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Influence de l'hygrométrie du bois sur sa fissuration et son taux de restitution d’énergie: détermination du temps à rupture Ngoc Anh PHAN, Myriam CHAPLAIN, Stéphane MOREL Université Bordeaux 1, I2M/GCE, 351 cours de la libération-33405 Talence cedex France - [email protected] RÉSUMÉ. Cette étude consiste à modéliser et à simuler, d'une part, par une méthode des éléments finis et d'autre part, par le modèle Viscoelastic Crack Model (modèle VCM) pour étudier l'évolution de la propagation de la fissure de différents types d'éprouvettes. Ces éprouvettes sont soumises aux chargements mécaniques ainsi qu’aux variations des conditions hygrométriques (teneur en eau) pour quantifier plus précisément l’effet des conditions climatiques et de ses variations sur la rupture différée. Seules les variations de l'humidité relative de l’air sont prises en compte, celles-ci étant plus préjudiciables que les variations de températures. Ce travail se base sur le calcul des temps de rupture par la détermination du taux de restitution d’énergie (G) à diverses teneurs en eau du bois qui est considéré comme un matériau élastique orthotrope. Les propriétés de ruptures dans la critère de propagation de fissure en mode I (courbe de résistance (courbe-R)), telles que l’énergie de rupture au plateau (G Rc ) et la longueur de fissure critique (a c ), sont estimées sur la base de la Mécanique Linéaire Elastique de la Rupture Equivalente (MLER eq). ABSTRACT. The aim of this study is to model and to simulate, in one hand, using the finite element method, and in the other hand, using the Viscoelastic Crack Model (VCM), in order to study the evolution of the crack growth in different types of wood specimens. Specimens will be subjected to mechanical solicitations as well as variations of moisture conditions to describe more precisely the effect of climate conditions and its variations on the delayed fracture. Only the variations of the relative humidity of the air are taken into account, this latter being more harmful than temperature variations. This work is based on the calculation of failure time by determining the elastic energy release rate (G) at various moisture contents of the wood which is considered as orthotropic elastic material. Properties of fractures, such as the fracture energy (G r ) and the critical crack length (a c ) are estimated on the basis of the Linear Elastic Fracture Mechanics Equivalent. MOTS-CLÉS : Bois, Teneur en eau, Courbe-R, Propagation de fissure, Temps de rupture, Rupture différée. KEY WORDS: Wood, Moisture content, R-curve, Growth crack, Time of rupture, Delayed fracture.

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Influence de l'hygrométrie du bois sur sa fissuration et son taux de restitution d’énergie: détermination du temps à rupture

Ngoc Anh PHAN, Myriam CHAPLAIN, Stéphane MOREL

Université Bordeaux 1, I2M/GCE, 351 cours de la libération-33405 Talence cedex France - [email protected]

RÉSUMÉ. Cette étude consiste à modéliser et à simuler, d'une part, par une méthode des éléments finis et d'autre part, par le modèle Viscoelastic Crack Model (modèle VCM) pour étudier l'évolution de la propagation de la fissure de différents types d'éprouvettes. Ces éprouvettes sont soumises aux chargements mécaniques ainsi qu’aux variations des conditions hygrométriques (teneur en eau) pour quantifier plus précisément l’effet des conditions climatiques et de ses variations sur la rupture différée. Seules les variations de l'humidité relative de l’air sont prises en compte, celles-ci étant plus préjudiciables que les variations de températures. Ce travail se base sur le calcul des temps de rupture par la détermination du taux de restitution d’énergie (G) à diverses teneurs en eau du bois qui est considéré comme un matériau élastique orthotrope. Les propriétés de ruptures dans la critère de propagation de fissure en mode I (courbe de résistance (courbe-R)), telles que l’énergie de rupture au plateau (GRc) et la longueur de fissure critique (ac), sont estimées sur la base de la Mécanique Linéaire Elastique de la Rupture Equivalente (MLER eq).

