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Correspondances en Risque CardioVasculaire - Vol. III - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2005 140 mise au point Imagerie par résonance magnétique pour l’évaluation non invasive des lésions d’athérosclérose M. Sirol* * Cardiovascular Institute, Mount Sinai Hospital, New York, et service de cardiologie, hôpital Lariboisière, Paris. D ifférentes modalités d’imagerie ont été utilisées pour la caractérisation des plaques d’athérome. Des modalités comme l’angiographie aux rayons X, l’angiosco- pie, l’élastographie, la thermographie, la tomo- graphie par cohérence optique, la spectrométrie du proche infrarouge, la spectrométrie Raman, l’échographie endocoronaire sont encoura- geantes, mais elles sont bien sûr limitées par leur caractère invasif. La tomodensitométrie multidétecteur, la scintigraphie et l’imagerie par résonance magnétique (IRM) sont en revanche des modalités d’imagerie non invasive, avec des avantages certains par rapport aux techniques décrites précédemment. L’IRM a, à tous égards, le meilleur potentiel pour la caractérisation des plaques d’athérome in vivo, notamment pour une application clinique. L’IRM est effet le candidat idéal en raison de son caractère non invasif, de l’absence de radiations ionisantes, de la possibilité de répéter les mesures en série, et de sa capacité à fournir des images de haute résolution de la plaque d’athé- rome elle-même, mais aussi de la paroi vasculaire. Les lésions athéroscléreuses se développent de manière silencieuse pendant des années, et des lésions précoces sont déjà présentes avant même l’âge de 20 ans chez les jeunes adultes (1). Les grands essais cliniques ont démontré l’efficacité des inhibiteurs de l’HMG Co-A réduc- tase (statines) en prévention primaire et secon- daire des maladies cardiovasculaires, mais les directives actuelles n’incluent pas l’existence de lésions d’athérome infracliniques pour les déci- sions thérapeutiques. À l’avenir, la stratification du risque, qui inclut l’évaluation non invasive des lésions athéroscléreuses, devrait détermi- ner le type de traitement et son intensité chez un patient donné, avant même que la maladie ne se manifeste. Notre connaissance grandissante sur la composition des plaques d’athérome, leur biologie et la physiopathologie de leur compor- tement exige que les modalités d’imagerie four- nissent des informations quantitatives, mais également qualitatives, sur les plaques. ATHÉROSCLÉROSE : UNE MALADIE ARTÉRIELLE GÉNÉRALE DIFFUSE, CHRONIQUE ET INFLAMMATOIRE Malgré les progrès thérapeutiques récents, les complications de la maladie athéromateuse (syndromes coronaires aigus, mort subite, acci- dents vasculaires cérébraux) restent la première cause de morbimortalité dans les pays dévelop- pés (2). L’athérosclérose est une maladie chro- nique inflammatoire systémique atteignant l’in- tima des artères de moyen et gros calibre comme les coronaires, les carotides, l’aorte et les artères périphériques. La physiopathologie de la maladie athéromateuse et les consé- quences cliniques varient en fonction de la région atteinte (3). Les caractéristiques et la composition des plaques d’athérome sont très hétérogènes chez un même individu. En général, la maladie reste silencieuse pendant plusieurs années. L’évolution de la plaque d’athérome est marquée par des phases aiguës de déstabilisation. Ces phases sont associées, dans la majorité des cas, à la rupture ou à l’éro- sion de la plaque d’athérome, conduisant à la formation d’un thrombus au contact du sous- endothélium (4). Les mécanismes aboutissant à la rupture/érosion de la plaque d’athérome et à la formation d’un thrombus intracoronaire res-

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Correspondances en Risque CardioVasculaire - Vol. III - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2005140

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Imagerie par résonancemagnétique pour l’évaluationnon invasive des lésionsd’athérosclérose■■ M. Sirol*

* Cardiovascular Institute, Mount SinaiHospital, New York,

et service de cardiologie, hôpital Lariboisière, Paris.

