Immobilités laryngées

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troubles de la déglutition et immobilités laryngées Réducation Orthophonique 2003;215:43-52 troubles de la déglutition et immobilités laryngées Michel GUATTERIE unité de rééducation de la déglutition Service de Médecine Physique USN Taster Girard C.H.U - Hôpital Pellegrin 33076 BORDEAUX CEDEX. Résumé La perte de la mobilité laryngée, c’est à dire la perte de la mobilité des cartilages aryténoïdes empêche les cordes vocales de se rapprocher (lors de la toux, de la déglutition, de l’apnée, de la phonation …) ou de s’écarter (pour la respiration). Les cordes vocales ne s’accolent plus de manière symétrique, la fente glottique, souvent trop importante pour produire une vibration sonore, perturbe la production vocalique. Au cours de la déglutition, les conséquences fonctionnelles sur la protection du larynx et sur la toux à glotte fermée sont différentes selon les étiologies. Les immobilités laryngées ont des étiologies différentes, qui entraîneront une biomécanique de la fermeture plus ou moins efficace, qui répondra différemment aux postures de déglutition, aux compensations et à la rééducation. Mots clés Immobilités laryngées, ankylose crico-aryténoïdienne, paralysie récurrentielle, paralysie du X, dysphagie, troubles de la déglutition. swallowing disorders and laryngeal immobility Abstract The loss of laryngeal mobility, corresponding to a loss of arytenoid cartilage mobility, prevents vocal fold adduction (in situations of coughing, swalowing, apnea, phonation, ...) or abduction (breath). Laryngeal adduction is not symetrical and the glottal air flow escape disturbs the voice. With regard to swallowing, the respiratory tract safety mechanism (glottal closure and cough) depends on the aetiology of disorder. Biomechanical components influence the quality of glottal closure

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troubles de la déglutition et immobilités laryngées

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troubles de la déglutition et immobilités laryngéesMichel GUATTERIE

unité de rééducation de la déglutitionService de Médecine Physique

USN Taster GirardC.H.U - Hôpital Pellegrin

33076 BORDEAUX CEDEX.

RésuméLa perte de la mobilité laryngée, c’est à dire la perte de la mobilité des cartilages aryténoïdes empêche les cordes vocales de se rapprocher (lors de la toux, de la déglutition, de l’apnée, de la phonation …) ou de s’écarter (pour la respiration). Les cordes vocales ne s’accolent plus de manière symétrique, la fente glottique, souvent trop importante pour produire une vibration sonore, perturbe la production vocalique. Au cours de la déglutition, les conséquences fonctionnelles sur la protection du larynx et sur la toux à glotte fermée sont différentes selon les étiologies. Les immobilités laryngées ont des étiologies différentes, qui entraîneront une biomécanique de la fermeture plus ou moins efficace, qui répondra différemment aux postures de déglutition, aux compensations et à la rééducation.

Mots clésImmobilités laryngées, ankylose crico-aryténoïdienne, paralysie récurrentielle, paralysie du X, dysphagie, troubles de la déglutition.

swallowing disorders and laryngeal immobilityAbstractThe loss of laryngeal mobility, corresponding to a loss of arytenoid cartilage mobility, prevents vocal fold adduction (in situations of coughing, swalowing, apnea, phonation, ...) or abduction (breath). Laryngeal adduction is not symetrical and the glottal air flow escape disturbs the voice. With regard to swallowing, the respiratory tract safety mechanism (glottal closure and cough) depends on the aetiology of disorder. Biomechanical components influence the quality of glottal closure and the facilitation of swallowing through postures. They influence possibilities of compensation and consequently the limits of functional treatment.Key Words laryngeal immobility, recurrent nerve paralysis, crico-aryténoid ankylosis, tenth nerve paralysis, dysphagia, swallowing disorders.

