjointes

Les maîtres d’ouvrage pensent le plus souvent que, en s’entourant de sachants, ils se dégagent de leurs obligations

réglementaires. C’est faux ! Le Code du travail rappelle à ce titre que la mission du coordonnateur SPS s’effectue sous leur responsabilité et qu’ils peuvent être tenus pénalement responsables des dysfonctionnements observés sur leur chantier », décrit Michel Gaul, formateur. Parmi leurs obligations, ils sont tenus de respecter les principes généraux de prévention, de nommer un coordonnateur SPS (CSPS), de lui donner autorité et moyens, et d’assurer la coopération entre maître d’œuvre et CSPS. Ils sont également responsables du traitement des déchets dans les filières adaptées et doivent en assurer la traçabilité. Le maître d’œuvre doit également prendre en compte les principes généraux de prévention dans ses choix techniques et dans l’organisation des chantiers. Le CSPS assure pour sa part la surveillance du chantier et s’assure du respect du plan général de coordination (PGC). Il gère les interférences entre les différentes entreprises, adapte le cas échéant le PGC et assure l’inaccessibilité du chantier aux personnes non autorisées. C’est au niveau de la phase de conception que sa mission est le plus important, notamment lors de l’analyse de risques. Enfin, l’entreprise utilisatrice doit également réaliser une évaluation des risques, au-delà du seul risque amiante. Un chantier de désamiantage relève ainsi de la responsabilité conjointe de l’entreprise intervenante, du coordonnateur SPS, de la maîtrise d’œuvre et de la maîtrise d’ouvrage. C. R.

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après  les travaux grâce à des contrôles  atmosphériques. Elles ont permis de vérifier la qualité du confinement et de mesurer  les  taux  d’empous-sièrement en différents points (poste  de  travail,  sas,  envi-ronnement  de  travail,  zone « public »…) afin de permettre d’affiner et d’adapter les inter-ventions pour limiter au maxi-mum  la  mise  en  suspension de fibres d’amiante. La qualité de  filtration  des  eaux  char-gées  en  résidus  d’amiante  a également  été  vérifiée.  «  Je réalise des prélèvements d’air dans la zone de travaux sur toute la durée de l’intervention, soit deux heures environ  », précise  Alexandre  Willems, technicien  chez  L3A,  un  des organismes  retenus  pour  la réalisation des prélèvements. Les premiers jours de travaux ont été consacrés au « curage vert », qui consiste à déposer les  sanitaires,  éviers,  équipe-ments  électriques,  bureaux, armoires…  et  à  rechercher  la présence  d’amiante  (ces  tra-vaux  ont  été  réalisés  sous 

confinement  dans  le  cadre du chantier test). Les mesures réalisées n’ont décelé aucune fibre, confirmant que ces opé-rations  pouvaient  être  réali-sées sans « risque amiante ». 

Des conditions de travail difficiles

La  phase  de  traitement  des matériaux ou produits conte-nant  de  l’amiante  (MPCA)  a elle  aussi  été  riche  en  ensei-gnements.  Au  plafond,  «  le problème principal,  explique Gérard Martel, est la présence d’amiante floqué sur ner-galto  », une sorte de grillage métallique difficile à arracher et à nettoyer sans générer une quantité importante de pous-sières  d’amiante.  «  On teste des façons de faire,  explique-t-il,  en cherchant le meilleur ratio émissions de poussières/résultat. » Au final,  le prérap-port  indique  que  «  la dépose du nergalto est réalisable  ». Après différents essais, il appa-raît  préférable  de  «  découper à la pince,  raconte  Frédéric 

Bernardo,  responsable  des travaux  au  CHU,  plutôt qu’à la disqueuse car elle risque de découper en même temps la partie inférieure de la dalle qui contient des ferrailles ». De plus, pour le nettoyage fin, « la technique la plus efficace reste

le sablage », explique-t-il.D’autres résultats sont encore attendus : les taux d’empous-sièrement,  le  tonnage  des déchets à prévoir, le repérage de  l’amiante  ou  encore  le calendrier  de  réalisation  des travaux. « On teste également le niveau de bruit, la quantité d’eau à utiliser, le coût, la durée et aussi la fatigue des opéra-teurs », raconte Gérard Martel. Car  certaines  opérations peuvent  s’avérer  particuliè-rement difficiles. « Quand on défloque en hauteur, le buri-neur est très lourd à porter », poursuit  Gérard  Martel. Tous ces éléments permettront de définir  précisément  le  cahier des charges de l’appel d’offres. Le chantier à venir sera « très complexe avec de nombreuses contraintes  »,  indique  Jean-Marc Rivaud. Il se fera aile par aile, étage par étage, du haut vers le bas. « Il faudra veiller à ce que ce ne soit pas toujours la même entreprise qui réalise le désamiantage car c’est fati-gant, les conditions de travail sont difficiles, les opérateurs sont loin de chez eux…  pré-vient-il.  Et l’épuisement men-tal fait qu’ils finissent par ne plus respecter les procédures de sécurité. Nous conseillons de lancer un appel d’offres soit avec plusieurs entreprises, soit avec des équipes tournantes. »1. Entreprise qui assure la direction des opérations.

J. L.

Sept ans pour faire

peau neuve• Deuxième trimestre 2011 :

chantier test.• Fin 2011 à fin 2012 :

désamiantage et écrêtage des bâtiments HNA/HNB.

• Fin 2012 à début 2014 : réhabilitation.

• Début 2014 à fin 2015 : déconstruction des bâtiments HC/HO.

• Fin 2015 à fin 2017 : construction du nouveau bâtiment.

• Fin 2017 à fin 2018 : désamiantage et démolition du bâtiment HE.

Toutes les futures opérations, comme ici le ponçage des dalles amiantées, ont été testées afin d'affiner au mieux les interventions à réaliser.

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L’entreprise SME est spécialisée dans le désamiantage de wagons SNCF. Constituant une des rares installations fixes en France dédiées à cette activité, elle a élaboré ses propres procédures d’intervention.

à la sortie, vous commen-cerez par bien aspirer votre combinaison.

Vous retirerez ensuite les bottes et les gants et passerez sous la douche, tout habillé. Dans le sas suivant, vous vous désha-billerez et jetterez la combi-naison dans la poubelle, tout en gardant le masque. Vous passerez ensuite sous la deu-xième douche. Là seulement, vous retirerez votre masque. » Avant d’entrer en zone rouge, Fred, désamianteur chez SME, rappelle les consignes pour la 

procédure  de  décontamina-tion. Pas de panique si, au der-nier  moment,  on  en  a  oublié certaines, tout est noté préci-sément dans chacun des cinq compartiments du sas. L’heure est en effet venue de rejoindre la zone de désamiantage.Une  fois  à  l’intérieur  de  cet atelier  coupé  du  monde,  la communication  sera  difficile et réduite au strict minimum. 

