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Olaparib PARP Lésions double brin Cellules avec recombinaison homologue fonctionnelle Cellules avec dysfonction de la recombinaison homologue (altération BRCA) Réparation par recombinaison homologue Survie Réparation par voies alternes non homologues Apoptose Figure. Concept de létalité synthétique par l’inhibition de PARP dans les tumeurs avec déficience de la recombinaison homologue. M. Ung T. de la Motte Rouge 168 | La Lettre du Cancérologue Vol. XXIV - n° 3 - mars 2015 MISE AU POINT Inhibition de PARP par l’olaparib : situation actuelle et perspectives d’avenir PARP inhibition with olaparib: current status and future promises M. Ung 1 , C. Dubot 1 , M. Rodrigues 2 , T. de la Motte Rouge 1 1 Département d’oncologie médicale, institut Curie, Saint-Cloud. 2 Département d’oncologie médicale, institut Curie, Paris. L a connaissance du statut mutationnel germinal BRCA1 et BRCA2 d’un patient atteint de cancer est devenue une question d’intérêt thérapeutique avec l’arrivée des inhibiteurs de PARP. L’olaparib vient d’obtenir son autorisation de mise sur le marché (AMM) en traitement d’entretien dans les cancers de l’ovaire en rechute présentant une mutation BRCA (germinale ou somatique), en réponse après une chimiothérapie à base de sels de platine. Dans cet article, nous revenons sur le rationnel de l’inhibition de PARP en oncologie, et présentons les résultats obtenus en clinique avec l’olaparib. Rationnel de l’efficacité des inhibiteurs de PARP Dans les tumeurs associées à une mutation germinale de BRCA La présence de mutations germinales délétères de BRCA1 et BRCA2, qui augmente notablement le risque de cancer du sein et de l’ovaire, a été récem- ment associée à d’autres cancers, tels que ceux du pancréas, de l’estomac et de la prostate (1). Six systèmes de réparation de l’ADN ont été iden- tifiés. Parmi eux, le système le plus fidèle de répa- ration des lésions double brin est la recombinaison homologue (RH). Les protéines BRCA1 et BRCA2 sont impliquées directement dans la réparation par RH (2). Les tumeurs des patients présentant une mutation germinale de BRCA1 et BRCA2 contiennent une perte somatique du deuxième allèle BRCA (hypothèse de Knudson). Il en résulte une perte de la fonction de BRCA1/2, avec déficience de la RH. Cette altération induit l’activation de systèmes de réparation moins fidèles, parmi lesquels la répara- tion par excision de base, impliquant l’action des protéines PARP-1 et PARP-2 (Poly-ADP ribose polyme- rase) [2]. La compréhension de ce modèle a soulevé la question de l’intérêt de l’inhibition des PARP dans les tumeurs présentant une déficience de la RH. Les travaux précliniques sur des modèles in vitro et in vivo ont validé cette approche, appelée “létalité synthétique”, avec une cytotoxicité sélective (par instabilité chromosomique, arrêt du cycle cellulaire et induction de l’apoptose), de l’inhibition de PARP sur des cellules BRCA-déficientes (figure) [2, 3]. Dans les tumeurs présentant une altération BRCA somatique ou d’autres partenaires de la voie de réparation par RH Certaines tumeurs partagent des caractéristiques cliniques et moléculaires avec les tumeurs BRCA muté, parmi lesquelles une instabilité génomique majeure et une sensibilité aux sels de platine et autres agents alkylants. De nombreux méca- nismes altérant la RH, et qui entraînent ainsi un phénotype “BRCA-ness”, ont été identifiés. Parmi eux, des mutations somatiques BRCA, des pertes de fonction BRCA1 par méthylation de promoteur ou des anomalies d’autres protéines impliquées dans la RH ont été décrites (4, 5) . L’ensemble

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OlaparibPARP

Lésions double brin

Cellules avecrecombinaison

homologue fonctionnelle

Cellules avecdysfonction de la recombinaison

homologue (altération BRCA)

Réparation par recombinaisonhomologue

Survie

Réparation par voies alternesnon homologues

Apoptose

Figure. Concept de létalité synthétique par l’inhibition de PARP dans les tumeurs avec déficience de la recombinaison homologue.

