Infraction Boursieres
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Mission de recherche Droit & Justice http://www.gip-recherche-justice.fr
Organisation des dispositifs de la lutte contre la criminalit conomique et financire en Europe
Deffains Stasiak
Dc. 2001 - 1 -
SYNTHESE
Organisation des dispositifs de la lutte
contre la criminalit conomique et financire en Europe :
droits nationaux, droit compar, droit international
(dcembre 2001)
DEFFAINS Bruno, STASIAK FrdricCREDES - Universit de Nancy II
Origine : programme "Falcone"
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CHAPITRE I : LA REPRESSION BOURSIERE
Il convient denvisager successivement, les justifications (I.1) et les modalits (II.2) de cette
rpression boursire.
I.1 : Les justifications de la rpression boursire
Selon Durkheim, la rpression pnale traduit la raction du corps social des comportements
qui portent gravement atteinte son existence et son fonctionnement : les infractions boursires
traduisent-elles de tels comportements ?
Force est de constater que le recours la sanction pnale en matire boursire sest fond sur
une volont de moralisation des marchs financiers. Nanmoins cette moralisation annonce
parat davantage participer dune morale artificielle tendant restaurer la confiance des investisseurs
en rendant le march plus attractif et comptitif. Cette recherche defficience suppose le respect dun
double impratif : assurer lgalit dinformation et la transparence du march.
La situation des diffrents investisseurs au regard de linformation se caractrise par une
vidente ingalit ou asymtrie entre les pargnants particuliers dune part et les investisseurs
professionnels et initis dautre part. Cette asymtrie est telle quun comportement qui relverait de la
spculation pour les premiers, serait exclusif de tout ala pour les seconds. En consquence
linterdiction faite aux initis dutiliser ou de communiquer une information qui nest pas encoreconnue du public permet de rtablir une certaine galit entre les diffrentes catgories dintervenants
sur le march. Il apparat donc lgitime de recourir la sanction pnale pour rprimer un
comportement moralement rprhensible : lenrichissement injuste parce que ralis sans risque par un
privilgi abusant de sa situation.
La transparence du march constitue une garantie du bon fonctionnement du march dans la
mesure o celui-ci suppose que le rendement dun actif soit une fonction croissante de son risque. Or
la manipulation de cours ou la diffusion dinformations fausses ou trompeuses perturbent ce
fonctionnement puisque les auteurs de ces comportements vont obtenir des rendements levs et
moins risqus quant leurs victimes vont devoir fournir davantage defforts pour accder (ou tenter
daccder) aux informations pertinentes. Le caractre minemment technique et conomique de tels
comportements justifierait le recours une simple sanction administrative prononce par une autorit
spcialise.
Pourtant cette opposition entre infractions morales et infractions conomiques peut sembler
trop tranche. Il est notamment possible de se demander si les infractions dinitis sont vritablement
neutres dun point de vue conomique ou si elles ne seraient pas susceptibles daffecter le
fonctionnement rgulier du march en altrant la confiance des investisseurs. Au regard du fondement
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conomique, lanalyse est plus nuance. La manipulation de cours et la diffusion dinformations
fausses ou trompeuses diminuent lefficacit informationnelle du march boursier, puisque les
variations de cours qui rsultent de ces comportements loignent le prix dquilibre de son vritable
prix. Au contraire, le dlit diniti, sil modifie le prix dquilibre, le rapproche du juste prix. Les
investisseurs ne sont pas induits en erreur dans leurs placements boursiers, comme cest le cas pour les
deux premires infractions, mais peroivent les informations justes que vhiculent les placements
des initis. Les impacts positifs et ngatifs du dlit d'initi, observables, mais plus difficilement
mesurables, crent donc une controverse sur le fondement conomique de la rpression de ce dlit.