IntroductionLes étiologies des immobilités laryngées peuvent être d’origine mécanique ou neurologique.Les immobilités laryngées d’origine mécanique sont dues à la perte de mobilité de l’articulation crico-aryténoïdienne dans les amplitudes articulaires normales. L’étiologie la plus classique, que nous traiterons, est l’ankylose crico-aryténoïdienne après luxation de

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l’aryténoïde sur le cricoïde. Sans réduction immédiate, les structures péri-articulaires capsulaires et ligamentaires se rétractent et fixent l’articulation dans la position luxée. La polyarthrite rhumatoïde, localisée sur le larynx, peut donner des syndromes inflammatoires articulaires avec perte de la mobilité aryténoïdienne. De même, les fibroses post-radiques, touchant tous les tissus capsulo-ligamentaires, mais aussi muqueux et musculaires, peuvent donner une diminution notable de la mobilité laryngée.

Les immobilités laryngées neurologiques sont représentées par les atteintes neurogènes périphériques unilatérales et bilatérales ; les atteintes bilatérales engagent le pronostic vital, par la gravité des lésions associées au centre respiratoire bulbaire. L’atteinte neurogène peut se situer dans le bulbe par AVC et lésion du noyau ambigu des nerfs crâniens IX-X-XI, ou par lésion du nerf récurrent. L’exécution de la commande motrice volontaire, automatique ou réflexe n’est pas réalisée par les muscles dénervées. La mobilité articulaire est dans cette situation, normale. Nous traiterons ces deux cas, car le tableau lésionnel et les dysphagies sont différentes.Les atteintes centrales ne donnent pas d’immobilités laryngées, car les muscles de la tête et du cou, reçoivent une commande corticale bilatérale. En cas de lésion unilatérale (hémiplégie), le larynx continue à être commandé par l’hémisphère cérébral opposé. Dans les atteintes bilatérales de la voie corticale, seuls les mouvements volontaires sont impossibles, mais la motricité réflexe reste intact (déglutition, toux, respiration).

Physiologie de la protection laryngée et la déglutition pharyngée.La protection laryngée au cours de la déglutition des aliments nécessite la fermeture des cordes vocales, l’appui des aryténoïdes contre le pied de l’épiglotte, et la bascule de l’épiglotte par-dessus le vestibule laryngé. Le bolus passe sur l’épiglotte et dans les sinus piriformes. Les replis ary-épiglottiques jouent un rôle important dans la contention des aliments hors du vestibule laryngé. La fermeture des voies aériennes précède l’arrivée du bolus sur la base de la langue.Les liquides sont beaucoup plus rapides et arrivent dans les sinus piriformes et remplissent le pharynx avant que la contraction pharyngée ne se déclenche. Quand le bourrelet de Passavant se contracte (contraction la plus haute du péristaltisme pharyngien), l’épiglotte n’a pas encore basculé, alors que le liquide a déjà rempli le fond du pharynx, et remonte au-dessus des sommets des aryténoïdes. L’étanchéité des voies aériennes n’est réalisée que par l’accolement ferme des cordes vocales, et l’appui des aryténoïdes basculés en avant contre le pied de l’épiglotte (photo 1).

Le contenu du vestibule laryngé (tissu adipeux des bandes ventriculaires) est comprimé comme un véritable bouchon occupant tout l’espace du vestibule laryngé, entre les cordes vocales, les cartilages aryténoïdes et les replis ary-épiglottiques. Ainsi trois étages assurent la fermeture des voies aériennes sans la participation de l’épiglotte. Avec des gorgées volumineuses, le liquide peut remplir le pharynx et mouiller l’épiglotte sans déclencher de réflexe de toux (photo 2, 3, 4).

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Quand la déglutition pharyngée se produit, l’épiglotte bascule et chasse le liquide collecté au-dessus des aryténoïdes.

Ainsi le deuxième temps de la déglutition comporte deux actions simultanées. La protection laryngée démarre la déglutition par la fermeture des voies aériennes pulmonaires, avant que le liquide n’arrive dans le larynx. Quelques millisecondes à quelques secondes plus tard, la contraction pharyngée propulse le bolus vers le sphincter supérieur de l’œsophage. Ce deuxième temps, véritable phase laryngo-pharyngée, se caractérise par la fermeture du larynx, puis la contraction du pharynx.