M. Ung

T. de la Motte Rouge

168 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XXIV - n° 3 - mars 2015

MISE AU POINT

Inhibition de PARP par l’olaparib : situation actuelle et perspectives d’avenirPARP inhibition with olaparib: current status and future promisesM. Ung1, C. Dubot1, M. Rodrigues2, T. de la Motte Rouge1

1 Département d’oncologie médicale, institut Curie, Saint-Cloud.2 Département d’oncologie médicale, institut Curie, Paris.

La connaissance du statut mutationnel germinal BRCA1 et BRCA2 d’un patient atteint de cancer est devenue une question d’intérêt thérapeutique

avec l’arrivée des inhibiteurs de PARP. L’olaparib vient d’obtenir son autorisation de mise sur le marché (AMM) en traitement d’entretien dans les cancers de l’ovaire en rechute présentant une mutation BRCA (germinale ou somatique), en réponse après une chimiothérapie à base de sels de platine. Dans cet article, nous revenons sur le rationnel de l’inhibition de PARP en oncologie, et présentons les résultats obtenus en clinique avec l’olaparib.

Rationnel de l’efficacité des inhibiteurs de PARPDans les tumeurs associées à une mutation germinale de BRCA

La présence de mutations germinales délétères de BRCA1 et BRCA2, qui augmente notablement le

risque de cancer du sein et de l’ovaire, a été récem-ment associée à d’autres cancers, tels que ceux du pancréas, de l’estomac et de la prostate (1). Six systèmes de réparation de l’ADN ont été iden-tifiés. Parmi eux, le système le plus fidèle de répa-ration des lésions double brin est la recombinaison homologue (RH). Les protéines BRCA1 et BRCA2 sont impliquées directement dans la réparation par RH (2). Les tumeurs des patients présentant une mutation germinale de BRCA1 et BRCA2 contiennent une perte somatique du deuxième allèle BRCA (hypothèse de Knudson). Il en résulte une perte de la fonction de BRCA1/2, avec déficience de la RH. Cette altération induit l’activation de systèmes de réparation moins fidèles, parmi lesquels la répara-tion par excision de base, impliquant l’action des protéines PARP-1 et PARP-2 (Poly-ADP ribose polyme-rase) [2]. La compréhension de ce modèle a soulevé la question de l’intérêt de l’inhibition des PARP dans les tumeurs présentant une déficience de la RH. Les travaux précliniques sur des modèles in vitro et in vivo ont validé cette approche, appelée “létalité synthétique”, avec une cytotoxicité sélective (par instabilité chromosomique, arrêt du cycle cellulaire et induction de l’apoptose), de l’inhibition de PARP sur des cellules BRCA-déficientes (figure) [2, 3].

Dans les tumeurs présentant une altération BRCA somatique ou d’autres partenaires de la voie de réparation par RH

Certaines tumeurs partagent des caractéristiques cliniques et moléculaires avec les tumeurs BRCA muté, parmi lesquelles une instabilité génomique majeure et une sensibilité aux sels de platine et autres agents alkylants. De nombreux méca-nismes altérant la RH, et qui entraînent ainsi un phénotype “BRCA-ness”, ont été identifiés. Parmi eux, des mutations somatiques BRCA, des pertes de fonction BRCA1 par méthylation de promoteur ou des anomalies d’autres protéines impliquées dans la RH ont été décrites (4, 5). L’ensemble

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Points forts » L’olaparib vient d’obtenir son AMM en monothérapie dans le traitement d’entretien des cancers de l’ovaire

séreux de haut grade, de la trompe ou primitif péritonéal, en rechute platinosensible avec une mutation de BRCA, en réponse à une chimiothérapie à base de platine.

» Le concept de létalité synthétique constitue un rationnel fort pour l’efficacité des inhibiteurs de PARP dans toute tumeur avec mutation germinale et/ou somatique de BRCA, et plus probablement dans toute tumeur avec déficience de la recombinaison homologue (RH). Cependant, il faut souligner la nécessité d’identifier des biomarqueurs de ce phénotype “HR-ness”, et de démontrer leur corrélation avec une efficacité tumorale de l’olaparib avant son utilisation en routine.

Mots-clésOlaparib

Inhibiteurs de PARP

Mutations BRCA

Cancers de l’ovaire

Highlights

» Olaparib was recent ly approved as single mainte-nance treatment in platinum-sensitive relapsed serous ovarian, fallopian tube and primary peritoneal cancer with a BRCA mutation, following object ive response with pla tinum based chemotherapy.