Le bruit environnant et le port des combinaisons sont autant d’entraves aux échanges. Sur place, cinq opérateurs sont à l’œuvre. Deux anciens wagons en  fin  de  vie  sont  en  cours de  désamiantage.  Pour  les rejoindre,  il  faut  veiller  à  ne pas  trébucher  sur  des  barres métalliques  saillantes  sur  le sol  intérieur  des  wagons  ou sur  les  tuyaux  d’adduction d’air.  L’intérieur  des  wagons est  éclairé  par  des  spots  sur pied.  Une  heure  dans  ces conditions  permet  de  rapi-

dement  saisir  les contraintes  et  les difficultés du métier.L’entreprise  SME (Société  métallur-gique  d’Épernay), basée à Culoz, dans l’Ain,  est  spéciali-sée  dans  la  démo-lition  ferroviaire  et le retrait d’amiante. Initialement  consa-crée  à  l’activité  de ferraillage, elle s’est retrouvée  confron-tée dans les années 1990  à  la  problé-matique  du  traite-ment  de  l’amiante qui se trouvait dans les  wagons  qu’elle 

recyclait.  Afin  d’opérer  dans les meilleures conditions, elle s’est  dotée  d’un  bâtiment spécifique  dédié  au  retrait d’amiante, d’une superficie de 1 800 m2. L’atelier est constitué d’une  structure  métallique double  peau  contenant  du polyuréthane  qui  en  assure l’étanchéité.  Il  est  mis  en dépression  de  20    Pa,  avec filtration  et  renouvellement 

d’air neuf fois par heure, soit 25 000 m3.  Les flux d’air sont gérés  électroniquement.  De grosses  manches  à  air  aux extrémités  des  wagons  per-mettent  une  circulation  d’air de  5  à  7  m/seconde.  Deux ateliers annexes abritent des grenailleuses.

Entre sablage et marteau burineur

« Lorsque l’on reçoit les wagons, un repérage de l’amiante a déjà été réalisé. Nous validons le rap-port en faisant un complément de recherche. En fonction du rapport final, nous adaptons la méthodologie d’interven-tion. Il n’y a pas deux wagons similaires !  »,  explique  Michel Bonfils,  directeur  technique de l’entreprise. Car les wagons datent de différentes époques et ont suivi des modes de fabri-cation variés… On peut y trou-ver des revêtements bitumeux, des  tresses  amiantées,  mais c’est essentiellement dans les peintures  que  l’amiante  est présent.  Sur  125  à  130  kg  de peinture  à  retirer  par  wagon, il  peut  y  avoir  10 %  à  15 % d’amiante.  L’entreprise  a  dû définir ses propres procédures d’intervention. « Les réglemen-tations portant sur l’amiante sont essentiellement orientées vers les activités du BTP. Rien n’existe concrètement pour les unités fixes ou les véhicules, décrit  encore  Michel  Bonfils. Nous avons pris différents pro-cess existants pour réaliser le nôtre. »Les  opérateurs  effectuent trois  vacations  de  1 h 30  par jour, soit 4 h 30 de désamian-

Installation fixe

Dans la peau d’un désamianteur

Les désamianteurs effectuent chaque jour trois vacations de 1 h 30, auxquelles il faut

ajouter le temps d'habillage et de décontamination.

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tage  sur  7 h 30  de travail  effectif.  Ils tournent  sur  les différents  postes (d é s   a  m i a nt a g e , ensa chage…),  mais pour des questions de  suivi  et  d’effi-cacité,  un  opéra-teur  qui  entame le  sablage  d’un wagon  le  termine. Les  techniques  de désamiantage sont principalement  le sablage  et  le  mar-teau  burineur.  Il faut  en  moyenne deux  jours  pour désamianter  un wagon. Les wagons arrivent  dépouillés de tout leur habillage intérieur (sièges,  éclairages,  revête-ments…) après être passés par la fosse de dépollution (retrait des huiles et autres liquides de refroidissement).

Mesures d’empoussièrement

Avec  l’apport  de  sable  néces-saire au décapage, les déchets générés sont très volumineux. Le sable pollué est conditionné en sacs de 18 kg, eux-mêmes conditionnés ensuite dans des big bags. Environ 2 500 tonnes de  déchets  sortent  de  l’en-treprise  chaque  mois  et  sont envoyés en décharge spéciale dans la région de Bellegarde.Douze à quinze wagons ferro-viaires contenant de l’amiante sont  traités  chaque  mois, contre  une  centaine  sans amiante.  Avant  toute  sortie de matériel, l’atelier fait l’objet 

d’un lavage complet et d’ana-lyses  d’empoussièrement libératoires.  Les  wagons  sont ensuite découpés et la ferraille est revendue à des négociants.Des  mesures  sont  régulière-ment  réalisées  pour  évaluer l’empoussièrement  de  l’am-biance  de  travail.  Des  audits inopinés sont effectués ponc-tuellement, pour faire le point sur  les pratiques. « Notre rôle est aussi d’être présents auprès des opérateurs, de leur rappe-ler régulièrement les règles, décrit Sophie Van Der Chruche, auditrice externe au sein d’In-fini  expertises  et  diagnostics cabinet  réalisant  des  audits et  conseils  sur  la  prévention des risques liés à l’amiante. Les rappels sont indispensables sur les consignes de sécurité, car des habitudes se prennent et une certaine routine s’installe inévitablement. Les messages de prévention passent mieux

lorsqu’on sensibi-lise les opérateurs sur le fait que, s’ils rapportent des fibres d’amiante à la maison, ils ris-quent de contami-ner leurs enfants. » Des  simulations d’incident  en  zone de  désamiantage ont  également lieu  avec  les  pom-piers  une  fois  par an.  «  D’une façon globale, tout a été mis en place pour la sécurité des sala-riés », poursuit-elle.En  fin  de  vacation, passage obligé par le  sas  de  déconta-

mination. Compter trois à cinq minutes  par  compartiment. Avec  son  gabarit  de  rugby-man, Michel Bonfils a veillé à ce  que  les  compartiments  et les douches collectives soient suffisamment  spacieux.  On se  retrouve  ainsi  dans  l’équi-valent de douches de piscines municipales.  Les  comparti-ments  sont  par  ailleurs  équi-pés d'éléments qui facilitent la procédure de décontamination et  de  déshabillage :  douches souples et non fixes, présence de miroirs pour voir comment retirer  les  rubans  adhésifs, patères  pour  poser  les  appa-reils  respiratoires,  poubelles pour évacuer les combinaisons et  sous-vêtements  jetables. Cette unité fixe de désamian-tage a fait  l’objet d’un brevet d’invention déposé auprès de l’INPI  (Institut  national  de  la propriété industrielle).

