INETIQUES DE ONTAMINATION ET DE DE...

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CINETIQUES DE CONTAMINATION ET DE DECONTAMINATION DE CANARDS PAR LA CHLORDECONE PENDANT LE CONTROLE BIOLOGIQUE DES ADVENTICES DANS UN VERGER DE GOYAVIERS RAPPORT TECHNIQUE MAI 2013 F. Clostre 1 , A. Lavigne 2 , S. Jurjanz 3 , C. Jondreville 3 , C. Dalibard 4 , J.M. Liabeuf 4 , M. Lesueur-Jannoyer 1 1 CIRAD, Unité HortSys, PRAM, Le Lamentin, Martinique, F-97285 2 FREDON, Croix Rivail, Ducos, Martinique, F-97224 3 INRA, Université de Lorraine, USC 340, URAFPA, Vandoeuvre-lès-Nancy, F-54500 4 DAAF-Salim, Tivoli, Fort-de-France, Martinique, F-97262 DAAF-Salim

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CINETIQUES DE CONTAMINATION ET DE DECONTAMINATION DE

CANARDS PAR LA CHLORDECONE PENDANT LE CONTROLE BIOLOGIQUE

DES ADVENTICES DANS UN VERGER DE GOYAVIERS RAPPORT TECHNIQUE – MAI 2013

F. Clostre1, A. Lavigne2, S. Jurjanz3, C. Jondreville3, C. Dalibard4, J.M. Liabeuf4, M. Lesueur-Jannoyer1

1CIRAD, Unité HortSys, PRAM, Le Lamentin, Martinique, F-97285

2FREDON, Croix Rivail, Ducos, Martinique, F-97224

3INRA, Université de Lorraine, USC 340, URAFPA, Vandoeuvre-lès-Nancy, F-54500

4DAAF-Salim, Tivoli, Fort-de-France, Martinique, F-97262

DAAF-Salim

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Ce document doit être référencé comme suit : Clostre F., Lavigne A., Jurjanz S., Jondreville C., Dalibard C., Liabeuf J.M., Lesueur-Jannoyer M. (2013) Cinétiques de contamination et de décontamination de canards par la chlordécone pendant le contrôle biologique des adventices dans un verger de goyaviers. Document de synthèse Cirad-INRA-Université de Lorraine: 37 p.

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Remerciements Ce travail a été réalisé avec la collaboration de l’équipe de techniciens et vétérinaires du Pôle Santé et Protection animales et végétales du SALIM/DAAF 972 pour la préparation des échantillons de matrices animales et de Pamela Hartmeyer (URAFPA, INRA Nancy) pour la réalisation des dosages I-HCl. Nous remercions également Elisabeth Baeza (URA, INRA Nouzilly) pour la réalisation des dosages de matière grasse dans les tissus et pour ses commentaires avisés concernant la croissance et la physiologie des canards. Enfin, tous nos remerciements vont à l’agriculteur chez qui l’essai s’est déroulé pour son accueil et son implication dans le projet ainsi qu’à Christian Lavigne pour ses précieuses interventions sur le terrain.

L’étude des cinétiques de contamination et décontamination présentée dans ce rapport a été financée par le Plan National d’Action Chlordécone et la DAAF Martinique.

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Résumé

Introduction. Lors du désherbage biologique par des canards d’un verger planté sur sol pollué par la chlordécone, la chair et les œufs des animaux peuvent être contaminés à des teneurs les rendant impropres à la consommation. La valorisation de l’association entre verger et animaux est ainsi diminuée. L’expérimentation évalue la possibilité de décontaminer les animaux par un séjour hors sol. Matériel et méthodes. Des canards de Barbarie sont utilisés pour désherber une parcelle de goyaviers pendant 12 à 22 semaines, puis placés de 3 à 9 semaines dans un abri hors sol pour observer la cinétique de décontamination des tissus. Résultats. Le niveau de contamination des tissus augmente avec le temps de séjour sur le parcours contaminé. La décontamination hors sol permet de retrouver des teneurs en chlordécone inférieure à la LMR pour certains tissus. Conclusion et perspectives. L’intérêt du désherbage biologique par des canards d’un verger planté sur sol pollué par la chlordécone est réduit par la nécessité et la difficulté de décontamination des tissus. Dans ce cas, des animaux plus pérennes et non consommés, comme les oies, sont probablement préférables aux autres volailles. Une attention particulière doit être portée aux élevages familiaux en raison de la pratique d’autoconsommation.

Les résultats en 4 points :

1) La teneur en chlordécone des tissus augmente avec la durée d’exposition et diminue avec la durée de claustration.

2) La LMR est très rapidement dépassée dans tous les tissus (teneur du sol en chlordécone entre 0.36 et 0.51 mg/kg). Les teneurs observées dans les œufs et le foie sont élevées et demeurent supérieures à la LMR et le demeurent, même après une décontamination de 9 semaines.

3) Teneur des tissus en chlordécone (poids frais) : foie et œuf, jusqu’à 1000-1200 µg/kg ; gras abdominal, jusqu’à 170 µg/kg ; cuisse, jusqu’à 170 µg/kg ; dans les œufs, seul le jaune contient de la chlordécone, le blanc en étant dépourvu

4) Pour les canes en ponte, la demi-vie est estimée à trois semaines environ, et le temps de claustration nécessaire pour retrouver une concentration de chlordécone conforme à la réglementation de 80-100 jours pour l’œuf et d’environ 40 jours pour le muscle. Pour les autres individus (mâles), le temps nécessaire à la décontamination est vraisemblablement plus long.

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1. Introduction

Le désherbage biologique au moyen de volailles est une alternative à l’usage de pesticides dans les vergers. Cependant, l’ingestion par les animaux de sol pollué par la chlordécone (Figure 1) pourrait conduire à la contamination des produits, qu’il s’agisse des œufs ou de la chair.

Une précédente expérimentation en faveur d’une contamination potentiellement forte En 2010, la FREDON a mené une expérimentation d’élevage de poules pondeuses et de coqs sous des goyaviers, dans un verger différent de celui qui a fait l’objet de la présente étude. Après 22 semaines de pâturage sur une parcelle dont le sol présentait une teneur en chlordécone (CLD) de 1,7 mg/kg, des œufs et de la chair ont été analysées. Les œufs collectés contenaient 950 µg CLD/kg et la chair, prélevée sur des mâles, contenait 103 µg CLD/kg.

Les valeurs obtenues lors de cette expérimentation sur poules sont très largement supérieures à la LMR de 20 µg/kg (Règlement (EC) no 396/2005) et suggèrent une ingestion importante de sol et une forte accumulation de CLD par ces animaux. Ces éléments incitent à la prudence quant à l’utilisation de volailles pour le désherbage biologique sur terrain contaminé par la chlordécone, si le producteur souhaite valoriser les produits animaux. L’élevage de canards pourrait être une production d’intérêt tant pour la valorisation des produits animaux que pour l’entretien des vergers. Cependant, ni leur efficacité pour limiter le développement des adventices sous verger, ni leur propension à ingérer du sol ne sont connues. La FREDON a mis en place une expérimentation visant à évaluer la faisabilité de l’utilisation de cette espèce pour le désherbage d’un verger de goyaviers. Parallèlement, une expérimentation de suivi de la contamination de ces canards a été menée par le biais d’une mise en claustration de certains animaux et de l’analyse de la teneur en chlordécone de produits animaux (viande, foie, œufs..). L’objectif était de rechercher dans quelle mesure la chair de ces animaux est contaminée, et le cas échéant, de déterminer si une phase de décontamination consécutive à la phase de pâturage pourrait permettre le retour des produits animaux à des concentrations de chlordécone les rendant propres à la consommation (Regulation (EC) no 396/2005). Le présent rapport a pour objet de décrire cette expérimentation de suivi de la contamination et de la décontamination des canards et d’en présenter les résultats. Les données obtenues pourront par la suite être utilisées dans le cadre de l’estimation des niveaux de contamination des canards dans les élevages familiaux et de l’élaboration de recommandations pour les familles afin de limiter leur exposition (limitation de l’ingestion de sol par les canards ou de la consommation des œufs et/ou de la viande par la famille par exemple).

Figure 1 : Canards sur parcours

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2. Matériel et méthodes

2.1. Parcelle, parcours et bâtiment

La parcelle est plantée de goyaviers (Psidium guajava) associés à des caïmitiers (Chrysophyllum cainito) et à des longaniers (Dimocarpus longan) plantés sur l’inter-rang. Le couvert herbacé est composé d’un enherbement naturel et d’une légumineuse implantée (Desmodium sp.).

D’une surface de 1100 m², la parcelle est divisée en trois parcours de surface égale, soit 22 m² disponibles par canard au total et 7,3 m² par canard pour chaque parcours. En élevage biologique, la norme est de 4,5 m² par animal (RÈGLEMENT (CE) No 889/2008).

Des analyses antérieures du sol du verger indiquaient des teneurs comprises entre 0,5 et 0,9 mg CLD/kg MS (valeurs issues de prélèvements et de laboratoires différents). Une analyse du sol de chacun des trois parcours sur la profondeur 0-10 cm a été effectuée en complément pour les besoins de l’expérimentation.

