Importance de l'histoire dans les étapes de la compilation du coran

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Collectif al-Hanifiyyah | L’importance de l’histoire dans les étapes de la compilation du Coran 1 L’importance de l’histoire dans les étapes de la compilation du Coran Collectif al-Hanifiyyah Création : 25/12/2013 Au Nom de Dieu, Clément et Miséricordieux « Ce n’est pas nous qui faisons l’Histoire. C’est l’Histoire qui nous fait. » Martin Luther King, « La force d’aimer » Introduction Henri Lacordaire (1802 1861), religieux dominicain, affirmait que « L’Histoire est la mémoire du monde ». C’est donc par son biais que nous pouvons retracer le passé pour les générations futures. Anatole France (1844 1926), de son côté, affirmait quant à lui : « Les livres d'histoire qui ne contiennent aucun mensonge sont très ennuyeux ». Peut-on faire confiance aux données historiques et peut-on vraiment s’y fier ? Si oui, dans quelles proportions et dans quelles mesures ? Ce sont à ces questions que ce modeste article va tenter de répondre, car son importance est de taille dans le thème de la Compilation / Préservation du Coran. I. Les différents types d’historiens Des historiens sincères qui s'élèvent pour dire la vérité, il y en a beaucoup. Mais il existe également des historiens qui écrivent l’histoire et l’inventent pour diverses raisons (politiques, religieuses, idéologiques, etc.). Tant que l’historien, soucieux de la vérité historique, adopte une démarche scientifique et pragmatique, il sera respecté par le peuple, voire même remercié ; dans le cas contraire, il risque d’être la risée des scientifiques, et comble du comble : il finira dans les poubelles de l’Histoire ! À côté de cela, il y a d’autres sortes d’historiens : ceux qui ne font que ressasser les choses passées sans prêter attention à la véracité de ce qu’ils transmettent. Ces derniers sont à l’image de ce qu’en dit notre professeur le cheikh Abdulmajid Kasogbia : « Cette personne est 3 fois ignorante, elle ignore qu’elle est ignorante, elle ignore que celui qui lui a transmis son ignorance était lui-même ignorant et elle ignore qu’elle enseigne l’ignorance à son tour ». Ceci

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L’importance de l’histoire dans les étapes de la compilation du Coran

Collectif al-Hanifiyyah Création : 25/12/2013

Au Nom de Dieu, Clément et Miséricordieux

« Ce n’est pas nous qui faisons l’Histoire. C’est l’Histoire qui nous fait. » Martin Luther King, « La force d’aimer »

Introduction

Henri Lacordaire (1802 – 1861), religieux dominicain, affirmait que « L’Histoire est la mémoire du monde ». C’est donc par son biais que nous pouvons retracer le passé pour les générations futures. Anatole France (1844 – 1926), de son côté, affirmait quant à lui : « Les livres d'histoire qui ne contiennent aucun mensonge sont très ennuyeux ». Peut-on faire confiance aux données historiques

et peut-on vraiment s’y fier ? Si oui, dans quelles proportions et dans quelles mesures ?

Ce sont à ces questions que ce modeste article va tenter de répondre, car son importance est de taille

dans le thème de la Compilation / Préservation du Coran.

I. Les différents types d’historiens

Des historiens sincères qui s'élèvent pour dire la vérité, il y en a beaucoup. Mais il existe également des historiens qui écrivent l’histoire et l’inventent pour diverses raisons (politiques, religieuses, idéologiques, etc.). Tant que l’historien, soucieux de la vérité historique, adopte une démarche scientifique et pragmatique, il sera respecté par le peuple, voire même remercié ; dans le cas contraire, il risque d’être la risée des scientifiques, et comble du comble : il finira dans les poubelles de l’Histoire ! À côté de cela, il y a d’autres sortes d’historiens : ceux qui ne font que ressasser les choses passées sans prêter attention à la véracité de ce qu’ils transmettent. Ces derniers sont à l’image de ce qu’en dit notre professeur le cheikh Abdulmajid Kasogbia : « Cette personne est 3 fois ignorante, elle ignore qu’elle est ignorante, elle ignore que celui qui lui a transmis son ignorance était lui-même ignorant et elle ignore qu’elle enseigne l’ignorance à son tour ». Ceci