Différentes modalités d’imagerie ont étéutilisées pour la caractérisation desplaques d’athérome. Des modalités

comme l’angiographie aux rayons X, l’angiosco-pie, l’élastographie, la thermographie, la tomo-graphie par cohérence optique, la spectrométriedu proche infrarouge, la spectrométrie Raman,l’échographie endocoronaire sont encoura-geantes, mais elles sont bien sûr limitées parleur caractère invasif. La tomodensitométriemultidétecteur, la scintigraphie et l’imagerie parrésonance magnétique (IRM) sont en revanchedes modalités d’imagerie non invasive, avec desavantages certains par rapport aux techniquesdécrites précédemment. L’IRM a, à tous égards,le meilleur potentiel pour la caractérisation desplaques d’athérome in vivo, notamment pourune application clinique.L’IRM est effet le candidat idéal en raison de soncaractère non invasif, de l’absence de radiationsionisantes, de la possibilité de répéter lesmesures en série, et de sa capacité à fournir desimages de haute résolution de la plaque d’athé-rome elle-même, mais aussi de la paroi vasculaire.Les lésions athéroscléreuses se développent demanière silencieuse pendant des années, et deslésions précoces sont déjà présentes avantmême l’âge de 20 ans chez les jeunes adultes(1). Les grands essais cliniques ont démontrél’efficacité des inhibiteurs de l’HMG Co-A réduc-tase (statines) en prévention primaire et secon-daire des maladies cardiovasculaires, mais lesdirectives actuelles n’incluent pas l’existence delésions d’athérome infracliniques pour les déci-sions thérapeutiques. À l’avenir, la stratificationdu risque, qui inclut l’évaluation non invasivedes lésions athéroscléreuses, devrait détermi-ner le type de traitement et son intensité chez un

patient donné, avant même que la maladie ne semanifeste. Notre connaissance grandissante surla composition des plaques d’athérome, leurbiologie et la physiopathologie de leur compor-tement exige que les modalités d’imagerie four-nissent des informations quantitatives, maiségalement qualitatives, sur les plaques.

ATHÉROSCLÉROSE : UNE MALADIE ARTÉRIELLE GÉNÉRALE DIFFUSE,CHRONIQUE ET INFLAMMATOIRE

Malgré les progrès thérapeutiques récents, lescomplications de la maladie athéromateuse(syndromes coronaires aigus, mort subite, acci-dents vasculaires cérébraux) restent la premièrecause de morbimortalité dans les pays dévelop-pés (2). L’athérosclérose est une maladie chro-nique inflammatoire systémique atteignant l’in-tima des artères de moyen et gros calibrecomme les coronaires, les carotides, l’aorte etles artères périphériques. La physiopathologiede la maladie athéromateuse et les consé-quences cliniques varient en fonction de larégion atteinte (3). Les caractéristiques et lacomposition des plaques d’athérome sont trèshétérogènes chez un même individu. En général, la maladie reste silencieuse pendantplusieurs années. L’évolution de la plaqued’athérome est marquée par des phases aiguësde déstabilisation. Ces phases sont associées,dans la majorité des cas, à la rupture ou à l’éro-sion de la plaque d’athérome, conduisant à laformation d’un thrombus au contact du sous-endothélium (4). Les mécanismes aboutissant àla rupture/érosion de la plaque d’athérome et àla formation d’un thrombus intracoronaire res-

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tent encore mal compris. Dans 50 % des cas, lepremier épisode d’infarctus du myocarde sur-vient chez des patients asymptomatiques (3).Chez les autres patients, les premiers symp-tômes de la maladie coronaire (angor) sont enrapport avec l’existence de sténoses coronairesserrées, dont le retentissement hémodynamiquesur le flux artériel est responsable d’une isché-mie myocardique. L’apparition tardive dessymptômes coronaires est liée à l’accumulationprogressive des lésions athéroscléreuses dansla paroi artérielle, qui aboutissent au “remode-lage artériel” : une expansion compensatrice dudiamètre de l’artère (5). Le diamètre luminal del’artère n’est pas modifié durant cette phase ini-tiale du processus athéromateux, mettant enéchec toutes les techniques d’imagerie, inva-sives ou non, et permettant uniquement l’obten-tion d’un luminogramme comme la coronarogra-phie pour le diagnostic précoce de la maladiecoronaire. De plus, l’étude du degré de sténoseartérielle engendré par les plaques d’athéromepermet de définir les indications de revasculari-sation coronaire, mais non de prédire le risqued’événement coronaire aigu (6).