Un bâtiment de 10 m² a été construit pour le suivi de la décontamination (Figure 2). Douze animaux y ont été placés à l’âge de 22 semaines pour une durée maximale de 6 semaines ; 3 animaux ont été ajoutés à l’âge de 23 semaines pour une durée de 9,3 semaines. La densité d’élevage en claustration a donc atteint 1,5 canard par m² (0,7 m² par canard) pendant 2 semaines.

Figure 2 : Abri de décontamination (extérieur et intérieur)

2.2. Animaux et conduite expérimentale

Le troupeau est constitué de 50 canards de Barbarie, non sexés, éclos le 15 février 2012. Les dates clés de l’expérimentation présentées dans le Tableau 1.

2.2.1. Schéma expérimental

a. Période pré-expérimentale

A trois jours (18/02), le poids moyen des canards était de 97 ± 6 g. Pendant six semaines, ils ont été élevés en claustration et ont reçu un aliment commercial ainsi que de l’herbe fraîchement coupée. A l’âge de 6,3 semaines (30/03), au poids moyen de 1320 ± 230 g, ils ont été placés sur une parcelle adjacente au verger à désherber. C’est la date considérée comme marquant le début de leur exposition à la chlordécone.

b. Période expérimentale

A l’âge de 10 semaines (24/04) chacun des canards a été identifié (drapeau à l’aile) et pesé.

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Le sexage a été réalisé d’après le poids corporel à 10 semaines, en considérant les 25 individus les plus lourds comme étant des mâles et les 25 les plus légers comme étant des femelles. Le but était une répartition équilibrée des animaux dans les lots en prévision d'une croissance différentielle suivant le type sexuel. En effet, en dépit de leur âge (10 semaines) les animaux ne pesaient que 1488 ± 281 g et le dimorphisme sexuel sur le plumage et la taille des animaux n’était pas encore apparent. Les 50 canards ont ensuite été placés sur les parcours (25/4). Chaque rotation durait trois semaines et consistait, pour chacun des trois parcours, en une semaine de pâturage suivie d’une période de repos (repousse) de deux semaines.

Tableau 1 : Dates clés de l’expérimentation

Date Age des canards

(semaines) Evènement Abattages

15/02/2012

Eclosion

30/03/2012 6.3 passage sur parcelle adjacente aux parcours, correspond au début

d’exposition

24/04/2012 9.9 identification des canards par pose de drapeau à l’aile

25/04/2012 10.0 passage sur parcours, correspond au début de l’expérimentation 1P

19/07/2012 22.1 passage en claustration des groupes 5C et 6C 2P

25/07/2012 23.0 ajout des groupes 7P et 8C au suivi, passage en claustration du groupe

8C

09/08/2012 25.1

3P et 5C

30/08/2012 28.1

4P et 6C

28/09/2012 32.3 7P et 8C

Dans chacun des deux sous-groupes de 25 animaux, les 18 présentant le poids vif le plus proche de la moyenne ont été sélectionnés. Ces 36 animaux ont été répartis en six groupes (Parcours : groupes 1P, 2P, 3P et 4P ; Claustration : groupes 5C et 6C) de six animaux chacun, trois choisis parmi les animaux lourds et trois choisis parmi les animaux légers donc théoriquement trois mâles et trois femelles. Les 14 animaux restants ont été élevés avec les groupes sur parcours (P) mais n’étaient pas prévus dans le plan d’abattage, ils constituaient une réserve d’individus pour éventuellement compléter l’effectif de l’expérimentation. Une mortalité importante sur le parcours (voir section 2.2.2) survenue lorsque les animaux étaient âgés de 12 à 15 semaines (soit 2 à 5 semaines après le début de l’expérimentation) a nécessité d’utiliser une partie de cette réserve de 14 animaux pour remplacer les 8 animaux morts. Le 25 juillet, le problème de mortalité étant résolu, il a été décidé d’utiliser les 6 individus « de réserve » restants pour constituer deux groupes supplémentaires (7P et 8C). Après une exposition de 3,7 semaines sur la parcelle adjacente aux parcours, les animaux ont été placés sur parcours. L’exposition sur parcours a duré entre 0 et 22,3 semaines suivant le groupe puis certains groupes ont été placés en claustration pour une période de décontamination de 3 à 9 semaines (Tableau 1, Tableau 2). Les animaux du premier groupe (1P) ont été abattus au début de l’expérimentation, marqué par le passage sur parcours. Les animaux des groupes 2P, 3P et 4P ont été élevés sur les parcours pendant respectivement 4, 5 et 6 rotations de 3 semaines puis ont été abattus. Les animaux des groupes 5C et 6C ont eu accès au parcours pendant 4 rotations de 3 semaines puis ont été placés en claustration (période sans exposition) pendant respectivement 3 et 6 semaines avant d’être abattus. Les deux groupes supplémentaires ont passé 22 semaines sur le parcours pour le groupe 7P et 13 semaines sur le parcours suivies de 9 semaines d’élevage en claustration pour le groupe 8C. Au total, 42 animaux ont donc fait l’objet d’un suivi individuel de contamination.

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Tableau 2 : Durée des périodes d’élevage et âge des animaux (semaine) selon le groupe

Date et âge des animaux (semaines) Durée (semaines)

Groupe Début de

l'exposition Début de

l'expérimentation Mise en

claustration Abattage Expérimentation Exposition Claustration

n Date Age Date Age Date Age Date Age Totale1 Parcours

1P 6 30/3 6,3 25/4 10,0 25/4 10,0 0,0 3,7 0,0

2P 6 30/3 6,3 25/4 10,0 19/7 22,1 12,1 15,9 12,1

3P 6 30/3 6,3 25/4 10,0 9/8 25,1 15,1 18,9 15,1

4P 6 30/3 6,3 25/4 10,0 30/8 28,1 18,1 21,9 18,1

5C 6 30/3 6,3 25/4 10,0 19/7 22,1 9/8 25,1 15,1 15,9 12,1 3,0

6C 6 30/3 6,3 25/4 10,0 19/7 22,1 30/8 28,1 18,1 15,9 12,1 6,0

7P 3 30/3 6,3 25/4 10,0 28/9 32,3 22,3 26,0 22,3

8C 3 30/3 6,3 25/4 10,0 25/7 23,0 28/9 32,3 22,3 16,7 13,0 9,3 1Sur la parcelle adjacente puis sur les parcours

Il est à noter qu’en conditions classiques d’élevage sur parcours pour la production de viande, les mâles sont abattus à 12 semaines et les femelles sont abattues à 10 semaines. Néanmoins, ce suivi de contamination s’inscrivait dans le cadre d’une étude de désherbage de verger par les canards et non uniquement d’élevage pour la vente de viande. Les conditions d’alimentation plutôt extensives de cette expérimentation ont nécessité de prolonger la durée d’élevage.

2.2.2. Distribution d’aliment

Trois mangeoires et trois abreuvoirs étaient disponibles sur les parcours. Pendant toute la durée d’élevage, les animaux ont eu à disposition de l’eau à volonté. L’eau fournie provenait du réseau d’eau potable, sauf en fin d’expérimentation où l’eau de la Manzo (eau de surface habituellement utilisée pour l’irrigation) a été distribuée certains jours sur les parcours. La ration d’aliment était distribuée chaque jour. Elle était constituée de maïs grain et d’un aliment du commerce distribué sous forme de farine. Jusque début juin, soit 5 semaines après le début de l’expérimentation, l’alimentation était constituée à parts égales de maïs grain et d’aliment complet. La quantité distribuée était ajustée à 60 g quotidiens par animal. Cette restriction alimentaire, qui avait pour objectif de contraindre les canards à consommer de l’herbe, est vraisemblablement à l’origine de la mortalité constatée. Par la suite, la quantité distribuée a été augmentée et la part de l’aliment complet dans la ration est passée progressivement de 60 à 100 % (Tableau 3). Durant la claustration, les sources de contamination ont été limitées par un passage hors sol des canards, l’utilisation de distributeurs d’aliments suspendus et d’abreuvoirs surélevés. De plus l’alimentation était exclusivement composée d’aliment du commerce, indemne de chlordécone, et l’eau était issue du réseau d’eau potable.

Tableau 3 : Quantités de maïs et d’aliment complet1 distribuées par canard (g) pendant la période

expérimentale

Parcours Claustration

Semaine Maïs Aliment complet Aliment complet

1 à 5 30 30

6 à 12 56 83

13 à 15 33 100 133

16 à 22

167 167 1 L’aliment est un aliment destiné aux poulettes, dont la composition est présentée à l’Annexe 1.

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2.3. Collecte de données et d’échantillons

2.3.1. Performances des animaux

L’effectif des animaux a été contrôlé quotidiennement (mortalité). Les animaux ont été pesés individuellement avant l’entrée sur les parcours et après chaque cycle de pâturage, soit toutes les 3 semaines, ainsi qu’à l’abattage.