I.2 : Les modalits de la rpression boursire
Les poursuites, en France, des infractions boursires se singularisent depuis 1989 par leur
dualit : un mme comportement sur un march peut faire lobjet de poursuites pnales devant les
juridictions rpressives ou de poursuites administratives devant une instance spcialise, la
Commission des Oprations de Bourses (COB).
Or il existe en droit franais et en droit international une rgle interdisant quun mme
comportement puisse faire lobjet de deux poursuites pnales distinctes : non bis in idem. Cette rgle
dquit lmentaire, voire de bon sens, se double galement dun aspect conomique doptimisation
de la rpression : toute procdure un cot, individuel et social, et reprendre une seconde procdure
lencontre dune personne dj juge pour les mmes faits peut accrotre considrablement ce cot.
Il serait possible dobjecter quen matire boursire, la rgle non bis in idem na pas vocation
sappliquer puisque les deux procdures en cause sont de nature distincte, pnale et administrative.
Mais ce serait mconnatre la porte du concept de matire pnale rsultant de la jurisprudence de
la Cour europenne des droits de lHomme, qui intgre non seulement la procdure pnale stricto
sensu, mais aussi des procdures rpressives de type administratif (cf. affaire Gradinger c/ Autriche du
23 octobre 1995 par exemple).
Qui plus est, cette dualit procdurale dans le domaine boursier engendre dimportants
inconvnients : risque de contrarit de dcision, marginalisation de la rpression pnale Mais si lunanimit semble se faire en doctrine pour condamner le principe mme dun cumul
de poursuites pnales et administratives en droit boursier, les opinions divergent quant aux modalits
possibles de la rpression en ce domaine : faut-il supprimer purement et simplement lune des deux
procdures, et si oui laquelle, ou se contenter dune meilleure coordination entre elles ?
La premire branche de lalternative semble devoir tre exclue : supprimer la voie
administrative serait se priver dun instrument spcialis efficace de dtection, de poursuite et de
sanction des comportements boursiers illicites ; supprimer la voie pnale serait faire peu de cas des
pargnants ayant subi un prjudice dcoulant dune infraction boursire.
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La seconde branche de lalternative, la coordination, apparat donc prfrable sous rserve de
dterminer un critre pertinent de rpartition des comptences administratives et pnales : gravit du
comportement, existence de victimes, caractre international de laffaire.
CHAPITRE II : LINDEMNISATION DES PREJUDICES RESULTANT DES INFRACTIONS
BOURSIERES
Les constitutions de partie civile relativement aux infractions boursires sont rares dans la
jurisprudence franaise. Tout dabord, les victimes ne sont pas toujours conscientes du prjudice
quelles subissent au moment o celui-ci survient. Ensuite, la dfinition des prjudices induits par les
dlits boursiers est peu reconnue par la magistrature et, enfin, lvaluation de ces prjudices nest pas
aise.
La manipulation de cours et la diffusion de fausses informations constituent des dlits portant
atteinte moralement (rupture dgalit entre les investisseurs) et conomiquement aux investisseurs.
Par contre, le fondement conomique du dlit diniti est controvers. Pourtant, en altrant la
confiance des investisseurs, le dlit diniti ne porte-t-il pas lui aussi prjudice aux autres intervenants
du march ? Les investisseurs non initis prennent conscience quen cas dchange, ils risquent de
contracter avec un agent dtenteur dinformations privilgies, et sont alors dsincits effectuer des
transactions. Lefficience informationnelle du march est rduite, ce qui nuit linvestissement des
entreprises. On considre alors que le dlit diniti cre un dommage lconomie qui doit tre pris en
compte dans la dtermination de la sanction.
Alors quaucune dcision na t prononce sur un ventuel prjudice rsultant dune
manipulation de cours ou dun dlit diniti, on se demande si les dlits boursiers ne crent pas de
prjudices individuels. La prsence des initis sur le march conduit les autres investisseurs en
situation dinfriorit informationnelle modifier leur comportement, lextrme ils peuvent renoncer
raliser des transactions. De manire gnrale, on peut montrer que la prsence des initis est
toujours prjudiciable aux investisseurs non initis, que ce soit en terme de transfert de risque desinitis aux non initis ou de transfert de plus-value des non initis aux initis.
