Agroalimentaire et lutte contre la pauvreté en Afrique...

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collection Études et Travaux Éditions du Gret Cécile Broutin (Gret) et Nicolas Bricas (Cirad) Agroalimentaire et lutte contre la pauvreté en Afrique subsaharienne Le rôle des micro et petites entreprises

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Agroalimentaire et lutte contre la pauvretéen Afrique subsaharienneLe rôle des micro et petites entreprises

Sécurité alimentaire et lutte contre la pauvreté et les inégalités sontdeux objectifs primordiaux de la coopération internationale pourle développement en Afrique subsaharienne. Les interventions qui enrelèvent tiennent peu compte du rôle et du potentiel que représententles micro et petites entreprises agroalimentaires. Or, ces activitésmarchandes individuelles ou collectives, rurales et urbaines, se sontconsidérablement développées dans toutes les filières alimentairespour approvisionner les marchés urbains nationaux, voire régionaux.Elles fournissent aux citadins, en particulier ceux à faible revenu,des produits adaptés à leur pouvoir d’achat, à leurs habitudesalimentaires et à leurs modes de vie. Elles représentent des milliersd’emplois, surtout pour les femmes qui y valorisent leur savoir-faire.Leur contribution aux revenus et aux capacités des ménages lesplus pauvres est importante.

À partir d’une typologie du secteur et d’une grille d’analyseoriginales, les auteurs étudient le rôle et les contraintes de cesentreprises. La sécurité alimentaire est abordée au traversdes disponibilités alimentaires, de la qualité sanitaire et nutritionnelledes aliments et de leur accessibilité, de la construction des identitésalimentaires contemporaines. La lutte contre la pauvreté ne selimite pas à la génération de revenus. Elle intègre les contributionsà l’augmentation des ressources relationnelles et cognitives, à laréduction des risques et des inégalités et à l’équilibrage des pouvoirs.De nombreux exemples illustrent ces analyses.

Cette étude formule des propositions pour une prise en compte de cesecteur très mal reconnu, et pour une meilleure valorisation de sonpotentiel pour la sécurité alimentaire et la réduction de la pauvreté etdes inégalités : amélioration de l’environnement réglementaire et desinfrastructures, dispositifs de formation, recherche, financement etinformation plus adaptés aux spécificités de ces entreprises.Enfin, cette étude propose des démarches, méthodes et indicateurspour rendre plus explicites les critères de lutte contre la pauvreté dansles projets qui tendent encore trop souvent à n’y contribuer.

Groupe de recherche et d’échanges technologiques211-213 rue La Fayette 75010 Paris, France

Tél : 33 (0)1 40 05 61 61 - Fax : 33 (0)1 40 05 61 10Site Internet : www.gret.orgIS

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Cécile Broutin (Gret) et Nicolas Bricas (Cirad)

Agroalimentaire et lutte contre la pauvretéen Afrique subsaharienneLe rôle des micro et petites entreprises

Avec le soutiendu ministère des Affaires étrangères

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Responsable éditoriale : Danièle RibierConception graphique : Solange MünzerMise en page : Hélène Gay (Gret)Photos de couverture : Nathalie Niculescu, Nicolas Bricas, Franck Boyer (agence Kamikazz), Cécile BroutinImprimé par Imprimerie Chirat (42540 Saint-Just-la-Pendue), décembre 2006500 exemplaires

Pour toute information complémentaire sur le contenu de l’ouvrage

� Cirad, Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développementUnité de recherche « Normes et régulation des marchés agricoles » (Nomade) TA 60/1534398 Montpellier cedex 5, FranceTél : (33)(0)4 67 61 55 37 – Fax : (33)(0)4 67 61 55 15E-mail : [email protected] Web : www.cirad.fr/ur/index.php/normes_marchesContact : Nicolas Bricas

� Gret – Antenne SénégalIRD Hann Maristes, Bâtiment H7, pièce 06, DakarTél. : (221) 849 35 38- 633 40 70Fax : (221) 832 43 07E-mail : [email protected] : Cécile Broutin, représentante du Gret au Sénégal

� Ce livre a été conçu et édité avec le soutien du ministère des Affaires étrangèresDirection générale de la Coopération internationale et du développement – DGCIDDirection du Développement et de la Coopération technique20 rue Monsieur 75007 ParisSite Web : www.france.diplomatie .gouv.fr

Pour toute information sur la publication

� Traduction, reproduction ou mise en ligne : [email protected] de presse, diffusion et distribution : [email protected]

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Agroalimentaireet lutte contre la pauvretéen Afrique subsaharienneLe rôle des micro et petites entreprises

Éditions du Gret � collection Études et travaux

Cécile Broutin (Gret) et Nicolas Bricas (Cirad), septembre 2006

Avec la collaboration de Nadia Ben Taleb et Julien Rouyat (Gret),Zacharie Badini (Sicarex), Khanata Sokona, Fatou Ndoye etMouhamadou Abdoul (Enda Graf Sahel), Bio Goura Soule, Rafiou Bello,B. Orou M. Abdoulaye et Moussa Gibigaye (Lares), Charlotte Fontan,Bérénice Getenet, Marie-Joëlle Kodjovi

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C ette étude a été initiée par Claude Torre, du mi-nistère français des Affaires étrangères (MAE),qui a eu l’intuition, notamment sur la base de son

expérience en Guinée, que l’agroalimentaire pouvaitêtre un secteur à fort potentiel pour une croissance éco-nomique largement redistributive et jouer ainsi un rôleimportant dans la lutte contre la pauvreté. Après son dé-part de Paris pour un poste au Maroc, il a été remplacépar Michel Pré du MAE qui a pris le relais du suivi.

Cette étude a mobilisé, à divers titres, un grandnombre de personnes qui doivent être ici remerciées :

Nadia Ben Taleb au Gret Paris et Julien Rouyatau Gret Sénégal ont collecté et analysé une abon-dante littérature et préparé plusieurs synthèses.

Zacharie Badini du Bureau Sicarex (Burkina Faso),Bio Goura Soulé, Rafiou Bello, Orou B. M. Abdoulaye,Moussa Gibigaye du Lares (Bénin), Khanata Sokona,Babacar Touré et Fatou Ndoye, Mouhamadou Abdoulde Enda Graf Sahel (Sénégal) ont réalisé des étudesde cas dans chacun de leurs pays respectifs. CharlotteFontan, étudiante de l’Université de Bordeaux 1, aréalisé une étude de cas en Guinée où elle a béné-ficié de l’appui de Sébastien Subsol et Yves Guémard.Bérénice Getenet, étudiante du Cnearc (Montpellier),a mené une étude de cas au Sénégal en collabora-tion avec le Gret et Enda Graf. Marie-Joëlle Kodjovi,étudiante à l’École nationale supérieure agronomiquede Montpellier et à l’Université de Montpellier 1, a

mené une étude de cas au Ghana où elle a bénéfi-cié d’un appui de Abigaïl Fallot du Cirad.

Diverses personnes ont apporté leur contribution surdes points particuliers et notamment : Sandra Barlet,Christian Baron, Bénédicte Hermelin, Marie-ChristineLebret, Philippe Lavigne Delville, Anne-Sophie Brouilletet Marc Levy du Gret, Benoît Daviron, Sandrine Duryet Isabelle Vagneron du Cirad.

Les hypothèses de travail et la méthodologie decette étude ont été discutées par un comité scientifiqueréuni au démarrage de l’étude et qui était composéde Jacques Charmes et Jean-Luc Dubois de l’Universitéde Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UMR C3ED),Jean-Claude Galandrin de l’Agence française de dé-veloppement, Abigaïl Fallot du Cirad, Anne-SophieJouanneau et Philippe Lavigne Delville du Gret etClaude Torre du MAE.

L’avancement du travail et les résultats provisoires ontensuite été discutés par un comité de pilotage composéde Gilles Béville, Joël Dine, Claude Torre puis MichelPré du MAE, Georges d’Andlau et Philippe Coquart del’AFD, Philippe Lavigne Delville du Gret, Vincent Ribierdu Cirad et Michel Pernot-Dubreuil du CIDR.

Le travail éditorial a été assuré dans des délais trèscourts par Danièle Ribier et Hélène Gay du Gret. Enfin,l’ensemble des travaux a bénéficié du soutien orga-nisationnel sans faille de Mariana Vincenti, assis-tante au Gret. �

Remerciements

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Sommaire

7 Introduction

13 Première partie : Les micro et petites entreprises dans le secteur agroalimentaire

13 Trois histoires de développement du secteur agroalimentaire18 Quelles leçons tirer de ces trois exemples ?21 Un secteur hétérogène : organiser et décrire la diversité

29 Deuxième partie : La contribution des MPEA à la sécurité alimentaire età la lutte contre la pauvreté

29 Les critères d’analyse de la sécurité alimentaire et de la lutte contre la pauvreté32 La contribution des MPEA à la sécurité alimentaire43 La contribution des MPEA à la lutte contre la pauvreté57 Conclusion

59 Troisième partie : Renforcer le rôle des MPEA dans la sécurité alimentaireet la lutte contre la pauvreté

60 Prendre en compte le secteur des MPEA dans les politiques publiques66 Améliorer l’environnement des affaires73 Développer une offre de services adaptés91 Prendre en compte les critères de sécurité alimentaire et de lutte contre la

pauvreté et inégalités dans les programmes et projets108 Conclusion

109 Vers un autre regard : repartir de la richesse des pauvres

111 Bibliographie

121 Annexe 1 : Déroulement de l’étude123 Annexe 2 : Ébauche de nomenclature des micro et petites entreprises

agroalimentaires126 Annexe 3 : Sigles et acronymes

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La sécurité alimentaire (SA) et la lutte contre lapauvreté et les inégalités (LCPI) sont devenues deux ob-jectifs primordiaux de l’aide publique au développe-ment. En 2000, 189 États se sont engagés au sein desNations unies sur des « objectifs du Millénaire pour ledéveloppement » (Millenium Development Goals). Le pre-mier de ces objectifs est de « réduire l’extrême pauvretéet la faim ». Il s’agit plus précisément de réduire de moi-tié, d’ici 2015, la proportion de la population dont lerevenu est inférieur à un dollar par jour, et la propor-tion de la population qui souffre de la faim. Depuis 2000,la Banque mondiale et le Fonds monétaire internatio-nal (FMI), accompagnés de plusieurs pays del’Organisation de coopération et de développement éco-nomique (OCDE), ont fait leurs ces objectifs générauxpar l’incitation à la préparation et la mise en œuvre de« Documents stratégiques de lutte contre la pauvreté »(DSRP) dans de nombreux pays pauvres.

L’Afrique subsaharienne est particulièrementconcernée par ces objectifs.

D’après les statistiques des Nations unies (2005),près de la moitié (46,4 %) de la population del’Afrique subsaharienne disposait de moins de undollar par jour en 2001 et le tiers était sous-alimenté.À titre de comparaison, ces indicateurs étaient res-pectivement de 21,3 % et 17 % pour l’ensemble desrégions en développement.

De plus, cette région du monde est la seule dontles indicateurs de pauvreté monétaire se dégradentdepuis 15 ans. Le nombre de très pauvres (revenu in-férieur à un dollar par jour) a augmenté depuis lesannées 1990 et le revenu moyen de cette catégoriede population a diminué. Dans toutes les régions dumonde, le nombre de travailleurs pauvres a décliné

Introduction

en 2005, sauf en Afrique subsaharienne où il a aug-menté de 2 500 000 (BIT, 2005). Pour inversercette tendance, « il faut que la croissance écono-mique s’accélère et qu’elle atteigne les pauvres, ga-geure difficile à tenir face aux maladies et aux conflitsarmés » (Nations unies, 1985).

À ce contexte, il faut ajouter des évolutions dé-mographiques et économiques qui constituent desenjeux majeurs pour les économies du continent.

�� L’Afrique subsaharienne doit faireface à une croissance démographiqueet une urbanisation rapide

Elle n’a pas achevé sa transition démographique,ce qui devrait la conduire à connaître, encore pourau moins une ou deux décennies, un fort taux decroissance de sa population. Ceci signifie pour l’éco-nomie du continent de pouvoir maintenir une vitesseélevée de création d’emplois (et d’auto-emplois), nonseulement dans l’agriculture puisque les ruraux conti-nueront d’augmenter, mais également dans d’autressecteurs, compte tenu de l’urbanisation qui devrait conti-nuer d’être elle aussi très rapide.

Comme le montrent le tableau 1 et la figure 1 (voirpages 8 et 9), la population urbaine de l’Afrique sub-saharienne représentait seulement 15 % de la popu-lation totale en 1950. Elle dépasse le tiers de la po-pulation actuelle et devrait en atteindre plus de lamoitié en 2030.

Ce bouleversement démographique a plusieursconséquences.

Alors qu’il y a quarante ans l’exportation vers lesautres continents constituait le principal débouché des

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icro et petites entreprises

Part de la population urbaine Taux de croissance annuel de la population urbaineen pourcentage en pourcentage par an

1950 1970 1990 2010 2030 1950-55 1970-75 1990-95 2010-15 2025-30

Afrique de l’Ouest 10,1 19,6 32,3 46,0 57,1 5,78 5,51 4,75 3,74 2,83

Afrique centrale 14,2 24,9 31,2 41,1 52,7 4,11 3,81 4,62 4,37 3,75

Afrique de l’Est 5,3 10,3 18,9 30,5 41,8 5,57 6,28 5,31 4,20 3,41

Afrique australe 38,2 43,6 46,3 60,9 70,0 3,21 2,82 3,50 0,82 0,76

Afrique du Nord 24,7 36,3 44,8 53,4 63,3 4,28 3,63 2,96 2,27 1,82

Afrique 14,7 23,1 31,8 42,7 52,9 4,50 4,37 4,16 3,35 2,79

Asie 17,4 23,4 32,3 43,0 54,1 3,67 3,32 3,05 2,34 1,72

Amérique latine et Caraïbes 41,9 57,6 71,1 79,0 84,0 4,38 3,74 2,35 1,54 1,05

Europe 52,4 64,6 72,1 75,1 80,5 2,01 1,42 0,39 0,06 - 0,03

Source : United Nations, Department of Economic and Social Affairs, Population Division, 2002.

TABLEAU 1 : Taux et vitesses d’urbanisation de l’Afrique et des autres continents

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Introduction 9

FIGURE 1 : Peuplement en Afrique de l’Ouest 1960-1990 et projection 2020

Source : Étude des perspectives à long terme en Afrique de l’Ouest (document de synthèse, 1998), Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest / OCDE.

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produits agricoles, les marchés alimentaires urbainsafricains se sont considérablement développés et sontdevenus un moteur important du développement del’agriculture et de l’agroalimentaire (Cour, 2004).Dans de nombreux pays, ce marché domestique at-teint ou dépasse en valeur les marchés à l’exportation.

Ce n’est pas tant l’urbanisation elle-même qui poseproblème que son expansion très rapide. Si elle a ra-lenti durant les années 1990, elle demeure très élevéedans de nombreux pays. Le taux de croissance urbainedépasse encore 4 % par an, soit un doublement de lapopulation en moins de vingt ans. L’agriculture doitainsi augmenter rapidement sa production pour nourrirun nombre croissant de citadins non ou peu producteursd’aliments. Les villes doivent créer des emplois géné-rateurs de revenus à un rythme suffisant pour mainte-nir la solvabilité de la demande et donc assurer des dé-bouchés rémunérateurs pour les agriculteurs. Elles doiventaussi parvenir à suivre la demande en infrastructures etservices d’éducation, de santé, de transport, etc.

L’urbanisation induit des changements de modesde vie et de consommation. Le défi de nourrir les cita-dins n’est pas seulement quantitatif mais aussi qualita-tif. La demande alimentaire s’oriente vers des produitsplus diversifiés, plus commodes d’usage, présentantdes garanties de qualité pour des consommateurs plusexigeants dans un contexte de choix diversifié. Le rôledu secteur agroalimentaire assurant transport, stockage,transformation et distribution des aliments se renforce.Mais le pouvoir d’achat des citadins est faible, mêmes’il reste plus élevé en moyenne que celui des ruraux.La solvabilité du marché est encore très limitée. Elle ré-duit les débouchés pour des produits incorporant unevaleur ajoutée suffisante pour garantir une croissancedes entreprises agroalimentaires. La marge de ma-nœuvre des entreprises pour innover est de ce point devue fortement contrainte par l’étroitesse du marché.

�� Assurer une compétitivitédes produits dans un contexted’internationalisation des échanges

Historiquement, les politiques agricoles en Afriquesubsaharienne ont d’abord été largement orientéesvers une intégration aux marchés internationaux. Uneffort important a été consacré au développement descultures d’exportation pourvoyeuses de devises (café,cacao, huiles d’arachide, de palme, de palmiste, decoprah, conserves de poisson, légumes, mais aussi

coton et bois). La contribution de l’Afrique subsaha-rienne au commerce mondial s’est cependant large-ment réduite depuis 30 ans avec la libéralisation ducommerce international et la montée en puissance deséconomies agricoles d’Asie et d’Amérique latine. Lesformes de régulation des marchés agricoles ontchangé. Le contrôle des prix (taxation et subventions)et des quantités (quotas) s’est fortement réduit et a misl’Afrique directement en concurrence avec ces nou-veaux agro-exportateurs. Aujourd’hui, les nouvellesnormes sanitaires exigées par les pays importateursmenacent directement les pays africains d’une évic-tion partielle ou totale du marché (Henson, Loader etal., 1999 ; Le Bigot et Ribier, 2004). Par exemple,la perte de valeur des exportations de produits ali-mentaires africains en cas d’application de la normesanitaire de l’Union européenne sur les aflatoxines parrapport à une situation où c’est la norme du Codexqui prévaudrait a été évaluée à 670 millions de dol-lars (Otsuki, Wilson et al., 2001). Les normes de qua-lité ne constituent pas seulement des barrières non ta-rifaires. La mise en place de certifications pour yrépondre risque de se traduire par des concentrationsd’activités et par la marginalisation des petits agri-culteurs et transformateurs des filières qui ne seront pascapables de respecter ces exigences de qualité. Làencore, ce n’est pas tant la concentration dans le sec-teur agricole qui pose problème en tant que telle queson évolution rapide. Les sortants du secteur agricoledoivent pouvoir trouver sans délai des opportunitésd’emplois dans les secteurs secondaires et tertiaires.

�� Tirer parti du développementdu marché intérieur

Un des enjeux majeurs des agricultures africainesréside donc dans la possibilité de tirer parti du dé-veloppement des marchés domestiques, urbains etbientôt ruraux, nationaux et régionaux. L’Afrique sub-saharienne a recouru à des importations alimentairespour compenser la croissance trop lente de sa pro-duction vivrière intérieure. Profitant de prix relativementbas sur le marché international et taxant les importa-tions à la revente aux consommateurs, nombre d’Étatsont bénéficié là d’un moyen de générer des recettespubliques. Globalement l’Afrique subsaharienne im-portait au début des années 1960 environ 1,4 mil-lions de tonnes de riz et de blé par an (500 000tonnes de riz et 900 000 tonnes de blé), soit près

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de 7 kg par personne par an. Elle en a importé plusde 13 millions de tonnes par an en 1997-2001(8,3 Mt de riz et 4,7 Mt de blé), soit 22 kg par per-sonne par an (nos calculs sur la base des donnéesFAO – Food and Agriculture Organization of theUnited Nations). Ces importations ont donc presquedécuplé et la consommation par tête a triplé en 35ans. Ce recours aux importations a d’avantage contri-bué à la diversification alimentaire, tendance lourdedes changements alimentaires, qu’à la substitutiondes produits locaux (Bricas et Sauvinet, 1989). Cesderniers ne sont pas rejetés par les citadins du fait d’unsupposé mimétisme des modes de vie et de consom-mation occidentaux (Requier-Desjardins, 1989). Lesfilières vivrières pour approvisionner les villes ontd’ailleurs connu un essor très important et elles ont réussià maintenir une offre en produits traditionnels sous desformes adaptées aux modes de vie citadins (filièresmaïs, manioc, igname, huile de palme, viande et pois-son, produits condimentaires, etc.).

Mais l’abondance de produits importés sur lesmarchés modifie les attentes des consommateurs entermes de régularité, de qualité et de prix de leurs ali-ments. Ces attentes concernent aussi désormais les pro-duits locaux. Et le maintien de leur compétitivité rendnécessaire une constante adaptation aux nouvellesexigences des consommateurs.

Dans la perspective d’une réduction tendancielle descours des matières premières agricoles et d’une ré-duction des barrières tarifaires à l’importation, les gains

Introduction 11

de productivité et l’amélioration de la qualité des pro-ductions nationales devront être très importants pour tenircette concurrence. De plus, le développement de la dis-tribution en libre-service se traduit par l’imposition auxfournisseurs de normes de qualité sanitaire plus contrai-gnantes que sur les marchés traditionnels. Si cette formede distribution s’étend en Afrique, comme on l’a constatéen Amérique latine où elle est devenue dominante enmoins de 15 ans (Reardon, Timmer et al., 2003), ilfaut craindre une marginalisation d’un grand nombrede petits producteurs. Ceux-ci ne pourront réaliser lesinvestissements nécessaires au respect des normes etcontraintes qu’impose la grande distribution comme celas’observe déjà dans les pays latino-américains. Là en-core, c’est la vitesse des changements dans le secteurde la distribution qui pose problème, si les autres sec-teurs de l’économie ne parviennent pas à absorber àtemps la main-d’œuvre sortant du secteur agricole.

Dans ce contexte, le secteur agroalimentaire (trans-formation et commercialisation des produits du secteurprimaire) joue donc un rôle stratégique. Il représentele premier secteur possible pour la diversification desactivités des ruraux et le secteur d’activité privilégié desfemmes. Permettant de connecter l’offre agricole à lademande urbaine, la performance du secteur agro-alimentaire détermine largement la compétitivité desproductions nationales. La transformation favorisantbien souvent la stabilisation des produits périssables,elle peut contribuer à réduire les pertes post-récolte,et augmenter ainsi le disponible alimentaire.

Marchéde Ouagadougou(Burkina Faso).

Les marchés urbainsassurent désormaisun débouchéplus important que lesmarchés à l’exportation.

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Historiquement, ce secteur a pourtant été reconnutardivement. Les politiques et interventions agricoles etalimentaires en Afrique subsaharienne ont initialementprivilégié l’accroissement quantitatif des disponibilitésalimentaires (Bricas et Raoult-Wack, 1997). Dominaientalors une crainte malthusienne et la recher-che d’une sé-curisation des approvisionnements dans un contextede crises climatiques, en particulier dans le Sahel.Jusque dans les années 1980, la recherche-dévelop-pement agronomique tropicale, que ce soit dans lescentres internationaux (membres du GCIAR – Groupeconsultatif pour la recherche agricole internationale), dansles centres nationaux de coopération (Cirad – Centrede coopération internationale en recherche agrono-mique pour le développement, NRI – Natural ResourcesInstitute, etc.) ou à la FAO, était quasi exclusivement tour-née vers les questions de production agricole. Privilégiantun pilotage de l’innovation par l’amont (productionagricole), la recherche-développement (R&D) agricolen’intégrait pas les questions de marché, de demande,de qualité. Au mieux, elle ne concevait la transforma-tion agroalimentaire que comme un moyen de valori-ser des excédents de production. Dans une optiqued’augmentation du disponible alimentaire, elle visait laréduction des pertes post-récolte. C’est depuis la prisede conscience du rôle d’entraînement des marchésurbains sur l’agriculture et du rôle du secteur privé dansle développement économique et la valorisation de laproduction rurale (Gret, 2002) que les activités agro-alimentaires font l’objet d’une plus grande attention.

En Afrique subsaharienne, ce secteur est caractérisépar la prédominance d’activités menées à petite etsurtout très petite échelle, jusqu’à une échelle indivi-duelle, au côté de quelques plus rares (mais émer-gentes) industries plus centralisées. Ce secteur se dé-veloppe par multiplication d’activités, aussi bien enmilieu rural qu’en milieu urbain. Il est très largementaux mains des femmes (auto-emplois), tant au niveau

Agroalimentaire et lutte contre la pauvreté en Afrique subsaharienne : le rôle des micro et petites entreprises12

de la transformation que de la vente. Il fournit denombreux aliments traditionnels aux classes popu-laires urbaines à partir de matières premières le plussouvent locales, créant ainsi des débouchés et desrevenus aux petits producteurs. Le secteur agroali-mentaire semble donc, à première vue, pouvoir jouerun rôle dans les stratégies de sécurité alimentaire etde lutte contre la pauvreté et les inégalités.

Le rôle économique et social de ce secteur est au-jourd’hui largement reconnu dans les travaux scien-tifiques. Malgré cela, les DSRP ne le mentionnentpratiquement pas dans les stratégies possibles de ré-duction de la pauvreté. Ils reconnaissent au mieux lesecteur informel comme un vivier potentiel d’emploiset de revenus assurant une large redistribution. Maisles projets ciblant le secteur informel s’appuient leplus souvent sur les activités masculines de produc-tion de biens durables et services associés (construc-tion d’équipements, garagistes, couture, etc.).

Il y a là une contradiction entre un fort potentielapparent du secteur agroalimentaire, et une faible priseen compte dans les stratégies de sécurité alimentaireet de lutte contre la pauvreté et les inégalités. C’estde ce constat qu’a germé l’idée de la présente étudeet sa question principale : quel rôle le secteur agroa-limentaire des multiples micro et petites entreprises peut-il jouer dans les stratégies de sécurité alimentaire etde lutte contre la pauvreté et les inégalités ?

Cette étude s’articule en trois parties : la premièreprésente les caractéristiques de ce secteur agroali-mentaire où dominent les micro et petites entreprisesagroalimentaires (MPEA). La seconde partie analyseles intérêts et les limites de ce type d’entreprises pourdes stratégies de sécurité alimentaire (SA) et de luttecontre la pauvreté et les inégalités (LCPI). Enfin, la troi-sième partie propose des principes et des démarchespour renforcer le rôle de ce secteur dans les straté-gies de SA et de LCPI. �

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À titre d’illustration concrète de l’objet de cetteétude, cette partie présente trois cas d’évolution dusecteur agroalimentaire africain. Ces exemples per-

13

mettent de tirer ensuite une série de constats et de ques-tions qui structureront l’analyse dans les seconde ettroisième parties.

Les micro et petites entreprisesdans le secteur agroalimentaire

Première partie

Trois histoires de développement du secteur agroalimentaire

�� L’extraction villageoise d’huilede palme rouge

Le palmier à huile (Elaeis guinensis) est originaired’Afrique. L’extraction de l’huile de ses fruits était tra-ditionnellement faite manuellement par malaxage auxpieds ou pression à la main de la pulpe des noix préa-lablement fermentées et/ou bouillies. L’huile bruteobtenue, de couleur rouge foncé, constitue un in-grédient très prisé de la cuisine africaine des pays duGolfe de Guinée et d’Afrique centrale et a été long-temps la principale source de lipides de l’alimenta-tion de ces régions. L’huile, très riche en bétacarotène,précurseur de la vitamine A, présente, de plus, un trèsfort intérêt nutritionnel.

Historiquement, l’exploitation du palmier à huilea connu deux évolutions parallèles.

D’un côté, l’extraction villageoise, pratiquée defaçon ancestrale, est passée d’une pratique domes-tique pour la satisfaction des besoins familiaux à uneactivité marchande tournée vers les marchés urbainspuis l’exportation pour la diaspora africaine comme

l’ont montré plusieurs auteurs pour la Côte d’Ivoire(Cheyns, 2001) ou pour le Bénin et le Nigeria(Fournier, Ay et al., 2001). L’extraction s’est pro-gressivement mécanisée avec l’utilisation croissantede presses (du Bénin au Sénégal et au Cameroun)

Presse à huile de palme en Casamance (Sénégal).L’introduction des presses à huile à largement contribuéau développement rapide d’une offre commercialeen huile de palme.

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ou de malaxeurs (Nigeria, République démocratiquedu Congo et Burundi). Initialement manuelles, cespresses ont été rapidement motorisées dans les régionsde concentration de la production. Ce développementa été très largement spontané, très peu soutenu parl’État ou la coopération internationale. Excepté auGhana, la recherche agroalimentaire a totalementlaissé à l’écart ce secteur d’activités considéré commearchaïque. Au mieux, cette filière a bénéficié d’in-novations techniques (presses, clarificateurs) dequelques projets de développement généralementsoutenus par des ONG.

De l’autre côté, l’industrialisation de la filière a étéinitiée à partir des années 60, avec la mise au pointde variétés améliorées de palmiers, la création de plan-tations et d’huileries industrielles. Ce processus a étéinitialement soutenu par les États et la coopération in-ternationale et a mobilisé la recherche publique.Dans un premier temps, les entreprises visaient lemarché international et produisaient pour cela del’huile raffinée. Elles ont tenté par la suite d’étendreleurs débouchés aux marchés nationaux avec la pro-duction d’oléine non raffinée.

Ces deux systèmes ont évolué en parallèle. Dansun premier temps, ils ne visaient pas le même mar-ché. Ils se sont cependant parfois retrouvés en concur-rence. Ainsi, en Côte d’Ivoire, les huileries indus-trielles confrontées à des difficultés d’approvisionnementen matière première ont obtenu dans les années 70le monopole de l’achat des régimes des plantationsde palmiers améliorés, privant ainsi des milliers de

Agroalimentaire et lutte contre la pauvreté en Afrique subsaharienne : le rôle des micro et petites entreprises14

femmes de l’activité lucrative que représentaient l’ex-traction et la vente d’huile à petite échelle1. Cette quasi-interdiction d’activité artisanale a certes contribué àla compétitivité du système industriel, mais s’est tra-duite par une diminution de la valeur ajoutée qu’as-surait l’extraction artisanale de l’huile par les femmesdes petits producteurs.

Depuis la libéralisation des filières à la fin des an-nées 90, l’extraction villageoise et la vente d’huilerouge se sont considérablement développées dans plu-sieurs régions du pays. Certaines, comme la régionde Man, bénéficient d’une réputation de qualitébasée sur la prédominance de la palmeraie natu-relle (palmiers issus de la sélection villageoise et nonde la recherche) et le respect de règles traditionnellesd’extraction (Cheyns, Bricas et al., 2004).

En Guinée, on observe une certaine complé-mentarité entre les deux filières. La Soguipah (Sociétéguinéenne de palmier à huile et d’hévéa), huilerie in-dustrielle, est orientée vers la fourniture d’oléine depalme rouge pour le marché intérieur. Elle s’appro-visionne essentiellement en régimes de palmiers amé-liorés. Bénéficiant d’une excellente performance tech-nique, elle produit une huile à un coût inférieur àcelui des huiles de palme rouges artisanales mais debien moindre qualité de l’avis des consommateurs.Aussi, les commerçants grossistes mélangent-ils leshuiles industrielles et artisanales pour obtenir un com-

1 La même mesure a été prise au Sénégal pour garantir l’appro-visionnement en arachide des huileries.

Malaxeur pour l’extractionde l’huile de palme

en République Démocratiquedu Congo.

Les malaxeurs sont bienadaptés à l’extraction d’huile

des petites noix desvariétés dura abondantes dans

les palmeraies naturelles.

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promis permettant de conserver des qualités orga-noleptiques acceptables à un coût réduit.

Malgré son dynamisme, le secteur artisanal estconfronté à des problèmes toujours non résolus, enparticulier l’amélioration de la productivité du travail.Celle-ci reste, même avec une amorce de mécani-sation, relativement faible. De plus, sur les marchésurbains, la qualité des huiles est suspectée d’être nonconforme aux attentes de pureté, d’authenticité et derespect des règles d’extraction traditionnelles desconsommateurs exigeants (Cheyns et al., 2004). Lescritères de qualité des huiles rouges, les conditionsde leur compétitivité avec les autres huiles végétales,restent mal connus et peu pris en compte dans l’amé-lioration variétale et la mécanisation de l’extraction.

�� La transformation des ignamesen cossettes séchées

Les ignames (Dioscorea spp.) sont en partie origi-naires d’Afrique où elles constituaient, avant l’intro-duction du maïs et du manioc au XVIe siècle, la basealimentaire des populations du Golfe de Guinée.D’une culture d’autoconsommation, l’igname est de-venue une véritable culture de rente. Sa productions’étend désormais vers des zones qui n’en étaient pastraditionnellement productrices et sa consommation agagné des populations nouvelles, notamment sahé-liennes plutôt habituées aux céréales. L’igname fait dé-sormais l’objet d’un commerce florissant et très orga-nisé qui a développé récemment une filière d’exportationvers l’Europe, en particulier depuis le Ghana.

Dans certains pays, Côte d’Ivoire et Ghana en par-ticulier, les paysans cultivent une large gamme de va-riétés, dont certaines originaires d’Asie, ce qui leur per-met d’étaler les récoltes et la mise en marché. Ilsparviennent ainsi à réguler l’offre et les prix (Doumbia,1989). Mais l’igname, commercialisée en tuberculesfrais, fragiles et de durée de conservation limitée, resteun aliment cher dont la disponibilité, les prix, et doncla consommation, varient fortement au cours de l’année(Bricas & Attaie, 1998).

Au sud-ouest du Nigeria et au Bénin, il existait de-puis longtemps une pratique de séchage des tuber-cules en cossettes à usage domestique. Les produc-teurs ruraux stabilisaient une partie de leur production,notamment les tubercules abîmés et les écarts de cui-sine, afin de constituer des stocks pour les périodesde soudure. Cette technique consiste à éplucher les

Les micro et petites entreprises dans le secteur agroalimentaire 15

tubercules, les tremper dans de l’eau à 70°C en pré-sence de feuilles, puis les sécher au soleil. Les cos-settes ainsi obtenues sont ensuite concassées puismoulues pour obtenir une farine. Celle-ci sert à pré-parer, par une cuisson rapide dans l’eau bouillante,une pâte à consistance élastique de couleur marron,l’amala ou le télibo-wo, différente du foutou, pâte piléepréparée à partir des tubercules frais bouillis (Bricas,Vernier et al., 1997).

Le principal changement depuis une vingtaine d’an-nées est le développement de la production de cos-settes à des fins commerciales par des milliers d’agri-culteurs au Nigeria, au Bénin et dans une moindremesure au Togo. Ces producteurs se concentrent danscertaines zones : d’une part, dans celles qui connais-sent une saison sèche, où souffle l’harmattan2, favo-rable au séchage des tubercules ; d’autre part, dansles zones qui sont bien desservies par des routes lesreliant aux marchés urbains. Pour cela, les produc-teurs de cossettes ont développé la culture d’un groupevariétal local (les kokoro) qui semblait autrefois peu uti-lisé, mais qui présente de multiples avantages agro-nomiques et commerciaux (Vernier & Dossou, 2001).Dans les villes du sud-ouest du Nigeria et du Bénin,les préparations à base de cossettes occupent désor-mais une place importante dans l’alimentation, en par-ticulier pour les couches populaires pour lesquelles laconsommation régulière de tubercules frais reste un luxe.L’amala a gagné également le marché des non-connais-seurs d’igname (Bricas, Orkwor et al., 2001).

2 Vent de nord-est, très sec, soufflant de janvier à mai en Afriqueoccidentale.

Séchage des cossettes au champ au Bénin.La production de cossettes séchées s’étend de décembreà mars, période de vent sec.

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Ce développement, il faut le souligner, s’est réa-lisé sans aucune intervention extérieure, ni de la re-cherche, ni de projets de développement agricole.Il s’agit typiquement d’une innovation localisée, ori-ginaire du pays yoruba (au sud-ouest du Nigeria), quis’est diffusée spontanément à l’initiative de produc-teurs et de commerçants. Cette véritable mutation dela filière a été induite par la croissance des marchésurbains demandeurs d’igname à moindre coût et dis-ponible sur une plus longue période de l’année.

En comparaison, il faut rappeler le bilan de plusde quinze années d’efforts de la recherche et de deuxgrandes entreprises multinationales agroalimentairespour mettre sur le marché un produit d’igname adaptéà la demande supposée des citadins. En Côte d’Ivoireavec Nestlé d’un côté, et au Nigeria avec Cadburryde l’autre, la recherche, relayée par ces entreprises,a entrepris dès les années 70 la mise au point de flo-cons d’igname déshydratés permettant de reconsti-tuer instantanément et sans peine du foutou. Dans lesdeux cas, cette innovation a été mise en œuvre dansdes unités industrielles. Le lancement du produit a étéprécédé de nombreuses études de marché et ac-compagné de campagnes de publicité et de promo-tion commerciale. Le résultat est plus que décevant.Les consommateurs n’ont pas jugé le produit suffi-samment avantageux compte tenu de son coût relati-vement élevé. Ils ont préféré continuer à confier lapréparation du foutou à leurs employées ou à aller ledéguster dans les restaurants populaires. Après quelquesannées de fonctionnement épisodique, les deux usinesont cessé leurs activités faute de rentabilité.

Agroalimentaire et lutte contre la pauvreté en Afrique subsaharienne : le rôle des micro et petites entreprises16

�� La promotion du mil au Sénégal

À la fin des années 80, le gouvernement sénéga-lais a initié un programme de relance de la consommationde mil à Dakar. L’objectif était double : développer unmarché urbain pour les paysans producteurs de mil, etréduire la dépendance vis-à-vis du riz et du blé impor-tés. Le mil semble apprécié en ville mais sa consommationest limitée par son prix relativement élevé, sa disponi-bilité insuffisante, sa difficulté d’utilisation et ses faiblespossibilités de diversification de l’alimentation (Sautier,Odeyé et al., 1989 ; Broutin et Sokona, 1999).Essentiellement vendu sous forme brute, le grain doitd’abord être décortiqué manuellement au pilon. Denombreux petits moulins de quartier permettent ensuitede le moudre à la demande des ménagères qui trans-forment la farine en couscous, la principale forme deconsommation du mil. Des vendeuses proposent des fa-rines, semoules et couscous frais sur les marchés, maisces produits ne se conservent pas longtemps et sont jugésde mauvaise qualité hygiénique par certains consom-mateurs. La filière mil est ainsi jugée archaïque.

Initialement, le programme sénégalais de promo-tion du mil s’est appuyé sur une minoterie industrielleéquipée d’une ligne de décorticage et de mouture decette céréale : la société Sentenac. En 1989, des fa-rines et semoules en sachets ont été mises sur le mar-ché avec l’appui d’une vaste campagne publicitairequi s’est poursuivie plusieurs années. La semoule (sanxal3)a rencontré un certain succès et Sentenac a alors étérapidement imitée par de plus petites entreprises. Onen comptait une dizaine au début des années 1990.Avec l’aide de projets, celles-ci se sont développéesen s’équipant notamment de décortiqueuses abrasivesmotorisées, mises au point conjointement par la re-cherche et des artisans constructeurs sénégalais.

Elles ont diversifié les produits, investissant notam-ment le secteur de la boulangerie avec la relance dupain incorporant de la farine de mil, baptisé « painriche ». Elles ont surtout proposé des produits finissecs, à plus forte valeur ajoutée (produits roulés telsque le couscous, farines infantiles, biscuits, etc.) (Broutinet Sokona, 1999). La dévaluation du franc CFA adonné un coup de pouce au secteur qui compte au-jourd’hui une cinquantaine de micro et petites entre-prises mécanisées. Au total, l’accompagnement de cespetites entreprises aura duré une dizaine d’années.

3 Dans la littérarure, on trouve d’autres orthographes : sankhal,sankal.

Précuisson des cossettes d’igname au champ au Bénin.Les cossettes sont précuites dans un bain contenantdes feuilles végétales qui imprègnent les cossettes d’unanti-fongique et d’un insectifuge naturels.

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Le bilan que l’on peut tirer de cette expérience estplutôt positif : la plupart des petites entreprises conti-nuent de fonctionner alors que les appuis qui leurétaient fournis ont cessé ; de nouvelles ont été créées,notamment par des femmes transformatrices qui se sontregroupées. La société Sentenac, après des arrêts tem-poraires d’activités, a complètement stoppé cette pro-duction en 1999. Celle-ci était jugée moins rentableque la transformation du blé en farine. Le marché aété progressivement conquis par les MPE qui ontcontinué à le développer.

Combinant des valeurs de naturel et d’identité,seules accessibles aux produits locaux, et des va-leurs d’hygiène, seules accessibles à des produitsemballés vendus dans les circuits de distribution mo-dernes, les céréales en sachets ont su répondre auxnouvelles tendances de la consommation urbaine,au croisement de deux mondes : celui de l’identitéet de la tradition, incarnée par une céréale symbole,et celui de la modernité, incarné par un emballageet un produit vendu dans les circuits modernes, etproches de tous les consommateurs (François, Broutinet Sokona, à paraître). Le mil ne se trouve plus seu-

Les micro et petites entreprises dans le secteur agroalimentaire 17

lement vendu en vrac ou en produit frais sur les mar-chés de quartier. Il est désormais présent dans les bou-tiques de quartiers, les épiceries et les libres-services.Les campagnes de promotion ont globalement amé-lioré l’image des céréales locales (Sokona et al.,2003). Le mil est plus souvent consommé qu’aupa-ravant, même si l’on ne peut considérer pour autantqu’il s’est substitué au riz importé.

Au total, l’offre en mil transformé sous forme desachets ou de pain riche était estimée en 2001 à5 000 tonnes par an pour la seule ville de Dakarcomptant plus de 2,3 millions d’habitants et ce mar-ché a poursuivi depuis sa progression. La consom-mation totale de la ville était cependant évaluée à plusde 45 000 tonnes par an en 1998. On peut doncestimer que 80 à 90 % du mil restent transformés, soitpar les ménagères elles-mêmes, soit par le secteur desartisanes individuelles : artisanes rurales expédiant leurproduction sur Dakar, transformatrices urbaines qui ven-dent leurs produits dans les marchés et dans la rue,restauratrices populaires, fabricantes à domicile.

Dans tous les cas, les ménagères comme les ar-tisanes s’appuient désormais sur les ateliers de dé-

Sachets de farine, semoule, couscous de mil proposéspar des petites entreprises de Dakar et Thiès (Sénégal).

Vente de céréales dans la rue à Cotonou (Bénin).

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corticage et de mouture mécanisés fonctionnant enprestation de service. Ces activités économiques nesont pas déclarées, elles font partie du secteur dit « in-formel ». Elles sont toujours accusées de participer àl’encombrement des marchés, à leur insalubrité. Ellessont suspectées d’offrir des produits de qualité dou-teuse. Elles sont peu ou pas organisées en collectifspouvant devenir des interlocuteurs des pouvoirs pu-

Agroalimentaire et lutte contre la pauvreté en Afrique subsaharienne : le rôle des micro et petites entreprises18

blics et des institutions de développement. Elles ne sontdonc pratiquement pas prises en compte dans les stra-tégies de développement agroalimentaire. Pourtant,c’est bien ce secteur qui continue d’assurer l’essen-tiel de l’offre en mil sur Dakar, fournissant des reve-nus à des milliers de femmes fabricantes et vendeuseset à quelques centaines d’hommes qui gèrent les ate-liers de décorticage et mouture mécanisés.

�� Un fort dynamisme économique ettechnique du secteur artisanal

Le premier constat que l’on peut tirer de ces troisexemples est l’incontestable dynamisme de ce secteurartisanal agroalimentaire. En quelques décennies, cesactivités ont connu d’importants changements de leurenvironnement. La demande des marchés urbains adoublé en moins de vingt ans. Si des importations ali-mentaires sont venues compléter les disponibilités pournourrir les villes, il faut reconnaître que les filières na-tionales et régionales ont largement réussi à suivrecette évolution de la demande. À part dans les situa-tions de guerre ou d’accident climatique, aucun paysafricain n’a eu à souffrir de pénuries alimentaires pourle ravitaillement de ses villes en produits locaux. Lesexigences de qualité et de disponibilité des produitsont également fortement changé avec l’accroissementde cette clientèle urbaine. Celle-ci a suscité une de-mande de nouveaux services (transformation, distri-bution, restauration) liés au mode de vie citadin. Bienque s’appuyant sur des savoir-faire traditionnels, lesecteur artisanal a su innover pour adapter son offreà cette nouvelle demande. Dans ces trois cas, commedans bien d’autres, des innovations techniques, mé-canisation ou nouveaux procédés, ont débloqué desgoulots d’étranglement et permis un développement dusecteur. Enfin, le secteur industriel a investi ces filièresle plus souvent avec l’aide des pouvoirs publics ou desprojets de développement et a créé une concurrenceavec le secteur artisanal, soit pour l’obtention de ma-tière première, soit pour l’accès au marché final.

Dans la plupart des cas, comme pour l’agriculturepaysanne ou les pêches piroguières (Chauveau & Jul-

Larsen, 2000), ce secteur a fait l’objet d’un postulatde secteur traditionnel synonyme d’immobilisme, d’ar-chaïsme et de faible productivité.

�� Une priorité politiqued’abord donnée à l’industrie

Jusque dans les années 80, les politiques agri-coles et alimentaires en Afrique subsaharienne ont étédominées par un double objectif : le premier étaitd’insérer les économies africaines dans le marché in-ternational par la fourniture de matières premièresagricoles et de produits transformés compétitifs (huiled’arachide et de palme, café, cacao, conserves depoisson, caoutchouc, coton, etc.). Le second objectifétait d’assurer la sécurité alimentaire de la populationen veillant à des disponibilités suffisantes et régulières,quitte à recourir à des importations alimen- taires à faiblecoût sur le marché international. Le secteur de la trans-formation agroalimentaire a donc initialement été dé-veloppé pour répondre à ce double objectif : d’unepart pour assurer la transformation sur les lieux de pro-duction de matière première périssable non expor-table en l’état (huileries, conserveries) ; d’autre part pourtransformer sur les lieux de consommation des ma-tières premières importées afin d’accroître la valeur ajou-tée nationale (minoteries de blé, biscuiteries, brasse-ries, usines de boissons gazeuses, usines dereconstitution et de transformation du lait en poudre).Dans tous les cas, les États ont privilégié la créationd’entreprises industrielles capables de réaliser deséconomies d’échelle par un traitement fortement mé-canisé de grandes quantités de matières premières.

Quelles leçons tirer de ces trois exemples ?

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Les micro et petites entreprises dans le secteur agroalimentaire 19

La transposition de ce modèle de développementaux filières « vivrières » domestiques s’est véritablementamorcée dans les années 80 avec les tentatives decréation d’unités industrielles de traitement du mil, dumaïs, du manioc, de l’igname, des fruits (jus) et lé-gumes (tomates surtout). Certaines entreprises crééespour exporter sur le marché international ont aussi tenté,avec le développement du marché urbain, un élar-gissement de leurs débouchés vers les marchés inté-rieurs. Cependant, dans la plupart des cas, les résultatsde cette industrialisation ont été décevants (Bricas etMuchnik, 1985). Les entreprises ont été confrontéesà d’importants problèmes de sécurisation de leursapprovisionnements en matière première. Les pro-duits commercialisés n’ont pas toujours rencontré l’in-térêt des consommateurs dont on avait, un peu tropvite, supposé les attentes (Bricas et Bridier, 1993).

Même si, par la suite, les tentatives d’industriali-sation ont pris la forme d’unités pilotes de taille plusmodeste que ces « éléphants blancs », le secteur desmicro et petites activités agroalimentaires des femmesest resté jusque dans les années 90 largement àl’écart des politiques et des interventions hormis celles,souvent ponctuelles, d’ONG.

�� L’invisibilité d’un secteur,quantitativement important, quicontribue à la sécurité alimentaireet à la réduction de la pauvreté

Les trois exemples précédents sont loin d’être ex-haustifs pour révéler l’importance numérique des micro-entreprises agroalimentaires en Afrique. La transfor-mation des autres céréales (riz, maïs, sorgho, fonio,teff), du manioc, de l’arachide, du poisson, de laviande et du lait, des produits de cueillette (karité,néré) occupe des millions de ruraux et de nombreusesfemmes en milieu urbain. La vente de rue de produitsprêts à consommer, la restauration populaire et tousles métiers induits fournissant des consommations in-termédiaires (énergie, équipements, emballages, etc.)fait de même en milieu urbain. La mesure précise del’importance économique de ce secteur n’existe pas.Car ce secteur n’est tout simplement pas reconnu entant que tel, confondu avec l’activité agricole ou le com-merce et surtout, essentiellement tenu par les femmes.Une simple visite dans les marchés, tant en ville qu’àla campagne, témoigne pourtant de la vitalité et ducaractère diffus de ce secteur.

S’il intègre des activités hâtivement entreprises poursurvivre un temps en valorisant un petit fonds de rou-lement et quelques ustensiles de cuisine, puis aban-données par la suite, ce secteur ne peut se résumer àcela. La transformation agroalimentaire à l’échelle ar-tisanale mobilise également des savoir-faire techniquesparfois très complexes, même s’ils sont empiriques etmanuels. Elle intègre de véritables métiers qui ne peu-vent être investis sans un apprentissage. On ne peutpas non plus la restreindre à des activités archaïques,immobilisées dans des gestes, des outils et des savoirsimmuables. Les exemples précédents montrent la ca-pacité d’innovation de ces opérateurs, cherchant à amé-liorer la productivité du travail et à adapter leurs pro-duits aux exigences de qualité des marchés : lesmoulins, les presses, les râpes, les séchoirs se sont mul-tipliés sur le continent, généralement du fait d’artisansmécaniciens inventifs, parfois aidés, il est vrai, d’in-génieurs de la recherche ou de projets de dévelop-pement ; rarement en tout cas du fait d’une véritablepolitique d’accompagnement à ce secteur.

Ce secteur semble donc fournir des revenus à untrès grand nombre de familles rurales et urbaines. Iloffre aux consommateurs des aliments à faible coût

Séchage du poisson à Joal (Sénégal)

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adaptés à leurs goûts. Il mobilise les femmes excluesdes systèmes d’éducation et du marché du travail for-mel et valorise leurs compétences. Il contribue, en sta-bilisant les produits, à réduire les pertes post-récolteet donc à augmenter les disponibilités alimentaires. Deprime abord, ce secteur semble donc contribuer à lasécurité alimentaire et à la réduction de la pauvreté.Or il a été longtemps maintenu à l’écart des poli-tiques ou des opérations de développement, et conti-nue de l’être, à en juger par le contenu de la plupartdes stratégies de réduction de la pauvreté qui l’igno-rent. Il y a là une contradiction apparente. Mais onpeut faire l’hypothèse que si ce secteur est longtempsresté ignoré des décideurs, c’est qu’il représentait,aux yeux de nombre d’observateurs, le produit dusous-développement et non une ressource possible dudéveloppement. L’informalisation de l’économie esten effet perçue comme le signe apparent de la criseéconomique (Charmes, 1996 ; Meagher, 1995).Soutenir un tel secteur ne signifie t-il pas s’enfermer dansle sous-développement, refuser la modernité ?

�� Un intérêt récent… souvent ciblésur les entreprises les plus dynamiques

La prise en considération de la transformationagroalimentaire à petite échelle a cependant eu lieu,même si elle a été tardive. Elle a été concomitanteavec la reconnaissance du secteur privé. Elle a com-mencé dans les pays anglophones à orientation pluslibérale et s’est étendue ensuite dans les pays fran-

cophones. Elle s’est alors traduite, dans les interven-tions dans ce secteur, par un ciblage vers les activi-tés les plus dynamiques et déjà les plus grosses.

Après la période des grands projets industriels asuivi celle de la création de « petites et moyennes en-treprises ». Ces unités ont souvent été montées à l’ini-tiative de centres de recherche ou d’ONG qui ont in-troduit, au sein d’unités-pilotes, des innovationstechniques permettant la mécanisation des procédés.Soucieux de rassurer une clientèle se méfiant desproduits vendus dans la rue ou sur les marchés, lespromoteurs ont cherché à appliquer un contrôle scien-tifique de la qualité, à présenter les produits dans desconditionnements similaires à ceux des produits in-dustriels (sachets ou bouteilles hermétiques, étiquetage,date limite de conservation, etc.) et à les commercialiserdans les magasins en libre-service. Les entrepreneursont été formés aux méthodes de gestion formelle età « l’esprit d’entreprise ».

L’intérêt de ces unités, tel que mis en avant parleurs promoteurs, est de limiter les risques de rupturesd’approvisionnement en se plaçant plus près de pe-tits producteurs à l’offre atomisée. Il est aussi de pou-voir mieux s’adapter aux attentes spécifiques de laclientèle en offrant des produits plus ciblés, plus di-versifiés, plus rapides à préparer et de plus longuedurée de conservation (Broutin et al., 2003). Les in-vestissements nécessaires à la création de ces entre-prises sont enfin plus compatibles avec les capacitésfinancières des entrepreneurs africains et permettentde réduire les risques pour leurs partenaires financiers.De telles orientations ont conduit, là encore, à lais-ser de côté tout un pan d’activités, de plus petitetaille encore, souvent peu mécanisées, informelles, etqui continuent pourtant à assurer la majorité de la trans-formation des produits.