» The concept of synthetic lethality is a strong rational for the effectiveness of PARP inhibitors in any tumor bearing a germline and/or somatic BRCA mutation, and most likely in any tumor with a Homologous Recombination Deficiency (HRD). However, we must emphasize the need to identify biomarkers for this “HR-ness” phenotype. Prior to adopting olaparib in cli nical routine in this setting, it should be demonstrated that such markers correlate with its clinical efficacy.

Keywords

Olaparib

PARP inhibitors

BRCA mutations

Ovarian cancer

de ces données suggère, au-delà des tumeurs avec mutation de BRCA, l’intérêt d’identifier les tumeurs avec déficience de la RH (6). À ce jour, les mutations de BRCA constituent le seul biomarqueur de sensibilité aux inhibiteurs de PARP. Plusieurs signatures génomiques sont en cours de développement et pourraient prédire ce phénotype “HR-ness” (7).

Les inhibiteurs de PARP en cliniqueLes inhibiteurs de PARP sont des inhibiteurs compé-titifs du substrat NAD+ pour le site catalytique de la protéine PARP. Leur capacité d’altération du système de réparation par excision de base a d’abord fait orienter leur développement vers un objectif de potentialisation des agents inducteurs de dommages de l’ADN, tels que les agents alkylants ou la radiothérapie, ce qui a conduit à des essais de combinaisons thérapeutiques. L’olaparib est le premier inhibiteur de PARP-1 pour lequel le concept de létalité synthétique a été validé en clinique, dès la phase I. Cet essai “toutes tumeurs” comportait notamment une phase d’expansion ouverte aux patients présentant une mutation germi-nale de BRCA. Le constat d’un bénéfice clinique pour 63 % des patients atteints d’une tumeur du sein, de l’ovaire ou de la prostate a confirmé les données précliniques suggérant une efficacité de l’olaparib dans un contexte de statut germinal BRCA muté (8). La difficulté, constatée précocement, de combiner l’olaparib avec la chimiothérapie peut également être notée (toxicité hématologique) [9], expliquant son développement poursuivi principalement en monothérapie. Le tableau (p. 170) présente les essais cliniques en cours concernant l’olaparib.

Olaparib dans les cancers de l’ovaire

◆ Développement cliniqueDès le premier essai de phase I, une activité de l’olaparib a été observée dans les cancers de l’ovaire de haut grade chez des patientes BRCA muté (8).

Une étude de phase II testant l’olaparib en mono-thérapie a par la suite été réalisée chez 65 patientes atteintes d’un cancer de l’ovaire (10) : un taux de réponse (TR) supérieur a été observé avec l’olaparib chez les patientes BRCA muté (41 %), par rapport aux patientes BRCA non muté (24 %). En outre, une importante étude de phase II, l’étude 19, a été réalisée chez 265 patientes atteintes d’un cancer de l’ovaire en rechute sensibles aux sels de platine (quel que soit le statut BRCA) et randomisées entre un traitement d’entretien par olaparib ou placebo après réponse à une chimiothérapie à base de sel de platine. L’étude est positive en termes de survie sans progression (SSP), qui passe de 4,8 à 8,4 mois (HR = 0,35 ; p < 0,001) chez les patientes recevant de l'olaparib, mais pas en survie globale (SG) [11]. Ces résultats ont brutalement stoppé le développement des inhibiteurs de PARP dans les cancers ovariens, ce d’autant plus qu’aucun bénéfice de l’olaparib n’avait pu être mis en évidence chez des patients BRCA1/2 muté en rechute comparativement à la doxorubicine liposomale pégylée, dans une autre étude de phase II (12). Une analyse planifiée des résultats de l’étude 19 en fonction du statut BRCA a par la suite relancé le développement de l’olaparib. Au total, 136 patientes présentaient une mutation de BRCA (germinale ou somatique). Pour celles traitées par olaparib, la SSP est allongée de manière importante et passe de 4 à 11 mois (HR = 0,18 ; p < 0,00001), avec une tendance de gain de 3 mois en SG (HR = 0,74 ; p = 0,208) [13]. Le bénéfice reste modeste chez les patientes sans mutation. Suite à ces résultats, 2 études de phase III, interna-tionales, menées en première ligne (SOLO-1) et en rechute sensible (SOLO-2), ont été lancées chez les patientes atteintes d’un cancer de l’ovaire de haut grade et présentant une mutation BRCA. Les inclu-sions sont terminées, et les résultats sont en attente. En parallèle, une demande d’AMM a été déposée et a été accordée en janvier 2015 par l’Agence européenne des médicaments (EMEA) pour l’olaparib en traite-ment d’entretien après réponse à une chimiothérapie contenant un sel de platine chez des patientes porteuses d’une mutation BRCA (somatique ou germi-nale). La FDA (Food and Drug Administration) a donné l’AMM dans la même indication en décembre 2014.

