Il /Ournal 20 N° 5786 1996 des ri bunaux · Max Kaser, Das romische Privatrecht (Beek; Mün chen,...

16
/Ournal 20 janvier 1996 115e année - 5786 Bureau de dépôt: Mons X Hebdomadaire, sauf juillet/août des ri bunaux r' Editeurs : LARCIER, rue des Minimes, 39 - 1000 BRUXELLES Edmond Picard (1881-1899) -Léon (1900-1940)- Charles Van Reepinghen (1944-1966) -Jean Dai (1966-1981) __ 3 1 ISSN 0021-812Xl JUSTICE ET PRESSE · REFLEXIONS COMPARATIVES ' ·-; SJ tl\ t. \ \996 l;.. i ', .;_, , . Ü M, .. ;M,, 21 1 R E · t;.U'v t... ·• " ···•· ···· •· ···· 1. - La Commission de la justice du Sénat, présidée par M. Roger Lallemand, a eu l'heu- reuse initiative d'organiser du 7 au 9 décembre 1995 un colloque intitulé« Justice et presse ». Les présentes réflexions comparati ves dévelop- pent une communication présentée au cours de ce colloque, le 9 décembre 1995. Durant ces journées d'étude il a été principale- ment question de la justice criminelle. La chose n'a pas de quoi étonner. C'est la partie de 1' exercice de la fonction de juger la moins éso- térique et qui suscite un intérêt immédiat auprès d'un public étendu, d'où l'empressement des médias à répondre à cette attente. Mais pareille publicité est aussi la plus menaçante pour les biens de la personnalité et ce qu'on appelle plus communément le droit au respect de la vie pri- vée. La vie privée de qui ? Des victimes et des témoins mais aussi de la personne accusée d'une infraction et dont la réputation souffre durant l'exercice des poursuites qui aboutiront peut-être à une décision de non-lieu où d'ac- quittement, durant l'exécution de la peine et après que le condamné a repris une place dans la société. 2. - Trois principes paraissent clairs et leur énoncé ne suscite pas la moindre controverse. Le premier principe est la publicité des débats criminels, le second, la liberté de la presse et le troisième, le droit au respect de la vie privée. a) La publicité de l'exercice de la justice cri- minelle est une condition essentielle de son fonctionnement dans un Etat de droit démocra- tique (1). Pour que cette publicité soit efficace, il est indispensable que les médias diffusent ce que les journalistes spécialisés ont pu suivre des débats : une publicité qui se limiterait à la centaine, parfois la dizaine de personnes pré- sentes dans la salle d'audience et suivie d'une diffusion restreinte par le bouche à oreille ne serait qu'une caricature de ce qu'ont voulu les constitutions démocratiques. b) La liberté de la presse et le pluralisme ga- rantissent aussi l'objectivité des comptes rendus et, le cas échéant, la confrontation ou la rectification d'impressions d'audience biaisées ou subjectives. La presse a une fonction péda- gogique dans ce domaine : même si, comme ce (1) Tenu par le Conseil d'Etat de France pour un «principe général de droit» : Ass., 4 oct. 1974, dame David, J.C.P., 1975, II, 17967. v"Ju·eJ fut le cas devant les juridictions athéniennes, la foule des citoyens pouvait suivre les débats, elle n'en percevrait que très partiellement le sens, les comptes rendus de la presse mettant à la portée des personnes peu familiarisées avec la justice le déroulement et l'issue des débats criminels. c) L'intérêt du public pour les procès crim.lnels n'a pas pour motivation principale la volonté de participer au contrôle démocratique de l' exer- cice de la fonction juridictionnelle, il s'y mêle souvent un attrait pour la dépravation du milieu criminel, renforcé d'une curiosité malsaine pour la vie privée des protagonistes du procès et nota.mment pour leur vie intime, qu'elle soit révélée par les enquêtes de personnalité ou qu'elle appartienne au tissu même des faits pu- nissables : les crimes passionnels et les délits sexuels sont ceux qui attisent le plus le désir d'information du public. D'où le devoir de la presse d'éviter toute complaisance en ce do- maine, afm que soit préservé le troisième prin- cipe fondamental, le droit au respect de la répu- tation et <;le la vie privée des personnes impliquées à des titres divers dans le procès périal : accusé, mais aussi victimes et témoins, En ce qui concerne les deux dernières catégo- ries de personnes, la prévention de toute publi- cité dommageable s'impose d'autant plus que certaines victimes (par exemple les victimes d'attentats sexuels) hésitent à déposer plainte ou que des témoins ne désirent pas comparaître en justice, même à ce titre, en raison de l'at- teinte à leur réputation que risque d'entraîner l' assqciation ainsi établie avec l'auteur d'une infraction. 3. - Le trois principes qui viennent d'être rap- pelés sont communs aux Etats démocratiques. En ce qui concerne les Etats parties à la Con- ·vention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, sont contenus dans les normes de ce traité que ces Etats se sont engagés à observer : l'article 6 garantit le droit au procès équitable qui inclut le principe de la publicité des débats (2); la liberté d'ex- pression qui fait l'objet de l'article 10 inclut la liberté de la presse; quant au droit au respect de la vie privée, il est prévu par l'article 8. Le Ier, le (2) Mais auquel il peut être dérogé en vertu de la même disposition, notamment « lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent... ». 1 Justice et presse : réflexions comparatives, par François Rigaux ......... · . . . . . . . 41 1 Assurance obligatoire de la responsabilité · automobile- Fonds commun- Juridictions répressives - Intervention - Devant le juge d'appel- Article 812, alinéa 2, du Code judiciaire (Cass., 2e ch., 20 septembre 1995) .... 46 1 Assurance obligatoire de la responsabilité civile automobile- Prescription- Article 10 de la loi du 1er juillet 1956 - Article 2252 - Mineurs et interdits - Exceptions (Cass., 1re ch., 1er juin 1995) ......... 47 1 Droits de la personnalité - Liberté d'expression - Juge des référés - Compétence - Respect de la vie privée - Film - Droit à l'image (Bruxelles, réf., ge ch., 21 décembre 1995) 47 1 Procédure pénale- Règlement de la procédure - Renvoi - Appel de l'inculpé -· Recevabilité (Bruxelles, ch. mis. ace., 22 juin 1995) 50 1 Faillite - Jugement déclaratif - Recours - Opposition - Recevabilité - Appel - Recevabilité - Conditions (Mons, 1re ch., 7 juin 1995) ......... 50 1 Sociétés - Administrateur provisoire - Charge des honoraires (Liège, 7e ch., 9 mai 1995) .......... 51 1 Divorce - Séparation de biens pure et simple- Immeuble- Sortie d'indivision- Partage - Vente publique (Mons, 2e ch., 3 mai 1995) .......... 52 1 Succession - Héritier - Indignité - Poursuites du chef de meurtre ou de tentative de meurtre- Indices graves de culpabilité- Désignation d'un séquestre judiciaire (Civ. Liège, réf., 27 septembre 1995) .. 53 1 Chronique judiciaire : La vie du Palais - Coups de règle - Echos - Bibliographie - Dates retenues. · des iltribunaux ',{,. 1 9 9 6 41

Transcript of Il /Ournal 20 N° 5786 1996 des ri bunaux · Max Kaser, Das romische Privatrecht (Beek; Mün chen,...

Page 1: Il /Ournal 20 N° 5786 1996 des ri bunaux · Max Kaser, Das romische Privatrecht (Beek; Mün chen, 2e Aufl., 1971), 1er Abschnitt, § 145.

Il ~ ; 1

!'1: ,, ,.

!!1

'fi

/Ournal 20 janvier 1996 115e année - N° 5786

Bureau de dépôt: Mons X Hebdomadaire, sauf juillet/août

des ri bunaux r'

Editeurs : LARCIER, rue des Minimes, 39 - 1000 BRUXELLES Edmond Picard (1881-1899) -Léon He~ebicq (1900-1940)- Charles Van Reepinghen (1944-1966) -Jean Dai (1966-1981)

__ ~,.,..~., 3 1 ISSN 0021-812Xl

~~ci~~~J;\3\jo-r\-\SEY·

JUSTICE ET PRESSE · REFLEXIONS COMPARATIVES

' ·-; SJ tl\ t. \ \996 l;..

~ lf~s:~ :·:{:;;.r~; i ·~~~:~'> ', ~<·:.·~~~~.:: .;_, -n~nse~ , . ,~$. Ü M, .. ;M,, 21 1 R E I'JJ;;~.,;~-... · t;.U'v t... ·• " ···•· ···· •· ····

1. - La Commission de la justice du Sénat, présidée par M. Roger Lallemand, a eu l'heu­reuse initiative d'organiser du 7 au 9 décembre 1995 un colloque intitulé« Justice et presse ». Les présentes réflexions compara ti v es dévelop­pent une communication présentée au cours de ce colloque, le 9 décembre 1995.