Mais au-delà des projets-pilotes, ces entreprisessont censées servir d’exemple, avoir un effet d’en-traînement sur le secteur, inciter à une meilleure maî-trise de la qualité des matières premières et des pro-duits finis, servir de démonstration de la faisabilitétechnico-économique des innovations. L’objectif de par-venir à créer ces entreprises exemplaires a souventconduit à privilégier les entrepreneurs les moins dé-munis et les marchés de niche pour une clientèle àfort pouvoir d’achat. Quels sont alors les impactsquantitatifs en termes de sécurité alimentaire et de luttecontre la pauvreté ? Ces projets ont-ils l’effet d’en-traînement souhaité sur l’ensemble du secteur ?

Agroalimentaire et lutte contre la pauvreté en Afrique subsaharienne : le rôle des micro et petites entreprises20

Poisson fumé produit à Mbour (Sénégal).Le metorah, poisson fumé, est produit à Mbouressentiellement pour le marché régional.Ces cartons sont destinés à l’exportation vers le Burkina.

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Les exemples qui précèdent montrent que derrièrequelques petites ou moyennes « entreprises » visibleset surtout visitées, se « cachent » (même si la rue nepeut manquer de les révéler) des milliers de micro-activités mal repérées. Une tentative de définition etde typologie des activités et une présentation del’étendue de ce secteur dans les différentes filières ali-mentaires s’imposent à ce niveau.

�� Activités agroalimentaires :définition et diversité des produits

Par activités agroalimentaires sont considérées iciles activités de transformation physique (séparation, sé-chage, fragmentation, extraction, fermentation, mé-langes, traitements thermiques, conditionnement, etc.)des produits agricoles, de l’élevage et de la pêche.Y sont intégrées les activités de préparation commer-ciales de repas (restauration). Sont exclues les activi-tés de simple commerce ou de transport pour les-quelles il n’y a pas de transformation du produit. Ellesintègrent donc à la fois les activités post-récolte de pre-mière transformation, généralement rurales, et les ac-tivités permettant l’obtention de produits finis directe-ment utilisables dans la cuisine ou directementconsommables. Ces activités concernent pratiquementtous les produits alimentaires comme on peut s’enrendre compte dans le tableau 2 (voir pages 22 et23) : céréales, racines et tubercules (farines, semoules,pâtes et boissons fermentées, produits roulés, etc.),viandes et poissons (salé, séché, fermentés, etc.),oléagineux (huiles), fruits (séchés, en jus, etc.), produitslaitiers, produits condimentaires de cueillette, etc.

�� Activités agroalimentaires :proposition de typologie

Artisanat, micro, très petites, petites et moyennesentreprises, micro-activités, activités génératrices de re-venus, de survie, de subsistance, informelles, auto-emplois de femmes… dans le secteur agroalimen-taire. Diverses appellations sont utilisées dans lalittérature pour désigner des activités de transformationde produits agricoles, de l’élevage ou de la pêche me-

Les micro et petites entreprises dans le secteur agroalimentaire 21

nées à petite échelle. Ces appellations sont-elles pourautant équivalentes ? La diversité des situations ren-contrées, de la vendeuse occasionnelle de beignetsà l’entreprise mécanisée employant des salariés, et ladiversité des définitions dans la littérature ont conduit,pour les besoins de cette étude, à établir une typolo-gie pour préciser le vocabulaire qui y est utilisé. Celle-ci est présentée dans le tableau 3 (voir pages 24 et25) pour ce qui concerne les unités individuelles.

Ce tableau appelle plusieurs remarques :

a) Les activités agroalimentaires concernent à lafois les unités de production d’aliments transformés(transformation physique de la matière première) etles unités de prestation de service de transformation,voire de conditionnement (pileuses, décortiqueurs,meuniers, presseurs, etc., à façon).

b) Le secteur agroalimentaire, bien plus que lesautres secteurs, se caractérise par l’importance desgroupements productifs, généralement féminins, en mi-lieu rural et en milieu urbain4. On peut y distinguerdeux grands types :

� les regroupements de transformatrices individuellessur un même lieu de travail et généralement auxmêmes moments. Chacune dispose de sa propre

Un secteur hétérogène : organiser et décrire la diversité

Vendeuses de biscuits à Madagascar.

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olas

Bric

as (C

irad)

4 Ces groupements productifs sont l’une des composantes mises enavant dans les Systèmes agroalimentaires localisés (Syal). Cesderniers correspondent à des ensembles plus larges, géogra-phiquement et/ou culturellement situés, caractérisés par une com-munauté de savoir-faire, de règles et de valeurs et, par consé-quent dans le secteur agroalimentaire, par une typicité de produits.

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Agroalimentaire et lutte contre la pauvreté en Afrique subsaharienne : le rôle des micro et petites entreprises22

Produits Produits du secteur industriel du secteur des MPEA

➤ CÉRÉALES

Maïs, mil, sorgho, Semoule et farine Semoules (ex. sanxal [SN], farines, beignets, bouillies,fonio, tef Bière couscous et granules (ex. céré, araw [SN], ciakry [SN],

dégué [BF]), pâtes fermentées (ex. produits dérivés dumawé de maïs : ablo, akassa, amiwo, lio [BJ]), crêpes(ex. ingera [ET]), beignets et galettes (avoumi, kléklé,massa, talé-talé [BJ]), boissons fermentées (ex. dolo [BF],chakpalo [BJ], [BF] [TG]), bilbil [CM]).+ Décortiqueuses et moulins en prestation de service.

Riz Riz blanchi Riz blanchi, riz étuvé.Semoule et farine de riz.+ Décortiqueuses en prestation de service.

➤ RACINES ET TUBERCULES

Manioc Semoule (ex. gari [BJ], [NC], [TG]), farine (ex. foufou),granules (ex. attiéké [CI]), pâtes fermentées en « pain »(ex. chikwangue [CG], kwangua [CD]) ou « bâtons »(ex. bibolo, miondo [CM]), cossettes [GU].+ Râpes et presses en prestation de service.

Igname Flocons Cossettes et farines [BJ], [NC], [TG].Igname pilée fraîche [BJ], [NC], [TG].Igname pilée séchée [BJ], [NC], [TG].

➤ HUILES

Palme Huile raffinée Huile non raffinée (tous les pays producteurs de palmiers)Oléine rouge [AOC], [AFC].

+ Presses ou malaxeurs en prestation de service.

Palmiste Huile raffinée Huile non raffinée [AOC], [AFC].

Arachide Huile raffinée Huile non raffinée (tous les pays producteurs d’arachide).

Coco Huile de coprah Huile de coco fraîche [AOC], [AFE], [AFA].

Graines et Beurre de karité, huile de soump (Balanites aegyptiaca) [SN],noix de cueillette huile de marula (Scelerocarya birrea) [ZA], [NA],

huile de safou (Dacryodesedulis spp.) [CM],huile de raisinier sauvage (Lannea microcarpa) [ML].

.../...

TABLEAU 2 : Quelques exemples de produits alimentaires transformés des secteurs industrielset des MPEA en Afrique subsaharienne

(les lettres entre crochets indiquent le pays ou la région d’origine du produit)

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Les micro et petites entreprises dans le secteur agroalimentaire 23

➤ PRODUITS LAITIERS

Lait Lait en poudre Lait frais, lait pasteurisé, lait caillé, fermenté, yaourtreconditionné, [CM], [ML], [SN], [BF], ...lait caillé, yaourt ;lait stérilisé, lait UHT(souvent à base delait en poudre)

Fromage Fromages peuhls (ex. wagashi [BJ], [NC]).

Beurre Beurre clarifié, liquide (« huile de beurre »), etc.Crème fermentée (féné [ML]).

➤ PRODUITS CARNÉS

Viande Viande séchée condimentée (ex. kilishi [ML], [BF], [NE],[CM]), viande boucanée, fumée.

Poisson Conserves Poisson séché, fumé, fermenté, braisé [SN], [GH], ...

➤ LÉGUMES ET CONDIMENTS

Légumes fruits Concentré de tomate Tomate séchée [TC], oignon séché, gombo séché,piment séché et en poudre.

Légumes feuilles Diverses feuilles fraîches hachées, feuilles séchéeset en poudre.

Graines Diverses graines condimentaires de cueillette transformées(ex. soumbala [BF], afintin [BJ], nététou [SN], jangsang [CM])Arachides grillées, noix de cajou.

➤ FRUITS

Divers Jus, sirops Jus, sirops, morceaux séchés.Confitures, marmelades.

[BJ] : Bénin. [BF] : Burkina Faso. [CD] : R.D. Congo (Kinshasa). [CG] : Congo (Brazza). [CM] : Cameroun.[ET] : Éthiopie. [GH] : Ghana. [GU] : Guinée. [ML] : Mali. [NA] : Namibie. [NE] : Niger. [NC] : Nigeria.[SN] : Sénégal. [TC] : Tchad. [TG] : Togo. [ZA] : Afrique du Sud. [SAH] : Pays du Sahel. [AOC] : Afrique de l’Ouest côtière.[ACT] : Afrique centrale. [AFE] : Afrique de l’Est. [AFA] : Afrique australe.

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Agroalim

entaire et lutte contre la pauvreté en Afrique subsaharienne

: le rôle des micro et petites entreprises

24

Termes utilisés dans l’étude ALPA Activités de subsistance Micro-entreprise Petite entreprise Moyenne entreprise

Termes équivalents Activité génératrice de revenus Très petite entreprise (TPE)(AGR)Occupation

➤ CONDITIONS D’ENTRÉE DANS L’ACTIVITÉ

Savoir-faire Pas de savoir-faire technique Savoir-faire technique spécifiquespécifique

Type d’équipement Utilisable pour la cuisine familiale Utilisable pour la cuisine Spécifique pour les activités de l’entreprisede grandes familles

Capital financier de démarrage Mobilisable sur épargne personnelle et réseau de proximité Recours nécessaire à du crédit informel ou formel

➤ CARACTÉRISTIQUES DE FONCTIONNEMENT

Local Souvent à domicile, pas de Souvent local spécialisé Local indépendantlocal indépendant ou sur lieu à domicile ou sur un lieufixe (milieu rural) fixe (milieu rural)

Employés Pas d’employés Auto-emploi + main-d’œuvre Patron + main-d’œuvre familiale Patron + personnel spécialisé +Auto-emploi familiale ou apprentis + quelques employés permanents employés + main-d’œuvre temporaire

rémunérés + main-d’œuvretemporaire

Organisation des activités Le responsable assure toutes les fonctions Distinction des fonctions entre employés

Type de marché Marché de proximité, Marchés distants, niches de marchés,vente directe aux clients vente via distributeurs

Importance du revenu Revenu d’appoint, de subsistance Revenus pouvant assurer Revenus permettant des investissements dans l’entrepriseles besoins d’une famille entière

➤ STRATÉGIE DE L’ACTIF

Métier Activité non reconnue par l’actif Activité reconnue par l’actif comme un métiercomme un métier

.../...

TABLEAU 3 : Typologie des activités individuelles agroalimentaires à petite échelleNadia Bentaleb, Nicolas Bricas, Cécile Broutin, Fatou Ndoye, Khanata Sokona, Babacar Touré

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Les micro et petites entreprises dans le secteur agroalim

entaire25

Termes utilisés dans l’étude ALPA Activités de subsistance Micro-entreprise Petite entreprise Moyenne entreprise

Stabilité Activité temporaire Activité stable, permanente mais qui peut n’être que saisonnière quand inféodée à disponibilité en matièrepremière périssable (ex. igname, fruits, régime de palme)

Statut social de l’activité Pas de nom Pas de nom de l’entreprise affiché Nom de l’entreprise affiché sur le local et/ou sur les produits

Engagement du responsable Activité d’appoint, pas de souhait Volonté de s’investir dans Investissements matériels dans l’entreprise (local, équipement) etdans l’activité d’investir dans l’activité l’entreprise au moins en temps et immatériels (réseau)

Stratégie d’évolution Peu de stratégie d’évolution Stratégie de reproduction Stratégie de croissance par multiplication ou grossissement

➤ RELATIONS AVEC L’ENVIRONNEMENT INSTITUTIONNEL

Financement Accès au micro-crédit décentralisé Compte bancaire (dépôts et Accès au crédit bancairedécouverts). Recherche de crédits

Appui-conseil Rarement connecté Souvent réactif Recherche d’appuis et conseils Capacité à payer l’appui et le conseil

Organisations collectives Associations de commune activité Associations de commune activité Parfois associations professionnelles Souvent associations professionnellesà but le plus souvent social (tontines) à but social et parfois économique ou syndicats

Statut juridique Pas de statut juridique Parfois enregistré au registre Souvent enregistré au registre Enregistrédu commerce du commerce

Impôts et taxes Taxes et patentes municipales Taxes et patentes municipales si vente fixe + Impôt Secteur Informel Taxes et impôtssi vente fixe (urbains) s’il existe (ex. Burkina Faso)

Déclaration des salariés et Non Rare Plus souventcotisations sociales

➤ EXEMPLES

Productrice-vendeuse de beignets Fabricante-vendeuse de couscous, Meunier ou décortiqueur en UCODAL (Mme Mariko)(< 10 kg/jour) dans la rue. semoule frais. prestation de service. SODEPAL (Mme Zoundi)Productrice-vendeuse de glaces Fabricante de poisson séché. Atelier mécanisé et produitsen sachets à domicile. Productrice-vendeuse de lait céréaliers secs en sachets.Productrice-vendeuse de lait caillé caillé à base de lait fraisà base de poudre. (savoir-faire important).

MPEA

ENTREPRISE

PME (Petite et moyenne entreprise)

SECTEUR INFORMEL SECTEUR FORMEL

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matière première et reste propriétaire de sa pro-duction. Le caractère collectif de l’activité est liéà la mise en commun d’équipements (fûts, bassines,aires de séchage), même s’ils restent parfois pro-priétés d’individus, et à l’entraide entre les trans-formatrices pour certaines opérations. La com-mercialisation peut se faire collectivement parvente groupée mais chaque femme est rémunéréeselon son volume de production. Dans certains cas,les femmes peuvent cotiser à une caisse collectivepour acheter en demi-gros des équipements, desemballages, du bois de chauffe, et les revenus peu-vent être partagés entre la caisse commune et lesindividus. Exemples : groupements de produc-trices rurales d’huile de palme dans tous les paysproducteurs, de gari (semoule de manioc) duTogo au Nigeria, de poisson séché ou fumé dansde nombreux pays ; groupements urbains de pro-duction de soumbala (condiment à base de grainesde néré fermentées) au Burkina Faso ;

� les collectifs de production, généralement asso-ciatifs, appelés parfois « entreprises communau-taires » (Gret, Enda Graf, 2006), où la propriétéde la matière première, des consommations inter-médiaires et des équipements est commune. Cescollectifs sont généralement identifiables par unnom et par une responsable, animatrice ou porte-parole. Le produit des ventes est réparti régulière-ment entre les membres selon des règles propresà chaque groupe. Il est parfois partiellement ou inté-gralement géré par le groupement pour financerses activités ou mettre en place un fonds de cré-dit rotatif (financement des activités individuelles desmembres). Exemples : groupements urbains deproductrices de céréales ou de manioc transformés.

Dans les deux cas, vis-à-vis des commerçants commedes institutions de développement, ces groupementssont présentés comme des entités non divisibles. Dupoint de vue des volumes traités et des équipements,certains groupements peuvent être équivalents ouproches des petites ou moyennes entreprises. Maisdu point de vue du fonctionnement et surtout des stra-tégies, ces groupements sont souvent plus proches desmicro-entreprises. Les buts des groupements sont ra-rement d’accumuler ou de croître et leurs dimensionssociales sont souvent mises en avant.

c) Comme dans toute typologie, la définition de ca-tégories est réductrice et on peut toujours trouver des

Agroalimentaire et lutte contre la pauvreté en Afrique subsaharienne : le rôle des micro et petites entreprises26

cas pour lesquels un classement est difficile. Aucundes critères présentés dans le tableau 3 (voir pages24 et 25) ne peut être considéré comme suffisant. C’estbien la concordance sur plusieurs critères qui peut per-mettre de classer les activités sans qu’il soit possiblede pondérer chaque critère selon un caractère plusou moins discriminant.

d) Il existe bien sûr un continuum d’unités entre cesdifférentes catégories. Ceci ne signifie pas pour au-tant que l’évolution de chaque entreprise les conduiseà passer d’une catégorie à une autre, comme si cha-cune d’elles constituait une étape dans un processusde développement.

e) Le ciblage de projets de développement sur cer-tains types d’activités permet de mettre en évidenceune première distinction couramment faite entre deuxgrands types d’unités : d’un côté, les micro-activités,activités de survie ou génératrices de revenus ou « pours’occuper », et de l’autre les « entreprises » (de petitetaille). Dans le cadre des projets de développement,aux premières est souvent associé un objectif de luttecontre la pauvreté. Ces activités sont d’abord recon-nues pour leur capacité à fournir un revenu minimumaux plus démunis. Aux secondes est associé un ob-jectif de croissance économique, ce qui n’exclut pasbien sûr qu’elles participent à des stratégies de luttecontre la pauvreté. Ces activités sont reconnues pourl’esprit d’entreprise qui caractérise leurs patrons, et pourleur potentiel de création d’emplois, d’accumulationet de croissance. Grossièrement, les interventions surles premières pourraient essentiellement relever de po-litiques sociales, même si elles prennent la forme d’ins-truments économiques comme le microcrédit ; les in-terventions sur les secondes pourraient relever davantagede politiques économiques. On peut toutefois distin-guer au sein des activités de subsistance des activitésqui sont ou peuvent devenir « pré-entreprenariales »(Broutin C., Rouyat J., 2005). Il s’agit d’activités sou-vent saisonnières (en fonction de la disponibilité de lamatière première) mais exercées de manière régu-lière (d’une année sur l’autre), notamment par lesfemmes qui souhaitent en faire une source principalede revenus et qui investissent du temps et parfois unpeu de capital pour cela. Ces activités sont parfoisconfondues avec des activités de survie parce qu’ellessont temporaires, mais il existe une demande desfemmes de bénéficier de dispositifs d’appui similairesà ceux des petites entreprises.

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Les micro et petites entreprises dans le secteur agroalimentaire 27

La réalité conduit cependant à distinguer, au seindes catégories d’entreprises deux groupes distincts : � celui des activités de subsistance, des micro et pe-

tites entreprises, soit les trois premiers groupes dutableau, dont le très grand nombre justifie que, d’unpoint de vue macro-économique, on puisse consi-dérer qu’elles jouent ou peuvent jouer un rôle im-portant dans la lutte contre la pauvreté et la sé-curité alimentaire. C’est sous l’appellation MPEA(pour micro et petites entreprises agroalimentaires)que nous désignons ces trois types d’activitésdans cette étude ;

� celui des moyennes entreprises, quatrième groupedu tableau, nettement moins nombreuses aujour-d’hui, qui même si elles apparaissent porteuses decroissance économique, n’ont encore, du point devue macro-économique, qu’une contribution mar-ginale à la création d’emplois, de revenus ou àl’offre en aliments.

Choisir une appellation pour parler de ce secteurrévèle ainsi un enjeu important : celui de la légitimitéde ces activités dans le champ du développement. Le

terme « artisanat » aurait pu être utilisé par commoditéde langage plutôt que le sigle MPEA. Mais certainesmicro ou petites entreprises refusent cette appellationd’artisanat pour s’en distinguer, lui préférant l’appel-lation d’entreprise. De même, chez certains décideurs,le terme d’artisanat évoque plutôt la tradition, la pré-carité, la débrouille et le sous-développement plutôt quela modernité. Quand le terme artisanat est valorisé, ilrenvoie alors plutôt à des activités de production à pe-tite échelle de biens durables (meubles équipements,objets d’art, etc.), voire de services. Mais il n’inclut passpontanément les activités liées à l’alimentation consi-dérées trop proches des activités domestiques.

L’appellation MPEA présente l’intérêt, pour le mondedu développement, d’inclure le terme « entreprises ».Il est ainsi plus synonyme de croissance, de progrès,d’évolution et plus porteur de reconnaissance du ca-ractère économique et professionnel de l’activité (et nonsimplement et exclusivement social et de survie). Maisà utiliser ce terme d’entreprise, ne risque-t-on pas d’ex-clure des petites activités économiques des plus pauvres,qui ne présentent pas nécessairement les critères « im-plicites » d’une entreprise pour les décideurs ? �

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Au travers d’une grille de lecture de la sécuritéalimentaire et de la lutte contre la pauvreté pré-sentée en premier lieu, cette deuxième partie four-

29

nit une analyse du potentiel ainsi que des limitesdes micro et petites entreprises par rapport à cesdeux objectifs.

La contribution des MPEA à la sécuritéalimentaire et à la lutte contre la pauvreté

Deuxième partie

Les critères d’analyse de la sécurité alimentaireet de la lutte contre la pauvreté

�� La sécurité alimentaire

Par sécurité alimentaire, on entend ici : « Accèsphysique et économique pour tous les êtres humains,à tout moment, à une nourriture suffisante, salubre etnutritive, leur permettant de satisfaire leurs besoins éner-gétiques et leurs préférences alimentaires pour menerune vie saine et active », selon la définition qu’en adonnée la Conférence mondiale de l’Alimentationen 1996.

Cette définition dépasse largement la définition ini-tiale, centrée sur l’adéquation entre disponibilités etbesoins alimentaires, qui limitait la question à un pro-blème de quantités au niveau de chaque pays.

Ce dernier consensus sur la définition de la sécuritéalimentaire intègre non seulement les questions de qua-lité nutritionnelle et de salubrité des aliments, mais aussiles dimensions sociales et culturelles de l’alimentationqui se traduisent par des « préférences alimentaires ».La notion d’accès, introduite par les travaux d’Amartya

Sen (Sen, 1982), renvoie aux capacités de chaqueindividu à produire et/ou à acquérir des aliments.Cette définition reconnaît enfin que la situation nutri-tionnelle n’est pas seulement une résultante du déve-loppement mais qu’elle en est aussi un facteur. La sé-curité alimentaire est ainsi indissociable de la notionde pauvreté, en particulier en Afrique où l’on ob-serve encore des taux de malnutrition par carencesélevés et un faible pouvoir d’achat qui limite l’accèsà une alimentation saine et équilibrée.

Une telle définition conduit donc à prendre encompte dans l’analyse les éléments suivants :

� la disponibilité. Elle exprime la présence phy-sique des aliments en tout lieu et en tout temps. Onl’évalue par la mesure du volume d’aliments dispo-nibles que l’on compare aux besoins nutritionnels ;

� l’accessibilité, autrement dit la possibilité pourle plus grand nombre, soit de produire les aliments,soit de les acquérir, en fonction de son pouvoird’achat. Un pays peut disposer en moyenne de suf-

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fisamment d’aliments pour nourrir, théoriquement, toutle monde, mais il peut connaître des situations d’in-sécurité alimentaire si les prix de ces aliments sont tropélevés pour une partie de la population ;

� la qualité nutritionnelle renvoie à la fréquence,le mode de consommation et la composition des ali-ments ainsi qu’à l’équilibre des repas, nécessaires àun individu pour se maintenir en bonne santé. L’analysede la qualité nutritionnelle ne se limite donc pas à cellede chacun des aliments pris individuellement, maisprend en compte les combinaisons des aliments autravers des modes de préparation et de consomma-tion, propres à chaque population ;

� la qualité sanitaire renseigne sur l’innocuité desaliments compte tenu, là encore, de leur mode et deleur fréquence de consommation ;

� les préférences alimentaires indiquent que l’ali-mentation n’a pas uniquement des fonctions nutritiveset biologiques, mais qu’elle a aussi des fonctions hé-doniques (relatives au plaisir), sociales et culturellesque rien ne permet de considérer comme secondairesdans l’absolu.

Bien plus qu’une simple comparaison des quan-tités disponibles aux besoins nutritionnels, mesure nor-mative et indifférenciée, une telle définition rend né-cessaire une analyse propre à chaque contexte.

Agroalimentaire et lutte contre la pauvreté en Afrique subsaharienne : le rôle des micro et petites entreprises30

�� La lutte contre la pauvretéet les inégalités

Le foisonnement récent des travaux sur la lutte contrela pauvreté conduit à reconnaître son caractère com-plexe et multidimensionnel. La pauvreté ne renvoie passeulement à l’insuffisance de moyens monétaires, mêmesi l’identification des proportions de pauvres dans unepopulation recourt encore largement à la notion deseuil de revenu. Elle s’est enrichie, notamment avec lesapports de Amartya Sen, de la notion de capabilitiesou « capacités à faire et à être » qui se réfère aux op-portunités et aux potentialités pour se maintenir en bonnesanté, être éduqué, avoir accès aux ressources, parti-ciper à la vie sociale et politique. Autrement dit, la pau-vreté ne se définit pas seulement comme un niveau in-suffisant de revenu mais également comme un processuslimitant les capacités à en sortir.

À partir d’une analyse de la littérature et notammentde la grille d’analyse proposée par Gentil (2000) pourl’évaluation de projets en termes de contribution à la luttecontre la pauvreté, plusieurs éléments peuvent être dis-tingués et sont mobilisés pour la présente analyse :

� les ressources monétaires. L’identification desrevenus générés par un secteur d’activité doit consi-dérer ceux des activités elles-mêmes, mais aussi ceuxdes activités induites ou indirectes : fournisseurs deconsommations intermédiaires par exemple ;

� les ressources relationnelles et cognitives. Parressources relationnelles, on entend l’insertion dans desréseaux sociaux ou, pour les économistes, le capitalsocial. Ainsi un adage sénégalais dit que « Celui quiest pauvre n’est pas celui qui n’a rien, mais celui quin’a personne ». Par ressources cognitives, on entendl’éducation, le savoir et le savoir-faire, ou ce que leséconomistes appellent le capital humain. Ces res-sources, qui font partie des capabilities, sont moins fa-cilement quantifiables que les revenus, mais tout aussiimportantes. Le tissage de réseaux sociaux, ou leur en-tretien, peuvent être des moyens mobilisables pourassurer le fonctionnement d’une activité économique.Mais ils peuvent être également une fin en soi, no-tamment lorsque la richesse n’est pas seulement consi-dérée comme la possession de biens matériels, maisaussi comme une large étendue de liens sociaux.L’activité économique peut alors être au service d’unefinalité d’insertion sociale. Il en est de même pour lesressources cognitives, à la fois moyens de faire pro-gresser l’activité économique, et finalité en soi, entant que moyen de se réaliser ;

Dans un village du Bénin, des femmes épluchentdes tubercules d’igname pour la production de cossettes.

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� la sécurisation des ressources. Cet élément per-met de prendre en compte la capacité de résistanceaux aléas de l’environnement physique, politique ouéconomique. Certaines activités peuvent générer d’im-portants revenus, mais être fragiles en cas de chan-gement de leurs conditions de fonctionnement. Lesacteurs économiques peuvent privilégier la stabilitéd’un revenu moindre à sa maximisation plus risquée.

� l’« empowerment » ou « potentialisation » ren-voie à la possibilité des individus de faire valoir etde défendre leurs points de vue et leurs souhaits auxdifférents échelons de la société : du ménage ausein duquel les rapports de force et de pouvoir exis-tent, aux espaces locaux (quartier, espace profes-sionnel, ville), nationaux et internationaux. L’« empo-werment » ne désigne pas seulement la défense desintérêts des acteurs économiques. Il exprime aussi lapossibilité qu’ils prennent part à la vie de la com-munauté, notamment par le biais de leur activité ;

� les inégalités. L’« empowerment » comme pro-cessus d’équilibrage des pouvoirs peut se traduire parune réduction des inégalités en termes de participationet de décisions. Ces deux éléments sont donc reliés.Mais la prise en compte de l’inégalité dans l’analysede la pauvreté présente deux autres intérêts. Le premierest que l’inégalité rend compte du caractère relatif dela pauvreté et de la perception que l’on en a (Pradhan& Ravallion, 2000). Le sentiment de pauvreté aug-mente dans une société plus inégale, quand les pluspauvres côtoient des personnes nettement plus richesqu’elles. Le second intérêt est lié à l’abandon d’une vi-

La contribution des MPEA à la sécurité alimentaire et à la lutte contre la pauvreté 31

sion simpliste d’inégalités nécessaires à la croissance.Les théories qui considéraient les inégalités à la foiscomme nécessaires à la croissance (elles permettent lesinvestissements) et comme effet induit à court terme parla croissance (théorie de Kuznets) sont aujourd’hui re-mises en cause. D’une part, les inégalités peuvent créerdes tensions sociales, sources d’instabilités politiques,elles-mêmes défavorables à la croissance (Cramer,2003). D’autre part, les travaux récents (Piketty, 2000 ;Deininger & Squire, 1998 ; Bourguignon, 2003 ;Grusky & Kanbur, 2006) montrent que trop d’inégali-tés sont préjudiciables pour la croissance. À partird’une définition de la pauvreté comme accès restreintaux ressources et aux capabilities, la réduction des in-égalités devient centrale. Les ressources étant limitées,leur accès faisant l’objet de compétitions, seule une ré-gulation garantissant une distribution équitable de leuraccès permet de réduire la pauvreté. La lutte contre lapauvreté intègre donc forcément celle contre les inéga-lités, en cherchant non plus à s’attaquer aux consé-quences des inégalités et à la redistribution des fruitsde la croissance, mais plutôt aux causes de ces inégalitéset donc à la distribution des ressources stratégiques decette croissance. Une telle position est en tout cas celleofficiellement retenue par la France dans sa contribu-tion au débat sur la lutte contre la pauvreté (ministèredes Affaires étrangères/DGCID, 2002).

C’est donc à partir de ces définitions de la sécuritéalimentaire et de la pauvreté ou de la lutte contre lapauvreté que sont analysés l’intérêt et les limites dusecteur des MPEA.

Transformationde la farine de maïsen aklui,Porto Novo (Bénin).

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Agroalimentaire et lutte contre la pauvreté en Afrique subsaharienne : le rôle des micro et petites entreprises32

FIGURE 2 : Importations de l’Afrique subsaharienne en aliments de baseen moyenne triennale et en kg/personne/an

Source : Faostat

Blé et farine en équivalent blé RizHuiles et graisses Produits laitiers en équivalent lait

9

8

7

6

5

4

3

2

1

0

1961

-63

1967

-69

1973

-75

1979

-80

1984

-86

1990

-92

1996

-98

2002

-03

�� La contribution des MPEAaux disponibilités alimentaires

En Afrique, la question des disponibilités alimen-taires et de leur origine, plus que toute autre question,a longtemps focalisé le débat sur la sécurité alimen-taire. Trois zones du continent combinent en effet unrapide accroissement démographique et une fragilitédes productions agricoles liée aux risques de sé-cheresse ou d’attaques acridiennes : le Sahel, lacorne de l’Afrique et les zones sèches d’Afrique aus-trale ont connu et connaissent encore des crises ali-mentaires. Le recours aux importations ou à l’aide ali-mentaire a été largement mobilisé pour assurer lasécurité alimentaire des populations de ces zones.Dans les autres régions plus humides, l’insertion dansle marché international et l’urbanisation rapide ont aussiconduit à importer des aliments du marché interna-tional. Augmenter la production nationale, quitte à la

protéger, ou importer des aliments à bas coût, tellea été longtemps l’équation de base du débat.

Production nationale versus importationsdans les disponibilités alimentaires

Globalement, l’Afrique subsaharienne, malgrédes politiques relativement protectionnistes à certainespériodes, a vu ses importations alimentaires par têted’habitant régulièrement augmenter depuis plus de qua-rante ans comme le montre la figure 2 (voir ci-dessous)pour quelques produits de base.

Dans certains pays, les importations peuvent attein-dre près de la moitié des disponibilités alimentaires calo-riques totales. Cette évolution et la situation de cespays a induit l’idée d’une Afrique subsaharienne fortementdépendante du marché international pour se nourrir. Or,sur l’ensemble de l’Afrique subsaharienne, ces impor-tations restent modestes si on les compare aux produc-

La contribution des MPEA à la sécurité alimentaire

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tions alimentaires nationales comme l’indique le ta-bleau 4 ci-dessous. Elles n’ont représenté en moyennesur la période 1996-2003 qu’environ 15 % des ap-ports caloriques et moins de 13 % des apports pro-téiques. Cependant, on constate une certaine stagna-tion, voire une légère baisse des productions de basepar habitant (voir figure 3 page suivante) qui est com-pensée par une légère hausse des importations.

Malgré une croissance démographique et uneurbanisation soutenues, les produits agricoles locauxn’ont été que marginalement substitués par des alimentsimportés. Que ce soit pour les produits amylacés debase (céréales, racines, tubercules et bananes), leshuiles, les produits animaux ou les fruits et légumes,on a pu constater dans tous les pays un fort dévelop-pement de la production et de la commercialisationde ces produits vivriers. En quoi le secteur artisanalde la transformation agroalimentaire contribue-t-il alors

à ces disponibilités ? Un premier élément de réponseconsiste à évaluer l’importance relative de l’offre ali-mentaire issue de ce secteur. Le second élément estd’analyser en quoi les activités de transformation fa-vorisent ou non les disponibilités.

La part du secteur des MPEAdans l’offre alimentaire

L’offre alimentaire des MPEA peut être appré-hendée au travers de l’analyse de deux critères :

� l’origine des matières premières : nationale (ourégionale) ou importée du marché international ;

� le type de transformation qu’a subi le produit :pas de transformation physique (produit vendu enl’état avec éventuellement des opérations de trans-formation domestiques), transformation par les MPEAou par des entreprises industrielles.

La contribution des MPEA à la sécurité alimentaire et à la lutte contre la pauvreté 33

Produits Part dans Part dans Part de la Part des Part des Part del’apport l’apport production importations importations importationscalorique protéique dans le dans le dans l’apport dans l’apport

disponible disponible calorique protéique

Céréales 46,6 49,9 81 19 8,7 8,3

Racines et tubercules 19,7 8,1 100 0 0 0

Sucres et 4,3 0 48 52 2,3 0produits sucrés

Légumineuses 4,1 11,1 97 3 0,1 0,3

Huiles végétales 8,1 0 70 30 2,4 0

Légumes 1,1 2,4 97 3 0 0,1

Fruits 4,1 1,7 99 1 0 0

Viandes 2,5 8,3 95 5 0,1 0,4

Produits laitiers 0,2 0,8 90 10 0,2 0,5

Produits halieutiques 0,6 4,1 66 34 0,2 1,4

Autres 8,7 13,6 0,5 0,3

TOTAL 100 100 14,5 12,3

TABLEAU 4 : Part des importations alimentaires dans les disponibilités domestiques etdans les apports calorique et protéique pour l’Afrique subsaharienne en moyenne 1996-2003

Valeurs exprimées en pourcentages

Source : nos calculs à partir des données de Faostat

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Agroalimentaire et lutte contre la pauvreté en Afrique subsaharienne : le rôle des micro et petites entreprises34

FIGURE 3 : Disponibilités alimentaires en produits de base de l’Afrique subsaharienneen moyenne triennale et en kg/personne/an

Source : Faostat

Le tableau 5 ci-contre illustre par quelques exemplesles six sous-secteurs que l’on obtient en croisant ces deuxcaractéristiques. Bien que les statistiques nationales nepermettent pas de mesurer facilement la part de cha-cun de ces sous-secteurs, on peut tenter d’estimer leurimportance relative par une analyse des données desenquêtes budget-consommation nationales. À partirde la nomenclature très détaillée des aliments consom-més, et sur la base d’enquêtes de terrain sur les lieuxde vente, on peut répartir les produits selon, d’unepart, l’origine locale ou importée de leur matière pre-mière, et d’autre part, selon leur type, brut, transformépar l’industrie, ou transformé par les MPEA. Lorsque lanomenclature n’est pas assez précise pour renseigner

sur l’origine ou le type de produit, le produit est classéen « indéterminé ou mixte ». Un tel calcul a été effec-tué avec les données détaillées de l’enquête came-rounaise auprès des ménages du Cameroun5 de 1996et fournit les résultats présentés dans le tableau 6 ci-contre.

5 Ce type d’analyse est malheureusement difficile à réaliser pourles autres pays africains. En effet, ils ne disposent pas à la foisde nomenclatures de produits aussi détaillées dans leurs enquêtesalimentaires et de données sur le secteur agroalimentaire. Si leCameroun ne peut être considéré comme un pays représentatifde toute l’Afrique subsaharienne, il n’en est pas pour autant unpays atypique de cette région. Au nord, l’alimentation est dominéepar les céréales et est assez similaire aux situations sahéliennes.Au sud et à l’ouest, elle est dominée par les racines, tuberculeset bananes et est similaire aux situations d’Afrique centrale.

Manioc Riz importéIgname, patate douce, plantain

Huiles et graisses importéesMil et sorghoMaïs

Produits laitiers importésBlé et farine importés

120

100

80

60

40

20

0

1961

-63

1964

-66

1967

-69

1970

-72

1973

-75

1976

-78

1979

-80

1981

-83

1984

-86

1987

-89

1990

-92

1993

-95

1996

-98

1999

-01

2002

-03

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La contribution des MPEA à la sécurité alimentaire et à la lutte contre la pauvreté 35

PRODUIT PRODUIT TRANSFORMÉNON TRANSFORMÉ

Par MPEA Par industrie

Matières Racines (ex. manioc), Produits transformés des mil, Semoule et farine de maïs,premières tubercules (ex. igname), sorgho, maïs et riz locaux riz, concentré de tomate,locales fruits, légumes, vendus (semoule, couscous, bières, etc.), huiles raffinées (arachide,

en l’état. des racines et tubercules palme, coton), sucre,(semoules, bâtons, cossettes, etc.), conserves de poisson, etc.poisson fumé, séché, huilesd’arachide ou de palme nonraffinées, laits fermentés, etc.

Matières Fruits (ex. pommes) Pain (plutôt zone rurale) Farine de blé, pâtes premières et légumes (ex. oignons) et beignets de blé, lait caillé alimentaires, pain (plutôt zoneimportées vendus en l’état. reconstitué, etc. urbaine), lait reconstitué et

transformé, bières, sodas, etc.

TABLEAU 5 : Classification de l’offre alimentaire selon l’origine et le type de produit

ORIGINE DE LA MATIÈRE TOTAL % COLONNE

Nationale Importée Indéterminée

Vendue Transforméetelle quelle dans le pays

Produits bruts 335,6 0 0 60,4 396,0 40,5 %[85 %] [15 %] [100 %]

Produits transformés 251,0 76,9 72,3 120,6 576,6 59,0 %[44 %] [13 %] [13 %] [21 %] [100 %]

> dont transformés par industries 27,9 76,0 39,2 25,0 168,1 17,2 %[17 %] [45 %] [23 %] [15 %] [100 %]

> dont transformés par MPEA 138,3 0,2 33,1 67,3 238,9 24,4 %[58 %] [14 %] [28 %] [100 %]

> dont transformés par entreprise 140,6 0,7 0 28,3 169,6 17,3 %indéterminée ou mixte [83 %] [17 %] [100 %]

Produits de type indéterminé 0 0 0 4,4 4,4 0,5 %[100 %]

TOTAL 642,4 77,0 72,3 185,4 977,0 100 %[66 %] [8 %] [7 %] [19 %] [100 %]

TABLEAU 6 : Structure du marché alimentaire du Cameroun selon l’origine de la matière premièreet le type de produit (brut ou transformé) en milliards de francs CFA (et % en ligne) en 1996

Source : nos calculs à partir des données de Dury, Gautier et al., 2000

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Agroalimentaire et lutte contre la pauvreté en Afrique subsaharienne : le rôle des micro et petites entreprises36

Une lecture verticale des données du tableau 6montre, au premier abord, qu’avec plus de 575 mil-liards de francs CFA, les produits transformés repré-sentent 59 % du marché alimentaire camerounais. Uncalcul plus désagrégé montre que ce pourcentage estde 65 % pour le marché urbain. Ces chiffres seraientsans doute supérieurs dans les pays où l’alimentationest à base de céréales. En effet, au contraire des ba-nanes plantain, de la racine de manioc, de l’ignameet d’autres tubercules essentiellement consommés enfrais, le maïs, le mil, le sorgho et le riz sont toujoursconsommés après transformation.

Avec une valeur de près de 240 milliards defrancs CFA, les produits des MPEA représentent aumoins le quart du marché alimentaire camerounais et41 % du seul marché des produits transformés. Pourles produits industriels, ces proportions sont respecti-vement de 17 % et 29 %.

Une caractéristique intéressante de ces donnéesmérite d’être retenue : les produits dont la matière pre-mière est d’origine nationale sont proportionnelle-

ment plus largement issus du secteur des MPEA quedu secteur industriel. Au moins 58 % des produits desMPEA sont d’origine nationale alors qu’au moins68 % des produits industriels sont d’origine importée.Le secteur des MPEA valorise donc davantage les pro-duits nationaux que le secteur industriel, plus présentsur les filières d’importations.

La transformation agroalimentaireet les disponibilités

D’une façon générale, la transformation des pro-duits permet de réduire les pertes post-récolte. De cefait, elle contribue à l’accroissement des disponibili-tés alimentaires. Réduire l’activité de l’eau par sé-chage ou salage, maîtriser les fermentations, pasteu-riser ou stériliser, sont autant de moyens de stabiliserdes produits périssables à l’état brut. Ces procédéspermettent d’allonger la durée de conservation des pro-duits et de valoriser des surplus de production en casde saturation du marché en frais : séchage du pois-son, du manioc ou de l’igname, transformation dulait en fromage ou autres produits fermentés. La trans-formation permet également d’extraire ou de valoriserles éléments utiles du produit (extraction des huiles oudes jus de fruits par exemple). Elle conduit à l’obten-tion de produits moins coûteux à transporter, plus fa-ciles à manipuler, à distribuer et à utiliser et permetdonc d’atteindre des marchés plus éloignés de lazone de culture ou de désaisonnaliser l’offre. Diversauteurs ont montré le rôle de la transformation surl’amélioration quantitative des disponibilités alimentairesdans l’espace et dans le temps, dans les cas du ma-nioc transformé en cossettes en Guinée (Irag, 2000),de l’igname également séchée en cossettes au Nigeriaet au Bénin (Bricas, Vernier et al., 1997) (voir enca-dré ci-contre), du poisson (Teutscher, 1992) et du laitdans de nombreux pays africains (FAO, 1990).

Dans tous ces cas, la transformation est réalisée di-rectement sur les lieux de production ou de capture pouréviter le transport de matières premières lourdes etfragiles. Il s’agit le plus souvent d’opérations menéesà petite échelle par les paysans eux-mêmes ou desmembres de leur famille. Dans ces filières, les MPEAjouent donc un rôle important pour réduire les pertes.Mais les techniques utilisées ne permettent pas toujoursune conservation durable et sûre des produits et d’im-portantes marges de progrès sont encore possibles.Ainsi, si la transformation des racines et tubercules encossettes séchées permet de valoriser une production

Atelier de mouture à Brikama (Gambie).Ces ateliers se sont multipliés en ville. Ils proposent leursservices aux ménagères et aux artisanes productricesde farine, semoule et couscous.

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La contribution des MPEA à la sécurité alimentaire et à la lutte contre la pauvreté 37

Dans les pays du Golfe de Guinée, l’igname est un produit ancestral auquel tous les consommateurssont très attachés. Il y a vingt ans, l’approvisionnement en igname des villes de ces pays était largementdominé par des flux de tubercules frais. Depuis, s’est développée une nouvelle filière commercialede cossettes séchées provenant du sud-ouest du Nigeria, du Bénin et, dans une moindre mesure, duTogo. Ce produit est obtenu après pré-cuisson et séchage au soleil des tubercules épluchés. Cettetransformation est réalisée sur les lieux de production par les paysans qui commercialisent les cossettesen l’état. En ville, les consommateurs réduisent ce produit en farine auprès de concasseurs et moulinsmotorisés artisanaux pour préparer ensuite une pâte élastique appelée amala ou telibo-wo.

Comparée à la filière des tubercules frais, la filière des cossettes présente plusieurs avantages : lescossettes peuvent se conserver plusieurs mois alors que les tubercules frais pourrissent rapidement aprèsleur sortie de terre. Les pertes post-récolte, par pourrissement lors du stockage, lors des manutentions etdu transport sont donc réduites et la disponibilité en igname est plus régulière. La figure 4 ci-dessousprésente la comparaison des prix des tubercules frais et des cossettes au cours de plusieurs années surun même marché de gros d’une des principales régions de production d’igname au Bénin. Les prix sontcalculés à taux équivalents de matière sèche. Ces données montrent, d’une part, que le prix descossettes est deux à trois fois inférieur à celui des tubercules frais durant neuf mois sur douze. D’autrepart, le prix des cossettes varie d’un facteur de 1 à 2 au cours de l’année alors que celui des ignamesfraîches peut sextupler.

La transformation des ignames en cossettes

FIGURE 4 : Évolution des prix de l’igname fraîche et des cossettes d’ignamesur le marché de Parakou (Bénin) en francs CFA/kg

Igname fraîche équivalent sec Cossette d’igname

600

500

400

300

200

100

0

janv

ier 9

4fé

vrie

r 94

mar

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avril

94

mai

94

juin

94

juille

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août

94

sept

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octo

bre

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cem

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juin

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96no

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96

* Le prix des tubercules frais au kilo est calculé en tenant compte des pertes sous forme d’épluchureset est ramené au même taux de matière sèche que celui des cossettes.

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Agroalimentaire et lutte contre la pauvreté en Afrique subsaharienne : le rôle des micro et petites entreprises38

généralement concentrée dans le temps, les conditionsde séchage et de stockage se traduisent souvent pardes infestations d’insectes foreurs qui attaquent lesstocks après quelques mois et en détruisent une par-tie parfois très importante (cas des cossettes de ma-nioc en Guinée par exemple). La plupart des produitsamylacés et des légumineuses récoltés, conditionnéset stockés en milieu paysan sont de même contami-nés par des mycotoxines qui peuvent rendre les pro-duits impropres à la consommation. D’une façon plusgénérale, qu’il s’agisse de produits transformés oufrais, le conditionnement sommaire des produits etleurs conditions de transport se traduisent aussi par despertes significatives. D’importantes marges de pro-grès technique sont là encore possibles.

En comparaison, les produits du marché interna-tional, ayant souvent subi des traitements industriels (sé-chage, ionisation) et étant correctement conditionnés,sont à la fois durablement plus stables et plus facilesà transporter sans pertes. Ils sont donc largement dis-ponibles à la fois dans l’espace et dans le temps.

�� Les MPEA et l’accessibilitédes aliments

La comparaison des prix des aliments pose tou-jours le problème de la prise en compte de leurs ca-ractéristiques de qualité. Le prix n’est en effet pas leseul attribut d’arbitrage entre les produits d’une mêmegamme. Rares sont les cas où l’on peut comparer lesprix des produits artisanaux et industriels, toutesautres caractéristiques étant égales par ailleurs. Selonles types d’entreprises qui les fabriquent, les pro-duits présentent des différences de goût, de typicité,de qualité sanitaire, de présentation, d’image, etc.,autant d’attributs qui contribuent à créer la valeur éco-nomique du produit sur le marché. La comparaisonsur la seule base du coût de la calorie est largementréductrice des caractéristiques nutritionnelles des pro-duits qui sont rarement choisis uniquement pour leurapport énergétique.

Lorsque les comparaisons sont possibles, onconstate que les produits transformés artisanaux sontgénéralement moins ou aussi coûteux que leurs équi-valents industriels ou issus de PME. C’est le cas parexemple des produits laitiers au Nord-Cameroun(Essomba, Dury et al., 2005), au Sénégal (Broutin,Duteurtre et al., 2006) ou des huiles de palme rougeau Sud-Cameroun ou en Côte d’Ivoire (Cheyns,

2001). Les artisanes des MPEA sous-valorisent sou-vent leur temps de travail, et ne payent pas de chargespour leurs employés lorsqu’elles en ont. Les produitssont souvent vendus directement aux consommateurs,sans conditionnement spécifique et les marges com-merciales sont donc réduites par rapport à des pro-duits industriels qui doivent être distribués par desgrossistes puis des détaillants.

Ainsi, les produits artisanaux sont largementconsommés par les populations aux plus faibles re-venus compte tenu de leur faible coût et de leur ventesous forme très fractionnée, adaptée au pouvoird’achat limité d’une grande part de la clientèle. ÀAccra, par exemple, le quintile des ménages les pluspauvres utilise 40 % de ses dépenses alimentaires àl’achat d’aliments de rue et de repas préparés, alorsque le quintile des plus riches n’y consacre que 25 %.Ces aliments représentent plus de 30 % des caloriespour le premier quintile et seulement 22 % pour le der-nier quintile (Maxwell, Levin et al., 2000). À Abidjan,la petite restauration joue un rôle très important dansles stratégies alimentaires des ménages en crise. Afind’éviter de devoir redistribuer à des personnes dé-pendantes une partie des repas qu’ils prépareraientà domicile, les ménages qui ont vu leur pouvoird’achat s’effondrer s’absentent de chez eux auxheures des repas et recourent à l’achat de nourrituredans la restauration populaire (Akindès, 1991).

�� La qualité nutritionnelle des produitsdes MPEA

Comparer les caractéristiques nutritionnelles desaliments issus des MPEA ou des industries n’a desens que si ces produits sont parfaitement substi-tuables dans les mêmes préparations culinaires. La qua-lité nutritionnelle de l’alimentation dépend en effetautant de la composition des repas que de la com-position nutritionnelle des aliments. Dans de nom-breux cas, les produits artisanaux ont des usages cu-linaires différents des produits industriels : l’huile depalme rouge artisanale riche en bétacarotène nes’utilise pas de la même façon que l’huile raffinée quine contient pas ce précurseur de la vitamine A ; lasemoule de manioc est moins riche en protéine quele riz, mais les sauces d’accompagnement peuventlargement compenser ces différences. Au mieux onpeut constater que le caractère plus raffiné des pro-duits industriels se traduit par une moindre teneur en

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La contribution des MPEA à la sécurité alimentaire et à la lutte contre la pauvreté 39

fibres (cas des farines de céréales) ou en nutrimentsutiles (protéines des enveloppes de grains) que dansles produits artisanaux, mais ces différences sont peusignificatives si, là encore, les ingrédients d’accom-pagnement apportent ces nutriments en quantité.Certains aliments particulièrement appétissants maisriches en graisses, en sel ou en sucres se retrouventaussi bien dans les produits industriels (glaces, sodas,céréales de petits déjeuners) que dans les produits ar-tisanaux (beignets et autres produits frits, aliments degrignotage) et aucune étude n’a pu encore montrerl’intérêt nutritionnel de l’offre industrielle comparée àl’offre artisanale.

Dans une étude à Bamako (Ag Bendech, Chauliacet al., 1997), les auteurs soulignent cependant quel’alimentation prise hors domicile, où dominent très lar-gement des produits des MPEA, a une meilleure va-leur nutritionnelle du fait de la grande diversité desaliments consommés. Une recherche-action menéedans des écoles de Cotonou (Chauliac, Bricas etal., 1998) a également montré qu’une stratégie deréduction de l’anémie par carence en fer chez les en-fants pouvait efficacement passer par une améliora-tion de la qualité nutritionnelle des aliments vendusdans les écoles par des artisanes préparatrices ven-deuses. Pratiquement tous les enfants consommentces produits, quel que soit le revenu de leur famille,et la marge de manœuvre pour en améliorer la qua-lité s’avère plus élevée que pour améliorer celle desaliments préparés et consommés à domicile.

�� La qualité sanitaire des produitsdes MPEA

La qualité sanitaire des produits des MPEA apparaîtcomme leur principal handicap. De nombreusesétudes montrent que ces aliments ne satisfont bien sou-vent pas à la plupart des normes de salubrité, tant despoints de vue microbiologique que de leurs teneursen mycotoxines ou en résidus de pesticides (Kane, Ndiret al., 1991 ; Barro, Ouattara et al., 2002 ; Mestres,Bassa et al., 2004 ; Infoconseil & PAOA, 2006). Lesconditions de récolte et de stockage des matières pre-mières, les conditions de transformation et de trans-port multiplient les risques de contamination6. Danscertains cas, ce ne sont pas tant les conditions de tra-vail au sein des entreprises de production qui sont encause, mais plutôt les conditions de leur environne-ment : absence d’eau potable, marchés insalubres,inadaptation de la législation, faible offre de forma-tion à l’hygiène alimentaire, etc.

Même si l’offre en produits artisanaux continue dedominer le marché, de nombreuses enquêtes montrentque les consommateurs sont suspicieux de la qualité sa-nitaire de ces produits. Certaines artisanes, notam-ment en ville, sont suspectées de privilégier un profit àcourt terme plutôt qu’une rigueur dans l’applicationdes savoir-faire pour proposer des produits de qualité(Cheyns, 1999). Cette suspicion explique nombre decomportements des consommateurs visant soit à tisserdes relations de proximité avec leurs fournisseurs (achatsdirectement au village, fidélisation des relations entreménagères et vendeuses), soit de recourir à des pro-duits certifiés par des institutions jugées crédibles(Cheyns, 1999 ; Cheyns, 2001 ; Bricas, Cheyns etal., 2001 ; François, Broutin et al., à paraître).