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Inhibition de PARP par l’olaparib : situation actuelle et perspectives d’avenir

MISE AU POINT

◆ Perspectives et questions en suspensCombinaison de l’olaparib avec les anti-angiogéniques et la chimiothérapieLes résultats prometteurs d’un essai de phase II évaluant l’olaparib avec ou sans cédiranib (anti-angiogénique anti-VEGFR1, -2, -3) ont été récem-ment rapportés (14), montrant un quasi-doublement de la SSP pour le groupe recevant cédiranib +

olaparib (17,7 versus 9 mois ; p = 0,005). Ce bénéfice se retrouve principalement chez les patientes BRCA non muté. Cela valide le concept déjà démontré en préclinique de l’association des antiangiogéniques avec les inhibiteurs de PARP dans les cancers de l’ovaire. Un essai de phase III (PAOLA-1) doit débuter cette année pour évaluer le bévacizumab avec ou sans olaparib, en entretien après chirurgie et

Tableau. Essais cliniques en cours concernant l’olaparib (d’après ClinicalTrials.gov).

Modalité Combinaison Phase

Tumeurs solides avancées BRCA muté Olaparib II

BRCA non muté Olaparib + carboplatineOlaparib + cisplatine Olaparib + bévacizumab Olaparib + doxorubicine liposomale

IIIII

Ovaire BRCA muté : rechute Olaparib II/III

BRCA muté : entretien Olaparib III

BRCA non muté Olaparib + carboplatine-paclitaxel Olaparib + cédiranibOlaparib + chimiothérapie intrapéritonéale

I/IIIII

Sein – Adjuvant Olaparib III

– Métastatique OlaparibOlaparib + paclitaxel

II/IIII/II

– Localement avancé Olaparib + radiothérapie I

Sein et ovaire Olaparib + inhibiteur PI3K Olaparib + cédiranib Olaparib + chimiothérapie

I I/II I

Prostate Résistant à la castration Olaparib + acétate d’abiratérone II

Pancréas BRCA muté Olaparib III

BRCA non muté Olaparib + chimiothérapie I/II

Côlon et rectum Olaparib II

Olaparib + irinotécan I

Œsophage Olaparib + radiothérapie I

Estomac Olaparib + paclitaxel III

Tête et cou Olaparib + radiothérapieOlaparib + radiothérapie + cétuximab Olaparib + cisplatine

III

Glioblastome Olaparib + témozolomide I

Poumon Olaparib + radiothérapieOlaparib + géfitinib Olaparib

II/IIII

Sarcome d’Ewing Olaparib + témozolomide I

Olaparib II

Mélanome Olaparib + dacarbazine I

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MISE AU POINT

chimiothérapie de première ligne chez des patientes atteintes d’un cancer de l’ovaire, quel que soit leur statut BRCA. La combinaison de l’olaparib et de la chimiothérapie est relativement compliquée du fait de la potentiali-sation des toxicités. Une étude de phase II a permis d’établir la faisabilité d’un schéma en association avec carboplatine et paclitaxel (15).

Utilisation de l’olaparib chez les patientes BRCA muté et résistantes aux sels de platineIl y a moins de données solides concernant l’olaparib dans cette population. Les analyses de sous-groupes de l’essai de phase I initial retrouvent, avec l’olaparib, des résultats un peu inférieurs à ceux obtenus chez les patientes sensibles aux sels de platine, mais néan-moins significatifs, avec un taux de réponse selon les critères RECIST ou du GCIG (Gynecologic Cancer InterGroup) de 41,7 % (61,5 % dans la population sensible aux sels de platine) [16]. Une autre étude, de phase II, a permis d’observer des résultats simi-laires, avec un TR de 33 % (4 patientes sur 12) pour les patientes BRCA muté et résistantes aux sels de platine (10). Au total, ces résultats plaident pour une étude plus poussée de l’activité de l’olaparib dans cette population.