Durant ces journées d'étude il a été principale­ment question de la justice criminelle. La chose n'a pas de quoi étonner. C'est la partie de 1' exercice de la fonction de juger la moins éso­térique et qui suscite un intérêt immédiat auprès d'un public étendu, d'où l'empressement des médias à répondre à cette attente. Mais pareille publicité est aussi la plus menaçante pour les biens de la personnalité et ce qu'on appelle plus communément le droit au respect de la vie pri­vée. La vie privée de qui ? Des victimes et des témoins mais aussi de la personne accusée d'une infraction et dont la réputation souffre durant l'exercice des poursuites qui aboutiront peut-être à une décision de non-lieu où d'ac­quittement, durant l'exécution de la peine et après que le condamné a repris une place dans la société.

2. - Trois principes paraissent clairs et leur énoncé ne suscite pas la moindre controverse.

Le premier principe est la publicité des débats criminels, le second, la liberté de la presse et le troisième, le droit au respect de la vie privée.

a) La publicité de l'exercice de la justice cri­minelle est une condition essentielle de son fonctionnement dans un Etat de droit démocra­tique (1). Pour que cette publicité soit efficace, il est indispensable que les médias diffusent ce que les journalistes spécialisés ont pu suivre des débats : une publicité qui se limiterait à la centaine, parfois la dizaine de personnes pré­sentes dans la salle d'audience et suivie d'une diffusion restreinte par le bouche à oreille ne serait qu'une caricature de ce qu'ont voulu les constitutions démocratiques.

b) La liberté de la presse et le pluralisme ga­rantissent aussi l'objectivité des comptes rendus et, le cas échéant, la confrontation ou la rectification d'impressions d'audience biaisées ou subjectives. La presse a une fonction péda­gogique dans ce domaine : même si, comme ce

(1) Tenu par le Conseil d'Etat de France pour un «principe général de droit» : Ass., 4 oct. 1974, dame David, J.C.P., 1975, II, 17967.

v"Ju·eJ

fut le cas devant les juridictions athéniennes, la foule des citoyens pouvait suivre les débats, elle n'en percevrait que très partiellement le sens, les comptes rendus de la presse mettant à la portée des personnes peu familiarisées avec la justice le déroulement et l'issue des débats criminels.

c) L'intérêt du public pour les procès crim.lnels n'a pas pour motivation principale la volonté de participer au contrôle démocratique de l' exer­cice de la fonction juridictionnelle, il s'y mêle souvent un attrait pour la dépravation du milieu criminel, renforcé d'une curiosité malsaine pour la vie privée des protagonistes du procès et nota.mment pour leur vie intime, qu'elle soit révélée par les enquêtes de personnalité ou qu'elle appartienne au tissu même des faits pu­nissables : les crimes passionnels et les délits sexuels sont ceux qui attisent le plus le désir d'information du public. D'où le devoir de la presse d'éviter toute complaisance en ce do­maine, afm que soit préservé le troisième prin­cipe fondamental, le droit au respect de la répu­tation et <;le la vie privée des personnes impliquées à des titres divers dans le procès périal : accusé, mais aussi victimes et témoins, En ce qui concerne les deux dernières catégo­ries de personnes, la prévention de toute publi­cité dommageable s'impose d'autant plus que certaines victimes (par exemple les victimes d'attentats sexuels) hésitent à déposer plainte ou que des témoins ne désirent pas comparaître en justice, même à ce titre, en raison de l'at­teinte à leur réputation que risque d'entraîner l' assqciation ainsi établie avec l'auteur d'une infraction.

3. - Le trois principes qui viennent d'être rap­pelés sont communs aux Etats démocratiques. En ce qui concerne les Etats parties à la Con­·vention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ~ls sont contenus dans les normes de ce traité que ces Etats se sont engagés à observer : l'article 6 garantit le droit au procès équitable qui inclut le principe de la publicité des débats (2); la liberté d'ex­pression qui fait l'objet de l'article 10 inclut la liberté de la presse; quant au droit au respect de la vie privée, il est prévu par l'article 8. Le Ier, le

(2) Mais auquel il peut être dérogé en vertu de la même disposition, notamment « lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent... ».

1 Justice et presse : réflexions comparatives, par François Rigaux ......... · . . . . . . . 41

1 Assurance obligatoire de la responsabilité · automobile- Fonds commun- Juridictions répressives - Intervention - Devant le juge d'appel- Article 812, alinéa 2, du Code judiciaire (Cass., 2e ch., 20 septembre 1995) .... 46

1 Assurance obligatoire de la responsabilité civile automobile- Prescription- Article 10 de la loi du 1er juillet 1956 - Article 2252 -Mineurs et interdits - Exceptions (Cass., 1re ch., 1er juin 1995) ......... 47

1 Droits de la personnalité - Liberté d'expression - Juge des référés -Compétence - Respect de la vie privée -Film - Droit à l'image (Bruxelles, réf., ge ch., 21 décembre 1995) 47

1 Procédure pénale- Règlement de la procédure - Renvoi - Appel de l'inculpé - · Recevabilité (Bruxelles, ch. mis. ace., 22 juin 1995) 50

1 Faillite - Jugement déclaratif - Recours -Opposition - Recevabilité - Appel -Recevabilité - Conditions (Mons, 1re ch., 7 juin 1995) ......... 50

1 Sociétés - Administrateur provisoire -Charge des honoraires (Liège, 7e ch., 9 mai 1995) .......... 51

1 Divorce - Séparation de biens pure et simple- Immeuble- Sortie d'indivision­Partage - Vente publique (Mons, 2e ch., 3 mai 1995) .......... 52

1 Succession - Héritier - Indignité -Poursuites du chef de meurtre ou de tentative de meurtre- Indices graves de culpabilité- Désignation d'un séquestre judiciaire (Civ. Liège, réf., 27 septembre 1995) .. 53

1 Chronique judiciaire : La vie du Palais - Coups de règle - Echos -Bibliographie - Dates retenues.

Ç~:;::)ournal · des iltribunaux

',{,.

1 9 9 6

41

Page 2: Il /Ournal 20 N° 5786 1996 des ri bunaux · Max Kaser, Das romische Privatrecht (Beek; Mün chen, 2e Aufl., 1971), 1er Abschnitt, § 145.

1 9 9 6

41

rve et le ye amendement de la Constitution américaine, le right of privacy, tenu pour une émanation de ces amendements et leur combi­naison avec le xrve amendement en ce qui concerne la compétence pénale des Etats fé­dérés contiennent les trois mêmes principes.

Mais il existe un autre point de convergence entre les multiples ordonnancements juridiques de l'Europe des droits de l'homme et le droit américain : aussi assuré que soit l'énoncé des trois principes de nature constitutionnelle, au­tant paraît grande la difficulté de les harmoni­ser, disons le plus franchement, de trancher les conflits de lois qui surgissent à l'occasion d'une situation particulière à propos de laquelle ces principes entrent en concurrence. Où situer le point d'équilibre entre la publicité des débats et la liberté de la presse ? Plus exactement, y a-t-il des informations que la presse a le droit d'entendre mais qu'elle aurait le devoir de ne pas diffuser ? Dans. quelle mesure le droit au respect de la vie privée des diverses catégories de personnes impliquées dans un procès crimi­nel justifie-t-il que soit tempéré ou bien le prin­cipe de la publicité des débats ou bien la liberté de la presse ? Le premier et le second principe ne sont pas toujours convergents. Il est possible de les dissocier en décidant que certains faits rendus publics, notamment par le prononcé de la décision judiciaire, à la publicité de laquelle aucune exception n'est autorisée, ne pourront être divulgués par la presse que moyennant certaines conditions. Quant au droit au respect de la vie privée - lequel inclut le droit à la réputation- il est franchement antagoniste des deux autres.

4.- La liberté de la vie privée n'a pas été énoncée en troisième · lieu pour le seul motif qu'il faut bien choisîr un ordre de présentation. Une raison plus valable est qu'elle est l'une des dernières nées des grandes libertés démocra­tiques, la plus fragile à certains égards mais aussi la plus médiatisée. Au :xrxe siècle, seuls certains lieux ou des biens déterminés bénéfi­ciaient d'une protection constitutionnelle : il s'agissait, il s'agit encore, de l'inviolabilité du domicile et du secret des lettres. Ce n'est pas une coïncidence si l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a accroché à ces deux libertés traditionnelles le « droit au respect de la vie privée et familiale ».Mais ce droit, quali­fié de liberté de la vie privée, protège un bien immatériel, la réputation, l'honneur, l'intimité, bref tout ce dont la seule divulgation porte at­teinte à la dignité de l'être humain. Certes, la réparation des atteinte à l'honneur et à la répu­tation était déjà connue du droit romain, ce délit était qualifié d' iniuria (3), mais ce n'est qu'après la fin de la seconde guerre mondiale que les biens de la personnalité, qui incluent la présomption d'innocence, ont pénétré dans no­tre patrimoine constitutionnel. Le Tribunal constitutionnel fédéral allemand a motivé sa

(3) A ses origines, l'iniuria qualifiait la lésion illicite infligée à l'intégrité corporelle d'autrui. Mais l'ac­tion a ensuite été étendue à la réparation des atteintes à l'honneur. La fin poursuivie par le droit positif était le maintien de la paix publique, jusque-là troublée par les vengeances privées. Voy. H.-F. Jolowicz, Historical Introduction to the Studv of Roman Law (Cambridge, Univ. Press, 2d ed, 1967), pp. 274-275; Max Kaser, Das romische Privatrecht (Beek; Mün­chen, 2e Aufl., 1971), 1er Abschnitt, § 145.