Cette crédibilité n’est jamais donnée et doit êtreconstruite pour instaurer la confiance sur le marché. Ceciapparaît d’autant plus difficile à réaliser que les insti-tutions publiques (laboratoires publics, services d’hygiène,police) ou privées (entreprises agroalimentaires, orga-nismes de certification et de contrôle) ne sont pas for-

6 Comme le souligne l’OMS (Organisation mondiale de la santé),cela ne veut pas dire que tous les aliments artisanaux sont in-salubres : nombre de pratiques traditionnelles de production desaliments comportent des marges de sécurité intrinsèques, fon-dées sur des années d’expérience. La commercialisation desproduits traditionnels, caractérisée par des circuits courts, dela vente directe, une faible durée de stockage des produits frais,est également un facteur limitant les risques par opposition àcelle des produits industriels, caractérisée par une plus longuedurée entre production et consommation.

Test qualité, mesure du taux de sucre avec réfractomètre(Shivet Fruits à Mbour, Sénégal).

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Agroalimentaire et lutte contre la pauvreté en Afrique subsaharienne : le rôle des micro et petites entreprises40

cément reconnues comme garantes de l’intérêt public.Dans cet environnement, les entreprises industrielles etla grande distribution bénéficient d’un certain avantagemême s’il n’est pas toujours objectivement justifié. Parceque formelles, pérennes et déclarées, ces entreprisess’exposent au risque de la critique. Elles sont reconnuescomme ayant intérêt à vendre des produits de qualitépour maintenir leur réputation. À l’inverse, les entreprisesplus informelles et éphémères comme les MPEA sontperçues comme échappant ou contournant plus faci-lement les contrôles.

Quelques projets de développement ont tentéd’améliorer les pratiques de production de micro etpetites entreprises afin qu’elles fournissent des alimentsde meilleure salubrité7. Par le respect de bonnes pra-tiques de fabrication adaptées à l’environnement et auxcontraintes des entrepreneurs, et sans pour autant lesobliger à de coûteux investissements, ces projets ontobtenu des succès techniques qui prouvent que laqualité sanitaire est compatible avec de petites échellesde production8. Il reste que cet attribut de qualité n’estpas visible dans les produits et rend nécessaire l’émis-sion de signes crédibles (Getenet, 2005).

Du point de vue législatif, la plupart des normes dequalité sanitaire qui règlementent la vente des alimentssur les marchés et dans les rues sont issues de cellesen vigueur dans les pays industrialisés ou des normesinternationales. Elles sont plus ou moins adaptées auxsituations locales9 mais leur application stricte se traduiraitpar une interdiction de la vente d’une part très impor-

tante voire de la quasi-totalité des aliments proposés(Hanak, Boutrif et al., 2000). De ce fait, l’applicationde la législation est généralement relativement tolé-rante. Elle a cependant l’inconvénient de laisser la pos-sibilité de sanctions arbitraires face à une multituded’opérateurs hors-la-loi et de ne fixer finalement au-cune règle réellement applicable. Établir des normesplus proches des possibilités réelles des entreprises deles atteindre signifie cependant accepter une moindreexigence de qualité sanitaire pour la population quece que préconisent les normes internationales. Cela dit,celles-ci ne visent pas uniquement à protéger les consom-mateurs. Elles sont aussi utilisées comme armes com-merciales en tant que barrières non tarifaires et leur ca-ractère de référentiel international doit parfois êtrerelativisé (Otsuki, Wilson et al., 2001). Même quandelles sont élaborées dans des instances internationalesdont les règles de représentation assurent en théorie uneparticipation équitable de tous les pays (cas du Codexalimentarius à la FAO), elles sont plus souvent le refletdes conditions des pays les plus puissants qui dispo-sent de données et d’expertise permettant d’adapter cesnormes à leurs propres contraintes. Les pays pauvres,et en particulier les pays africains, sont peu présents dansles débats et ne peuvent y faire valoir leurs points devue lors de l’élaboration de ces normes (Henson, Loaderet al., 2000 ; Nyangito, 2002).

�� Les produits des MPEA etles préférences alimentaires

Dans les années 60 et 70, divers analystes ontinterprété le recours aux importations alimentairesdes pays africains comme un signe de dépendanceà la fois économique et culturelle. L’importance prisepar des produits comme le pain, les boissons gazeusesou la bière dans l’alimentation, en particulier en ville,était analysée comme l’effet d’un mimétisme de citadinsacculturés et déracinés par l’exode rural vis-à-vis desmodèles de consommation occidentaux (Scardigli,1983 ; Touré, 1981). Afin de réduire cette « dé-pendance » alimentaire, de telles analyses ont conduitles décideurs à privilégier d’abord l’incorporation dematières premières nationales dans des aliments im-portés (pain au mil ou au maïs par exemple), puis l’in-dustrialisation de produits « traditionnels » pour leurdonner les attributs de produits importés (qualité stan-dardisée, conditionnement compatible avec la venteen libre service, etc.).

7 Voir notamment les nombreuses références établies par la FAOau travers de consultations d’experts sur le thème « streetfoodand food safety » et, en Afrique, le Projet de promotion des cé-réales locales (PPCL) ou le projet « Infoconseil » au Sénégal.

8 Si peu de projets se sont centrés sur l’amélioration de la qua-lité sanitaire des produits des micro-entreprises agroalimen-taires en Afrique, il faut signaler le succès de la politique indo-nésienne dans ce domaine. Dans ce pays qui compte l’une desplus fortes proportions de vendeurs d’aliments de rue par ha-bitant (1 pour 20 contre 1 pour 50 au Nigeria, pays africainoù ce secteur est particulièrement développé), une vaste cam-pagne de formation de vendeurs a permis d’améliorer nota-blement la qualité sanitaire des aliments et plats préparés pro-posés par des vendeurs ambulants (Winarno F. G. et Allain A.,1991, Street Food in Developing Countries: Lessons from Asia.Food, Nutrition and Agriculture, 1).

9 Nombreux sont les cas où, en l’absence de normes pour des pro-duits « traditionnels » mal connus du point de vue scientifique, desnormes de qualité pour des produits jugés similaires ont été utili-sées. Au Sénégal par exemple, les normes de qualité du couscousde mil fermenté ou du lait caillé sont respectivement celles ducouscous de blé qui n’est pas fermenté et du yaourt qui est moinsacide et donc pour lequel les risques sanitaires sont supérieurs.

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Le bilan de ces tentatives, comme l’attention portéeaux comportements réels et aux représentations desconsommateurs, ont largement modifié ces interpréta-tions. Les enquêtes sur l’alimentation menées dès les an-nées 80 ont montré qu’il n’y a pas rejet des produits« traditionnels » ou des produits nationaux au profitdes seuls produits industriels et/ou importés (Odeyé &Bricas, 1985 ; Requier-Desjardins, 1989). La princi-pale tendance observable des changements de stylesalimentaires liés à l’urbanisation est la diversification desproduits, des pratiques et des représentations (Bricas,1992 ; 1993 ; 1994). Schématiquement, l’identité ali-mentaire urbaine peut être représentée comme l’acti-vation simultanée de références propres, d’une part àla tradition rurale d’origine des citadins, d’autre partà la socialisation urbaine et enfin à l’individualisme quepermet la ville (Bricas, 1994). À chacune de ces ré-férences correspondent des produits, des pratiques depréparation culinaire et de prise de repas, et des re-présentations. Les produits des MPEA émargent surchacune de ces références.

Les références à la tradition rurale

Ainsi les typicités géographiques et culturelles va-lorisées par certains produits constituent des référencesà la tradition rurale, auxquelles les citadins notammentsont sensibles. On peut citer par exemple les garis10 etles huiles de palme au Bénin (Fournier, Muchnik et al.,2001 ; Saliou, 1997), les soumbalas11 et les dolos12

au Burkina Faso (Cheyns, 1998), les bâtons de maniocen Afrique centrale (Luzietoso, 1999), ou des huiles depalme en Côte d’Ivoire (Cheyns, Bricas et al., 2004).Les citadins recherchent des produits provenant de leurrégion d’origine pour signifier leur appartenance à leurcommunauté lignagère. Mais ils recherchent aussi desproduits dont le terroir d’origine est réputé pour un en-vironnement (climat, sol, variété, etc.) ou une traditionculinaire qui en font un gage d’authenticité et de qua-lité. Les marchés d’aliments d’origine géographiquespécifique ne se limitent plus aux ressortissants deszones où ils sont produits. Sous une forme prête àl’usage, leur diffusion au-delà de leur communauté per-met à des consommateurs qui ne les utilisaient pas tra-ditionnellement, d’y accéder sans avoir à apprendre àles préparer. À Cotonou par exemple, la farine de cos-settes d’igname est utilisée par des citadins originairesde zones non productrices, elle leur permet de diversi-fier leur alimentation avec ce tubercule sans avoir à enmaîtriser le savoir-faire culinaire (Bricas & Attaie, 1998).

La contribution des MPEA à la sécurité alimentaire et à la lutte contre la pauvreté 41

Les références à la socialisation urbaine

Au travers d’une diffusion de plus en plus large,certains de ces aliments sont devenus des symbolesde la cuisine de la ville où ils se sont fait connaître,voire du pays ou même de plus larges régionsd’Afrique. Ainsi, l’attiéké13, originaire des Ébriés deCôte d’Ivoire, s’est d’abord diffusé à toute la popu-lation abidjanaise, puis ivoirienne. Il a ensuite conquisles marchés d’autres pays de l’Afrique côtière (Sotomey,Ategbo et al., 2001), voire du Sahel, et s’exportemême en Europe pour la diaspora africaine.

De plus, c’est largement dans le secteur artisanalque l’on observe des innovations de produits et derecettes culinaires correspondant à de nouvelles iden-tités urbaines combinant différentes références (Cheyns& Bricas, 2006). La restauration populaire est un vé-ritable lieu de socialisation et de construction d’uneidentité urbaine comme cela a été montré au Nord-Cameroun avec les bars laitiers (Essomba, Dury et al.,2005) ou les cabarets à bilbil (« bière de mil »)(Seignobos, 2005), à Abidjan avec les maquis(Leimdorfer, 1991) ou dans les villes sud-africainesavec les bars à boissons fermentées à base de mil(Bichard, Dury et al., 2005).

10 Gari : semoule (manioc râpé) grillée de manioc largementconsommée du Nigeria au Ghana. Il s’agit d’une adaptationafricaine de la farinha brésilienne, produit similaire, introduitedans le Golfe de Guinée en même temps que le manioc ori-ginaire lui aussi du Brésil.

11 Soumbala : nom donné au Burkina Faso à un condiment de saucepréparé à partir de graines de néré (Parkia Biglobosa) fer-mentées et salées, appelé aussi nététou au Sénégal, afitin auBénin ou dawa-dawa au Nigeria.

12 Dolo : boisson fermentée préparée à partir de sorgho rouge malté,ce qui lui a valu l’appellation par les Français de bière de mil.

13 Attiéké : fines granules de manioc broyé cuites à la vapeur.

Manioc séché dans un village de Madagascar

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Les références à l’individualisme

Enfin, le secteur des MPE est particulièrement re-présenté dans l’alimentation de rue individualisée. Laville offre la liberté de pouvoir satisfaire des envies ali-mentaires en contournant les contraintes sociales oufamiliales. Certes, la plupart des produits industriels ouimportés émargent aussi sur les trois références qui vien-nent d’être présentées. Mais du point de vue gustatif,les produits arti-sanaux sont considérés comme plus au-thentiques et plus naturels que leurs concurrents in-dustriels. Plusieurs échecs commerciaux de produits tra-ditionnels industrialisés s’expliquent par une qualitédes produits jugée insuffisante par la clientèle, en par-ticulier lorsque les attributs recherchés concernent latypicité. En Guinée, par exemple, la qualité de l’huilede palme rouge industrielle ne correspond pas aux at-tentes des consommateurs et les commerçants doiventla mélanger aux huiles artisanales pour parvenir à lavendre. De la même façon, les tentatives d’industria-liser la production d’aliments fermentés (comme l’attiékéde manioc, le couscous de mil ou le lait caillé) sontrarement parvenues à une maîtrise suffisante du pro-cédé pour égaler le savoir-faire des artisanes.

D’une façon générale, nombre de produits arti-sanaux sont vendus frais, directement consommables

Agroalimentaire et lutte contre la pauvreté en Afrique subsaharienne : le rôle des micro et petites entreprises42

ou utilisables dans la cuisine. Cette fraîcheur est l’unedes caractéristiques des aliments recherchées par lesconsommateurs et constitue, dans certains cas, unavantage par rapport aux produits industriels, géné-ralement secs et conditionnés pour se conserver.

Enfin, au contraire des produits industriels souventstandardisés car produits en masse, les produits arti-sanaux se caractérisent par une grande diversité deformes et de goûts. Par exemple, au Bénin, plus dequarante produits artisanaux à base de maïs sont cou-ramment vendus en ville. Ceci explique l’importancede la consommation de cette céréale dans ce payset le recours limité aux importations alimentaires(Devautour & Nago, 1989). À Douala et Yaoundé,c’est également la diversité des produits de base pro-posés (manioc, plantain, taro, macabo, igname) quirestreint le recours aux importations de riz et de blé(Dury, Medou et al., 2004). À l’inverse, la faible di-versité des usages culinaires de certains produits lo-caux réduit leur compétitivité par rapport aux produitsimportés, comme dans le cas du mil, du sorgho ou dumaïs dans les pays du Sahel. L’expérience du Sénégalqui a cherché à élargir la gamme des produits à basede mil et de leur usage culinaire montre l’intérêt desstratégies de diversification pour relancer la consom-mation de ces produits (Broutin & Sokona, 1999).

La contribution à la sécurité alimentaire et la compétitivité des produits des MPEA dépendent desfilières. Certaines d’entre elles sont dominées par des produits industriels et/ou importés, d’autres pardes produits transformés à petite échelle. Ces différences ne tiennent pas seulement à des facteurstechnico-économiques (performances techniques, prix, économies d’échelles, etc.). Ils tiennent aussià des préférences des consommateurs et à leur plus ou moins grand attachement à des attributsde produits, que seuls certains secteurs sont susceptibles de proposer ou de rendre crédibles.

La caractère naturel, la fraîcheur, la typicité, l’authenticité, sont des attributs plutôt associés aux produitstransformés par les MPEA. La salubrité, la régularité, la stabilité sont plutôt associés aux produits industriels.On ne constate pas de tendance d’évolution de la demande alimentaire vers l’un ou l’autre de ces attributs.Ces deux types d’attributs ne s’opposent pas ; ils se complètent. C’est au travers des combinaisons deproduits, dans la cuisine et dans l’organisation des repas, associant des plats domestiques et les alimentsde rue, que se construisent les styles alimentaires. Et c’est au travers de ces agencements que lesconsommateurs, à la fois, répondent à leurs besoins nutritionnels, se font plaisir, gèrent leurs relationssociales et construisent leur identité par le biais de l’alimentation. Ainsi vu du point de vue du consommateur,le secteur des MPEA ne peut être considéré comme un secteur archaïque, appelé à s’effacer pour répondreà une demande évoluant vers des produits plus standardisés. Le maintien ou le nouveau développement,dans nombre de pays industrialisés et pour certaines filières, de produits de terroir, à forte typicité, basés surdes savoir-faire traditionnels, commercialisés au travers de circuits courts, est le témoignage de cetteparticularité du secteur agroalimentaire à maintenir un pluralisme de ces types d’entreprises.

> Ce qu’il faut retenir

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La contribution des MPEA à la lutte contre la pauvreté

La contribution des MPEA à la sécurité alimentaire et à la lutte contre la pauvreté 43

�� La génération de ressourcesmonétaires

Une contribution macro-économique difficileà évaluer mais importante

La plus grande difficulté pour analyser, au planmacro-économique, la contribution du secteur desMPEA à la génération de revenus tient au fait qu’ilest statistiquement mal repéré dans les comptes desnations. Non seulement ces activités relèvent du sec-teur « informel » mais, lorsque celui-ci est appréhendé,les activités agroalimentaires sont confondues avecles activités agricoles ou commerciales ou ne sont sim-plement pas prises en compte car considérées commeactivités secondaires des ménages (Charmes, 2000).Quelques études spécifiques en Afrique, basées no-tamment sur des recensements d’activités, permettentcependant d’estimer cette importance.

Ainsi le Burkina Faso dispose de données relati-vement précises sur les emplois. En 1985, le recen-sement du secteur informel non agricole indiquait220 000 emplois, majoritairement urbains (54,5 %)et masculins (59,1 %). En comptabilisant – ce qui n’estgénéralement pas fait dans les comptes nationaux –

PAYS % DU SECTEUR INFORMEL DANS : % DU SECTEUR INFORMEL FÉMININ DANS :

Emploi Emploi PNB PNB Emploi PNB PNB PNBtotal non total non informel total non secteur

agricole agricole agricole informel

➤ Estimations sans prise en compte des activités secondaires

Bénin 41,0 92,8 27,3 42,7 59,7 14,0 21,8 51,3

Mali 13,3 78,6 23,0 41,7 71,9 14,8 26,1 64,4

Kenya 28,8 71,6 18,4 25,0 60,3 7,9 10,7 42,9

Tchad 11,5 74,2 31,0 44,7 53,4 13,9 27,8 44,8

➤ Estimations avec prise en compte des activités secondaires

Burkina Faso 8,6 77,0 24,5 36,2 41,9 19,3 28,6 78,8

TABLEAU 7 : Taille et contribution du secteur informel au PNB

Source : Charmes, 2000

les activités secondaires, saisonnières et les doublesactivités, le nombre d’emplois était de 885 000,soit quatre fois plus ! Ces emplois apparaissaientalors majoritairement ruraux (85 %) et féminins(68,9 %). Le détail de ces activités secondaires n’estpas complet mais il permet de recenser par exempleplus de 100 000 femmes occupées à la productionet commercialisation du dolo (bière de sorgho rouge)et environ 45 000 fabricantes vendeuses de bei-gnets (Charmes, 1989).

Le tableau 7 ci-dessous indique, pour quelquespays africains, les estimations des contributions dusecteur informel (secteur agricole non compris), no-tamment féminin, au PNB, avec le cas particulier duBurkina Faso où les activités secondaires ont été prisesen compte. Dans ce pays, le secteur informel féminin,largement composé d’activités de transformation etde commerce agroalimentaire, contribue à hauteur deprès de 20 % au PNB. Ce chiffre pourrait être plusélevé aujourd’hui puisqu’une nouvelle estimation de2003 indiquait que le secteur informel représentait,en moyenne sur la période de 1994 à 1999, 30 %du PIB (Institut national de la statistique et de la dé-mographie du Burkina Faso, 1993) contre 24,5 % dansl’estimation de Charmes en 2000. Dans trois autres

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pays « comparables » (Bénin, Mali et Tchad), cettecontribution tombe à près de 15 %. De plus, alors qu’auBénin, au Mali et au Tchad, les emplois des femmespèsent moins lourd dans le PNB informel que dans l’em-ploi informel, on constate l’inverse au Burkina Faso :les femmes contribuent à près de 80 % au PNB informelalors qu’elles n’y occupent qu’un peu plus de 40 %des emplois informels. La productivité de leur travail,notamment dans les activités secondaires, apparaît plusélevée que celle des hommes.

Un autre élément conduit à conclure que l’évolu-tion tendancielle de cette contribution est à la hausse.Si l’on raisonne en termes de secteur non agricole,c’est-à-dire dans une situation plus proche de l’éco-nomie urbaine, la contribution des femmes au PNBnon agricole se situe entre 20 et 30 % (contre moinsde 20 % pour l’ensemble du PNB). Avec la poursuitede l’urbanisation, le poids des activités informelles fé-minines devrait donc continuer de croître.

À ces activités relevant directement de la trans-formation et de la commercialisation agroalimentaire,il faut ajouter les activités qui leur sont complémen-taires : artisans du secteur métal-mécanique ou du bois,fabricants d’équipements de transformation, fournis-seurs de produits et services intermédiaires (emballages,énergie, maintenance), transporteurs et manutention-naires. À Cotonou au Bénin, des milliers de femmestransforment des produits locaux, et notamment dumaïs, en plus de quarante aliments différents pour lesvendre dans la rue. Au service de ces activités, s’estpar exemple développée une production spécifiquede feuilles végétales destinées au conditionnement deproduits, soit pour la cuisson, soit pour un simpleusage de récipient jetable. Cette activité occupe plusde 600 femmes qui cultivent, récoltent, lavent, trient,préparent ces feuilles et les commercialisent essen-tiellement auprès d’artisanes préparatrices de pro-duits (Hounhouigan, 2000).

Enfin, en plus des revenus générés par les activitésdirectes et complémentaires, il faut tenir compte des re-venus supplémentaires des agriculteurs générés par lemeilleur accès au marché qu’induisent les activités detransformation. En Guinée, l’introduction récente debatteuses et décortiqueuses à fonio débloque un fortgoulot d’étranglement qui limitait la production com-merciale de cette céréale très appréciée par lesGuinéens. Ces innovations semblent conduire aujour-d’hui des producteurs de la zone de Labé à augmen-ter leurs surfaces cultivées en cette céréale dans le butde la vendre vers les marchés urbains, voire à l’ex-

Agroalimentaire et lutte contre la pauvreté en Afrique subsaharienne : le rôle des micro et petites entreprises44

portation (Cruz, Drame et al., 2004). De la même façon,la mécanisation du décorticage du mil au Sénégal(Projet PPCL) ou du riz en Guinée (Projet Dynafiv) a fa-cilité la création de petites entreprises répondant à lademande urbaine. Ces entreprises ont constitué unnouveau débouché pour des producteurs contribuantà faire de ces anciennes cultures d’autoconsommationrurale, de nouvelles cultures de rente.

Des revenus généréspar un très grand nombre d’emplois

Si les revenus du secteur des MPEA apparaissentcontribuer de façon significative au PNB des pays,il est important de noter qu’ils sont générés par un trèsgrand nombre d’emplois qui font donc vivre autantde ménages.

Au Burkina Faso, on comptabilisait en 1985 aumoins 200 000 emplois dans les seuls secteurs dela production et vente du dolo, de beignets et de fruitset légumes, sur un total d’environ un million d’emploisnon agricoles. Dans ces secteurs, les femmes repré-sentaient 98 % des actifs.

Au Bénin, le secteur artisanal employait en 2002plus de 370 000 individus (y compris les apprentiset autres salariés) parmi lesquels plus du tiers (132 500personnes soit 35,7 %) se consacraient à la produc-tion de biens alimentaires (statistiques de la Directionnationale de l’Artisanat). Les MPEA apparaissent ainsicomme la plus importante des onze branches recen-sées par le code de l’artisanat. Parmi celles-ci, l’ex-traction des huiles (palme, coco et arachide) occupeplus de 35 600 personnes, la transformation du ma-nioc en emploie environ 26 500.

Au Ghana, plusieurs enquêtes spécifiques sur lesactivités des ménages ont permis de préciser l’impor-tance du secteur des MPEA. L’enquête ghanéennesur les conditions de vie14 (Asenso-Okyere, Twum-Baahet al., 2000) estime que la transformation à domicilede produits agricoles était pratiquée en 1998-99 parplus de 2,5 millions de ménages du pays, soit plusde 61 % d’entre eux. Parmi ceux-ci, plus de 41 000ménages vendent des produits transformés (farine demaïs, poisson séché, gari de manioc, etc.). Une étudedu DFID et du FRI montre que pour la seule villed’Accra, la vente d’aliments dans la rue et sur les mar-chés occupe environ 60 000 personnes, à 94 % desfemmes (DFID, 2003).

14 Ghana Living Standards Survey (GLSS4) de 1999.

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La FAO estimait en 1992 que la transformation dupoisson et toutes les activités associées (pêche, four-nisseurs de consommations intermédiaires spécialisées,commerce) fournissaient des emplois à environ 300 000personnes dans chacun des pays que sont le Ghana,la Côte d’Ivoire et le Sénégal (Essuman, 1992).

Au Nord-Cameroun et au Tchad, près de 20 000micro-entreprises ont été recensées dans les six princi-paux centres urbains de cette région. Rapporté aunombre d’habitant, cela signifie qu’en moyenne, un mé-nage sur vingt a une source de revenu d’origine agroa-limentaire à Garoua, Ngaoundéré et Maroua et un mé-nage sur quatre à Moundou ou Sarh au Tchad (Cerdan,Ndjouenkeu et al., 2004). Plus généralement, le sec-teur informel représente plus de 90 % des opportuni-tés d’emplois non agricoles pour les femmes en Afriquesubsaharienne (contre 71 % pour les hommes). Plusde 94 % d’entre eux sont non salariés, autrement dità base d’auto-emploi (Charmes, 2000). Les barrièresà l’entrée sont faibles puisque essentiellement constituéesdu savoir faire. Le démarrage s’effectue souvent avecles ustensiles de cuisine et un petit fonds de roulementpour acheter de la matière première.

Certaines entreprises relativement pérennes em-ploient du personnel rémunéré, à la tâche, plus ra-rement véritablement salarié. Une partie de la main-d’œuvre est prise en charge dans un mode de fonc-tionnement familial plutôt que véritablement contrac-tualisée. Ceci peut expliquer que les recensements necomptabilisent pas ces activités comme de véritablesemplois. Pour un sous-échantillon de 1 600 unités de

La contribution des MPEA à la sécurité alimentaire et à la lutte contre la pauvreté 45

transformation (restauration, boissons, beignets etbouillies, viande séchée, etc.) du Nord-Cameroun etdu Tchad ayant répondu à un questionnaire détaillé,on compte cependant un total de 3 900 employés,soit un peu plus de deux « emplois » par micro-entreprise (Cerdan et al., 2004).

Une hétérogénéité de niveaux de revenus

Comparé au secteur industriel, les MPEA distribuentdonc des revenus à un nettement plus grand nombrede ménages. La « contrepartie » de ce caractère dé-concentré est un niveau de rémunération globale-ment faible. Les enquêtes menées sur le secteur révèlenten effet une forte hétérogénéité des niveaux de revenus,mais la majorité des activités ne permettent d’assurerque des revenus d’appoint aux ménages, même si cesrevenus, comme on le verra, ont une utilité toute par-ticulière. Elles correspondent aux activités dites « desurvie » ou « d’occupation » de la typologie présen-tée en introduction. Une étude réalisée en 1998 àAccra (Ghana) par l’Ifpri montre ainsi que 32 % desvendeuses d’aliments de rue étaient en situation d’in-sécurité alimentaire et que 62 % d’entre elles pouvaientêtre considérées comme vulnérables (Maxwell, Levinet al., 2000).

Les activités plus permanentes, où existe généra-lement une barrière d’entrée en termes de capitalfinancier ou de savoir-faire, assurent cependant desrevenus généralement plus élevés. Ceux-ci peuvent êtreéquivalents ou supérieurs aux salaires du secteur privé

Vente de boissons etde confitures à Mbour(Sénégal).

De nombreuxgroupements de femmesont créé des petitesentreprises detransformation des fruitsen Afrique de l’Ouest.

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à niveau de qualification égale. Plusieurs auteurs ontmontré que la réduction des emplois salariés liée àla crise économique du continent s’est traduite, en par-ticulier en ville, par le développement d’un entrepre-nariat féminin (Antoine & Nanitelamio, 1990 ; Bisilliat,1996). Confrontées à la perte du revenu principaldu ménage apporté par le salaire de leur mari, lesépouses ont entrepris des activités les plus à leur por-tée pour subvenir aux besoins de leur famille. La trans-formation et le commerce des produits alimentairesou la petite restauration sont alors des activités privi-légiées. Les femmes maîtrisent le plus souvent le savoir-faire technique et l’investissement initial peut se limi-ter aux outils domestiques de cuisine. De même enmilieu rural, la baisse des revenus issus de la seulevente de produits agricoles, notamment à l’exporta-tion, a poussé les femmes à développer des activi-tés de transformation des produits (manioc, igname,huiles, poisson, produits de cueillette, etc.). La crois-sance du marché urbain, malgré son faible pouvoird’achat, a permis de sécuriser les débouchés.

Si les revenus générés par ces véritables micro oupetites entreprises, telles que définies dans la typologieen introduction, peuvent suppléer à la perte de revenussalariés, voire même assurer une aisance financièrequi dépasse largement la survie, ceux-ci ne sont pasforcément accumulés pour un réinvestissement dansl’activité comme cela a été montré dans de nom-breuses situations. Lorsqu’ils sont redistribués hors duménage, ces revenus sont souvent réinvestis dansd’autres activités économiques de taille modesteconfiées à des personnes du réseau familial ou so-cial. Cette redistribution correspond à la fois à une

Agroalimentaire et lutte contre la pauvreté en Afrique subsaharienne : le rôle des micro et petites entreprises46

stratégie de diversification des risques et à un tis-sage ou un entretien de réseaux sociaux (Lopez &Muchnik, 1997). C’est en ce sens que divers auteursinsistent sur la prédominance de la dimension so-ciale du secteur informel. Ils proposent de ne pas consi-dérer ce secteur comme une simple économie de la« débrouille » individualiste, mais plutôt comme uneéconomie sociale ou populaire. L’économique et lesocial n’y sont plus opposés mais au contraire inti-mement liés (Engelhard, 2000 ; Latouche, 1998 ;Ndione, 1992 ; Penouil, 1992).

�� Les ressources relationnelleset cognitives

La mobilisation des réseaux sociaux

La plupart des études sur le fonctionnement desMPEA montrent que les réseaux sociaux sont indis-pensables, tant pour le démarrage des activités quepour leur maintien. Ils sont mobilisés, soit directementpour un investissement de départ ou la constitution d’unfonds de roulement, soit indirectement comme cautionmutuelle pour l’obtention de prêts auprès de per-sonnes ou d’institutions de crédit décentralisé. Denombreux systèmes de mobilisation d’argent, baséssur une multitude de contributions modestes, commeles tontines ou les chaînes de mobilisation finan-cière15, sont utilisés, en particulier par les femmes(Mottin-Sylla, 1987). Bénéficier de ces systèmes demobilisation monétaire suppose d’être inséré dansde multiples réseaux sociaux et d’y contribuer aussifinancièrement (Odéyé-Finzi, 1985).

Ces ressources relationnelles sont également mo-bilisées pour accéder à des informations, obtenir desservices commerciaux, administratifs, techniques, demédiations, etc., autant d’éléments nécessaires auxactivités économiques. Les personnes mobilisées peu-vent appartenir au lignage, comme ascendanteset/ou comme descendantes. On parle alors de ré-

15 M.-H. Mottin Sylla (1987) a notamment montré, dans le casde Dakar, l’importance que revêtent pour les femmes les chaînesd’entraide permettant de mobiliser, de réseaux en réseaux,des centaines voire des milliers de contributions monétaires trèsmodestes pour rassembler d’importantes sommes d’argent pourune seule personne. Une femme sollicite, dans un délai précis,auprès de n relations, le nième de la somme dont elle a be-soin. Chacune des relations sollicite à son tour, dans un délaiplus court, auprès de n autres relations, le nième de la sommeà trouver et ainsi de suite jusqu’à ce que la somme sollicitée,ainsi fractionnée, soit facile à fournir.

Tranformation du mil à Dakar.Les recherches sur la mécanisation des opérations etla formation des artisans à la fabrication des équipementsont contribué à l’émergence des petites entreprises.

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seaux verticaux. Ils présentent l’intérêt de constituer uncapital dès la naissance. Mais ils soumettent leursmembres à de strictes obligations, et la sortie de cesréseaux ne peut se faire qu’au risque de fortes sanc-tions sociales. Se superposent à ces réseaux ligna-gers, des réseaux dits « horizontaux », basés nonplus sur des liens de sang, mais sur des intérêts com-muns : origine, voisinage, activité, âge, religion, etc.Leurs avantages et leurs inconvénients sont à l’op-posé de ceux des réseaux lignagers. Ils doivent êtreconstruits et entretenus, ce qui requiert un effort d’in-vestissement, mais ils offrent plus de liberté de mou-vement, d’entrée ou de sortie (Vuarin, 1994).

Dans un environnement à forte incertitude sur laqualité des biens et des services et sur les volumes com-mercialisés, l’engagement et la confiance interper-sonnelle sont des moyens privilégiés pour se prému-nir des risques. Tout comme les consommateursréduisent leur incertitude sur la qualité des aliments enfidélisant leurs achats auprès de certaines vendeuses,les artisanes et vendeuses font de même avec leursfournisseurs.

Ainsi, au Cameroun, selon nos enquêtes, la ma-jorité des commerçants en banane plantain entre-tiennent des relations privilégiées avec des produc-teurs. Les agents désignent ainsi leur partenaire parle terme asso. Ces relations se basent sur une sortede contrat moral fonctionnant tout au long de l’année :en période de rareté sur les marchés ruraux, les com-merçants sont assurés de trouver auprès de leur assodes bananes qui leur sont réservées en quantités suf-fisantes pour rentabiliser le déplacement. Le prix devente est alors « raisonnablement élevé ». À l’inverse,en période d’abondance, les producteurs sont assu-rés d’écouler leurs bananes auprès de leur commer-çant asso à un prix, là encore, jugé raisonnable.L’entretien de ce type de relation nécessite une ca-pacité à maintenir la bonne distance, ni trop prochepour pouvoir toujours menacer de rompre en cas dedéfaillance de l’une des parties, ni trop éloignéepour s’assurer d’un réel engagement.

C’est également sur des réseaux sociaux que fonc-tionnent la plupart des filières de commercialisation delongue distance, entre pays du continent. Les accordssur les caractéristiques de qualité, sur les prix et sur lesvolumes des transactions s’appuient sur une confianceinterpersonnelle, soit liée à une même appartenancelignagère, soit construite par des réseaux à contrôlesocial mutuel, comme l’ont montré divers auteurs surle commerce des ignames (Adanguidi, 2000), celui

La contribution des MPEA à la sécurité alimentaire et à la lutte contre la pauvreté 47

des oignons entre le Nord-Cameroun et Abidjan(David & Moustier, 1998), ou celui de la noix de colaentre la Côte d’Ivoire et le Sénégal (Arditi, 1975).

Les réseaux sociaux constituent enfin un systèmed’assurance basé sur l’entraide mutuelle ou la mobi-lisation en cas de besoins liés ou non à l’activité éco-nomique (maladies, accidents, vols, obligations fa-miliales, etc.). C’est bien en ce sens que l’on peutqualifier les réseaux sociaux de ressources relation-nelles ou de capital social. Ils sont alors conçuscomme des moyens construits et mobilisés pour le fonc-tionnement de l’activité économique. L’insuffisante in-sertion dans ces réseaux constitue donc bien un han-dicap pour entreprendre et faire fonctionner uneactivité génératrice de revenus.

La question est, dès lors, d’analyser en quoi lesMPEA permettent de construire des ressources rela-tionnelles. L’observation de trajectoires d’insertion so-ciale de nouveaux migrants dans les villes montre queles MPEA sont, pour les femmes, un des moyens pri-vilégiés pour pénétrer de nouveaux réseaux sociaux(Antoine & Coulibaly, 1987). Le démarrage des ac-tivités les plus accessibles, souvent dans le prolonge-ment marchand d’activités culinaires domestiques,permet de s’installer facilement sur un marché. Là, l’in-sertion dans des tontines ou des associations de ven-deuses, souvent spécialisées par produit, facilite unepremière entrée dans des réseaux sociaux (Castel,2002). Ces réseaux peuvent ensuite être mobilisés pourfaire face à d’autres besoins que l’activité écono-mique. Comme l’ont bien montré les recherches ensociologie économique et en particulier celles consa-crées aux réseaux sociaux (Granovetter,1973), la mul-tiplication des relations sociales, notamment par le biais

Mise en forme des baguettes dans une petite boulangerierurale (Sénégal).

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des activités économiques, permet de tisser des ré-seaux à liens faibles par opposition aux réseaux à liensforts, à fort engagement et affectivité, qui caractéri-sent par exemple les relations familiales. Or c’est jus-tement la multiplication des liens faibles qui assure uneplus grande solidité de l’individu dans la société.Chaque branche de réseaux étendus peut être mo-bilisée, pour obtenir de l’argent, des services, desconseils ou un simple soutien moral.

Dans les MPEA, la vente directe des produits, as-surée par la plupart des femmes, fournit une oppor-tunité de tisser des réseaux très diversifiés grâce auxrelations de fidélisation de la clientèle. Le commercepermet également de justifier des déplacements, jus-qu’en ville pour les femmes rurales, et par consé-quent de sortir plus facilement du cercle familial, vil-lageois ou du quartier, réseaux à liens forts, contrai-gnants et qui peuvent finalement s’avérer fragiles.Dans de nombreux pays où les femmes ne sont pascensées avoir une certaine indépendance vis-à-visde leurs époux, les activités économiques constituentun moyen de gagner une relative liberté de mouve-ment et de fonctionnement social.

Dans diverses villes africaines, des associations ur-baines se créent autour d’une activité collective de trans-formation agroalimentaire. Certaines sont initiées d’aborddans un but récréatif ou de solidarité sociale. Les étudesde cas réalisées par l’équipe d’Enda Graf à Dakarpour la présente étude (Sokona, Ndoye et al., 2004),montrent que les citadines sont à la recherche de nou-velles formes d’insertion sociale. En ville, les formes desocialisation qui prévalaient en milieu rural — par classed’âge ou au sein d’habitats collectifs élargis — sont moinsfaciles. L’activité économique est alors un véritablemoyen d’entretenir la dynamique de groupe, tout en as-surant un revenu complémentaire à chacun de sesmembres. Ces groupements mettent souvent en avantdes objectifs sociaux de solidarité et d’entraide commeen témoignent des noms et devises des associations(« Travailler ensemble », « Être solidaire », etc.). Et c’estjustement parce que la recherche de profit n’est pas miseen avant dans ces groupements que les consommateursleur accordent une plus grande confiance sur la qua-lité de leur production (Cheyns, 2004).

Les réseaux sociaux ne doivent donc pas êtreconsidérés seulement comme des ressources que l’onmobiliserait pour les activités économiques. C’est aucontraire l’activité économique qui est mise au servicedu tissage de réseaux relationnels, ceux-ci servant à

Agroalimentaire et lutte contre la pauvreté en Afrique subsaharienne : le rôle des micro et petites entreprises48

améliorer les conditions de vie et pouvant apparaîtrecomme une fin en soi (Ndione, 1987 ; 1992).Reconnaître un tel lien réciproque entre le social etl’économique amène à considérer les MPEA sousl’angle d’une économie sociale ou populaire et inviteà les regarder non plus comme un signe de sous-développement et de pauvreté, mais au contrairecomme le ressort d’un « projet de développementaxé sur la finalité humaine » (Engelhard, 2000 ; Fall& Sy, 2004 ; Ndione, de Leener et al., 1994).

La construction de ressources cognitives

Comme mentionné précédemment, les revenus tirésdes MPEA sont en général faibles. Nos enquêtes confir-ment cependant ce que plusieurs auteurs ont montré :les revenus des artisanes, et plus généralement desfemmes, sont prioritairement utilisés à l’alimentation, àla santé et à l’éducation, en particulier celles des en-fants (Bruce, 1988 ; Budlender, 2000 ; Kabeer,2005). Plus que ceux des hommes, les revenus fémi-nins sont donc investis pour construire des ressourcescognitives et, plus largement, du capital humain. L’édu-cation ne passe pas forcément par l’école formellemais elle consiste, entre les mères ou les tantes et leursfilles ou nièces, en un apprentissage du métier et uneintroduction dans les réseaux. Cela dit, cet apprentis-sage d’aînée à cadette au sein des familles s’avère au-jourd’hui poser problème dans le cas des métiers del’alimentation. De nombreuses jeunes femmes se plai-gnent en effet de la trop longue durée de l’apprentis-sage auprès de leurs aînées (mère ou tante). Celui-cipeut durer plusieurs années.

Il ne porte pas seulement sur les aspects techniquesmais aussi sur les comportements au sein des réseauxrelationnels ou dans les activités commerciales, etc.(Maizi, 1993). Il n’apparaît pas forcément bien adaptéaux nouvelles contraintes ou opportunités liées aux in-novations techniques ou organisationnelles. Les exi-gences de présentation et de qualité sanitaire expri-mées par les nouvelles clientèles, en particulier cellesdes villes, les nouveaux circuits de distribution hors lavente au marché ou dans la rue, la mécanisation decertaines opérations de transformation, la multiplica-tion des institutions d’appui (technique, commercial,financier, etc.) sont autant d’exemples de nouveaux be-soins de compétences que l’apprentissage familialfournit mal. En outre, il ne permet généralement pasd’améliorer le niveau d’éducation de base, notamment

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l’apprentissage de la lecture et de l’écriture, et peutconstituer aujourd’hui un véritable handicap pour sor-tir de la pauvreté (Broutin & Rouyat, 2004). C’est jus-tement lorsque les mères n’ont pas les moyens d’en-voyer leurs filles à l’école, parce qu’elles ont besoind’aide à la maison pour les tâches ménagères oul’activité économique, que les jeunes filles appren-nent ainsi un métier auprès de leur mère.

De ce fait, il existe une demande pour des for-mations professionnelles reconnues qui favorisent àla fois l’acquisition des savoir-faire traditionnels, dontla maîtrise est un gage de qualité pour la clientèle,et celle de nouvelles compétences, dont l’éducationde base. Cette demande de formation est expriméepar des jeunes femmes, désireuses d’entreprendrerapidement un métier, en s’ouvrant de nouvelles portesdu fait d’un statut qu’elles espèrent ainsi mieux valo-risé. Ces demandes viennent également d’entrepre-neuses en activité qui sentent, au fur et à mesure dudéveloppement de leurs affaires, la nécessité d’acquérirdes compétences dont elles ne disposaient pas au dé-part, en particulier celles de lire et écrire.

En l’absence de ce type de formation, les be-soins monétaires pressants des jeunes les poussent àentreprendre une activité avant même la fin de cet ap-prentissage. Cette pratique se traduit par le déve-loppement d’une suspicion des consommateurs àl’égard des produits vendus par les jeunes artisanes.Ils craignent que l’appât du gain se traduise par despratiques frauduleuses dans la production ou la ventedes aliments (Cheyns & Bricas, 2003).

�� La sécurisation des ressources

L’une des caractéristiques les plus significatives del’environnement des ménages et des entreprises enAfrique subsaharienne est sa forte instabilité (Hugon,Pourcet et al., 1995). Les aléas du climat, dans despays où l’agriculture assure une très large part des res-sources, génèrent de fortes fluctuations de la pro-duction, des prix et donc des revenus des ruraux. Lafragilité des infrastructures (stockage et transport) am-plifie ces fluctuations en créant des freins à la régu-lation des mises en marché et à la fluidité de la cir-culation des marchandises. Enfin, la dépendancedirecte aux marchés internationaux, sans mécanismesde stabilisation des prix, soumet directement les agri-culteurs à des variations des cours, et donc des re-venus, parfois très importantes.

La contribution des MPEA à la sécurité alimentaire et à la lutte contre la pauvreté 49

Dans ce contexte, la transformation agroalimentaire,en permettant la stabilisation des produits périssables,constitue un moyen de les stocker et d’étaler leur vente,voire de la différer. Ainsi, au Bénin, les ignamesfraîches sont généralement commercialisées dans undélai d’un à deux mois après la récolte, alors que lamise en marché des cossettes séchées peut s’étendresur six mois voire plus (Bricas, Vernier et al., 1997).De même, le séchage du poisson permet de valori-ser les excédents de captures toujours aléatoires et deréguler ainsi l’offre en poisson frais. La transformationdu lait en fromage ou lait caillé joue le même rôle. Sices moyens techniques sont nécessaires, ils ne sont ce-pendant pas suffisants. Les paysans qui ont besoin d’ar-gent à certains moments de l’année, et qui ne dispo-sent pas de crédits de campagne, peuvent être conduitsà vendre leur production à bas prix sans attendre uneremontée des cours.

En milieu urbain, les salaires de la fonction publiqueont longtemps assuré une sorte de revenu minimum sé-curisé pour un grand nombre de ménages. Ces revenussont largement redistribués : d’abord directement ausein de la famille et des réseaux de dépendants ;

Transformation manuelle des noix de karité en beurreau Burkina Faso.

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ensuite indirectement par le marché qu’ils représententpour une multitude de vendeurs et d’artisans. Depuisune vingtaine d’années, la réduction du nombre defonctionnaires, ainsi que les retards de paiement dansde nombreux pays où l’État est en quasi cessation depaiement, rendent les ménages à faible revenu plusvulnérables aux fluctuations du marché. C’est en par-ticulier pour faire face à ces situations de crise que lesfemmes entreprennent une activité économique, commeen témoignent de nombreuses enquêtes sur le secteurdes MPEA. Le secteur informel est ainsi apparu commeun régulateur des ajustements structurels (Sindzingre,1995 ; Verez, 1995). Les revenus générés par cesactivités sont souvent présentés comme des revenusd’appoint, même s’il s’avère qu’ils deviennent sou-vent les principaux revenus du ménage. Mais ils sontalors plus instables que des revenus salariés, car ilssont soumis aux aléas des activités commerciales.

À cette précarisation des revenus correspond éga-lement le développement d’une offre de produits ali-mentaires plus fractionnée. Chez les ménages qui pos-sédaient un revenu salarié, les condiments et produitsfrais étaient achetés au détail tous les jours, mais lesaliments de base (riz, huile, etc.) étaient achetés au débutdu mois, en général à crédit dans une boutique prochedu domicile. Cela était possible parce que le revenudu client était reconnu par le commerçant comme fixeet régulier. La réduction des salaires a conduit de nom-breux ménages à devoir abandonner ce système dedouble budget. Ils achètent désormais davantage audétail, au jour le jour, et par conséquent à des prix plusélevés que lorsqu’ils achetaient en demi-gros men-suellement. Le développement du microcommerce cor-respond donc non seulement à la nécessité des femmesd’obtenir un revenu d’appoint, mais aussi à celle desconsommateurs qui veulent acquérir ce dont ils ont be-soin en quantité aussi fractionnée que leur pouvoird’achat. En situation de crise financière, la petite res-tauration populaire joue également un rôle d’échap-patoire aux sollicitations sociales.

Ainsi, à Abidjan, les ménages dont les revenus sontsuffisants pour accueillir des dépendants échappentdésormais à leurs obligations sociales de redistribu-tion en évitant de préparer certains repas chez eux.Le chef de ménage distribue aux membres de la fa-mille restreinte le budget prévu pour ces repas. Chacuns’absente alors du domicile aux heures de repas enallant manger dans un petit restaurant plutôt qued’avoir à refuser de partager un repas familial avecceux qui le solliciterait (Akindès, 2001).

Agroalimentaire et lutte contre la pauvreté en Afrique subsaharienne : le rôle des micro et petites entreprises50

Pour de nombreux entrepreneurs africains, la ges-tion du risque s’est longtemps appuyée sur la mobi-lisation de larges réseaux sociaux, sur le recours àla mobilité géographique et économique et sur lamultiplication des sources de revenus, plutôt que surl’optimisation d’une source unique. Cette diversifica-tion du risque explique largement pourquoi la plupartdes micro-entreprises croissent par multiplication desunités de production plutôt que par leur grossisse-ment (Lopez, 1996). Un propriétaire de plusieurs di-zaines d’ateliers de mouture des céréales à Dakar ex-pliquait lors de nos propres enquêtes qu’il préféraitdisposer d’un tel parc d’équipements, plutôt que deposséder une seule unité plus centralisée, pour s’as-surer d’une rentrée régulière de revenus. Si quelquesmoulins tombaient en panne, cela n’empêchait pasles autres équipements de continuer à fonctionner età générer des recettes, alors que la moindre pannedans une unité industrielle peut se traduire par son arrêtcomplet. De plus, l’entretien d’un large réseau demeuniers permettait de distribuer des emplois à ungrand nombre de jeunes. Cet entrepreneur pouvaitainsi se construire un statut social, non pas tant parun niveau de vie élevé, mais surtout par une capa-cité à répondre favorablement aux sollicitations socialesdont il était l’objet. De cette façon, il se retrouvait àla tête d’un réseau de « dépendants ».

L’«éparpillement » des unités de production présented’autres avantages par rapport à des unités industriellesplus centralisées. Leur capacité réduite de traitementne rend pas nécessaire la constitution d’un stock mi-nimal de matière première pour mettre en route l’unité.L’investissement initial pour constituer le fonds de rou-

Restauration populaire à Dakar. Vendeur de petits déjeunerschauds : le tangana (littéralement « C’est chaud »).

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lement est donc limité. Les approvisionnements peu-vent être relativement fractionnés et être compatiblesavec les caractéristiques de l’offre, elle-même par-cellisée. Les petites unités fonctionnent en flux tenduset s’avèrent plus souples pour s’adapter aux aléas del’offre. A contrario, les unités industrielles ont toujoursrencontré des difficultés d’approvisionnement en ma-tière première, à moins d’intégrer cette fonction sousforme de plantations associées. Ces difficultés tien-nent non seulement aux quantités minimales à ras-sembler pour démarrer les lignes de production, maisaussi aux exigences d’homogénéité et de qualité desmatières premières imposées par les procédés etéquipements industriels utilisés, souvent peu adap-tables. En aval, dans les rapports au marché, les uni-tés décentralisées présentent les avantages de laproximité avec la clientèle. Les coûts de distributionsont réduits et la réactivité face aux consommateursest très forte : les petites unités adaptent plus rapidementles produits, les conditionnements et les modes de venteaux besoins de leur clientèle, et modifient facilementces paramètres en cas de nouvelle concurrence. Parcontre, les petites unités disposent de moins de margesde manœuvre que les grosses pour s’adapter à deschangements de l’environnement réglementaire (normessanitaires, mentions légales sur les produits, etc.) enraison des caractéristiques techniques de leurs unitésde production et des ressources humaines, et de leurscapacités financières qui limitent les possibilitésd’adaptation et d’investissement que peut exiger, parexemple, la « mise aux normes ».

En ce sens, les orientations de projets de déve-loppement qui visent à aider au grossissement depetites entreprises par une mécanisation croissante peu-vent s’avérer contradictoires avec les formes d’orga-nisation des entrepreneurs pour gérer le risque. Selonla théorie de l’économie des conventions, chaque so-ciété développe des règles et des modalités decoordination pour réduire les incertitudes et faire faceaux aléas. En Afrique, ce jeu d’institutions possèdeune efficience « sécuritaire » qui peut être contradic-toire avec une efficience productive et une logiqued’accumulation. Cette inertie institutionnelle expli-querait le fameux chaînon manquant des PME et desentreprises de niveau intermédiaire entre les micro-activités artisanales et les grandes entreprises indus-trielles. La faible émergence de PME et les nombreuxéchecs industriels auxquels sont confrontés les projetsvisant à développer ce type d’entreprises seraientdus aux difficultés d’invention et d’apprentissage de

La contribution des MPEA à la sécurité alimentaire et à la lutte contre la pauvreté 51

nouvelles règles et modes de coordination pour faireface aux risques (Favereau, 1995).

Mais l’exemple précédent du recours à la restau-ration à Abidjan révèle aussi les limites atteintes parces systèmes de gestion de l’incertitude et de rési-lience des ménages et petites entreprises africaines.Avec la restriction générale du pouvoir d’achat des mé-nages, l’entretien d’un large réseau social devient pro-blématique. Une telle situation pose d’autant plus pro-blème que les sanctions face à un manquement auxobligations sociales sont incertaines. La redistributioncommunautaire devient difficilement supportable pourles individus qui ne peuvent plus exploiter alors leursdroits individuels (Mahieu, 1991). De telles tensions,que Mahieu considère comme l’un des fondements dela crise économique en Afrique, se traduisent par uneincapacité à accumuler. Quand la pression sur la re-distribution devient trop forte, elle peut aboutir à unedécapitalisation des réseaux sociaux entraînant unemarginalisation de « dépendants » surnuméraires.C’est ainsi qu’Akindès (op. cit.) constate le contour-

Production de boissons pasteurisées,Shivet fruits, Mbour (Sénégal).

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nement des obligations d’accueil de dépendants auxrepas domestiques par le recours à la restauration. Infine, ces « dépendants » qui trouvent porte close sontmarginalisés. Dans le même sens, Verez (1995) surle Niger ou Sindzingre (1995) sur le Bénin recon-naissent la performance du secteur informel pour jouerun rôle régulateur face aux incertitudes et aléas. Maisils refusent de conclure à la durabilité de tels systèmes,s’interrogeant sur les risques de rupture du système encas de poursuite des chocs exogènes. Ces interro-gations rejoignent des travaux plus récents qui cher-chent à comprendre les récentes crises alimentaires duSahel, non pas comme le résultat de chocs plus vio-lents que les années précédentes, mais plutôt commele signe d’usure des formes classiques de résilience dessociétés concernées (Egg, 2005).