2.3.2. Caractérisation du sol

Du sol (0-10 cm) a été prélevé dans chacun des trois parcours ; un échantillon composite a été constitué à partir de 15 prélèvements unitaires répartis sur chaque parcours. Ses teneurs en chlordécone et en cendres insolubles dans l’acide chlorhydrique (I-HCl) ont été déterminées. Dosé dans les fientes, ce dernier composé est un marqueur de l’ingestion de sol par les animaux sauvages ou d’élevage élevés en plein air (Beyer et al., 1994 ; Jurjanz et al., 2013).

2.3.3. Collecte et préparation des matrices animales et des aliments pour analyses

Cinq abattages ont eu lieu (26 avril, 19 juillet, 9 août, 30 août et 28 septembre) (Tableau 2). Au moment de l’abattage, les animaux ont été pesés et leur sexe a été déterminé par dissection. A l’abattage, le gras abdominal, le foie et les deux cuisses ont été prélevés sur chaque individu. Les cuisses ont été désossées. L’une a été débarrassée de la peau alors que la peau a été préservée sur la seconde. L’échantillon de cuisse sans peau permet l’évaluation de la chair (muscle), celui de cuisse avec peau correspond à la référence règlementaire en vigueur. Sur les femelles de plus de 20 semaines, les follicules (jaune de l’œuf) présents ont été prélevés. L’intestin a été vidé de son contenu afin de collecter les fientes. Chaque échantillon a été pesé. Chaque échantillon de gras abdominal, foie et cuisses désossées avec peau ou sans peau a été haché grossièrement (avec un couteau). Des aliquotes ont été constituées et expédiées au(x) laboratoire(s) ; lorsque la quantité de matrice le permettait, un double a été conservé en Martinique (Cirad). Certains échantillons de gras abdominal ont dû être regroupés par sexe afin de fournir suffisamment de matrice au laboratoire. Ces échantillons ont ensuite été congelés sous vide à -18°C. Les fientes collectées ont été placées dans des barquettes et congelés à -18°C. Elles ont ensuite été lyophilisées, pesées à la sortie du lyophilisateur et mises sous vide. Les quantités collectées étant faibles, les échantillons ont été regroupés par date d’abattage afin d’obtenir le poids minimum pour la réalisation du dosage de I-HCl. Un échantillon de maïs et un échantillon d’aliment ont également été prélevés pour dosage de I-HCl. Lors des cinq dernières semaines d’expérimentation, les œufs ont été prélevés quotidiennement sur les parcours et dans le bâtiment de claustration. Les œufs ont été conservés au frais avant de choisir une journée de ponte par semaine. Pour chaque date sélectionnée, les œufs entiers puis sans coquille ont été pesés ; un composite a ensuite été constitué avec l’ensemble des œufs du jour. Les échantillons ainsi obtenus ont été congelés avant dosage de la chlordécone. De plus, le blanc et le jaune d’un œuf ont été séparés afin de confirmer la répartition de la chlordécone au sein de l’œuf entre ces deux matrices.

2.4. Caractérisation analytique des échantillons collectés

2.4.1. Chlordécone

La chlordécone a été dosée dans les échantillons préalablement congelés de foie, de gras abdominal, de cuisse sans peau, de cuisse avec peau, d’œufs (mélange blanc + jaune), de blanc d’œufs et de jaunes d’œufs. Le laboratoire d’analyse est le LDA 56. L’homogénéisation a été effectuée avec un UltraTurex (IKA-Werke GMBH, KG Staufen, Germany). Le LDA 56 utilise la méthode de référence de l’Anses (POP09) pour déterminer les résidus de chlordécone dans les matrices animales. Après une extraction par solvant organique en milieu acide, une chromatographie en phase liquide et une détection par spectrométrie de masse en tandem (LC-MS/MS) sont effectuées. Au total, 179 échantillons ont été préparés et expédiés pour analyse des résidus de chlordécone sur 9 matrices différentes de canards (Tableau 4).

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Tableau 4 : Echantillons pour analyses de chlordécone par matrice

Type Chlordécone (LDA56)

Gras abdominal Cuisse avec peau Cuisse sans peau

Foie Grappe ovarienne

Jaune en formation Œufs

Jaune d’œuf Blanc d’œuf

35 42 42 41 1 6

10 1 1

Total 179

2.4.2. Lipides totaux

Les lipides totaux ont été dosés par extraction à froid au chloroforme-méthanol (Folch et al., 1957) dans les échantillons de cuisse sans peau (42), de foie (42) et dans 1 jaune d’œuf en formation. Ces analyses ont été effectuées à l’unité de Recherches Avicoles de l’INRA de Tours (Unité de Recherches Avicoles).

2.4.3. I-HCl

Les cendres insolubles dans l’acide chlorhydrique (I-HCl) ont été dosées dans l’aliment (maïs et aliment complet), le sol et les fientes regroupées. Dans les fientes, les cailloux de diamètre supérieur à 2 mm ont été séparés et pesés. Les analyses ont été conduites sur des échantillons broyés à 2 mm au moyen d’un broyeur planaire. I-HCl est le résidu obtenu après incinération et traitement avec HCl 3N, selon la méthode décrite par van Keulen et Young (1977).

2.5. Calculs et analyses statistiques

2.5.1. Calculs

a. Teneur en chlordécone des tissus

La teneur en chlordécone des tissus, fournie par le laboratoire, est exprimée sur la base de la matière fraîche (µg/kg MF) conformément à la réglementation. Pour le foie, la cuisse sans peau, le gras abdominal et l’œuf, cette teneur est également exprimée sur la base de la matière grasse (MG). Le calcul repose sur la teneur en matière grasse mesurée pour le foie et la cuisse sans peau. Pour le gras abdominal et l’œuf, des valeurs de respectivement 950 et 141 g MG/kg MF ont été retenues (Thapon et Bourgeois, 1994).

b. Estimation de l’ingestion de sol

Afin de pouvoir quantifier le sol ingéré par les canards, il est nécessaire de connaître non seulement la quantité d’aliment ingéré, mais également de quantifier l’ingestion d’autres matrices environnementales comme les végétaux du couvert ou les fruits tombés au sol. L’ingestion de sol est estimée par date d’abattage à partir de la teneur en cendres insolubles des fientes, du sol et des matrices végétales présentes sur le parcours (végétation herbacées et goyaves tombées au sol) selon la méthode décrite par Beyer et al. (1994). Dans un premier temps, la proportion de sol dans la matière sèche ingérée a été estimée de la façon suivante : Soit x la proportion d’aliment et de végétaux dans la ration et (1-x) la proportion de sol dans la ration, sur la base de la matière sèche ingérée.

a = digestibilité de la matière sèche de la fraction aliment + végétaux, b = teneur en IHCl de la fraction aliment + végétaux (g/ kg MS), c = teneur en IHCl du sol (g/ kg MS)

Y = Teneur en I-HCl des fientes (g/ kg MS)

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IHCl excrété (g/ kg MSI) = IHCl ingéré (g/ kg MSI) = b x + c (1-x)

MS excrétée (g/ kg MSI) = x + (1-a) (1-x) = 1 + ax -a

Y = [b x + c (1-x)]/[ 1 + ax -a]

x = [Y – aY – b] / [-b + c - aY]

La quantité de sol ingérée quotidiennement par canard a été estimée en prenant en considération l’ingestion d’aliment présentée au Tableau 3 et une ingestion de végétaux de 350 g par jour (200 g de plantes et 150 g de goyaves).

2.5.2. Analyse statistique des données

Toutes les analyses ont été conduites avec le logiciel SAS (version 9.1, 1999, Cary NC). Le canard est considéré comme l’unité expérimentale, à l’exception de la demi-vie qui été estimée à partir des valeurs moyennes par traitement expérimental.

a. Poids des canards (mâles + femelles)

Le poids corporel des animaux a été étudié selon la procédure MIXED selon un dispositif en randomisation totale. Le modèle incluait le type sexuel, l’âge de l’animal et leur interaction. Pour tenir compte de la corrélation entre les poids successivement mesurés sur un même canard, l’âge a été introduit dans le modèle au moyen de la commande « repeated ». La structure de la covariance a été décrite au moyen de la commande «Ar(1)», indiquant que la corrélation entre les poids mesurés sur un même animal diminue lorsque l’intervalle de temps augmente. Les moyennes ont été comparées au moyen d’un test de Tukey-Kramer. Les différences sont considérées comme significatives pour P < 0,05.

b. Teneur en chlordécone des tissus

Comparaison des tissus entre eux

Une analyse de covariance a été conduite selon la procédure GLM afin d’estimer le degré de corrélation entre les concentrations de chlordécone dans les différents tissus, en prenant le gras abdominal comme référence. Le modèle incluait la teneur en chlordécone du gras abdominal, le sexe et leur interaction.