<u)burnal des fcribunaux

doctrine du droit général de la personnalité ( dq,s allgemeine Personlichkeitsrecht) par l'applica­tion combinée de 1' article 2 I GG ( das Recht àuf die Entfaltung der Personlichkeit) et de l'arti­cle 1er I (Die Würde des Menschen ist unantast­bar). Le droit à l'épanouissement de la person­nalité est lié à l'intangibilité de la dignité humaine (4).

5. - II y a deux moyens de tenir en équilibre les trois intérêts en conflit, soit que le législa­teur s'efforce de les concili_er, soit que le juge procède à la pesée des intérêts en présence (balancing of interests test, Interessenabwa­gung). Sans que la première méthode exclue la seconde- car la loi a, elle aussi, besoin d'être interprétée et ses dispositions doivent être ajus­tées aux circonstances propres à chaque espèce - elle présente un risque notable : . quand le législateur s'efforce de trancher un conflit entre deux intérêts constitutionnellement protégés il s'avance sur unterrain qui n'est que partielle­ment le sien. Il ne peut, sous couvert d'intro:.. duire entre plusieurs normes constitutionnelles un équilibre auquell' auteur de ces normes n'a pas lui-même pourvu, faire pencher la balance d'un côté ou de l'autre de telle manière qu'une des garanties constitutionnelles soit sacrifiée à l'autre. Dans les pays oli il existe un contrôle complet de la constitutionnalité de la loi, ce sont les lois qui restreignent, conditionnent ou mitigent une liberté constitutionnelle qui sont le plus expo­sées à la censure du juge de la constitutionna­lité. Or tel est nécessairement l'effet d'une loi qui, pour écarter le conflit de deux normes constitutionnelles ne saurait manquer d'en li­mer les aspérités et, par conséquent, d'en atté­nuer l'impact.

6. - En Europe, plusieurs législateurs ont pro­tégé la vie privée des victimes d'une atteinte à leur intégrité sexuelle en interdisant que leur identité soit rendue publique sans leur consen­tement (5). La conformité de cette restriction à la liberté d'expression visée à l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne sem­ble pas avoir été portée devant la Commission

(4) L'arrêt Boil du Tribunal constitutionnel fédéral contient une énumération des principaux attributs du droit général de la personnalité : BVerfG, 3 juin 1980, BVeifGE, 54, 148, 154. (5) En Belgique : article 378bis du Code pénal, in­séré par l'article 4 de la loi du 4 janvier 1989 modi­fiant certaines dispositions relatives au crime de viol. En Allemagne :paragraphe 171b GVG (Gerichtsver­fassungsgesetz), ayant pour intitulé Ausschluss der Offentlichkeit zum Schutz der Privatsphiire, introduit par la loi du 18 décembre 1986 (Opfemschutzgesetz, BGBI 1, 2496), disposition conçue en termes beau­coup plus larges et qui ne se limite pas aux victimes de violences sexuelles. En Italie, la Chambre des représentants a adopté le 28 septembre 1995 un projet de loi actuellement pendant devant le Sénat et qui se propose d'intro­duire dans le Code pénal un article 734bis, réprimant la divulgation par les moyens de communication de masse de l'identité ou de l'image d'une victime de violences sexuelles sàns le consentement de celle-ci : Senato della Reppublica, 2a Commissione perma­nente, AA.SS.nn. 2154-60-1854, novembre 1995. Sur le droit francais, voy. Pierre Kayser, La protec­tion de la vie privée par le droit (Economica, Presses

--universitaires d'Aix-Marseille, 3e éd., 1995), pp. 298-299.

- européenne des droits de-l'homme. Aux Etats­Unis, au contraire, la Cour suprême a déclaré incompatibles avec le rer amendement, des lois d'Etat ayant une portée analogue (6). Il est con­traire à la liberté de la presse d'interdire aux organes-des médias de diffuser une information qu'ils ont régulièrement obtenue.

7.- En l'absence de texte, ce qui vaut notam­ment en Belgique pour les hypothèses non cou­vertes par le nouvel article 378bis ·du Code pénal, c'est au juge qu'il appartient de tenir eri équilibre la liberté d'expression et la protection de la personnalité de la victime, des proches du suspect ou du coupable, et de l'accusé lui­même: Le principe central de la jurisprudence américaine, dont les décisions sont les plus ciFconstanciées en la matière, est résumé dans un jugement de la district court fédérale du District of Columbia : Clearly this society has put a higher value on open criminal proceedings and on public dis­cussion of all issues than on the individual 's right to privacy (7).

Parmi les cas américains les plus typiques rela­tifs à la vie privée de personnes autres que l'accusé, on peut citer : - la diffusion par un journal du nom . et de l'adresse des parents d'un majeur suspecté d'un crime (8). Mais la Cour suprême de l'Ohio qui prononce cette décision exprime cependant sa commisération pour les demandeurs et ob­serve :

. that a more sympathetic and considerate repor­ter would not have included all of the informa~ tiqn concerning plaintif! himself in the newspa­per article (9); ~ la divulgation par un journal de l'homo­sexualité de l'homme qui avait détourné le

-g~ste de la femme qui tentait d'assassiner Ge­rald Ford.

Pour justifier cette solution la court of appeals de Californie précise que 1' information était newsworthy et qu'elle ne faisait pas découvrir un secret, le demandeur étant un gay activist ay:ant participé en eette qualité à de nombreuses manifestations publiques (10).

8. - En ce qui concerne la personne accusée d'une infraction, il y a lieu de distinguer les phases successives de l'information ou de l'ins­truction, les débats publics devant la juridiction de fond, la décision définitive sur le bien-fondé d~s poursuites et l'obstacle à la réhabilitation du condamné que peut constituer une redivul­gation des faits criminels après que la peine a été exécutée ou prescrite. Il faudra aussi dire quelques mots de l'utilisation de faits criminels réels à des fins de divertissement.

(6) Depuis Cox Broadcasting Corp. v Cohn,420 US 469 (1974) jusqu'à The Florida Star v B.J.F., 491 US 524 (1989). Ce n'est pas seulement la privacy de la victime d'un viol que le législateur de la Floride av~t eu l'intention de protéger, mais aussi sa sécu­rit~, notamment quand le coupable était inconnu ou fugitif. (7) Dresbach v Doubleday and Cy, !ne., 518 F Supp 1285, 1291 (1981). (8) Strutner v Dispatch Printing Co, 442 NE 2d 129 (Qhio, 1982). (9) 442 NE 2d 135. {10) Sipple v The Chronicle Publishing Co., 154 Cal. App. 2d 349, 201 Cal. Rptr. 668 (1984).

Page 3: Il /Ournal 20 N° 5786 1996 des ri bunaux · Max Kaser, Das romische Privatrecht (Beek; Mün chen, 2e Aufl., 1971), 1er Abschnitt, § 145.

9.- D'anciennes dispositions du droit fran­çais et du droit allemand interdisent la publica­tion des « actes d'accusation et d'autres actes

. de procédure criminelle ou correctionnelle avant qu'ils aient été lus en audience pu­blique » (11). La loi française du 29 juillet 1881 avait été précédée de la Reichspressege­setz du 7 mai 1874 contenant une prohibition analogue, aujourd'hui inscrite dans le paragra­phe 353d StGB. La cour d'appel. de Paris a récemment décidé que si elle est faite en conformité avec l'article 38 de la loi de 1881, la publication des actes de la procédure n'est pas incompatible avec l' arti­cle 9 du Code civil sur le droit au respect de la vie privée (12). En Allemagne,. -les journalistes de « ,stem » condamnés pour avoir transgressé le paragra­phe 353d précité ont introduit un recours cons­titutionnel fondé sur la violation de la liberté d'expression et de la liberté de la presse (art. 5 GG). ll s'agissait en l'occurrence de faits de corruption dans lesquels étaient impliquées des personnalités publiques ( Flick-Spenden-Af­fare) et le Tribunal constitutionnel fédéral a longuement motivé la compatibilité de la dis­position pénale protégeant le secret de l' ins­truction avec l'article 5 de la Loi fondamentale (13). La motivation de l'arrêt donne à la dispo­sition attaquée une interprétation qui ne fut as­surément pas celle du législateur du d~rnier quart du XIXe siècle : ni la présomption d'in­nocence ni la protection de la personnalité de personnes impliquées dans les actes préparant les poursuites n'avaient pu inspirer le législa­teur de 1874 (pas plus qu'elles n'avaient mo­tivé le législateur français sept ans plus tard). Mais il est usuel qu'un texte ancien soit revi­goré ou rajeuni par des justifications contempo­raines et qu'il soit prêté au législateur du passé des préoccupations qu'il n'a pas eues. Le Tri­bunal constitutionnel fédéral précise que l'ac­cent d'authenticité que confère la reproduction textuelle, même partielle, des actes d' instruc­tion non encore divulgués- par l'autorité pu­blique porte à la présomption d'innocence et au droit de la personnalité de ceux qui en font l'objet une atteinte beaucoup plus sérieuse qu'une information factuelle demeurant dans les limites de 1a loi ( 14). La méthode sui vie par le Tribunal constitutionnel fédéral est celle de la« pondération globale » (Gesamtabwagung) des intérêts en conflit.