PLAQUE D’ATHÉROSCLÉROSE VULNÉRABLE

Des travaux récents ont montré que la composi-tion de la plaque, plutôt que le degré de sténose,était un élément déterminant pour évaluer lerisque potentiel de rupture d’une plaque (7). Lesplaques d’athérome sont composées principale-ment de lipides (phospholipides, esters et cris-taux de cholestérol), d’éléments cellulairescomme les monocytes-macrophages, les lym-phocytes T, les cellules musculaires lisses, et dutissu conjonctif incluant la matrice extracellulai-re, le collagène et les protéines matriciellescomme les protéoglycanes.Les plaques d’athérome vulnérables, ou à hautrisque de rupture, sont classiquement définiespar la présence d’un volumineux centre lipidiqueassocié à une fine chape fibreuse (65-100 µmd’épaisseur) (8). Des données récentes ajoutentaux critères de vulnérabilité classiques la pré-sence d’une importante infiltration de macro-phages (9), témoignant d’un processus inflam-

matoire important, et d’une forte densité demicrovaisseaux attestant de la néovascularisa-tion de la plaque nécessaire à l’apport des nutri-ments (10).Les caractéristiques morphologiques ne sont pasles seules à intervenir dans ce processus com-plexe. Les forces mécaniques exercées sur lesparois vasculaires, l’état d’hypercoagulabilitéinduit par le diabète, un taux élevé de LDL ou laconsommation de cigarettes induisant une throm-bogénicité importante du sang sont des phéno-mènes à prendre en considération pour l’identifi-cation des plaques à haut risque de rupture (11).Par exemple, à l’inverse des artères coronaires àhaut risque de rupture, caractérisées par unechape fibreuse fine et un contenu riche enlipides, les plaques vulnérables des artèrescarotides sont sévèrement sténotiques. Lesplaques carotides vulnérables ne sont pasnécessairement riches en lipides, mais plutôthétérogènes et très fibreuses. La rupture desplaques d’athérome carotides correspond sou-vent à une dissection ou à un hématome intra-mural, conséquence des contraintes méca-niques induites par les forces de cisaillementet la pression de la colonne sanguine lors de lasystole, au niveau de la zone de résistanceque représente la sténose artérielle serrée àce niveau.De plus, malgré les progrès réalisés dans la des-cription des plaques à haut risque de rupture,notre connaissance du phénomène est unereprésentation simplifiée d’un mécanisme fortcomplexe. Dans 33 % des accidents coronairesaigus, il existe une érosion superficielle à la sur-face d’une sténose serrée ou d’une plaquefibreuse recouverte d’un thrombus, sans pré-sence d’une rupture franche de la plaque oud’une importante infiltration inflammatoire (8).La notion de plaque vulnérable, ou à haut risquede rupture, a déjà stimulé le développement detechniques d’imagerie capables de détecter cesplaques avant leur rupture. Cependant, uneplaque peut rester vulnérable pendant dessemaines, des mois ou des années, et peut éga-lement devenir fibreuse, avec perte de la finechape fibreuse et du large cœur lipidique. Uneplaque d’athérome peut devenir vulnérable enraison de phénomènes inflammatoires ou de

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causes encore inconnues. Ainsi, au vu de cettedivergence entre les éléments anatomiques quipermettent de décrire une plaque comme étantvulnérable et la réalité beaucoup plus complexede la rupture de plaque, il convient de dévelop-per une technique d’imagerie capable de rensei-gner non seulement sur la composition de laplaque, mais également sur les caractéristiquesfonctionnelles ou biologiques de celle-ci, afin decomprendre de manière réaliste les mécanismesaboutissant aux syndromes coronaires aigus.Développer une imagerie capable d’identifier lesplaques d’athérome instables in vivo est unenjeu essentiel de la recherche cardiovasculaireactuelle. En effet, pouvoir prédire un risque derupture ou identifier, avant l’événement cli-nique, une plaque rompue permettrait d’agir,soit pharmacologiquement, soit par procédureinterventionnelle, pour stabiliser la plaque etéviter ainsi les complications de sa rupture(infarctus du myocarde, angor instable).