ABSTRACT. The aim of this study is to model and to simulate, in one hand, using the finite element method, and in the other hand, using the Viscoelastic Crack Model (VCM), in order to study the evolution of the crack growth in different types of wood specimens. Specimens will be subjected to mechanical solicitations as well as variations of moisture conditions to describe more precisely the effect of climate conditions and its variations on the delayed fracture. Only the variations of the relative humidity of the air are taken into account, this latter being more harmful than temperature variations. This work is based on the calculation of failure time by determining the elastic energy release rate (G) at various moisture contents of the wood which is considered as orthotropic elastic material. Properties of fractures, such as the fracture energy (Gr) and the critical crack length (ac) are estimated on the basis of the Linear Elastic Fracture Mechanics Equivalent.

MOTS-CLÉS : Bois, Teneur en eau, Courbe-R, Propagation de fissure, Temps de rupture, Rupture différée.

KEY WORDS: Wood, Moisture content, R-curve, Growth crack, Time of rupture, Delayed fracture.

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31èmes Rencontres de l’AUGC, E.N.S. Cachan, 29 au 31 mai 2013 2

1. Introduction

Le bois est un matériau dont les propriétés mécaniques (élastiques, visqueuses, rupture...) sont liées aux conditions d'exposition (humidité relative de l'air, température) et à leurs variations. La durabilité du bois est ainsi affectée par les variations d’ambiance régissant le fluage ou la propagation de fissure. Les zones entourant les singularités ou les défauts, nombreux dans les composants structuraux bois (cernes, nœuds; sciage, séchage; angles vifs, perçages, trous d’assemblages…), sont des lieux favorables pour la propagation de fissures (appelés les zones de la concentration de contraintes) qui peuvent conduire à la rupture de la structure. La cinétique de la propagation des fissures sera alors dépendante de l’état interne de l’humidité du bois et de ses propriétés mécaniques: ces couplages restent encore mal connus. Aujourd'hui, de plus en plus d’études sur les structures bois se concentrent sur les effets possibles des variations climatiques ([FOS 82], [GUS 98], [CHA 06], [CHA 10]...). L’étude de l’évaluation de la stabilité et/ou de la propagation de ces fissures nécessite de déterminer l'influence d'humidité sur le champ des contraintes et des déformations au voisinage du fond de fissure.

Dans cet article, d’une part, des essais de propagation de fissure en mode I ont été réalisés sur des éprouvettes «mTDCB» (Modified Tapered Double Cantilever Beam) d’abord sous des chargements monotones pour déterminer les paramètres du critère de la propagation du fissure (GRc, ac) à diverses teneurs en eau moyenne H de l’éprouvette; puis sous des chargements constants en étuve sous variations de l’humidité relative de l’air (HR). Dans le second type d’essai, la température est maintenue constante pour valider ces paramètres dans ce critère.

Les études dans le paragraphe ci-dessus nous amène à étudier ensuite la durée de vie sur les grands échantillons (Poutres épaulement) par le modèle VCM. Les résultats obtenus à partir de VCM sont comparés aux résultats issus d’essais de rupture sous flexion avec un chargement constant sous différentes conditions climatiques (Région Aquitaine). Ces essais ont été réalisés au département Génie Civil et Environnemental (GCE) de l'Institut I2M, Bordeaux.

2. La propagation en mode I (mTDCB): essais et interprétation

La campagne expérimentale réalisée sur des éprouvettes mTDCB en mode I sur le pin Maritime avec la longueur de fissure initial a0 se divise en deux catégories : (i) Essais monotones sur l’éprouvette (a) et (ii) Essais à charge constante dans une étuve avec les conditions de température constante et à humidité relative variantes sur l’éprouvette (b) (l’éprouvette jumelle a) (Figure 1a).

Grâce à la pente de l’éprouvette mTDCB (Figure 1b), la force nécessaire pour déclencher la propagation de la fissure est quasi indépendante de la longueur de la fissure a tant que cette dernière reste dans la zone 1. L'évolution du taux de restitutions d'énergie sous une charge donnée est aussi quasi-constante dans cette zone inclinée.

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Figure 1. (a) découpe éprouvettes (b) Géométrie de l’éprouvette mTDCB (a0=40mm)

2.1. Essais monotones et courbe-R

La vitesse des essais (déplacement imposée) est de 1 mm/min pour H=12% ou 8% et 2 mm/min pour H=30% (en supposant que le teneur en eau de saturation Hsat=30%) afin d'obtenir une durée d'essai environ de 3 minutes permettant notamment de minimiser les effets viscoélastiques. Le dispositif d’acquisition enregistre le déplacement des points d’application de la charge à l'aide d'un capteur optique (Figure 2). Les résultats d’essai (Courbe force - déplacement) sont traités pour obtenir les courbe-R (ou courbes de résistance) estimées sur la base de la MLER équivalente.