À partir des théories de Sen, la vulnérabilité peuts’écrire comme le rapport du risque sur la résilience,autrement dit les capabilities (Rousseau, 2003). Dansun environnement où le risque reste élevé, la réduc-tion de la vulnérabilité signifie donc d’augmenter lescapabilities. Or si les systèmes classiques de rési-lience par le biais des relations communautaires tou-chent à leurs limites, apparaît alors le besoin d’autressystèmes d’assurances face aux aléas. La socialisationhorizontale, telle que définie par Vuarin (op. cit.), quise développe en milieu urbain est un signe de ce be-soin d’échapper aux pressions communautaires tout eninvestissant dans les réseaux sociaux. Mais le recoursaux systèmes d’assurances mutuelles en est un autre,peu étudié et relativement absent des politiques de pro-motion du secteur privé, alors que celui-ci évolue dansun environnement particulièrement risqué. Il y a pro-bablement là une piste à explorer.

Agroalimentaire et lutte contre la pauvreté en Afrique subsaharienne : le rôle des micro et petites entreprises52

Il reste que, parmi les activités économiques quel’on peut considérer légales, les MPEA sont celles quisont le plus soumises à des risques liés aux taxationsabusives des forces de l’ordre et des contrôles publics.Dans de nombreux pays, les femmes vendeuses surles marchés ou dans la rue se plaignent des prélève-ments opérés par des agents sous divers prétextes. Lalégislation sur la présentation des étals ou l’hygiènealimentaire est souvent tellement inapplicable par lesartisanes, qu’elle laisse la porte ouverte à toute sanc-tion ou chantage de sanction. Réduire ces sources d’in-certitude et d’aléas serait un premier pas vers uneplus grande contribution à la sécurisation des res-sources des ménages les plus pauvres.

�� L’empowerment ou « potentialisation »

Les femmes disposent de possibilités limitées pourfaire valoir et défendre leurs points de vue et leurs sou-haits. Elles ont peu de pouvoir pour influer sur les dé-cisions qui les concernent aux différents échelons dela société : du ménage au quartier, à la ville, aux es-paces nationaux et internationaux ; dans les organi-sations familiales, lignagères, professionnelles, reli-gieuses ou culturelles.

Malgré des avancées dans les lois qui leur don-nent plus d’égalités de droits, les rapports « tradi-tionnels » avec les hommes leur donnent peu de ca-pacités de prises de parole, de revendications et dedécisions les concernant.

Au sein de la famille, elles ne sont pas prioritairesdans l’accès à l’éducation et sont donc moins nom-breuses à être alphabétisées. Elles accèdent diffici-lement aux ressources foncières (Le Magadoux & Ba,2006). Au sein des assemblées villageoises ou locales,elles ne peuvent pas facilement s’opposer publique-ment à des décisions prises par les hommes. Elles sontencore souvent soumises aux autorisations de leursépoux pour mener des activités économiques, se dé-placer, entrer en relation avec de nouveaux réseauxnon féminins. Elles sont peu représentées dans les ins-titutions publiques, même dans celles qui sont decréation relativement récente. Par exemple, elles sontencore très minoritaires dans les instances dirigeantesdes organisations professionnelles agricoles ou deschambres de commerce. Certains groupements fé-minins de production se font représenter par deshommes pour tout ce qui a trait aux relations avec l’ad-ministration ou les institutions nécessitant de savoir lireMarché de Parakou (Bénin).

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ou de bien maîtriser le français ou l’anglais, languesapprises uniquement à l’école.

Le développement des MPEA féminines a toutd’abord donné aux femmes une plus grande libertéde déplacement. Cette mobilité leur permet, au tra-vers des relations professionnelles avec les fournis-seurs et la clientèle, de développer de nouvelles re-lations sociales, de s’enrichir de l’expérience desautres, de s’organiser collectivement et de réduire ainsila dépendance trop exclusive vis-à-vis des époux,pères ou oncles.

Certains projets de développement ont permisaux femmes d’être alphabétisées, de connaître leursdroits, d’accéder au crédit. Elles ont ainsi gagné enautonomie de penser et d’agir. Les conséquences entermes de rapports de pouvoir au sein des famillesapparaissent différenciées selon les sociétés(Adjamagbo, Antoine et al., 2005 ; Bisilliat, 1996).Ainsi, à Lomé, le pouvoir économique contribue ef-fectivement à un équilibrage des responsabilités ausein de la famille. Par contre, à Dakar, l’autonomieéconomique des femmes s’est plus sensiblement ac-crue qu’elle ne s’est traduite par un renforcement deleur pouvoir sur les décisions familiales. Les femmesentrepreneuses peuvent devenir les principales pour-voyeuses du revenu du ménage sans revendiquer pu-bliquement un plus grand pouvoir de décision. Maisla plus grande autonomie financière des femmes leurpermet d’investir dans l’éducation et la santé des en-fants, et notamment des filles. Et ceci contribue à mo-difier durablement les équilibres familiaux.

À l’échelle de l’entreprise, et même lorsque celle-ci emploie des salariés, le pouvoir des femmes apparaîtpeu contesté. Même si on observe que les hommestentent d’entreprendre certaines activités agroalimen-taires, la maîtrise des savoir-faire techniques desfemmes leur donne un avantage certain. Pourtant onconstate que la plupart des opérations de transfor-mation mécanisées, en particulier celles motorisées,ont été accaparées par les hommes. Par exemple, lesateliers de mouture, de décorticage, les râpes à ma-nioc, les fours à poisson dont la construction représenteun certain investissement sont en général gérés par deshommes. Mais rares sont les cas où ceux-ci assurentaussi le choix de la matière première, le contrôle del’ensemble du procédé et la commercialisation di-recte auprès de la clientèle. Dans de très nombreuxcas, les unités mécanisées fonctionnent en prestationde service pour les ménagères ou les artisanes. Dans

La contribution des MPEA à la sécurité alimentaire et à la lutte contre la pauvreté 53

les entreprises de plus grande capacité où les inves-tissements sont plus importants, les chefs d’entreprisesont plus souvent des hommes. Ils salarient alors desfemmes pour les opérations nécessitant leur savoir-faire technique. Leur présence au sein de l’entrepriseest pour la clientèle un gage de qualité et de profes-sionnalisme.

Les entreprises qui entretiennent, du fait de leur taille,des relations avec les administrations ou les institutionsde développement qui mobilisent du crédit, de l’in-formation ou des conseils techniques sont plus souventgérées par des hommes. Ceux-ci sont en effet plus nom-breux à être alphabétisés en français ou en anglais,ils connaissent mieux leurs droits et sont plus habituésà négocier avec ces institutions. Lorsque les chefs detelles entreprises sont des femmes, elles proviennentsouvent de l’administration ou d’entreprises formellesoù elles ont acquis une maîtrise des jeux et règles quirégissent ce type d’institutions.

Fours à poisson à Mbour (Sénégal).La production artisanale de poisson fumé est largementdestinée à l’exportation vers les pays africains.

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Boutique du marché Castor à Dakar (Sénégal).

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Ce handicap initial des femmes, compte tenu desinégalités de leur accès à l’éducation formelle, expliqueaussi qu’à une échelle plus large, celle du quartier,du village, de la ville ou du pays, les artisanes ou lesentrepreneuses du secteur agroalimentaire, plus en-core que les commerçants du secteur vivrier, sont gé-néralement marginalisées des négociations publiquesencore largement aux mains des hommes. L’organi-sation des marchés, l’ouverture et la gestion des in-frastructures de transport, la formation professionnelle,la législation, les politiques commerciales, la re-cherche sont essentiellement décidées et évaluéespar des hommes qui connaissent souvent mal la réa-lité des activités des femmes artisanes.

Cela dit, ce secteur est encore peu organisé enassociations professionnelles et ne dispose que trèspeu de porte-parole pouvant négocier avec les pou-voirs publics et locaux. De nombreux projets qui cher-chaient à promouvoir la transformation agroalimen-taire se sont souvent heurtés à la difficulté de négocierdes actions avec une multitude d’artisanes. Raressont celles disposant de compétences pour être par-tenaires d’un projet de recherche, pour négocier unemesure politique ou organiser une revendication. Laplupart des projets d’appui à la professionnalisationdans le domaine agricole ont renforcé des organi-sations paysannes de producteurs où les femmes dis-posent d’un pouvoir encore limité, même si l’onconstate un début d’évolution de cette situation de-puis le développement des activités artisanales fé-minines (Dardé, 1997 ; Droy, 1990). L’émergenceprogressive d’organisations professionnelles dans cesecteur constitue ainsi l’amorce d’un renforcement dupouvoir de revendication et de négociation d’unemultitude d’acteurs. Ces organisations méritent la plusgrande attention.

À Yaoundé, par exemple, les commerçantes dechacun des marchés de la ville sont organisées enassociations qui constituent des interlocuteurs pourles instances de gestion des marchés. À Dakar ou àOuagadougou, des restauratrices se sont organiséesen associations professionnelles pour mener des ac-tions collectives et faire valoir leurs droits. On note éga-lement une plus forte présence des femmes dans lesassociations professionnelles de transformateurs etdans les instances de direction (Fédération des in-dustries alimentaires au Burkina Faso, groupementdes transformateurs de céréales ou des transformateursde fruits et légumes au Sénégal).

Agroalimentaire et lutte contre la pauvreté en Afrique subsaharienne : le rôle des micro et petites entreprises54

Mais, autant les organisations professionnellesagricoles ont bénéficié d’appuis pour développer leurscapacités d’expertise et d’influence dans les débatspolitiques, autant les organisations représentant lesfemmes artisanes sont encore peu armées pour jouerle même rôle. À l’échelle internationale s’est constitué,depuis 2002, un réseau d’associations de vendeusesde rue, Streetnet International16, dont l’objectif principalest de faire valoir les droits et revendications de ceshabituelles exclues des débats publics.

�� La réduction des inégalités etla lutte contre l’exclusion

À partir d’une définition de la pauvreté commeaccès restreint aux ressources et aux capabilities, laréduction des inégalités ne signifie pas seulement laredistribution des fruits de la croissance, mais aussiet surtout la distribution des ressources stratégiques decette croissance. Le chapitre précédent a insisté surle rôle que les MPEA jouent dans la réduction desinégalités de genre. Le présent chapitre insiste da-vantage sur les risques d’exclusion des plus pauvresdans la conduite des projets de développement.

Avec leur urbanisation très rapide, les pays d’Afriquesubsaharienne doivent faire face à des demandesd’emplois que le secteur formel de l’économie a biendu mal à satisfaire. Ainsi, au Sénégal, on estime qu’en-viron 100 000 jeunes arrivent chaque année sur le mar-ché du travail. Ce chiffre est équivalent au nombre totald’emplois du secteur dit « moderne » pour l’ensembledu pays (Walther, Filipiak et al., 2006). Le secteuragroalimentaire industriel occupe plus de 27 000 sa-lariés relativement bien rémunérés mais ne génèrequ’un nombre très limité de nouveaux emplois, laissantmême la plupart des diplômés à ses portes. En com-paraison, le secteur des MPEA distribue plus de reve-nus, bien que plus précaires, sans protection sociale,et d’un niveau de rémunération généralement plus bas.Ce secteur absorbe l’essentiel des nouveaux arrivantssur le marché du travail, en particulier les femmes,comme on l’a vu précédemment, en saisissant toutesles opportunités du moindre marché, au fur et à mesurede la croissance urbaine. Cela dit, dans un cas commedans l’autre, les revenus plus élevés sont souvent lar-

16 Streetnet International regroupe des associations de vendeusesde rue de 23 pays dont 14 en Afrique subsaharienne (http://www.streetnet.org.za).

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gement redistribués au sein des réseaux familiaux élar-gis, ce qui permet, de fait, de réduire les inégalités entermes de revenus.

S’appuyer sur une industrialisation intensive enmain-d’œuvre pour absorber le flux des demandeursd’emplois ne signifie pas pour autant réduire toutesles inégalités et notamment celles qui prévalent au seinmême du secteur informel. Ainsi, le secteur des MPEAest loin d’être homogène comme la typologie des ac-tivités l’a montré (tableau 3, pages 24 et 25). Or,la plupart des projets de développement agroali-mentaire, même ceux qui s’intéressent aux micro etpetites entreprises, tendent à concentrer leurs effortssur les activités les plus visibles, dynamiques, possé-dant une certaine marge de manœuvre et une plusgrande capacité d’adoption d’innovations et de pro-grès techniques.

Dès l’identification de ces activités, on constateune sélection dont sont exclus les plus pauvres. Ainsi,la plupart des appuis et supports fournis aux entreprises,qu’il s’agisse de crédit, d’information ou de conseilstechniques, de comptabilité et gestion ou de marke-ting, etc., font appel au français ou à l’anglais. Cesappuis nécessitent non seulement de pouvoir com-prendre ces langues, mais généralement aussi deles lire et les écrire. Participer à des réunions de pro-jets, se déplacer pour des démarches, suppose dutemps disponible, une mobilité... Cela suppose éga-lement une connaissance du vocabulaire techniquedes institutions du développement et une certaine ha-

bitude de la prise de parole en public. De telles exi-gences sélectionnent, de fait, les types d’opérateurspartenaires ou cibles de ces projets. Ce sont plus sou-vent des hommes, ou des personnes issues de milieuxplus favorisés qui leur ont donné la chance d’être sco-larisés. On retrouve ici ce qui a été montré sur le ci-blage implicite des projets de développement rural(Chambers, 1990). Ce ciblage, même lorsqu’il viseles pauvres, ne bénéficie qu’aux moins pauvres d’entreeux, et contribue ainsi à accroître les inégalités. Untel constat ne signifie pas, comme on le verra ulté-rieurement, qu’il faille au contraire cibler les pluspauvres. De telles pratiques ont en effet des effets per-vers qui renforcent la marginalisation. C’est pourquoiaujourd’hui sont recommandées des démarches plusinclusives qui visent un large public mais avec des ac-tions différenciées permettant un équilibre social et uneintégration des plus pauvres.

Dans la recherche, l’amélioration de la qualité oula mise au point de nouveaux produits, la mécanisationou l’optimisation de procédés se font rarement avecun cahier des charges qui intègre un accès le pluslarge possible des entrepreneurs ou de la clientèle auxinnovations. Une telle démarche aurait en effet pourconséquence de réduire les marges de manœuvre duchercheur. Il ne pourrait pas toujours exploiter aumaximum les potentialités que lui offre le progrèstechnique. Se contraindre d’emblée à minimiser lescoûts de l’équipement ou du produit fini peut signi-fier renoncer à des procédés ou des équipements à

Sachets de lait cailléde la mini-laiterie de Mpal(Sénégal).

Le développementdes petites unitésde pasteurisation ouvrede nouvelles perspectivesde promotion du laiten Afrique.

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la pointe de la technologie et donc se priver d’op-portunités. Le plus souvent, le ciblage du type d’en-treprises susceptibles de s’approprier l’innovation estrelativement flou a priori. Même quand l’objectif resteune transformation à petite échelle, ce sont généra-lement les entreprises disposant d’une certaine capacitéd’investissement ou implantées sur un marché deniche à fort pouvoir d’achat qui sont implicitement vi-sées (Treillon, 1992). Ce choix de privilégier les mé-nages les plus aisés n’est pas le seul fait des projetsde développement mais aussi celui de chefs d’en-treprises. En effet ceux-ci (ou celles-ci) privilégient sou-vent une maximisation de la marge commerciale surde petits volumes plutôt qu’une production de masseavec des marges unitaires plus faibles et donc desprix de vente plus bas rendant les produits accessiblesà une plus grande partie des ménages.

En termes de sécurité alimentaire, ce type d’in-novation ne bénéficie donc finalement que peu auxpopulations les plus vulnérables. Alors que la sécu-rité sanitaire des aliments est considérée comme unbien public, on constate que la plupart des actionsvisant à l’améliorer se traduisent par une offre denouvelles gammes de produits, plus chers, auxquelsont accès uniquement les populations disposant d’uncertain pouvoir d’achat. De telles actions accroissentfinalement les inégalités tant qu’elles ne prouvent pasleurs effets d’entraînement sur l’ensemble de l’offre.

L’un des principes explicites de ces projets s’ap-puyant sur quelques entreprises est en effet d’en fairedes modèles. En cherchant à mieux maîtriser les pro-cédés techniques et la qualité, en ciblant de nou-veaux marchés et en testant ces innovations dansquelques entreprises exemplaires, ces projets espè-rent avoir un effet d’entraînement sur les autres en-treprises et sur le reste de la filière. En réalité, ces ef-fets d’entraînement sont rarement explicités dans lesprojets. Rares sont ceux qui décrivent les mécanismespar lesquels ils espèrent diffuser le modèle. Or l’in-fluence des entreprises intervenant sur des segmentsde marché à plus fort pouvoir d’achat sur celles ci-blant des marchés plus populaires dépend du degréde segmentation du marché. Si la niche de marchéest indépendante des autres segments, l’effet d’en-traînement peut être très faible.

Ainsi, en Côte d’Ivoire, la recherche a travaillé plu-sieurs années pour mécaniser toute la chaîne opératoirede la production d’attiéké de manioc. Elle est parvenueà la mettre en œuvre dans une unité pilote qui aciblé le marché des libres-services urbains et non les

Agroalimentaire et lutte contre la pauvreté en Afrique subsaharienne : le rôle des micro et petites entreprises56

marchés traditionnels de quartier. Nos enquêtes surle secteur artisanal qui s’est considérablement déve-loppé en même temps révèlent que cette unité pilotea eu en fait très peu d’influence sur les pratiques desmicro-entreprises. Les deux types d’activités ont évo-lué en parallèle, indépendamment l’un de l’autre,s’adressant à des clientèles distinctes. Cet exempleest loin d’être unique. Il s’applique aux cas d’autresproduits du manioc (gari de Davié au Togo ou deNewell-Dunford au Nigeria, chikwangue d’Agricongoet foufou de Mantsoumba au Congo ; huile de palmeau Cameroun ; cube de soumbala au Burkina Fasoou de nététou au Sénégal). À l’inverse, certaines pe-tites entreprises « modèles » se sont positionnées ini-tialement sur des niches de marché moins caractéri-sées par une clientèle spécifique que par des usagesspécifiques (cf. encadré ci-contre). Bien qu’initialementpositionnés sur un segment de marché particulier,ces produits ont fini par toucher une clientèle large.Et cette pénétration s’est traduite par une réaction del’offre populaire classique mise ainsi en concurrenceet qui a tenté d’imiter ces initiatives « modèles ».

Il faut également mentionner les travaux de la re-cherche ghanéenne qui s’est depuis longtemps efforcéede trouver des solutions techniques aux micro-entre-prises, par la mise au point d’équipements très simpleset robustes, ne demandant pas de coûts élevés demaintenance. Dans le même sens, la mise au pointd’équipements destinés à une utilisation en prestationde service, comme le décorticage du mil au Sénégal(projet CRDI-Sismar-Isra dans les années 90, puisEnda-Gret par la suite), le décorticage du fonio enGuinée, au Mali et au Burkina Faso (projet CFC,Cirad, Irag, CNRST, IER), la diffusion de décorti-queuses à riz en Guinée (projet Dynafiv- MAE) ont étédélibérément conduits avec l’objectif d’une appro-priation par un maximum de petites transformatrices(notamment avec un appui à la fabrication locale ar-tisanale d’équipements).

Finalement, peu de projets d’appui au secteuragroalimentaire s’avèrent viser explicitement une ré-duction des inégalités. Au contraire, leur logiquemême de réussite privilégie des actions avec des par-tenaires disposant d’une certaine marge de manœuvreet donc avec les moins pauvres des pauvres. En ci-blant certains types d’entreprises, ils en excluentd’autres. Ces projets contribuent ainsi à creuser cesinégalités en l’absence de démarches inclusives etd’une véritable prise en compte des conditions de leurseffets d’entraînement par redistribution ou imitation.

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La contribution des MPEA à la sécurité alimentaire et à la lutte contre la pauvreté 57

Deux grands types de produits roulés à base de farine de mil existent au Sénégal. Le premier dénommécéré est constitué des couscous fins, plus ou moins fermentés, destinés à la préparation de plats chaudsaccompagnés d’une sauce salée, à base de viande ou de poisson. Le second type est constitué degranules plus ou moins grosses (araw et cakry), destinées à la préparation de bouillies sucrées souventaccompagnées de lait caillé. L’offre commerciale en céré est plutôt assurée par des artisanes quifabriquent une vingtaine de kilogrammes de produit par jour et le vendent en frais soit à domicile,parfois sur commande, soit au marché ou dans la rue.

Ces artisanes proposent aussi de la farine, de la semoule (grain finement concassé et tamisé) et desgranules fraîches de araw et cakry. Mais ces deux produits ont fait l’objet depuis une dizaine d’annéesd’une production assurée par des petites entreprises.

Certaines d’entre elles utilisent des équipements mécanisés ou font travailler des femmes pour le roulagemanuel, mais sèchent le produit et le conditionnent en sachets en plastique. Parce que ces granulessont utilisables pour des préparations rapides de bouillies, mets dont la confection ne demande pas unsavoir-faire très élaboré, leur achat sous forme de produit standardisé de présentation plus« industrielle » est socialement acceptable. C’est moins le cas pour le céré, produit utilisé pour un metssocialement plus impliquant, et pour lequel les exigences de qualité, de typicité sont plus fortes.Il reste vendu majoritairement par des artisanes avec lesquelles les clientes entretiennent des relationsde confiance interpersonnelles pour garantir une qualité « traditionnelle ».

Autant les tentatives de production industrielle et semi-industrielle de céré ont connu des difficultés depénétration sur les marchés, autant celles de production de semoule et de granules de araw ou cakyont rencontré un plus grand succès, poussant des artisanes à imiter les efforts de qualité et deprésentation des entreprises semi-industrielles : séchage des produits et utilisation de sachets plastiquespour le conditionnement. L’effet d’entraînement a mieux joué dans le second cas que dans le premier(Getenet, 2005 ; Touré, 1992).

Le marché des produits roulés au Sénégal

Que peut-on retenir sur la contribution des MPEAà la sécurité alimentaire et la réduction de la pauvreté ?

Il faut d’abord rappeler l’importance quantita-tive de ce secteur, tant du point de vue de sa contri-bution à l’alimentation de la population que du pointde vue du nombre de personnes qui y travaillent di-rectement ou indirectement. Bien que mal repérédans les comptes des économies nationales, ce sec-teur est, après celui de la production agricole, l’undes principaux pourvoyeurs d’activités ou d’emploisà la fois en milieux rural et urbain.

Il faut souligner ensuite le caractère « populaire »de ce secteur. Il fournit d’une part, au travers de mil-liers d’activités à très petite échelle, des aliments lar-gement accessibles au plus grand nombre, corres-

pondant à la fois aux préférences alimentaires et auxcontraintes de mode de vie des consommateurs, no-tamment des citadins (voir synthèse sur contributiondes MPEA à la sécurité alimentaire, page 42).

En réponse à l’émergence d’un segment de mar-ché à plus fort pouvoir d’achat, pouvant satisfaire deplus fortes exigences, ont émergé de nouveaux typesd’entreprises, souvent mécanisées et proposant desproduits incorporant plus de services et de garanties dequalité. Ces petites entreprises valorisent des savoir-fairetraditionnels mais innovent et se positionnent d’avan-tage en concurrence directe avec les produits industriels.Ainsi, loin d’être des supports d’habitudes alimentairesrurales ou des ersatz de produits occidentaux, les pro-duits proposés par les MPEA participent pleinement à

Conclusion

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Agroalimentaire et lutte contre la pauvreté en Afrique subsaharienne : le rôle des micro et petites entreprises58

l’invention des styles de consommation contemporains.Ce secteur est d’autre part populaire parce qu’il est re-lativement accessible même pour les plus démunis. Lesinvestissements de départ en capital financier et encompétences sont limités. Là encore, il faut distinguerles micro-activités des petites entreprises. Les premièressont souvent temporaires et peuvent être considéréescomme des « prolongements marchands » d’activitésdomestiques. L’équipement peut être celui du ménage.Le savoir-faire peut être acquis auprès des aînées dela famille. Les petites entreprises ne sont par contre ac-cessibles qu’avec un investissement initial, financier ouen termes de compétences, plus élevé. L’acquisition descompétences par l’apprentissage intergénérationnelne suffit plus, mais la formation professionnelle pour cetype de métier est quasiment absente.

À plusieurs titres, les MPEA contribuent, là encorepour le plus grand nombre, à renforcer les capaci-tés et le pouvoir. Parce que très largement dominéespar les femmes, ces activités génèrent des revenus quisont, davantage que ceux des hommes, investis dansl’éducation et la santé des enfants. Ces activitéscontribuent ainsi à la construction de capital humainpour de larges parts de la population rurale et urbaine.

Le fonctionnement des MPEA s’appuie étroitementsur des réseaux sociaux de divers types qui contribuentlargement à réduire les risques. Mais ces activités ser-vent aussi à étendre et entretenir ces réseaux. Ceux-ci permettent notamment aux femmes d’acquérir plusde mobilité, d’autonomie et de renforcer leur pouvoir,même s’il reste encore de larges progrès à faire pourque celui-ci s’exerce d’avantage dans la vie publique.

Ces réseaux ne sont donc pas seulement à consi-dérer comme des ressources, comme un capital so-cial dont la seule finalité est leur mobilisation au ser-vice d’activités économiques. Le tissage de relationssociales est aussi une fin en soi. C’est en ce sens quece secteur peut être considéré sous l’angle d’une éco-nomie sociale ou solidaire, et par conséquent commeressort possible d’un projet de développement axé surla finalité humaine. Une telle perspective supposealors de changer de regard sur ce secteur et de leconsidérer non plus comme un problème à résoudremais bien comme une ressource à valoriser.

Il faut, pour finir, revenir au caractère hétérogènede ce secteur pour s’interroger sur le rôle que peuventjouer les deux grands types d’activités que l’on peutdistinguer : activités de subsistance d’un côté et pe-tites entreprises de l’autre. Si le premier type est trèslargement majoritaire et le second plus émergeant, c’està la fois lié aux barrières à l’entrée et aux débouchésde chacun de ces types d’entreprises. L’évolution pas-sée du secteur montre que l’Afrique subsahariennen’a pas connu un processus qui aurait vu la transfor-mation des activités de subsistance en micro puis pe-tites entreprises comme on l’a observé dans d’autrespays. D’une part, aucune politique n’a encouragé vo-lontairement le développement de ces activités, lapriorité des pouvoirs publics et des bailleurs de fondsayant été longtemps donnée aux grands projets agro-industriels. L’amélioration des conditions d’accès àdes investissements, des formations, des technologies,ne s’est pas faite et a limité les possibilités pour cer-taines activités d’évoluer. D’autre part, la faible sol-vabilité du marché et sa capacité à payer l’incorpo-ration de valeur ajoutée sous forme d’attributs dequalité et de services dans les aliments a limité le dé-veloppement de petites entreprises. Il faut dire que lacroissance urbaine a été tellement rapide que le défid’assurer de nouveaux emplois rémunérateurs pourtous était difficile à relever. Cette évolution a limité l’émer-gence d’un segment solvable de marché suffisammentlarge pour entraîner le développement d’entreprises plusporteuses de croissance.

Si l’on peut espérer avec le ralentissement de lacroissance urbaine une augmentation de la solvabi-lité du marché, on peut alors faire l’hypothèse que lespetites entreprises qui ont émergé ces dernières dé-cennies représenteront un vivier d’expériences et demodèles dont pourront bénéficier le plus grandemasse des activités du secteur. Leur taille limitée, latypicité des produits qu’elles proposent, devraientconstituer, mieux que les grandes industries des mo-dèles plus proches des conditions des micro-activités.L’augmentation de cette solvabilité du marché supposecependant que l’environnement macro-économique despays d’Afrique subsaharienne contribue lui aussi à en-rayer la paupérisation du continent. �

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La partie précédente a montré l’importance, tantqualitative que quantitative, du secteur des micro etpetites entreprises agroalimentaires, et de sa contributionà la sécurité alimentaire, la production de revenus, l’em-ploi, et la lutte contre la pauvreté. Pour autant, commeon l’a vu en première partie, ce secteur, bien que trèsdynamique, est largement ignoré des politiques pu-bliques. Il se développe en marge ou à côté des dis-positifs d’appui aux entreprises. Il ne bénéficie pas desappuis dont il aurait besoin pour se développer et pourrépondre à ses faiblesses, en particulier sur le plan dela qualité sanitaire des produits. Bien plus, il souffrede normes inadaptées et de la précarité de son sta-tut juridique. Le potentiel du secteur des MPEA estdonc mal valorisé, alors qu’il est le seul à même derépondre à un défi essentiel pour les pays d’Afriquequi est de nourrir une population de plus en plus ur-baine, en valorisant leurs ressources agricoles.

Prenant acte de ces constats, il semble donc importantde définir des politiques favorables au développementde ce secteur et de mieux cibler les actions d’appui,de façon à lever les contraintes rencontrées par lesMPEA et à accroître leur contribution à la sécurité ali-mentaire, à la lutte contre la pauvreté, et plus largementau développement économique et social des pays.

Cette troisième est structurée en quatre chapitres : � le premier regroupe des propositions pour re-

connaître pleinement la place de ce secteur dansl’économie nationale et en faire un interlocuteur desresponsables des politiques ;

� le second est consacré à l’amélioration, voirela réforme de l’environnement des affaires (régle-

59

mentation et infrastructures) afin de lever les entravesau développement spontané du secteur des MPEA ;

� le troisième présente les grands axes d’un dis-positif d’appui au secteur des MPEA (formation,conseil, recherche, information, etc.). Ces axes peu-vent fonder, avec l’amélioration de l’environnementdes affaires, les éléments d’une politique publique sec-torielle. Ils peuvent également servir de cadre à l’aidebudgétaire affectée (parfois appelée aide-programme)ou à l’aide budgétaire globale que les bailleurs defonds, notamment européens, souhaitent développer.Enfin ces recommandations constituent des pistesd’actions de projets ciblés sur une seule filière, unezone géographique ou un secteur d’activités ;

� le quatrième chapitre aborde la prise en compteexplicite des critères de sécurité alimentaire et de luttecontre la pauvreté et les inégalités dans la définition,la mise en œuvre et le suivi-évaluation des projets etprogrammes.

Renforcer le rôle des MPEA dans la sécuritéalimentaire et la lutte contre la pauvreté

Troisième partie

Décortiqueur à riz Engelberg,utilisé pour le maïs, Cetrapa (Burkina Faso)

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�� Reconnaître la légitimité politiquede ce secteur

Le secteur des MPEA n’est pas clairement identi-fié dans les comptabilités nationales. Il est générale-ment confondu soit avec la production agricole en mi-lieu rural, soit avec le micro-commerce en milieuurbain ou n’est tout simplement pas considéré si l’ac-tivité est déclarée secondaire. Il est aussi assimilé àune activité domestique dont il constitue en effet ini-tialement un prolongement marchand. Le plus souventil ne relève pas clairement d’un ministère et n’est pasbien représenté et pris en compte dans les chambresconsulaires, même si une partie des activités sont as-sociées au secteur artisanal dans certains pays. Ceconstat global de méconnaissance du secteur, ainsique son absence de structuration, sont souvent utili-sés par les bailleurs de fonds, et parfois même parles États, pour justifier qu’ils ne l’appuient pas.

Un préalable à la prise en compte de ce secteuret de ses spécificités est donc de le reconnaître et dele légitimer en tant que secteur d’activités stratégique.

Recenser et caractériser ce secteuret l’identifier dans la comptabilité nationale

En dépit d’estimations révélant l’importante contri-bution du secteur agroalimentaire à petite échelle àla valeur ajoutée dans les pays d’Afrique subsaharienne(voir deuxième partie page 43), force est de consta-ter qu’il n’existe pas d’enquête statistique de grandeenvergure qui permette une appréciation de cettecontribution effective. Certains recensements compta-bilisent quelques activités spécifiques mais ils sont ra-rement exhaustifs. Ainsi au Sénégal, la production degâteaux et de beignets est recensée dans le secteurartisanal de la filière céréales, mais celle de farine, se-moule et couscous de mil ne l’est pas, et les presta-tions de services (décortiqueuses et meuniers de quar-tier ou de village) ne sont également pas recensées.Au Burkina Faso qui distingue pourtant 91 corps demétiers artisanaux, ne figurent que les boulangers pourle secteur alimentaire urbain et les dolotières (fabricantesde « bière » de sorgho), les bouchers et les meunierspour l’artisanat rural. Au Mali, onze métiers relevantde la catégorie « métiers artisanaux de l’alimenta-

Agroalimentaire et lutte contre la pauvreté en Afrique subsaharienne : le rôle des micro et petites entreprises60

tion » sont identifiés dont neuf sont généralement oc-cupés par des hommes (bouchers, charcutiers, bou-langers, pâtissiers, rôtisseurs, meuniers, etc.). En de-hors de la catégorie « décortiqueuses d’arachide et dekarité », toutes les autres activités féminines, bien quenombreuses et diversifiées, sont classées dans la ca-tégorie « fabricants de produits alimentaires tradition-nels et divers ». Au Bénin, le code de l’artisanat adoptéen 2001 est beaucoup plus exhaustif. Dans le groupealimentation, 52 corps de métiers ont été recensés re-groupés en dix « grands groupes ».

Dans le cadre de l’étude, nous avons tenté deproposer une première nomenclature des métiers à par-tir des activités recensées, des métiers retenus dans lestextes réglementaires de l’artisanat dans certains pays,notamment le Bénin17, et de la nomenclature inter-nationale des métiers (cf. annexe 2 page 123). Il nes’agit là que d’une ébauche qui repose sur l’identifi-cation de corps de métiers en fonction de la naturedes matières premières et des opérations de transfor-mation. Elle pourrait servir de base à l’élaboration denomenclatures nationales qui tiendraient compte de laspécificité du secteur dans chaque pays.

Disposer d’une telle nomenclature, et de données dé-taillées sur ce secteur, permettrait d’envisager de le dis-tinguer dans la comptabilité nationale plutôt que del’intégrer dans les activités agricoles secondaires oudans le simple commerce et services. Ceci favoriseraitune reconnaissance de son importance économique. Unetelle distinction suppose de pouvoir estimer les contribu-tions des MPEA en termes de revenus et de valeur ajou-tée et donc de réaliser des enquêtes sur échantilloncomme cela se fait pour les enquêtes agricoles. L’enjeud’une telle comptabilisation est à la fois de mieux fairecorrespondre les comptes nationaux avec la réalité desactivités économiques du pays et de reconnaître l’im-portance et la légitimité de ce secteur dans les politiquesde développement socio-économique.

Certains pays, comme le Burkina Faso ou le Bénin,ont entrepris de détailler les contributions macro-économiques du secteur informel à partir de recen-sements relativement fins des multiples activités qui lecomposent. L’extension de ce type de démarche à

17 Décret no 2003-569 du 29 décembre 2003 portant appro-bation de la nomenclature des métiers de l’artisanat au Bénin.

Prendre en compte le secteur des MPEA dans les politiques publiques

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tous les pays devrait être rapidement envisagée enparallèle au travail, sans doute plus long et compli-qué, d’élaboration d’une nomenclature des métiers.

Définir un statut juridique pour ces activités

Dans la plupart des États de l’Afrique de l’Ouest,le secteur des MPEA n’est pas, ou mal, pris en comptedans la législation. L’absence de statut clair et les spé-cificités de ce secteur expliquent sans doute que lesorganisations professionnelles ne sont pas, ou rare-ment, représentées dans les chambres consulaires etne sont parfois tout simplement pas connues.

À titre d’exemple, dans la liste des organisationsmentionnées sur le site Web de l’Union nationaledes chambres des métiers du Sénégal, aucune or-ganisation du secteur agroalimentaire ne figure, alorsque nous en avons recensé au moins dix (Broutin,2005). Les acteurs du secteur ne sont pas non plus(ou peu) représentés dans les cadres de concertationentre l’État et le secteur privé.

Renforcer le rôle des MPEA dans la sécurité alimentaire et la lutte contre la pauvreté 61

Un des préalables pour reconnaître la légitimité po-litique de ce secteur est donc de définir un statut juri-dique spécifique et plus clair pour les acteurs, basésur une meilleure connaissance du fonctionnement desactivités. Dans bien des cas, les statuts actuels du sec-teur artisanal ou des PME sont basés sur des métierstels les forgerons, mécaniciens, etc., statuts mal adap-tés au secteur agroalimentaire (cf. ci-dessous encadrésur le cas du Sénégal). De plus, les critères sont trèsvariables d’un pays à l’autre. Au Sénégal, une entre-prise artisanale ne doit pas avoir plus de cinq employéset au Bénin moins de dix ouvriers artisans (non com-pris les aides familiaux et les apprentis). L’élaborationde ces statuts passe par une identification préalablede la diversité des activités et caractéristiques du sec-teur, puis par une concertation avec des représen-tant(e)s de chaque activité/corps de métiers ou, àdéfaut, d’un échantillon d’opérateurs/trices. Car c’estbien souvent par méconnaissance du secteur ou parune très faible participation de ses représentant(e)sque les statuts actuels s’avèrent mal adaptés.

Au Sénégal, le secteur agroalimentaire est assez bien représenté dans l’arrêté fixant les activitésartisanales. Il est mentionné dans la section production à travers l’identification de plusieurs filières :

> les céréales (fabrication de beignets, de gâteaux) ;> les fruits et légumes (fabrication de jus de fruits, de confiture) ;> les produits animaux (fabrication de lait caillé, de beurre, de yaourts, de fromages, etc.) ;> les oléagineux (fabrication d’huile de palme, de pâte d’arachide) ;> les produits de la mer (séchage et fumage de poisson) ; > les produits de la forêt (fabrication du beurre de karité).

Mais l’entreprise artisanale doit satisfaire deux critères : le premier est relatif à la nature de l’activité(activité de production ; transformation ; réparation ou de service, à l’exception toutefois des activitésagricoles, de pêche, de transport et des activités exclusivement commerciales ou spécifiquementintellectuelles). Le second critère concerne le nombre d’employés qui ne doit pas être supérieur à cinqpersonnes. Or de nombreuses petites entreprises dans le secteur agroalimentaire ont un nombre desalariés plus important en raison des nombreuses étapes de transformation manuelles ou del’organisation en groupement.

Les titres de qualification artisanale sont soumis, selon la réglementation, à une hiérarchisation stricte.Ainsi, le maître-artisan est un chef d’entreprise qui justifie d’une qualification élevée. L’artisan est le chefd’entreprise qui justifie d’une qualification professionnelle. Le compagnon est l’employé qui justifie d’unequalification professionnelle. Partant de cette nomenclature, nul ne peut s’approprier le titre d’artisansi cette qualité ne lui a pas été préalablement reconnue par la commission de qualification instituéedans chaque chambre de métiers. Cette distinction de titres de qualification n’est pas adaptée et n’estpas du tout utilisée dans le secteur agroalimentaire en raison des systèmes d’apprentissage trèsdifférents des autres filières artisanales, largement masculines où ces titres sont plus couramment utilisés,et de l’incapacité des chambres des métiers à statuer car elles connaissent mal ce secteur.

Le statut d’artisan au Sénégal

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Plusieurs pays d’Afrique subsaharienne envisagentd’engager la même démarche avec également une ré-flexion au niveau des espaces régionaux (UEMOA,Cemac, etc.) (Rampe, à paraître). Un tel statut juridiqueest nécessaire pour envisager ensuite une adaptationde la réglementation (fiscalité, législation du travail, sé-curité sociale) et un certain nombre d’appuis dans lecadre des politiques sectorielles (formation, crédit, etc.).

�� Promouvoir la représentationdes MPEA et renforcer les capacitésorganisationnelles

Encourager la création ou renforcerles organisations socioprofessionnelles

L’existence d’acteurs sociaux organisés, capablesde s’impliquer dans les processus d’élaboration et desuivi des politiques publiques, est un préalable à uneplus grande et meilleure prise en compte des besoinsd’appui au développement d’un secteur20. En faisant

le parallèle avec la structuration professionnelle des agri-culteurs, on peut mesurer l’intérêt de ce processusdans l’évolution des programmes de développementagricole et des politiques publiques (voir par exempleau Sénégal, la participation forte du CNCR21 à l’éla-boration du projet de loi d’orientation agro-sylvo-pastorale). L’existence d’organisations professionnellesfaciliterait la concertation et le dialogue avec l’État,notamment dans le cadre de l’élaboration de la réforme

Agroalimentaire et lutte contre la pauvreté en Afrique subsaharienne : le rôle des micro et petites entreprises62

La démarche d’élaboration d’une charte des PMEengagée au Sénégal ainsi que dans d’autres pays(Bénin), qui reconnaît l’existence de micro et petitesentreprises (ou de très petites entreprises), incluantcelles du secteur artisanal, pourrait être une réponse

à cette recherche de statut, sous réserve de bien dé-finir certains critères, en concertation avec les ac-teurs du secteur.

Or ceux-ci étaient, semble-t-il, mal représentésdans la concertation conduite au Sénégal.

La charte des PME, adoptée au Sénégal en décembre 2003, cadre institutionnel et juridique de promotiondes PME18, définit trois critères d’une « petite entreprise » (terme regroupant les micro et petite entreprises) :

> effectif compris entre un et vingt employés (en UTA)19 ;

> tenue d’une comptabilité certifiée par une structure de gestion agréée ;

> chiffre d’affaires annuel inférieur à 25 millions de francs CFA (38 000 €) pour les prestationsde services et 50 millions de francs CFA (76 000 €) pour les opérations de livraisons de biens(Ministère des PME, Sénégal, 2003).

Le premier critère est un peu ambigu puisqu’il évoque l’existence d’au moins un employé et pourraitdonc exclure les entreprises individuelles ou les activités individuelles temporaires (moins d’une UTA),bien que cela ne semble pas être l’esprit de la charte. Le deuxième critère exclut de fait de nombreusesactivités de petite transformation agroalimentaire, en particulier en milieu rural. Celles-ci risquent doncde ne pas être prises en compte dans les projets de recensement et de définition de la loi d’orientationqui sont prévus dans cette charte. La Charte mentionne que la qualité de MPE sera reconnue parune « cellule de suivi » mise en place par le ministère dans laquelle il faudra veiller que les MPE soientbien représentées. Cette charte constitue cependant une avancée, puisque l’importance des MPE estmême soulignée dans l’exposé des motifs.

La charte des PME du Sénégal

18 Elle a notamment pour objectif de doter la PME d’un environ-nement favorable à son expansion, d’organiser ses relations avecles grandes entreprises, de développer le transfert de techno-logies, et d’assurer à la PME un appui multiforme pour ac-croître sa compétitivité. La Charte prévoit de favoriser la migrationdu secteur informel vers le secteur structuré, notamment par lerenforcement des capacités des entreprises informelles.

19 Calculés en UTA – unité de travail/année, à savoir le nombred’employés à plein temps durant une année, le travail tempo-raire, saisonnier ou journalier représentant une fraction d’UTA.

20 Réseau Impact — www.reseau-impact.org.21 Conseil national de concertation des ruraux, qui est une confé-

dération paysanne.

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Renforcer le rôle des MPEA dans la sécurité alimentaire et la lutte contre la pauvreté 63

de l’environnement des affaires et des politiques pu-bliques, mais faciliterait également la mise en placede programmes et actions en faveur des acteurs ac-tuels et potentiels du secteur (formation profession-nelle, appui-conseil, crédit, etc.).

Les modalités organisationnelles sont variées :structuration par activités/produit (transformateurs defruits et légumes au Bénin et au Sénégal), par filières(interprofession au Sénégal et au Burkina Faso) ou parsecteur (fédération des industries alimentaires auBurkina Faso, associations des femmes restauratricesau Sénégal, Bénin, Burkina Faso).

La reconnaissance des métiers de l’artisanat ali-mentaire, la définition d’un statut et l’ouverture des cadresde concertation entre l’État et le secteur privé à des re-présentants de ce secteur d’activités sont des moyensde susciter ou renforcer les organisations du secteur.

Il nous semble cependant nécessaire que les Étatss’engagent davantage dans la promotion de l’émer-gence d’organisations professionnelles et s’assurentde leur participation dans les cadres de concertation

avec le secteur privé. Les agences de coopération (no-tamment celles de la France) pourraient jouer un rôleimportant dans ce domaine pour appuyer la créationet le développement d’organisations professionnelleset la construction de nouveaux rapports institution-nels au sein des filières.

Les portes d’entrée pour appuyer cette structura-tion peuvent prendre plusieurs formes :

� financement d’appui institutionnel, comme l’a faitle projet Eidev (appui à l’environnement institutionnel etau développement du secteur privé) de la coopérationfrançaise pour l’Association des transformateurs de cé-réales du Burkina Faso (ATCB) ou le Papes (Projet d’ap-pui aux petites entreprises du Sénégal) pour l’associa-tion des transformateurs de fruits et légumes (Transfruleg) ;

� appui aux échanges, réalisé par exemple dans lecadre du projet Aval (actions de valorisation des savoir-faire locaux) pour des associations de restauratrices ;

� accès au crédit, formation pour le petit entre-prenariat comme le fait la Maison régionale de l’en-trepreneur – MRE – en Guinée Conakry (cf. encadré).

La Maison régionale de l’entrepreneur (MRE) est une entreprise de services mise en place par le CIDRen Guinée, au niveau de sa démarche d’appui aux entreprises de services aux organisations deproducteurs (Esop)22. La MRE intervient, en collaboration avec le projet Dynafiv (Dynamisation desfilières vivrières) sur la structuration des organisations professionnelles, en appuyant notamment desgroupements de « décortiqueurs » ou de femmes « étuveuses »23. La MRE n’a donc qu’un rôle d’appuiet de conseil afin d’expliquer l’importance d’une organisation et d’une reconnaissance juridique quipermettent de mieux rentabiliser les activités. Elle sensibilise les acteurs sur la nécessité et la manière des’organiser. Chaque opérateur a ensuite la liberté d’exprimer ses idées au sein de ces groupements.À terme, de telles organisations officielles pourront avoir plus de pouvoir face aux autorités, entre autrespour définir une stratégie de développement des filières.

Comme dans beaucoup de pays africains, le secteur de la transformation agroalimentaire au BurkinaFaso est caractérisé par une faible présence d’organisations professionnelles spécifiques. Quelques PME,de taille généralement assez importante, se sont organisées au sein de la Fédération des industriesagroalimentaires du Burkina (Fiab) ou de l’Association des transformateurs de céréales du Burkina(ATCB). Mais elles n’incluent pas les milliers d’activités individuelles rurales ou urbaines qui constituent,en volumes traités, la majeure partie du secteur. De ce fait, les acteurs et actrices ont adhéré à d’autresorganisations faîtières aux objectifs et publics plus larges, mais qui représentent faiblement les intérêtsspécifiques du secteur de la transformation agroalimentaire. C’est le cas de l’Association de femmeschefs d’entreprises ou du Bureau d’appui aux femmes du secteur informel du Burkina Faso.

Les organisations professionnelles agroalimentaires en Guinée et au Burkina Faso

22 D’autres pays sont concernés par la démarche ESOP. Au Burkina Faso : Seracom – Maison des services dansle Soum ; en Éthiopie : Réseau de banques de céréales et structure de prestation de services à ces banques ;au Togo : Programme de développement de la filière soja ; au Bénin : Agro-Services Conseils (ASC) –entreprises de courtage ; au Mali : laiteries Danaya Nono et appui aux laiteries.

23 Nous avons repris ici la nomenclature des métiers retenue par le projet Dynafiv qui utilise le nom de l’équi-pement pour désigner les hommes qui gèrent des décortiqueurs à riz et les femmes qui étuvent le riz.

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Agroalimentaire et lutte contre la pauvreté en Afrique subsaharienne : le rôle des micro et petites entreprises64

L’appui à l’organisation des MPEA doit reposersur une structuration des organisations professionnellesau niveau local (régions, zones, bassins d’activités).Plusieurs démarches sont envisageables selon lescontextes : un appui peut être fourni à des organisationsnationales pour mettre en place des structures au ni-veau des différentes régions de production (exemplede la Fenafils au Sénégal). Des organisations localespeuvent adhérer à des structures nationales existantesou se fédérer pour créer leur propre organisation.

L’existence de niveaux intermédiaires de structu-ration renforce la crédibilité et la représentativité desorganisations nationales. Il est souvent plus facilepour les acteurs de ce secteur de se mobiliser etd’échanger avec d’autres acteurs géographiquementproches sur leur environnement direct qu’ils connais-sent et maîtrisent mieux.

Comme le souligne le réseau Impact24, dont undes thèmes de travail est l’importance du local et descollectivités décentralisées dans la lutte contre lapauvreté et les inégalités, « les collectivités localesreprésentent un acteur stratégique et un nouvel es-pace public de collaboration entre les pouvoirs lo-

caux et les acteurs sociaux. (…) Les collectivités lo-cales sont envisagées comme des lieux privilégiéspour mettre en œuvre des politiques publiques in-termédiaires, en particulier en ce qui concerne l’ac-cès aux services (l’eau, la santé, les marchés, lestransports, etc.) et aux activités économiques (dé-termination de priorités, concertations entre acteurs,politiques foncières, incitations en faveur des caté-gories défavorisées, investissements et infrastruc-tures, mise à disposition de crédits, etc.). La miseen œuvre de telles politiques publiques pose évi-demment la question des ressources financières àtravers la décentralisation des moyens de l’État etle recours à une fiscalité locale (taxes et impôts). (…)Le renforcement des collectivités locales peut être lelieu décisif d’apprentissage du politique et de la par-ticipation, le lieu aussi de l’expression première desdynamismes sociaux nécessaires à l’implication despopulations dans les politiques »25.

La participation à l’élaboration de politiques pu-bliques locales constitue donc une voie privilégiée d’ap-prentissage pour les MPEA.

Aider les organisations,notamment gouvernementales,à mieux assumer leurs fonctions

Dans de nombreux pays africains, les servicesde l’État, les chambres consulaires, les agences na-tionales de promotion du secteur privé, de la PME,de l’artisanat ont besoin de renforcer leurs capacitéspour pouvoir pleinement assumer leurs fonctions(contrôle de la réglementation, collecte de données,représentation, etc.). Ils ont notamment besoin de dis-poser de ressources humaines et de moyens matériels(véhicule, outils informatiques) et financiers adéquats(quantitativement et qualitativement). Ce renforcementdoit également permettre une meilleure connaissancedu secteur de la MPEA, de son fonctionnement et deson rôle dans le développement économique, afin dedépasser certains clichés. Il n’est pas rare en effet deconstater que les services centraux, et même décen-tralisés, ont une vision très négative de la micro et pe-tite entreprise et que la mise à disposition d’infor-mations sur ces activités contribue à faire évoluercette vision.

24 Le réseau Impact réunit différentes personnes issues des mondesde la recherche, de l’expertise et de l’administration autourdes questions de lutte contre la pauvreté.

25 www.reseau-impact.org.Pétrissage dans une petite boulangerie rurale au Sénégal

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Renforcer le rôle des MPEA dans la sécurité alimentaire et la lutte contre la pauvreté 65

Dans tous les cas, les politiques nationales doiventêtre cohérentes avec les éventuelles politiques ré-gionales. À titre d’exemple, le conseil des ministresde l’UEMOA a adopté, en décembre 2003, une dé-cision (16/2003/CM) relative aux programmesd’actions pour la promotion et le financement de laPME dans l’UEMOA. Ce texte adopte un programmed’actions régionales qui s’articule autour de trois axesstratégiques :

� créer un environnement incitatif ;� assurer un appui direct performant ;� assurer une offre de financement adaptée.

Le premier axe occupe une place importante dansce programme. Il est notamment question d’élaborerune charte de la PME, comprenant une définitioncommunautaire de la PME, déclinée à travers une po-litique de développement de la PME au niveau dela sous-région. La mise en place d’un observatoire desPME de l’UEMOA est aussi envisagée. On peut enfinnoter que l’UEMOA s’engage à favoriser l’émer-

gence dans chaque État membre d’une « directionforte, garante des intérêts des PME, et rattachée defaçon pérenne à un ministère approprié ».

Reconnaître pleinement la place du secteur des MPEA dans l’économie nationale et favoriserl’émergence d’organisations professionnelles sont des préalables à la définition de politiques publiquesfavorables au développement de ce secteur. Ceci suppose de disposer de recensements exhaustifsdes activités et de réaliser des enquêtes sur échantillon pour estimer les contributions des MPEA entermes de revenus et de valeur ajoutée. Ces travaux, encore rarement ou très incomplètement réalisésen Afrique subsaharienne, permettraient d’envisager de distinguer ce secteur dans la comptabiliténationale, d’élaborer des nomenclatures nationales des métiers et de définir un statut juridiquespécifique et plus clair pour les acteurs, statut basé sur une meilleure connaissance du fonctionnementdes activités. L’enjeu est à la fois de mieux faire correspondre les comptes nationaux avec la réalité desactivités économiques du pays et de reconnaître l’importance et la légitimité politique de ce secteur.