Effet du traitement expérimental sur la teneur en chlordécone des tissus

Compte tenu du déséquilibre entre mâles et femelles, cette analyse n’a pu être conduite que sur les femelles. Les résultats obtenus sur les mâles sont présentés sans analyse statistique en raison de leurs faibles effectifs (13 individus au total, voir section 3.2.1.b). Une analyse de variance a été conduite selon la procédure MIXED, selon un dispositif en randomisation totale. Le modèle incluait le traitement expérimental, le tissu et leur interaction. Pour tenir compte de la corrélation entre les différents tissus (foie, gras abdominal, cuisse) prélevés sur un même canard, le tissu a été introduit dans le modèle au moyen de la commande « repeated ». La structure de la covariance a été décrite au moyen de la commande «compound symmetry (CS) » indiquant que les toutes les mesures provenant d’un même canard sont considérées comme également corrélées. Les moyennes ont été comparées au moyen d’un test de Tukey-Kramer. Les différences sont considérées comme significatives pour P < 0,05.

Estimation de la demi-vie de la chlordécone

Comme précédemment, ce calcul n’a été conduit que sur les femelles. Les moyennes obtenues avec les traitements 2P, 5C, 6C et 8C ont ensuite été soumises à une régression non linéaire au moyen de la procédure NLIN de SAS afin d’estimer la demi-vie de la chlordécone. Les paramètres k et I ont été ajustés au moyen d’un modèle cinétique de premier ordre de la forme suivante : Yt =(I/k)* e-kt avec Yt, la concentration de chlordécone dans le foie, le gras abdominal ou la cuisse avec ou sans peau (µg/kg) au temps t (jour). La demi-vie est estimée par ln(2)/k.

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Le temps requis (tR) pour atteindre les concentrations réglementaires (CR) de 20 µg/kg MF dans le foie et la cuisse et de 200 µg/kg dans le gras abdominal ont été estimées selon l’équation suivante : tR = (ln(I/k)-lnCR)/k.

3. Résultats et discussion

3.1. Caractérisation du sol

3.1.1. Concentration de chlordécone dans le sol

La teneur en chlordécone du sol s’élève à 0.36 mg/kg MS sur les parcours 1 et 2 à et à 0.51 mg/kg MS sur le parcours 3. Ces valeurs sont légèrement inférieures aux 0,5 et 0,9 mg CLD/kg MS préalablement dosés sur cette parcelle. La teneur en cendres et en cendres insolubles du sol s’élève à respectivement 874±2.7 et 535±1.2 g/ kg MS (n=3 parcelles).

3.2. Caractérisation du troupeau de 42 canards (mâles et femelles)

3.2.1. Croissance

a. Courbe de croissance pour le troupeau entier

A l’abattage, il s’est avéré que 29 des 42 canards abattus étaient des femelles soit 70% de l’effectif suivi. Le dispositif est donc déséquilibré, ce qui limite les possibilités de comparaison des deux sexes. Quel que soit l’âge des animaux, les mâles sont plus lourds que les femelles (P < 0,001), mais la différence s’accentue avec l’âge (age*sexe, P < 0,001) (Figure 3, Tableau 5). Le changement d’alimentation opéré 5 semaines après le début de l’expérimentation a permis la reprise de la courbe de croissance et de stopper la mortalité probablement due au rationnement trop sévère et trop précoce.

Par rapport aux croissances standards (références obtenues dans des conditions d’élevage de métropole), les poids habituels d’abattage de 4700 g, atteints à 12 semaines pour les mâles, et de 2600 g, atteints à 10 semaines pour les femelles, ne sont atteints qu’à un âge de 25 semaines, soit un retard d’environ 13-15 semaines. Ces performances détériorées sont encore très probablement liées au rationnement trop précoce et trop important. Une mauvaise adaptation de la souche utilisée aux conditions climatiques pourrait également y avoir contribué.

Tableau 5 : Evolution du poids corporel des canards selon leur sexe

Age Mâles Femelles Mâles

vs femelles

semaine

n PV (g)

n PV (g)

10

13 1771 a

29 1316 a

*** 13

9 1804 a

27 1340 a

***

16

9 2082 b

27 1568 b

*** 19

9 3018 c

27 2170 c

***

22

9 3775 d

27 2494 d

*** 25

7 4683 f

23 2627 e

***

28

4 4363 e

14 2471 d

***

Probabilités

Age

***

Sexe

*** Age*sexe

***

ETR 233

13

Intra sexe, les moyennes non suivies d’une même lettre diffèrent (P<0,05) ; Intra âge, les moyennes diffèrent

entre sexe (P<0,001) (Tableau 5) En pointillés : courbes standard pour le canard de Barbarie selon Sauveur et Carville (1990) (Noirs, mâles ; gris,

femelles) Les numéros indiquent l’âge d’abattage des animaux (1, groupe 1P ; 2, groupe 2P ; 3, groupes 3P et 5C ; 4,

groupes 4P et 6C ; 5, groupes 7P et 8C) Début de l’exposition : mise sur parcelle adjacente au parcours ; début de l’expérimentation de désherbage et

de suivi de contamination: passage des animaux sur parcours

Figure 3 : Courbe de croissance des canards selon leur sexe comparée aux courbes standards (Sauveur et Carville, 1990)

b. Courbe de croissance par sexe et par traitement expérimental

Compte tenu du déséquilibre des effectifs entre sexes, il est impossible de mettre en œuvre le modèle faisant intervenir le sexe, le traitement expérimental et leur interaction (Tableau 6).

La courbe de croissance des animaux par traitement laisse apparaître des disparités entre traitements chez les mâles, exacerbés par le faible effectif, parfois réduit à un individu. En particulier, les mâles des traitements 5C et 7P présentent une courbe de croissance atypique qui rend difficile l’exploitation des résultats (n=1) (Figure 4). Le groupe 8C était constitué exclusivement de femelles. C’est pourquoi la détermination de l’effet du traitement expérimental sur la concentration de chlordécone dans les tissus a été limitée aux femelles. Les résultats obtenus chez les mâles sont présentés de façon descriptive uniquement.

a ab

c

d

fe

a ab

cd e d

Début de l'exposition

Début de l'expérimentatio

n

*** *** *** *** *** *** ***

❸❹ ❺

0

1000

2000

3000

4000

5000

6000

7000

0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24 26 28 30 32

Po

ids

vif

(g)

Age (semaine)

Mâles Femelles Troupeau de 50 canards

14

Tableau 6 : Poids corporel des animaux au début de l’expérimentation et à l’abattage selon le traitement expérimental et le type sexuel

Poids corporel (g)

Traitement Age à l'abattage

(semaines) Exposition (semaines)

Claustration (semaines)

n

10 semaines Abattage

M F

M F M F

1P 10.0 3.7 0.0 4 2

1675 1250 1740 1283 2P 22.1 15.9 0.0 2 4

1938 1300 3872 2371

3P 25.1 18.9 0.0 2 4

1950 1275 4461 2555 4P 28.1 21.9 0.0 2 4

1813 1263 4577 2537

5C 25.1 15.9 3.0 1 5

1650 1330 4660 2698 6C 28.1 15.9 6.0 1 5

1925 1365 4205 2362

7P 32.3 26.0 0.0 1 2

1350 1375 3916 2281 8C 32.3 16.7 9.3 0 3

1358

2770

Gris, femelles ; Noir, mâles ; Pointillés, traitements avec claustration ; traits pleins, traitements sans

claustration ; entre parenthèse, effectif d’animaux

Figure 4 : Courbe de poids des animaux selon le traitement expérimental

3.2.2. Caractérisation des tissus à l’abattage

a. Teneur en matière grasse des tissus

Les données individuelles sont présentées à l’Annexe 2. La teneur en matière grasse des tissus est très variable d’un individu à l’autre. La teneur en matière grasse hépatique se situe pour la plupart des dosages en deçà de 80 g/kg. Toutefois, à partir de 25 semaines d’âge, certaines femelles, élevées en claustration, présentent des teneurs excédant les 100 g/kg. Cette augmentation pourrait être expliquée par l’entrée en ponte de ces animaux. Toutefois, certaines canes dont l’entrée en ponte est avérée (collecte d’œufs le jour de l’abattage) ne présentaient pas ces teneurs élevées (Annexe 2). La teneur en matière grasse de la cuisse (sans peau) est variable pour une date d’abattage donnée. Elle semble plus élevée chez les femelles en claustration que chez les femelles maintenues sur le parcours. Intra sexe, les teneurs en matière grasse des deux tissus sont peu corrélées au poids d’abattage et peu corrélées entre elles.