Utilisation de l’olaparib chez des patientes BRCA non mutéEn étudiant la population de patientes “longs répon-deurs” à l’olaparib, les auteurs ont mis en évidence une efficacité de l’olaparib chez certaines patientes sans mutation de BRCA (17). Chez ces patientes, des anomalies des gènes de la réparation de RH ont été mises en évidence. Ces résultats sont confortés par une étude (18) menée chez 390 patientes atteintes d’un cancer de l’ovaire pour lesquelles le séquençage au niveau tumoral et constitutionnel de 30 gènes (dont BRCA1, BRCA2 et 10 gènes de la voie de répara-tion par RH) a été effectué. Une anomalie germinale était retrouvée chez 22,6 % des patientes, princi-palement BRCA1 (54 %) ou BRCA2 (21 %), mais les anomalies “non BRCA” étaient présentes chez tout de même 25 % des patientes porteuses d’une mutation germinale. Au niveau tumoral, une anomalie était retrouvée chez 7,6 % des patientes. Là encore, les anomalies BRCA étaient majoritaires (71 %), mais une proportion non négligeable de patientes présen-taient une autre anomalie. Par ailleurs, la présence d’une mutation constitutionnelle ou tumorale était corrélée à une meilleure sensibilité au sel de platine et à une meilleure survie, définissant un phénotype particulier “HR-ness”, plus large que “BRCA-ness”

et qui pourrait également montrer une sensibilité augmentée aux inhibiteurs de PARP. L’espoir serait alors de pouvoir sélectionner les patientes présen-tant ce phénotype grâce à une signature identifiant ces anomalies du système de réparation (7).

Olaparib dans les cancers localisés hors des ovaires

◆ Olaparib dans les cancers du seinLa prévalence des mutations germinales BRCA1/2 est estimée entre 5 et 10 %, et peut même s’élever à 10 à 20 % dans les sous-types triple-négatifs (19). Après le constat de quelques réponses tumorales dans l’essai de phase I (8), 2 essais de phase II de grande envergure ont conforté ces résultats encourageants. L’un d’eux testait l’efficacité de l’olaparib en monothérapie chez 54 patientes BRCA muté et atteintes d'un cancer du sein métastatique. Le taux de réponse global était de 41 %, et la SSP d’environ 6 mois (20). Plus récem-ment, l’essai coordonné par B. Kaufman et al. testait l’olaparib en monothérapie chez presque 300 patients atteints d’un cancer avec mutation germinale de BRCA, dont 62 présentaient un cancer du sein. Le taux de réponse était de 12,9 %, et le taux de stabilisation de 47 % (21). Actuellement, l’olaparib est en évaluation en monothérapie chez des patientes avec mutations germinales de BRCA, en situation métastatique (étude OlympiAD) et en situation adjuvante après chimio-thérapie pour des cancers triple-négatifs à haut risque de rechute (étude OlympiA). Dans les tumeurs sans mutation germinale de BRCA, la méthylation du promoteur de BRCA1 est estimée à 15 %, allant jusqu’à 37 % pour les phénotypes triple-négatifs (22). De facto, le traitement par inhibiteurs de PARP dans les cancers du sein triple-négatifs a été rapidement source d’espoir. Après un essai de phase II randomisé prometteur, J. O’Shaughnessy a rapporté les résultats négatifs de la phase III testant un autre inhibiteur de PARP, l’iniparib (BSI-201), en association avec une chimiothérapie à base de sels de platine chez des patientes atteintes d’un cancer du sein triple-négatif métastatique, mettant presque un coup d’arrêt au développement des inhibiteurs de PARP dans cette niche tumorale (23). Néanmoins, une des raisons de l’échec de l’iniparib a été expliquée a posteriori par l’absence d’inhibition significative de l’activité PARP-1 ou PARP-2 in vitro, sortant cette molécule hors de la classe des inhibiteurs de PARP. Les essais actuellement menés dans des tumeurs triple-négatives reposent sur l’association de l’olaparib à une chimiothérapie à base de sels de platine ou à la radiothérapie.

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Inhibition de PARP par l’olaparib : situation actuelle et perspectives d’avenir

MISE AU POINT

◆ Olaparib dans les cancers du pancréasLes cancers du pancréas d’origine héréditaire sont rares, puisqu’ils représentent environ 2 % des cancers du pancréas. Une minorité (5 à 20 %) est associée à des mutations germinales de BRCA2 entraînant un risque de développer un cancer du pancréas estimé à 3,5 fois celui de la population générale (24). Dans l’étude de B. Kaufman et al., 23 patients BRCA muté présentant un cancer du pancréas avancé et évolutif ont été traités par olaparib. Le TR était de 21,7 %, le taux de maladie stable à 8 semaines de 35 %, avec une durée médiane de réponse d’environ 4 mois (21). Un essai teste actuellement l’efficacité de l’olaparib en traitement d’entretien après une première ligne de chimiothérapie chez des patients atteints d’un cancer du pancréas BRCA muté (étude POLO).