Figure 2. Le dispositif d'essai monotone

La Mécanique Linéaire Elastique de la Rupture (MLER) ne peut pas directement s’appliquer aux matériaux quasi-fragiles compte tenu des phénomènes non linéaires dus à l’endommagement [BAZ 98]. Toutefois, une adaptation de la MLER, bien connue sous le nom de MLER équivalente (MLEReq), peut être utilisée. Cette approche s’appuie sur la notion de fissure élastique équivalente aeq correspondant à la fissure qui, dans un modèle élastique pur (i.e., au sens de la MLER), produira la même complaisance que le spécimen réel. Pour simplifier, dans la suite de cet article, on notera a au lieu de aeq. Afin de vérifier l’applicabilité de la MLEReq, des cycles de charge-décharge sont réalisés (Figure 3a). Suivant [MOR 05], la MLEReq sera applicable si la complaisance initiale d’un cycle donné passe par le point de

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décharge du cycle précédent à la teneur en eau H<30%). Si H est plus élevée (H=30%, Figure 3a), des déplacements supplémentaires de type visqueux se manifestent pour les durées d’essais importantes et rendent inapplicable la MLEReq pour les valeurs importantes de déplacements.

Figure 3. Courbe force – déplacement (courbe P-) (a) des cycles de charge-décharge

(b) la complaisance initiale expérimentale Cexp(a0)

Le taux de restitution d'énergie G, énergie stockée dans la structure, est déterminé par la formule suivante [MOR 05]:

a

aC

b

PaG

)(.

2)(

2 [1]

C(a) est la complaisance du spécimen (C(a) = /P), P est la force appliquée au spécimen et est le déplacement de la force P pour une longueur de fissure élastique équivalente a.

Pour calculer le taux de restitution d'énergie G(a) [1] dans chaque humidité considérée, une fonction de complaisance numérique (Cnum(a)) est calculée par éléments finis (Castem®) avec les propriétés élastiques mécaniques présentées sur le tableau 1, issues de [GUI 94]. La complaisance initiale expérimentale Cexp(a0) (la pente initiale dans la première partie linéaire lors la fissure n'a pas encore propagé) de la courbe force–déplacement), est déterminée (Figure 3b). Cette valeur permettra d’obtenir un coefficient de correction correspond également au rapport des modules effectif E* numérique et expérimental:cor = E*/E*

exp (=Cexp(a0)/Cnum(a0)) et ainsi d’exprimer un polynôme de complaisance propre à l'échantillon testés à une teneur en eau H considérée: C(a) = Cexp(a) = cor .Cnum(a) [MOR 05].

Une fois la longueur de fissure élastique équivalente a connue pour tout point de la courbe force-déplacement, il est alors possible d’estimer la résistance à la propagation de fissure, en fonction de a, à partir du taux de restitution d’énergie [2] qui viens de la formule [1] avec le coefficient de correction cor . Dans le cas des

0

100

200

300

0 4 8 12 16

P (

N)

(mm)

H=30%

H=12%

(a)

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essais monotones, G(a) correspond à l'évolution de la courbe-R : GR(a) = G(a) suivant l’expression ci-dessous :

cornum

R a

aC

b

PaG

)(.

2)(

2 [2]

Tableau 1. Propriétés élastiques mécaniques utilisées pour obtenir Cnum(a).

Teneur en eau EL(MPa) ET (MPa) GLT (MPa) H = 8% 14040 1181 1181 0,425 H = 12% 13500 1054 1094 0,425 H = 30% 11070 485 700 0,425

Sur la Figure 4a, on constate que la résistance à la propagation de fissure GR(a) devient indépendante de a lorsque cette longueur atteint une valeur critique ac

correspond à la longueur de fissure pour laquelle apparaît la résistance plateau GRc

[MOR 05]. L’évolution de GR(a) peut être exprimée par une loi puissance (Figure 4a) dont les caractéristiques moyennes sont déterminées dans le tableau 2.