1P(4)

2P(2)

2P(4)

3P(2)

3P(4)

4P(2)

1P(2)

4P(4)

5C(1)

5C(5)

6C(1)

6C(5)

7P(1)

8C(3)

Début claustration (5, 6,

8)

7P(2)

0

500

1000

1500

2000

2500

3000

3500

4000

4500

5000

0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24 26 28 30 32

Po

ids

vif

(g)

Age (semaine)

15

b. Teneur en chlordécone des tissus

Les concentrations de chlordécone dans les tissus sont bien corrélées entre elles, en particulier lorsqu’elles sont exprimées sur la base du produit brut (Tableau 7, Figure 5). Les coefficients de détermination de la relation linéaire entre la concentration dans les tissus et celle du gras abdominal sont compris entre 0.8 et 0.9. La cuisse est de l’ordre de deux fois moins concentrée en chlordécone que le gras abdominal. Au contraire, le foie est de l’ordre de trois fois plus concentré en chlordécone que le gras abdominal. Les pentes sont 1,2 fois plus élevées chez les femelles que chez les mâles (P<0.01 et P=0.09 pour la cuisse respectivement avec peau et sans peau). Pour le foie, ce rapport atteint 1,7 (P<0.01). Toutefois, compte tenu du déséquilibre dans le dispositif expérimental, cet effet du sexe devrait être confirmé. L’expression des teneurs en chlordécone sur la base de la matière grasse détériore de façon substantielle la corrélation entre les tissus, avec des coefficients de détermination réduits à 0,6 (Tableau 8, Figure 6). Exprimée sur la base de la matière grasse, la concentration de chlordécone dans la cuisse sans peau et dans le foie est de l’ordre de respectivement 10 et 50 fois plus élevée que dans le gras abdominal. La concentration élevée dans le foie par rapport aux autres tissus est caractéristique de la chlordécone, qui s’accumule préférentiellement dans le tissu hépatique, chez l’humain (Cohn et al. 1978), la souris (Hewitt et al. 1986) et le rat (Egle et al. 1978; Belfiore et al. 2007). Toutefois le facteur 50 observé est très élevé et apparaît dès le premier prélèvement (soit après 3.7 semaines d’exposition). La concentration de chlordécone dans le gras intramusculaire de l’ordre de 10 fois plus élevée que dans le gras abdominal pourrait être due à un dépôt de gras corporel perturbé en raison de la courbe de croissance atypique des animaux. En effet, les animaux rationnés voire carencés déposent peu de gras abdominal. Les lipides synthétisés sont en priorité dirigés sur le cerveau, le muscle cardiaque puis les muscles lisses et squelettiques avant d’être stockés dans les tissus adipeux. Le dépôt de gras abdominal serait donc intervenu de façon très tardive ; ce qui serait cohérent avec l’observation de gras abdominal en faible quantité lors des premiers abattages). Sur le plan de la cinétique de dépôt du chlordécone ce dernier se serait donc accumulé en priorité dans les tissus musculaires avant d’être stocké dans le gras abdominal.

Tableau 7 : Relation entre la concentration de chlordécone dans la cuisse et dans le foie (µg/kg) avec la concentration de chlordécone dans le gras abdominal (µg/kg)

Chlordécone (µg/kg)

Cuisse avec peau

Cuisse sans peau

Foie

Paramètre P

Paramètre P

Paramètre P

Intercept

NS

NS

NS CLD gras abdominal (µg /kg)

Mâles

0.481 <0.001

0.436 <0.001

2.30 <0.001

Femelles

0.585 <0.001

0.511 <0.001

3.82 <0.001

CLD gras abdominal * sexe

<0.01

0.09

<0.01

etr

15.2

18.2

151 R² 0.91 0.85 0.81

Etr, écart type résiduel ; R², coefficient de détermination

16

Tableau 8 : Relation entre la concentration de chlordécone dans la cuisse et dans le foie (µg/kg MG) avec la concentration de chlordécone dans le gras abdominal (µg/kg MG)

Chlordécone (µg/kg MG)

Cuisse sans peau Foie

Paramètre P

Paramètre P

Intercept

NS

NS CLD gras abdominal (µg /kg MG)

Mâles

12.1 <0.001

46.9 <0.001

Femelles

9.2 <0.001

48.4 <0.001

CLD gras abdominal * sexe

0.07

NS

etr

741

3139 R² 0.63 0.64

Etr, écart type résiduel ; R², coefficient de détermination

Figure 5 : Relation entre la concentration de chlordécone dans la cuisse et dans le foie (µg/kg) avec la concentration de chlordécone dans le gras abdominal (µg/kg) et relation entre la concentration de

chlordécone dans la cuisse avec et sans peau (µg/kg)

Figure 6 : Relation entre la concentration de chlordécone dans la cuisse et dans le foie (µg/kg MG) avec la concentration de chlordécone dans le gras abdominal (µg/kg MG)

17

3.3. Résultats obtenus sur la population des femelles

Les résultats sont présentés dans les Tableau 9, Tableau 10 et Tableau 11. Les concentrations de chlordécone dans les tissus, exprimées sur la base du produit brut (matière fraîche), sont présentées de la Figure 7 à la Figure 11. Exprimées sur la base de la matière grasse, elles sont présentées à l’Annexe 3.

3.3.1. Caractérisation du troupeau

a. Poids des canes

Le poids des animaux abattus au début d’expérimentation (1P, 1283 g) est le plus faible (P<0.05). Celui des animaux abattus entre 22 et 32 semaines reste stable, compris entre 2362 g (6C, canes abattues à 28 semaines après 6 semaines de claustration) et 2770 g (8C, canes abattues à 32 semaines après 9 semaines de claustration) (Tableau 9). La comparaison deux à deux des couples parcours/claustration (3P vs 5C, 4P vs 6C et 7P vs 8C) ne fait pas apparaître de tendance à l’augmentation systématique du poids corporel lors de la mise en claustration (Tableau 9).

b. Entrée en ponte

Certaines femelles sont entrées en ponte à partir du 15 août, à l’âge de 26 semaines, soit entre les abattages 3 et 4. Ainsi, les femelles des groupes 4P et 6C, abattues à l’âge de 28 semaines et celles des groupes 7P et 8C, abattues à l’âge de 32 semaines pouvaient être en ponte. Toutefois, les femelles en ponte n’ont pas pu être identifiées individuellement.

3.3.2. Caractérisation des tissus et des œufs

a. Concentration de matière grasse dans les tissus (foie et cuisse sans peau)

La teneur en matière grasse du foie est supérieure à celle de la cuisse sans peau (81 vs 59 g/ kg, tissu, P<0.01). Intra tissu, la variabilité interindividuelle ne permet pas de distinguer les différents traitements (P>0.1), bien que la concentration de matière grasse varie de 44 à 77 mg/kg dans la cuisse et de 44 à 116 mg/kg dans le foie (Tableau 9). La variabilité de la teneur en MG dans la cuisse est due à l’âge (augmentation de la MG avec l’âge en principe), à la quantité d’aliment distribuée, au sexe (femelles plus grasses que les mâles) et à l’état physiologique (canes en ponte plus grasses que canes non pondeuses). De même pour le foie, dont la teneur en lipides augmente fortement lorsque les canes sont en ponte.

18

b. Concentration de chlordécone dans les tissus

Foie, cuisse, gras abdominal

De façon générale, le foie présente une concentration de chlordécone plus élevée que le gras abdominal ou la cuisse (Tissu, P < 0.001). De même, la concentration de chlordécone augmente avec la durée d’exposition et diminue avec la durée de claustration (Traitement, P < 0.001). Toutefois, en période d’exposition comme en période de claustration, la concentration de chlordécone a tendance à varier plus rapidement dans le foie que dans les autres tissus (traitement *tissu, P < 0.001) ce qui est probablement lié au fait que le foie métabolise mais ne stocke pas de façon majoritaire. La variance résiduelle, sans doute due à des niveaux d’exposition (ingestion de matrice contaminée) et de croissance corporelle variables selon l’animal, est élevée (coefficient de variation résiduelle de 47%) (Tableau 9). Dès le premier abattage, intervenu 3,7 semaines après le début de l’exposition, les tissus présentent des concentrations significatives de chlordécone atteignant 258 µg/kg (foie), 60 µg/kg (cuisse avec peau), 48 µg/kg (cuisse sans peau) et 96 µg/kg (gras abdominal). Ces concentrations continuent d’augmenter chez les animaux maintenus sur les parcours pour atteindre les valeurs les plus élevées 18 et 22 semaines plus tard (traitements 4P et 7P), avec des concentrations de 1051 à 1215 (foie), 153 à 159 (cuisse avec peau), 122 à 145 (cuisse sans peau) et 206 à 278 µg/kg (gras abdominal). Lors de la décontamination, la concentration de chlordécone dans les tissus diminue rapidement pour atteindre, après 9 semaines de claustration (8C), des valeurs de respectivement 47, 7, 6 et 9 µg/kg dans le foie, la cuisse avec et sans peau et le gras abdominal. La LMR de 20 µg/kg dans le foie (Règlement (EC) no 396/2005) est dépassée dans tous les échantillons, même après 9 semaines de décontamination. Cette même LMR dans la cuisse (avec peau) est dépassée dans tous les échantillons sauf après 9 semaines de décontamination (7 µg/kg). En revanche, la LMR de 200 µg/kg dans le gras abdominal1 n’est dépassée que chez les animaux exposés pendant plus de 22 semaines (4P et 7P) (Figure 7 à Figure 10). La demi-vie est calculée à partir de 4 points moyens (2P, 5C, 6C, 8C), avec des coefficients de détermination proches de 1 et des écart-types résiduels faibles. La demi-vie est estimée à 17 jours dans le foie et à 21-22 jours dans la cuisse et le gras abdominal (Tableau 11). Dans les conditions de notre expérimentation, le temps nécessaire pour décontaminer les canards, c’est-à-dire pour obtenir des produits conformes aux LMR, est estimé à plus de 80 jours pour le foie et de l’ordre de 40 jours pour la cuisse et le gras abdominal (Tableau 11, Figure 12). Les canes avaient terminé leur croissance au moment de la mise en claustration. De plus, l’entrée en ponte des canes est intervenue environ 5 semaines après cette date. Ces deux éléments suggèrent une diminution progressive de la teneur en chlordécone de l’ensemble des tissus par métabolisme plutôt que via la ponte ou via une dilution liée à la croissance corporelle. Théoriquement, avec de telles demi-vies, l’état d’équilibre (concentration maximale) aurait dû être atteint après une durée exposition équivalant à 5 demi-vies, soit après 12 à 15 semaines d’exposition, c’est-à-dire aux environs des deuxième et troisième abattages (2P, 3P). Bien que la variabilité interindividuelle et le faible nombre de répétions ne permette pas de statuer clairement sur ce point, il semble que l’accumulation de chlordécone se poursuive au-delà de ces dates. Très vraisemblablement, la demi-vie obtenue chez des animaux en ponte sous-estime la demi-vie chez les animaux en début d’exposition, qui ne pondaient pas et avaient atteint leur poids maximum avant le troisième abattage (3P).