Une meilleure prise en compte des besoins d’appui au développement du secteur des MPEA supposeégalement l’existence d’acteurs sociaux organisés, capables de s’impliquer dans les processusd’élaboration et de suivi des politiques publiques. Pour cela, les États doivent s’engager davantage dansl’appui à l’émergence d’organisations professionnelles et s’assurer de leur participation dans les cadres deconcertation avec le secteur privé. L’organisation des MPEA doit reposer sur une structuration au niveaulocal (régions, zones, bassins d’activités) pour renforcer la crédibilité et la représentativité des organisationsnationales et par filières pour envisager des concertations interprofessionnelles. Selon le nombre et lescaractéristiques des acteurs dans la filière, des organisations distinctes de micro et petites entreprises sontparfois nécessaires pour une meilleure prise en compte des besoins spécifiques de ces deux segments.

Dans de nombreux pays africains, les services de l’État, les chambres consulaires, les agencesnationales de promotion du secteur privé, ont également besoin de renforcer leurs capacités et leurconnaissance des MPEA pour pouvoir pleinement assumer leurs fonctions et être en mesure dereconnaître la contribution de ce secteur au développement économique du pays.

Production de confitures en coupelles pour répondreà la demande des réceptifs hôteliers au Sénégal,Shivet Fruits à Mbour (Sénégal)

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> Ce qu’il faut retenir

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Agroalimentaire et lutte contre la pauvreté en Afrique subsaharienne : le rôle des micro et petites entreprises66

Transformationdu mil

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26 Les analyses réalisées au Burkina Faso par Sicarex dans lecadre de la présente étude montrent par exemple que le mon-tant de la patente collectée par la trésorerie de la région Centre(zone de Ouagadougou) représentait, en 2002, 123 millionsde francs CFA et celui de la Contribution du secteur informel(CSI) près de 400 millions de francs CFA.

Améliorer l’environnement des affaires

�� Simplifier et alléger la fiscalité,réviser la législation du travail,étendre la protection sociale

Le secteur artisanal, celui de la micro et petite en-treprise et plus généralement le secteur informel ontencore souvent une image négative : secteur illégal,frauduleux, « attardé » ou archaïque. Ces percep-tions amènent de nombreux acteurs (au niveau de larecherche, de l’État, des collectivités locales) à consi-dérer l’économie populaire comme un frein au dé-veloppement d’une économie « moderne » capitalis-tique. Pour modifier les rapports avec l’État, améliorerles conditions de travail et éviter que de nombreuxacteurs de ce secteur contournent les réglementa-tions, il est nécessaire d’envisager et d’appuyer unerévision de la législation (travail et fiscalité). Celle-cirevêt plusieurs enjeux :

� améliorer les conditions de travail et la sécuri-sation des emplois par des textes adaptés au contextedes MPEA ;

� créer les conditions d’une contribution desMPEA aux finances publiques à la hauteur de leurscapacités financières ;

� donner la possibilité aux acteurs du secteur« informel », légitimés par une contribution effectiveet connue aux finances publiques, de faire entendreleurs voix, d’autant que certaines études montrentque les taxes perçues au niveau local peuvent re-présenter des sommes importantes26 sans qu’aucunsoutien ou investissement ne soit fait en contrepartie ;

� contribuer à faire évoluer les mentalités grâce àune reconnaissance de l’apport financier de ce secteur ;

� permettre aux MPEA de bénéficier d’avantagesfiscaux liés à la valorisation des produits locaux,comme les industries dans certains pays.

Plusieurs pays ont fait évoluer la législation enproposant un impôt synthétique pour les plus petitesactivités économiques (cf. encadré page suivante). Cestentatives constituent des avancées qui devraient êtreévaluées avec les petites entreprises concernées pouraméliorer le dispositif réglementaire.

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Renforcer le rôle des MPEA dans la sécurité alimentaire et la lutte contre la pauvreté 67

Au Burkina Faso, le secteur artisanal est soumis à un régime de fiscalité globale dénommé Contributiondu secteur informel (CSI). La CSI est un système d’imposition unique. Elle a été calculée pour représenterl’ensemble des impôts et taxes du système normal d’imposition, c’est-à-dire : l’impôt sur les bénéficesindustriels et commerciaux (IBIC), l’impôt minimum forfaitaire sur les professions industrielles etcommerciales (IMFPIC), la taxe patronale et d’apprentissage (TPA), la contribution à la patente, la taxesur la valeur ajoutée (TVA), la licence des débits de boissons. Les impôts indirects versés par le secteurinformel représentent environ 10 % du total des impôts indirects nationaux. La stratégie nationale depromotion du secteur de l’artisanat au Burkina Faso prévoit également l’adaptation de la législationfiscale. Pour prendre en compte les spécificités du groupe professionnel des artisans dans la législationfiscale, les mesures suivantes sont envisagées :

> distinguer les artisans des commerçants par l’institution effective de la carte professionnelle d’artisan ;> mettre en place une législation spécifique à l’artisanat : code des investissements, code des impôts,

code et tarif douaniers ;> prendre des mesures facilitant l’accès des artisans aux marchés publics et privés.

Il est envisagé au Sénégal, dans le cadre de l’élaboration d’un statut de la micro-entreprise, unnon-assujettissement à la TVA en dessous d’un certain seuil de chiffre d’affaires. Dans le cadre du soutienà la migration des entreprises du secteur dit informel vers le secteur formel prévu dans la charte des PME,un impôt synthétique, dénommé contribution globale unique (CGU) a été mis en place. Il réunit six impôts :l’impôt sur le revenu (ISR), l’impôt du minimum fiscal, la contribution des patentes, la contribution deslicences, la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), la contribution forfaitaire à la charge des employeurs. Il nesemble cependant pas encore avoir eu d’impact important et pose des problèmes de transfert deressources. L’Union des associations d’élus locaux, lors de son assemblée générale de 2005, a demandé« l’application d’une clef de répartition allouant 80 % de la contribution globale unique aux collectivitéslocales et 20 % à l’État du fait que la patente représente 80 % des recettes fiscales des collectivités localeset les impôts d’État intégrés dans la CGU sont peu ou prou recouvrés » (www.uael.sn).

La fiscalité du secteur informel au Burkina Faso et au Sénégal

Le BIT soulignait en 1999 que « dans la plupartdes pays africains, les conditions de travail, la pro-tection sociale ainsi que la sécurité et la protectionde la santé des travailleurs laissaient à désirer (en par-ticulier en milieu rural et dans le secteur informel…).Une infime partie de la population bénéficie d’uneprotection sociale (moins du dixième) ». La déclara-tion ministérielle sur le plein emploi et le travail pro-ductif et décent adoptée par les Nations Unies en2006 évoque également la nécessité d’étendre laprotection sociale.

À notre connaissance, peu de réflexions ont étéconcrètement engagées dans les pays africains surl’adaptation de la législation du travail et sur l’extensionde la protection sociale dans le secteur des micro etpetites entreprises.

Il convient cependant de signaler qu’une expé-rience a été tentée au Sénégal (BIT, 2000) par laCaisse de sécurité sociale, sous tutelle du ministère du

Travail et de l’Emploi et l’Union des chambres des mé-tiers pour proposer aux artisans une couverture socialequi concernait, dans un premier temps, les prestationsfamiliales et la protection contre les accidents du tra-vail. Celle-ci devait s’étendre, après des études de fai-sabilité, à l’assurance vieillesse et l’assurance maladie.Moins de deux mille artisans étaient affiliés en 2003.Ce faible taux d’adhésion serait en partie lié aux dif-ficultés des travailleurs à fournir les pièces administra-tives prévues par le Code de la sécurité sociale qui n’estpas adapté au secteur informel (Diop, 2004).

Il ne suffit donc pas d’étendre la protection so-ciale. Des révisions du cadre réglementaire sont né-cessaires. Les textes actuels sont en effet souvent inap-plicables et inappliqués. Au Sénégal, comme dansla plupart des pays de l’Afrique subsaharienne, lescharges sociales et autres obligations vis-à-vis destravailleurs représentent un poids jugé trop lourd parles petites entreprises. Cette législation n’a pas su

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Agroalimentaire et lutte contre la pauvreté en Afrique subsaharienne : le rôle des micro et petites entreprises68

s’étendre pour englober les conditions de travail quiprévalent dans le secteur informel, lequel répugne àperdre la flexibilité de gestion des ressources hu-maines qui le caractérise. Cette situation résulte dela vétusté du code de la Sécurité sociale et de cer-taines conventions collectives, et de l’insuffisante priseen compte de toutes les formes de travail pratiquéesdans l’économie réelle. Ainsi, les petits entrepreneursn’ont en général aucune couverture. Aucun contrat for-mel ne lie l’entreprise à ses employés. Les salaires sontgénéralement bas (et très variables) mais l’employeurcontribue parfois aux frais de santé des ouvriers.

Des études et réflexions ont été menées dans lecadre d’une collaboration entre le réseau Wiego(Women in informal employment : globalizing and or-ganizing), le BIT et la Banque mondiale (Lund andNicolson, 2003). Le programme STEP (stratégie et tech-nique contre l’exclusion sociale et la pauvreté) du BITconduit également des actions sur le terrain, des ac-tivités de recherche, de formation et de diffusion desconnaissances en réponse à l’objectif stratégique d’ac-

croître l’étendue et l’efficacité de la protection socialepour tous. Les publications et outils proposés (guidede gestion des mutuelles de santé en Afrique, guidesuivi-évaluation des systèmes de micro-assurance santé,mutuelles de santé et associations de micro-entrepre-neurs)27 permettent d’initier des réflexions nationalessur les systèmes à promouvoir (formules de pré-paiement, mutuelles de santé et assimilés, régimesd’assurance maladie obligatoire et/ou universelle)selon les caractéristiques du secteur de la MPEA dechaque pays, et sur l’évolution du cadre réglementaire.La plupart des pays de l’Afrique subsaharienne sem-blent cependant avoir déjà opté pour le développe-ment des systèmes de micro-assurance destinés enparticulier aux acteurs du monde rural et du secteur in-formel et parfois plus spécifiquement pour des sys-tèmes mutualistes (Ouattara, 2005).

�� Créer un cadre et des outilspermettant l’amélioration de laqualité des aliments commercialisés

L’adaptation de la réglementation concerne éga-lement la législation sur la qualité des aliments com-mercialisés. L’application des références ou des règlesinternationales n’est, comme on l’a vu, ni possible nitoujours souhaitable. D’une part, ces règles ne s’ap-pliquent pas forcément aux produits spécifiques àchaque pays et l’utilisation de normes d’un produit « si-milaire » pose des problèmes (voir deuxième partiepage 40). D’autre part, le respect des normes inter-nationales entraîne parfois de tels investissementsdans les équipements, matériels, aménagements deslocaux, et de telles procédures, que cela décourageles petits entrepreneurs.

Dans les pays industrialisés, la mise en œuvre deces démarches et la fixation des objectifs ont été pro-gressives. Ces pays ont mis de nombreuses années(plus de vingt ans) à mettre à niveau leurs entreprisesagroalimentaires. Aujourd’hui encore, ces pays pren-nent en compte la spécificité de certains de leurssecteurs. Ainsi les transformateurs fermiers françaisont obtenu des dispositions particulières en fonctionde leurs conditions de production et de vente. À titred’exemple, des dérogations (dispense d’agrémentsanitaire) sont prévues en France pour les produits lai-

Promotion d’un aliment de complément pour nourrisson,Free Work Service (Dakar, Sénégal).

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27 http://www3.ilo.org/public/french/protection/socsec/step/reslib/spubl.php.

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Renforcer le rôle des MPEA dans la sécurité alimentaire et la lutte contre la pauvreté 69

tiers transformés à la ferme s’ils sont vendus directe-ment aux consommateurs, ou si moins de 30 % dela production, sans dépasser 800 litres de lait traitépar semaine, est vendue à des intermédiaires (res-taurateurs, détaillants et collectivités) dans un rayonde 80 kilomètres28. Les organisations professionnellesont obtenu également qu’une réglementation spéci-fique ou des dérogations concernant l’aménagementdes locaux soit prévue pour les établissements fabri-quant des produits aux caractéristiques traditionnelles.

Il s’agit donc que les différents acteurs (État, ser-vices de contrôle, transformateurs, consommateurs)se concertent pour définir une réglementation adap-tée, prévoyant des régimes spécifiques et des pratiquesd’autogestion de la qualité adaptées aux MPEA.

Si les normes internationales constituent des ob-jectifs de qualité à atteindre, elles nécessitent uneadaptation progressive des systèmes de productionet de transformation (évolution par « paliers » commecela a été le cas en Europe) et doivent être complé-tées pour les produits traditionnels qui n’ont pas en-core fait l’objet de normes (Broutin et al., 2006 b).

Des bases de données sont disponibles dans dif-férents laboratoires de contrôle ou de recherche dansla plupart des pays et devraient être utilisées pour pro-poser des objectifs de qualité acceptables – entermes de santé publique, de nutrition ou de conser-vation des produits – et accessibles aux MPEA, dansla mesure où une partie d’entre elles parviennentdéjà à les atteindre29. Ces objectifs pourraient êtreretenus par l’État comme des normes « transitoires »,qui seraient révisées, par exemple tous les trois oucinq ans, au fur et à mesure que le niveau global dequalité des produits du secteur s’améliore pour pro-gressivement atteindre les normes internationales quis’imposeraient alors à tous les acteurs du secteurd’activités (ou corps de métiers). Une réflexion a étéinitiée dans ce sens pour les produits céréaliers trans-formés dans le cadre d’une collaboration entre deuxprojets d’appui au secteur agroalimentaire au Sénégalqui ont financé une étude statistique de résultatsd’analyses physico-chimiques et microbiologiquesréalisées pendant trois ans dans des petites entreprises(Infoconseil, PAOA, 2006).

Le Codex Alimentarius (WHO, 2006) définit, dansses principes généraux d’hygiène alimentaire, les prin-cipes à adopter pour les industries de transformation.Ces textes sont basés sur l’utilisation de la méthodeHACCP (Hazard Analysis Critical Control Points ou ana-

lyse des dangers et maîtrise des points critiques). Ilsprévoient également le recours aux guides de bonnespratiques (GMP : Good Manufacturing Practices),pour définir, dans chaque secteur de production, selonsa spécificité, les bonnes pratiques de fabrication per-mettant d’assurer la sécurité du consommateur. Lesguides de bonnes pratiques d’hygiène sont axés surla sécurité des aliments. Ils permettent à certains in-dustriels de disposer d’éléments pratiques pour initierune démarche HACCP détaillée, adaptée à leur en-treprise. Pour l’artisanat et la transformation à petiteéchelle, ils fournissent des éléments de maîtrise concretsadaptés à leur structure d’entreprise.

Ainsi, les guides de bonnes pratiques sont un desoutils à la disposition des petites entreprises agroali-mentaires pour :

� améliorer collectivement la qualité des produitsmis sur le marché ;

� faire reconnaître au niveau de l’État la validitéde leur démarche ;

� et favoriser une prise en compte de la spécifi-cité de leurs conditions de production, des risques cor-respondant à leur activité, dans les réglementationsnationales et internationales30 (Broutin et al., 2006).

De tels guides, conçus au niveau d’un pays ou d’unerégion (UEMOA), constitueraient, pour les entrepre-neurs, la base d’un engagement réciproque de mise enœuvre de ces pratiques, et, pour l’État, un moyen dereconnaissance professionnelle du secteur d’activités. Cettedémarche concertée d’élaboration de guides de bonnespratiques d’hygiène a été expérimentée pour les produitslaitiers au Sénégal (voir encadré page suivante).

La réglementation doit également chercher à faireconnaître, reconnaître et valoriser les efforts de maî-trise et de gestion de la qualité des entrepreneurs etla spécificité des produits car la qualité, notammentsanitaire, a un coût. Une petite entreprise n’a ac-tuellement que l’action commerciale (information surl’emballage et/ou actions de promotion) comme pos-sibilité de valorisation de la qualité de ces produits.

28 Arrêté ministériel du 8 février 1996, JO du 13 février 1996.29 Ces objectifs concernent des seuils acceptables pour différents

indicateurs de qualité qui varient selon la nature des produits (tauxd’humidité, acidité, flore microbienne, etc.) et que par exemple50 % des acteurs du secteur parviennent déjà à respecter.

30 Par exemple, les fabricants de fromages fermiers en France ontfait reconnaître un guide de bonnes pratiques en transforma-tion fermière. Ce guide prend en compte une analyse desrisques et moyens de leur maîtrise (démarche HACCP) spéci-fique aux petites unités de transformation.

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Agroalimentaire et lutte contre la pauvreté en Afrique subsaharienne : le rôle des micro et petites entreprises70

En effet, dans ce secteur, les signes de qualité se li-mitent à des aspects réglementaires comme ceux liésà l’étiquetage – qui ne sont d’ailleurs pas toujours res-pectés en l’absence de contrôle – et à des marquesindividuelles et qualitatives qui valorisent l’origine duproduit (par exemple, nom de marques et slogan enlangues locales renvoyant aux valeurs symboliques duproduit). Or cela ne suffit pas toujours.

Les marques collectives, créées entre autres pardes groupements professionnels, ou les labels ga-rantis par l’État avec une certification externe sontencore très rares, pour ne pas dire inexistants dansce secteur d’activités.

�� Prendre en compte le secteur des MPEAdans les politiques macro-économiques,notamment les politiques commerciales

Les estimations de la Banque mondiale montrentqu’entre 1978 et 1997 (sur vingt ans) la dégradationdes termes de l’échange a coûté aux pays d’Afriquesubsaharienne non exportateurs de pétrole l’équivalentde 119 % de leur PIB (FAO, 2004).

Le déficit net de la balance commerciale des paysles moins avancés (PMA) n’a cessé de s’accroîtredepuis 1987 et atteindrait en 2002 environ 4,7 mil-liards de dollars US.

pour la transformation artisanale du lait au Sénégal et au Burkina Faso

Une démarche d’élaboration de guides de bonnes pratiques d’hygiène pour la transformationartisanale du lait a été mise en œuvre au Sénégal et au Burkina Faso avec le soutien du Gret. Elle s’estappuyée sur une concertation entre les professionnels et les services de l’État, avec la collaborationdes autres acteurs institutionnels (laboratoires, recherche, développement, normalisation, association deconsommateurs).

L’objectif du projet était de concevoir et de mettre à la disposition des petites entreprises detransformation agroalimentaire un outil leur permettant de mieux maîtriser la qualité sanitaire de leursproduits : le Guide de bonnes pratiques d’hygiène (GBPH). Au-delà, il s’agissait aussi de validerune démarche de conception participative, tenant compte de la spécificité des conditions deproduction et des risques correspondant à ce secteur d’activités, et de la faire entériner par les servicespublics pour une meilleure prise en compte de ses spécificités dans les réglementations nationales,régionales et internationales.

Le projet a été financé par le Fonds de solidarité prioritaire « Actions régionales pour la qualité dansle secteur agroalimentaire en Afrique » de la coopération française et par trois projets qu’elle financeégalement : EIDév (appui à l’environnement institutionnel et au développement du secteur privé),Ariope (appui au renforcement institutionnel des organisations professionnelles d’éleveurs modernes),et Pamir (Développement durable et lutte contre la pauvreté en milieu rural) au Burkina Faso.

Les discussions lors de l’élaboration des guides ont permis d’aborder le problème des risques sanitairesen mettant en perspective les réglementations, les normes et les pratiques mises en œuvre dans laréalité par les acteurs de la filière. Elles ont abouti à l’élaboration de procédures et de pratiquesapplicables par les acteurs en tenant compte de la réalité locale et permettant d’accéder à des niveauxde qualité sanitaire satisfaisants. Dans ce processus, les points de vue des experts comme ceux desacteurs de terrain sont pris en compte.

Cette démarche innovante pourrait être mise en œuvre dans d’autres pays de l’UEMOA. Mais pour quede tels guides contribuent effectivement au développement de la transformation du lait local, plusieursconditions doivent être remplies : une large diffusion du contenu du guide sous diverses formes adaptéeset une promotion auprès de tous les acteurs à travers des sessions d’information et de formation ; la miseen place de modalités de reconnaissance des efforts réalisés par les acteurs qui mettront en œuvre ces« bonnes pratiques », l’adaptation de la réglementation tant au niveau national que régional.

Élaboration de guides de bonnes pratiques d’hygiène

Source : Broutin, Diedhiou et al., 2005 et François, Niculescu et al., 2005.

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La plupart des pays se sont engagés dans un doubleprocessus de libération externe et interne du secteuragricole et agroalimentaire avec, d’une part la prise encompte des réglementations ou accords multilatéraux del’OMC, de l’UEMOA, de la CEDEAO, et d’autre partla libéralisation de l’organisation des filières (désenga-gement de l’État, privatisation, abaissement des barrièresdouanières). Certaines filières se sont ainsi retrouvéestrès fortement exposées à la concurrence extérieure,d’autant plus que l’adoption, au niveau de l’UEMOA,d’un tarif extérieur commun (TEC) relativement bas, a en-traîné une baisse généralisée des droits de douane. Cetteouverture des marchés s’est traduite par une forte crois-sance des importations de certains produits alimentairesdans de nombreux pays.

Cela dit, dans de nombreux pays, certains sec-teurs agroalimentaires ont fait l’objet de mécanismesde protections provisoires (taxe conjoncturelle à l’im-portation, valeurs minimales, taxe dégressive de pro-tection, surtaxes temporaires, etc.). De même, les Étatsdisposent de flexibilité par rapport au TEC, avec desmécanismes de régulation des marchés et de protec-tion qui ont été utilisés par exemple par le Sénégal pourle sucre, la farine de blé, le concentré de tomates, lesoignons, les pommes de terre et les bananes, c’est-à-dire pour des produits agricoles bruts ou des produitstransformés industriels. D’autres pays ont choisi d’interdireles importations de façon temporaire (pommes de terreet oignons en Guinée) ou permanente (Nigeria surplusieurs produits), ou de n’appliquer la TVA que surles produits importés (riz au Mali, poulet au Cameroun)(Alpha, 2006). Les accords de l’OMC permettent éga-lement de mobiliser des mécanismes particuliers.

Ainsi, la décision adoptée en août 2004 par leConseil général de l’OMC, dite « Accord-cadre dejuillet 2004 », prévoit que les pays en développe-ment, membres de l’OMC, pourront désigner des pro-duits « spéciaux » (PS), qui bénéficieront d’un traitementplus flexible (modulation de la réduction des droits dedouanes) dans le cadre du pilier « accès au marché »de l’accord agricole en cours de renégociation. Deplus, l’accord cadre a prévu l’instauration d’un mé-canisme de sauvegarde spécial (MSS) pour les paysen développement (OMC, 2004). Ces deux pointsont été confirmés par la Déclaration adoptée lors dela 6e Conférence ministérielle de l’Organisation àHong-Kong en décembre 2005 (OMC, 2005 ; Alphaet al., 2006). Celle-ci précise que les PS seront défi-nis par les pays en développement eux-mêmes, via desindicateurs fondés sur la sécurité alimentaire, la garantie

Renforcer le rôle des MPEA dans la sécurité alimentaire et la lutte contre la pauvreté 71

des moyens d’existence et le développement rural etque le MSS sera fondé sur des seuils de déclenche-ment basés sur les quantités importées et le prix31.

Les États sont donc amenés à combiner une réflexionnationale et des concertations au niveau régional pources mécanismes de protection des marchés. Cependant,ces mesures ont jusqu’à présent concerné le plus sou-vent des industries publiques ou privées (sucreries, bras-series, usines de fabrication de concentré de tomates)mais rarement des produits proposés par des MPEA.Aussi on peut penser que les filières investies par l’in-dustrie continueront d’être privilégiées en raison de leurspoids économique et politique. L’insuffi-sance de don-nées sur les filières où les MPEA sont plus nombreuseset leur faible capacité d’influence politique, rendront dif-ficile leur prise en compte dans les stratégies de protectionvis-à-vis de la libéralisation rapide. Des exemples mon-trent pourtant que des mécanismes de protection ont per-mis le développement de PME. Au Nigeria, la décisionde n’autoriser l’importation de jus de fruits que sousforme de concentrés conditionnés en bidons a entraînéle développement d’entreprises de transformation32. Ilest donc nécessaire que les études et réflexions me-nées sur la protection des marchés considèrent les filièresagroalimentaires dans leur ensemble en prenant encompte tous les critères de sécurité alimentaire et de luttecontre la pauvreté dans les choix qui seront faits.

�� Réaliser des investissementsstructurants : accès auxinfrastructures et réduction des coûts

Pour valoriser le potentiel des MPEA dans la sécuritéalimentaire et la lutte contre la pauvreté et les inéga-lités, les États doivent également financer des inves-tissements structurants : amélioration du réseau routier,rénovation ou création de marchés, généralisation de

31 Certains pays de l’Afrique subsaharienne, en tant que PMA, nesont pas assujettis à des engagements de réductions tarifairesdes droits de douanes, mais ils appartiennent à des espacesrégionaux comprenant des PED (UEMOA, CEDEAO) qui euxdevront le faire. Leurs engagements se répercuteront nécessai-rement sur le niveau de taxation de l’espace commun. D’autresaccords, comme les Accords de partenariat économique (APE)entre l’Union européenne et la CEDEAO, basés sur l’ouverturedes marchés des pays ACP aux produits européens, prévoientl’établissement d’une liste de produits dits « sensibles » exclusde la réciprocité de l’accord de libre-échange ou objets d’unepériode de transition (délai de réciprocité de la libéralisationplus long) (Faucheux et al., 2005).

32 Ces restrictions aux importations ont eu cependant des impactsnégatifs pour d’autres filières comme celle de la volaille.

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l’accès à l’eau potable et à l’électricité… Ces infra-structures peuvent en effet contribuer de façon nonnégligeable à la sécurisation et au développement desactivités du secteur agroalimentaire.

La durée et les coûts de transport (liés à la vétustédu réseau, à l’absence de route bitumée, aux contrôlesroutiers et diverses taxes) sont en effet très élevés et ontun impact important sur la disponibilité, la compétitivitéet l’accessibilité des produits agroalimentaires locaux,surtout dans les pays côtiers où les capitales, qui re-présentent des marchés de consommation importants,sont facilement approvisionnées en produits importés parvoie maritime. La forte tension internationale sur le mar-ché de l’énergie risque de se traduire par une hausseimportante et durable du prix du pétrole. Cette crise éner-gétique annoncée aurait d’importantes conséquencessur les coûts de transport et de transformation motoriséeet handicaperait l’ensemble du secteur vivrier.

L’accès à l’eau et à l’électricité à des coûts raison-nables est également souvent déterminant. Les projets

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d’appui aux micro-entreprises rurales du Fida (Promerau Sénégal, Pamer au Burkina Faso) montrent en effetque l’utilisation du bois ou du charbon comme seulesource d’énergie limite fortement les possibilités decréation d’activités agroalimentaires, induit une faibleproductivité du travail et a, dans certains (voire nom-breux) cas des impacts environnementaux négatifs.

L’aménagement de sites de transformation (parexemple pour le fumage du poisson) ou de zones d’ac-tivités (restauration) contribue à sécuriser ces activitéset donc les revenus générés. Ils contribuent à l’amé-lioration de la qualité sanitaire des aliments.

Dans tous les cas, les expériences passées de telsaménagements ont montré la nécessité absolue d’uneconcertation préalable avec les opérateurs. Celle-ci doità la fois porter sur le cahier des charges des infra-structures (localisation, praticité, etc.) et sur leur modede fonctionnement. Dans plusieurs cas, les marchésconstruits en l’absence de telles concertations sont res-tés désertés des opérateurs pressentis.

L’amélioration, voire la réforme de l’environnement des affaires est nécessaire pour lever les entravesau développement du secteur des MPEA.

La révision de la législation est un enjeu important pour modifier les rapports avec l’État et les collectivitéslocales, améliorer les conditions de travail et la qualité des produits et éviter que de nombreux acteursde ce secteur contournent les réglementations. Il s’agit notamment de créer les conditions d’unecontribution effective et reconnue des MPEA aux finances publiques en tenant compte de leurs capacitésfinancières et de leurs modes de fonctionnement. Cette adaptation du contexte réglementaire concerneégalement la législation du travail et la protection sociale. Enfin, une concertation entre les différentsacteurs (État, services de contrôle, transformateurs, consommateurs) doit être engagée pour améliorer laqualité des produits et favoriser l’acquisition progressive des compétences nécessaires à la maîtrisedes risques sanitaires. L’objectif est de définir des normes et des pratiques d’autogestion de la qualitéadaptées à la spécificité des produits et aux conditions de production et de commercialisation des MPEA(circuits courts). Les efforts de qualité, mais aussi l’origine, les noms et la typicité des produits peuventêtre valorisés par la création de marques collectives (groupements professionnels), ou de labels garantispar l’État, encore très rares, pour ne pas dire inexistants dans ce secteur d’activités.

Le secteur des MPEA doit être davantage pris en compte dans les politiques macro-économiques, surtoutcommerciales. Il est particulièrement nécessaire que les études et réflexions menées sur la protection desmarchés, suite au double processus de libération externe et interne du secteur agricole et agroalimentaire,considèrent les filières dans leur ensemble (et non uniquement les activités industrielles commec’est souvent le cas), en examinant tous les critères de sécurité alimentaire et de lutte contre la pauvreté.

L’État et les collectivités locales doivent financer des investissements structurants, comme l’améliorationdu réseau routier, la rénovation ou la création de marchés ou d’aires de production, les infrastructurespour généraliser l’accès à l’eau potable et à l’électricité. Ils peuvent en effet contribuer de façon nonnégligeable à la sécurisation et au développement des activités du secteur agroalimentaire ainsi qu’àl’amélioration de la qualité des produits.

> Ce qu’il faut retenir

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La définition d’une politique sectorielle ou d’une stra-tégie nationale est un outil essentiel pour contribuer àvaloriser le potentiel de développement du secteurdes MPEA. Celle-ci peut s’inscrire dans un contexte pluslarge de politique de développement du secteur privéou des PME, mais en mettant l’accent sur les spécifi-cités de ce secteur et les contraintes à lever. Elle doitégalement être cohérente avec les politiques définiesau niveau des espaces économiques régionaux33.

Après les recommandations sur l’environnement desaffaires, nous présentons dans ce chapitre des re-commandations sur les éléments à conjuguer dans ledéveloppement de dispositifs d’appui au secteur. Lesaxes proposés peuvent également constituer les élé-ments d’un programme d’appui multi-bailleurs ou d’unprojet axé sur une filière ou un secteur d’activités. Eneffet, n’intervenir que sur un seul des leviers limiteraitfortement l’impact global.

�� Mettre en place des dispositifsde formation professionnelle adaptésaux différents publics

Force est de constater que l’offre de formationprofessionnelle dans le secteur des MPEA est faible.Les besoins sont pourtant importants. Ils varient en fonc-tion des groupes « cibles », pour favoriser l’insertionde nouveaux acteurs (formation initiale et apprentis-sage) ou pour renforcer les compétences (savoirs,savoir-être et savoir-faire) des acteurs déjà en activitédans le secteur (formation continue). Les avancées ob-servées dans d’autres filières du secteur artisanalpourraient être valorisées pour proposer des dispo-sitifs adaptés au secteur agroalimentaire.

Développer des filières de formationprofessionnelle initiale reconnues par l’État,basées sur l’apprentissage en alternance

Les dispositifs de formation initiale sont rares et sou-vent peu adaptés aux possibilités d’emplois ou dé-connectés du milieu professionnel. Une étude réali-sée au Sénégal (Broutin, Rouyat, 2004) met enévidence l’existence de quelques formations diplô-mantes dans le secteur agroalimentaire mais géné-

ralement de haut niveau (BTS minimum), destinées da-vantage à des emplois dans l’industrie ou limitées ausecteur de la restauration-hôtellerie.

Dans la plupart des pays, les métiers de l’ali-mentation sont totalement absents des systèmes de for-mation professionnelle, plutôt consacrés à des acti-vités dont les techniques sont jugées exogènes à lasphère domestique (couture, secrétariat, informatique,etc.). Contrairement aux autres métiers de l’artisanat,il n’y a pas de véritable système d’apprentissagebasé sur des relations patrons-apprentis.

Les études de cas réalisées n’ont pas mis en évi-dence de dispositifs alternatifs dans le domaine agro-alimentaire qui permettraient un apprentissage plusrapide et un accès plus large à ce secteur (appren-tissage en dehors des liens de parenté). Une desprincipales recommandations est d’expérimenter dessystèmes d’apprentissage pour les jeunes en valori-sant les expériences menées dans le secteur artisa-nal (qui s’inspirent d’ailleurs en partie des systèmesdéveloppés dans certains pays européens).

Au Mali, l’ONG Swiss Contact, en collabora-tion avec la Fédération nationale des artisans duMali (FNAM), a développé des dispositifs de for-mation en alternance entreprise/école (formation parapprentissage de type dual34) avec un objectif d’in-tégration dans le dispositif national de formation pro-fessionnelle (FNAM, 2001). « L’expérience des centresd’enseignement technique et de formation profes-sionnelle du Togo, pratiquant la double alternance,celle des élèves vers les entreprises et celle des ap-prentis vers les centres de formation, confirme l’inté-rêt et la viabilité d’un tel dispositif qui pourrait être misen place dans d’autres pays » (HCCI, 2001). AuSénégal, avec l’appui de l’Unesco, une réflexion estmenée au sein du ministère de l’Éducation sur l’édu-cation qualifiante des jeunes et adultes (EQJA), qui

33 Une décision (16/2003/CM) relative aux programmes d’ac-tions pour la promotion et le financement de la PME a parexemple été adoptée en décembre 2003 par l’UEMOA dontles États membres doivent tenir compte.

34 Système très développé en Allemagne et en Suisse, qui reposesur une part importante de formation en entreprise et une im-plication forte des organisations patronales et syndicales dansla définition de contenu des formations et dans la validation descompétences.

Développer une offre de services adaptés

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promeut une combinaison entre éducation de baseet acquisition de compétences professionnelles35. Àla suite d’une étude sur les besoins et l’offre de for-mation dans le secteur agroalimentaire (Broutin etRouyat, 2004), l’Unesco a retenu d’appuyer l’expé-rimentation d’un dispositif EQJA au Sénégal, inspirédu système d’apprentissage de type dual pour lesjeunes et combinant éducation non formelle (alpha-bétisation) et formation professionnelle pour les adultes.

De tels dispositifs nécessitent d’élaborer au préa-lable, à partir de la définition des métiers (au sein d’unsecteur d’activités), un référentiel de compétences etde formations par activités, emplois, fonctions36. Cetravail mené avec les organisations professionnellesdoit permettre de définir les compétences nécessairesà partir d’une analyse des activités, c’est-à-dire éla-borer des référentiels métiers, qui précisent les com-pétences techniques et les niveaux d’éducation de base(lire, écrire, compter mais aussi connaissances sur lesconditions de travail, l’hygiène, la législation).

Combiner la validation de compétencesprofessionnelles et l’acquisitiondes connaissances de base dans le cadrede la formation continue

L’offre actuelle de formation pour les adultes se li-mite à des sessions courtes, organisées ou réaliséespar des projets, des organismes d’appui ou de re-cherche. Ces formations sont ciblées sur le renforce-ment des compétences techniques (procédés de trans-formation), et plus rarement sur la commercialisation,l’hygiène et la qualité. Elles mobilisent le plus souventdes compétences « académiques » ou théoriques(chercheurs, bureaux d’études), et plus rarement desartisanes-formatrices. Pourtant, de nombreuses femmesse considèrent comme de véritables professionnellescompte tenu de leur maîtrise de savoir-faire tech-niques complexes et elles pourraient constituer des per-sonnes ressources pour des systèmes de formation.En outre, la plupart de ces formations ne donnent lieuqu’à une attestation remise en général à toutes les par-ticipantes (sans véritable évaluation des acquis) et nesont pas reconnues par l’État (Broutin, Rouyat, 2004).

L’offre de formation actuelle ne permet pas debien valoriser le potentiel de création de revenus etde développement des capabilities (capacités à faireet à être) du secteur. En effet, les formations courtessont rarement articulées à l’alphabétisation et à l’édu-cation à la vie courante, alors que le taux d’anal-phabétisme des femmes est élevé. L’accès aux sa-voirs de base (lire, écrire, compter) n’apparaît pasindispensable pour acquérir les savoir-faire techniquespermettant d’exercer les métiers de la transformationalimentaire. Il est cependant déterminant pour le dé-veloppement et la diversification des activités et descompétences. Les supports utilisés dans les formationstechniques sur de nouveaux procédés sont en géné-ral rédigés en français ou en anglais, même lorsqueles formations sont réalisées en langues nationales. Lamaîtrise des savoirs « scolaires » est également jugéeindispensable pour la maîtrise des savoirs transver-saux (gestion, commercialisation, etc.) et un niveau mi-nimal est souvent exigé pour pouvoir participer à desformations dans ces domaines (formation Germe« Gérez mieux votre entreprise » – BIT).

Il convient cependant de citer quelques démarchesoriginales qui n’incluent pas l’éducation de base maisconstituent des pistes pour un système de formationcontinue alternatif. À titre d’exemples, les démarchesdéveloppées dans le programme AVAL – Action de va-lorisation des savoir-faire locaux au Sénégal, Bénin etBurkina Faso (Bom Konde P. et al., 1999) et du pro-gramme PPCL au Sénégal (Broutin et Sokona, 1999).

Ces expériences visent à renforcer les capacités tech-niques des transformatrices, principalement dans ledomaine de la maîtrise de la qualité et des bonnes pra-tiques de fabrication, et à appuyer l’innovation (di-versification des produits fabriqués). Ces dispositifs re-posent sur la formation d’un groupe de femmes issuesde divers groupements qui assurent ensuite, dans leursréseaux, la diffusion des acquis de la formation. La for-mation des « formatrices » mobilise des acteurs divers,publics (écoles, services de l’État, centres de formation)et privés (ONG, prestataires, bureaux d’études, trans-formatrices de pays voisins). Les séances de « forma-tion » sont l’occasion pour les femmes de discuter desprocédés, de proposer et de tester des modifications.Ces dispositifs ont souvent un coût réduit et sont bienadaptés au secteur de la micro-entreprise.

Ces dispositifs semblent par contre moins bienconvenir aux entreprises de taille plus importante.L’expérience du PPCL au Sénégal a montré, parexemple, que les formations en matière de qualité,

35 www.education.gouv.sn/politique/eqja/index.html.36 Il s’agit par exemple de préciser les compétences à avoir pour

mener une activité individuelle de production de couscous etcelles nécessaires pour assurer, dans une petite entreprise detransformation des céréales, les fonctions de gérant, agentcommercial, ouvrier responsable du décorticage et de la mou-ture, agent de production du coucous, etc.

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de gestion et d’entretien des équipements, menéesau sein des entreprises, sont plus pertinentes carelles permettent de former toute l’équipe et surtout lesagents directement impliqués dans les actions deproduction. En effet, les personnes qui participent auxformations groupées sont souvent les chefs d’entre-prises qui, dans ces petites unités, ne possèdent pasnécessairement (voire pas souvent) l’expertise tech-nique (maîtrise technique des procédés et savoir-faire) et/ou n’assurent pas l’encadrement des fonc-tions de production. De plus, les personnes de cetype d’entreprises sont plus réticentes à transmettreleurs savoirs et à former leurs concurrents que ne lesont les transformatrices individuelles. Celles-ci ne sonten effet pas directement en concurrence (marchés géo-graphiquement différents) ou considèrent la démul-tiplication des formations comme faisant partie du sys-tème d’entraide basé sur les liens professionnels,familiaux ou sociaux.

Les dispositifs à mettre en place doivent combi-ner acquisition de connaissances de base et com-pétences professionnelles. Ils reposent sur un réfé-rentiel de base de l’éducation non formelle (curriculumde l’éducation de base) et des modules spécifiquesliés aux métiers et fonctions (référentiels de qualificationévoqués précédemment). Les dispositifs doivent êtreadaptés au public et notamment privilégier l’alpha-bétisation fonctionnelle. Ils doivent également re-

connaître l’expérience professionnelle et la valeurdes compétences acquises dans l’exercice de l’acti-vité et évaluer les acquis au cours de la formation.Ceci nécessite de mettre en place, autant pour la for-mation initiale que continue, des dispositifs de certi-fication. Cette certification a une valeur symboliquecomme attestation par un tiers de la qualité des ac-quis et du potentiel d’un individu. Mais elle doit mettreen avant les compétences acquises par rapport auxqualifications demandées et emplois proposés plutôtque le niveau de diplôme (Walther, 2006). Enfin, lesdispositifs doivent prévoir pour la formation initiale despasserelles vers la formation technique ou profes-sionnelle « classique ».

Ces systèmes alternatifs nécessitent la formationde formateurs. Ceux-ci peuvent être choisis au seindu même secteur d’activités (femmes artisanes moti-vées pour améliorer leurs savoir-faire, intéressées àformer à faible coût des adultes et éventuellementdes jeunes), ou au sein des ONG, associations, or-ganisations professionnelles qui ont développé ousouhaitent développer une offre d’éducation de basenon formelle (alphabétisation fonctionnelle). Les for-mations de formateurs peuvent être axées sur le ren-forcement des compétences « techniques » et péda-gogiques ou avoir pour objectif de développer uneoffre de formation combinant des compétences en édu-cation de base et des compétences professionnelles.

Formation auxbonnes pratiquesde fumagedu poissonau Sénégal.

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Les formations des acteurs doivent être réaliséesde préférence dans les quartiers ou dans les villages(« école sans mur »). Elles sont construites à partir del’identification des besoins, en respectant les tempsd’occupation des femmes, en n’imposant pas d’ho-raires fixes, mais en modulant les temps de formationen fonction des contraintes des uns et des autres.

Enfin, le renforcement des compétences peut éga-lement comprendre des actions d’appui au regrou-pement des acteurs d’un secteur professionnel oud’une zone géographique, dans une perspectived’échanges et d’améliorations techniques.

En conclusion, la formation professionnelle doit àla fois favoriser l’insertion des jeunes dans ce secteurdes MPEA qu’elle n’a pratiquement pas investi (dansles pays africains), et également permettre aux adultesen activité de renforcer leurs compétences profession-nelles et d’acquérir des connaissances de base, dansun contexte où le taux d’analphabétisme est très élevé.

Il s’agit donc de développer : � des cursus de formation de type apprentissage

pour les jeunes, à partir de la définition de métierset des compétences en lien avec les organisations pro-fessionnelles et les institutions publiques concernées(référentiels métiers). Ces cursus doivent privilégierles dispositifs en alternance, respectueux des mé-thodes traditionnelles d’apprentissage. Ceci permetde construire une relation étroite entre l’école et le mi-lieu professionnel, avec des conséquences favorablesen matière de professionnalisation et d’insertion des

formés. Les organisations professionnelles, les mieuxà même de définir les besoins et compétences liés àleurs métiers, doivent être impliquées dans les orien-tations et les contenus de ces formations et participerà l’évaluation et la délivrance des « certifications » ;

� des dispositifs de formation continue qui mo-bilisent largement les savoir-faire des professionnelsdu secteur et de l’éducation non formelle (formateurs),permettent la validation des connaissances acquiseset favorisent l’acquisition de connaissances de base,indispensables à une plus grande participation à lavie publique.

Ces recommandations recoupent les conclusionsdu groupe de travail et l’avis du Haut conseil de lacoopération internationale : « La coopération en ma-tière de formation professionnelle avec les pays dela zone de solidarité prioritaire » (HCCI, 2001).

Pour mettre en œuvre ces recommandations, il estnécessaire de mobiliser (et souvent développer) descompétences en ingénierie de formation : élabora-tion des référentiels métiers, transcription en modulesde formation, appui à la formulation des modules etau renforcement des prestataires de formation, for-mation pédagogique, etc.

Mettre en place de nouveaux dispositifs de for-mation nécessite également de réfléchir aux moyensde financement. Actuellement, dans la plupart despays de l’Afrique subsaharienne, les pouvoirs publicsprivilégient l’éducation formelle et surtout l’éducationde base. Les financements, souvent limités, dédiés àl’enseignement technique et professionnel, ne concer-nent que le système formel, tandis que le financementde la formation par apprentissage traditionnel est as-suré par les artisans et les familles des jeunes issus leplus souvent des familles les plus démunies (Walther,2006). Les expérimentations des apprentissages detype dual et les formations courtes des adultes peuventbénéficier d’appui de fonds de formation (État, en-treprises) et d’appuis directs de bailleurs internatio-naux (assistance technique, subventions) ou indirects(notamment via des projets menés par des ONG).

Les dispositifs à mettre en place doivent reposersur un cofinancement entre acteurs publics, entrepriseset individus. L’État, dans un souci d’équité, doit éga-lement participer au coût de la formation continue,avec éventuellement l’appui des bailleurs, sous formede fonds de formation ou de chèques-formation quisont des instruments également utilisés dans l’amé-lioration de l’accès au conseil.Formation à l’utilisation d’une centrifugeuse à karité (Mali).

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�� Développer l’offre et l’accèsau conseil pour les MPEA

Les petites entreprises ont des problèmes, souventimmédiats, l’approvisionnement en matières premièresfait défaut, ou l’entreprise n’arrive pas à vendre, lesstocks s’accumulent, la trésorerie diminue… L’originede ces difficultés pratiques n’apparaît pas pour au-tant clairement aux entrepreneurs. La plupart du temps,les transformatrices ne parviennent pas ou ne sont pasen mesure de transformer ces problèmes immédiatsou à plus long terme, en besoins de conseil (ou deformation). Il est donc nécessaire de leur fournir unappui pour les aider à mieux analyser leurs atoutset contraintes et à identifier l’origine des difficultésqu’elles rencontrent (réalisation de diagnostic del’entreprise ou du fonctionnement du groupement pourles entreprises communautaires).

Le développement des activités peut nécessiter parexemple d’améliorer la qualité sanitaire des produits,

Renforcer le rôle des MPEA dans la sécurité alimentaire et la lutte contre la pauvreté

de sécuriser l’approvisionnement en matières pre-mières ou d’appuyer la définition et la mise en œuvrede stratégies commerciales des micro et petites en-treprises pour leur permettre de mieux valoriser les op-portunités de marché. Il peut s’avérer nécessaire danscertains cas de mettre en œuvre des actions de pro-motion qui visent à susciter la demande et à mettre envaleur les qualités des produits locaux. Ces actionscontribuent à sécuriser les débouchés et donc à favo-riser aussi l’innovation par la diminution des risques.

Les projets d’appui aux MPEA mettent égalementen évidence des besoins de conseils pratiques, au seindes entreprises, pour la mise en place d’outils simplesde gestion, la constitution de dossiers de demande definancement, pour l’organisation interne, notammentlorsqu’il s’agit de groupements. Face à ces besoins,l’offre est faible, souvent centralisée (concentrée dansles capitales et les grandes villes) et peu adaptée.

Les consultants indépendants, les bureaux d’étudessont de plus en plus nombreux. Cependant ils sont peu

L’objectif du projet est de contribuer à développer durablement les compétences et les revenus desartisans de la ville d’Antsirabe à Madagascar en leur facilitant l’accès à des services de formation adaptésà leurs besoins, à travers un dispositif de chèques-formation. Le projet est financé par le ministère françaisdes Affaires étrangères (MAE) et le Comité français pour la solidarité internationale (CFSI). Il est misen œuvre par une institution de microfinance (Iredec), avec une assistance technique fournie par le Gret.

Formivak a démarré en avril 2005. Une étude approfondie de sept filières artisanales de la villed’Antsirabe a été menée pour analyser les besoins de formation, identifier les prestataires potentiels etélaborer des référentiels par métier. La phase de mise au point du dispositif a permis d’élaborer undocument de procédures opérationnelles et des outils de suivi des activités, de mettre en place le fondsdestiné au cofinancement, de définir le système de tarification et les modalités de partenariats pourles guichets d’information, de fournir un appui aux prestataires pour développer des modules deformation adaptés aux artisans, d’élaborer et diffuser des catalogues d’offre de modules de formation,et enfin de mener des actions de promotion du dispositif (télévision, radio, affichage, séancesd’information, démarchage).

Le dispositif de chèques-formation est administré par l’Iredec. Les guichets ou centres d’information sontdes structures locales, bureaux d’études et associations professionnelles, en lien avec les artisans de laville. Les artisans choisissent les prestataires et prennent en charge 25 % du coût de la formation àtravers l’achat du chèque-formation (le reste étant pris en charge par le dispositif).

Dix-sept prestataires ont été agréés (trois centres de formation publics, sept centres de formation privés,sept entreprises artisanales assurant des prestations de formation). Quatre-vingt-sept modules ont étéformalisés pour cinq filières (transformation agroalimentaire, bois et dérivés, métal et travail des métaux,textile et habillement, formation transversale de gestion d’entreprise). Fonctionnel depuis janvier 2006,ce dispositif a permis, en dix mois d’opérations, plus de 2 600 accès à des formations, essentiellementen transformation agroalimentaire (plus de 1 200 personnes formées).

Le projet de formation des artisans du Vakinakaratra (Formivak) à Madagascar

Source : Documents produits par le projet

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en relation avec les petites entreprises, ne possèdentpas les outils et méthodes pour travailler avec elles,et leur offre de services est souvent concentrée dansles capitales. Leur pratique professionnelle est donc engénéral peu adaptée aux micro-entreprises, et encoremoins aux groupements dont les modalités d’organi-sation et de prise de décision sont particulières. En effet,le marché actuel du conseil les pousse à rechercherdes missions auprès de bailleurs de fonds internatio-naux ou de moyennes ou grandes entreprises, sol-vables. Or les approches sont très différentes. Nousavons évoqué plus haut la nécessité d’aider les petitesentreprises à transformer leurs problèmes en besoin deconseil. De leur côté, les conseillers doivent s’adap-ter aux modes d’organisation et de management dece public et éventuellement proposer des modificationspour rendre leurs conseils et la mise en œuvre deleurs recommandations plus efficients. À l’inverse dusecteur industriel, le conseil auprès des MPEA ne peutse limiter à la formulation de recommandations. Il doitcomprendre une double dimension d’appui à la miseen œuvre et de formation.

On observe également que peu de consultants dis-posent d’une expérience dans le domaine du conseilcommercial, alors que l’offre en gestion financière estplus développée. Une offre de services moins spé-cialisée (des généralistes) existe dans la plupart despays, notamment au sein d’ONG où des « anima-teurs » connaissent bien le milieu des petites entreprises,mais n’ont pas eu l’occasion de se former aux outilset méthodes en matière de conseil qualité, commer-cial, etc. Il est donc nécessaire de développer des ac-tions de renforcement des compétences (diagnosticde MPEA, conseil commercial, gestion de la qualité,etc.) de ces différents acteurs, particulièrement en de-hors des capitales.

Les petites entreprises, en Afrique comme en France,ne peuvent pas payer, à son prix réel, une prestationde conseil ou de formation. Ceci n’est pas uniquementle fait des petites entreprises, puisque le Centre de dé-veloppement de l’entreprise (CDE)37, l’Agence fran-çaise de développement (AFD), la Banque mondiale38

par exemple, subventionnent aussi le coût du conseil pourles plus grandes entreprises africaines. Ces prestations

Agroalimentaire et lutte contre la pauvreté en Afrique subsaharienne : le rôle des micro et petites entreprises78

ne peuvent donc être prises en charge que par des pro-cédures d’appui (tout au moins en partie, l’autre partieétant financée par l’entreprise). Elles sont susceptiblesde constituer un marché « indirect » pour les bureauxd’études, pourvu que soient mis en relation ces trois élé-ments : unités de production, bureaux d’études et struc-tures d’appui susceptibles de financer le conseil. Deuxtypes de dispositifs de subvention du conseil sont en-visageables : les chèques (formation ou conseil) ou lesfonds à frais partagés (Botzung M., 2001 ; Broutin etFrançois, 2002 ; MAE, Gret, 2002).

Les dispositifs de chèque-formation ou conseil

Le dispositif « chèque conseil-formation » reposesur un triptyque :

� un guichet (administrateur du dispositif) qui re-cense, évalue et agrée les prestataires, pilote la dé-marche (information des usagers et clients potentiels,suivi-évaluation) et émet les chèques conseil. Il met enplace les modalités de paiement de la part subven-tionnée au prestataire, après délivrance réelle du ser-vice (conseil ou formation). L’objectif est d’essayer degarantir que l’usager a réellement participé jusqu’aubout à la formation ou qu’il valide la prestation. Undépart prématuré au cours d’une formation traduiten effet un certain désintérêt vis-à-vis du service ;

� une série de prestataires de services habilitésqui acceptent le chèque comme moyen de paiement ;

� des usagers ou clients, qui achètent ces chèques(correspondant généralement à quelques heures deconseils ou de formation) à une fraction de leur va-leur réelle (un quart, un tiers ou plus rarement la moi-tié) et s’en servent comme moyen de paiement auprèsdu prestataire « agréé » de leur choix. Une variante

Améliorer la distribution des produitspar l’accès au conseil commercial.

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L)37 Une institution du Groupe des États ACP (Afrique, Caraïbes etPacifique) et de l’Union européenne, dans le cadre de l’Accordde Cotonou.