C. R.

Le désamiantage de la tour Montparnasse est en cours depuis 2008 sur ses quatre niveaux techniques (15e, 42e, 57e et 58e étages). Pour cet immeuble de grande hauteur, établissement recevant du public et hébergeant des bureaux, l’environnement rend particulièrement complexe l’organisation du chantier. Illustration lors d’une phase préparatoire de curage.

L'atelier, mis sous dépression de 20 Pa,

est constitué d'une structure métallique

double peau qui assure son étanchéité.

Immeuble de grande hauteur

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les  contraintes  liées  aux  IGH (immeuble de grande hauteur) et aux ERP (établissement rece-vant du public). Ainsi, le proprié-taire de l’étage 56 doit continuer à  accueillir  le  public  –  jusqu’à 2 000  personnes  par  jour  –  et les niveaux 57 et 58 abritent les réseaux techniques (installation électrique, machinerie d’ascen-seurs,  désenfumage)  alimen-tant la tour, qui doivent rester fonctionnels durant les travaux. à l’étage 55, les bureaux, préa-lablement  désamiantés,  sont maintenus en activité.

Risque électriqueLes  installations  techniques sont complexes à démanteler. «  Il faut comprendre l’instal-lation qu’on a face à soi avant d’agir. Or les réseaux ne sont pas toujours lisibles », poursuit Hervé  Clermont.  Sous  peine de  s’exposer  à  un  accident électrique. « Ce risque n’est pas toujours assez considéré par les entreprises de désamiantage », précise-t-il.  L’amiante  est  pré-sent dans les flocages en sous-face de dalles, dans l’enduit du noyau central en béton (palier d’ascenseur,  sanitaires),  dans les  calorifuges,  les  clapets,  les portes…  Parmi  les  opérations de désamiantage les plus déli-cates, certaines ont été réalisées au-dessus  de  transformateurs sous tension, moyennant trois niveaux d'isolation. « La Cramif participe pour beaucoup au

Le  désamiantage  des  niveaux techniques de la tour a débuté en  2008.  Ce  sont  aujourd’hui les  étages  57  et  58  qui  sont concernés. L’environnement du chantier est ici particulièrement complexe.  «  C’est un chantier très atypique, nous avons tous les problèmes réunis en un  », décrit Dominique Michel, direc-teur  technico-commercial  de Snadec  Environnement,  l’en-treprise  intervenante.  «  Il pré-sente la particularité d’être sur deux niveaux, l’un appartenant à la copropriété, l’autre privatif avec les réseaux techniques  », explique  Hervé  Clermont, contrôleur  de  sécurité  à  la Cramif. Le chantier est très tech-nique : parallèlement au retrait de  l’amiante,  il  faut maintenir le  lieu  en  exploitation,  avec 

bon déroulement du chantier », souligne  Marlène  Clement-Demenge, responsable hygiène, sécurité,  environnement  de la  société  Icade,  syndic  de l’ensemble  immobilier  tour Maine-Montparnasse.Un  platelage  confiné  de  près de  400  m2  a  été  installé  au 56e étage. Il sert aux opérateurs pour intervenir sur les plafonds. En dessous, est installée la base vie du chantier. Un « sas man » gère en permanence le matériel ainsi  que  les  allées  et  venues des opérateurs. à cause du pas-sage de gaines et de câbles d’un étage à l’autre, l’étanchéité est compliquée à réaliser au niveau de  l’étage technique. Une sur-veillance  environnementale est  en  place  afin  de  s’assurer qu’aucune pollution extérieure ne survienne. Des analyses quo-tidiennes  d’empoussièrement sont réalisées aux étages 55, 56, 57 et 58. Du fait de la coactivité, le  chantier  a  exigé  une  solide organisation en amont.Outre une totale maîtrise tech-nique,  une  communication constante  entre  les  acteurs  a été  indispensable.  D’autant que deux maîtres d’œuvre dif-férents ont en charge les étages 56 et 57. Ils travaillent ensemble depuis  un  an  pour  caler  le phasage  des  opérations  et superposer les zones de travail sur les deux étages. Ce chantier de grande envergure demande en résumé beaucoup de finesse et de minutie. Ce qui fait dire à Norddin El Hitari, chef de chan-tier et responsable CHSCT chez Snadec Environnement, que les désamianteurs sont « les chirur-giens du bâtiment ».

C. R.

A près  quatre  minutes d’ascension  par  le «  lift  »,  l’ascenseur 

extérieur  de  chantier,  nous voici  au  56e  étage  de  la  Tour Montparnasse, à Paris. On entre alors  dans  un  secteur  quasi-ment  aseptisé,  sous  la  zone de  travail. Tous  les  murs  sont recouverts  d’un  film  protec-teur blanc. Les opérateurs sont en  train  de  poser  le  confine-ment qui assurera l’étanchéité du  lieu  lors des opérations de désamiantage qui vont débuter dans quelques semaines. Une quinzaine  de  personnes  sous ventilation assistée évoluent à l’étage  pour  assurer  le  curage et  les  confinements  complé-mentaires afin de garantir une dépression  stabilisée  avant désamiantage.

Lorsqu'un désamiantage a lieu sur un site maintenu en activité, l'organisation en amont est décisive pour le bon déroulement du chantier.

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Les personnes chargées de la maintenance et de l’entretien des 700 bâtiments de la ville de Rennes sont susceptibles de rencontrer de l'amiante à tout moment. Mais elles savent précisément où il y en a et quelles procédures suivre lors d'interventions ponctuelles sur des matériaux légèrement dégradés.

Entretien et maintenance de bâtiments

Être vigilant au quotidien

P our une intervention de maintenance en présence potentielle

d’amiante ? Il faut venir un mer-credi ou pendant les vacances scolaires. »  C’est  en  sub-stance ce que nous a répondu François  Belot,  directeur  des risques à Rennes Métropole (1), à notre demande de reportage. Et  pour  cause.  Son  service  a en  charge  la  prévention  des risques  des  agents  qui  inter-viennent  dans  les  bâtiments de  la  ville  de  Rennes,  parmi lesquels  une  bonne  partie d’écoles  maternelles  et  élé-mentaires… Le jour convenu, il nous reçoit dans l’école mater-nelle Louise-Michel. Une école on  ne  peut  plus  classique, dont  les  bâtiments  doivent avoir  une  trentaine  d’années. « Notre intervention est prévue dans la bibliothèque, explique Rémi Chouan, chef de l’atelier maçonnerie. Je suis passé il y a quelques jours pour évaluer le travail à faire. » Et surtout, éva-luer les risques liés à l’amiante. Pour cela, le chef d’atelier dis-pose  d’une  aide  précieuse : le  DTA,  ou  dossier  technique amiante.Un  DTA  a  été  réalisé  pour chaque bâtiment propriété de Rennes. « Tous ces DTA ont été faits il y a un peu plus de cinq ans, par une entreprise exté-rieure,  raconte François Belot. C’était une opération de grande ampleur qui a pris du temps. » Ainsi,  chaque  partie  de  bâti-ment est répertoriée et le DTA associé donne une estimation de  la  présence  d’amiante,  sa forme,  son  état,  sa  dangero-sité, etc. Lorsqu’une demande d’intervention  arrive  aux  ser-