10. - La jurisprudence allemande s'est aussi prononcée sur les communications faites à la presse par le procureur d'Etat (Staatsanwalt). Le Bundesgerichtshof a rejeté le recours en cassation (Revision) dirigé contre une décision de cour d'appel ayant condamné le Land res­ponsable à payer une somme de 10.000 DM à un avocat-notaire dont l'identité avait été révé­lée à la presse durant une enquête à l'issue de laquelle il sera acquitté en 1990 (15). La Cour de justice fédérale rappelle le devoir du Staat-

(11) Loi française sur la presse du 29 juillet 1881, art. 38, al. 1er.

(12) Paris, 24 mai 1994, D.S., 1995, I.R., 182. (13) BVerfG, 3 déc. 1985, Flick-Spenden-Affi:ire, BVerfGE, 71,206. Voy. Jens Ph. Wilhelm,« Vorzei­tige Weitergabe einer Anklageschrift, § 353d Nr 3 StGB », N.J.W., 1994, 1520-1522. (14) BVerfGE, 71, 216-219. (15) BGH, 17 mars 1994, N.J. W., 1994, 1950.

sanwalt de tenir en équilibre le droit à l'infor­mation de la presse et « le droit général de la· personnalité (intérêt au maintien du secret) » (16). Le même arrêt rappelle sa jurisprudence antérieure selon laquelle la présomption d'in­nocence est trop souvent mal perçue du public non averti (Laien), qui déduit de la seule men­tion du nom d'une personne faisant l'objet d'une information judiciaire en matière pénale que cette personne est coupable de l'infraction alléguée. Il en résulte que durant la phase pré­paratoire au renvoi ou à la citation de l'inculpé devant la juridiction de jugement, ce n'est qu'exceptionnellement que l'identité de l'inté­ressé peut être divulguée. Les deux principales exceptions, telles qu'elles résultent aussi de la jurisprudence du Tribunal constitutionnel fédé­ral, sont la gravité particulière du crime ou la qualité de personnage de l'histoire_ contempo­raine (Person der Zeitgeschichte) de l'accusé (17). La faute commise par le représentant du Staatsanwalt est particulièrement lourde quand les faits dévoilés se sont révélés inexacts (18).

Ces décisions ont pour objet le devoir de confi­dentialité des organes judiciaires, sans qu'il puisse être reproché aux journalistes de diffuser une information reçue du parquet. Au demeu­rant dans l'affaire terminée par l'arrêt du 17 mars 1994 l'action dè la victime a été dirigée contre le Land et non contre le Frankfurter Allgemeine Zeitung qui avait diffusé l'informa­tion.

Les conférences de presse organisées par un organe de l'Etat, notamment par la police, ont fait l'objet de nombreuses décisions judiciaires, notamment en Allemagne (19), en Suisse (20) et aux Etats-Unis (21).

11. - La presse a un devoir de prudence dans la diffusion des informations qu'elle a réguliè­rement obtenues car, comme l'a rappelé Lord

(16) N.J. W., 1994, 1951 : die erforderliche Abwa­gung zwischen dem Informationsrecht der Presse und dem: allgemeinen Personlichkeitsrecht (Geheim­haltungsinteresse ). ( 17) La matrice de cette jurisprudence est l'arrêt Le­bach du Bundesverfassungsgericht, 5 juin 1973, BVerfGE, 35, 202, 232. Plus récemment: BVerfG, 11 novembre 1992, N.J. W., 1992, 3288. Voy. aussi, OLG Hamburg, 28 mars 1991, N.J. W., 1992, 1322 (som.). ·

(18) BVerwG, 14 avril 1988, N.J.W., 1989, 412; 6 février 1991, N.J. W., 1992, 62. On notera que la juridiction administrative sous le contrôle du Bun­desverwaltungsgericht est compétente pour prendre des mesures à 1' égard du Staatsanwalt. Le second arrét du tribunal_ administratif fédéral a rejeté le re­cours contre la décision ayant déclaré irrecevable l'exercice d'un pourvoi en cassation (Revision) con­tre l'arrêt du tribunal administratif supérieur ayant condamné l'organe du ministère public à la rétracta­tion de l'allégation inexacte : OVG Koblenz, 20 mars 1990, N.J. W., 1991, 2659. Le juge du fond a rappelé que le droit général de la personnalité inclut la protection contre des divulgations dommageables de l'autorité publique ( Staatsgewalt ).

(19) OLG Braunschweig, 24 oCtobre 1974, N.J. W., 1975, 651. (20) Trib. féd,, 7 oct. 1986, K. c. Canton de Vaud, A. T.F., 112, 'L b, 446, 450-451. (21) Borucki v Ryan, 658 F Supp 325 (D. Mass., 1986) : il est illicite que le district attorney révèle au cours d'une conférence de presse qu'une personne arrêtée durant vingt jours a été soumise à une ex­pertise psychiatrique.

Devlin, la majorité des lecteurs d'un journal les informant d'une enquête ouverte à charge d'une société concluent prématurément à la culpabilité des personnes dont l'identité a été divulguée (22). Toutefois, la House of Lords a estimé excessif le montant des dommages-inté­rêts alloués par le jury (f 217.000) et l'affaire s'est terminée par le paiement transactionnel de 22.000 f (23).

Même à l'égard d'informations régulièrement obtenues, la presse est tenue à un devoir de retenue (Zurückhaltung), notamment en raiso~ de la propension d'un public non averti à tenir pour déj~ établis des faits criminels qui font · seulement l'objet d'une instruction prépara­toire .(24). Il n'est certes pas illicite de diffuser à la télévision le nom et 1 'image d'une personne accusée de corruption dans le processus de pri-vatisation de l'économie des nouveaux Uin-der :il-s'agit d'un enjeu politique sur lequel le public a le droit d'être informé et un homme d'affaires (Geschaftsmann) est, enraison de son activité professionnelle, soumis à la cri-tique, étant un« personnage relatif de l'histoire contemporaine » (relative Person der Zeitge-schichte). Mais cela ne délie pas l'organe de presse de son obligation de prudence (25). Le même arrêt réforme toutefois le jugement at-taqué qui avait accordé 15.000 DM de dom-mages-intérêts, la réparation pécuniaire du dommage immatériel n'étant prévue que pour les violations les plus graves du droit de la personnalité.

1 9 9 6 12.- Quand les journalistes mènent une in­vestigation parallèle à celle de la police, ils 4j doivent respecter la loi. Après la disparition d'Uwe Barschel, ministre président du Schles­wig-Holstein, accusé d'être compromis dans un scandale politique, un journaliste a retrouvé sa _.._ __ _ trace à Genève et a réussi à pénétrer dans l' ap-partement de Barschel à l'Hôtel Beau-Rivage. Après avoir pris des photographies de la cham-bre qu'il croyait inoccupée il y est ensuite re-tourné et au cours d'une investigation plus ap-profondie a découvert l'homme politique allemand mort dans sa baignoire. La photogra-phie qu'il en a prise fut, avec celle de la cham-bre, publiée par l'hebdomadaire allemand «stem ». Siégeant comme Cour de cassation pénale, le Tribunal fédéral a rejeté le pourvoi dirigé contre la décision genevoise qui avait condamné le journaliste à trois mois de prison avec sursis et 10.000 F d'amende, peine jugée très modérée compte tenu de la gravité des faits (26).

13. - En revanche, on ne saurait refuser aux journalistes le droit de mener par les moyens qui sont les leurs des investigations parallèles à

(22) Lewis v Daily Telegraph, Ltd [1963] 2 AilER 151, 173 (HL).