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rejoint la parole que l’on rapporte comme étant celle de Jésus (paix sur lui) dans les Évangiles : « Un aveugle peut-il conduire un aveugle ? Ne tomberont-ils pas tous deux dans une fosse ? » (Luc 6, 39). Ce genre d’individus, qui ne font que recopier les choses sans les faire passer par le filtre de la raison critique, ne sont pas aptes pour enseigner quelque chose. Ils ne savent pas faire la différence entre le sel et le poivre. Malheureusement, ne dit-on pas que l’histoire se répète, les historiens aussi ?

II. Les historiens musulmans

Dieu a loué la recherche historique dans le Coran. En effet, il nous indique la voie de la recherche historique et de son but : tirer des leçons du passé afin de bâtir un avenir meilleur. Une science n’est utile que si elle nous sert à quelque chose. Dans la recherche des histoires passées, il y a bien là des sujets de méditation pour les présents afin qu’ils bâtissent un avenir meilleur. Pour cela, les historiens musulmans se sont basés sur la Parole de Dieu :

« Avant vous, certes, beaucoup d’événements se sont passés. Or, parcourez la terre, et voyez ce qu’il est advenu de ceux qui traitaient (les prophètes) de menteurs. » (Sourate 3, 137)

« Ne parcourent-ils pas la terre, pour voir ce qu’il est advenu de ceux qui ont vécu avant eux? Ils étaient [pourtant] plus forts qu’eux et ont laissé sur terre bien plus de vestiges. Dieu les saisit pour leurs péchés et ils n’eurent point de protecteur contre Dieu. » (Sourate 40, 21)

De nombreux autres versets existent également [1]. Respectant la Parole de Dieu, les musulmans ont eu une pléthore de grand historiens tels que Tabari, al-Maqrizi, al-Mas’oudi, Ibn Khaldoun, Ibn Kathir, Ibn al-Athir pour ne citer qu’eux ... C’est que cette matière était et reste utile pour ceux qui désirent se renseigner là-dessus. Mais concernant le sujet de la préservation du Coran, nous l’avons déjà dit dans d’autres articles, l’historien ne devrait pas prendre en considération un certain nombre d’éléments qui lui font faire fausse route dans sa recherche et ses résultats. Il ne faut pas qu’il se dirige vers des sources douteuses, et pour cela il doit s’en remettre aux travaux des spécialistes du domaine de la critique des informations dans le monde musulman. S’il ne fait pas cela, alors il mélangera toutes les informations qu’il trouvera et en fera un compte rendu qui ne sera, en fin de compte, que peu scientifique. La principale problématique fréquemment rencontrée avec les données historiques concerne la vérification de la probité des personnes qui rapportent l’information : c’est par cette mesure que l’on pourra ensuite prendre en considération l’information en tant que telle. Si cela n’est pas fait, on ne pourra pas prêter attention à ces informations, car on ne peut les accepter si les rapporteurs sont entachés de critiques sévères. Pis encore, s’il n’y a aucun rapporteur, dans ce cas, on ne sait pas d’où provient l’information ! C’est pour cela que la

[1] Voir par exemple Coran 30.42 ; 20.99 ; 33.62 ; 35.43 ; 16.36 ; 30.9 ; 40.82

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vigilance est demandée dans ce domaine, surtout sur les rapports concernant la fiabilité du Coran.