vices  entretien/maintenance de  Rennes,  elle  est  entrée dans  un  outil  gestionnaire d’informations de travaux qui contient également  les  résul-tats  du  DTA.  Le  rapproche-ment  des  deux  éléments  et une  visite  de  préparation  de 

chantier  permettent  au  chef d’atelier  de  remplir  une  grille d’intervention (2) qui va l’aider à évaluer les risques en amont et  le  niveau  de  protection  à mettre en œuvre.

Le pouvoir de dire non

Dans l’école maternelle, le chef d’atelier nous montre la grille remplie  pour  l’intervention en  cours :  «  C’est très simple.

Il suffit, à chaque question, de coter, de 1 à 4, l’état du maté-riau, les contraintes, la durée d’exposition de la personne en charge de l’intervention… » Soit douze questions qui per-mettent,  grâce  à  l’addition des lignes, de classer le niveau 

de risque de l’intervention en faible,  moyen  ou  fort.  «  Pour des risques faibles ou moyens, les interventions sont réalisées par nos agents. En revanche, dès que le niveau de risque est estimé fort, nous faisons appel à des entreprises spécialisées. De plus, quel que soit le niveau de risque, si une intervention en présence d’amiante excède une demi-journée, on fait là aussi appel à une entreprise spécia-lisée… car au-delà d’une demi-

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Travail & Sécurité – Décembre 2011 29

tôt que de faire un trou dans une dalle amiantée… Au final, parfois, les agents considèrent que la prévention du risque amiante se fait au détriment de la qualité de leur travail et ça les gêne. Ils peuvent avoir l’impression de ne pas faire du bon boulot. » Une  fois  les  deux  dalles fixées  et  les  résidus  aspi-rés  puis  enfermés  dans  un double sac portant la mention «  Amiante  »,  l’agent  d’inter-vention  se  déshabille  selon une procédure sécurisée. Après avoir  aspiré  la  poussière  sur sa  combinaison  avec  l'aspira-teur THE,  il  retire  d'abord  ses lunettes,  puis  roule  de  l'inté-rieur vers l'extérieur sa combi-naison, de haut en bas. Durant la procédure de déshabillage, l'agent  ne  touche  la  partie extérieure  de  sa  combinai-son à aucun moment. Même les  gants  restent  scotchés  à la  combinaison.  Après  avoir mis sa combinaison roulée en boule dans un sac étanche qu'il ferme soigneusement, l'agent peut enfin retirer son masque, en  n'en  touchant  que  l'élas-tique. Le masque rejoint alors la  combinaison  dans  le  sac étanche,  que  l'agent  referme par un « col de cygne ».

Une exposition suivieAprès  l’intervention,  un  suivi d’exposition est mis en place : le nom de l’agent et le temps d’intervention sont consignés. Une fois par an, le médecin du travail reçoit toutes les grilles d’évaluation  des  risques,  les bons de travaux, les noms des agents  et  les  temps  d’inter-

chacun est en capacité de dire : “je n’interviens pas car il y a de l’amiante et je ne suis pas formé pour”… », souligne le directeur des risques.à  l’école  Louise-Michel,  il s’agit  d’une  petite  interven-tion :  remplacer  deux  dalles de vinyle qui se sont décollées dans  la  bibliothèque.  Jean-Paul  Leray,  le  maçon  du  ser-vice  maintenance  formé  aux interventions  amiante,  arrive avec  un  caisson  à  roulettes contenant  son  matériel.  Il sait, grâce à son chef d’atelier qui  lui a  fourni un double du bon  de  travaux,  que  la  colle ayant  servi  à  fixer  les  deux dalles  contient  de  l’amiante. Il a donc pris les mesures et le matériel adéquats : une inter-vention hors de la présence du public  (élèves  et  professeurs des écoles), un aspirateur très haute  efficacité  (THE),  une combinaison, des lunettes, des gants et un masque  jetables, du  scotch  ainsi  que  des  sacs pour évacuer les déchets. Une fois qu’il est équipé, l’interven-tion est rapide. « C’est vrai que c’est contraignant de s’équiper. Mais on sait que c’est pour notre bien, donc on le fait  », remarque le maçon.« à la limite, ce n’est pas le fait de s’équiper qui pose le plus de problèmes,  reprend  François Belot.  Nous avons davantage de mal à faire passer le fait que l’on privilégie le mode opératoire qui libère le moins les poussières d’amiante. Par exemple, des outils manuels plutôt que des outils rotatifs électriques. Ou bien on peut être amenés à inciter à coller une butée de porte au mur plu-

vention,  de  façon  à  instaurer une traçabilité de l’exposition de  chaque  salarié.  «  Sur les 700 bâtiments que nous sui-vons, il a été établi que 490 comprennent des matériaux contenant de l’amiante, indique  le  directeur  des risques. Ça peut faire peur. Les situations avec présence impor-tante d’amiante, comme du flocage, ont déjà été traitées… Au quotidien, nous intervenons toujours sur de petits chantiers. Car, finalement, l'amiante n'est présent qu'en petites quanti-tés, mais dans de nombreux endroits, comme les revête-ments de sol, les sous-couches de peinture, les faux plafonds, les joints de chaudières, les toitures en fibrociment, etc. Il faut cependant être vigilant au quotidien et ne pas hésiter à faire appel à une entreprise spécialisée lorsque c’est néces-saire.  »  François  Belot  a  bien conscience  que  ce  dispositif a  pu  être  mis  en  place  car  la ville  de  Rennes  est  une  col-lectivité  importante,  capable de dégager des moyens pour appréhender  au  mieux  les risques au travail. « C’est vrai que, sans direction des risques et sans moyens, cela ne doit pas être facile de faire de la prévention du risque amiante, lors de petites réparations dans l’école du village par exemple », avance-t-il.1. Rennes métropole est une communauté d’agglomération qui regroupe 37 communes et 400 000 habitants autour de Rennes. La direction des risques est issue d’une mutualisation des services de la ville de Rennes et de Rennes métropole. Elle s'occupe de la prévention des risques de 5 000 agents territoriaux.2. Grille élaborée d’après le modèle diffusé par la Cramif.