(23) Salmond and Heuston on the Law of Torts, 18th ed. by R.F.V. Heuston and R.S. Chambers (London, Sweet and Maxwell, 1981), p. 149, n. 1. (24) OLG Braunschweig,24 oct. 1974, N.J. W., 1975, 651. (25) OLG Brandenburg, 15 févr. 1995, N.J. W., 1995, 886. (26) Trib. féd., 10 juill. 1992, A.T.F., 118, IV, 319. La note introduisant la publication de la traduction allemande de la décision (N.J. W., 1994, 504) ne fait pas état d'une action qui aurait été intentée en Alle­magne en raison de la divulgation des images irrégu­lièrement obtenues.

:~ .•

7 ;ournal des -~:cri bunaux

Page 4: Il /Ournal 20 N° 5786 1996 des ri bunaux · Max Kaser, Das romische Privatrecht (Beek; Mün chen, 2e Aufl., 1971), 1er Abschnitt, § 145.

1 9 9 6

44

celles des autorités publiques. N'est-il pas sou­vent arrivé, aux Etats-Unis et ailleurs, que la dénonciation de faits criminels par un organe des médias a déclenché, accéléré ou éclairé l'action de la justice ? Ici se pose la question épineuse de la protection des sources du journa­liste. Il·ne saurait s'agir en aucun cas d'imposer à un organe des médias de rapporter la preuve de l'origine licite des informations diffusées. Pourquoi refuser aux seuls journalistes le droit à la présomption d'innocence ? L'extension de la qualification de recel à la détention d'une information. suppose qu'il soit démontré qu'un bien mobilier corporel, un document écrit par exemple, soustrait à son légitime détenteur, est passé par les mains du journaliste. La détention d'une copie, même d'une photocopie, une in­formation orale ne sauraient. donner lieu à la qualification de recel. Là où elle est admissible, la preuve du délit doit être administrée par la partie poursuivante sans que le journaliste soit tenu de faire la preuve d'un fait négatif, à savoir que sa source d'information n'était pas illicite.

14.- Le données changent dès le moment où l'accusation criminelle est portée devant la juri­diction compétente et-accompagnée par consé­quent de la publicité en principe inhérente au procès pénal.

Il appartient au juge constitutionnel de prot~ger les journalistes contre la décision arbitraire d'un magistrat. Est inconstitutionnelle l' ordon­nance d'un juge d'instance (Amtsgericht) ayant interdit à. un journaliste d'assister à ses au­diences parce que celui-ci avait publié un arti­cle désobligeant à l'égard de ce magistrat (27). Est également annulée la condamnation à trois jours de prison pour contempt of court d'un journaliste ayant vivement critiqué une déci­sion judiciaire en matière civile. A cette occa­sion, la Cour suprême des Etats-Unis affirme le principe d'une totale transparence des débats judiciaires : A trial is a public event. What transpires in the courtroom is public proper-ty (28).

15. - Comme on l'a vu plus haut (n° 5), l'équilibre établi en Europe entre la publicité du procès pénal et le respect de l'intimité des vic­times penche davantage qu'aux Etats-Unis du second côté. En Allemagne, le Tribunal consti­tutionnel fédéral opère le même déplacement d'équilibre en faveur des condamnés. Ce ne sont pas seulement les informations diffusées avant la condamnation qui ne doivent pas dé­voiler inconsidérément l'identité des suspects (supra, n°s 9 et 11), mais la publicité des juge­ments de culpabilité est soumise à des restric­tions assez semblables. Dans l'intérêt de la re­socialisation du condamné le Conseil allemand de la presse a recommandé de ne diffuser ni le nom ni l'image des personnes ayant commis des infractions de faible gravité ou des mineurs (29). Rappelée dans un arrêt plus récent du

(27) BVeifG, 6 févr. 1979, Kolner Volksblatt, BVeifGE, 50, 234, 238-243. (28) Craig v Harvey, 331 US 367, 374 (1947). (29) BVerfG, 5 juin 1973, Lebach, BVeifGE, 35, 202, 232. Voy. Heribert Hirte, « Mitteilung und Pu­blikation von Gerichtserttscheidungen », N.J. W., 1988, 1698-1705. Principe réa:ffmné et appuyé sur le · respect du principe de proportionalité ( Grundsatz der Verhiiltnismiissigkeit) par BVerfG, 25 févr. 1993, N.J. W., 1993, 1463, 1464.

·LcLFournal des ·8,,:ribunaux

Tribunal constitutionnel fédéral, la réserve ainsi recommandée à la presse ne s'impose pas à l'égard des personnages publics (p71blic fi­gures selon la terminologie américaine; Perso­nen der Zeitgeschichte selon le paragraphe 23 I de la loi allemande sur le droit d'auteur du 9 janvier 1907). Et les personnages de l'histoire contemporaine qui méritent cette qualification à un titre absolu ---;absolute Personen der Zeit­geschichte- sont privés du droit à la maîtrise de leur image, y compris quand ils font l'objet de poursuites ou d'une condamnation pénales (30). Du point de vue de la publicité donnée au procès pénal et déjà aux poursuites, la préten­tion de certains hommes politiques d'être jugés comme un simple citoyen ne paraît dès lors pas justifiée : le droit à l'information du public est certes plus étendu dans leur cas.

Mais la jurisprudence allemande a très nette­ment rejeté l'idée selon laquelle la personne accusée ou condamnée au pénal est comme telle un personnage public. Tout au plus l'est-:­elle de manière relative et pour un laps de temps assez bref (31). La jurisprudence améri-

. caine a suivi la même orientation (32). ·

Alors qu'en Allemagne, c'est la jurisprudence des cours et tribunaux sous le contrôle de léga­lité du Bundesgerichtshof et le contrôle de constitutionnalité du B undesverfassungsge­richt qui a déplacé 1' équilibre entre la liberté de la presse et « le droit général de la personna­lité » (33), en d'autres pays les actes législatifs restreignant en la matière la liberté de la presse ont résisté à un contrôle. de constitutionnalité. En Suisse, le Tribunal fédéral n'a pas jugé con­traire ni à la liberté de la presse garantie par la Constitution fédérale ni à 1' article 10 de la Con­vention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le paragraphe 15 de ·la loi du canton d'Argovie du 11 décembre 1984 qui restreint la diffusion par la presse des comptes rendus de débats criminels (34). Bien que la protection de la personnalité ( Schutz der Personlichkeit) soit une matière fédérale réglée par l'article 28 du Code civil, cette disposition n'exclut pas une compétence complémentaire des cantons, le droit civil ne suffisant pas à protéger la personnalité des personnes impli­quées dans un procès criminel.

16.- La télévision appartient aujourd'hui à ces moyens de communication auxquels s' ap-

(30) Principe rappelé par BVerfG, 11 nov. 1992, N.J. W., 1992, 3288, 3289, à propos d'Eric Honecker. Sur la distinction entre « absolute » et « relative » Personen der Zeitgeschichte, à laquelle correspond une distinction analogue faite aux Etats-Unis dans la catégorie des public figures, voy. F. Rigaux, La pro­tection de la vie privée et des autres biens de la personnalité (Bruylant, Bruxelles, L.G.D.J., Paris, 1990), n° 260 et n° 297. (31) KG, 28 avril 1987, N.J. W., 1989, 397. Dans la doctrine, Ernst-Joachim Lampe, «Der Straftater als "Person der Zeitgeschichte" », N.J. W., 1973, 217-222. (32) Wolston v Reader's Digest Association, Inc., 443 US 157, 171 (1979). Voy. encore infra, n° 16. (33) Das allgemeine Personlichkeitsrecht erganzt als unbenanntes Freiheitsrecht die speziellen Frei­heitsrechte : BVerfG, 25 sept. 1992, Fernsehbericht über Korruptionsprozess, N.J. W., 1993, 1463. (34) Trib. féd., 2 mars 1987, A.T.F:, 113, 1, 309, 315-316.

pliquent des règles analogues à celles qui gou­vernent la presse écrite (35) : principe de li­berté et devoir d'information du public, tem-

iJérés par le maintien d'un équilibre satisfais:;tnt avec les biens de la personnalité des personnes impliquées dans un procès pénal. Le Tribunal constitutionnel fédéral a rappelé que la télévi­sion a un impact plus considérable ( einen stiir­keren Eingrif.f) que les autres médias (36).

Quand les opérateurs de la télévision sont auto­risés à pénétrer dans les salles d'audience et à enregistrer l'intégralité d'un procès pénal, on pourrait croire que seraient restaurées les con­ditions de la démocratie athénienne. La diffu­sion par la chaîne CNN des débats de l'affaire O.J. Simpson à Los Angeles a bénéficié d'un des meilleurs taux· d'écoute parmi les pro­grammes diffusés simultanément (37). Lapé­nétration des équipes de télévision dans les salles d'audience a résisté aux Etats-Unis au grief d'inconstitutionnalité (38). En Allema­gne, le Tribunal constitutionnel fédéral a ré­cemment retenu une solution plus nuancée. Le premier cas de cette nature devant le Bundes­verfassungsgericht concernait le procès d'Eric Honecker. Sans doute le législateur a-t-il en 1964 ajouté une phrase au. paragraphe 169 GVG (loi d'organisation judiciaire), aux termes de, laquelle les prises de son et de vue (Ton- und Filmaufnahmen) sont interdites durant le dé­roulement d'un procès pénal. La compatibilité de cette prohibition avec la liberté de la presse (art. 5 GG) ne semble pas avoir été contestée. Toutefois, le président de la juridiction saisie des poursuites contre Honecker s'était fondé sur le paragraphe 176 GVG (compétence quant au maintien de 1' ordre), pour interdire aussi que les opérateurs de télévision pussent filmer les protagonistes du procès dans la salle d'au­dience avant et après le déroulement (Verhand­lung) proprement dit des débats.