Ankylose crico-aryténoïdienneL’ankylose crico-aryténoïdienne est une immobilité traumatique, séquelle d’une luxation survenue au cours d’une intubation difficile. Dans les situations d’urgence respiratoire, l’introduction d’une sonde par le nez ou par la bouche vers la trachée (intubation) peut être traumatique et luxer en avant, dans le vestibule laryngé, un aryténoïde. Le risque est important quand le rachis est limité en extension, ne dégageant pas suffisamment les voies aériennes. Dans le cas de spasme laryngé, les aryténoïdes sont rapprochés et appuyés contre le pied de l’épiglotte. Le forçage par la sonde aboutit à une luxation crico-aryténïdienne. Des luxations crico-aryténoïdiennes ont été observées lors d’aspirations traumatiques de mucosités pharyngées à l’aide de sondes rigides.La capsule et les ligaments étirés et déchirés cicatrisent en se rétractant dans la position de luxation. Si la luxation n’est pas réduite immédiatement, l’ankylose s’installe définitivement. La mobilité articulaire est limitée voire impossible (photo 5).

La respiration n’est pas affectée par la perte de mobilité d’un aryténoïde, car l’ouverture de la filière respiratoire par l’autre aryténoïde compense suffisamment. La voix peut être altérée ainsi que la protection des voies aériennes lors des déglutitions.

Tous les patients ne se plaignent pas de fausses routes. Certains toussent avec les liquides, quand ils boivent à grosses gorgées ou en extension du rachis, mais aucune description de fausse route aux aliments n’est rapportée. Nous avons vu, l’importance du plan glottique et de l’appui aryténoïdien dans la protection laryngée pour la déglutition des liquides. Si la luxation est modérée, laissant un peu de mobilité aryténoïdienne, les cordes vocales peuvent se rapprocher et fermer efficacement le plan glottique. L’appui aryténoïdien plus ou moins parfait et la contraction des replis ary-épiglottiques assurent la sécurité des voies aériennes. Par contre, si la luxation met l’aryténoïde trop en bascule et rotation interne, l’apophyse vocale peut ne plus être en position symétrique par rapport à l’apophyse opposée. Les cordes vocales ne s’accolent pas complètement, les liquides s’infiltrent dans la fente.L’apophyse vocale du côté luxé peut être trop basse par rapport au côté opposé. La corde vocale pathologique est alors sous décalée par rapport à l’autre corde vocale. Le passage des liquides est plus facile entre les deux cordes vocales mal accolées, surtout par la commissure postérieure.

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La situation la plus préoccupante est l’immobilité aryténoïdienne bilatérale. Si les cordes vocales sont en fermeture, la respiration d’effort est gênée. L’indispensable élargissement de la filière respiratoire (par exemple l’écartement du cartilage cricoïde par un greffon cartilagineux, intervention de Rethy) améliore la respiration tout en favorisant les fausses routes par l’écartement des cordes vocales.

La résolution des fausses routes aux liquides est simple, et souvent le patient a trouvé la parade. Il suffit d’éviter le débordement des liquides dans le larynx, lors du remplissage du pharynx, en diminuant le volume des gorgées. Dans des cas difficiles, la flexion associée à la rotation de la tête du côté luxé, peuvent apporter une suppléance fonctionnelle efficace.

Paralysie du nerf pneumogastrique (Xe nerf crânien), paralysie du nerf récurrent, branche du X.Le larynx est innervé par le Xe nerf crânien, sensitif et moteur, qui se divise en plusieurs branches. Par le plexus pharyngé, avec des rameaux du IX, le X commande le voile du palais et les constricteurs du pharynx. Par le nerf laryngé supérieur, il donne des branches aux muscles du pharynx, au muscle crico-thyroïdien, et par l’anse de Gallien, il assure la contraction du muscle ary-épiglottique et du muscle inter-aryténoïdien. Son rameau médial est sensitif pour la muqueuse du larynx, jusqu’aux cordes vocales et pour la muqueuse de l’épiglotte. Il véhicule aussi les messages gustatifs issus de l’épiglotte.

Le nerf laryngé récurrent inférieur, après un trajet cervical, un contournement de l’artère sub-clavière à droite, et autour de la crosse aortique à gauche, remonte entre la trachée et l’œsophage jusqu’au larynx. Il innerve les muscles du SSO (avec le XI) et les muscles intrinsèques du larynx, mobilisateurs des cordes vocales (thyro-aryténoïdien, crico-aryténoïdien latéral et postérieur). Il assure la sensibilité de la muqueuse laryngée et trachéale sous les cordes vocales.