D. V.

journée, les agents doivent aller se restaurer. Cela signifie un sas, une douche. Et dans ce cas, nous ne pouvons pas suivre d’un point de vue logistique », précise François Belot.En  interne,  les 120 agents de la  régie  municipale  ont  suivi 

une  sensibilisation  au  risque amiante,  sur  une  journée.  30 d’entre eux ont été formés aux  interventions  amiante, soit l’ensemble des couvreurs, certains  maçons,  électriciens et plombiers… « Tout le monde n’est pas formé pour intervenir en présence d’amiante, mais

Entretien et maintenance de bâtiments

Être vigilant au quotidien

Depuis 1996, les salariés du second œuvre et de la maintenance

(activités de sous-section 4) doivent être formés au risque amiante.

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30 Travail & Sécurité – Octobre 2011 30 Travail & Sécurité – Décembre 2011

Le tunnel autoroutier de Chamoise, dans l’Ain, a fait l’objet d’un chantier de réfection d’une partie de la chaussée qui contenait de l’amiante. Un chantier test réalisé deux mois plus tôt avait permis d’optimiser le mode opératoire retenu et d’ajuster le plan de retrait correspondant.

T unnel de Chamoise, sur l’autoroute  A40,  près de  Nantua,  dans  l’Ain. 

En  ce  début  septembre,  la circulation  est  interrompue dans  le  tube  nord  du  tunnel. Des  ouvriers  en  combinaison intégrale,  équipés  de  ventila-tion assistée, s’affairent sur la chaussée,  à  proximité  d’une fraiseuse. Le chantier en cours consiste à remplacer la partie supérieure  de  la  chaussée,  la couche  de  roulement.  D’une longueur  de  3,3  km  et  de 7,20 mètres de large, la chaus-sée du tunnel était recouverte d’un revêtement Médiflex®. Ce dernier,  posé  en  1990,  d’une épaisseur de deux à trois centi-mètres, contenait 1 % de fibres d’amiante (chrysotile).Depuis  2007,  des  recherches de  solutions  techniques adaptées  à  l’ouvrage,  pre-nant en compte la protection des  travailleurs  et  de  l’envi-ronnement,  ont  été  menées afin de réaliser le retrait. Tous les  acteurs  se  sont  associés : maîtrise  d’ouvrage,  exploi-tant,  inspection  du  travail, Carsat Rhône-Alpes, OPPBTP… 

«  Quand nous nous sommes penchés sur le sujet, rien n’avait été fait en la matière  »,  pré-sente  Sylvain  Flety,  chef  de projet  chez  Ingerop,  maître d’œuvre. Différentes solutions techniques ont été envisagées, chacune présentant des avan-tages  et  des  inconvénients : thermorégénération  (enlè-vement  à  chaud  qui  pose  un problème  d’évacuation  des calories  en  milieu  confiné), grenaillage,  sciage  et  décol-lage  par  plaques  –  difficile  à mettre  en  œuvre  car  le  revê-tement était très adhérent –, confinement général du tube –  trop  lourd  et  trop  contrai-gnant  à  mettre  en  œuvre.  Le but  était  d’avancer  vite,  sans trop  fractionner  les  déchets afin de mieux maîtriser  l’em-poussièrement.  C’est  finale-ment  l’option d’une fraiseuse capotée,  équipée  de  jupes basses  pour  confiner  la  zone de  retrait  qui  a  été  retenue. Avançant  de  18  à  20  m/min, elle est équipée d’un système de  brumisation  pour  limi-ter  l’empoussièrement.  Les déchets  sont  transférés  de  la 

fraiseuse aux camions via un convoyeur fermé. Avec  le sys-tème d’arrosage, les poussières sont  majoritairement  rabat-tues et leur suspension limitée dans l’atmosphère de travail.

Milieu confinéUne  fois  le  mode  opératoire retenu,  il  a  fallu  prendre  en compte  l’environnement de  travail  pour  organiser  le chantier. « L’organisation était contraignante car l’autre tube du tunnel, conçu pour une circulation unidirectionnelle, devait accueillir une circulation croisée le temps des travaux. Il fallait que le chantier soit le plus court possible dans l’espace et dans le temps », présente Jean-Guy  Gayet,  chef  du  service régional  infrastructure  envi-ronnement chez APRR. Le prin-cipal risque pour l’exploitation était la survenue d’un accident dans  le  tube  devenu  tempo-rairement  bidirectionnel.  Un arrêt  de  chantier  devait  être possible à tout instant. Il a par ailleurs été décidé que la frai-seuse réaliserait le retrait de la couche de roulement en trois passages,  voie  par  voie,  afin de  permettre  le  passage  de véhicules d’urgence si besoin. Du  fait  du  bruit  ambiant  lié au  fraisage et amplifié par  le tunnel,  un  système  d’alerte lumineux  a  été  prévu  en  cas d’urgence. Toujours à cause du bruit et de l’isolement dû aux combinaisons,  les  opérateurs communiquent  par  écrit  sur des  tablettes  d’écolier  effa-çables et décontaminables.Parallèlement à ces réflexions, un  chantier  de  retrait  d’un 

Chantiers routiers

La prévention se gagne en amont

Pour effectuer le retrait de la chaussée amiantée, c'est l'option d'une fraiseuse capotée de jupes

basses qui a été retenue.

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rieur. En sortie de tunnel, tous les  véhicules  passent  sur  un bac de  lavage  (rotoluve) avec un  surfactant  pour  fixer  les éventuelles fibres.

Planche testPour qu’un chantier se déroule dans des conditions optimales, l’organisation  préalable  est décisive. Tout se joue lors de la préparation. Afin d’évaluer l’ef-ficacité des mesures retenues, d’optimiser  les  opérations  et de finaliser  le plan de retrait, une planche d’essai a été faite mi-juin sur un petit tronçon de la  chaussée.  Réalisée  près  de deux  mois  avant  les  travaux, cette planche d’essai a permis un vrai retour d’expériences et la  prise  des  mesures  correc-tives  nécessaires.  Les  conclu-sions  de  ce  chantier  test  ont conduit  à  modifier  plusieurs points du mode opératoire ini-tial. L’augmentation de la ven-tilation sanitaire a été décidée pour éviter  la formation d’un «  bouchon  »  de  poussières et  de  gaz  dû  aux  machines à  moteur  thermique  et  à  la déstructuration de  la surface en  béton.  Une  ventilation d'une vitesse de 22 km/h a été installée.Une chambre de confinement mobile  initialement  prévue pour  les  opérations  de  fini-tion manuelle n’a finalement pas été retenue dans le mode opératoire.  «  Cette solution générait de fortes contraintes, notamment physiques tout en apportant un gain limité du point de vue de la préven-tion »,  précise  Pierre-Alban Doucet,  contrôleur  de  sécu-