IMAGERIE PAR RÉSONANCE MAGNÉTIQUE

L’IRM, outre son caractère non invasif, présentel’intérêt d'être une technique d’analyse morpho-logique couplée à une étude biochimique tissu-

laire. En théorie, elle pourrait répondre aux dif-férentes questions posées par l’évolution de laplaque, en termes de prévention primaire aussibien que secondaire. En effet, le signal recueilliest influencé par des changements de conforma-tion moléculaire, de composition chimique(contenu en lipides et en eau), par l’état phy-sique des composants tissulaires analysés(solides ou liquides) ou par la conformation etles mouvements moléculaires (12).L’IRM de haute résolution est devenue depuispeu une modalité d’imagerie essentielle de lacaractérisation tissulaire artérielle. La caractéri-sation de la plaque en IRM est rendue possiblepar l’utilisation de séquences en écho de spinutilisant différents contrastes de l’image (pon-dération en T1, T2 et densité de protons [PD]). Le signal du sang est rendu noir au travers d’im-pulsions de préparation, comme la double inver-sion-récupération ou les bandes de saturation,afin de mieux individualiser le mur artériel de lalumière (figure 1). Une autre technique utilisantune séquence en gradient d’écho (figure 2),appelée temps de vol (TOF), permet d’obtenirdes images angiographiques sans injection deproduit de contraste. L’évaluation des coupestransversales permet une étude de la chapefibreuse. La caractérisation de la plaque d’athé-

Figure 1. Coupe transversale des carotides chez un patientasymptomatique de 34 ans. Séquence en spin écho rapidepondérée en T2 avec imagerie en sang noir, de haute résolu-tion. La plaque d’athérome est bien délimitée, montrantla chape fibreuse (flèche jaune) et le cœur lipidique (flècheorange) (Mount Sinai School of Medicine, New York).

Figure 2. Images par résonance magnétique en coupe transversale des artères carotidesd’un patient de 68 ans, aux antécédents de maladie coronaire. Les 12 images ont étéacquises successivement en moins de 2 minutes en utilisant une séquence en gradientd’écho appelée REX (Rapid Extended Coverage). Les images sont pondérées en PD etmontrent des plaques athéroscléreuses complexes au niveau des carotides communes etdes bifurcations carotidiennes (d’après Fayad ZA et Mani V, Mount Sinai School ofMedicine, New York).

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rome en IRM est généralement fondée sur l’in-tensité du signal et l’apparence morphologiquede la plaque dans les images pondérées en T1,T2 et PD (tableau et figure 3).Les plaques fibreuses, contenant principalementla matrice extracellulaire élaborée par les cellulesmusculaires lisses, sont associées à une relaxa-tion longitudinale courte (T1 court). L’origine duraccourcissement du T1 (augmentation de l’inten-sité du signal dans les séquences pondérées enT1) est spécifique des interactions eau/protéines.Les plaques riches en lipides, principalement en

esters de cholestérol et en cholestérol non esté-rifié, sont associées à une relaxation transversalecourte (T2 court). Le T2 court (diminution de l’in-tensité du signal sur les images pondérées enT2) du compartiment lipidique est en partie dû àla structure micellaire des lipoprotéines, à leurdénaturation par oxydation et aux échanges desmolécules d’eau des esters de cholestérol. Lacontribution la plus importante dans le signal ducœur lipidique provient en fait des moléculesd’eau (13). Celles qui donnent la part détermi-nante du signal se trouvant dans un environne-ment chimique particulier au cœur de la plaque.La graisse périvasculaire principalement compo-sée de triglycérides a, en IRM, une apparencetrès distincte de celle des lipides de la plaqued’athérome (figure 4).Les plaques calcifiées sont composées de cris-taux d’hydroxyapatite et associées à une inten-sité de signal peu élevée (hyposignal) quelleque soit la pondération des images IRM. Ladensité des protons est faible dans les zones

Tableau. Contraste des images IRM des principaux composants de la plaque d’athérome.