Les conséquences fonctionnelles d’une atteinte du X et d’une atteinte du récurrent sont tout à fait différentes tant par l’intensité des troubles de la déglutition que le type de dysphagie.

Paralysie récurrentielleL’atteinte du nerf récurrent entraîne une paralysie de la corde vocale et des muscles mobilisateurs de l’aryténoïde. Le syndrome neurogène périphérique réalise le tableau de paralysie, hypotonie et aréflexie. L’aryténoïde immobile par déficience des muscles moteurs, ne bascule plus contre le pied de l’épiglotte. L’hypotonie du muscle vocal entraîne un sous décalage du côté atteint. La corde vocale incurvée et hypotonique s’atrophie, perd du volume. Les cordes vocales ne s’accolent plus. La mauvaise fermeture glottique est dépendante de la position de l’aryténoïde. Plus celle-ci est en abduction, moins le plan glottique est fermé. Toutes ces conditions interdisent la bonne protection du larynx à la déglutition. Il n’y a pas de troubles de la détection des fausses routes, car le territoire sensitif du vestibule laryngé et de l’épiglotte est pris en charge par le nerf laryngé supérieur, intact. L’efficacité de la toux à glotte fermée est un peu diminuée.Cliniquement, les patients décrivent plutôt des fausses routes avec de grosses gorgées de liquides. L’appui de l’aryténoïde immobile contre le pied de l’épiglotte est insuffisant, ne

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comprime plus bien la bande ventriculaire, les cordes vocales ne ferment pas bien la filière laryngée. A grosses gorgées, le liquide déborde dans le vestibule mal fermé et fuit par les interstices laissés par l’aryténoïde et la corde vocale immobiles. Par contre, avec les aliments plus compacts que l’eau, plus lents à progresser par la pesanteur, la bascule épi glottique et la contraction des replis ary-épiglottiques assurent la protection des voies aériennes, malgré l’insuffisance du plan glottique.

La posture de flexion est une bonne position pour améliorer la protection du larynx sous la base de langue, car elle fait reculer la langue sur le larynx. Ainsi les liquides se déversent moins au-dessus du larynx mal fermé. La réduction du volume de la gorgée évite aussi le débordement des liquides dans le vestibule laryngé.

La rééducation de la dysphonie, par la recherche de la compensation en fermeture par l’autre corde vocale, améliore la récupération fonctionnelle de la protection laryngée aux liquides. Dans les cas les plus rebelles (aryténoïdes en ouverture) hypotonie et amyotrophie de la corde vocale, persistance d’une fente glottique, le gonflage de la corde vocale par injection (graisse, silicone, collagène …) permet d’améliorer la déglutition et la phonation. La paralysie du nerf récurrent est fonctionnellement limitée à la dysphonie et aux troubles de déglutition aux liquides à gros volumes. Il en est tout autrement de l’atteinte du X.

Paralysie du nerf pneumogastriqueL’atteinte du X est plus grave car le territoire des déficiences est plus étendu que dans l’atteinte récurrentielle (photo 6).

La paralysie du voile du palais entraîne rhinolalie et fausses routes nasales aux liquides. La paralysie d’un hémi-pharynx entraîne une faible propulsion pharyngée, des troubles de la sensibilité pharyngée et laryngée, une désorganisation du réflexe de déglutition. La paralysie du repli ary-épiglottique n’assure plus l’efficacité de la margelle laryngée. Le repli effondré laisse passer dans le vestibule laryngé aliments, liquides et salive. La paralysie touche le muscle inter-aryténoïdien, la corde vocale et des muscles crico-aryténoïdiens latéral et postérieur comme dans l’atteinte récurrentielle. Les troubles sensitifs sont plus importants car ils touchent l’hémi-pharynx, le vestibule laryngé et la trachée sous glottique.