venant  a  été  spécifiquement formé. « Nous avons tous suivi une formation amiante avant le chantier. Mais il faudrait la revoir, elle n’était pas adaptée à nos attentes, trop orientée vers le bâtiment. On a passé trois jours en salle, il aurait fallu plus de pratique », souligne Nicolas Pascal,  aide  au  conducteur de  travaux.  La  gestion  des déchets a également fait l’ob-jet  d’une  réflexion :  environ 2 000 tonnes de déchets doi-vent  être  évacués,  parmi  les-quels 100 tonnes en classe 1. Trois  poids  lourds  ont  été équipés d'une cabine surpres-surisée  avec  un  système  de filtration absolue pour entrer dans  le  tunnel et évacuer  les remorques de déchets à l’exté-

rité  à  la  Carsat  Rhône-Alpes. En  contrepartie,  la  pulvéri-sation  préalable  d’un  agent mouillant et l’utilisation d’un aspirateur  motorisé  au  cours de la démolition et après ont été demandées. Les rampes de brumisation installées en sor-tie de tunnel se sont révélées inefficaces.  Un  système  de type canon à neige, plus puis-sant,  a  été  retenu.  Une  pul-vérisation  d’agent  mouillant au niveau de  la  tête de tapis de  la fraiseuse a été décidée. Deux  cabines  de  décontami-nation à trois compartiments ont été installées à l’extérieur du  chantier.  La  gestion  des équipements  de  protection individuelle (EPI) a également fait  l’objet  d’améliorations : chaque  opérateur  s’est  vu remettre une caisse plastique nominative  et  étanche  dans laquelle il mettait ses EPI.Les  résultats  des  mesures d’empoussièrement  se  sont révélés  bons,  même  si  cer-tains n’étaient pas lisibles car trop  chargés  en  poussières diverses.  Au  final,  des  points sont perfectibles sur ce chan-tier,  comme  la  procédure  de décontamination  et  l’utili-sation  du  sas,  ou  l’humidifi-cation  des  déchets,  encore insuffisante.  Mais,  comme  le souligne  Stéphane  Houset, l’entreprise apprend à chaque chantier  et  tire  les  enseigne-ments de ses expériences. Ce chantier  aura  permis  à  tous les acteurs de progresser tech-niquement,  en  matière  d’or-ganisatioN  et  d’équipement ainsi que dans la gestion des déchets pollués.

C. R.

revêtement  contenant  de l’amiante  lié,  réalisé  sur  un tronçon  de  11  km  de  l’A6  en 2010,  a  apporté  une  pre-mière  expérience  à  APRR  sur le  sujet.  Ce  chantier  s’était néanmoins déroulé en milieu ouvert,  et  non  dans  un  tun-nel.  «  Ici, avec la poussière, le risque est visible. C’est la grande différence avec l’A6. Cela a permis une vraie prise de conscience chez les opéra-teurs  »,  témoigne  Stéphane Houset,  responsable  QSE chez  Eiffage TP  Rhône-Alpes-Auvergne,  l’entreprise  qui intervient  sur  le  chantier.  La poussière est essentiellement générée par le béton, mais elle aide  à  matérialiser  un  risque invisible.  Le  personnel  inter-

Chantiers routiers

La prévention se gagne en amontPour les opérateurs, les principales contraintes liées au confinement sont la chaleur, le bruit et l'impossibilité de boire au cours des vacations.

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32 Travail & Sécurité – Octobre 2011 32 Travail & Sécurité – Décembre 2011

Ascenseurs

Le dossier technique amiante, obligatoire mais difficile à obtenirTravail & Sécurité. Où trouve-t-on de l’amiante dans les ascenseurs ?■  Anita Romero-Hariot. Entre les années 1970 et son inter-diction  en  1996,  l’amiante  a été très largement utilisé dans les gaines sous forme de flo-cage,  dans  les  machineries, les  armoires  de  commande, les portes palières, au niveau des  garnitures  de  freins,  des joints…  sans  oublier  égale-ment les colles et les dalles de sol qui peuvent en contenir, les 

Avec la loi qui impose leur mise aux normes, les interventions sur les ascenseurs se multiplient… Elles peuvent exposer les ascensoristes à l’amiante. Un risque parfois mal appréhendé, comme l’expliquent Anita Romero-Hariot, expert en amiante, et Joseph Ratsimihah, expert d’assistance conseil technique pour le transport vertical des personnes et des charges, à l’INRS.

supports peints sous les bou-tons  d’ascenseur.  Toutes  les interventions de maintenance, de rénovation ou de mise aux normes peuvent donc exposer les opérateurs.

Qui doit détecter la présence d’amiante ?■  A.R.-H.  Avant  toute  inter-vention  sur  un  bâtiment contenant  de  l’amiante,  le propriétaire ou le maître d’ou-vrage  est  tenu  de  fournir  à l’entreprise  intervenante  le 

dossier  technique  amiante (DTA).  Mais  en  cas  d’inter-vention lourde, le DTA seul ne permet  pas  de  connaître  de façon exhaustive et approfon-die la présence d’amiante. Car il  ne  se  fait  qu’à  partir  d’une observation visuelle, sans son-dage destructif. Et l’opérateur de  repérage  n’a  pas  toujours accès  à  tous  les  composants de  la  construction  le  jour  de sa visite… Le repérage est donc souvent  partiel  et  incom-plet !  Il  existe  pourtant  une norme  technique,  complète et bien faite pour effectuer le repérage,  la  NF  X  46020,  qui n’est  malheureusement  pas obligatoire.

■  Joseph Ratsimihah.  La Fédération  des  ascensoristes a  réalisé  des  grilles  d’évalua-tion  pour  aider  les  évalua-teurs.  Elles  aident  à  classer le niveau de risque en faible, moyen ou fort. à partir de là, une  méthode  de  travail  est définie. Elle peut conduire au confinement  ou  au  retrait, qui sont alors réalisés par des entreprises spécialisées.