Intensité du signal

Séquence Tl-W PD-W T2-W TOF

Thrombus récent + à +/– – à +/– -- à +/– +

Lipide + + -- +/–

Fibrose – + +/– à + +/– à –

Calcium -- -- -- --

+ : signal hyperintense ; +/ – : signal iso-intense ; -- : signal hypo-intense ; TOF : temps de vol.

Figure 3. Images par résonance magnétique de haute résolution et multicontraste obtenues à 1,5 tesla sur une aorte de lapin blanc de Nouvelle-Zélande. Les imagespondérées en T1 (A), en PD (B) et en T2 (C) permettent de caractériser la composition de la plaque. Le noyau lipidique apparaît en hyposignal (flèche blanche, C). Lerehaussement du signal de la plaque (hypersignal) est obtenu après injection de gadofluorine (D). La coupe anatomopathologique correspondante est montrée en E(grossissement x 4 et coloration trichromique de Masson) (d’après Sirol M, Mount Sinai School of Medicine, New York).

Ad = adventice ; CF = chape fibreuse ; L = lumière artérielle ; NL = noyau lipidique.

Figure 4. Coupe transversale de l’aorte de lapin en séquence pondérée en PD. Les images IRM obtenues à 1,5 tesla correspondent en histologie (marquage en Oil Red O)à la zone lipidique (flèche noire) et à la chape fibreuse (flèche verte) (d’après Helft G et al. [14]).

0,25 mm1cm 1 cm 1 mm

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calcifiées ; ces derniers ont des effets de suscep-tibilité médiés par les phénomènes de diffusion. L’apparence du thrombus en IRM dépend del’état d’oxydation de l’hémoglobine. À diffé-rents temps de son évolution, le thrombuscontient différents composés issus de la trans-formation de l’hémoglobine (oxyhémoglobine,désoxyhémoglobine, méthémoglobine, hémo-sidérine/ferritine), qui ont des propriétés derelaxation différentes en IRM (T1 et T2). Laméthémoglobine a des propriétés paramagné-tiques et induit un raccourcissement du T1,permettant une détection directe des throm-boses veineuses profondes en IRM (15). Cespropriétés de relaxation différentes en IRMsont expliquées par l’état ferrique du fer ausein de la méthémoglobine, alors qu’il est àl’état ferreux dans l’hémoglobine. Des travauxpubliés récemment, fondés sur cette tech-

nique, rapportent une possible détection deshémorragies intraplaques au niveau desartères carotides chez l’homme (16, 17). Le rac-courcissement du T2 est en revanche causépar des susceptibilités magnétiques induitespar l’hémosidérine et la ferritine ; il est res-ponsable d’une perte de signal à l’image il estIRM (point noirs).

AGENTS DE CONTRASTE SPÉCIFIQUESET NON SPÉCIFIQUES POUR L’IMAGERIEDES LÉSIONS ATHÉROSCLÉREUSES

La résolution spatiale des techniques actuellesen IRM pour l’imagerie de la plaque d’athéro-me est limitée par le rapport signal sur bruit(SNR) disponible à l’image. Afin d’augmenterce signal, l’injection d’agents de contraste,comme les chélates de gadolinium (Gd), a étépréconisée. Les chélates de Gd ont d’abord étéutilisés pour l’obtention d’angiogrammes enIRM. Ils rehaussent également le signal etaméliorent la caractérisation de la plaqued’athérome (figure 5) en augmentant la diffé-renciation de la chape fibreuse et du cœur lipi-dique de la plaque (18, 19). Cependant, cesagents de contraste ne sont pas spécifiquesdes lésions athéroscléreuses. Des travauxrécents (20, 21) ont montré que l’utilisation degadofluorine (Schering AG, Berlin) permettaitun rehaussement spécifique des plaquesd’athérome sur un modèle animal d’athéro-sclérose de l’aorte (figure 6). La gadofluorineest un nouveau type d’agent de contraste.Formant des micelles lors de l’injection dans lesang, elle s’accumule rapidement au niveau dela plaque d’athérome (21) et permet de mettreen évidence 24 heures après l’injection desplaques riches en lipides (21).C’est probablement par l’utilisation d’agentsde contraste spécifiques des composés de laplaque que les limites de la caractérisation deslésions athéroscléreuses en IRM seront dépas-sées. Les progrès récents concernant la synthèsedes agents de contraste dans le domaine del’imagerie moléculaire ont permis le dévelop-pement d’un agent de contraste spécifique dela fibrine. Cet agent de contraste est un peptide