Cliniquement, les patients ne peuvent avaler salive, liquides et solides. Au cours de la déglutition, le plan glottique aura les mêmes incompétences que dans l’atteinte récurentielle pure. Il s’y ajoute la paralysie du repli ary-épiglottique qui ne contient plus le bolus pendant son passage dans le sinus piriforme atteint : les fausses routes se produisent pendant le passage des aliments dans le sinus piriforme atteint. En raison des troubles de la sensibilité laryngée et trachéale, la détection des fausses routes est altérée, et la toux n’est pas systématique ou immédiate.La propulsion pharyngée est faible, voire inexistante, même du côté sain. La perte de la force de propulsion pharyngée et la mauvaise relaxation du SSO ne permettent pas le passage du bol dans l’œsophage. La stase résiduelle, si elle est importante déborde dans le larynx à la reprise respiratoire, après la déglutition. A cause des troubles sensitifs

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pharyngés, le réflexe de déglutition peut être retardé (troubles de la perception) et même absent (aréflexie).

Trois mécanismes de fausses routes font la gravité de cette atteinte : fausses routes avant la déglutition (troubles sensitifs), pendant la déglutition (incompétence laryngée), après la déglutition (incompétence pharyngée). Les mécanismes protecteurs accessoires comme la protection sous la base de langue sont perturbés, car l’atteinte du X est rarement isolée. L’atteinte associée du IX et du XI, parfois du V et VII (AVC bulbo-protubérantiel) complète et complique le tableau fonctionnel. Bien sûr, l’intensité de l’atteinte est variable, et avec le temps, des améliorations peuvent être observées et obtenues.

La perte de la force musculaire pharyngée nécessite des aliments glissants, peu collants, peu résistants. Des mixés lisses, crèmes, compotes, pas trop épais sont des bolus de rééducation adaptés, suffisamment fluides pour glisser, peu résistants pour profiter d’un peu de force de propulsion, pas trop collants pour ne pas trop laisser de stase pharyngée, mais suffisamment pour ne pas déborder trop vite dans le larynx. Les liquides sont bien contenus s’ils sont épaissis. La fluidité favorise les fausses routes, l’épaississement les ralentit en les collant au pharynx.

Les postures en flexion antérieure permettent de profiter d’une bonne protection sous-linguale. La rotation de la tête du côté de l’atteinte (le menton se rapproche de l’épaule) en évitant surtout l’inclinaison latérale (l’oreille se rapproche de l’épaule) permet d’envoyer le bolus dans le sinus piriforme le plus performant. Une bonne expectoration systématique après chaque déglutition permet d’éviter la pénétration d’aliments dans la trachée.

Ces trois exemples montrent que les déglutitions d’eau nécessitent l’efficacité fine de protecteurs laryngés. L’épiglotte est surtout mobilisée avec les aliments. La synchronisation de la fermeture des voies aériennes et de la propulsion du pharynx est modulable. La déglutition pharyngée peut être retardée, mais la fermeture du larynx doit toujours être la première à être activée surtout pour les liquides. Les voies aériennes doivent être protégées avant que le bolus n’arrive dans le pharynx. La bascule épiglottique, participant à la protection laryngée, appartient en fait à la phase propulsive pharyngée.

L’efficacité de la protection est aussi requise pour protéger les poumons contre toutes pénétrations dans l’appareil respiratoire de substances acides gastro-oesophagiennes. Les reflux, vomissements ou mérycismes ont des conséquences redoutables à court et moyen terme dans les situations où le larynx ne peut se fermer efficacement. L’épiglotte est dans ces cas là totalement inutile, car les aliments et les liquides acides remontent de l’œsophage vers la bouche. Leurs passages dans le vestibule laryngé sont obligatoires, et sans une fermeture parfaite de la glotte et des aryténoïdes, la fausse route est assurée. Aucune posture, aucune réduction du volume de reflux, ne peut protéger les poumons. Le plan glottique est le seul protecteur efficace.

ConclusionLa protection laryngée dépend de la texture et du volume du bolus avalée. Les liquides nécessitent une protection très fine, car ils peuvent s’infiltrer par tous les interstices. Que

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l’immobilité laryngée soit d’origine mécanique ou neurologique, les fausses routes sont observées quand la quantité de liquide arrivant dans le pharynx est importante. Le plan glottique est nécessaire mais pas indispensable dans ce cas de figure. En cas de reflux gastro-oesophagien le plan glottique est indispensable. La présence des autres protecteurs est un avantage. L’adaptation du patient à un nouvel environnement moteur est aussi une source d’amélioration fonctionnelle. Les fausses routes sont bien l’expression d’incompétences multifactorielles (lésions, textures, postures, volumes, températures …).