Œufs

Trois œufs ont été collectés sur le parcours de canes âgées de 28,4 semaines (22 semaines d’exposition), blancs et jaunes ont été séparés puis les 3 blancs et les 3 jaunes ont été mélangés. Alors que la teneur en chlordécone du jaune atteignait, celle du blanc n’était que de 2 µg/kg. Cette

1 La réglementation impose une LMR de 200 µg/ kg MG, mais en général, les laboratoires ne dosent pas la

matière grasse et considèrent que le gras abdominal est constitué à 100% de MG

19

observation suggère que le chlordécone est très majoritairement transféré vers le jaune, comme la plupart des composés lipophiles organochlorés. La teneur de 1172 µg/kg dans le jaune correspondrait à 443 µg/kg d’œuf, pour un œuf contenant 38% de jaune (Thapon et Bourgeois, 1994). Tous les œufs collectés présentent des teneurs en chlordécone supérieures à la valeur réglementaire, y compris après 9 semaines de décontamination (Figure 11). Pour les animaux maintenus sur le parcours, les œufs présentent des concentrations de chlordécone de l’ordre de 800 à 1000 µg/kg, un ordre de grandeur proche de celui observé pour le foie (Tableau 10, Figure 11). Pour les animaux placés en claustration, la concentration de chlordécone dans l’œuf est très proche de celle du foie ( Figure 12). Elle diminue régulièrement pour atteindre une valeur de 29 µg/ kg après 9 semaines de décontamination. La demi-vie serait d’environ 22 jours (Tableau 11).

20

Tableau 9 : Poids à l’abattage, concentration de matière grasse et concentration de chlordécone dans les tissus selon le traitement expérimental (femelles)

Traitement

1P

2P

3P

4P

5C

6C

7P

8C

Proba

ETR

Age à l'abattage1

10

22.1

25.1

28.1

25.1

28.1

32.3

32.3

Exposition

1

3.7

15.9

18.9

21.9

15.9

15.9

26.0

16.7

Claustration

1

0

0

0

0

3

6

0

9

n

2

4

4

4

5

5

2

3

Poids corporel (g)

Trait. Date Trait.x date

10 semaines

1250

a

1300

a

1275

a

1263

a

1330

a

1365

a

1375

a

1358

a

*** *** *** 166

Abattage

1283 A b

2371 B b

2555 BC b

2537 BC b

2698 C b

2362 B b

2281 B b

2770 C b

Matière grasse (g/kg)

Trait. Tissu

Trait. x tissu

Foie

44.1 A

74.6 AB

50.1 AB

92.4 AB b

96.8 B b

82.5 AB

81.1 AB

116 B

0.17 ** 0.43 26

Cuisse

44.1

48.7

61.9

52.9

a

59.8

a

73.0

43.6

76.8

CLD (µg/kg)

Foie

258 B b

615 C b

517 C b

1051 D c

223 B b

141 AB b

1215 D b

47 A

*** *** *** 84

Cuisse avec peau

60 AB a

78 AB a

87 AB a

169 B ab

42 AB a

18 A a

153 AB a

7 A

Cuisse sans peau

48

a

66

a

77

a

145

a

36

a

15

a

122

a

6

Gras abdominal

96 AB ab

133 AB a

166 BC a

278 C b

82 AB a

32 AB a

206 BC a

9 A

CLD (µg/kg MG)

Foie

6628 C b

8160 CD b

10453 DE b

13351 EF b

2761 B

1881 B

15145 F b

405 A

*** *** *** 1970

Cuisse sans peau

1288 AB a

1500 B a

1514 B a

2762 C a

740 A

274 A

2846 C a

77 A

Gras abdominal

107

a

147

a

184

a

308

a

91

36

395

a

10

Les valeurs sont des moyennes (n=2 à 5) Intra traitement, les moyennes non suivies d’une même lettre (a,b) diffèrent (P<0.05) ; Intra tissu, les moyennes non suivies d’une même lettre (A, B, C, D, E) diffèrent (P<0.05) **, P < 0.01 ; ***, P < 0.001 ETR : écart type résiduel 1 en semaines

21

Tableau 10 : Teneur en chlordécone des œufs1 selon l’âge des canes maintenues sur le parcours ou mises en

claustration

Age (semaines)

Exposition (semaines)

Claustration (semaines)

Nb œufs CLD œuf (µg/kg)

CLD œuf (µg/kg MG)1

Parcours Claustration

Parcours Claustration

27.0 15.9 4.9 4

132

936

27.9 15.9 5.7 1

148

1050

28.9 15.9 6.7 2

99

702

29.9 15.9 7.7 2

107

759

30.9 15.9 8.7 3

63

447

32.3 16.7 9.3 1

29

206

27.9 21.6 0.0 2

323

2291

30.9 24.6 0.0 3

1001

7099

32.3 26.0 0.0 1

785

5567

32.4 26.1 0.0 1 763 5411

1Œufs (n=1 à 3) correspondant à 1 jour de collecte et mélangés

2 Pour une teneur en matière grasse de 141 g/ kg (Thapon et Bourgeois, 1994)

Tableau 11 : Paramètres du modèle cinétique de premier ordre de la chlordécone dans le foie, la cuisse, le gras abdominal et l’œuf (femelles)

Modèle t1/2 (j) I/k (µg/kg) Temps de

décontamination (j)

I k

R² ETR

Foie

25.2 0.0414

0.99 24

17 609

83

Cuisse avec peau

2.63 0.0333

1.00 1.9

21 79

41 Cuisse sans peau

2.17 0.0327

0.99 2.0

21 66

37

Gras abdominal

4.25 0.0313

0.98 7.5

22 136

- Œuf

13.4 0.0310

0.76 24

22 433

99

Le modèle est de la forme suivante : Yt =(I/k)* e-kt

avec Yt, la concentration de chlordécone dans le foie, le gras abdominal, la cuisse avec ou sans peau ou l’œuf (µg/kg) au temps t (jour de décontamination). La demi-vie (t1/2, j) est estimée par ln(2)/k. ETR, écart type résiduel Temps de décontamination : temps requis pour atteindre la concentration de 200 µg CLD/ kg dans le gras abdominal et de 20 µg/ kg dans le foie et la cuisse (Règlement (EC) no 396/2005)

22

Figure 7 : Teneur en chlordécone du foie (µg/kg) selon l’âge d’abattage des canes maintenues sur le parcours ou placées en claustration

Les valeurs sont des moyennes (n=2 à 5) Les valeurs non suivies d’une même lettre (A, B, C, D) diffèrent (P < 0.05) (Tableau 9) Les paramètres de la courbe de décontamination sont présentés dans le Tableau 11

En pointillés noirs, LMR de 20 µg/g (Règlement (EC) no 396/2005)

Figure 8 : Teneur en chlordécone du gras abdominal (µg/kg) selon l’âge d’abattage des canes maintenues sur le parcours ou placées en claustration

Les valeurs sont des moyennes (n=2 à 5) Les valeurs non suivies d’une même lettre (A, B, C, D) diffèrent (P < 0.05) (Tableau 9) Les paramètres de la courbe de décontamination sont présentés dans le Tableau 11

En pointillés noirs, LMR de 200 µg/g (Règlement (EC) no 396/2005)

B

C

C

D

D

B AB

A

Début claustration

0

200

400

600

800

1000

1200

1400

0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24 26 28 30 32 34

Ten

eu

r e

n C

LD d

u f

oie

g/kg

)

Age (semaine)

Parcours Claustration

AB

AB

BC

C

BC

AB

AB

A

Début claustration

0

50

100

150

200

250

300

0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24 26 28 30 32 34

Ten

eu

r e

n C

LD d

u g

ras

abd

om

inal

g/kg

)