38 Programme de mise à niveau des entreprises pour l’AFD, fondsà frais partagés pour la Banque mondiale.

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existe, parmi d’autres, quant au moment du paie-ment par l’usager : la pratique française privilégie lepaiement au moment de l’achat du chèque conseil,d’autres démarches mettent plutôt l’accent sur un paie-ment de la fraction due par l’usager au prestataire lui-même (et ce au début de la prestation).

Par rapport à une démarche classique de sub-vention d’institutions de services, un dispositif dechèques combine une subvention partielle du marchéet une validation des prestations et des prestatairespar l’usager. C’est lui en effet qui choisit le consul-tant, l’association ou la structure qui lui semble laplus à même de répondre à ses attentes. Et commel’usager paye le service avant sa délivrance, il est es-sentiel qu’il soit convaincu de l’intérêt du serviceet/ou qu’il soit tenu d’y avoir recours (comme dansle cas français) ! Dans ces dispositifs, l’information estune composante essentielle qui recouvre l’identifica-tion des micro-entreprises, la diffusion de l’informationsur les prestations, la collecte et l’analyse des don-nées sur l’utilisation des chèques, la qualité des pres-tations, etc. (Goldmark et al., 2001).

Ce type de dispositif est particulièrement adaptélorsqu’il existe d’un côté une offre de prestations rela-tivement importante permettant aux entrepreneurs dechoisir leurs prestataires et, de l’autre, une demande pré-cise de prestations de la part des entreprises. Ces élé-ments sont notamment réunis dans le cas de formationspour lesquelles il existe des modules et des supports pé-dagogiques, des prestataires qui ont été formés à leurutilisation là où la demande s’exprime, et une structureen mesure d’assurer la gestion des chèques.

C’est le cas par exemple des formations sur l’éle-vage avicole développées au Mali avec les Chambresd’agriculture, de la composante chèque-formation duprojet « Micro et small enterprise training and tech-nology » de la Banque mondiale au Kenya (1994-2002) qui a été évalué en 2005 (Hallberg K., 2005)et du projet de formation des artisans du Vakinakaratra(Formivak) à Madagascar (Barlet S., 2006).

Dans Formivak, l’administrateur du dispositif est uneinstitution de microfinance (Iredec), appuyée par leGret, les guichets ou centres d’information sur le dis-positif sont des structures locales, bureaux d’étudeset associations professionnelles, en lien avec les ar-tisans de la ville. Fonctionnel depuis janvier 2006,ce dispositif a permis, en dix mois d’opérations, plusde 2 600 accès à des formations, essentiellement en

Renforcer le rôle des MPEA dans la sécurité alimentaire et la lutte contre la pauvreté 79

transformation agroalimentaire (plus de 1 200 per-sonnes formées) dans huit secteurs d’activités sélec-tionnés en raison de leur importance dans le tissu éco-nomique de la ville (auxquelles s’ajoutent les formations« transversales » en gestion d’entreprise).

Les dispositifs de chèques sont plus difficiles àmettre en œuvre dans le cadre de missions de conseildont les coûts sont généralement plus élevés, dont ladurée peut être variable selon les besoins de chaqueentreprise (celle-ci n’étant généralement pas en me-sure de juger l’offre du prestataire, surtout en tempsnécessaire), dont la qualité du service est plus diffi-cile à apprécier, notamment pour des petits entre-preneurs qui n’ont pas l’habitude d’avoir recours à cetype de prestation et pour lesquels l’offre de servicesest souvent plus faible. Dans ces cas, les dispositifsde fonds de cofinancement complétés par des me-sures d’accompagnement sont mieux adaptés.

C’est le choix qui a été fait pour le projet d’ac-cès à l’information et au conseil (Infoconseil), mis enœuvre par le groupement Gret-Enda Graf, dont laphase test (2004-2006) a été financée par laCoopération française et le Centre de développementde l’entreprise (CDE).

Les fonds de cofinancementou fonds à frais partagés

Ce type de dispositif repose sur : � une ou plusieurs structures d’animation/coordi-

nation qui identifient des prestataires (existants ouayant le potentiel de devenir prestataires pour des ar-tisans), les renforcent (au niveau technique et péda-gogique selon les besoins), organisent des formationspour améliorer l’offre (qualité et quantité), informent lesentreprises et les mettent en relation avec des presta-taires (contractualisation et paiement du diagnostic etde la mission), valident avec l’entreprise la qualité duservice et assurent le paiement en complément de lacontribution de l’entreprise, et enfin collectent et diffusentde l’information utile au conseil ;

� des prestataires de services qui acceptent les ta-rifs et le paiement de la prestation après réalisation, par-ticipent aux formations proposées par la coordinationsi ensemble ils le jugent nécessaire et les cofinancent ;

� des usagers ou clients qui formulent les difficultésqu’ils rencontrent, adressent des demandes à la struc-ture de coordination, valident et acceptent de payerune partie du coût de la prestation de conseil.

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Le pilotage de tels dispositifs est très variableselon les pays. Dans le cadre du projet Infoconseilau Sénégal, il a été assuré lors de la phase test (éla-boration des procédures, mise au point des outils, etc.)par un groupement d’ONG qui, dans la phase sui-vante, devra associer des structures pérennes natio-nales (notamment des organisations professionnelleset des chambres consulaires) et des services de l’État.Les autres expériences dans ce domaine n’étaient pasciblées sur le secteur agroalimentaire et rarement surle segment de la petite entreprise. Elles ont associédes organisations professionnelles (Sénégal), deschambres consulaires ou des structures de coordina-tion du secteur privé (Burkina Faso, Mali).

Que ce soit pour la formation professionnelle oupour le conseil, la question essentielle est l’insertiondans le paysage institutionnel des dispositifs de ce type,

conçus au départ au sein d’un projet, comprenant in-génierie et financement. Dans tous les cas, un par-tenariat public-privé est souhaitable, associant des re-présentants des entreprises et des services de l’Étatet/ou des collectivités locales qui, à terme, devrontmobiliser des ressources publiques pour subvention-ner le service. Les fonds de formation sont plus fréquentset bénéficient plus souvent de financements publics(voir encadré ci-dessous).

En conclusion, favoriser l’accès au conseil ou àla formation professionnelle nécessite :

� de réaliser un bon diagnostic du marché de laformation ou du conseil, du côté de l’offre et de la de-mande (voire d’aider les entreprises à formuler leursbesoins dans le cas du conseil) ;

� d’informer les entreprises et de faciliter la ren-contre avec les prestataires ;

La phase test du projet Infoconseil est financée par la Coopération française et le Centre dedéveloppement de l’entreprise (CDE), une institution du Groupe des États ACP (Afrique, Caraïbes etPacifique) et de l’Union européenne. Le projet est mis en œuvre par le groupement Gret-Enda Graf.Il a pour objectif de favoriser l’accès des micro et petites entreprises agroalimentaires sénégalaises àdes services de conseil commercial et aux informations utiles à leur développement. Il vise à testerun mécanisme de fonds de conseil, à contribuer au développement et au renforcement de l’offre deservice et à développer et gérer l’information stratégique pour un conseil de qualité.

Le projet répond à des demandes d’appui de petites entreprises individuelles ou de groupesde micro-entreprises, dans le domaine de la commercialisation, comme l’élaboration d’une stratégiecommerciale, le développement du marché d’un produit, la mise au point d’un produit, etc. Il adopteune méthode progressive. Un pré-diagnostic, puis un diagnostic (gratuits pour l’entreprise) permettentde vérifier que l’entreprise répond bien aux critères et qu’un appui commercial peut lui être bénéfique.L’entreprise participe ensuite au financement de la mission de conseil commercial. Les prestatairespeuvent être proposés par l’entreprise ou le projet. Des formations sont organisées pour renforcer l’offreet sont cofinancées par les prestataires et le projet. Enfin, le projet teste de nouveaux outils de collectede l’information (tests de dégustation produits et géo-observatoire de la distribution), et constitue unebase d’informations et de données techniques sur les filières agroalimentaires au Sénégal, encollaboration avec les autres structures et projets intervenant sur le secteur. Le projet accompagneégalement les missions d’appui-conseil en examinant avec l’entrepreneur la qualité de l’appui fourni etson impact et en effectuant un suivi des entreprises.

En novembre 2006, deux ans après le démarrage de la phase test, soixante-dix pré-diagnostics etquarante-neuf diagnostics ont été réalisés, touchant plus d’une centaine de petites et micro-entreprisesagroalimentaires des filières céréales, fruits, produits laitiers, halieutiques et oléagineux. Une vingtaine demissions de conseil ont été cofinancées. Plus de quatre-vingt-dix prestataires sont enregistrés dans la basede données du projet. Soixante-dix ont participé à des sessions de formations organisées par le projetsur les techniques de diagnostic de la MPE, la démarche marketing et le conseil commercial et la gestionfinancière. Une réflexion avec le ministère des PME et la chambre de commerce a été engagée pourinstitutionnaliser le projet et en faire un dispositif pérenne de la politique de l’État d’appui à ce secteur.

Projet d’accès à l’information et au conseil pour les MPEA au Sénégal (Infoconseil)

Source : www.infoconseil.sn

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� d’identifier l’offre et de proposer des actions derenforcement des compétences ;

� de cofinancer le coût de la prestation par desdispositifs adaptés au contexte et insérés dans lepaysage institutionnel (recherche de pérennité) ;

� de mettre à disposition des prestataires, des ou-tils pédagogiques (formation) ou des informationstechniques et commerciales (conseil) pour fournir unservice de qualité ;

� de prévoir une validation du service par l’en-trepreneur (fonds), un bon système de contrôle desfraudes et un dispositif de suivi-évaluation.

�� Appuyer le développementde services d’information

Les travaux sur le secteur artisanal montrent unaccès très inégal des entreprises à l’information et lerôle stratégique que peut jouer cet accès dans lacréation ou le développement des activités. Que cesoit au stade de la création ou du développement desactivités, les MPEA ont besoin d’informations tech-niques, commerciales, économiques, fiscales et ju-ridiques. Le développement des activités nécessitequ’elles puissent avoir accès à des informations surles équipements, les emballages ou le marché. Cesinformations leur permettent de faire des choix stra-tégiques, d’accroître les volumes de production et laproductivité, d’améliorer la présentation et la conser-vation des produits, de mieux appréhender les normessanitaires, la réglementation, la qualité, les prix.

De leur côté, les consultants ne disposent pas nonplus des informations nécessaires à l’analyse de l’en-treprise et à un conseil de qualité, surtout dans le do-maine commercial. Il est donc également nécessairede développer l’offre et de faciliter l’accès à des in-formations sur les filières, les techniques de produc-tion et les marchés (circuits de distribution, attitudesdes consommateurs, marges par circuit, parts de mar-ché des marques locales, etc.) notamment pour bienraisonner les systèmes de distribution des entreprises.

Les services d’information aux entreprises sont en-core peu nombreux (Ministère des Affaires étran-gères, Gret, 2002a). Ils reposent le plus souvent surdes centres de documentation (chambres consulaires,ONG et associations, centres de recherche) qui neproposent que rarement une information ciblée sur lesecteur de la micro et petite entreprise et sont le plussouvent implantés dans les capitales.

Renforcer le rôle des MPEA dans la sécurité alimentaire et la lutte contre la pauvreté 81

L’offre d’information doit être articulée avec desespaces de rencontre et d’échanges, en lien avec desdynamiques d’animation et d’accompagnement desentreprises.

Il est nécessaire d’appuyer des dispositifs dé-centralisés (création d’antennes dans les régionscomme l’a fait le Cite à Madagascar), de valoriserInternet pour favoriser les échanges et faciliter l’ac-cès à l’information surtout aux organismes d’appui etprestataires et la rendre plus accessible en dévelop-pant l’utilisation d’autres médias (radios, cassettes,etc.) mieux adaptés à la cible des micro et petites en-treprises en raison d’un accès très inégal au réseauInternet et du fort taux d’analphabétisme.

Au-delà du support employé, le contenu est aussià réfléchir pour s’adapter au public des MPEA. Plutôtqu’une information normative, théorique, c’est uneinformation opérationnelle qu’il faut privilégier. L’analysedes demandes des entreprises met en évidence la no-tion « d’information utile », c’est-à-dire une informa-tion déjà traitée, synthétisée, rapide, pratique, adap-tée au contexte, basée sur des expériences vécues,à même de contribuer à la résolution des problèmesrencontrés par les entreprises (Gret, Cite, 2006).

C’est donc bien toute la chaîne de l’informationqu’il faut repenser et appuyer pour obtenir de nouveauxproduits et services d’information utiles, accessibleset adaptés au public des MPEA.

Comme pour les autres services d’appui aux pe-tites entreprises, l’objectif de pérennité des servicesd’information est de plus en plus souvent exigé parles bailleurs. Cependant, quelles que soient la qua-lité et la pertinence des services, ils ne peuvent fonc-tionner, au Nord comme au Sud, sur une seule lo-gique d’autofinancement, spécialement pour cepublic particulier des MPEA qui a des capacités li-mitées. L’impératif de rentabilité peut générer, pourles structures d’appui qui développent des servicesd’information, des risques multiples de glissements :« perte » de la cible micro-entreprises, développementdes prestations aux dépens de l’information, dis-persion des interventions (saisie des opportunités demarché). Ces services, difficiles à rentabiliser, relè-vent, au moins en partie, d’une mission de servicepublic. Si les structures d’appui doivent de fait s’ins-crire plus fortement dans une démarche économique,vendre leurs services et penser leur capacité d’au-tofinancement, c’est un leurre de considérer qu’ellespeuvent développer des services d’information sansl’appui des pouvoirs publics.

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Agroalimentaire et lutte contre la pauvreté en Afrique subsaharienne : le rôle des micro et petites entreprises82

�� Promouvoir des dispositifsde recherche-développement« multi-acteurs », orientésvers l’accroissement de la productivitéet l’amélioration de la qualité

Dans la plupart des pays, lorsque le secteur arti-sanal a pu se développer largement, cela s’est sou-vent fait grâce à une large diffusion d’innovations tech-niques. Des équipements mécanisés ou des procédéspermettant d’augmenter la productivité du travail oude mieux contrôler la qualité des produits ont étéadoptés par des milliers d’opératrices et constituentautant de success stories dans un monde qui a pour-tant connu, par ailleurs, de nombreux échecs d’in-novations industrielles. On peut ainsi citer, pour neretenir que les cas les plus réussis, les batteuses et dé-cortiqueuses à riz, à mil, les moulins à meules et àmarteaux à céréales et à légumineuses, les râpes etpresses à manioc, les concasseurs à cossettes de

manioc ou d’igname, les presses à huiles et les ma-laxeurs pour leur extraction, les concasseurs à noixde palmiste, les thermo-soudeuses pour le condition-nement des produits. Certaines de ces innovations sontdes adaptations de petits équipements déjà existantsdans d’autres régions du monde. D’autres sont desinventions de la recherche, parfois d’ONG, et/ou deconstructeurs d’équipements dans les zones de pro-duction (voir encadré ci-contre).

Dans la plupart des cas, l’introduction de ces équi-pements a modifié la qualité des produits, a parfoiscontraint à sélectionner certaines matières premières,a bouleversé les habitudes de travail et a rendu né-cessaire de concevoir une organisation spécifiquepour gérer les équipements. Bien que de taille réduite,ceux-ci, souvent motorisés, ont une capacité de trai-tement et représentent un investissement trop importantpour la majorité des micro-entreprises individuelles.Dans certaines régions, ce sont des groupements d’ar-tisanes transformatrices qui ont acquis et qui gèrent ceséquipements. Mais le plus souvent, ils se sont diffusésauprès de petits entrepreneurs qui proposent une pres-tation de service à de multiples opératrices.

Si les premiers équipements se sont diffusés dansdes zones où existaient déjà de nombreuses trans-formatrices manuelles, on constate que leur implan-tation a conduit aussi à la multiplication de ces acti-vités artisanales. Ces innovations ont, en ce sens, étéun véritable levier pour le développement de MPEA,même si d’autres facteurs, et en particulier, l’accès aumarché, ont également joué un rôle important.

Depuis une dizaine d’années, les projets d’inno-vations techniques des institutions de recherche ou desONG semblent moins « à la mode » dans la coopé-ration internationale que dans le passé. Pourtant, ilreste encore de nombreuses activités de transforma-tion pour lesquelles la productivité du travail restefaible et limite les volumes de produits transformés :dégermage du maïs, transformation du fonio, extra-ction d’amidon, séchage dans les zones humides, ex-traction de jus de fruits, extraction de l’huile de palmedes variétés dura, du beurre de karité, décorticagede noix et graines diverses, etc. Par ailleurs, la plu-part des opérations de transformation artisanale sontlargement consommatrices d’énergie : pétrole pourles moteurs, bois pour la cuisson ou le fumage. Lesperspectives d’augmentation du coût de l’énergierendent nécessaire d’innover pour réduire cette consom-mation et, par conséquent, les coûts qu’elle induit.

Broyeur à marteaux dans une unité de transformationdu mil à Dakar (Sénégal).

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Renforcer le rôle des MPEA dans la sécurité alimentaire et la lutte contre la pauvreté 83

Dès les années 1970, la transformation du mil, et plus particulièrement son décorticage, sontdiagnostiqués comme le goulot d’étranglement majeur pour l’accroissement de la consommation decette céréale. Traditionnellement réalisée au mortier et au pilon, cette opération est reconnuepénible, elle limite donc les possibilités de transformation à une échelle plus grande que les seulsbesoins quotidiens d’une famille. Quelques tentatives de mécanisation industrielle ont cherché àadapter des diagrammes de séparation entre le son et la farine après mouture, comme cela se pratiquesur le blé. Elles se sont soldées par un échec. C’est en étudiant de plus près ce qui se passe dansle mortier des pileuses, reconnaissant enfin que ce système est rationnel, que la recherche a aboutià la conclusion qu’un décorticage par abrasion du grain est nécessaire.

Dès la fin des années 1970, le Centre de recherche pour le développement international (CRDI) duCanada entreprend un vaste programme de mise au point d’un décortiqueur par abrasion en Afriquede l’Ouest et en Afrique australe. Dans les deux cas, un centre de recherche, l’Institut sénégalaisde recherche agricole (Isra) du Sénégal et le Rural Industries Innovation Centre (RIIC) du Botswana,va tester et améliorer un équipement mis au point pour les mils et sorghos par un laboratoire derecherche canadien, le Prairy Regional Laboratory. Dans chaque cas, des usagers sont associés auxessais et les deux équipements de ces deux régions se différencient pour s’adapter aux conditionsde chaque pays. Au Sénégal, l’Isra s’associe à un équipementier industriel spécialisé dans le petitéquipement agricole, la Sismar, qui va développer son propre modèle espérant gagner tout le marchéouest-africain. Alors que le décortiqueur du Botswana se diffuse dans les bourgs du pays, puisbientôt au Malawi, au Zimbabwe et en Tanzanie, la diffusion reste limitée au Sénégal et en Gambieoù de petits modèles sont expérimentés pourtant avec succès.

Mais, comme on l’a observé pour les broyeurs à marteaux, les artisans du secteur métal-mécaniquevont rapidement reproduire et simplifier les modèles industriels qu’ils rencontrent dans les villagesexpérimentaux ou qui leur sont donnés en réparation. Au Sénégal, les ONG Enda et Gret vont donnerau début des années 1990 un coup de pouce à la diffusion de ce décortiqueur au travers du projet depromotion des artisans métal (PPAM) de la Coopération française. L’amélioration de la qualité de ceséquipements, leur coût réduit et la possibilité d’assurer leur maintenance au plus près des ateliers dedécorticage et mouture, grâce au réseau des artisans formés dans tout le pays, permettra une diffusionde ces équipements dans de nombreux ateliers de mouture.

Ce décortiqueur fait sauter ainsi le dernier verrou d’une transformation à plus grande échelle du mil etva permettre l’émergence puis la multiplication de petites entreprises de transformation mécaniséede cette céréale. Mais son installation dans des ateliers en prestation de service offre aussi l’opportunitéà des femmes individuelles de produire de plus grandes quantités de farine, semoule et produits roulésvendus en frais.

Cette expérience conduit à tirer quelques leçons utiles pour les démarches de recherche.D’abord, il faut souligner la durée totale des projets qui se sont enchaînés pour parvenir à ce résultat.Il aura fallu pratiquement vingt ans d’efforts continus pour parvenir à un résultat visible à large échelle.Ensuite, la démarche de partenariat réel des instituts de recherche avec les utilisateurs, les constructeurs,les artisans assurant la maintenance des équipements, et les projets de développement et ONG,a permis de gérer ensemble et plus efficacement l’évolution nécessaire de l’innovation pour garantirson appropriation et sa diffusion.

De tels principes ont été repris en Guinée avec l’appui successif des projets Pasal et Dynafiv pour ladiffusion de décortiqueurs et étuveurs à riz, et plus récemment de décortiqueurs à fonio et d’extracteurs-malaxeurs à huile de palme.

La mise au point et la diffusion de décortiqueurs à mil

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Agroalimentaire et lutte contre la pauvreté en Afrique subsaharienne : le rôle des micro et petites entreprises84

L’appui à la recherche de solutions techniquespour résoudre des problèmes identifiés par les ac-teurs du secteur, expérimentées et validées par ungroupe et ensuite diffusées à large échelle constituedonc un axe stratégique à retenir.

Pour cela, il est nécessaire de prévoir des appuisaux instituts de recherche nationaux comme l’Irag qui,en Guinée, poursuit des essais pour mieux valoriser laproductivité de l’extraction traditionnelle d’huile depalme par la réduction du pilage et du malaxage desnoix de palme avec un malaxeur motorisé, ou de fi-nancer des projets de mise au point et d’expérimen-tation d’équipements comme ceux menés sur l’extrac-tion du beurre de karité au Mali et au Burkina Faso.

Cependant, des dispositifs à mettre en place doi-vent associer davantage les différents acteurs et ap-puyer la diffusion d’innovations techniques et orga-nisationnelles.

Les travaux sur les innovations, notamment dans ledomaine agricole, montrent qu’il n’y a jamais desimple transfert des acquis de la recherche mais desprocessus de tri, d’adoption partielle, de réappro-priation, voire de détournement de solutions proposéespar la recherche ou par le développement. Elles ontété parfois empruntées (innovations observées lors dedéplacements, de visites, etc.) ou inventées par les ac-teurs eux-mêmes (fabricants d’équipements, produits misau point par les entrepreneurs). Il ne s’agit donc passimplement de renforcer les capacités de recherchemais de mettre en place des démarches :

� qui partent des besoins identifiés avec les acteursdu secteur (d’où l’intérêt aussi de favoriser l’émergenceet le renforcement d’organisations professionnelles) ;

� qui reposent sur des dispositifs d’expérimenta-tion de solutions d’origines diverses ;

� et qui prévoient des mécanismes de suivi etd’évaluation associant tous les partenaires (recherche,développement, entrepreneurs).

De tels dispositifs permettent de valider sur le ter-rain les solutions proposées, de vérifier leur pertinencepar rapport aux contraintes et intérêts des acteurs, etde préciser les conditions de mise en œuvre des in-novations (solutions techniques adoptées). Il s’avère quela dimension technique n’est pas toujours le facteur li-mitant et que les conditions de faisabilité (coût d’unéquipement, rentabilité, existence de débouchés suf-fisamment sécurisés) peuvent limiter fortement l’adop-tion d’innovations. Il s’agit donc de favoriser en pa-rallèle l’accès à des services qui lèvent ces contraintes

(financement, appui-conseil, « subvention » de l’inno-vation). Le dispositif doit également prendre en comptel’appui à la diffusion des innovations dans un contexteoù les dispositifs étatiques n’existent plus ou sont trèslégers. Là encore les organisations professionnelles pour-raient avoir un grand rôle à jouer.

�� Accroître l’accèsaux ressources financières

La question des besoins, contraintes et offres definancement des MPEA a fait l’objet d’une analysespécifique dans le cadre de cette étude, dont nousprésentons ici les principaux résultats (Rouyat, 2005).

Les besoins de financement des MPEA

Les MPEA parviennent à démarrer leurs activitésavec des moyens limités : pour mobiliser les fonds né-cessaires aux investissements et au fonds de roulement,les femmes mobilisent leur épargne personnelle, sol-licitent un prêt ou un don de la famille, profitent d’unetontine39, utilisent les services de « banquiers ambu-lants »40 ou s’adressent à un usurier ou à un com-merçant pour acquérir les matières premières à cré-dit. Afin d’augmenter la capacité de production sansinvestir, certaines artisanes se regroupent pour des opé-rations manuelles pénibles, ou ont recours aux équi-pements en prestations de service. De l’avis même desartisanes, ces dispositifs ont leur limite : les montantsfinanciers mobilisables sont plafonnés et les frais fi-nanciers liés aux taux usuraires des prêts des com-

39 La tontine regroupe le plus souvent un ensemble de personnes quise connaissent (liens familiaux, professionnels, géographiques –originaires d’une même région –, classe d’âge, sexe, etc.) qui met-tent en commun leur épargne. À intervalles réguliers (souvent men-suels), chaque membre verse un montant fixe de cotisation. Cettesomme est remise tour à tour à chacun des membres, selon un ordredéfini par tirage au sort. Il existe d’autres formes de tontine.

40 La « banque ambulante » est exercée par un individu, principa-lement au niveau des marchés, des ateliers et étalages de petitcommerce des quartiers ; un banquier ambulant passe de façonpériodique pour collecter les cotisations des commerçants. Il s’en-gage à leur en remettre la totalité, ou une partie, de façon pé-riodique (c’est-à-dire à la fin de chaque mois), ou à l’occasionde toute autre occurrence préalablement convenue entre les par-ties. Son service est rémunéré. Au Bénin, la faillite de plusieursbanques dans les années 80 a beaucoup contribué à l’essor desbanquiers ambulants : en 1990, on estimait qu’ils collectaientprès de 750 millions de francs CFA d’épargne mensuellement(1,5 M $USD ou 18 M $USD annuellement) (Source : http://www.lamicrofinance.org, d’après Adechoubou et Tomety, 1990).

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merçants (jusqu’à 20 % par jour) sont de lourdescharges qui grèvent la rentabilité des micro-activités.Il est de ce fait généralement nécessaire d’avoir re-cours à d’autres systèmes de financement.

Ainsi les besoins en financement des MPEA peu-vent être regroupés en :

� crédit de fonctionnement (court terme) : les be-soins de crédit court terme sont essentiellement liés àl’acquisition de matières premières et autres intrants(stocks, consommables), qui représentent de l’ordre de70 % des besoins en fonds de roulement des MPEA ;

� crédit d’investissement (moyen et long terme) : lesbesoins en investissements concernent l’outil de pro-duction (machines, équipements, outils) afin d’augmenterle volume de production ou d’atteindre de nouveaux mar-chés (ex. : équipements de conditionnement), les amé-nagements éventuels du lieu de production (par exemplepour rendre compatible son atelier aux normes d’hygiène),les charges liées au lancement de l’activité (brevets,frais pour le lancement de nouveaux produits, etc.).

Les contraintes spécifiquesdu financement des MPEA

Certaines contraintes du financement des MPEArejoignent celles du financement des micro et petitesentreprises des autres secteurs : faiblesse des garantiesmatérielles, difficultés à évaluer les risques, diversité desbesoins de financements. D’autres contraintes semblentplus spécifiques et souvent proches des contraintes definancement de l’agriculture familiale :

� dispersion des MPEA, principalement celles si-tuées en milieu rural (surtout les micro-entreprises), cequi augmente les coûts de transaction ;

� pour certains produits, saisonnalité de la pro-duction et de la consommation (irrégularité des revenusrendant difficile des remboursements fixes mensuels) ;

� relative faiblesse des financements propres, encomparaison avec ceux des micro-entreprises de mé-tiers masculins, ce qui peut s’expliquer en partie parla plus grande difficulté pour les femmes de mobiliserdu capital de proximité (réseaux familiaux, amis, etc.) ;

� risques généralisés aux MPEA transformant unmême produit. Les risques agricoles (aléas clima-tiques) et économiques (politiques commerciales) sereportent sur les activités agroalimentaires et se tra-duisent par des fluctuations de prix des matières pre-mières. Ces risques peuvent se traduire par des im-payés en nombre si les services financiers offerts parl’institution ne sont pas diversifiés ;

85Renforcer le rôle des MPEA dans la sécurité alimentaire et la lutte contre la pauvreté

� activité de production qui nécessite des finan-cements de moyen terme conséquents pour le déve-loppement de ces entreprises.

Avantages et limites de l’offrefinancière formelle existante

Nous examinons ici les deux principales sources definancement des MPEA que sont les banques com-merciales et les institutions de microfinance (IMF) ou sys-tèmes financiers décentralisés (SFD), sachant qu’il existed’autres dispositifs spécifiques (crédits ou subventionspar des projets ou des ONG) qui ont une portée et unedurée généralement limitées et qui se transforment enIMF ou qui transfèrent leurs activités à des IMF.

> Banques commerciales

Elles satisfont en priorité les besoins financiers à courtterme des entreprises qui appartiennent à la couchesupérieure du marché des affaires dans les centresurbains. Le financement des petites entreprises est sou-vent jugé par les banques comme trop risqué, onéreuxet peu rentable. Sont ainsi invoqués les faibles mon-tants des prêts, l’insuffisance de moyens de finance-ment propres et de garanties, la faiblesse du systèmede gestion de l’entreprise, le manque de formation desdirigeants, la confusion du patrimoine de l’entrepriseavec celui de son promoteur, les difficultés d’accès auxnouvelles technologies et l’insuffisance de l’encadre-ment technique, la mauvaise qualité des dossiers definancement (Ngondi Owana, 2000).

Aire de séchage du poisson au Sénégal.

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Agroalimentaire et lutte contre la pauvreté en Afrique subsaharienne : le rôle des micro et petites entreprises86

Rares sont les banques qui disposent de structuresou guichets décentralisés capables d’offrir des ser-vices de proximité aux MPEA. La lourdeur dans lesétapes à franchir et la mobilisation de garanties consti-tuent des obstacles majeurs à l’accès au crédit ban-caire pour les MPEA comme pour les autres micro etpetites entreprises. Selon la BCEAO, le ratio géogra-phique de l’activité bancaire traditionnelle des pays del’UEMOA est d’un guichet bancaire pour 115 000habitants avec un très faible taux de bancarisation demoins de trois pour cent (nombre de détenteurs decompte bancaire sur population totale) (Koukapi,2001). Les banques ont en effet tendance à exclureles transactions à petite échelle, principalement du faitdes coûts fixes élevés, ainsi que les opérateurs offrantpeu de garanties. Par ailleurs, les crédits à court termedemeurent prépondérants, avec une part de 68 %contre 29 % pour les concours à moyen terme et 3 %pour les financements à long terme (Koukapi, 2001).

Des dispositifs d’appui aux PEA ont cherché à im-pliquer les banques en agissant pour diminuer lesrisques qu’elles percevaient : mise en place de fondsde garantie, création de sociétés de capital risque

pour limiter le manque de fonds propres. Des lignes ex-térieures de crédit ont également été mises en placepour pallier l’insuffisance de ressources à long terme(financement d’investissements notamment) et des bu-reaux conseils ou des projets ont suppléé aux coûts d’ins-truction des dossiers, jugés trop élevés. Dans la pra-tique, les résultats ont souvent été décevants, avec descoûts élevés pour un faible nombre de dossiers traités(avec des taux d’impayés élevés). Les lignes de créditont été peu utilisées (conditions et procédures d’accèsdissuasives, délais importants d’examen des dossiers).Les fonds de garantie ont mal fonctionné, la banquese contentant du remboursement du montant du créditnon garanti en mobilisant « automatiquement » le fondspour collecter les montants restant à rembourser.

> Les institutions de microfinance (IMF)ou systèmes financiers décentralisés (SFD)

La microfinance s’est développée en s’attachant àservir les individus ne possédant pas les garanties ma-térielles qu’exigent généralement les banques com-merciales. Les risques sont alors limités par des formesde garanties alternatives. Celles-ci sont fondées gé-néralement sur des liens sociaux (groupes de cautionsolidaire) et un suivi rapproché des emprunteurs. Lesrisques sont également limités par des crédits de faiblesmontants avec un remboursement régulier étalé surquelques mois (généralement moins d’un an) et un prin-cipe de progressivité des montants octroyés permettantl’apprentissage mutuel. Les décisions sont prises « surplace », donc plus rapidement, et les formalités sont sim-ples. Ces systèmes permettent le financement de micro-activités, souvent menées par des femmes.

Les IMF disposent en effet de produits adaptés pourfinancer la trésorerie de petites activités économiques,ce qui correspond dans l’ensemble à des crédits decourt terme inférieurs à un million de francs CFA (en-viron 1 500 €). On note cependant que les IMF sou-vent citées en exemple (Kenya Rural Enterprise Program– Krep – au Kenya, le Centenray Rural DevelopmentBank – Cerudeb – en Ouganda par exemple) finan-cent surtout des activités de commerce et de transport(moins risquées) et s’intéressent de plus en plus au mi-lieu urbain avec des garanties qui ont tendance à aug-menter et une clientèle plus « aisée ». C’est le cas aussiau Sénégal avec le Crédit mutuel du Sénégal (CMS)et l’Agence de crédit pour l’entreprise privée (ACEP).Une étude comparative des services d’appui finan-ciers et non financiers aux Burkina Faso, Ghana etBénin a montré que 90 % des très petites entreprisesFumage des noix de karité (Mali).

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et PME n’ont jamais bénéficié de crédit financier à courtterme (Cabinet Pierre Paris et Jexco, 2004).

Seules certaines grosses IMF et réseaux, opérant engénéral avec l’appui de bailleurs de fonds, s’intéres-sent au financement d’équipements, de locaux, voirede fonds de roulement plus importants, qui correspon-dent à des prêts allant jusqu’à 10 millions de francsCFA (environ 15 000 €). Mais la grande majorité ré-pond de façon limitée, voire marginale, aux demandesde crédit de l’équipement productif remboursable àmoyen terme (Humbert et al., 1993 ; Botzung et LeBissonais, 1998 ; Cabinet Pierre Paris et Jexco, 2004).L’épargne drainée est souvent limitée et ne permet pasde financer de gros investissements ; elle est aussi vo-latile et donc peu adaptée pour les financements àmoyen et long terme. Les taux proposés sont généra-lement peu compatibles avec un investissement productif(taux entre 15 et 25 % par an, parfois plus).

Dans la majorité des cas, l’activité soutenue n’estpas nouvelle pour l’emprunteur, mais le prêt permet dela pratiquer plus régulièrement ou de la consolider avecun plus grand volume ou avec moins de risques.

En conclusion, de nombreuses IMF peuvent cou-vrir assez bien les besoins de crédit de court termedes MPEA, mais leur offre de produits financiers pourles besoins d’investissement et d’équipement desMPEA ainsi que pour le démarrage de nouvelles ac-tivités économiques est faible. Cette difficulté desIMF à financer la création d’entreprise ou des créditsplus élevés sur des durées plus longues est liée à plu-sieurs facteurs (Barro, 2004) :

� la structure des ressources. Les ressources desfonds de crédit des IMF sont généralement constituéesdes dépôts à vue des membres/clients. Les capaci-tés d’épargne à moyen terme de la clientèle des IMFsont très limitées et les ressources sont très volatiles (re-traits fréquents). Les capacités de transformation del’épargne en crédit sont donc limitées ;

� le faible niveau de capitalisation. Leur capitalest souvent faible, limité le plus souvent aux parts so-ciales des membres (sauf pour les « grosses » IMF) etles dispositifs réglementaires ne favorisent pas toujoursla prise de participation au capital des IMF de per-sonnes physique ou morales41. Ce faible niveau decapitalisation rend difficile – voire impossible – leur

Renforcer le rôle des MPEA dans la sécurité alimentaire et la lutte contre la pauvreté 87

accès à des ressources commerciales (emprunt ban-caire). Des réseaux ont mis en place des mécanismesde « refinancement interne » qui ont permis d’ap-porter des solutions au problème de mobilisation deressources dans une ou plusieurs caisses de base,grâce à un système de vases communicants entre lesdifférents paliers. Ils ne constituent cependant qu’unesolution provisoire, en ce sens qu’ils n’ont aucun im-pact sur l’augmentation de la trésorerie globale duréseau. En fait, ils permettent tout simplement une ré-allocation plus judicieuse de la trésorerie à l’intérieurdu réseau. Dès lors, la question du refinancementexterne se pose avec une certaine acuité, aussi biendans des caisses isolées que dans des réseaux pourassurer leur développement. Les IMF se tournent doncvers la recherche de fonds extérieurs (notammentlignes de crédits mis en place par des bailleurs, mul-tiplication des fonds d’investissements en anticipa-tion et en prêts aux IMF) ;

� le manque de relations commerciales entre lesecteur de la microfinance et le secteur bancaire. Lesbanques classiques considèrent généralement la mi-crofinance comme un secteur peu viable, trop risquéet porté par des idées plus sociales qu’économiques ;

� les compétences des IMF. La plupart d’entre ellesn’ont pas développé de compétences internes et sontdépourvues de capacité d’analyse approfondie desdossiers de demande, notamment quand le volumede prêt devient plus conséquent. Le recours à des com-pétences externes serait trop coûteux et nécessiteraitde répercuter ce coût sur celui du crédit ;

� le risque perçu d’un prêt à des entreprises.Autant les IMF organisent leurs systèmes de garantiespour prêter des sommes modiques à des individus,autant lorsqu’il s’agit de prêter des sommes plus im-portantes à des petites entreprises, elles considèrentqu’il y a un risque. Elles se méfient en effet du niveaude compétences et des outils et moyens des MPE :absence fréquente de comptabilité, absence de ga-rantie, faible capital.

Il convient de souligner aussi que, dans un premiertemps, les bailleurs de fonds internationaux ont jouéun rôle prépondérant dans le développement de la mi-crofinance en fournissant l’essentiel des financementsdes IMF. La tendance actuelle est à leur désengage-ment et à l’accès souhaité pour les plus importantesIMF à des fonds privés, qui sont en réalité générale-ment des fonds concessionnels (appuyés par lesbailleurs de fonds). La recherche de l’équilibre finan-

41 C’est le cas par exemple des dispositions de la loi « Parmec »,spécifique aux institutions mutualistes ou coopératives d’épargneet de crédit, adoptée par le conseil des ministres de l’UEMOAen 1993.

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cier et l’augmentation des dividendes, demandéespar les bailleurs de fonds et les investisseurs privés po-tentiels, pourraient amener les IMF à se limiter au strictservice financier, à l’exclusion des services d’appuisindispensables à une partie au moins de leur clientèle.

Financer le développement des MPEA :des outils à combiner,différentes pistes à explorer

Si des projets ont assuré dans le passé des finan-cements directs aux MPEA pour lever ces contraintes,les mauvaises performances et l’effet négatif sur lesecteur financier tendent à faire disparaître ce type dedispositif. Le logement de lignes de crédits ou defonds de garantie dans des banques pour des petitesentreprises (montant supérieur à un million de francsCFA soit environ 15 000 € en crédit de moyen terme)ne semble pas donner non plus des résultats probants.Les banques appliquent les mêmes critères que pourleurs propres produits et privilégient donc les plusgrosses entreprises. En effet, l’existence d’un fonds nerend pas plus attrayant le public de la micro-entreprise.Le coût de traitement et de suivi des dossiers est jugétrop élevé par rapport aux montants de crédit. Ce fondspeut même avoir des effets pervers : les banques sontfaiblement motivées à recouvrer le crédit, l’emprunteurne rembourse pas car il connait le faible risque de pour-suite en cas de défaillance.

Le recours aux instituts de microfinance semble dansbien des cas la solution la plus pertinente, notammentpour les activités génératrices de revenus et les micro-entreprises, à condition de mettre en place des mé-canismes spécifiques pour lever les principalescontraintes identifiées.

Plusieurs pistes sont proposées pour développerdes services financiers destinés à ce créneau desMPE, intermédiaires entre le microcrédit et les servicesbancaires classiques plus « macro », que l’on dé-signe alors souvent par le vocable de « mésofi-nance »42 :

� création de sociétés de caution mutuelle parregroupement de MPEA pour accroître leur capacitéà fournir les garanties demandées. Cette solution aété expérimentée dans le cadre du projet Dynafiv enGuinée. Elle a permis à des petits opérateurs, qui n’ontpas facilement accès au crédit faute de garantie etde crédibilité suffisantes, d’accroître leurs activités oud’en créer de nouvelles, grâce à un accord avec le

Agroalimentaire et lutte contre la pauvreté en Afrique subsaharienne : le rôle des micro et petites entreprises88

Crédit rural de Guinée (CRG). Pour la commerciali-sation, le projet a appuyé la création d’ACM(Associations de caution mutuelle)43 pour favoriserl’accès au crédit et développer l’épargne au niveaude la banque ;

� lignes de crédits et fonds de garantie logés dansles IMF par l’État ou par des bailleurs de fonds. Detelles lignes ont déjà été mises en place dans certainspays comme le Sénégal. Ces ressources sont inté-ressantes pour les IMF compte tenu de leur coût faibleou nul (faible taux pratiqué par l’État ou subventions).Elles sont parfois indispensables lors de la création,avant que les IMF aient pu collecter suffisammentd’épargne, et elles leur permettent d’améliorer leur ca-pacité de réponse aux besoins de crédit de leurs so-ciétaires. Mais de telles ressources sont générale-ment octroyées sous certaines conditions : public-cible,secteurs d’activités, taux de crédit, zones. Elles peu-vent alors provoquer des perturbations dans le modede fonctionnement des réseaux. Qui plus est, le ta-rissement progressif des fonds de crédit des bailleursde fonds ne permet pas d’envisager un recours à longterme à ce mode de refinancement (Barro, 2004). Ilconvient de noter également qu’il existe peu d’ex-périences réussies dans la mise en place de fonds degaranties ;

� fonds de bonification44. Des fonds de bonifi-cation ont été mis en place par l’État dans certainspays pour le secteur agricole (qui inclut parfois les ac-tivités de transformation). L’objectif serait dans ce cas

42 http://www.lamicrofinance.org/resource_centers/diversification/produits/cr_dits_tpe

43 L’ACM est un groupe qui exerce la même profession et qui a pourobjet de cautionner mutuellement les crédits consentis par unebanque à ses associés emprunteurs. Il est basé sur le principe dela responsabilité réciproque des emprunteurs et sur une forme plusélaborée de gestion du capital et de garantie des sociétaires.La responsabilité réciproque suppose la solidarité des membrespour le partage des risques et la gestion du capital de garantiemutuelle implique la mutualité avec l’ouverture d’un compte com-mun et le choix d’un comité de gestion. La création d’une ACMrepose sur des conditions précises : remboursement à 100 % descrédits antérieurs, membres solidaires sur le plan financier et pro-fessionnel, groupe capable de s’autogérer au moment des im-payés… Une solidarité professionnelle, morale et financière estdonc nécessaire. Le but fondamental de la création d’une ACMest d’assurer une fidélisation réciproque dans les relations entreles membres de l’ACM et la banque partenaire.

44 Le système de fonds de bonification a pour conséquence decacher la vérité du crédit aux emprunteurs et est difficile à géreren interne pour les IMF. D’autres dispositifs de subventions peu-vent être mis en place qui aboutissent au même résultat de ré-duction du coût des prêts pour l’emprunteur.

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Un des éléments-clés de la définition de politiques d’appui au secteur des MPEA est le développementd’une offre de services adaptés aux spécificités et besoins des entreprises, en mesure de lever lescontraintes qu’elles rencontrent. Les recommandations portent sur cinq principaux axesd’intervention : la formation, le conseil, l’information, la recherche et l’accès aux services financiers.

Les dispositifs de formation ont jusqu’à présent très peu investi le secteur de la transformationagroalimentaire à petite échelle en Afrique. Leur ouverture vers ce secteur doit permettre d’une partla formation par apprentissage en alternance (école-entreprise) des jeunes pour qu’ils puissententreprendre une activité dans un nouveau contexte technique, commercial et réglementaire.Cette ouverture doit permettre d’autre part de renforcer, par des formations continues, lescompétences professionnelles des adultes en activité et faciliter leur acquisition de connaissances debase, dans un contexte où le taux d’analphabétisme est très élevé. Cette ouverture de la formationprofessionnelle à l’agroalimentaire nécessite de former des formateurs, de mobiliser (et souventdévelopper) des compétences en ingénierie de formation, et de définir des modalités decofinancement entre acteurs publics, entreprises et individus.

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de l’étendre aux SFD et aux MPEA ou de créer desfonds spécifiques qui pourraient aussi être alimentéspar les collectivités locales ou les bailleurs de fonds.Cela leur permettrait de pratiquer des taux d’intérêtmoins élevés pour améliorer l’accessibilité au créditainsi que leurs revenus ;

� systèmes de refinancement par des banquescommerciales. Ils sont encore rares en raison de lafaiblesse des relations entre les deux secteurs évoquéeprécédemment, mais certaines banques commencentà s’intéresser aux secteurs de la microfinance, d’au-tant qu’elles ont souvent d’importantes ressources etn’ont pas la capacité d’atteindre le public des IMF.Il s’agit donc de favoriser les liens entre les deux sec-teurs et de renforcer les capacités des IMF pour ren-forcer leur crédibilité. Il pourrait également être envisagéde renforcer des banques commerciales qui cher-chent à s’étendre vers ce créneau des MPE et d’ap-puyer le développement de schémas alternatifs(Cabinet Pierre Paris et Jexco, 2004) tels que la loca-tion vente (leasing) comme alternative au crédit moyenterme classique pour l’équipement, qui permet delever la contrainte de la garantie (Wampfler, 2002 ;Pierret, 2003) ;

� assistance technique aux IMF et nouveauxpartenariats à susciter entre IMF et structures d’ap-pui non financier (Barlet, 2004). La mise en placed’une « assistance technique » proposant différents ser-

Renforcer le rôle des MPEA dans la sécurité alimentaire et la lutte contre la pauvreté 89

vices d’appuis non financiers (notamment l’appui àla constitution de dossiers et le suivi des entreprises)en lien avec une IMF semble un mécanisme intéres-sant. Cette assistance peut être envisagée dans lecadre d’une collaboration entre dispositifs d’appuifinanciers et non financiers, ou d’une prestation deservice fournie par des structures d’appui ou desconsultants. Elle peut cependant difficilement êtreprise en charge par l’IMF ou l’emprunteur et néces-site donc une prise en charge externe. En continuantà financer ces services, les bailleurs de fonds ne four-niraient pas de subventions artificielles aux IMF, maisleur fourniraient un important service d’accompa-gnement, leur permettant de mieux répondre aux be-soins des micro et petites entreprises. Des formationspour renforcer les capacités des IMF sont égalementà envisager. Des exemples d’appuis de bailleurs defonds montrent l’intérêt partagé entre les IMF, quiaugmentent ainsi leur clientèle et diversifient leurs pro-duits, et les bénéficiaires qui tirent parti d’appuispréalables aux services financiers et de réponses àleurs besoins d’investissements productifs.

Il s’avère également nécessaire de favoriser unemeilleure connaissance réciproque entre MPEA et lesinstitutions financières (rencontres, informations) etd’améliorer le cadre réglementaire et juridique pourpouvoir mettre en œuvre ces recommandations.

> Ce qu’il faut retenir

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Pour accroître leurs compétences, améliorer la gestion de leurs activités, maîtriser la qualitédes produits, développer des circuits commerciaux, les MPEA ont besoin d’accéder à des conseilsde qualité, adaptés aux caractéristiques de leurs entreprises. Leurs modes d’organisation etde fonctionnement sont en effet différents de ceux du secteur industriel. Mais un travail en amontde formation des prestataires est nécessaire car très peu d’entre eux connaissent aujourd’huisuffisamment ce secteur et ses contraintes. Les MPEA, comme les PME en Europe ou en Afrique, nepeuvent pas prendre en charge la totalité du coût de ces prestations, qui nécessitent, pour le conseilcomme pour la formation, la mise en place de dispositifs de subvention (les chèques-formation ouchèques-conseil ou les fonds à frais partagés).

Que ce soit au stade de la création ou du développement des activités, les MPEA, tout commeles prestataires de services, ont besoin d’informations surtout opérationnelles, plutôt que normativeset théoriques, dans les domaines techniques, commercial, économique, fiscal et juridique. Il estnécessaire d’appuyer des dispositifs décentralisés, de proximité, utilisant des médias adaptés à lacible des micro et petites entreprises (radios, cassettes, etc. et pas seulement Internet souventpeu accessible à ces opérateurs). Comme pour les autres dispositifs d’appui à ce public particulier,les services d’information, difficiles à rentabiliser, ne peuvent se développer qu’avec le soutiendes pouvoirs publics. Ceux-ci doivent inciter les structures de conseil aux entreprises à s’inscrireplus fortement dans une démarche économique de vente de leurs services et à augmenter leurcapacité d’autofinancement.

Dans de nombreuses filières, des innovations techniques dans la transformation des produits sesont avérées un puissant levier d’amélioration de leur compétitivité et ont été à l’origine d’undéveloppement important des MPEA. La recherche publique est pourtant encore peu développée surce secteur alors qu’il reste de nombreux problèmes techniques à résoudre. Cependant, il ne s’agit passimplement de renforcer les capacités des instituts qui manquent effectivement de moyens humains,matériels et financiers. Il est aussi nécessaire de promouvoir des démarches qui associent plusétroitement les opérateurs, dès les diagnostics techniques et tout au long du processus de recherchede solutions, d’où l’intérêt de renforcer les organisations professionnelles. Les connaissances sur lesproduits, les procédés artisanaux et les innovations techniques sont encore insuffisantes et cloisonnées.La capitalisation et les échanges d’expériences, non seulement entre chercheurs mais aussi entreopérateurs innovants, de pays agricoles similaires doivent être encouragés. Un effort important doitêtre fait pour reconstruire des mécanismes de diffusion des innovations après la quasi-disparitiondes dispositifs publics de vulgarisation.

Enfin, les dispositifs d’appui aux MPEA doivent faciliter l’accès à des services financiers pourrépondre aux besoins de crédit de fonctionnement et d’investissement. Le recours aux instituts demicrofinance (IMF) ou systèmes financiers décentralisés semble, dans bien des cas, la solutionla plus pertinente, notamment pour les activités génératrices de revenus et les micro-entreprises,à condition de mettre en place des mécanismes spécifiques pour lever certaines contraintesidentifiées. Les IMF disposent souvent de produits adaptés pour financer la trésorerie de petitesactivités économiques mais elles doivent trouver des solutions pour limiter les risques lorsqueles montants deviennent plus élevés (supérieurs à 15 000 €), ou pour répondre à des besoins decrédit à moyen et long terme. Plusieurs pistes peuvent être explorées : création de sociétés decaution mutuelle, mise en place de lignes de crédits et fonds de garantie logés dans les IMF, fondsde bonification des intérêts, mise en place de systèmes de refinancement par des banquescommerciales, assistance technique aux IMF et appui à de nouveaux partenariats entre IMF etstructures d’appui non financier.

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Renforcer le rôle des MPEA dans la sécurité alimentaire et la lutte contre la pauvreté 91

Promouvoir un cadre légal et institutionnel favorable,prenant en compte la réalité du secteur, est une condi-tion nécessaire pour stimuler le développement desmicro et petites entreprises agroalimentaires. Ouvrirdes espaces d’opportunités permet à ces entreprisesde mieux valoriser leur potentiel en fonction de leursconnaissances et de leurs références, mais ne suffitpas toujours pour faire des sauts qualitatifs ou pourlever des blocages plus complexes. Des dispositifsd’appui, financiers ou non financiers, en formation,en conseil, en recherche-développement sont donc,comme nous l’avons vu, souvent nécessaires.

Les projets permettent d’expérimenter, de mettreau point et de valider des approches et des mé-thodes qui peuvent être ensuite incorporées aux po-litiques, d’autant que, dans ce secteur des MPEA, lesréférences sont encore peu nombreuses. Les projetsfavorisent également l’émergence et la consolidationdes organismes d’appui. Par ailleurs, ils peuvent sedonner pour objectif de contribuer au renforcementdes organisations professionnelles, au dialogue entrepetits entrepreneurs et pouvoirs publics et à la construc-tion du cadre institutionnel. Ce rôle d’expérimentation,de mise au point de références et de méthodes, dedéveloppement de nouvelles compétences et d’appuià la structuration du secteur et au dialogue entre lesacteurs est un atout des démarches « projets ». Maispour jouer pleinement ce rôle et contribuer à l’éla-boration des politiques publiques d’appui au secteurdes MPEA et à l’amélioration de la sécurité alimen-taire et de la lutte contre la pauvreté, ils doivent êtrebien conçus et bien pilotés.