D'abord saisi par une procédure d'urgence, le Tribunal constitutionnel fédéral a distingué cette hypothèse de celle qui est explicitement visée par le paragraphe 169 précité et il a estimé que la prohibition était excessive eu égard aux conditions très strictes (une seule équipe de trois homme!), égal accès de. plusieurs chaînes à la retransmission et prohibition de toute exploi­tation économique) acceptées par les chaînes de télévision (39).

La solution a été maintenue dans la décision sur le fond prononcée deux ans plus tard ( 40), le

(35) BVerfG, 14 juill. 1994, N.J. W., 1995, 184. (36) BVerfG, 25 févr. 1993, Pressegerichtserstat­tung uber getilgte Vorstrafe, N.J. W., 1993, 1463, 1464. Voy. aussi, BVerfG, 25 sept. 1992, Fernsehbe­richt über Korruptionsprozess, N.J. W., 1993, 1463. (37) Voy. notam. Jill Srriolowe, «TV Cameras oh Trial », Time, July 24, 1995, p. 38. (38) Chandler v Florida, 449 US 560 (1981). La Cour suprême a rejeté le· recours dirigé contre un arrêt de la Cour suprême de Floride ayant décidé que la loi de cet Etat autorisant la présence de la télévi­sion dans les salles d'audience n'est pas contraire à la Constitution fédérale. (39) BVerfG, 11 nov. 1992 (einstweilige Anord­nzing), Fernsehberichtsersttatung vom Honecker­Prosess, BVeifGE, 87, 334, N.J. W., 1992, 3288. (40) BVerfG, 14 juill. 1994, N.J.W., 1995, 184. Le bien-fondé de la décision a fait l'objet de com­mentaires contrastés; Comp. Gerhard Wolf, «Die Gesetzwidrigkeit von Femsehübertragungen aus Ge-

Page 5: Il /Ournal 20 N° 5786 1996 des ri bunaux · Max Kaser, Das romische Privatrecht (Beek; Mün chen, 2e Aufl., 1971), 1er Abschnitt, § 145.

Tribunal constitutionnel mettant l'accent sur la qualité de personnage public de l'accusé et sur la dimension historique et politique des pour­suites à laquelle correspond un besoin plus in­tense d'information du public. Ce passage de 1' arrêt donne clairement à entendre le caractère exceptionnel de la solution, limitée, il faut le rappeler, à des prises de vue en dehors du débat crithinel.

17.- Les règles du huis-clos sont bien con­nues et ne méritent pas un examen plus appro­fondi sauf pour signaler que la Cour suprême des Etats-Unis reconnaît au public et, par con­séquent, aux organes de presse un intérêt à s'opposer à une décision de huis-clos en ma­tière pénale (41).

18. - Quelles que . soient les circonstances dans lesquelles un organe des médias affirme qu'une personne a été pénalement condamnée, son premier devoir est le respect de la vérité. Dès lors une énonciation fausse doit être tenue pour diffamatoire et justifie la réparation ap­propriée (42).

En outre, si la divulgation d'une condamnation pénale encore sujette à des voies de recours n'est pas comme telle illicite, elle entraîne pour le périodique le devoir d'accorder une publicité similaire à la décision d'acquittement réfor.,. mant la condamnation prononcée par le pre­mier juge ( 43).

19.- Les faits d'un procès pénal et la con­damnation conservent-ils une valeur d'actualité (newsworthiness) à l'expiration d'un délai et lequel ? Ici deux courants jurisprudentiels s'opposent assez nettement.

D'un côté, en Italie (44) et en France (45), la Cour de cassation paraît refuser tout « droit à l'oubli» en raison d'un argument très formel : les faits d'audience et la condamnation sont tombés dans le domaine public et leur actualité peut à tout moment être ranimée. Les meilleurs spécialistes français de la matière critiquent l'attitude rigide de la jurisprudence (46), et l'on peut comparer à la sévérité à l'égard de laper­sonnalité des condamnés les restrictions consi­dérables apportées par la même jurisprudence à la liberté de la presse par considération pour la vie privée des vedettes de la scène et du sport et pour les membres de certaines familles prin­cières.

richstverhandlungen », N.J.W, 1994, 681-687, à Carl-Eugen. Eberle, « Gesetzwidrige Medienoffen­tlichkeit beim BVerfG », N.J. W, 1994, 1637-1639; Reiner Hamm, « Hauptverhandlungen in Strafsachen·

· vor Fernsehkameras - auch bei uns ? », N.J. W., 1995, 760-761. (41) Richmond Newspaper /ne. v -Virginia, 448 US 555, 580 (1980); Globe Newspaper Co. v Superior Court, 457 US .596 (1982). (42) Wolston v Reader's Digest Association, /ne., 443 US 157 (1979); Cass. (it.), 1 Sez. Civ., 13 mai 1958, n. 1563, Il diritto di autore, 1971, 197, 201-202; BGH, 5 mars 1963, N.J. W., 1963, 904. (43) BGH, 30 nov. 1971, N.J. W, 1972, 431. (44) Sur le principe : Cass., 13 mai 1958 (supra, note 42). (45) Cass. civ., 1re, 20 nov. 1990, Monanges c. Kern, J.C.P., 1992, II, note J. Ravanas. (46) J. Ravanas dans la note précitée etP. Kayser, op. cit. (note 5), pp. 298-299.

En Allemagne et au moins en certains Etats des Etats-Unis, l'obstacle que peut constituer pour la resocialisation du condamné la divulgation d'un passé criminel peut en certaines circons­tances rendre celle-ci illicite. Le principe est celui de « la mise à distance du fait criminel » (mit der zeitlichen Distanz zur Straftat) (47). Sans doute, le fait que onze ans après une con­damnation pour vol à l'étalage une personne soit candidate à un poste dans la police pourrait justifier une réactualisation du passé criminel, mais en interdisant la réitération de l'allégation (Unterlassung), le juge civil a correctement ap­pliqué le principe de proportionnalité.

Deux décisions de la Cour suprême de Califor­nie, Etat dont la Constitution garantit expressé­ment le right to privacy, considèrent aussi que la redivulgation de faits criminels onze ans après qu'ils ont été commis porte atteinte à un intérêt que 1 'Etat peut légitimement faire préva­loir sur la libérté de la presse, à savoir la réhabi­litation du condamné qui a purgé sa pei­ne (48).

20. - Un dernier faisceau de problèmes a pour objet l'utilisation de faits criminels réels à des fins de divertissement ( entertainment ). Deux principes paraissent se contrebalancer. D'une part, les publications de· divertissement bénéfi­cient elles aussi de la protection accordée à la liberté d'expression ( 49), solution d'autant plus impérieuse que la frontière entre l'infor­mation et le divertissement est souvent élusive (50). D'autre part, et ce contrairement à ce qui est parfois affirmé, la circonstance qu'un au­teur, un écrivain ou un cinéaste a choisi le domaine de la fiction ne 1' exonère pas de toute responsabilité s'il insère dans la trame fictive des personnages vivants, nommément désignés ou seulement reconnaissables ou s'il s'inspire de faits réels dont les acteurs peuvent être iden­tifiés. Le Tribunal constitutionnel fédéral alle­mand a souligné le caractère pernicieux d'un mélange de réalité et de fiction (Dichtung und Wahrheit) car il induit à prêter aux personnages réels des éléments purement fictifs (51).

Dans la jurisprudence copieuse et notablement divergente en la matière on se bornera à fixer quelques repères.