Age (semaine)

Parcours Claustration

23

Figure 9 : Teneur en chlordécone de la cuisse avec peau (µg/kg) selon l’âge d’abattage des canes maintenues sur le parcours ou placées en claustration

Les valeurs sont des moyennes (n=2 à 5) Les valeurs non suivies d’une même lettre (A, B) diffèrent (P < 0.05) (Tableau 9)

Les paramètres de la courbe de décontamination sont présentés dans le Tableau 11 En pointillés noirs, LMR de 20 µg/g (Règlement (EC) no 396/2005)

Figure 10 : Teneur en chlordécone de la cuisse sans peau (µg/kg) selon l’âge d’abattage des canes

maintenues sur le parcours ou placées en claustration

Les valeurs sont des moyennes (n=2 à 5) (Tableau 9) Les paramètres de la courbe de décontamination sont présentés dans le Tableau 11

En pointillés noirs, LMR de 20 µg/g (Règlement (EC) no 396/2005)

AB

AB AB

B

AB

AB

A A

Début claustration

0

20

40

60

80

100

120

140

160

180

0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24 26 28 30 32 34Ten

eu

r e

n C

LD d

e la

cu

isse

ave

c p

eau

g/kg

)

Age (semaine)

Parcours Claustration

Début claustration

0

20

40

60

80

100

120

140

160

0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24 26 28 30 32 34Ten

eu

r e

n C

LD d

e la

cu

isse

san

s p

eau

g/kg

)

Age (semaine)

Parcours Claustration

24

Figure 11 : Teneur en chlordécone des œufs (µg/kg) selon l’âge des canes maintenues sur le parcours ou mises en claustration

Œufs (1 à 3) collectés le même jour et mélangés (n=1) Les paramètres de la courbe de décontamination sont présentés dans le Tableau 11

LMR de 20 µg/g (Règlement (EC) no 396/2005)

Figure 12 : Teneur en chlordécone des différents tissus pendant la phase de claustration selon l’âge des canes

Les valeurs sont des moyennes (n=2 à 5) pour les tissus et correspondent à des œufs (1 à 3) collectés le même jour et mélangés (n=1) (Tableau 9)

Les paramètres des courbes de décontamination sont présentés dans le Tableau 11 En ligne continue noire, LMR de 20 µg/g (Règlement (EC) no 396/2005)

Début claustration

0

200

400

600

800

1000

1200

0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24 26 28 30 32 34

Ten

eu

r e

n C

LD d

e l'

oe

uf

(µg/

kg)

Age (semaine)

F Parcours F Claustration

Entrée en ponte

0

100

200

300

400

500

600

700

22 24 26 28 30 32 34

Ten

eu

r e

n C

hlo

rdé

con

e (

µg/

kg)

Age (semaine)

Foie Gras abdomimal Cuisse avec peau Oeuf

25

3.4. Résultats obtenus sur la population des mâles

Compte tenu de l’effectif réduit de la population de mâles, aucune analyse statistique n’a été conduite. De même la comparaison avec la population des femelles ne peut être faite. Les résultats sont présentés à titre indicatif (Tableau 12, Figure 13 à Figure 16). Comme chez les femelles, le tissu hépatique présente les concentrations de chlordécone les plus élevées, suivi du gras abdominal et du muscle de la cuisse. Les valeurs extrêmes restent inférieures à celles observées chez les femelles, bien qu’excédant les limites réglementaires. Il semble que les concentrations de chlordécone chez les animaux sur parcours se stabilisent rapidement, peut-être en raison d’une dilution liée à la croissance. La décontamination semble amorcée par la mise en claustration, mais de façon moins nette que chez les femelles, peut-être en raison de l’absence d’excrétion via l’œuf.

D’autre part, la teneur en matière grasse semble moins variable chez les mâles que chez les femelles.

Toutefois, le faible nombre d’animaux ne permet pas de tirer la moindre loi de réponse générale.

Tableau 12 : Poids à l’abattage, concentration de matière grasse et concentration de chlordécone dans les tissus selon le traitement expérimental (mâles)

Traitement 1P 2P 3P 4P 5C 6C 7P 8C Age à l'abattage (semaines)

10.0

22.1

25.1

28.1

25.1

28.1

32.3

32.3

Exposition (semaines)

3.7

15.9

18.9

21.9

15.9

15.9

26.0

16.7 Claustration (semaines)

0

0

0

0

3.0

6.0

0

9.3

n

4

2

2

2

1

1

1

0

Poids corporel (g)

10 semaines

1675

1938

1950

1813

1650

1925

1350

Abattage

1740

3872

4461

4577

4660

4205

3916

Matière grasse (g/kg)

Foie

48.3

64.5

34.9

50.3

38.0

34.5

63.3

Cuisse

35.5

33.1

56.7

31.3

43.7

40.9

33.9

Teneur en CLD (µg/kg)

Foie

344

331

491

330

131

262

528

Cuisse avec peau

87

52

61

89

19

24

88

Cuisse sans peau

74

46

49

89

19

37

95

Gras abdominal

188

157

140

53

41

164

Teneur en CLD (µg/kg MG)

Foie

7607

5512

13893

6566

3447

7594

8341

Cuisse sans peau

2423

1438

952

3147

435

905

2802

Gras abdominal 209 174 156 59 46 182

26

Figure 13 : Teneur en chlordécone du foie (µg/kg) selon l’âge d’abattage des canards maintenus sur le parcours ou placés en claustration

Les valeurs sont des moyennes (n=1 à 4) (Tableau 12) En pointillés noirs, LMR de 20 µg/g (Règlement (EC) no 396/2005)

Figure 14 : Teneur en chlordécone du gras abdominal (µg/kg) selon l’âge d’abattage des canards maintenus sur le parcours ou placés en claustration

Les valeurs sont des moyennes (n=1 à 4) (Tableau 12) En pointillés noirs, LMR de 20 µg/g (Règlement (EC) no 396/2005)

Début claustration

0

200

400

600

800

1000

1200

0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24 26 28 30 32 34

Ten

eu

r e

n C

LD d

u f

oie

g/kg

)

Age (semaine)

M Parcours M Claustration

Début claustration

0

50

100

150

200

250

300

0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24 26 28 30 32 34

Ten

eu

r e

n C

LD d

u g

ras

abd

om

inal

g/kg

)

Age (semaine)

M Parcours M Claustration

27

Figure 15 : Teneur en chlordécone de la cuisse sans peau (µg/kg) selon l’âge d’abattage des canards maintenus sur le parcours ou placés en claustration

Les valeurs sont des moyennes (n=1 à 4) (Tableau 12) En pointillés noirs, LMR de 20 µg/g (Règlement (EC) no 396/2005)

Figure 16 : Teneur en chlordécone de la cuisse avec peau (µg/kg) selon l’âge d’abattage des canards maintenus sur le parcours ou placés en claustration

Les valeurs sont des moyennes (n=1 à 4) (Tableau 12) En pointillés noirs, LMR de 20 µg/g (Règlement (EC) no 396/2005)

Début claustration

0

20

40

60

80

100

120

140

0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24 26 28 30 32 34Ten

eu

r e

n C

LD d

e la

cu

isse

san

s p

eau

g/kg

)

Age (semaine)

M Parcours M Claustration

Début claustration

0

20

40

60

80

100

120

140

160

0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24 26 28 30 32 34Ten

eu

r e

n C

LD d

e la

cu

isse

ave

c p

eau

g/kg

)

Age (semaine)

M Parcours M Claustration

28

3.4.1. Consommation d’aliment et de matrices environnementales

La teneur en cendres insolubles des fientes, des aliments et du sol sont présentés dans le Tableau 13. On distingue bien les fientes issues d’animaux élevés sur parcours (32 à 67 g IHCl/ kg MS) ou en claustration (13 à 15 g/ kg MS), à l’exception des fientes issues du traitement 8C (242 g/ kg MS), qui présentent des teneurs en cendres anormalement élevées. Cette anomalie pourrait provenir d’un problème d’échantillonnage ( ?).

Tableau 13 : Teneur en cendres insolubles dans l’acide chlorhydrique (g/kg MS) des aliments, du sol et des fientes

Traitement 1P 2P 3P 4P 5C 6C 7P 8C

Fientes

83 32 36 78 15 13 67 242 Maïs

0.78

Aliment complet

2.54 Sol

Parcelle 1

536

Parcelle 2

534 Parcelle 3 535

En prenant l’hypothèse d’une ingestion constante de végétaux tout au long de l’expérimentation, l’ingestion de sol sec représenterait 0.8 à 6.5% de la matière sèche ingérée. Conformément avec l’absence de contact avec l’extérieur, les animaux mis en claustration ne consomment pas de sol (0.1 à 0.02% de la matière sèche ingérée). Exprimée en g de matière sèche par jour, l’ingestion de sol par les animaux sur parcours se situerait entre 2.7 et 17.8 g/j. Ces valeurs sont assez faibles, comparées à des poules pondeuses soumises à un régime alimentaire déséquilibré pour lesquelles l’ingestion quotidienne de sol pouvait atteindre 30 g MS, pour une ingestion totale de 110 g MS (Jondreville et al., 2010). Les valeurs présentées ici doivent être prises avec précaution, car le mode de calcul adopté est très sensible à la quantité d’aliment et de végétaux ingérés. Il est également très sensible à la digestibilité attribuée à chacun des constituants de la ration. Or, nous avons adopté une valeur moyenne pour l’ensemble de l’expérimentation, tant pour les quantités de végétaux ingérés que pour leur digestibilité.