(a) (b)

Figure 4. Courbes-R (a) et les valeurs GRc (b) à 3 différentes teneurs en eau H

Tableau 2. Caractéristiques moyennes des courbes-R obtenues pour les 3 teneurs en eau (écart-type entre parenthèses).

Type Nombre GRc (N/mm) ac (mm)

Humide (30%) 37 0.712 (0.186) 76.9 (10.6) 0.253 (0.158)

Ambiante (12%) 35 0.602 (0.171) 58.7 (8.4) 0.280 (0.159)

Sèche (8%) 22 0.494 (0.281) 51.2 (22.6) 0.211 (0.128)

Sur le Figure 4b, GRc est le plus élevé dans un environnement « humide », le plus faible au milieu « sec ». Les parties croissante des courbes-R se superposent, ça signifie qu’elles suivent la même parcours quelque soit la teneur en eau H, qui nous nécessite de connaître seule GRc et ac [3]. Par conséquent, les courbes-R pour autres teneurs en eau H (6%<H<Hsat) sont tracées dont GRc(H) est déterminée par régression linéaire grâce aux GRc connues à H=8%, 12% et 30% (Figure 4b) [3].

0.0

0.2

0.4

0.6

0.8

40 60 80 100 120

GR

(N/m

m)

a (mm)

Humide (H=30%)

Ambiante (H=12%)

Seche (H=8%)

0.40

0.45

0.50

0.55

0.60

0.65

0.70

0.75

8% 12% 16% 20% 24% 28% 32%

GR

c(N

/mm

)

H (%)

0

0

aaa

aaa

cc

%8Hca

%12Hca %30H

ca

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0 00

0

( )( , ) ( ) ( ):

( )

( , ) ( ) ( )

RcR c

c

R Rc c

G HG a a H a a si a a H Partie croissante

a a

G a a H G H si a a H

[3]

2.2. Essai de propagation sous HR variables

Pour valider les paramètres dans le critère de propagation de fissure (GRc, ac, obtenues à partir des essais monotones, dans le deuxième temps, des essais de propagation de fissure en fonction de l’humidité sont réalisés sur l’éprouvette (b), dans une enceinte climatisée où la température est maintenue constante à 20°C et l’humidité relative est alternée chaque 3h entre 40 % et 90% (durée du changement 20 minutes). La charge appliquée est constante et égale à 85% de celle utilisée dans les essais monotones. L'éprouvette est déposé sur une balance placée au sein de l’enceinte pour mesurer l’évolution de la masse d’eau durant l’essai. L’évolution de l’ouverture de la fissure est enregistrée tous les 5 minutes par un caméra (Figure 5) et traitée par l’analyse d'images pour mesurer la longueur de la fissure. La difficulté à distinguer le fond de fissure réelle entraine des perturbations sur la détermination des évolutions de la fissure.

Figure 5. Le dispositif d’essai de propagation de fissure sous HR variables

Les résultats expérimentaux sont ensuite comparés avec ceux de la simulation numérique basée sur la méthode des éléments finis dont les caractéristiques élastiques de chaque élément varient en fonction de leurs positions z (Figure 1) sous l’influence de l’humidité relative [CHA 11] comme suit :

1

4 2

1 12

exp ieq eq eqi i

i

fH z H z H H

[4]

Où Heqi est la teneur en eau moyenne d’équilibre sur la surface pendant une période i (i = 1: 1 an, i = 2: 3 mois, i = 3: 30,5 jours, i = 4: 1 an) et fi est la fréquence correspondant de la période i ; est le coefficient de dispersion égal à 2.10-10 (m2/s).

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Les caractéristiques élastiques sont ensuite déterminées en fonction de H% en utilisant les formules [5] proposées par Guitard [GUI 94] :

12

12

12

1 0.015( 12)1 0.015( 12) (6% )

1 0.030( 12)

L LLT L sat

T T

E E Het G G H H H

E E H

[5]

Où EL est le module Young dans la direction longitudinale (L), ET est le module Young dans la direction tangentielle (T) et GLT est le module de cisaillement.