Depuis de nombreuses années, les bailleurs defonds ont financé des projets de développement,visant, de l’échelle la plus locale à celle de la nationvoire de la région, à améliorer les conditions de viedes populations, à accroître la compétitivité de cer-taines productions et filières, ou à appuyer le déve-loppement du secteur privé. Comment, par quelles dé-marches ces projets ont-ils abordé le secteur desMPEA ? Telle est la question abordée en premier lieudans ce chapitre au travers d’une typologie des ap-proches et actions des projets dans ce secteur. Cetteanalyse rapide met en évidence la nécessité, pour

maximiser les impacts en termes de sécurité alimen-taire et de lutte contre la pauvreté et les inégalités,de promouvoir une définition stratégique des projetsen explicitant davantage les hypothèses et objectifsainsi que les choix des groupes cibles et des actionsà partir d’une analyse fine des contextes. La dernièrepartie du chapitre présente les principales implicationsd’une telle démarche dans l’identification et la concep-tion des projets ainsi que dans le pilotage et le suivi-évaluation.

�� Les grands axes des projets etactions d’appui au secteur des MPEA

Les études de cas et l’analyse documentaire ontpermis de distinguer différents types d’approches etde projets.

Des approches par filières

Des projets appuient le développement de filièresagricoles et agroalimentaires, en privilégiant une ap-proche par l’amont. L’objectif principal est d’accroîtrela production de la matière première et donc les re-venus des agriculteurs en améliorant la compétitivitéde la filière. Ces projets incluent donc des actions d’ap-pui à la production et souvent, de manière progres-sive, des interventions au niveau de la transformation,de la commercialisation et plus rarement du marchéet de la consommation, touchant ainsi les différentsgroupes d’acteurs (démarche inclusive). Les outils sontvariés : appui à l’innovation et expérimentation tech-nique, structuration de la filière et organisation pro-fessionnelle, accès au crédit, etc. On peut citer parexemple le projet d’appui aux filières riz en Guinée(MAE), racines et tubercules au Bénin (Fida et Danida),fruits au Mali (Aprofa/Banque mondiale), lait auMali (CIDR/UE et MAE), au Tchad (PLN/AFD) et auBurkina Faso (PAF/Acdi).

D’autres projets privilégient une approche par leproduit fini ou le marché (aval de la filière). Ils visentà développer les débouchés commerciaux à traversune meilleure adaptation de l’offre à la demande(amélioration de la compétitivité prix et hors prix des

Prendre en compte les critères de sécurité alimentaire etde lutte contre la pauvreté et inégalités dans les programmes et projets

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Agroalimentaire et lutte contre la pauvreté en Afrique subsaharienne : le rôle des micro et petites entreprises92

produits, diversification de l’offre, etc.). Les interven-tions portent sur l’amélioration des procédés et desproduits (qualité sanitaire, nutritionnelle, commer-ciale), l’accès à la formation, à des conseils techniqueset commerciaux pour les opérateurs de la transfor-mation, la promotion des produits, mais également,comme dans les projets sur les filières de production,l’appui à la professionnalisation et à la structurationdes filières. Le Programme de promotion des céréaleslocales (PPCL) au Sénégal en est un exemple, toutcomme les projets menés au Mali, Burkina Faso etOuganda sur le beurre de karité, ou au Mali et enGuinée sur la transformation du fonio.

Selon les cas, les projets appuient des petites etmicro-entreprises en milieu urbain (PPCL) ou des grou-pements féminins en milieu rural (beurre de karité).Certains projets se sont spécialisés dans l’appui à l’ex-portation de produits agricoles et agroalimentairescomme le PEA/Banque mondiale au Sénégal et enCôte d’Ivoire.

Il est fréquent que la contribution à la sécurité ali-mentaire et à la lutte contre la pauvreté soit men-tionnée dans les objectifs de ces projets « filières ».Cependant, elle est souvent peu explicitée dans leschoix qui sont faits (filières, cibles, actions) et peu éva-luée dans les dispositifs de suivi-évaluation et demesure d’impacts. Elle reste un objectif implicite.

Des approches sectorielles d’appuiaux petites entreprises (secteur privé)

Certains projets ont comme objectif principal ledéveloppement des entreprises (plus rarement l’appuià la création). Ils visent en priorité les petites entre-prises porteuses de croissance. Ils fournissent notam-ment des appuis sous forme de cofinancement de laformation ou du conseil (étude de marché, marketing,gestion, etc.), de constitution de dossiers de demandede prêt, d’accès au crédit (garantie et parfois créditdirect comme le Papme au Burkina Faso). Ces appuissont individuels et/ou collectifs. Les projets CAE/USAIDau Mali, Dynaentreprise/USAID au Sénégal, Adop/Coopération danoise au Burkina Faso fournissent desappuis individuels aux entreprises. Le projet Papes/Onudi appuie la création de groupements d’affaireset renforce les capacités des organisations profes-sionnelles. Le PAOA/Coopération canadienne auSénégal et Eidev/MAE au Burkina Faso combinentdes actions en faveur des entreprises et des organi-sations professionnelles.

La plupart de ces projets ont une intervention géo-graphique réduite en fonction par exemple de la ré-partition spatiale des petites entreprises à fort taux decroissance (Papes), des zones d’intervention prioritairesdes bailleurs qui les financent (Dynaentreprise) ou en-core du taux de vulnérabilité. C’est le cas par exempledu Promer au Sénégal et du Pamer au Burkina Faso,financés par le Fida, qui appuient la création et ledéveloppement de micro-entreprises en milieu rural(agricoles, para-agricoles, services) en ciblant les ré-gions et les populations les plus vulnérables.

Sont inclus dans ce type d’intervention les appuisd’organismes internationaux comme Entreprise Africa(USAID) ou le CDE (Centre de développement des en-treprises)/ACP-UE. Ils cofinancent le conseil aux pe-tites et moyennes entreprises et disposent d’orga-nismes relais dans les pays, mais touchent encore assezpeu le secteur des MPE agroalimentaires.

L’appui à l’insertion professionnelle ou à la créationd’entreprises est peu fréquent : projets Promer et Pamerdu Fida, projets d’ONG telles que le CIDR qui appuiela création d’Esop (financement MAE), ou encorel’Asacase et l’Aprofes autour du crédit au Sénégal.

Souvent ces projets annoncent qu’ils vont ap-porter une contribution à la lutte contre la pauvretépar l’amélioration des revenus et la création d’em-plois ou d’auto-emplois. Cependant, pour nombred’entre eux, ils ne ciblent que des entreprises d’unecertaine taille et contribuent rarement à l’insertion pro-fessionnelle. Seuls les projets du Fida envisagentl’appui à la création et au développement de lamicro-entreprise individuelle en milieu rural. Les dis-positifs de suivi-évaluation montrent souvent des fai-blesses et ne permettent pas de mesurer l’impact socio-économique des actions.

Barratage de karité au Burkina Faso.

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Des dispositifs spécialisés :crédit, recherche et innovation, formation

Certains projets ou institutions interviennent dansun domaine spécifique en actionnant un ou plusieursoutils d’appui au développement.

De nombreux dispositifs d’appui, soutenus pardes bailleurs de fonds, privilégient le crédit, instrumentqui structure souvent les appuis. On peut citer lePapme (PME), le Padme (micro-entreprise), le Pefabau Bénin, le Pamecas au Sénégal, les fonds nationauxde promotion de l’emploi au Burkina Faso, au Sénégal,le Papme au Burkina Faso, mais également l’appuiaux systèmes financiers décentralisés que sont lesmutuelles d’épargne-crédit et les institutions de mi-crofinance (Acep et CMS au Sénégal), parfois elles-mêmes issues de projets. Ils disposent de produitsadaptés pour financer la trésorerie d’activités géné-ratrices de revenus et celle de micro-entreprises (cré-dits court terme inférieurs à un million de francs CFA,soit 15 000 €). De ce fait, ils financent souvent desactivités artisanales agroalimentaires. Toutefois, ilsrépondent rarement aux besoins de petites entreprisesqui veulent accroître leurs fonds de roulement, ache-ter des équipements ou aménager leurs locaux et quine peuvent pas encore accéder au crédit bancaireclassique45.

Les activités artisanales agroalimentaires sont par-fois spécifiquement ciblées : transformation du riz enGuinée avec le Crédit rural de Guinée à travers le pro-jet Dynafiv, petites entreprises au Sénégal, notam-ment avec le CMS et l’appui du Promer. Les institutionsde microfinance privilégient cependant le finance-ment d’activités moins risquées telles que le commerceet le transport, dans la recherche d’une rentabilité etd’une durabilité du service. Les systèmes financiers dusecteur informel (tontines) ne répondent que partielle-ment aux besoins des MPE en raison du volume limitédes crédits, du taux d’intérêt élevé et des conditions(crédit court terme). Quant aux banques, elles consi-dèrent ce secteur comme trop risqué et trop coûteuxen termes de montage et de suivi de dossier (tempsde travail élevé par rapport aux montants des cré-dits). L’accès aux ressources financières demeure doncune contrainte forte, notamment pour la création d’en-treprise, l’obtention de crédits de trésorerie supérieursà un million de francs CFA (15 000 €) et le finance-

Renforcer le rôle des MPEA dans la sécurité alimentaire et la lutte contre la pauvreté 93

ment d’investissements. Peu de projets et dispositifs d’ap-pui parviennent à répondre à ces besoins.

Des projets et programmes se sont intéressés à l’in-novation technique et à la fabrication d’équipementscomme le projet de mise au point de décortiqueursabrasifs (voir encadré page 83), le FIT au Bénin etle PPAM/MAE au Sénégal (équipements fabriquéspar des artisans), le CEAS/Atesta au Burkina Faso(séchoirs). Ces projets de longue durée (dix ans voireplus) ont joué un rôle important pour lever descontraintes techniques et ont par exemple contribuéau développement de la transformation des céréalesà petite échelle au Sénégal. Les instituts de rechercheagricole et agroalimentaire ont tous développé desprogrammes et projets d’amélioration des procédésou de mise au point de nouveaux produits. Nombred’entre eux se sont orientés vers la mise au point detechniques de transformation relativement sophisti-quées dans un environnement scientifique internatio-nal dominé par les pays industrialisés qui privilégientla maîtrise de tels procédés industriels. Les innovationsproposées ne peuvent être utilisées que par des peti-tes entreprises qui se spécialisent sur le segment demarché urbain le plus solvable (produits stabilisés etconditionnés) et parfois l’exportation. Le volume dece marché constitue un débouché souvent limité pourles productions locales et ne permet la création qued’un nombre limité d’emplois.

Un appui à de telles entreprises est indispensablemais il se fait le plus souvent au détriment des mul-tiples demandes des artisanes et micro-entreprisespour trouver des solutions techniques adaptées àleurs contraintes. De plus, les équipes de rechercheont surtout des compétences techniques alors quel’appui au secteur artisanal agroalimentaire nécessitede mobiliser d’autres disciplines, telles que l’écono-mie, la sociologie et le marketing, pour prendre encompte les attentes et contraintes du marché et lesconditions de rentabilité et d’appropriation des inno-vations. Comme évoqué dans le chapitre précédent,les besoins en termes de recherche sont importants.Ils nécessitent de mettre en place des dispositifs quiassocient les professionnels, la recherche et le déve-loppement, mobilisent des équipes pluridisciplinaireset cherchent à répondre aux besoins des différentestailles de MPEA en maximisant l’impact attendu desinnovations.

À notre connaissance, les interventions dans ledomaine de l’information, du conseil et de la for-mation professionnelle demeurent très rares dans le

45 Quelques IMF commencent à répondre à ces besoins en mi-lieu urbain : Acep au Sénégal, Adefi à Madagascar, Papmeau Bénin.

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Agroalimentaire et lutte contre la pauvreté en Afrique subsaharienne : le rôle des micro et petites entreprises94

secteur agroalimentaire. En matière d’information, onpeut cependant citer le réseau TPA (Technologie et par-tenariat en agroalimentaire), qui avait pour objectif defournir des informations plutôt aux petites entreprises,le réseau Aval (Sénégal, Bénin, Burkina Faso, Mali)issu d’un projet d’échanges entre artisanes qui s’est spé-cialisé dans l’appui aux associations de restauratricespopulaires, le Cite à Madagascar qui a développédes services décentralisés dans les villes secondaires(Torohay). Le projet Infoconseil (MAE/CDE) au Sénégalest un des rares projets à expérimenter un dispositif decofinancement du conseil pour les MPEA en propo-sant également des actions de formation des presta-taires et d’accès à l’information sur les filières agroali-mentaires (voir encadré sur ce projet page 80).

Des projets et appuis financent des actions de for-mation dans l’artisanat, mais le secteur agroalimentaireest marginalisé, voire oublié, sans doute en raison deses spécificités (entreprises de très petite taille, parfoissans local de production, et système d’apprentissagedifférent des autres métiers de l’artisanat). Les expé-riences dans ce domaine (BIT, Suisse Contact, GTZ,MAE, etc.) pourraient cependant alimenter la réflexionsur les appuis au secteur agroalimentaire (voir chapitreprécédent). C’est le cas, par exemple du projetFormivak (MAE/CFSI) à Madagascar, qui, à traversson dispositif de chèques-formation pour le secteur ar-tisanal, touche également les acteurs du secteur agroali-mentaire (voir encadré sur ce projet page 77).

Ces projets, qui actionnent ou interviennent sur undes leviers évoqués dans le chapitre précédent, fontréférence, comme les autres, à la lutte contre la pau-vreté, souvent comme objectif général (objectif auquelle projet contribue), mais les choix faits en termes defilières, de cibles, de stratégies d’intervention, d’ac-tions ainsi que le dispositif de suivi prennent peu encompte la mesure des impacts réels et les effets indi-rects des actions menées sur la LPI et la SA.

�� Une définition stratégiquedes projets pour maximiser l’impacten termes de SA et LPI

Finalement peu de projets d’appui au secteuragroalimentaire explicitent leur contribution à la ré-duction de la pauvreté et des inégalités et à l’amé-lioration de la sécurité alimentaire. Ils se présententcomme une contribution à l’atteinte de ces objectifsmais sans chercher à maximiser leurs impacts. La dé-

finition des projets devrait davantage reposer sur uneanalyse fine du contexte, sur l’explication des hypo-thèses qui sous-tendent la conception des projets, etsur des choix de groupe cible et d’actions qui ont leseffets de levier les plus importants.

Une définition stratégique des projetsfondée sur une analyse fine du contexte

Un projet repose sur des objectifs, mais aussi surun certain nombre d’hypothèses (voire de paris) sur :

� la situation à modifier, les causes des problè-mes constatés, les logiques d’intérêts des différents ac-teurs concernés, d’une part ;

� la façon dont les actions prévues vont modifierla situation, et dont les différents acteurs concernésvont y réagir, d’autre part.

Ces hypothèses sont issues de l’analyse du contextemais également du référentiel conceptuel et métho-dologique dont disposent les acteurs qui conçoiventpuis mettent en œuvre le projet. Elles structurent, aumoins en partie, la conception du projet (définitiondes objectifs et des activités prévues, moyens maté-riels et humains mobilisés, stratégies opérationnelles) ;le point de vue, les priorités des institutions de tutelleet des bailleurs pouvant également influencer leschoix stratégiques (Lavigne Delville et Neu, 2004).

Ceci explique sans doute que la plupart des pro-jets visent à développer le secteur des MPE par desstratégies et instruments de promotion, de modernisa-tion et d’amélioration de la compétitivité, espérant àlong terme induire des effets positifs sur la réductionde la pauvreté. La durée des projets, la recherche derésultats rapides et visibles amènent à privilégier desentreprises en activité, disposant d’une certaine margede manœuvre (capacités techniques financières) et desniches de marchés plus rémunératrices (produits « mo-dernes » pour le marché urbain, produits pour l’ex-portation). Ils se concentrent donc sur les entreprisesà potentiel de croissance et non pas sur celles qui sur-vivent, ni sur l’insertion de nouveaux acteurs, avec lerisque de renforcer les inégalités (notamment d’accèsaux ressources et à l’emploi) en l’absence de démar-ches inclusives et d’une véritable prise en compte desconditions de leurs effets d’entraînement par redistri-bution ou imitation.

Pour éviter cette dérive « naturelle » des projets versles interventions les plus faciles à mettre en œuvre avecdes risques d’impacts plus faibles en termes de sécuritéalimentaire et de lutte contre la pauvreté, une analyse

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fine du tissu économique, des filières, des dyna-miques est nécessaire pour identifier les groupescibles et les actions qui auront les effets de leviers lesplus importants et auront le plus de chance d’avoirdes impacts significatifs. Formuler clairement les hypo-thèses qui sous-tendent les choix stratégiques est éga-lement utile pour s’assurer que les actions prévues contri-buent à maximiser l’impact du projet et pour questionnerces hypothèses en cours d’exécution du projet.

La définition des objectifs etla question du ciblage

La définition des axes stratégiques d’un projet re-pose sur l’identification des groupes d’acteurs, des pointsde blocage de la filière ou du secteur d’activités, etles actions qui vont permettre de lever les contraintesavec un impact maximal sur la SA et la LPI.

Les éléments de caractérisation des groupes sont :� l’activité (ou l’inactivité) : petits entrepreneurs (en-

treprises porteuses de croissance), acteurs menant desactivités génératrices de revenus (survie) et porteurs deprojets ou acteurs sans emploi, ni revenu (insertion) ;

� le rôle ou activité dans une filière : consom-mateurs, commerçants, artisans, producteurs ;

� leur localisation : zone urbaine ou rurale, ter-ritoire (pôle économique, terroir, etc.), zone à fortevulnérabilité ;

� leur situation sociale ou leur « position » par rap-port à un problème donné (ou simplement différenciationsociale) : groupes stratégiques, femmes, jeunes, etc.

Renforcer le rôle des MPEA dans la sécurité alimentaire et la lutte contre la pauvreté 95

La formulation des choix stratégiques des projetsd’appui au développement des MPEA renvoie alorsà une double question :

� comment concilier la recherche de compétiti-vité nécessaire dans le contexte actuel (approvision-nement des villes et mondialisation des échanges) etl’accès des plus démunis à des opportunités d’emploiset de revenus ?

� comment mesurer l’impact sur la réduction dela pauvreté, ou l’effet d’entraînement attendu ou es-péré, des actions en faveur des entreprises à poten-tiel de croissance ?

Cette formulation des choix amène à se poser laquestion du ciblage du projet tant en termes de typesd’entreprises qu’en termes géographiques. Par exem-ple, vaut-il mieux intervenir en milieu rural ou en milieuurbain ? Vaut-il mieux appuyer les producteurs, lestransformateurs ou les commerçants ? cibler les zonesoù la vulnérabilité est la plus élevée ou avoir une ap-proche plus globale de territoire, de région, de filière ?

L’analyse fine du contexte permet de préciser leou les objectifs opérationnels mais les dispositifs et lesactions seront différents selon le groupe « cible ».

À titre d’exemple, la recherche d’amélioration decompétitivité ou d’élargissement de l’offre de produitspour les consommateurs peut amener le projet à choi-sir comme cibles principales des petites entreprises à po-tentiel de croissance, peu nombreuses. Il offrira des ap-puis individuels de conseil, de formation, etc., avantd’envisager une intervention sur l’environnement institu-

Maison du consommersénégalais,Free Work Service,Dakar.

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Agroalimentaire et lutte contre la pauvreté en Afrique subsaharienne : le rôle des micro et petites entreprises96

tionnel qui peut s’avérer plus facile à mettre en œuvreune fois que les entreprises ont atteint un certain niveaude développement et gagné des parts de marché suf-fisantes (capacités de lobbying). Un projet peut aucontraire privilégier des appuis à des groupements d’af-faires (entre micro-entreprises), des appuis institutionnelspour renforcer les organisations professionnelles, et faireévoluer l’environnement des affaires. Ce choix induit desactions et méthodes différentes. Il peut aussi s’orientervers des micro-entreprises artisanales qui représentent uneoffre plus importante (secteur se développant par multi-plication plus que par accumulation) ou choisir de dé-velopper une intervention sur plusieurs secteurs avecdes stratégies et outils différents, de manière progressiveet inclusive. Enfin, le projet peut retenir de favoriser l’in-sertion de nouveaux acteurs dans le secteur où des ac-tions qui visent à créer un environnement plus favorableà l’accroissement de la capacité d’absorption de nou-veaux acteurs (formation professionnelle, accès au cré-dit de démarrage, etc.) peuvent être prioritaires.

L’analyse des impacts attendus de ces différentesstratégies doit permettre d’éclairer les choix straté-giques. Mais on peut se poser la question de la né-cessité ou non de cibler précisément les groupes quele projet va appuyer.

La question du ciblage des bénéficiaires est un débatlatent des interventions de LPI (Lavigne Delville, 2003) :

� doit-on adopter une logique globale, inclusive,visant un ensemble assez large (les paysans, les arti-sans, les habitants de tel quartier ou tel village, les ac-teurs d’une filière, etc.), en considérant que c’est la condi-tion d’équilibre social pour que les « pauvres » soientpartie prenante des actions et de leurs bénéfices ?

� ou doit-on avoir une approche ciblée, avec desactions spécifiquement orientées sur des groupespauvres ou vulnérables ?

Les risques d’un ciblage trop exclusif ne sont pasnégligeables, comme le souligne Gentil (2000). « Sila lutte contre la pauvreté est prise au sérieux, elle peutconduire à un ciblage systématique des interventionsen faveur des régions défavorisées, des infrastructuressociales ou des catégories relativement marginaliséesactuellement. Si un rééquilibrage et une priorisation s’avè-rent souvent nécessaires, il faut cependant ne pas êtretrop systématique et se méfier des effets pervers. Il peutêtre tout à fait justifié, du point de vue économique, dese concentrer sur une filière organisée dans une zonerelativement favorable ou sur des producteurs périurbainsperformants, au lieu de disperser les efforts pour des

résultats souvent minces. Mais l’avantage de la luttecontre la pauvreté et les inégalités est de s’obliger àexpliciter les choix et à essayer d’en mesurer les effets.(….) Il paraît en général plus judicieux de partir d’unecompréhension globale, même sommaire, de la diffé-renciation sociale et d’essayer de construire des inter-ventions qui peuvent intéresser différentes catégories so-ciales. (…) Il nous faut avoir en tête qu’une solutionuniforme venue de l’extérieur a de fortes chances den’intéresser qu’une partie souvent mince de la populationet qu’elle peut entraîner plus d’effets d’éviction qued’entraînement, accroissant ainsi les inégalités et ren-dant plus difficile la lutte contre la pauvreté ».

Dans bien des cas, les deux stratégies possiblesdans les cas des MPEA (appui à des micro-entreprises« dynamiques » ou appui à des activités sources derevenus pour les pauvres) ne s’opposent pas néces-sairement et des stratégies hybrides peuvent être en-visagées et doivent même être privilégiées. Une ap-proche différenciée, avec des choix d’actions différentsselon les types d’acteurs ou avec des mesures spéci-fiques pour les pauvres au sein d’une stratégie globale,peut être adoptée, sachant que l’approche inclusivecourt toujours le risque d’être inégalitaire, c’est-à-direde ne pas profiter à tous de la même façon, ni dansles mêmes proportions (Lavigne Delville, 2003).

�� Implications pour l’identificationet la conception des projets

Promouvoir une définition stratégique des projetsd’appui au secteur des MPEA amène à formuler uncertain nombre de recommandations pour identifieret concevoir ces projets.

Réaliser un diagnostic fin,en dialogue avec les acteurs du secteur

Prendre en compte la lutte contre la pauvreté etles inégalités et la sécurité alimentaire dans les pro-jets nécessite d’aller au-delà des définitions standardsdes objectifs des projets et :

� de qualifier précisément quelles inégalités etquelles exclusions le projet cherche à combattre ;

� de préciser la façon dont celles-ci s’exprimentet se matérialisent pour les différents groupes d’acteurs ;

� d’identifier les facteurs qui les produisent ou lesreproduisent et de repérer les intérêts ou routines quel’action va remettre en cause ;

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Renforcer le rôle des MPEA dans la sécurité alimentaire et la lutte contre la pauvreté 97

� et enfin, de raisonner explicitement la stratégied’action par rapport à ces analyses, de façon à engarantir la pertinence.

En effet, pour une même entrée technique, dansune même zone, les différentes catégories d’acteursne font pas face aux mêmes inégalités ou exclusions,ni de la même façon. Certains peuvent cumuler les han-dicaps (Lavigne Delville, 2003). Des groupements defemmes dans des quartiers périphériques peuvent êtreconfrontées à des difficultés d’accès au crédit mais ellessouffriront en plus d’une exclusion géographique si unemutuelle s’installe au centre du village et une exclusionsociale parce qu’elles n’auront pas pu participer auxréunions qui ont abouti à ce choix.

D’autre part, en fonction de la façon précise dontest définie l’objectif de l’action, en fonction aussi dutype d’inégalité ou d’exclusion auquel on veut s’affronter,on ne se donnera pas exactement les mêmes objec-tifs opérationnels, ni les mêmes modes d’actions.

Réduire ou supprimer des inégalités d’accès (à desressources, à des services, à des biens collectifs oupublics), c’est ainsi s’affronter à des facteurs d’ex-clusion, plus ou moins nombreux, qui se combinentou non selon les acteurs.

Pour être pertinents et cohérents en termes opé-rationnels, il est nécessaire, à partir d’un diagnosticsuffisamment précis de ces facteurs et de la façon dont

ils jouent pour les différents types d’acteurs, de pré-ciser la ou les inégalités et exclusions qu’il s’agit deréduire ou de supprimer et de spécifier la façon dontles différents acteurs concernés y sont soumis, afin deconstruire une stratégie d’action qui soit cohérente avecce diagnostic (Lavigne Delville, 2003).

Ces diagnostics approfondis et/ou analyses plusfines des contextes ont pour objectifs d’identifier les ac-teurs et les enjeux, en prenant en compte les différen-ciations sociales et en repérant les inégalités et formesd’exclusion déjà existantes et celles qui risquent d’êtregénérées par l’intervention. Cette démarche permet dedistinguer au sein des parties « prenantes » souvent clas-siques du cadre logique (les élus, l’administration, lespaysans, les commerçants, etc.), des sous-groupes oudes groupes « stratégiques » (acteurs qui partagent lemême intérêt par rapport à un problème donné), dontles membres peuvent être issus de ces différents groupesd’acteurs (Lavigne Delville, 2000). Le « ciblage » peutalors être plus précis, plus proche des réalités sociales,en prenant en compte les acteurs qui peuvent avoir uneinfluence sur les résultats du projet. Mais une telle dé-marche présente aussi des limites en termes de durée(méthode souvent plus longue que les classiques étudesde faisabilité) et de mise en œuvre (mobilisationd’équipe pluridisciplinaire). Le niveau d’observation peutmasquer certains groupes qui, par exemple, ne peu-

Exemples autour d’un projet d’accès au crédit

Le projet vise-t-il : 1) à offrir un accès à du crédit formel dans une zone où il n’y en avait pas (critèregéographique d’exclusion, sans questionnement sur les différenciations internes à la zone) ? 2) à assurerun accès le plus large possible (degré d’inclusivité interne à la zone d’intervention) ? 3) ou bien aussi àlutter contre les inégalités internes à la région d’accès aux crédits et aux opportunités économiques ?

Dans le premier cas, on ne s’interroge pas sur les personnes qui ont effectivement accès, et l’existenced’un système de microfinance équilibré sera un résultat suffisant.

Dans le second cas, on s’oblige à aller au-delà, à questionner le taux de pénétration et à comprendrepourquoi certains acteurs n’ont pas recours au crédit, s’il n’y a pas des exclusions secondaires qui enlimitent l’impact ; on se demandera si les hameaux isolés ont un accès effectif ; si telle ou telle catégoriesociale en bénéficie réellement ; si la composition du comité n’induit pas de telles exclusions.

Dans le troisième enfin, on veillera à ne pas trop favoriser d’effets différentiateurs, en privilégiant lespetits crédits, s’il y a une contrainte de moyens et un arbitrage à faire entre petits crédits lourds à géreret crédits individuels plus faciles ; en évitant que l’octroi des crédits individuels ne soit trop médiatisépar l’association locale composée de commerçants et ne soit réservé de fait qu’aux commerçants audétriment des pêcheurs et agriculteurs moyens, etc.

Des objectifs opérationnels en fonction de l’objectif de l’action

Source : Lavigne Delville, 2003

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vent être rendus visibles qu’à un niveau micro. À l’op-posé, si le niveau local est retenu, il existe un risquede perdre de vue des macro-enjeux, sur une filière parexemple. Il est donc souvent nécessaire pour les pro-jets d’appui aux MPEA, de mobiliser d’autres outils dontl’approche filière.

Développer les approches filièreset expliciter les choix

Les approches filières sont souvent mises en œuvredans la conception de projets en combinant des ana-lyses sociales et économiques. Elles peuvent égale-ment prendre en compte des éléments d’analyse spa-tiale. Si des projets de développement ou de soutienà des filières se fixent un objectif explicite d’amélio-ration de la sécurité alimentaire ou de lutte contre lapauvreté, la première question est alors celle duchoix de la filière, du ou des produits. Avec une dé-finition trop large (par exemple, cultures vivrières), leprojet risque d’être submergé et de décevoir les at-tentes. Avec une définition trop étroite (par exemplefilière mil), le projet peut se retrouver face à des gou-lots d’étranglement insolvables (hors de ses possibi-lités d’intervention) ou confronté à des évolutions ducontexte (mauvaise année de production, évolutionsoudaine très défavorable du marché) qui l’empê-cheront d’agir (MAE, Gret, BDS no 12, 2006).

Quelle que soit l’option prise, il est nécessairede bien l’argumenter dès le départ. Le meilleur moyende justifier le choix d’une filière plutôt qu’une autre se-rait de renseigner une liste d’indicateurs qui permet-traient d’effectuer une analyse comparée de la contri-bution de chaque filière à la SA et à la LPI. Nousproposons une ébauche de grille avec les sources d’in-formations possibles (voir tableau 8 ci-contre) qui re-prend d’une part les critères identifiés dans le cadrede la définition des produits spéciaux éligibles auxmécanismes de protection prévus dans les accordsde l’OMC, et d’autre part, les critères d’analyse uti-lisés dans cette étude et présentés dans la deuxièmepartie (voir page 29 et suivantes).

Utiliser une telle grille d’analyse suppose de dis-poser d’informations sur les filières (production, trans-formation, consommation), sur la pauvreté (locali-sation, consommation selon niveau de revenu, etc.)et/ou d’être en mesure de donner une appréciationrelativement précise (même qualitative) sur les diffé-rents critères proposés. Il peut également être utile deréfléchir à une échelle de notation et à une pondé-

Agroalimentaire et lutte contre la pauvreté en Afrique subsaharienne : le rôle des micro et petites entreprises98

ration des différents critères en fonction du contextedu pays (notamment profil de pauvreté), mais éga-lement des objectifs que l’on assigne au projet commedes attentes spécifiques du gouvernement ou dubailleur de fonds.

Si l’objectif est avant tout de développer les revenusdes petits producteurs ou des femmes, d’améliorer ladisponibilité alimentaire ou réduire les importations,les différents indicateurs n’auront pas le même poidsdans le choix de la filière, le plus important étantd’expliciter clairement ces objectifs ou priorités pourjustifier les choix qui seront faits.

Renseigner ces différents critères présente égale-ment l’intérêt de disposer d’éléments sur la situationde départ.

Le choix d’une filière étant fait, l’étape suivanteest d’en réaliser un diagnostic afin d’identifier lescontraintes prioritaires à lever. Une abondante litté-rature46 sur les méthodologies d’analyse de filièreexiste et l’objet de cette étude n’est pas d’en présenterune synthèse. Retenons simplement que ce type d’ana-lyse repose sur une première identification des diffé-rentes activités et états du produit, des différents grou-pes d’acteurs et des flux entrants et sortants de produits(flux physiques mais aussi géographiques).

Cette description technique et économique peutêtre présentée sous forme de graphe de la filière quimet en évidence la chaîne d’intermédiaires et leslieux de transaction entre production et consomma-tion. Elle est complétée par l’identification des liensd’interdépendance et des rapports de force entre ac-teurs économiques liés par des relations commer-ciales, en amont et en aval, d’un même produit et desdynamiques d’évolution de la filière et mécanismesde régulation. Enfin, le diagnostic des dysfonction-nements permet de proposer des solutions ou me-sures de correction qui peuvent être favorables à cer-tains opérateurs et défavorables à d’autres (Cirad,Gret, 2002). Soulignons cependant deux points im-portants relatifs aux critiques dont les analyses defilière classiques ont fait l’objet :

� la première est que de nombreuses analysesfilière s’arrêtent à l’opération de distribution finale desproduits et n’intègrent pas leur consommation. Or, nom-breux sont les cas où le goulot d’étranglement de lafilière se situe au niveau du marché final : les débou-

46 Voir : Griffon (1989) ; Malassis et Ghersi (1992) ; Griffon (2001) ;Cirad, Gret (2002) ; Duteurtre et al. (2004 ) ; Iram (2006) ; Fontan(2006) ; Lesogo (2006) ; www.bdsknowledge.org.

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chés sont insuffisants, les signaux de qualité des consom-mateurs ne remontent pas aux acteurs en amont, etc.Intégrer une analyse de la consommation du produit,de ses contraintes et de ses potentialités dans un dia-gnostic de filière est aujourd’hui reconnu indispensable ;

� le second point a trait à la démarche de l’ana-lyse plus qu’à sa méthode. Comme tout diagnostic tech-nico-économique, croiser les représentations descontraintes des experts et des acteurs économiques eux-mêmes est reconnu comme un moyen d’augmenter lapertinence des actions. Les premiers mobilisent des ou-tils d’analyse économique, d’évaluation des quantités,de paramétrage des facteurs, sur la base de représen-tations simplifiées mais souvent utiles pour cadrer l’ana-

lyse et vérifier sa cohérence globale. Les seconds pos-sèdent une expérience qui intègre de nombreux élé-ments, pas toujours quantifiables, à la fois de ressortséconomique (par exemple, la rentabilité), psychoso-ciologique (par exemple, l’aversion au risque), socio-logique (par exemple, la dépendance entre acteurs),etc. Croiser ces points de vue et représentations surles contraintes d’une filière suppose l’adoption de dé-marches plus participatives que les seules expertisesexogènes.

Dans les études de cas et l’analyse documentaire,nous n’avons pas identifié de projets qui ont appuyéles MPE agroalimentaires dans une démarche de dé-veloppement local. Dans certains cas, les approches

Indicateurs Sources d’information

Contribution du produit à l’apport nutritionnel Enquêtes budget-consommation, enquêtesde la population la plus pauvre au niveau national, alimentaires ou bilans de disponibilité alimentairerégional, ou dans les zones où la vulnérabilité est forte. (pour le niveau national).

Rapport de prix entre le produit et les produits Relevés de prix sur les marchés et en magasins.nutritionnellement similaires et entre le produit finiet le produit brut.

Disponibilité du produit dans les zones ou Données des services d’information sur les quartiers vulnérables. Variations de prix du produit marchés.au cours de l’année.

Sensibilité du produit aux risques sanitaires. Données des services de répression des fraudes etNombre de toxi-infections déclarées liées de la santé.à la consommation du produit.

Elasticité-revenu du produit. Représentations du Enquêtes budget-consommation etproduit auprès des consommateurs. Enquêtes alimentaires.

Importance numérique de la population agricole Enquêtes agricoles.produisant le produit (via surfaces agricoles).

Importance du produit dans les revenus des agriculteurs. Enquêtes agricoles.

Importance de la transformation et de la Enquêtes agricoles ou enquêtes secteur artisanal ;commercialisation du produit en termes de nombre enquêtes alimentaires ou budget-consommation.d’opérateurs impliqués et de revenus générés.

Importance des femmes, des jeunes et des populations Enquêtes agricoles ou enquêtes secteur artisanal ;vulnérables dans les activités de production et enquêtes alimentaires ou budget-consommation.de transformation et commercialisation du produit.

TABLEAU 8 : Grille indicative de critères pour l’analyse etle choix des filières et sources d’information

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territoriales combinées à des approches filières peuvents’avérer nécessaires si l’objectif du projet est de favo-riser l’approvisionnement d’une ville ou de développerle tissu économique d’une zone.

On peut cependant évoquer le programme Écoloc(relance des économies locales en Afrique de l’Ouest)et les outils d’analyse qu’il a développés. Écoloc a étélancé en 1997 à l’initiative conjointe de l’OCDE-Clubdu Sahel et du Partenariat pour le développement mu-nicipal (PDM) dans le prolongement de l’étude desperspectives à long terme en Afrique de l’Ouest (plusconnue par son acronyme en anglais WALTPS). Ce pro-gramme vise à doter les communes africaines des ou-tils nécessaires à l’exercice effectif des responsabilitésqui leur incombent, à commencer par une informationde qualité sur l’économie réelle de leurs territoires. Il in-clut une phase d’étude, une phase de dialogue socialet de concertation, et une phase de promotion écono-mique et de relance des activités (Club du Sahel/OCDE,PDM, 2001). Il met essentiellement l’accent sur l’im-portance de l’accès à l’information qui conditionne lacapacité des différents opérateurs à appréhender lemonde dans lequel ils vivent, à formuler des stratégiesou à défendre au mieux leurs intérêts. Cette démarchevise donc à renforcer le pouvoir par la connaissance(empowerment by knowledge) pour les opérateurs sou-vent pénalisés par le processus de décentralisation.Cette connaissance leur permet de développer desintérêts locaux autour de stratégies de développementlocal. L’augmentation de la capacité d’interaction entreles acteurs permettrait ainsi un enrichissement et une re-dynamisation de l’économie locale47.

Des recherches et réflexions sont également me-nées dans plusieurs pays d’Afrique sur les clusters oules systèmes agroalimentaires localisés caractérisés parune agglomération spatiale d’entreprises apparte-nant à un même secteur d’activités48. Comme pourÉcoloc, ces travaux n’ont pas, à notre connaissance,été valorisés dans le cadre de la définition de pro-jets spécifiques d’appui au développement des MPEA.

Définir les interventions en fonctiondes différents types d’acteurset des contraintes à lever

Une approche globale mais différenciée, miseen œuvre pour des projets d’appui aux MPEA, amèneà définir une stratégie d’intervention qui combine dif-férentes actions et modalités selon les acteurs, lecontexte et les contraintes à lever. De plus, comme

Agroalimentaire et lutte contre la pauvreté en Afrique subsaharienne : le rôle des micro et petites entreprises100

mentionné dans la deuxième partie, l’appui au dé-veloppement des MPEA dans une optique d’amélio-ration de la sécurité alimentaire et de lutte contre lapauvreté doit reposer sur un ensemble d’actions com-plémentaires, qui peuvent être menées à différenteséchelles d’intervention (local, régional, national et in-ternational) et à différents niveaux de la filière.

On note ainsi un double mécanisme de complexi-fication (verticale et horizontale) des dispositifs d’ap-pui et des stratégies d’intervention possibles.

Au niveau horizontal du secteur de la transforma-tion, les dispositifs peuvent cibler l’amélioration des dif-férentes fonctions de l’entreprise (gestion des ressourceshumaines et management, approvisionnement en ma-tière première et consommations intermédiaires, pro-duction, commercialisation, comptabilité et gestionfinancières) avec des appuis qui varient selon la taille,le fonctionnement et le type d’entreprises. Commenous l’avons vu dans le chapitre précédent, les actionsportent sur l’accès à des services financiers (crédit) etnon financiers (formation, conseil, information) et la pro-motion de dispositifs de recherche-développement« multi-acteurs ».

Au niveau vertical, les dispositifs d’appui peuventchercher à appuyer la structuration professionnelle(fonctions de représentation et de lobbying, de négo-ciation et de services aux membres des organisations)et l’amélioration de l’environnement des affaires (fonc-tions de contrôle, de régulation, de définition des poli-tiques et de financement d’investissements de l’État etdes collectivités locales). Ces interventions ont notam-ment pour objectif d’améliorer le fonctionnement desfilières. Elles peuvent être complétées par d’autres ac-tions qui concernent les acteurs en amont (producteurs,transporteurs, commerçants) ou en aval des filières (dis-tributeurs, consommateurs).

Dans la gamme d’actions possibles (du techniqueau commercial, de l’entreprise aux organisations età l’environnement institutionnel), il s’agit alors de dé-finir une stratégie réaliste, en fonction des référentielsexistants, de l’état de développement des MPEA etdes compétences disponibles sur place. Le cas du pro-jet de « Dynamisation des filières vivrières » (Dynafiv)en Guinée, en encadré, illustre les choix et les typesd’actions tenant compte des critères de LPI et de SA.

47 Des supports méthodologiques, les résultats des études réaliséeset divers documents sont disponibles sur le site http://isur.iep.free.fr/docoursisur/PDM/data/html_/home.html.

48 Voir en particulier tous les travaux du GIS Systèmes agroali-mentaires localisés : www.gis-syal.agropolis.fr.

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Renforcer le rôle des MPEA dans la sécurité alimentaire et la lutte contre la pauvreté 101

Le projet Dynafiv (Dynamisation des filières vivrières) a pris la suite d’un premier « Programmed’appui à la sécurité alimentaire » (Pasal) qui cherchait essentiellement à améliorer la compétitivité duriz local face au riz importé. Cette évolution à partir de 2002 a marqué l’élargissement des activitésaux principaux produits vivriers.

Depuis le début des années 1990, le gouvernement guinéen a fait de la sécurité alimentaire unepriorité. Il s’est notamment fixé comme objectif d’atteindre progressivement l’autosuffisance en riz en2005. Au cours de la dernière décennie, la production locale de riz couvrait de 60 à 70 % desbesoins du pays. La production a augmenté de 40 % entre 1991 et 1997, soit une hausse de 7 %par an, plus élevée que la croissance démographique. On note par ailleurs un fort développement ducommerce du riz local étuvé estimé à 100 000 tonnes, la consommation de Conakry passant de6 000 t en 1994 à 40 000 t en 1999. Les importations de riz assurent les deux-tiers de la demandesolvable. Avec l’amélioration du réseau routier, le riz importé accède à toutes les régions de Guinéeet garantit un approvisionnement alimentaire grâce à un prix souvent plus accessible que le vivrierlocal, en périodes de soudure ou d’élévation conjoncturelle des prix (1998). La question centrale estdonc la substitution des importations par la production locale de riz.

Une réflexion a été menée sur les possibilités d’intervention pour atteindre cet objectif à partir d’uncertain nombre d’hypothèses sous-jacentes :

> l’agriculture familiale doit être favorisée en augmentant les revenus agricoles ;

> de meilleurs prix agricoles favorisent l’investissement et l’accès aux services et permettentl’augmentation de la productivité des facteurs ;

> le développement des marchés ruraux et urbains est la base de transformation des systèmes deproduction et de croissance de la productivité et des revenus ruraux ;

> contrairement aux marchés d’exportation, les marchés intérieurs et sous-régionaux de produitsprimaires ont un potentiel de croissance illimité (croissance des urbains par rapport aux ruraux).Un diagnostic initial a conduit à identifier une série de contraintes qui se situent essentiellement enaval de la filière : déficience des systèmes de transformation du paddy local augmentant les coûtset limitant l’accès au marché, déficience des systèmes de transport, oligopole de commerçantsgrossistes locaux et d’importateurs.

Complémentaires aux actions d’appui à la production agricole menées par d’autres projets, lesinterventions de ce programme se sont alors articulées autour de deux axes : la définition d’unepolitique de sécurité alimentaire d’une part, l’appui aux acteurs de l’aval des filières vivrières d’autrepart. Dynafiv est ainsi structuré en trois composantes :

> la première a pour objectif le développement de la commercialisation des produits vivriers locaux.L’hypothèse centrale est que le développement de la commercialisation des produits (appui à latransformation des produits agricoles et accès au crédit pour les commerçants de produits vivriers)doit permettre de diminuer le recours à des produits importés pour l’alimentation des populationsurbaines et de stimuler la production ;

> la seconde composante, la plus récemment développée par le programme, concerne l’appuià la professionnalisation des opérateurs avals des filières vivrières dans une perspective depérennisation des acquis du programme ;

> la troisième composante vise à apporter un appui à l’élaboration des politiques agricoles favorisantle développement des filières vivrières locales et améliorant la sécurité alimentaire (mise en placede systèmes d’informations sur les filières vivrières, études sectorielles, participation à l’élaboration duDocument stratégique de réduction de la pauvreté, de la Lettre de développement de la politiqueagricole, création du Comité national des négociations commerciales internationales, etc.). .../...

Le projet Dynafiv en Guinée49

49 Cette analyse a été faite sur la base de l’abondante littérature des projets Pasal et Dynafiv et d’une synthèsepartielle réalisée par Fontan (2004).

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Développer une capacité d’appui aux MPEA

Les chapitres précédents ont mis en évidence laspécificité du secteur des MPEA, tant dans le fonc-tionnement des entreprises que dans les besoins et mé-thodes d’appui. Les offres de services d’appui finan-ciers et non financiers ont également montré desfaiblesses en termes de produits (financiers, informa-tion), de nombre de prestataires, de compétences, delocalisation. Les projets d’appui doivent donc cher-cher à pallier ces contraintes en développant descapacités d’appui pérennes. Lors de la conceptiondu projet, une analyse de l’offre de services devra êtreréalisée qui débouchera sur des éléments de straté-gie en termes de formation, d’appui institutionnel quipermettront de combler les éventuels déficits identifiés.Il convient cependant de souligner que le dévelop-pement de services durables et viables nécessite sou-vent des interventions sur une durée plus longue quela construction d’infrastructures de stockage parexemple. Les bailleurs doivent donc envisager desfinancements sur une période en adéquation avec lesambitions et objectifs du projet.

Le développement de compétences d’appui devraitégalement concerner les services publics qui connais-sent mal le secteur, en ont parfois une image très né-gative ou ne savent pas comment le prendre en comptedans les dispositifs d’appui public, par exemple de for-mation ou de recherche. Des actions et moyens spé-

Agroalimentaire et lutte contre la pauvreté en Afrique subsaharienne : le rôle des micro et petites entreprises102

cifiques peuvent être prévus dans les projets en termesde formation, de participation aux comités de pilotage,aux phases d’évaluation, de bilan interne ou de capi-talisation. L’implication des agents de l’État contribueà favoriser l’intégration ou la prise en compte des ré-sultats des projets (méthodes, démarches, outils) dansles politiques publiques.

Intégrer une dimension de recherche-actionavec les entreprises et les dispositifs d’appui

L’objectif des projets est, entre autres, d’expéri-menter, mettre au point et valider des approches etdes méthodes. Cela suppose de pouvoir examiner,avec les entreprises et les dispositifs d’appui, l’efficacitédes solutions et dispositifs proposés, les résultats et lesdifficultés rencontrées, afin envisager des modifica-tions ou de nouvelles expérimentations en cours d’exé-cution ou de valider les acquis de ces projets. Dèsla conception, des dispositifs et moyens doivent doncêtre prévus qui peuvent être inclus dans le dispositifde suivi-évaluation (réunion d’échanges, analyses ouétudes ponctuelles, capitalisation, etc.).

Expliciter les choix dans le cadre logique

De plus en plus de bailleurs utilisent, avec quelquesvariantes, la méthode du cadre logique mise au pointpar l’Union européenne. Celle-ci repose, pour laphase de définition, sur l’identification des problèmes

Le diagnostic avait mis en évidence la nécessité de favoriser l’accès à des ressources matérielles etfinancières pour permettre de développer la transformation (achat du riz au producteur, acquisition dumatériel et fonds de roulement pour le décorticage). Le projet s’est posé la question du groupe « cibleprioritaire » : producteurs, artisanes (décorticage manuel), commerçant(e)s, individus ou groupements,pour atteindre l’objectif du projet (augmentation de l’offre de riz étuvé sur le marché) et accroître sacontribution à la LPI. Ces questions renvoient à l’identification des acteurs stratégiques dans unefilière par exemple ou dans une aire géographique par rapport à cet enjeu et aux inégalités et formesd’exclusion existantes ou qui risquent d’être générées par l’intervention selon le dispositif retenu.

Le projet Dynafiv a choisi d’intervenir en aval de la production en appuyant la transformation et lacommercialisation et non les producteurs (qui sont tout de même concernés par ce projet par des effetsplus indirects). Différents moyens ont alors été mis en œuvre selon les besoins et les groupes ciblesen favorisant l’appui aux femmes : des crédits (sous forme de caution mutuelle pour les commerçantset individuelle pour les transformateurs), des actions au niveau de la formation, de l’apprentissage,du conseil… (Fontan, 2004).

Le projet Dynafiv illustre bien les possibilités d’interventions combinées et complémentaires mêmesi la composante 3 ne s’est pas directement intéressée à l’amélioration de l’environnement de latransformation, mais globalement de la filière riz et des autres filières vivrières.

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(recherche des relations de causes à effets) qui sontensuite traduits en objectifs, sur l’identification desparties prenantes et des différentes stratégies pos-sibles pour atteindre l’objectif spécifique du projet, etenfin sur la formulation de résultats et d’indicateurs devérification de l’atteinte de ces résultats. Cette méthodereprésente de nombreux avantages pour les bailleursde fonds : un gain de productivité et d’objectivité, desprojets mieux conçus et plus cohérents. Cependant,quelques inconvénients sont souvent cités : la rigiditéet le manque de flexibilité, la tendance à favoriser unegestion bureaucratique des projets, une faible parti-cipation en pratique des bénéficiaires lors de l’éla-boration des projets… De plus, les projets concernéspar cette approche sont souvent limités dans la durée(Castellanet, 2003).

D’autres outils peuvent être utilisés50. L’objectifest, avant tout, de représenter de façon synthétiquela logique interne d’un projet. Cet exercice est utile,voire indispensable, pour concevoir un projet et for-maliser les choix de publics et d’actions, pour le pré-senter à d’autres acteurs, pour le piloter. Cela per-met de confronter les points de vue et analyses desacteurs concernés, de se mettre d’accord sur ce quel’on veut faire et comment (Neu, 2005).

�� Implications pour le pilotageet le suivi-évaluation

Un projet, une action de développement, un dis-positif d’appui doit être en mesure d’adapter sa stra-tégie, ses modalités d’intervention, ses activités etdonc être capable de se doter de moyens de suiviet de pilotage pour vérifier son adéquation avecl’évolution du contexte, l’attente des MPEA, les résultatsattendus. Ainsi, le suivi de la consommation après lespremières campagnes de promotion des céréales lo-cales au Sénégal a montré par exemple que le mes-sage « consommer sénégalais » s’avérait inefficace.Des enquêtes ont alors permis de modifier les straté-gies de communication en les axant notamment surles vertus du mil reconnues par les consommateurs(santé, force). Les ventes des micro et petites entrepriseset l’activité des ateliers de mouture ont augmenté.L’analyse de l’impact des sessions de formation sur

Renforcer le rôle des MPEA dans la sécurité alimentaire et la lutte contre la pauvreté 103

la maîtrise des procédés et de la qualité a amené àchanger les modalités de leur mise en œuvre. Des ac-tions de formation au sein même des entreprises ontremplacé les sessions collectives auxquelles partici-paient souvent les seuls chefs d’entreprises. Elles ontpermis des progrès importants en renforçant les ca-pacités des agents directement impliqués dans laproduction, qui n’étaient pas en mesure de valoriserles supports écrits des formations.

Le choix des actions et les modalités d’interven-tion dans une filière sur un secteur donné peuvent avoirdes effets positifs en termes de LPI sur les groupes« cibles », mais ils peuvent induire des effets négatifssur d’autres groupes d’acteurs, jusqu’à induire des phé-nomènes d’exclusion. À titre d’exemple, la mise aupoint, la fabrication locale et la diffusion des décor-tiqueuses à céréales au Sénégal ont permis le déve-loppement de petites entreprises qui proposent desproduits secs en sachets. Elles ont créé des emploiset des revenus et permis un accès plus large aux pro-duits céréaliers locaux à Dakar. On peut cependantse poser la question des effets sur les pileuses qui ti-raient leurs revenus de la prestation de service de dé-corticage manuel (pilon-mortier). Qu’en est-il du mar-ché et donc des revenus des micro-entreprises arti-sanales (femmes productrices de couscous humide,vendu dans les marchés et dans les quartiers) ? La priseen compte de ces effets connexes nécessite-t-il le dé-veloppement d’actions spécifiques pour limiter les im-pacts négatifs ?

Certaines modalités d’intervention peuvent ren-forcer, voire induire de nouvelles inégalités, maispeuvent aussi créer de nouveaux secteurs d’activités.Ainsi, la diffusion des moulins, des râpes à maniocet des presses à huiles en Afrique de l’Ouest a faitémerger un nouveau groupe d’acteurs : meuniers dequartiers, petits prestataires en milieu rural. Elle a per-mis d’améliorer la productivité et de diminuer la pé-nibilité du travail. Mais elle a aussi entraîné une pertede contrôle et de maîtrise des activités et des filièrespar les transformatrices qui ne disposaient pas d’ac-cès aux ressources leur permettant d’assumer cesfonctions. Il en est de même pour la filière halieutiqueoù la diffusion des fours à poisson a entraîné l’arri-vée des hommes dans la filière du poisson fumé auSénégal. Les femmes qui maîtrisaient jusqu’alors le sec-teur n’ont tiré aucun bénéfice de cette innovation,qui a même eu, dans certains cas, des impacts né-gatifs en termes de marché en raison de la capacitéde production de ces nouveaux acteurs masculins.