Deux cas particuliers conduisent dfinir les prjudices individuels. Le premier prjudice est
li au risque de non excution dun ordre suite lintervention dun initi. Le second prjudice, est li
la perte de chance que subissent les investisseurs lorsque linformation nest pas divulgue au public
pour quun dlit diniti soit commis. En effet, le retard de divulgation volontaire d'informations par
les dirigeants aggrave les dlits d'initis commis en parallle. A lvidence, lintervention de liniti
porte prjudice directement linvestisseur et pas seulement au march. Mais une chose est de
caractriser lexistence dun prjudice, une autre est de pouvoir lvaluer.
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CHAPITRE III : LANALYSE ECONOMIQUE DE LA REPRESSION PENALE
Lanalyse conomique des sanctions pnales sintresse essentiellement la dtermination de
la sanction conomiquement optimale. Cette dernire doit permettre de maximiser le bien-tre collectif
en privilgiant la forme de sanction qui minimise son cot de mise en uvre et en liminant les actes
criminels conomiquement inefficients. Dans ce cadre, plusieurs aspects doivent tre successivement
abords.
En premier lieu, se pose la question du niveau de criminalit conomiquement optimal. En
dautres termes, lobjectif du dcideur public est-il dradiquer totalement la criminalit ou alors den
tolrer un certain niveau, tant donns les ressources sa disposition, les cots gnrs par la dtection
des actes criminels, les gains et les cots lis aux activits criminelles ? Lanalyse conomique montre
quil existe un niveau de criminalit conomiquement efficient, la recherche dun niveau zro de
criminalit se rvlant donc sous-optimale.
En second lieu, se pose la question de la sanction. En effet, ce nest quune fois le niveau de
criminalit conomiquement optimal dtermin quil devient possible de fixer le niveau optimal de la
sanction. En fait, la sanction optimale permet de dcourager tous les agents qui commettraient des
actes dlictueux conomiquement inefficients en absence de sanction. En consquence, la sanction
optimale est considre par lanalyse conomique comme un moyen de modifier le comportement des
agents en vue datteindre le niveau de criminalit conomiquement optimal. Nanmoins, la nature de
la sanction nest pas sans incidence sur le niveau du bien-tre collectif. Par exemple, est-il prfrable
de sanctionner financirement un agent ayant commis un dlit, ou de lui infliger une peine
demprisonnement ? En fait, choisir lune ou lautre de ces sanctions ne gnre pas les mmes cots de
mise en uvre et nest donc pas neutre sur le niveau du bien-tre collectif. Lanalyse conomique
montre quil est gnralement prfrable de recourir au systme des amendes du fait dun cot de mise
en uvre moins lev, le niveau des amendes devant gnralement tre suprieur au dommage caus.
Lanalyse propose est finalement complte par certaines rflexions concernant les
spcificits de la criminalit conomique et financire. En effet, on peut admettre que la majorit desagents concerns (les cols blancs ) a une aversion pour le risque suprieure la moyenne des
criminels. De mme, on peut supposer que cette catgorie de criminels est moins sensible au systme
des amendes que la moyenne des criminels. Ces diffrents aspects doivent donc tre analyss la
lumire des dveloppements prcdents.
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CHAPITRE IV : UN ESSAI : LA DETECTION DU DELIT D'INITIE EN PRESENCE
D'ASYMETRIES D'INFORMATIONS
Le point noir de la rpression de la criminalit conomique et financire rside dans la
dtection des dlits. Dans cet essai, nous valuons l'efficacit de la politique mise en place par la COB
pour dtecter les dlits d'initis. La dcouverte des transactions suspectes est largement fonde sur des
preuves statistiques observes sur le march. Nous dmontrons l'insuffisance d'un tel dispositif dans la
dissuasion des initis et proposons une rforme fonde sur l'implication d'agents privs dans la
dtection.