Lors du calcul EF, à chaque instant, le taux de restitution d’énergie G(a,H) en mode I dans la zone singulière au fond de la fissure est calculé par la méthode M_theta et cette zone est maillée avec diamètre de 1mm en 6 couches. On impose virtuellement sur la fissure d'un incrément de a = 0,1 mm et l’on calcule l'énergie G(a+a,H). En utilisant les valeurs de la courbe R, le critère de propagation est défini comme suit [BAZ 98] :

( , ) ( , ) '

( , ) ( , )

( , ) ( , )

R

R

Rc

G a a H G a a H il n y a pas de propagation

G a a H G a a H la fissure se propage de valeur a

G a a H G a a H il y a de propagation instabe ou rupture totale

[6]

Les valeurs des longueurs de fissure obtenues par EF sont comparées avec celles expérimentales comme l’indique la Figure 6. La différence d’humidité relative entre la chambre de conditionnement des éprouvettes (HR 55%) et l’étuve explique l’augmentation de la teneur en eau moyenne H durant les premiers cycles d’humidité suivit par une phase plus stable.

Figure 6. Comparaison l’évolution de la fissure modélisée et expérimentale.

L’évolution de la longueur de fissure expérimentale et celle numérique ont des allures similaires bien que non confondues (Figure 6). Les différences peuvent être dues : (i) aux valeurs des propriétés élastiques du bois dans la modélisation extraites du pin Maritime [GUI 94] sont obtenues en utilisant une fonction de transfert unidirectionnel simple qui ne prennent pas en compte l’effet du gradient d’humidité (succession d’états d’équilibres) [4] ; (ii) aux propriétés de viscosité dans

11%

12%

13%

14%

15%

0

10

20

30

40

0 2 4 6

H (%

)

a (m

m)

Temps (jours)

Fissure_FEM (Castem)Fissure apparente_experimentaleH moyenne

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l’éprouvette ne sont pas non plus abordées ce qui amène une similarité partielle mais plus faible de l’évolution de la longueur de fissure dans la modélisation EF par rapport à celle expérimentale ; (iii) au critère de propagation de fissure qui s’appuie sur les propriétés des courbes-R (mode I) à diverses humidités : on n’a que des courbes-R pour 3 teneurs en eau (8%; 12% et 30%) et puis les courbes-R pour les teneurs en eau intermédiaires sont obtenues par interpolation linéaire de GRc (cf. 2.2).

Pour tenir en compte la viscosité du comportement du matériau en fonction de H et du temps et pour réduire le temps de computation de simulation, le modèle Viscoelastic Crack Model (VCM) est proposé dans cette étude et sera détaillé dans la partie suivante.

3. Simulation de la durée de vie pour poutre épaulement: Modèle VCM

Le modèle analytique VCM, qui nous permet de modéliser la rupture différée par fissuration, a été développé au GCE basé sur le modèle de Schapery qui a considéré une zone endommagée au fond de fissure et fait l’hypothèse d’un milieu orthotrope viscoélastique linéaire [SCH 75]. Ce modèle repose sur la superposition de la modélisation de deux mécanismes: d’une phase d’incubation conduisant à la création d’une macro-fissure qui est simplement traduite par un modèle d’endommagement ; et d’une phase de propagation de fissure traduite par un modèle de fissuration cohésive dans un milieu orthotrope viscoélastique.

Pour la phase d’incubation, l’état d’endommagement est caractérisé par une variable D variant de zéro lorsque le matériau est vierge, à la valeur Dcr lorsqu’une macro-fissure apparaît. Un calcul préalable sur ce spécimen avec une longueur fissure 5mm par éléments finis a permis de déterminer la valeur de Dcr = 0.01; cette valeur parait indépendante de H. Le modèle à cumul de dommage non linéaire proposé par Barrett et Foschi a été retenu [FOS 82]:

0( ) ( )( ). ( ) ( )

( )0 ( )

B

SS

S

F t F HdD tA C D t si F t F

dt F

dD tsi F t F

dt

[7]

A, B, C sont des paramètres du modèle, supposés indépendants de H ; F(t) est le charge à l'instant t ; Fo(H) représente le seuil de force en fonction de H ; Fs est la résistance statique de la structure à une teneur en eau de référence Href = 20%. Le niveau de charge est défini par SL=F(t)/Fs [CHA 11].