Figure 5. Intérêt de l’utilisationde chélates de gadolinium (Gd)

pour améliorer la caractérisa-tion des plaques carotides chez

l’homme. La flèche blanchepointe la chape fibreuse, bienmieux visualisée après injec-

tion de Gd-DTPA (d’aprèsWasserman BA et al. [18]).

Artèrecarotide

Gd-DTPA

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cyclique auquel sont attachées plusieursmolécules de chélates de gadolinium, confé-rant une très haute relaxivité au composé etpermettant ainsi l’obtention d’images enhypersignal en T1 (rehaussement du signal).Ainsi, des petites doses (5 µmol/kg) injectéesen intraveineux permettent un rehaussementspécifique des thrombus artériels et veineux(22, 23). Un exemple du rehaussement de l’in-tensité du signal du thrombus après injectionde cet agent de contraste peut être visualisésur la figure 7.La possibilité de cibler spécifiquement les com-posants de la plaque d’athérome devrait per-mettre d’améliorer grandement la caractérisa-tion des lésions athéroscléreuses et thrombo-tiques. Des agents de contraste attachés à desanticorps, des peptides ciblés sur des compo-sants spécifiques de la plaque d’athérome ousur l’une des molécules qui sont localisées dansdes régions spécifiques de la plaque d’athéro-me sont des exemples de stratégies qui ont étéemployées pour l’imagerie de la plaque en IRM.Les monocytes-macrophages jouent un rôleimportant dans le processus athéroscléreux.Les USPIO (ultrasmall superparamagnetic par-

ticles of iron oxide) sont des nanoparticulesd’oxyde de fer qui sont détournées de la circu-lation par les monocytes macrophages etd’autres cellules du système réticulaire endo-plasmique. Une étude récente (24) a montrél’intérêt des USPIO chez onze patients sympto-matiques hospitalisés pour endartériectomiecarotidienne. Dans 75 % des plaques rompues,il existait une accumulation des USPIO, et seu-lement 7 % au niveau des lésions stables.Le rôle joué par les néovaisseaux ou microvais-seaux développés lors de la formation de laplaque a récemment été souligné comme fac-teur de vulnérabilité de la plaque (10).L’imagerie des néovaisseaux en IRM a été ren-due possible en ciblant l’intégrine αvß3 de laparoi vasculaire des microvaisseaux par l’inter-médiaire d’une nanoparticule de chélates degadolinium (25). D’autres cibles d’intérêt pourl’imagerie moléculaire de la plaque d’athéromeen IRM sont, par exemple, les LDL oxydés, lefacteur tissulaire, les métalloprotéinases matri-cielles ou les protéines de la matrice extracellu-

Figure 6. Coupes sagittales (A) et transversales (B) de l’aorte de lapin, 24 heures après injection degadofluorine. C et D représentent les coupes pathologiques correspondantes en marquage hématoxylineet éosine (H&E) (modifié d’après Sirol M et al. [21]).

Figure 7. Coupes transversales pondérée en T1, obtenues à 1,5 tesla, des carotides de cochon d’Inde. Lesimages ont été obtenues avant (A) et après (B) injection de produit de contraste spécifique de la fibrine. Laflèche blanche désigne la carotide thrombosée (d’après Sirol M et al. [23]).

Artère rénale Aorte

Trachée Bifurcation carotidiennedroite

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modalités d’imagerie non invasive les plus pro-metteuses. L’IRM permet en effet l’évaluation ensérie de la progression et de la régression deslésions d’athérosclérose. L’utilisation en IRMd’agents de contraste ciblés sur les composantsde la plaque d’athérome (imagerie moléculaire)ouvre une ère entièrement nouvelle pour le dia-gnostic, la prévention et le traitement des lésionsathéroscléreuses, quelle que soit leur localisation.

R É F É R E N C E S

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