III. Les sources islamiques de référence

Pour terminer ce court article, présentons les diverses sources utilisées par les historiens dans leur démarche par rapport à la compilation du Coran :

SAYF IBN ‘UMAR, Le Livre des Conquêtes et de l’Apostasie (Kitab al-Futuhat wal Ridda) AT-TABARI, Le Livre de l’histoire des peuples et des rois (Kitab Tarikh al-Umam wal-Muluk) IBN SA’D, Le Livre des Grandes Générations (Kitab at-Tabaqat al-Koubra) IBN SHABBA, L’Histoire de Médine (Kitab Tarikh al-Medina) IBN ABI DAWOUD, Le Livre des Codex (Kitab al-Masahif) IBN AN-NADIM, Le Livre du Répertoire (Kitab al-Fihrist) IBN QUTAYBA, Le Livre des Connaissances (Kitab al-Ma’arif) IBN QUTAYBA, Le Livre des Sources des informations (Kitab Uyun al-Akhbar) IBN ZABALA, Le Livre de Médine et de son Histoire (Kitab al-Madina wa Akhbariha) AL-WAQIDI, Le Livre des Expéditions (Kitab al-Maghazi) AS-SAMHUDI, L’Histoire de Médine (Kitab Wafa al-Wafa bi Akhbar) AS-SUYUTI, Le guide parfait dans les sciences du Coran (al-Itqan fi ‘Ulum al-Qur’an) IBN ‘ASAKIR, Le Livre de l’Histoire de Damas (Kitab Tarikh Dimashq) IBN KHALLIKAN, Le Livre des Décès de personnes renommées (Kitab Wafayat al-A’yan) AL-BALADHURI, Le Livre des Générations des Nobles (Kitab Ansab al-Ashraf) HISHAM IBN AL-KALBI, Le Livre de la Réunion généalogique (Kitab Jamharat al-Nasab) IBN ISHAQ/IBN HISHAM, La Biographie du Prophète Muhammad (Kitab as-Sira an-Nabawiyyah)

Nous pouvons également mentionner l’épître, al-Risâla, du polémiste chrétien ‘Abd al-Masih al-Kindi face à al-Hashimi. Les recueils de la tradition prophétique mentionnent également des informations concernant la préservation du Coran. Nous pouvons citer, entre autre, les recueils de Bukhari, Muslim, Nasa’ï, Tirmidhi, Abou Dawoud, Ibn Majah, Malik, Ahmad, Ibn Hibban, Ibn Khouzaima, Daraqoutni… Cependant, les historiens modernes n’y ont recourt que très rarement. À côté de cela, nous pouvons nous appuyer également sur les données archéologiques, les pierres, les graffitis de la péninsule arabique, le Dôme du Rocher (à Jérusalem) et les manuscrits anciens.

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IV. Conclusion

L’historien Henri-Irénée Marrou (1904 - 1977) affirmait que « l’histoire se fait avec des documents comme le moteur à explosion fonctionne avec du carburant » [2]. Si pour retracer l’histoire nous avons besoin de documents, encore faut-il savoir quels documents utiliser. De même, qu’il faut savoir être critique envers les informations que nous recevons. L’Histoire n’est pas une science exacte. En effet, comme le dit Henri-Irénée Marrou « c’était se fourvoyer que d’aligner l’histoire sur les sciences de la nature, de faire de l’objectivité le critère suprême et en un sens unique de la vérité. Quoi qu’il fasse, le malheureux historien introduira toujours dans sa connaissance quelque élément personnel – cette redoutable et désolante « subjectivité » : exiger de lui qu’il finisse, au bout de ses opérations, par isoler, au fond de sa coupelle, un résidu 100% objectif, c’est lui imposer une tâche irréalisable ; dans cette perspective, ou on mutile l’histoire, ou on ouvre la porte au scepticisme. » [3] Pour terminer, nous retiendrons ceci : l’Histoire, comme toute science humaine, n’est pas une science exacte, il faut donc faire attention aux données que nous recevons. Prétendre à l’objectivité totale dans cette matière est impossible en raison du manque d’information. Cependant, il faut s’assurer d’avoir consulté toutes les sources à notre disposition tout en s’assurant de la fiabilité de celles-ci. Ce n’est qu’à ces conditions que nous pourrons nous faire une idée précise de l’histoire de la préservation du texte du Coran. Tous les bienfaits proviennent de Dieu, seules les erreurs nous incombent ! Wa Allâhou A’lam ! Et Dieu sait mieux ce qu’il en est !

[2] HENRI-IRENEE MARROU, De la connaissance historique, éditions du Seuil, 1954, p.65

[3] Ibid. p.214-215