Une fois que Dcr est atteint, la phase de propagation de fissure se commence. Sa vitesse de la fissuration en utilisant les valeurs de courbe-R (GRc) est donnée par l’équation [8] [CHA 06] :

)(/),(.2),(

)(

),(

),()(2

)()(

2 0121

)/11(2/1

1

2 HCHaGHaKetHI

HaK

HaGHG

HHC

dt

daI

m

nI

n

Rc

n

[8]

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Dans la formule [8], KI(a,H), GI(a,H) sont respectivement le facteur d’intensité de contrainte et le taux de restitution d'énergie sur la structure en mode I ; mI1

traduit la distribution de contraintes cohésives au fond de fissure ; m est une fonction de la viscosité du matériau; Co, C2 et m sont des coefficients traduisant les propriétés viscoélastiques du matériau; H est la teneur en eau moyenne de l’éprouvette sauf mI1 qui dépend de H au fond de fissure.

Cette étude vise à réduire le temps de calculs de la durée de vie par donner une fonction de G en mode I qui dépend seule de a et H. Il nous permet de traiter rapidement la vitesse de fissuration par calcul numérique une fois que GI (ou KI) et GRc quelque soit la structure ainsi que les propriétés viscoélastiques du matériau sont connus.

Figure 7. Evolution du coefficient du taux de restitution f(a,H)

Figure 8. Temps de rupture expérimentaux et simulation de VCM

Autre type d’éprouvette, poutres à épaulement, est également étudiée comme l’indique la figure 7, où un calcul par éléments finis permet d’obtenir les fonction de GI(a,H) ou f(a,H). Le modèle VCM est appliqué afin de prédire la durée de vie de ses poutres en utilisant les valeurs GRc, ac dans les essais monotones (mTDCB) pour

0.000

0.010

0.020

0.030

50 100 150 200 250 300

f (a)

a (mm)

H=8% H=10% H=12% H=14%

H=16% H=18% H=20% H=22%

H=24% H=26% H=28% H=30%

0.5

0.6

0.7

0.8

0.9

1.0

1.1

0.001 0.1 10 1000 100000

SL calcul

t_rupture (heures)

HR cte=60%

HR cte=80%

Essais printemps

Essais été

Essais automne

Essais hivers

VCM (H=10%) (HR=60%)

VCM (H=17%) (HR=80%)

),(.),(2

2

Hafb

PHaG

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comparer avec les résultats expérimentaux d’essais réalisés au laboratoire pendant quatre saisons de la région Aquitaine et ceux obtenu dans une chambre de conditionnement (à HR = 60% et à HR = 80%) sous flexion avec un chargement constante avec le niveau de charge (SL = 0.55→1.10).

Sur la Figure 8, les simulations à HR égale à 60% et 80% sont proches des résultats expérimentaux. Pour un même SL, le temps de rupture dans un environnement humidité est plus faible que celui obtenu dans un environnement plus sec.

4. Conclusions

Les courbes-R du bois sont influencées par la teneur en eau, facteur important dans le calcul de la durée de service d’une construction en bois. La valeur des taux de restitution énergie critique GRc décroit lorsque la teneur en eau diminue. Les évolutions de fissures obtenues par la modélisation éléments finis et celles observées expérimentalement ont des allures similaires bien que non confondues de part les hypothèses simplificatrices que nous avons considérées. Des modélisations complémentaires (fonction de transfère, viscosité…) restent à étudier. Les temps de rupture prédits pour des poutres à épaulement par le modèle VCM sont proches des résultats obtenus dans le laboratoire ces dernières années.

5. Bibliographie

[BAZ 98] BAZANT Z.P., PLANAS J., "Fracture and size effect in concrete and other quasi-brittle materials". CRC Press, USA, 1998.

[CHA 06] CHAPLAIN M., GERARD V., "Fracture mechanics models applied to delayed failure of LVL beams", Holz als Roh - und Werkstoff, vol. 65, 2007, pp. 7-16.

[CHA 10] CHAPLAIN M., GERARD V., "Effects of relative humidity conditions on crack propagation in timber : experiments and modelling", WCTE, Portland, USA, 2010, 8p.

[CHA 11] CHAPLAIN M., BREYSSE D., MARACHE A., "Modelling time to failure of notched beams under random humidity variations of Atlantic environment", Eur. J. of Environmental and Civil Engineering, 1045-1058.

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