Comment sont formés au risque amiante les interve-nants sur les ascenseurs ?■  A. R-H. Conformément à la réglementation, les personnes qui  interviennent  sur  des ascenseurs installés dans des immeubles  construits  avant 1997  doivent  être  formées à  la  prévention  des  risques liés  à  l’amiante.  Leur  activité étant  dite  de  sous-section  4 (lire à ce sujet pages 18 à 21), selon le Code du travail, la for-mation peut être délivrée par ©

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Ascenseurs

Le dossier technique amiante, obligatoire mais difficile à obtenir

l’employeur  s’il  est  compé-tent dans ce domaine, ou par des organismes de formation, sans  qu’ils  soient  forcément certifiés.  Elle  doit  être  adap-tée  à  la  nature  de  l’activité de  l’entreprise  et  prendre  en compte les aspects réglemen-taires,  techniques  (modes opératoires),  le suivi médical, la prévention des risques et de l’environnement,  le  contrôle des  niveaux  d’empoussière-ment,  la  gestion  des  déchets amiantés…

Que change le décret du 3 juin 2011 (1) ?■  A. R-H.  Il  n’a  pas  révo-lutionné  le  précédent !  Il  a réorganisé  le  texte  existant pour  en  améliorer  la  lisibi-lité  et  offre  une  prorogation supplémentaire  aux  proprié-taires  d’IGH  et  d’ERP  de  1re  à 3e  catégorie (2),  pour  remplir leurs  obligations  en  matière de  désamiantage.  L’annexe 13-9, qui référençait les maté-riaux  à  repérer  dans  le  cadre de  la  constitution  du  DTA,  a été remaniée en trois listes de matériaux (A, B et C) suivant l’objectif de la mission du dia-gnostiqueur. Des éléments de structure  extérieure  ont  été ajoutés à la liste B. Ce qui a pu troubler les ascensoristes, c'est que les gaines d’ascenseurs ne figurent  pas  dans  la  liste  B. Mais le propriétaire a toujours l’obligation de  les repérer car les flocages figurent en liste A.

Justement, de quels leviers dispose l’ascensoriste si le propriétaire ne fournit pas de DTA ?■  J. R.  Il  peut  proposer  une prestation  de  recherche  et d’identification  de  l’amiante pour  pallier  l’absence  d’infor-

mation.  Dans  la  pratique,  les ascensoristes  disent  mener les  investigations  nécessaires avant toute intervention, mais nous n’avons pas d’indicateur en ce sens…

■  A. R-H. L’ascensoriste a tou-

jours  la possibilité de refuser d’effectuer  les  travaux !  Ou sinon, comme  l’obligation de fournir le DTA à l’entreprise est prévue dans le Code du travail, il peut aussi saisir l’inspection du travail… Si l’entreprise sou-haite quand même intervenir, elle devra effectuer elle-même ce repérage, au titre des prin-cipes généraux de prévention et de son obligation de résul-tat vis-à-vis de la santé de son propre personnel.1. Décret n° 2011-629 du 3 juin 2011 relatif à la protection de la population contre les risques sanitaires liés  à une exposition à l'amiante dans  les immeubles bâtis.2. 1re catégorie, ERP recevant plus 1 500 personnes, 2e catégorie entre 701 et 1 500 personnes, 3e catégorie entre 301 et 700 personnes.  Lire également les pages 22 et 23 de ce numéro.

Propos recueillis par D. V.

Pour nombre d'entreprises intervenantes, l'obtention du

dossier technique amiante auprès des maîtres d'ouvrage s'avère

problématique.

En France, 60 % des ascenseurs en service ont plus de vingt ans. Bon nombre

d’entre eux ne sont pas conformes aux critères de la loi habitat et environnement du 2 juillet 2003, qui impose des travaux aux propriétaires. En Midi-Pyrénées, la Carsat a enregistré une petite dizaine de maladies professionnelles liées à l’amiante chez des salariés d’ascensoristes… Pour ces raisons, la Caisse régionale a mené une enquête en 2009 auprès des 29 entreprises ascensoristes répertoriées dans la région, sur leur perception du risque amiante. Il en ressort que si les ascensoristes nationaux disent connaître le risque amiante, informer et former leurs salariés, les ascensoristes locaux, souvent de moindre taille, sont dans le déni de ce risque. Par ailleurs, tous se plaignent de la difficulté à obtenir le DTA avant une intervention sur un

ascenseur. La Carsat a donc mis en place une série d’actions : une information en direction des maîtres d’ouvrage et propriétaires, pour les sensibiliser à la fourniture du DTA, un courrier à destination des ascensoristes ainsi que des réunions d’information sur le thème de l’amiante. « À la suite de ces actions, nous avons envoyé un courrier aux ascensoristes leur expliquant comment ils devaient procéder lors d’interventions sur les ascenseurs et leur annonçant que nous allions mener des interventions sur le terrain pour effectuer des vérifications… », explique Alain Plano, contrôleur de sécurité à la Carsat chargé d’étude marketing. Celles-ci sont en cours, mais pas si faciles que ça à mettre en place, car « pour connaître les chantiers, nous devons demander la liste des chantiers et procéder à des contrôles aléatoires ».

En Midi-Pyrénées, les petits dans le déni

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34 Travail & Sécurité – Octobre 2011 34 Travail & Sécurité – Décembre 2011

Si, dans l’Union européenne, l’utilisation de l’amiante est désormais prohibée et si la protection des salariés exposés est inscrite dans le cadre réglementaire, la situation est plus complexe dans le reste du monde. Certains pays, en particulier la Russie, poursuivent l’extraction, la transformation, l’utilisation et l’exportation des fibres à l’échelle industrielle. Le Canada, qui reste un grand producteur et exportateur, exerce encore un véritable lobbying en faveur de l’amiante.

D epuis  le  1er  janvier 2005,  l’amiante  est interdit  dans  l’en-

semble  de  l’Union  euro-péenne (1).  Cette  interdiction fait  suite à une  longue  lutte, menée  notamment  par  les associations  de  victimes,  de médecins et les organisations syndicales, relayée depuis plus de  vingt  ans  par  les  États  et par les institutions de l’Union. La  directive  2009/148/CE  du Parlement  et  du  Conseil,  du 

30  novembre  2009,  conso-lidant  les  directives  succes-sives depuis 1983 en matière de  prévention  vis-à-vis  du risque  amiante,  fixe  les  dis-positions  concernant  la  pro-tection des travailleurs contre les risques liés à l’exposition à l’amiante pendant le travail (2). Ces  dispositions  intéressent notamment  les  personnes travaillant  sur  les  chantiers de  désamiantage,  de  démo-lition ou de maintenance sur 

des  bâtiments  contenant de  l’amiante.  Mais  les  effets toxiques  de  l’exposition  au cancérogène  se  feront  dura-blement sentir : pour la seule Europe de l’Ouest, les experts estimaient  il  y  a  dix  ans  que les  cancers  dus  à  l’amiante tueraient environ 500 000 per-sonnes pendant encore vingt à trente ans (3). Pour faire suite à la demande du Forum euro-péen de l’Assurance accidents du  travail-maladies  profes-