En pratique, la COB dispose d'outils informatiques qui permettent de retracer l'historique des
ordres de bourse. Le systme affiche minute par minute, pour chaque valeur, le volume de titres
changs, le cours en temps rel et la liste des valeurs pour lesquelles les cotations sont suspendues.
En revanche, les ordres de bourses individuels transitent obligatoirement par un intermdiaire habilit.
C'est pourquoi, la COB ne peut pas observer les transactions boursires individuelles, mais seulement
l'ensemble des ordres excuts par chaque intermdiaire.
La politique de dtection de la COB est une politique de seuil : lorsque des variations
suspectes sont observes, seules celles impliquant des volumes de transaction importants donneront
lieu investigation. Le modle que nous proposons permet de dcrire, dans une premire partie, le
niveau de probabilit optimale qui doit tre impos et de comprendre les implications d'une telle
politique. Dans une seconde partie, Nous proposons et analysons une politique alternative : la
dlgation de la dtection des dlits diniti aux intermdiaires de march. Une analyse comparative
montre les conditions dans lesquelles la politique de dlgation est plus efficace que la politique
classique. Une combinaison des deux politiques pourrait amliorer la dtection de ce type de dlit et de
dissuasion des infractions.
A l'instar de ce qui se passe dans le domaine des infractions boursires, le problme de la
dtection des infractions conomiques et financires s'avre central. C'est pourquoi, la rflexion doit
aussi conduire les autorits envisager une responsabilisation des intervenants privs. Eux seuls sont
en effet capables d'accder certaines informations et de dtecter correctement les comportementsillicites.
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CHAPITRE V : ANALYSE DE LEFFICACITE DUNE AUTORITE SPECIALISEE : LE
ROLE DE LA COB DANS LA REPRESSION DU DELIT DINITIE
Depuis 1989, la Commission des Oprations de Bourse est une autorit spcialise dote dun
pouvoir de sanction. Trois rles majeurs sont ainsi attribus la COB.
- La surveillance du march est organise et ralise par lautorit spcialise. Les
caractristiques des infractions en cause et la spcificit du march considr imposent en effet la
spcialisation de lautorit de surveillance.
- La phase dinstruction suite la dcouverte dune infraction suspecte est galement assure
par la COB. Nous dcrivons ici les avantages dune telle organisation pour les enqutes et
ltablissement des preuves.
- Les infractions boursires peuvent tre sanctionnes par la COB ou par les autorits
rpressives. Cette possibilit pose la question centrale de lefficacit dun cumul des possibilits de
sanction. Nous examinons en dtail la jurisprudence de la COB en matire de manquement diniti.
Il apparat que les procdures de sanction qui se droulent devant la COB sont beaucoup plus
rapides que devant les tribunaux rpressifs. Lissue des procdures dappel ou de Cassation ne sont pas
en contradiction avec les dcision de la Commission. Maintenant que la scurit de procdure devant
la COB parat aussi bien tablie que devant les tribunaux rpressifs, les remises en causes pour vice de
forme devraient disparatre.
Finalement, lanalyse de lefficacit des procdures de sanction devant la COB fait apparatre
un fait majeur : il nexiste pas de rgle dterminant le montant des sanctions qui doivent tre imposes.
La fragilit du systme tient majoritairement ce seul fait crant une incertitude sur lissue des
procdures (que ce soit dans la dcision COB elle mme ou dans la dcision dappel). De plus, les
sanctions imposes sont toujours infrieures au gain des initis. Les criminels ne sont alors pas
dissuads de commettre le dlit. La rpression boursire est plus efficace quavant la rforme de 1989
mais reste encore largement sous-dissuasive.