Tableau 14 : Estimation de la quantité de sol ingérée quotidiennement par canard

Traitement 1P 2P 3P 4P 5C 6C 7P 8C

Consommation d'aliment1 (g MS/j)

54 126 121 152 121 152 152 152

Consommation de végétaux 2 (g MS/j)

68 68 68 68 0 0 68 0

Proportion de sol dans la matière sèche ingérée (%)3

6.5 0.81 1.1 4.5 0.10 0.02 3.6 13.5

Consommation de sol (g MS / j)

17.8 2.7 3.7 16.5 0.3 0.1 13.0 55.1

Consommation de chlordécone4 (ng/j) 7.3 1.1 1.5 6.8 0.14 0.03 5.3 22.6

1 Maïs + aliment du commerce, données présentées au Tableau 3, teneur en matière sèche de respectivement 895 et 911 g/

kg pour le maïs et l'aliment du commerce 2 en considérant que chaque canard consomme 204 g de végétaux et 136 g de goyave quotidiennement, avec une teneur

en matière sèche de 200 g/ kg pour les deux matrices 3 en considérant que la digestibilité de la matière sèche de la fraction aliment est de 0.8 et celle de la fraction végétaux est

de 0.2 4 en considérant que le sol présente une concentration de chlordécone de 0.41 µg/ kg MS

4. Conclusion

L’élevage des canards sur un sol modérément contaminé en chlordécone a conduit très rapidement à une contamination des produits animaux les rendant impropres à la consommation. Même si la

29

claustration des animaux a permis de décontaminer ces produits, sa mise en œuvre est sans doute très complexe pour être généralisée dans la pratique. Dans ces conditions, l’association entre animaux et vergers devraient être limitée au seul désherbage, en excluant la consommation des produits animaux.

Cependant, dans les conditions de la présente expérimentation, le faible niveau d’alimentation a vraisemblablement favorisé la contamination des produits. On peut supposer que les animaux sous-alimentés, en recherchant de la nourriture sur le parcours, ont ingéré du sol. D’autre part la croissance lente a conduit à un temps d’exposition long. Par ailleurs, cette croissance perturbée a vraisemblablement piloté l’équilibre des concentrations de chlordécone entre tissus.

Afin de statuer sur la possibilité de consommer ces animaux, il serait nécessaire d’ajuster leur mode d’élevage. L’une des pistes serait une alimentation plus abondante permettant de limiter l’ingestion de sol et de réduire le temps d’exposition des animaux en augmentant la vitesse de croissance. Les concentrations maximales dans les produits pourraient être réduites pendant la phase de pâturage, de même que le temps de claustration nécessaire pour la décontamination des produits.

5. Références

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Beyer, W.N., Connor, E.E., Gerould, S., 1994. Estimates of soil ingestion by wildlife. J. Wildl. Manage. 58, 375-382. ACL 47.

Cohn WJ, Boylan JJ, Blanke RV, Fariss MW, Howell JR, Guzelian PS (1978) Treatment of chlordecone (Kepone) toxicity with cholestyramine. Results of a controlled clinical trial. New England J. Med, 298:243-248.

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Folch J, Lees M, Sloane Stanley GH., 1957. A simple method for the isolation and purification of total lipides from animal tissues. J Biol Chem. 226(1), 497-509.

Hewitt LA, Caille G, Plaa GL (1986) Temporal relationships between biotransformation, detoxication, and chlordecone potentiation of chloroform-induced hepatotoxicity. Can. J. Physiol. Pharmacol. 64:477-482.

JONDREVILLE C., TRAVEL A., BESNARD J., DZIURLA M.A., FEIDT C., 2010. Intake of herbage and soil by free-range laying hens offered a complete diet compared to a whole-wheat diet. XIIIth European Poultry Conference, M. Duclos and Y. Nys, Eds, Tours, 23-27 August 2010, 4 pp.

JURJANZ S., GERMAIN K., DZIURLA M.A., MADIOP N. B., JUIN H., JONDREVILLE C., 2013. Use of acid-insoluble ash and of n-alkanes as markers of soil and of plants ingestion by chickens. Anim. Feed Sci. Technol. (soumis, Anim. Feed Sci. Technol.)

Jimenez-Escrig, A., Rincon, M., Pulido, R., Saura-Calixto, F., 2001. Guava fruit (Psidiumguajava L.) as a new source of antioxidant dietary fiber. J. Agric. Food Chem. 49, 5489-5493.

Sauveur et Carville, 1990, Le canard de Barbarie, Ed INRA Versailles (France), 181 p van Keulen, J., Young, S.A., 1977. Evaluation of acid insoluble ash as a natural marker in ruminant

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RÈGLEMENT (CE) No 889/2008 DE LA COMMISSION du 5 septembre 2008 portant modalités d'application du règlement (CE) no 834/2007 du Conseil relatif à la production biologique et à l'étiquetage des produits biologiques en ce qui concerne la production biologique, l'étiquetage et les contrôles, Journal Officiel de l’Union Européenne, 18/09/2008, L250, 1-84.

30

Regulation (EC) no 396/2005 of the European Parliament and of the Council of 23 February 2005 on maximum residue levels of pesticides in or on food and feed of plant and animal origin and amending Council Directive 91/414/EEC. OJ L70, 16.03.2005, 1–16.

31

Annexe 1 : Composition des aliments du commerce distribués aux canards

Plusieurs aliments différents ont été fournis au cours de l’essai. Aliment démarrage (0 à 20 j), aliment croissance + maïs (21 à 110 j), aliment finition + maïs (111 à 150 j), aliment poulettes + maïs (150 j à abattage).

32

Annexe 2 : Teneur en matière grasse des tissus

Teneur en matière grasse du foie et de la cuisse sans peau selon le type sexuel, l’âge d’abattage et le type d’élevage (parcours vs claustration)

Les valeurs sont des données individuelles

33

Teneur en matière grasse du foie et de la cuisse sans peau selon le type sexuel et le poids d’abattage

Relation entre les teneurs en matière grasse du foie et de la cuisse sans peau selon le type sexuel

34

Teneur en matière grasse du foie de canes entrées en ponte

Animal Traitement Age à l'abattage (semaine) MG foie (g/kg)

362 4P 28 68.4 368 6C 28 128.3 349 6C

64.3

355 6C

63.1 386 6C

87.6

382 7P 32 90.8 367 7P 32 71.3 378 8C 32 112.3

35

Annexe 3 : Teneur en chlordécone du foie, du gras abdominal et de la cuisse (mg/ kg MG) sans peau selon le sexe et l’âge d’abattage chez les canards maintenus sur le parcours ou mis en claustration

Les valeurs sont des moyennes (n=1 à 4 pour les mâles et n=2 à 5 pour les femelles) (Tableau 9, Tableau 12) Pour les femelles, les valeurs non suivies d’une même lettre (a, B, C, D, E, F) diffèrent (P < 0.05) (Tableau 9)

Foie – femelles

Foie – mâles

C

CD

DE

EF

F

B B

A

Début claustration

0

2000

4000

6000

8000

10000

12000

14000

16000

0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24 26 28 30 32 34

Ten

eu

r e

n C

LD d

u f

oie

g/kg

MG

)

Age (semaine)

Parcours Claustration

Début claustration

0

2000

4000

6000

8000

10000

12000

14000

16000

0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24 26 28 30 32 34

Ten

eu

r e

n C

LD d

u f

oie

g/kg

MG

)

Age (semaine)

Parcours Claustration

36

Gras abdominal - femelles

Gras abdominal – mâles

Début claustration

0

50

100

150

200

250

300

350

0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24 26 28 30 32 34

Ten

eu

r e

n C

LD d

u g

ras

abd

om

inal

g/kg

MG

)

Age (semaine)

Parcours Claustration

Début claustration

0

50

100

150

200

250

300

0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24 26 28 30 32 34

Ten

eu

r e

n C

LD d

u g

ras

abd

om

inal

g/kg

MG

)

Age (semaine)

Parcours Claustration

37

Cuisse sans peau - femelles

Cuisse sans peau – mâles

AB

B B

C C

A

A A

Début claustration

0

500

1000

1500

2000

2500

3000

0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24 26 28 30 32 34

Ten

eu

r e

n C

LD d

e la

cu

isse

san

s p

eau

g/kg

M

G)

Age (semaine)

Parcours Claustration

Début claustration

0

500

1000

1500

2000

2500

3000

3500

0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24 26 28 30 32 34

Ten

eu

r e

n C

LD d

e la

cu

isse

san

s p

eau

g/kg

M

G)

Age (semaine)

Parcours Claustration