International

Un paysage contrasté

ProductionRussie

Chine

Brésil

Kazakhstan

Canada

Russie

Brésil

Kazakhstan

Canada

Russie

Chine

Brésil

ThaïlandeSource : Andeva

Inde

L’amiante dans le monde en chiffresChiffres 2009, en tonnes

Exportation

Consommation

1 000 000380 000

288 000230 000

150 000

560 000340 000

276 000

140 000

100 000

720 000190 000

156 000

150 000

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Travail & Sécurité – Décembre 2011 35

En  Europe,  outre  les  27  pays de  l’UE,  l’Islande,  la Norvège, la  Suisse  et  la  Turquie  ont promulgué  l’interdiction.  En Asie,  douze  États  ont  rejoint le  rang  des  proscripteurs,  et six en Afrique (5). En Amérique du Sud, l’Argentine, le Chili, le Honduras et l’Uruguay ont pris des  décisions  équivalentes. Au  Brésil,  qui  fut  longtemps un producteur et exportateur majeur, quatre États ont pour l’instant voté le bannissement de l’amiante (Sao Paulo, Rio de Janeiro, Rio Grande do Sul et Pernambuco, qui rassemblent 40 % environ de la population totale  brésilienne).  Le  cas  du Brésil,  qui  reste  un  produc-teur et exportateur important (3e  rang  mondial  en  2009), illustre  bien  la  difficulté  à laquelle  sont  confrontés  les pays  qui  ont  longtemps  pro-fité de l’amiante aux niveaux industriel et commercial.Mais c’est peut-être le Canada qui  se  signale  de  la  façon  la plus  négative  sur  ce  dossier. Premier  producteur  mondial jusqu’en  1975,  ce  pays  avait saisi  l’Organisation  mondiale du commerce (OMC) en 1998 

déplacement  pur  et  simple des risques vers des marchés moins protégés d’un point de vue réglementaire.

Le Canada, mouton noir de l'amiante

Dans  le  reste  du  monde,  en effet,  un  certain  nombre d’États adoptent petit à petit des  positions  convergeant vers  une  interdiction  totale. 

contre  l'Union  européenne, à  la  suite  de  l’interdiction française  décidée  en  1997. Le Canada avait été débouté, mais  cette  démarche  illustre une  fois  encore  les  formi-dables  pressions  exercées  au plus  haut  niveau  internatio-nal pour la préservation d’une activité  dont  les  effets  délé-tères pour la santé des popu-lations et des salariés exposés ne  sont  plus  à  démontrer. Encore  maintenant,  on  peut lire  un  Bulletin pour l’utilisa-tion sécuritaire et responsable du chrysotile, édité par l’Insti-tut du chrysotile canadien (6). Ni  la Russie, premier produc-teur  et  exportateur  actuel, ni  la  Chine,  premier  client identifié  (cf. infographie),  ne semblent  pour  l’instant  vou-loir  changer  leurs  réglemen-tations en matière d’amiante.1. Cf. Directive de la Commission du 26 juillet 1999 portant 6e adaptation au progrès technique de l’annexe I de la directive 76/769/CE. L’utilisation recouvre l’extraction, la transformation et la fabrication de produits dérivés.  Une dérogation a cependant été votée par la Commission, dans un règlement en date du 22 juin 2009. Elle maintient la possibilité d’utiliser de l’amiante dans les installations d’électrolyse d’usines qui avaient déjà recours à des diaphragmes contenant de l’amiante. Elle concerne  six usines du secteur chimique en Europe (situées en Allemagne, Pologne, Suède  et Bulgarie).2. Journal officiel de l’Union européenne, 16  décembre 2009, L. 330/28-36.3. Premier exposé écrit des Communautés européennes  à l’OMC, Genève, 21 mai 1999.4. www.eurogip.fr5. Pour l’Asie : l’Arabie saoudite,  le Barhein, Brunei, la Corée du Sud, Israël, le Japon, la Jordanie, le Koweït,  la Mongolie, Oman, le Qatar et la Turquie. Pour l’Afrique : l’Afrique du Sud, l’Algérie, le Gabon, l’Égypte, le Mozambique  et les Seychelles (source : Andeva,  avril 2011).6. Consultable en français sur :  www.chrysotile.com/fr/.

A. B.

sionnelles, Eurogip (4) a publié en  2006  un  rapport  sur  les maladies  professionnelles liées  à  l’amiante  en  Europe. Selon ce rapport, la mortalité due  au  seul  mésothéliome devrait  concerner  au  moins 100 000  victimes  dans  l’UE. Pour faire face à cette véritable «  épidémie  à  retardement  », les  États  membres  mettent au  point  des  dispositifs  de reconnaissance,  de  prise  en charge, voire de départs anti-cipés à  la retraite, comme en France  ou  en  Italie  (cf. enca-dré).  Pourtant,  l’exploitation des mines d’amiante dans de nombreux pays (Russie, Brésil, Canada  notamment)  et  le démantèlement de structures contenant des quantités mas-sives d’amiante (en particulier, les  navires  sur  des  chantiers asiatiques, par exemple) sans véritable  politique  de  pro-tection  des  salariés,  posent le  problème  crucial  d’un 

International

Un paysage contrasté

Eurogip a enquêté sur la situation dans l’UE

Eurogip, association qui appartient à la branche Accidents du travail–maladies professionnelles du Réseau prévention, a

publié deux études sur la situation des travailleurs exposés à l’amiante en Europe :• la première (en 2006) est un panorama sur les chiffres,

les systèmes de reconnaissance et les dispositifs spécifiques pour les maladies professionnelles liées à l’amiante, sur 13 pays : Allemagne, Autriche, Belgique, Finlande, Danemark, Espagne, France, Italie, Norvège, Pays-Bas, Portugal, Suède et Suisse ;

• la seconde (2010) fait le point sur l’expérience italienne concernant les avantages retraites en faveur des travailleurs exposés à l’amiante.

Ces études sont consultables sur : www.eurogip.fr.

Les États-Unis et l'amiante

La situation outre-Atlantique est complexe. L’amiante n’y est pratiquement plus utilisé (1) mais son interdiction juridique

n’est pas non plus effective. L’administration Bush n’a pas ratifié la loi du 4 octobre 2007 (« Ban Asbestos in America Act »), pourtant votée à l’unanimité par le Sénat, qui interdisait toute importation et utilisation de l’amiante. Auparavant, une réglementation de l’EPA (Environmental Protection Agency) édictée en 1989 en vue de l’interdiction totale, a été annulée en partie par une Cour d’appel en 1991. Depuis plus de 30 ans, une vague de procès a déferlé contre les fabricants de produits amiantés. Paradoxe : alors que la justice civile continue de condamner les industriels à verser des sommes considérables (qui se comptent en milliards de dollars) au titre des dédommagements corporels aux victimes de l’amiante et à leurs familles, la justice administrative continue d’empêcher l’interdiction légale.1. Source principale : Andeva.