(47) BverfG, 25 févr. 1993, Presseberichterstattung über getilgte Vorstrafe, N.J. W, 1993, 1463, 1464. (48) Briscoe v Reader's Digest Association. /ne., 4 Cal. 2d 529, 483 P 2d 34 (1971), cité par Forster v Buglioni, 163 Cal. Rpt. 628, 608, P 2d 718 (1980). (49) Jurisprudence constante aux Etats-Unis, notam­ment quand la Cour suprême étend la protection du 1er Amendement aux spectacles pour adultes : Schad v Borough of Mount Ephraim, 452 US 61, 65 (1981). Dans le même sens : BverfG, 25 janv. 1984, Walraff, BVerfGE, 66, 116, 134, citant BVerlG, 14 févr. 1973, Prinzessin Sorava, BVerfGE~ 34, 269, 283. (50) « The line between the informing and the enter­taining is too elusive for the protection of, [ ... ] (the frcedom of tbe press) : Winters v New York, 333 US 507, 510, cité par Time /ne. v Hill, 385 US 374, 388 (1967). (51) BGH, 20 mars 1968, Mephisto, BGHZ, 50, 133, 141-142, le recours contre cet arrêt n'ayant pas abouti en raison du partage des voix dans la juridic­tion constitutionnelle : BVerfG, 24 févr. 1971, BVerfGE, 30, 173. Sur la confusion pernicieuse entre Dichtung und Wahrheit, voy. BVerfG, 5 juin 1973, Lebach, BVerfGE, 35, 202, 229.

A un extrême la jurisprudence américaine qui fait généralement prévaloir la liberté d'expres­sion (52). A l'autre extrême la jurisprudence allemande qui depuis l'arrêt Le bach a mis l'ac­cent sur le droit du criminel à l'oubli : en l'es­pèce, un homosexuel condamné à six ans de prison pour le meurtre d'uri. soldat a, après l'exécution de sa peine, obtenu l'interdiction de la diffusion d'un film de télévision retraçant les faits du procès avec mention du nom des prota-gonistes (53). Un arrêt plus récent de la même juridiction, mais dans un autre contexte, a rap-pelé le droit du condamné à l'oubli en des termes· empruntés à la définition américaine de la privacy (the right to be let alone) : das Recht des Tiiters, « allein gelassen zu werden » (54). Après le décès d'un meurtrier, le Tribunal fédé-ral suisse a reconnu au fils du . condamné un intérêt personnel à s'opposer à la diffusion d'un jeu radiophonique (Dokumentarspiel) retraçant la carrière criminelle du défunt (55). La juris­prudence française occupe un espace intermé­diaire, sur le principe plus proche de la jurispru­dence améri~aine, en ce que l'utilisation artistique de faits d'un procès criminel est en principe couverte par la liberté d'expression (56), sous réserve de la suppression de sé­quences jugées trop douloureuses pour les pa-rents de la victime (57) ou qui représentent des personnes vivantes dans des scènes de la vie privée (58).

21. - De ce bref survol de droit comparé, il est permis de tirer quelques conclusions. 1 9 9 6 D'abord, qu'il existe entre de nombreux Etats, notamment entre ceux qui ont ratifié la Con- ~) vention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et entre ces pays et les Etats-Unis, une étroite convergence en ce qui concerne les trois principes fondamentaux ----~. distingués ci-dessus (n° 2). Aucun de ces or-dres juridiques n'est soustrait aux épineux pro-blèmes que suscitent les conflits entre les trois normes constitutionnelles, le plus souvent entre les deux premières et la troisième, plus rare-ment entre la première et la seconde. Encore s'agit-il, il faut y insister, de conflits de normes

· (52) Notamment dans Time /ne. v Hill, 385 US 374 (1967), relatif à une prise d'otages. Voy. d'autres décisions de juridictions de fond dans F. Rigaux, op. cit. (note 30), n°5 397 et 399. (53) BVerfG, 13 mars 1973 (ordonnance.interlocu­toire), BVerGE, 34, 341; 5 juin 1973, BVerfGE, 35, 202. .

(54) BVerfG, 25 mars 1993, N.J.W., 1993, 1463, 1464. Voy. aussi, OLG Hamburg, 24 oct. 1974, · N.J. W, 1974, 649. (55) Trib. féd., 9 juin 1983, A.T.F., 109, Il, 353: Le meurtrier avait été exécuté en 1939. Mais comp. BGH, 15 avril 1980, N.J. W, 1980, 1790, refusant un tel intérêt persoruiel au frère de l'homme qui s'était suicidé après avoir tué sa femme et sept de ses huit enfants. (56) Paris, 15 mars 1967, Sté Rome-Paris c Delle Segret, J.C.P., 1967, Il, 15107, à propos d'une évoca­tion cinématographique de l'affaire Landru sur l'ac­tion d'une femme ayant réussi à se soustraire au criminel. (57) Paris," 6 oct. 1982, « Le pull-over rouge », D., 1983, 185, noteR. Lindon, sur renvoi après cassation de Paris, 9 nov. 1979, D.~.1981, 109, note B. Abitbol, par Cass. (1re ch. civ.), 3 déc. 1980, D., 1980, 221, note B. Edelman. (58) Cass. (1re ch.), 13 févr. 1985, D., 1985, note B. Edelman.

<:J';·ournal des tt ri bunaux

Page 6: Il /Ournal 20 N° 5786 1996 des ri bunaux · Max Kaser, Das romische Privatrecht (Beek; Mün chen, 2e Aufl., 1971), 1er Abschnitt, § 145.

. 1 9 9 6

40

et non, selon une présentation simplificatrice, de conflits entre deux intérêts privés (face aux

· organes des médias les citoyens victimes de divulgations dommageables) ou entre l'intérét public de la poursuite des infractions et les droits de défense de l'accusé. La vision uni­taire, moniste, pacifiée, des ordres juridiques, · sans qu'en soit excepté le champ des droits de l'homme, doit céder le place à l'appréhension d'espaces concurrents, conflictuels.

Urie deuxième observation consiste à rappeler que, en dépit de leur attachement commun à la démocratie et aux principes de l'Etat de droit, les divers Etats considérés apportent des solu­tions très différentes aux conflits de normes. Cela èst dû en particulier à leurs traditions judi­ciaires et procédurales et à leurs doctrines cons­titutionnelles, les premières comme les se­condes traduisant de profondes divergences d'un pays à l'autre. _

Une troisième observation a pour objet les rap­ports entre les médias et la société civile. Beau­coup d'accusations jetées contre les médias, telles que 1' abus du sensationnalisme, 1' exp loi­tation de la vie privée ou des écarts de conduite des notables, pourraient aussi bien être dirigées contre Je public friand de telles indiscrétions. Ici aussi, des différences notables se laissent observer, selon les cultures nationales ou régio­nales et, dans la même aire de diffusion des médias, d'un organe de la presse à l'autre. Toute société a la justice et la presse qu'elle mérite.

François RIGAUX

Ill LARCIER

LE FONDS COMMUN DE GARANTIE AUTOMOBILE

PAR

Sylvie V AN TRAPPEN Licenciée en droit et économie des assurances

Préface de R.O. DALCQ

Cette étude répondra aux questions que le prati­cien pourrait rencontrer lorsque le Fonds com­mun de garantie est envisageable. Cet ouvrage comblera un vide dans la bibliothèque de ceux

qui côtoient l'assurance R.C. automobile ..

UN DOSSIER DU

JOURNAL DES TRIBUNAUX

Un volume 16 x 24 cm, 196 pages, 1994 : 1.450 FB (t.v.a.c., franco pour la Belgique)

CO:MMANDES: LARCIER, c/o Accès+, s.p.r.l. · Fond Jean-Pâques, 4 -1348 Louvain-la-Neuve

Tél. (010) 48.25.00- Fax (010) 48.25.19

··ournal des ·: .. ~ri bunaux

JURISPRUDENCE

ASSURANCE OBLIGATOiRE DE LA RESPONSABILITE AUTOMOBILE.

-FONDS COMMUN DE GARANTIE AUTOMOBILE.­

Juridictions répressives.- Procès.­INTERVENTION. - Intervention pour la première fois devant le juge

d'appel.- Article 812, alinéa 2, du Code judiciaire. - Portée. -Disposition qui n'est pas d'ordre

public.

q~~"··!t7~·.çh.);,2~·sept~wl'Jl:e'~995

Prés. : M.· Ghislain, conseiller ff. de prés. Rapp. :Mme Jeanmart, conseiller. Min. publ. : M, Piret, av. gén. Plaid. : Me Gérard.

(Fonds commun de garantie automobile c. Lex et crts).

N'est pas d'ordre public la disposition de l'ar­ticle 812, alinéa 2, du Code judiciaire lequel énonce que l'intervention tendant à obtenir une condamnation ne-·peut s'exercer pour la pre­mière fois en degré d'appel.

Il s'ensuit qu'est nouveau et, partant, irreceva­ble le moyen de cassation déduit de la règle énoncée à l'article 812 du Code judiciaire dès lors que celle-ci n'a pas été opposée à l'aCtion en intervention forcée introduite pour la pre­mière fois en degré d'appel.