50 D’autres outils peuvent être utilisés, tel que le tableau logiquequi ressemble au cadre logique de l’Union européenne, sansen avoir la rigidité (Neu, 2004 ; Neu 2006).

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Ces quelques exemples mettent en évidence lacomplexité des choix et les impacts multiples d’une in-tervention. Ils renvoient aux modalités de pilotage et auxoutils de suivi-évaluation des projets. Ceux-ci doiventêtre bien conçus pour pouvoir renseigner les indicateurset analyser l’avancée d’un projet, pour bien le piloteret le réorienter ou prévoir de nouvelles actions si né-cessaire. Ils doivent également aider le projet à connaîtrel’impact effectif des actions et à capitaliser sur les mé-thodes. Qui le projet touche-t-il réellement ? Qui laisse-t-il au bord de la route, volon-tairement ou non ? Quelssont les résultats des actions et dispositifs expérimentés? Quels sont les impacts directs et les effets indirectsdes interventions pour les différents types d’acteurs ?

Le suivi-évaluation : un outil de pilotagestratégique du projet et le fondementde stratégies de capitalisation d’expérience

Le suivi-évaluation est le dispositif de collecte etde traitement de l’information permettant, au cours del’action, de suivre les actions réalisées et leurs effets,et de les ajuster ou les réorienter en cas de besoin.Il vise à donner, en temps réel ou par périodes (mois,trimestre, année), des informations, qualitatives ouquantitatives, structurées et pertinentes sur :

� l’avancée du projet et les écarts aux prévisions ;� l’atteinte des résultats qualitatifs et quantitatifs

du projet ;� les causes des résultats observés.

Ces informations sont destinées : � aux équipes opérationnelles pour leur permettre

de mesurer leur travail et son impact ;� au responsable du projet pour jouer son rôle

dans la coordination et le pilotage du projet, et dé-finir avec les équipes opérationnelles la program-mation des actions ;

� au maître d’ouvrage et aux bailleurs de fonds,pour vérifier la bonne avancée du projet, prendre lesdécisions stratégiques (comité de pilotage), mesurerl’impact de leur action ;

� aux partenaires et bénéficiaires, pour leur res-tituer les résultats et en débattre avec eux.

Ainsi, le suivi-évaluation n’est pas un instrument decontrôle, ou seulement une obligation vis-à-vis dubailleur de fonds. C’est avant tout un outil fonda-mental pour l’action, permettant à la fois de vérifiersi les choses se passent comme prévu, ou de repé-rer des problèmes éventuels et de les corriger (fonc-

Agroalimentaire et lutte contre la pauvreté en Afrique subsaharienne : le rôle des micro et petites entreprises104

tion de suivi et de pilotage) et de tirer les enseigne-ments de l’action (fonction de capitalisation). C’est unoutil de pilotage stratégique du projet pour suivre, orien-ter/réorienter les actions ou la stratégie en fonctiondu déroulement de l’action et des retours, et le fon-dement de stratégies de capitalisation d’expérience(Lavigne Delville et Neu, 2004).

Un besoin de suivi et de feed-back

Le suivi de projet et ses systèmes d’information surses effets en cours de réalisation (feed-back) sont desoutils nécessaires pour vérifier la cohérence entre lepublic visé et le public effectivement touché, entre lesactions et les objectifs, et pour évaluer la satisfactiondes bénéficiaires et objectiver l’atteinte des objectifsen termes de LPI. Les cadres d’intervention des pro-jets et programmes sont de plus en plus rigides.

Après une phase d’identification sous forme de mis-sions courtes, réalisées souvent par des experts inter-nationaux, un ou deux ans avant le démarrage effec-tif, le programme est défini en précisant les groupes« cibles », les actions détaillées et planifiées, les résul-tats quantitatifs (mesurables) sur lesquels repose le dis-positif de suivi-évaluation. Or ces démarches montrentleurs limites car elles ne permettent pas de réadapta-

Équipement traditionnel pour la transformationdu manioc (Bénin).

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tion des actions en fonction de l’évolution du contexte,liée parfois à l’intervention même. Ceci est vrai pourle suivi-évaluation mais également pour l’évaluationelle-même. Celle-ci se réfère au cadre logique de dé-part et aux résultats quantitatifs indiqués, souvent pré-férés aux résultats qualitatifs pour lesquels les « indica-teurs objectivement vérifiables » prévus dans le cadrelogique sont plus difficiles à définir et renseigner.

Trop souvent l’évaluation des effets des projetsen termes de lutte contre la pauvreté ou de sécuritéalimentaire est peu détaillée. L’atteinte des objectifsque s’était fixé le projet est souvent privilégiée au dé-triment d’une véritable analyse d’impact. Lorsquecelle-ci est menée, la contribution du projet à la luttecontre la pauvreté se limite souvent à la mesure desrevenus induits par le projet, négligeant l’analyse desévolutions de capabilities, les effets en termes d’inéga-lités ou les effets d’entraînement des bénéficiaires surle reste de la population.

Un suivi-évaluation efficace est un dispositif qui pro-cure un ensemble, limité mais pertinent, d’informationslui permettant de suivre et d’adapter son action et sesdécisions. Le dispositif doit être construit à partir d’in-dicateurs à la fois pertinents et faciles à collecter. Dece fait, il est nécessairement construit sur mesure. Lechoix des indicateurs et des modes de collecte desdonnées dépend :

� de l’analyse des situations que l’on souhaite mo-difier (cf. diagnostic) ;

� des objectifs du projet et des activités prévues(cf. cadre logique) ;

� des hypothèses sur les mécanismes par les-quels la série d’actions prévue va influer les réalitéslocales et permettre d’atteindre les objectifs définis.

Les indicateurs varient en fonction des objectifs,tels qu’ils sont définis dans le document de projet ouredéfinis suite à une mission de supervision (LavigneDelville et Neu, 2004).

La sophistication du dispositif de suivi-évaluation,l’équilibre entre indicateurs d’avancement et indica-teurs d’impact, dépend donc de la façon dont les ob-jectifs du projet sont définis, des moyens disponibleset des enjeux de pilotage, avec un souci d’équilibreentre richesse des informations, pertinence pour le pi-lotage de projet et coût d’accès à l’information. Un dis-positif de suivi-évaluation peut ainsi utilement coupler :

� un suivi régulier d’un petit nombre d’indicateursquantitatifs simples, issus de l’action, focalisés sur l’avan-cement mais évaluant aussi les impacts ;

Renforcer le rôle des MPEA dans la sécurité alimentaire et la lutte contre la pauvreté 105

� des études régulières (annuelles, par exemple)sur des indicateurs simples, nécessitant des enquêtesspécifiques ;

� des études ponctuelles, plus compréhensives,sur un certain nombre de sujets apparaissant utiles àapprofondir, au fur et à mesure du déroulement duprojet (Lavigne Delville et Neu, 2004).

Ces études confiées à des agents de terrain, àl’équipe de suivi-évaluation ou à un consultant, peu-vent par exemple permettre de vérifier la satisfactiondes bénéficiaires sur un échantillon d’entreprises oude renseigner des indicateurs plus qualitatifs.

La grille d’analyse utilisée dans cette étude pourévaluer les contributions du secteur des MPEA à l’amé-lioration de la sécurité alimentaire et la lutte contre lapauvreté peut être mobilisée pour définir les disposi-tifs de suivi-évaluation ou pour préciser les informa-tions qui manquent ou les questions pour lesquellesle projet n’a pas de réponse et pourrait envisager desétudes ponctuelles. Elle peut aussi être utile lors de lapréparation des bilans internes, des évaluations inter-médiaires ou finales de projets ou de politiques.

Selon la nature du projet, certaines de ces ques-tions sont sans objet, mais on peut les rappeler ici briè-vement.

� En termes de sécurité alimentaire :– Le projet permet-il d’améliorer la disponibilité dans

l’espace et dans le temps d’aliments, en particu-lier pour les populations souffrant de vulnérabilitéalimentaire ?

– Les produits développés ou promus par le projet sont-ils accessibles au plus grand nombre et notammentaux populations à plus faible pouvoir d’achat. Encas de stratégie de ciblage d’un marché de nichede consommateurs à plus fort pouvoir d’achat,quels mécanismes d’entraînement pour rendre àterme le produit plus accessible au plus grandnombre sont prévus ou mis en œuvre par le projet ?Ont-ils eu les résultats et impacts attendus ?

– Le projet permet-il d’améliorer la qualité sanitairedes aliments (si elle posait réellement problème)pour le plus grand nombre ? Si le projet a visé àcréer un modèle technique ou un modèle d’orga-nisation garantissant une bonne qualité sanitairesur un marché spécifique à fort pouvoir d’achat,quels mécanismes d’entraînement sont mis enœuvre ou prévus pour garantir à terme au plusgrand nombre une amélioration de la qualité sa-nitaire des aliments ? Ont-ils bien fonctionné ?

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– Comment le projet a-t-il tenu compte des aspirationsculturelles et sociales de la population ? Commentces dimensions ont-elles été prises en compte dansles choix des produits, des partenariats, des mo-dalités d’intervention et d’appui, etc. ?

� En termes de lutte contre la pauvretéet les inégalités :

– Combien de personnes ont bénéficié des appuis duprojet et quel est leur profil ? Combien de nouveauxrevenus ou de revenus complémentaires le projet a-t-il contribué à générer, à la fois par les activités direc-tement concernées et par les activités induites (ou com-bien d’emplois créés ou consolidés) ?

– Le projet a-t-il favorisé l’insertion de la populationdans de nouveaux réseaux sociaux, mobilisablesau-delà du projet ? A-t-il permis l’acquisition de nou-velles compétences et la capitalisation d’expé-riences, là encore valorisables au-delà du projet ?En quoi le projet a-t-il renforcé la capacité des plusvulnérables à sortir de la pauvreté ?

– Le projet a-t-il réduit les risques auxquels sont sou-mis les plus vulnérables ? A-t-il conduit à une sé-curisation de leurs revenus et de leurs capabilities ?

– Le projet a-t-il permis au plus grand nombre de par-ticiper et peser d’avantage sur les décisions quiles concernent ?

Agroalimentaire et lutte contre la pauvreté en Afrique subsaharienne : le rôle des micro et petites entreprises106

Le rapide panorama des interventions présenté au début de ce chapitre a permis d’en identifier troisgrands types reposant sur des approches différentes. Le premier regroupe des projets qui cherchentà développer des filières. Certains privilégient une approche par l’accroissement de la productionpuis appuient la transformation et la mise en marché. D’autres partent de l’analyse de la demandepour aider les MPEA et leurs fournisseurs à adapter et diversifier leurs offres. Le deuxième comprendles projets d’appui au secteur privé dont certains se sont spécialisés sur les entreprises de petitetaille. Enfin, le troisième rassemble des projets et institutions qui interviennent dans un domainespécifique en actionnant un ou plusieurs outils d’appui au développement évoqués dans le chapitreprécédent : accès à des services financiers ou non financiers (formation, conseil, information)ou financement de travaux de recherches sur les équipements et procédés. Il est fréquent que lacontribution à la sécurité alimentaire et à la lutte contre la pauvreté soit mentionnée dans lesobjectifs de ces différents projets et dispositifs à travers l’amélioration des revenus et la créationd’emplois ou d’auto-emplois ou le renforcement de capacités. Cependant, elle est souvent peuexplicitée dans les choix qui sont faits (filières, cibles, actions) et peu évaluée dans les dispositifsde suivi-évaluation et de mesure d’impacts.

... /...

> Ce qu’il faut retenir

– Le projet a-t-il réduit les inégalités dans les revenusgénérés, les capabilities et le pouvoir acquis ? Àdéfaut, quels mécanismes sont prévus ou mis enœuvre par le projet pour une réelle réduction à termedes inégalités si le projet avait délibérément choiside cibler des acteurs ou des populations déjà moinsvulnérables que d’autres et quels en sont les impacts ?

Boule de lio (pâte de maïs), Abomey (Bénin).

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Renforcer le rôle des MPEA dans la sécurité alimentaire et la lutte contre la pauvreté 107

Pour que cette contribution soit plus explicite, la définition des projets devrait davantage reposersur une analyse fine du contexte, sur l’explication des hypothèses qui sous-tendent la conception desprojets et sur des choix de groupe cible et d’actions qui ont des effets de levier les plus importants.Il s’agit d’une part de préciser, à partir d’un diagnostic, en dialogue avec les acteurs du secteur, lasituation à modifier en qualifiant précisément quelles inégalités et quelles exclusions le projet chercheà combattre, en précisant la façon dont elles s’expriment et se matérialisent pour les différents groupesd’acteurs et en identifiant les facteurs qui les produisent ou les reproduisent. Il est nécessaire d’autrepart d’expliciter la façon dont le projet pense modifier cette situation (hypothèses) pour raisonner lastratégie du projet par rapport à ces analyses et en garantir la pertinence.

La question du ciblage renvoie à deux stratégies possibles dans les cas des MPEA : l’appui à desmicro-entreprises « dynamiques » ou l’appui à des activités sources de revenus pour les pauvres.Elles ne s’opposent pas nécessairement et des stratégies hybrides peuvent être envisagées.Une approche différenciée, avec des choix d’actions différents selon les types d’acteurs ou avec desmesures spécifiques pour les pauvres au sein d’une stratégie globale, peut être adoptée.

Les interventions varient en fonction des différents types d’acteurs et des contraintes à lever. Il s’agit dedéfinir, dans la gamme d’actions possibles (du technique au commercial, de l’entreprise auxorganisations et à l’environnement institutionnel), une stratégie opérationnelle réaliste, en fonction desréférentiels existants, de l’état de développement des MPEA et des compétences disponibles sur place.Les projets devront dans bien des cas prévoir des moyens pour développer des compétences etdispositifs d’appui pérennes. L’objectif est de pallier les faiblesses des acteurs tant privés que publics,en termes de connaissance du fonctionnement du secteur des MPEA et en termes d’offre de produitsfinanciers, de services non financiers et de dispositif de recherche-développement en réponse aubesoin des petites et des micro-entreprises. Enfin, ces choix doivent être explicités dans un cadrelogique qui permet de confronter les points de vue et analyses des acteurs concernés et de se mettred’accord sur ce que l’on veut faire. Représenter de façon synthétique la logique interne d’un projet esten effet utile voire indispensable pour le concevoir, le présenter à d’autres acteurs et le piloter.

Maximiser l’impact sur la SA et la LPI suppose également de se doter d’un dispositif de suivi-évaluation. Il permet de suivre l’avancée du projet, de vérifier la cohérence entre public visé et publictouché, entre actions et objectifs et de repérer des problèmes éventuels et de les corriger (fonction desuivi et de pilotage). Il vise également à objectiver l’atteinte des objectifs en termes de LPI et de tirer lesenseignements de l’action (fonction de capitalisation). Le suivi-évaluation est donc un outil de pilotagestratégique du projet pour suivre, orienter/réorienter les actions ou la stratégie en fonction dudéroulement de l’action et des avis et niveaux de satisfaction des bénéficiaires et partenaires, et lefondement de stratégies de capitalisation d’expérience. Il repose sur le suivi régulier d’un petit nombred’indicateurs à la fois pertinents et faciles à collecter, d’études régulières d’indicateurs souvent plusqualitatifs et d’enquêtes ponctuelles autour de questions précises que se posent les animateurs duprojet au cours de sa mise en œuvre.

De tels dispositifs nécessitent d’une part que des moyens soient prévus pour financer le suivi-évaluation et la capitalisation. D’autre part, la dimension de recherche-action avec les entreprises etles dispositifs d’appui doivent être pleinement intégrés aux projets. Il est également important queles projets disposent d’une marge de manœuvre, d’une certaine souplesse dans la mise en œuvre etde capacités pour pouvoir construire l’adéquation entre l’offre d’appui, la situation réelle et lesaspirations des acteurs du secteur des MPEA. En effet, le succès d’un projet ou d’une action dedéveloppement ne tient pas tant à sa programmation rigoureuse qu’au processus d’apprentissagepar lequel se construisent en même temps les savoir-faire et les dispositifs organisationnels pertinents(Korten, 2006). Enfin, comme nous l’avons souligné, la mise au point, l’adoption et la diffusiond’innovations, le développement significatif d’activités de transformation à petite échelle, lavalidation de dispositifs d’appui sont des processus longs qui nécessitent donc d’envisager uneintervention sur des durées bien plus longues que les projets classiques qui espèrent enregistrer desrésultats visibles en trois ou six ans.

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Après avoir montré la contribution des MPEA à lasécurité alimentaire et à la lutte contre la pauvreté, cettedernière partie présente des recommandations pour va-loriser le potentiel de ce secteur. Le lecteur trouvera àla fin de chaque chapitre les éléments-clés à retenir.

Reconnaître pleinement la place du secteur desMPEA dans l’économie nationale et favoriser l’émer-gence d’organisations professionnelles sont des préala-bles à la définition de politiques publiques favorablesau développement de ce secteur (voir chapitre 1,page 60).

Celles-ci doivent contribuer à l’amélioration, voirela réforme de l’environnement des affaires. La légis-lation du travail, la protection sociale, les réglemen-tations sur la qualité sanitaire des produits, la fisca-lité, les politiques commerciales doivent tenir comptedes capacités financières et du mode de fonctionne-ment et caractéristiques des micro et petites entre-prises. Cette adaptation du contexte réglementaire doitêtre le fruit d’une concertation entre les différents ac-teurs (État, services de contrôle, transformateurs,consommateurs) et doit permettre que la contributiondu secteur aux finances publiques soit plus impor-tante et reconnue, et que les efforts de qualité soientvalorisés. Enfin, l’État et les collectivités locales doi-vent financer des investissements structurants (voir cha-pitre 2, page 66).

Un des éléments-clés de la définition de politiquesd’appui au secteur des MPEA est le développementd’une offre de services adaptés aux spécificités et be-soins des entreprises, en mesure de lever les contraintesqu’elles rencontrent. Les recommandations portent surcinq principaux axes d’intervention : la formation, leconseil, l’information, la recherche et l’accès aux ser-vices financiers (voir chapitre 3, page 73).

Dans les dispositifs de coopération internationalepour le développement, l’accent est mis actuellementsur l’aide budgétaire qui renforce les capacités d’ac-tions de l’État, et donc sa capacité à mettre en œuvreses politiques, en échappant aux contraintes des pro-jets financés par les bailleurs de fonds. L’aide bud-gétaire peut donc permettre une plus grande cohé-rence des interventions publiques. Cette évolution

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peut être une opportunité pour une politique d’appuiaux MPEA. Pour autant, ceci ne sera le cas que sides politiques cohérentes sont définies, avec un soucide pertinence et d’efficacité pour le secteur concerné.Ceci implique en particulier, outre une réelle volontéde prendre en compte le secteur, un dialogue avecses acteurs et la mobilisation des compétences exis-tantes, pour définir les axes d’action et leurs modali-tés de mise en œuvre et assurer ainsi une adéqua-tion à la réalité du secteur. Cela implique en particulierde trouver le bon équilibre entre un objectif de crois-sance et de sécurité alimentaire et un objectif de luttecontre la pauvreté, en faisant de ce ciblage un choixexplicite, et non pas seulement un discours général,sans incidence sur les choix opérationnels.

Par ailleurs, l’accent mis sur l’aide budgétaire nedoit pas faire oublier les apports de projets bienconçus (voir chapitre 4, page 91). Si des politiquescohérentes peuvent aujourd’hui être définies, c’estaussi parce que des projets ont expérimenté, mis aupoint et validé des approches et des méthodes, quipeuvent aujourd’hui être incorporées aux politiques ;parce que des projets ont développé des compé-tences d’appui, permis l’émergence et la consolida-tion d’organismes d’appui. Ce rôle d’expérimenta-tion, de mise au point de références et de méthodesest un atout des démarches « projets » et ne doit pasêtre négligé. De nombreux besoins demeurent en lamatière. Ce sera sans nul doute une modalité de miseen œuvre des politiques publiques d’appui au secteur,là où des efforts spécifiques doivent être faits, là oùdes innovations sont à mettre au point, des compétencesà développer. C’est sans doute dans une articulationproductive entre des choix politiques clairs, élaborésdans une logique pluri-acteurs avec les entreprises dusecteur, et des projets bien conçus comme modalitésde mise en œuvre, que se joue l’efficacité de politiquesd’appui aux MPEA en Afrique. Celles-ci doivent pou-voir stimuler la capacité de ce secteur à offrir à unepopulation croissante et de plus en plus urbaine unealimentation abordable, de qualité, et correspondantà leurs goûts, tout en produisant et distribuant du re-venu à de nombreux acteurs dans les filières. �

Conclusion

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Depuis l’an 2000 et la mise en œuvre des objectifsdu millénaire, les documents stratégiques de réduc-tion de la pauvreté et les projets de développementvisant cet objectif se sont multipliés. Force est deconstater qu’à mi-parcours du délai que s’étaient fixésles 187 pays signataires de ces objectifs, les résul-tats ne sont pas à la hauteur des attentes.

L’Afrique subsaharienne n’apparaît pas engagéedans un processus qui laisse raisonnablement penserque la pauvreté sera réduite de moitié en 2015.Rappelons qu’elle est la seule région du monde qui avu ses indicateurs de pauvreté monétaire se dégraderdepuis quinze ans. Dans un récent rapport sur les 50pays les moins avancés, dont 34 sont africains, laConférence des Nations unies sur le commerce et ledéveloppement montre pourtant que ces pays les pluspauvres ont connu en 2004 la plus forte croissancede leur produit intérieur brut en vingt ans (Cnuced,2006). Mais il montre aussi que cette croissance, es-sentiellement imputable aux pays pétroliers qui ont bé-néficié de l’augmentation du prix du baril et d’inves-tissements étrangers, ne s’est que très peu traduite entermes d’amélioration des conditions de vie, de réductionde la pauvreté, de développement des infrastructures,de l’emploi, de l’éducation ou de la santé.

Pour la première fois, cette institution des Nationsunies, pourtant spécialisée dans les relations entrecommerce international et développement, recon-naît la nécessité de sortir d’un paradigme dominantqui concentre la question du développement sur lesconditions d’insertion dans le commerce mondial etla compétitivité des exportations, et de porter plus d’at-

Vers un autre regard :repartir de la richesse des pauvres

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tention à l’augmentation des capacités productivesde ces pays. Le rapport reconnaît ainsi que dans lespays les plus pauvres, la croissance de la demandeintérieure rend en général compte de plus des trois

Vendeuses de lait caillé à Kolda (Sénégal).L'amélioration des procédés et de la qualité des alimentstraditionnels, en conservant la typicité des produits,est un enjeu important pour répondre à la demande desurbains et favoriser le développement des MPEA.

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quarts de la croissance économique et rejoint encela d’autres économistes (Chenery, Robinson et al.,1986) qui l’ont montré depuis plus longtemps. Unetelle conclusion conduit à changer le regard portésur les économies africaines et orienter l’attentionvers leurs tissus d’entreprises dédiées à cette de-mande intérieure.

Sur un continent qui a connu une urbanisation ac-célérée et une ouverture économique subite, on pou-vait craindre, comme cela a été dénoncé à uneépoque, une rupture entre des villes nourries par desimportations et des campagnes se repliant sur elles-mêmes au fur et à mesure de l’affaiblissement deleurs positions sur les marchés agricoles internationaux.Sans nier l’appauvrissement des ruraux depuis plusieursdécennies, il faut reconnaître que cette rupture nes’est pas produite. L’agriculture s’est orientée vers cesnouveaux marchés urbains. Elle a pu le faire grâceau développement spectaculaire mais silencieux d’unsecteur d’activités d’intermédiation que sont les microet petites entreprises agroalimentaires. Ces activitésse rencontrent dans toutes les filières. Elles sont trèsnombreuses. Elles fournissent des revenus essentiel-lement aux femmes en transformant et distribuant desproduits alimentaires variés, peu coûteux et corres-pondant aux goûts des consommateurs. Leur rôlepour la sécurité alimentaire est incontestable, mêmes’il reste de nombreuses marges de progrès pouraugmenter la productivité du travail, améliorer la qua-lité des produits et diversifier encore l’offre.

Reconnaître l’importance des marchés intérieurs nesuffit pas. Car le regard sur le tissu productif qui luiest dédié reste souvent, là aussi, trop sélectif. Lascience économique peine à rendre compte de l’éco-nomie réelle comme en témoignent par exemple lesstatistiques, durablement aveugles sur ce secteur in-formel. En son sein même, des milliers d’activités res-tent encore non reconnues, celles menées en écrasantemajorité à l’échelle individuelle par les femmes pournourrir la population.

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Dans le monde des développeurs ou des poli-tiques, seules les entreprises accumulant du capital ap-paraissent dignes d’intérêt pour le développement.Elles relèvent pourtant plus souvent du mirage ou duprojet que d’une réalité ancrée dans la société. Les micro-entreprises croissant par multiplication sont à l’anti-pode des projets de modernité portés par l’idéologiedu développement. Le développement doit au contraireconduire à les éliminer avec la pauvreté à laquelle ellessont assimilées. Cette économie réelle, celle qui mo-bilise la très grande majorité de la population, estpourtant génératrice d’emplois pour les plus pauvreset en particulier les femmes. Elle est largement redis-tributive, et valorise les ressources ou les capabilitiesdu plus grand nombre. C’est elle qui assure cequ’Engelhard appelle « la vraie richesse d’une na-tion ». Cette vraie richesse « réside dans le fait que lanation est capable d’offrir, à coût supportable par leplus grand nombre, des biens et services de base enquantité et qualité suffisantes » (Engelhard, 2000).

Reconnaître aujourd’hui les activités économiquesdes femmes en Afrique, reconnaître cette économiepopulaire, ne signifie pas découvrir une nouvellecible pour des projets de développement ou de luttecontre la pauvreté. Cela suppose de commencer parlutter contre une pauvreté du regard de ce qu’est lasociété réelle, celui de l’économie classique, desprojets de développement guidés par une nième so-lution miracle ou un nouveau concept. Car, commele disent E. Ndione et ses collègues d’Enda GrafSahel, l’appauvrissement de l’Afrique n’est pas seu-lement matériel et social, il est aussi sémantique et épis-témique. Il rend compte de la perte des explicationsdes choses de la dépossession des projets de sociétépar les populations. Il faut repartir de ce que les gensfont, de ce qu’ils savent, de ce qu’ils croient, de cequ’ils inventent. « Repartir de la richesse des pauvres,de ce qu’ils ont, et non pas de ce qu’ils n’ont pas,est la seule façon d’envisager de lutter contre la pau-vreté » (Enda Graf Sahel, 2001). �

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121

Cette étude a été coordonnée par Nicolas Bricasdu Cirad et Cécile Broutin du Gret. Elle a mobilisé toutd’abord Nadia Ben Taleb, contractée au Gret pourle démarrage de cette étude pendant six mois, puisJulien Rouyat du Gret Sénégal, ainsi que diverses per-sonnes au travers d’un comité scientifique, d’un comitéde pilotage et d’études de cas sur le terrain réaliséespar différentes équipes africaines.

�� Réunion du comité scientifique

Un comité scientifique s’est réuni au démarrage del’étude le 15 avril 2003. Il était composé de JacquesCharmes et Jean-Luc Dubois de l’Université Versailles-Saint-Quentin (UMR C3ED), Jean-Claude Galandrin del’AFD, Abigail Fallot du Cirad, Anne-Sophie Jouanneau(secrétariat du Réseau Impact) et Philippe LavigneDelville du Gret, et Claude Torre du MAE.

L’atelier a été animé par Nadia Ben Taleb, CécileBroutin et Nicolas Bricas. Son objectif était de dis-cuter les hypothèses de travail et la méthodologiede cette étude. Il s’agissait notamment de discuter etde sélectionner des indicateurs sur les points particulierssuivants :– la typologie des différents types d’activités arti-

sanales agroalimentaires (activités de « sur-vie »ou « d’occupation », micro-entreprises, petites en-treprises, PME, groupements, etc.) ;

– la contribution de l’artisanat agroalimentaire à lasécurité alimentaire des ruraux et des urbains ;

– la contribution de l’artisanat agroalimentaire à lacréation d’emplois et de revenus ;

– la contribution de l’artisanat agroalimentaire à laréduction des disparités ;

– le rôle de l’artisanat agroalimentaire dans la re-connaissance sociale et l’insertion dans les réseaux.

�� Réunions d’un comité de pilotageautour de l’étude

L’avancement du travail et les résultats provisoires ontensuite été discutés par un comité de pilotage qui s’estréuni quatre fois au cours de l’étude (18 avril 2003,11 juillet 2003, 20 octobre 2003 et 6 mai 2004).

Le comité de pilotage était composé de GillesBéville, Joël Dine, Claude Torre puis Michel Pré duMAE, Georges d’Andiau et Philippe Coquart del’AFD, Philippe Lavigne Delville du Gret, Vincent Ribierdu Cirad et Michel Pernot-Dubreuil du CIDR.

�� Réalisation d’études de cas

Il a été retenu de confier à trois stagiaires et à qua-tre consultants africains la réalisation de ces étudesde cas et/ou de collecte de données complémentaires.

Un atelier s’est tenu à Dakar au Sénégal en no-vembre 2003 avec les partenaires africains char-gés de réaliser les études de cas. Celles-ci ont étéréalisées par : – Zacharie Badini du Bureau Sicarex au Burkina

Faso ;– Bio Goura Soulé, Rafiou Bello, Abdoulaye B.M.

Orou, Moussa Gibigaye du Lares au Bénin ;

Déroulement de l’étudeAnnexe 1

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122 Annexe 1 : Déroulement de l’étude

– Khanata Sokona, Babacar Touré, Fatou Ndoye,Mouhamadou Abdoul de Enda Graf Sahel auSénégal.

Ces études comprenaient :� analyse rapide du contexte général – panorama des principaux produits des MPEA ;– statut des MPEA, état des lieux de la législation

et de la fiscalité ;– état des lieux des politiques publiques ;– structuration professionnelle ;– panorama des principaux projets et interventions

dans ce secteur.

� analyse des données sur la consommation

� analyse des prix à la consommation

� analyse de projets à partir d’une grille communeLes projets retenus dans chaque pays sont :

– le projet de développement de la filière manioc(PDFM) financé par l’État, le programme de dé-veloppement des plantes à racines et tubercules(PDRT) financé par le Fida, le programme d’ap-pui au développement du secteur agricole (PADSA)financé par la coopération danoise au Bénin ;

– le projet d’appui aux filières bio-alimentaires (PAF)financé par la coopération canadienne, le projetnational karité (PNK) financé par l’État, le Projetd’appui aux micro-entreprises rurales (PAMER)financé par le Fida, le projet karité de l’ONG Ceci(Centre canadien d’études et de coopération inter-nationale) et le projet d’appui à l’environnementinstitutionnel et au développement du secteur privé(EUIDEV) financé par la coopération française auBurkina Faso ;

– le projet de promotion des céréales locales (PPCL)financé par l’Union européenne, et le projet depromotion des micro-entreprises rurales (Promer)financé par le Fida au Sénégal.

� étude d’un thème spécifique par pays– la contribution de l’artisanat alimentaire à la va-

leur ajoutée nationale et aux recettes publiques auniveau central et local au Burkina Faso ;

– le capital social : base de multiples stratégiespour le développement de l’artisanat alimentaireau Sénégal ;

– la recherche agroalimentaire au Bénin.

Trois stages ont été réalisés par :– Charlotte Fontan, étudiante de l’Université de

Bordeaux qui a réalisé une étude de cas en Guinée

où elle a bénéficié d’un appui de Sébastien Subsolet Yves Guémard du MAE (Projet Dynafiv) ;

– Bérénice Getenet, étudiante du Cnearc (Montpellier)a mené une étude de cas au Sénégal en collabo-ration avec le Gret et Enda Graf ;

– Marie-Joëlle Kodjovi, étudiante à l’École nationalesupérieure agronomique et à l’Université Montpellier1, a mené une étude de cas au Ghana où elle abénéficié d’un appui de Abigaïl Fallot du Cirad.

Rapports de stage produits

– Getenet B., 2005, Comment les consommateursperçoivent-ils l’industrialisation alimentaire ? Les casdes produits céréaliers et laitiers à Dakar. Mémoire(Diplôme d’ingénieur en agronomie tropicale),Option Valor, sous la direction de Bricas N. etBroutin C., Montpellier, Cnearc, 109 p.

– Kodjovi M.-J., 2003, Micro et petites entreprisesagroalimentaires, sécurité alimentaire et lutte contrela pauvreté et les inégalités : étude de cas auGhana. Mémoire (DEA Économie du dévelop-pement agricole, agroalimentaire et rural), sous ladirection de Broutin C. et Bricas N., Montpellier,Ensam, Université Montpellier 1, 105 p.

– Fontan C., 2003, Impact du volet des technolo-gies post-récolte du projet Dynafiv (Guinée Bissau)sur la sécurité alimentaire et la réduction de la pau-vreté, 45 p.

�� Rédaction de synthèses thématiqueset de l’étude

Nadia Ben Taleb au Gret Paris a collecté et ana-lysé une abondante littérature et préparé plusieurssynthèses. Julien Rouyat au Gret Sénégal a réalisé uneétude « Financement des micro et petites entreprisesagroalimentaires et place de l’objectif de lutte contrela pauvreté : état des lieux et recommandations ».

L’étude a été rédigée par Nicolas Bricas du Ciradet Cécile Broutin du Gret. Diverses personnes ont ap-porté leur contribution sur des points particuliers et no-tamment Sandra Barlet, Christian Baron, BénédicteHermelin, Marie-Christine Lebret, Anne-Sophie Brouilletet Marc Levy du Gret, Benoît Daviron, Sandrine Duryet Isabelle Vagneron du Cirad.

Le travail éditorial a été assuré par Danièle Ribieret Hélène Gay du Gret. L’ensemble des travaux a bé-néficié du soutien organisationnel de Mariana Vincenti,assistante au Gret. �

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123

par l’utilisation de codes dans les traitements infor-matiques des données d’enquête sur ce secteur d’ac-tivités et une prise en compte dans la comptabilité na-tionale.

Contrairement à la nomenclature en usage auBénin, nous proposons de séparer les corps de mé-tiers qui ont trait à des activités de production de ceuxqui ont trait aux activités de service.

Cette ébauche de nomenclature des micro et pe-tites entreprises agroalimentaires a été réalisée à par-tir des activités recensées dans les différents pays del’Afrique subsaharienne, des métiers retenus dans lestextes réglementaires de l’artisanat de certains pays(Bénin51 entre autres) et de la nomenclature interna-tionale des métiers. Une telle nomenclature permet uneharmonisation et une simplification des terminologies

Ébauche de nomenclature des microet petites entreprises agroalimentaires

Annexe 2

Activités de production

Corps de métiers :transformation d’amylacés (céréales,tubercules et bananes) et légumineuses

Définition : Activités de transformation commer-ciale des céréales (riz, mil, sorgho, maïs, fonio, teff,éleusine), légumineuses (niébé, soja, pois divers), ra-cines et tubercules (manioc, igname, patate douce,taro, macabo, pommes de terre, etc.) et bananes àcuire (banane plantain, ensète) (sauf boissons).

Exemples de métiers pour les céréaleset légumineuses :

– Fabricant(e)s de grains décortiqués nettoyés (riz,mil, sorgho, fonio).

– Fabricant(e)s de grains étuvés (riz, fonio).– Fabricant(e)s de farines « pures » ou composées

et semoules tamisées.– Fabricant(e)s de couscous et autres produits rou-

lés, précuits ou non.– Fabricant(e)s de pâtes fermentées plus ou moins

liquides (mawé, akassa, ablo, akpan, gowé demaïs du Bénin, etc.).

– Fabricant(e)s de galettes et beignets (mil, maïs,niébé, etc.).

– Boulangers/ères.– Pâtissiers.– Fabricant(e)s de gâteaux, de biscuits.

Exemples de métiers pour les racineset tubercules :

– Fabricant(e)s de cossettes de manioc ou d’ignameséchées.

51 Décret no 2003-569 du 29 décembre 2003 portant approba-tion de la nomenclature des métiers de l’artisanat au Bénin.

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124 Annexe 2 : Ébauche de nomenclature des micro et petites entreprises agroalimentaires

– Fabricant(e)s de farine de cossettes (type foufoude manioc).

– Fabricant(e)s de semoule (type gari de manioc),ou de granules (type attiéké de manioc).

– Fabricant(e)s de pâte fermentée façonnée en« bâton » (type bibolo ou miondo au Cameroun,chikwangue ou kwanga au Congo et en Répu-blique démocratique du Congo).

– Fabricant(e)s de pâte pilée séchée.– Fabricant(e)s de chips frites.

Corps de métiers : fabricationde boissons à base d’amylacés

Définition : Activités de préparation commercialede boissons, fermentées (et donc alcoolisées) ou non,à base de riz, mil, sorgho, maïs, légumineuses (sou-chet), manioc, patate douce, taro, macabo, bananeplantain.

Exemples de métiers : – Fabricant(e)s de boissons non alcoolisées (orchata

au Burkina Faso, marula en Afrique du Sud etNamibie).

– Fabricant(e)s de boissons alcoolisées (dolo desorgho au Burkina Faso, de chapalo de maïs auBénin, de bil bil au Tchad, de « bières » de ma-nioc ou de banane au Rwanda.

– Fabricant(e)s d’alcools (avec une opération dedistillation) : sodabi au Bénin.

Corps de métiers :fabrication de boissons, sirops, confitureset marmelades, sorbets et autres produitsà base de fruits, miel, sève

Définition : Activités de transformation commer-ciale des fruits, fleurs, miel, sève et racines aromatiquesen boissons fermentées ou non, alcoolisées ou non,en sirops, confitures, en sorbets, en morceaux sé-chés, confits, etc.

Exemples de métiers : – Fabricant(e)s de jus de fruits, boissons et sirops.– Fabricant(e)s de marmelades, gelées et confitures. – Fabricant(e)s de morceaux de fruits séchés ou

confits.– Fabricant(e)s d’hydromel ou de tejj.– Fabricant(e)s de vin de palme.– Fabricant(e)s de sorbets.

Corps de métiers : apiculture

Définition : activités de production de miel et d’au-tres produits issus du travail des abeilles.

Exemples de métiers : – Fabricant(e)s de miel.– Fabricant(e)s de cire.

Corps de métiers : fabricationde corps gras d’origine végétale

Définition : Activités à but commercial d’extractionde matières grasses, raffinées ou non, à partir de grai-nes végétales ou de fruits.

Exemples de métiers : – Fabricant(e)s d’huile de palme, de palmiste, de

coco, d’arachide, de karité, de sésame, de ba-lanites, de safou, d’avocat, de soja, etc.

– Fabricant(e)s de pâte d’arachide.

Corps de métiers :fabrication de légumes etcondiments préparés et de sel

Définition : Activités à but commercial de trans-formation de tout produit végétal, agricole ou decueillette, conduisant à la préparation de condimentsalimentaires.

Exemples de métiers : – Fabricant(e)s de pâte de néré fermenté et salé

(type soumbala ou nététou).– Fabricante de concentré de tomate.– Fabricant(e)s de poudres condimentaires à base

de graines, de feuilles (poudre de la sauce bongoet pâte de djansang au Cameroun).

– Fabricant(e)s d’achards et de pickles.– Fabricant(e)s de lamelles ou de poudre de légumes

séchés (oignons, tomates, piments, gombos, etc.).– Fabricant(e)s de sel.

Corps de métiers : fabricationde produits laitiers et glaces

Définition : activités de transformation du lait(vache, brebis, chèvre), cru ou en poudre, en produitspasteurisés, caillés, fermentés frais, en fromages, enbeurre, en glaces.

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125Annexe 2 : Ébauche de nomenclature des micro et petites entreprises agroalimentaires

Exemples de métiers :– Fabricant(e)s de lait pasteurisé, lait caillé et fermenté

(y compris yaourt), beurre et tout produit laitier frais.– Fabricant(e)s de fromages (wagashi au Bénin).– Fabricant(e)s de beurre cuit (ou huile de beurre).– Fabricantes de crèmes fraîches et maturées (féné

du Mali).– Fabricant(e)s de crèmes et glaces à sucer.– Fabricant(e)s de glaces alimentaires.

Corps de métiers : abattage ettransformation de viande, de poissonet de crustacés, coquillages

Définition : activités d’abattage et de découped’animaux, de préparation à la cuisson ou de trans-formations plus élaborées de produits à base de vian-des, poissons et crustacés, coquillages.

Exemples de métiers :– Bouchers.– Charcutiers.– Transformateurs/trices de viande, autres qu’en

charcuterie (lamelles de viande séchée kilishi, bil-tong, de viande boucanée, séchée, fumée).

– Transformateurs/trices de poissons et crustacés(poissons et mollusques salés et/ou fermentéset/ou pressés et/ou séchés et/ou fumés).

Corps de métiers : confiserie,produits de grignotage et friandises

Définition : activité de préparation à but commer-cial de divers produits de grignotage et de friandises.

Exemples de métiers :– Fabricant(e)s d’arachides grillées et de friandises

à base d’arachide.– Fabricant(e) de noix de cajou grillées.– Fabricant(e)s de friandises à base de sucre ca-

ramélé.– Fabricant(e)s d’autres produits de la confiserie.

Corps de métiers : restauration

Définition : activités à but commercial de prépa-rations culinaires et de service permettant une prisede repas.

Exemples de métiers :– Restaurateurs/trices (gargotiers/ières, gargotes,

maquis, cantinier) : producteurs(trices)-vendeurs(ses)fixes dans un local.

– Vendeur(e)s, ambulants ou fixes, dans la rue d’ali-ments préparés sur place (petit déjeuner comme lestangana au Sénégal, vendeurs de brochettes, vian-des rôties, etc.).

– Services traiteurs.

Activités de service

Corps de métiers : meuniers et équivalents

Définition : prestataires de service assurant lafragmentation de matières alimentaires (grains, racineset tubercules) contre rémunération en espèces ou ennature (en gardant une partie de la matière trans-formée).

Exemples de métiers :– Prestataires fixes ou ambulants de service de dé-

corticage du riz, du mil ou autres céréales.– Prestataires fixes ou ambulants de service de

concassage, broyage ou mouture de grains (meu-niers) et de cossettes.

– Prestataires fixes ou ambulants de service de râ-page de manioc ou autres racines et tubercules.

Corps de métiers : presseurs et équivalents

Définition : prestataires de service assurant l’extrac-tion de matières alimentaires contre rémunération mo-nétaire ou en gardant une partie de la matière extraite.

Exemples de métiers :– Prestataires fixes ou ambulants de service de pres-

sage des huiles.– Prestataires fixes ou ambulants de service de pres-

sage des jus de canne ou de fruits. �

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126

ACDI Agence canadiennede développement international

Acep Agence de crédit pour l’entrepriseprivée (Sénégal)

ACM Association de caution mutuelle(Guinée Conakry)

ACP Afrique Caraïbes Pacifique

Adefi Action pour le développement etle financement des micro-entreprises(Madagascar)

Adop Appui direct aux opérateurs privés(projet Burkina Faso)

AFD Agence française de développement(France)

AGR Activité génératrice de revenus

ALPA Artisanat agroalimentaire et lutte contrela pauvreté en Afrique subsaharienne

APE Accords de partenariat économique

Aprofa Agence pour la promotion des filièresagricoles (Burkina faso)

Aprofes Association pour la promotionde la femme sénégalaise

Asacase Association sénégalaise pour l’appui àla création d’activités socio-économiques

ASC Agro-Services Conseils (Bénin)

ASS Afrique subsaharienne

ATCB Association des transformateursde céréales du Burkina Faso

Attesta Atelier énergie solaire et technologieappropriée (Burkina Faso)

Aval Actions de valorisation des savoir-fairelocaux (projet)

BCEAO Banque centrale des États de l’Afriquede l’Ouest

BIT Bureau international du travail(Nations unies)

BTS Brevet de technicien supérieur

CAE Commission économique pour l’Afrique

CAES Centre écologique Albert Schweitzer(Suisse)

CCIA Chambre de commerce, d’industrieet d’agriculture

CDE Centre de développement de l’entreprise

Ceci Centre d’études et de coopérationinternationale (Canada)

CEDEAO Communauté économique des Étatsde l’Afrique de l’Ouest

Cemac Communauté économique etmonétaire de l’Afrique Centrale

Cepepe Centre de promotion et d’encadrementdes petites et moyennes entreprises(Bénin)

CFC Common Fund for Commodities (fondscommun pour les produits de base)(Nations unies)

CGU Contribution globale unique (Sénégal)

Sigles et acronymesAnnexe 3

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127Annexe 3 : Sigles et acronymes

CIDR Centre international de développementet de recherche (France)

Cirad Centre de coopération internationaleen recherche agronomiquepour le développement (France)

Cite Centre d’information technique etéconomique (Madagascar)

CMS Crédit mutuel du Sénégal

CNCR Conseil national de concertationdes ruraux (Sénégal)

Cnearc Centre national d’études agronomiquesdes régions chaudes (France)

CNRST Centre national de recherchescientifique et technologique(Burkina Faso)

Cnuced Conférence des Nations uniessur le commerce et le développement

CRDI Centre de recherches pour ledéveloppement international (Canada)

CRG Crédit rural de Guinée

CSI Contribution du secteur informel(Burkina Faso)

DFID Department For InternationalDevelopment (Royaume Uni)

DSRP Document de stratégiepour la réduction de la pauvreté

Dynafiv Projet de dynamisation des filièresvivrières (Guinée Conakry)

Eidev Projet appui à l’environnementinstitutionnel et au développementdu secteur privé (Burkina Faso)

Enda Graf Enda - Groupes recherches actionsformations (Sénégal)

EQJA Éducation qualifiante des jeunes etdes adultes

Esop Entreprise de servicesaux organisations de producteurs

FAO Food and Agriculture Organizationof the United Nations

FCFA Franc de la communauté financièred’Afrique

Fenafils Fédération des acteurs de la filière laitau Sénégal

Fiab Fédération des industriesagroalimentaires du Burkina

Fida Fonds international de développementagricole

FIT Farm Implements and Tools(projet, Bénin)

FMI Fonds monétaire internationalFNAM Fédération nationale des artisans

du MaliFormivak Projet de formation

des artisans du Vakinakaratra(Madagascar)

FRI Food Research Institute (USA)FSP Fonds de solidarité prioritaireGCIAR Groupe consultatif pour la recherche

agricole internationale Germe Gérez mieux son entreprise

(programme du BIT)GIS Groupement d’intérêt scientifiqueGMP Good Manufacturing Practices Gret Groupe de recherche et d’échanges

technologiques (France)GTZ Deutsche Gesellschaft für Technische

Zusammenarbeit(coopération allemande)

HACCP Hazard Analysis Critical Control Points HCCI Haut Conseil de la coopération

internationale (France)IBIC Impôt sur les bénéfices industriels et

commerciaux (Burkina Faso)IER Institut d’économie rurale (Mali)Ifpri International Food Policy Research

Institute (USA)IMF Institution de microfinanceIMFPIC Impôt minimum forfaitaire

sur les professions industrielles etcommerciales (Burkina Faso)

Impact Réseau Appui aux politiques publiquesde réduction de la pauvreté etdes inégalités (France)

Infoconseil Projet d’accès à l’information etau conseil pour les MPEA au Sénégal

Irag Institut de recherche agronomiquede Guinée (Guinée)

Iredec Institut de recherche et d’applicationde méthodes de développementcommunautaire (Madagascar)

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ISR Impôt sur le revenu (Sénégal)Isra Institut sénégalais de recherches

agricoles (Sénégal)Lares Laboratoire d’analyse régionale et

d’expertise sociale (Bénin)LCPI Lutte contre la pauvreté

et les inégalitésMAE Ministère français des Affaires

étrangèresMPE Micro et petites entreprisesMPEA Micro et petites entreprises

agroalimentairesMRA Ministère des Ressources animales

(Burkina Faso)MRE Maison régionale de l’entrepreneurMSS Mécanisme de sauvegarde spécialNRI Natural Resources Institute

(Royaume Uni)OCDE Organisation de coopération et

de développement économiqueOMC Organisation mondiale du commerceOMS Organisation mondiale de la santéONG Organisation non gouvernementaleOnudi Organisation des Nations unies

pour le développement industrielPadme Projet d’appui au développement

des micro-entreprises (Bénin)Paf Projet d’appui aux filières

bio-alimentaires (Burkina Faso)Pamecas Partenarait pour la moblisation

de l’épargne et du crédit au SénégalPamer Projet d’appui aux micro-entreprises

rurales (Burkina Faso)PAOA Projet d’appui aux opérateurs/trices

de l’agroalimentaire (Sénégal)Papes Projet d’appui aux petites entreprises

du SénégalPapme Agence pour la promotion et l’appui aux

petites et moyennes entreprises (Bénin)Papme Programme d’appui aux petites et

moyennes entreprises (Burkina Faso)Pasal Programme d’appui à la sécurité

alimentaire (Guinée)

PDM Programme de développementmunicipal

PED Pays en développementPIB Produit intérieur brutPLN Projet laitier de N’Djamena (Tchad)PMA Pays les moins avancés PME Petite et moyenne entreprisePNB Produit national brutPPAM Projet de promotion des artisans métal

(Sénégal)PPCL Projet de promotion des céréales

locales (Sénégal)Promer Projet de promotion des

micro-entreprises rurales (Sénégal)PS Produits « spéciaux » R&D Recherche-développement SA Sécurité alimentaireSFD Systèmes financiers décentralisésSismar Société industrielle sahélienne

de mécaniques, de matériels agricoleset de représentations (Sénégal)

STEP Stratégie et technique contrel’exclusion sociale et la pauvreté (BIT)

Syal Systèmes agroalimentaires localisés TEC Tarif extérieur commun (UEMOA)TPA Taxe patronale et d’apprentissage

(Burkina Faso)TPA Technologies et partenariats

en agroalimentaireTPE Très petite entrepriseTransfruleg Association des transformateurs

de fruits et légumes (Sénégal)TVA Taxe sur la valeur ajoutéeUEMOA Union économique et monétaire

de l’Afrique de l’OuestUnesco United Nations Educational, Scientific

and Cultural Organization(Agence des Nations unies pourl’éducation, la science et la culture)

UTA Unité de travail/annéeWALTPS West Africa Long Term

Perspective StudyWiego Women in informal employment :

globalizing and organizing

128 Annexe 3 : Sigles et acronymes

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Agroalimentaire et lutte contre la pauvretéen Afrique subsaharienneLe rôle des micro et petites entreprises

Sécurité alimentaire et lutte contre la pauvreté et les inégalités sontdeux objectifs primordiaux de la coopération internationale pourle développement en Afrique subsaharienne. Les interventions qui enrelèvent tiennent peu compte du rôle et du potentiel que représententles micro et petites entreprises agroalimentaires. Or, ces activitésmarchandes individuelles ou collectives, rurales et urbaines, se sontconsidérablement développées dans toutes les filières alimentairespour approvisionner les marchés urbains nationaux, voire régionaux.Elles fournissent aux citadins, en particulier ceux à faible revenu,des produits adaptés à leur pouvoir d’achat, à leurs habitudesalimentaires et à leurs modes de vie. Elles représentent des milliersd’emplois, surtout pour les femmes qui y valorisent leur savoir-faire.Leur contribution aux revenus et aux capacités des ménages lesplus pauvres est importante.

À partir d’une typologie du secteur et d’une grille d’analyseoriginales, les auteurs étudient le rôle et les contraintes de cesentreprises. La sécurité alimentaire est abordée au traversdes disponibilités alimentaires, de la qualité sanitaire et nutritionnelledes aliments et de leur accessibilité, de la construction des identitésalimentaires contemporaines. La lutte contre la pauvreté ne selimite pas à la génération de revenus. Elle intègre les contributionsà l’augmentation des ressources relationnelles et cognitives, à laréduction des risques et des inégalités et à l’équilibrage des pouvoirs.De nombreux exemples illustrent ces analyses.

Cette étude formule des propositions pour une prise en compte de cesecteur très mal reconnu, et pour une meilleure valorisation de sonpotentiel pour la sécurité alimentaire et la réduction de la pauvreté etdes inégalités : amélioration de l’environnement réglementaire et desinfrastructures, dispositifs de formation, recherche, financement etinformation plus adaptés aux spécificités de ces entreprises.Enfin, cette étude propose des démarches, méthodes et indicateurspour rendre plus explicites les critères de lutte contre la pauvreté dansles projets qui tendent encore trop souvent à n’y contribuer.

Groupe de recherche et d’échanges technologiques211-213 rue La Fayette 75010 Paris, France

Tél : 33 (0)1 40 05 61 61 - Fax : 33 (0)1 40 05 61 10Site Internet : www.gret.orgIS

BN :

2 -

8684

4 - 1

65-3

ISSN

: 1

264

- 335

1Pr

ix :

18

euro

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Cécile Broutin (Gret) et Nicolas Bricas (Cirad)

Agroalimentaire et lutte contre la pauvretéen Afrique subsaharienneLe rôle des micro et petites entreprises

Avec le soutiendu ministère des Affaires étrangères

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