◆ Olaparib dans les cancers de la prostateLes cancers de la prostate associés à des mutations germinales de BRCA1/2 présentent un potentiel de dissémination métastatique plus important et un pronostic moins bon que les cancers BRCA non muté (25). Les données d’efficacité de l’olaparib dans les cancers de la prostate avec altération de BRCA se résument à quelques cas, mais avec des résultats intéressants. S.K. Sandhu et al. ont rapporté 4 cas de cancer de la prostate BRCA muté, dont 3 traités par olaparib, avec une réponse tumorale pour 2 d’entre eux (26). Dans l’étude de B. Kaufman, 8 patients BRCA muté étaient traités par olaparib, avec une réponse observée chez 4 patients et une stabilisation de la maladie à 8 semaines chez 2 patients (21). L’approche de létalité synthétique pourrait être plus largement étendue dans les cancers de la prostate puisque les déficiences de RH ne seraient pas négli-geables. À ce titre, l’olaparib est actuellement en évaluation dans 2 essais de phase II chez des patients atteints d'un cancer de la prostate métastatique résistant à la castration, en monothérapie (étude

TOPARP) et en association avec l’acétate d’abira-térone (NCT01972217).

◆ Olaparib dans les cancers colorectauxLes données précliniques suggèrent l’utilité des inhibiteurs de PARP dans les tumeurs avec insta-bilité microsatellitaire (MSI), en raison de muta-tions des gènes MRE11 et RAD50 impliqués dans la réparation des lésions double brin (27). Un essai de phase II teste actuellement l’olaparib en mono-thérapie chez des patients atteints d’un cancer colorectal métastatique, avec une stratification selon le statut MSI.

◆ Olaparib dans les sarcomes d’EwingL’inhibition de PARP constitue une approche théra-peutique encourageante dans les sarcomes d’Ewing avec translocation EWS-FLI1 ou EWS-ERG sur des modèles cellulaires et animaux (28). Un essai de phase II a testé l’olaparib en monothérapie chez 12 patients atteints d’un sarcome d’Ewing et lour-dement traités, sans mise en évidence d’une réponse tumorale ni d’une stabilisation de la maladie (29). L’olaparib est en cours d’évaluation en association avec le témozolomide (NCT01858168) dans les sarcomes d’Ewing avancés.

Conclusion

L’olaparib et, plus largement, les inhibiteurs de PARP ouvrent de nouvelles perspectives thérapeutiques, en particulier dans les tumeurs associées à des muta-tions germinales de BRCA1/2. Leur spectre d’effica-cité pourrait s’étendre aux tumeurs “HR-ness” avec déficience de la recombinaison homologue. Cela justifie néanmoins l’identification de biomarqueurs prédictifs d’efficacité préalablement à l’adoption de l’olaparib dans ce contexte en routine clinique. ■

M. Ung déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.

T. de la Motte Rouge déclare avoir des liens d’intérêts avec

AstraZeneca, Roche, MSD, Pharmamar.

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Références bibliographiques

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www.edimark.fr/diaporamas/ENETS-TNE/2015

➪CoordonnateurPr Romain Coriat (Paris)

RédacteurDr Anne Visbecq (Cheffes-sur-Sarthe)

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Dr Anne Visbecq Dr Anne Visbecq (Cheffes-sur-Sarthe)

Sous l’égide de Directeur de la publication : Claudie Damour-Terrasson Rédacteur en chef : Pr Jean-François Morère (Bobigny et Villejuif)Attention, ceci est un compte-rendu de congrès et/ou un recueil de résumés de communications de congrès dont l’objectif est de fournir des informations sur l’état actuel de la recherche ; ainsi, les données présentées sont susceptibles de ne pas être validées par les autorités de santé françaises et ne doivent donc pas être mises en pratique.Le contenu est sous la seule responsabilité du coordonnateur, des auteurs et du directeur de la publication qui sont garants de son objectivité.

Avec le soutien institutionnel de

Les tumeurs neuroendocrines

Actualités au 12e ENETSEuropean Neuroendocrine Tumor Society

Barcelone, 11-13 mars 2015

La Lettre du Cancérologue • Vol. XXIV - n° 3 - mars 2015 | 173

MISE AU POINT

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Références (suite)