Vu le jugement attaqué, rendu le 19 janvier 1995 par le tribunal correctionnel de Verviers, statuant en degré d'appel;

B. - En tant que le pourvoi est dirigé contre les décisions rendues sur les actions civiles exercées contre le demandeur par l'a:s.b.l. Tra­vail, Vie et Bonheur et par la Société mutuelle des administrations publiques :

Sur le moyen pris de la violation des articles 50, § § 1er et 4, de la loi du 9 juillet 197 5 relative au contrôle des entreprises d'assurances, 812 du Code judiciaire et 19 de 1' arrêté royal du 16 décembre 1981 portant mise en vigueur et exé­cution des articles 49 et 50 de la loi du 9 juillet 1975 relative au contrôle des entreprises d'as­surances, tel que modifié par l'arrêté royal du 6 mai 1991,

en ce que, après avoir décidé que Mme Lex et M: Cleners avaient été victimes d'un cas for­tuit, élisif de toute faute dans leur chef, et avoir donné acte au demandeur de- son-intervention volontaire, le jugement attaqué déclare. les ac­tions des parties civiles Société mutuelle des administrations publiques et a.s.b.l. Travail, Vie et Bonheur recevables et fondées « en tant seulement qu'elles sont dirigées contre le (de­mandeur) »et condamne celui-ci« à payer :­à la partie civile Société mutuelle des adrninis-

trations publiques la somme de 396:750 F, ma­jorée des intérêts au taux légal à dater de son décaissement jusqu'au complet paiement et des dépens des deux instances;- à la partie civile a.s.b.l. Travail, Vie et Bonheur la somme de 47.037 F (57.037 -10.000), majorée des inté­rêts au taux légal à dater du 13 janvier 1993 jusqu'au complet paiement et des dépens des deux instances »,

alors que le demandeur est intervenu volontai­rement à la cause pour la première fois en degré d'appel; que s'il est de principe que les disposi­tions du Code judiciaire relatives à l'interven­tion ne sont pas applicables devant les juridic­tions pénales, encore est-il que l'intervention volontaire ou forcée d'un tiers devant les juri­dictions pénales est recevable lorsqu'une loi spéciale le prévoit expressément ou lorsqu'elle attribue aux juridictions pénales la compétence pour prononcer exceptionnellement une con­damnation, une sanction ou une mesure contre un tiers; que, l'article 50, § 4, de la loi du 9 juillet 1975 relative au contrôle des entreprises d'assurances prévoit l'intervention volontaire ou forcée du Fonds commun de garantie auto­mobile dans les mêmes conditions que si l'ac­tion était portée devant les juridictions civiles, lorsque 1' action civile en réparation du dom­mage causé par un véhicule automoteur est in­tentée devant la juridiction répressive; qu'en conséquence, les dispositions du Code judi­ciaîre s'appliquent à l'intervention du Fonds commun de garantie automobile; que, plus par­ticulièrement, l'article 812 du Code judiciaire dispose que l'intervention tendant à obtenir une condamnation ne peut s'exercer pour la pre­mière fois en degré d'appel; qu'il résulte de cette disposition que celui qui intervient, pour lapremière fois, en degré d'appel, ne peut ni obtenir de condamnation à son profit à charge d'l:lne partie en cause, ni être condamné à l'égard d'une de ces parties, d'où il suit que le jugement attaqué n'a pu légalement décider que les actions des parties civiles Société mu-: tuelle des administrations publiques et a.s.b.l. Travail, Vie et Bonheur étaient fondées à l' é!gard du demandeur et condamner celui -ci à réparer le dommag~ que ces parties avaient subi:

Attendu qu'aux termes de l'article 812, alinéa 2; du Code judiciaire, 1' intervention tendant à obtenir une condamnation ne peut s'exercer po :ur la première fois en degré d'appel; que ce~te disposition, justifiée par les droits de la défense, n'est pas d'ordre public;

Attendu qu'il ressort des pièces de la procédure que les défenderesses ont, par voie de conclu­sions, agi en intervention forcée en degré d'ap­pel contre le Fonds commun de garantie auto­mC>bile, partie intervenue volontairement à la cause;

Attendu qu'il n'apparaît pas des pièces de la pr<;)cédure que le demandeur ait invoqué devant le juge du fond la règle énoncée par 1' article 812, alinéa 2, du Code judiciaire;

Que, nouveau, le moyen est irrecevable;

Par ces motifs :

La Cour, Rejette le pourvoi pour le surplus;

Page 7: Il /Ournal 20 N° 5786 1996 des ri bunaux · Max Kaser, Das romische Privatrecht (Beek; Mün chen, 2e Aufl., 1971), 1er Abschnitt, § 145.

ASSURANCE OBLIGATOIRE DE LA RESPONSABILITE CIVILE

AUTOMOBILE. -PRESCRIPTION. -Article 10 de la loi du 1er juillet

1956 relative à l'assurance obligatoire de la responsabilité civile en matière de

véhicule automoteur. - Article 2252 du Code civil. - Portée. - Mineurs et

interdits. - Prescription non applicable.- EXCEPTIONS.­Critères. - Objet ou but de la loi.

Câss.· (1r~ cli.), 1er j)lin.:t995

Prés. : M. Sace, prés. de section. Rapp. :M. Rappe, conseiller. Min. publ. : M. Piret, av. gén. Plaid. :MMes Van Ommeslaghe et Houtekier.

(D'Hayer c. Le Mans Assurances, s.a.)

Disposant que la prescription ne court pas con­tre les mineurs et les interdits sauf ce qui est dit à l'article 2278 du Code civil et à l'exception des autres cas déterminés par la loi, l'article 2252 du Code civil n'exige pas « que les autres cas » soient déterminés par une disposition lé­gale expresse.

Il suffit que la volonté du législateur de déroger à la règle résulte de l'objet ou du but de la loi qui établit une prescription particulière. En instaÙrant la prescription triennale prévue à l'article JO de la loi du 1er juillet 1956 sur l'assurance obligatoire de responsabilité civile automobile, le législateur a voulu éviter que l'assureur ne soit exposé à des actions de la part de la personne lésée longtemps après que l'événement se soit produit. Ce. but est étranger à la capacité juridique de sorte que l'action introduite par la tutrice d'un interditjudiciaire, sur la base de la loi du 1er juillet 1956 est soumise à la prescription pré­vue à l'article 10 de cette loi.

Vu l'arrêt attaqué, rendu le 15 juin 1994 par la cour d'appel de Mons; Sur le moyen pris de la violation des articles 2252, 2278 du Code civil, 6 et 10 de la loi du 1er juillet 1956 relative à l'assurance obligatoire de la responsabilité civile en matière de véhicules automoteurs, en ce que, après avoir considéré que 1' article 2252 du Code civil, selon lequel« la prescrip­tion ne court pas contre les mineurs et les inter­dits, sauf ce qui est dit à l'article 2278, et à l'exception des autres cas déterminés par la loi »,n'exigeait pas que les« autres cas »ainsi visés par ledit article « soient déterminés par une disposition légale expresse-mais qu'il suffit que la volonté du législateur de déroger à la règle énoncée par l'article 2252 précité, résulte de l'objet ou du but de la loi qui établit une prescription particulière », 1' arrêt décide que l'article 2252 du Code civil n'est pas applicable à la prescription établie par l'article 10 de la loi du 1er juillet 1956, par les motifs : qu'il « appa­raît des travaux préparatoires de la loi du 1er

juillet 1956 que "l'article 10 concerne en pre­mier lieu la prescription de l'action de la per­sonne lésée contre l'assureur. Il ne faut pas que celui-ci soit exposé à des actions dela part de la personne lésée longtemps après que 1' événe­ment se sera produit ( ... ) aux termes de l'article 10, l'action de cette dernière contre l'assureur se prescrit par trois ans à compter du jour oii l'accident s'est produit. ll en sera ainsi, alors même que la personne lésée conserve le droit d'agir contre l'assuré au-delà de ce terme, par exemple pendant trente ans'' » et que « le but ainsi voulu par le législateur est étranger à la capacité juridique de la personne lésée; qu'il ne serait pas atteint s'il était loisible à la personne lésee ou à son représentant d'introduire une action directe contre 'l'assureur, de nombreuses années après le fait générateur du dommage »,

alors que le but poursuivi par le législateur qui a instauré la prescription triennale, prévue à l'ar­ticle 10 de la loi du 1er juillet 1956 sur 1' assu­rance obligatoire de la responsabilité civile en matière de véhicules automoteurs, n'exclut pas la prise en considération de la capacité juri­dique de la victime d'un accident de la circula­tion à faire valoir le droit propre et à introduire 1' action dont elle bénéficie en vertu de 1' article 6 de la même loi; qu'en accordant par l'article 6 précité, à la victime d'un accident de la circula­tion, un droit propre contre l'assureur, le légis­lateur a entendu conférer à celle-ci une pro-

. tection particulière, justifiée en raison des con­séquences dommageables souvent considéra.:.. bles_ résultant de tels accidents; que dans le régime ainsi voulu par le' législateur, le droit propre de la victime, devenue juridiquement incapable par suite de l'accident, ne peut être mis en échec par la prescription triennale que pourrait lui opposer l'assureur nonobstant cette incap_acité; qu'en instaurant la prescription triennale prévue à l'article 10 de la loi du 1er juillet 1956, le législateur n'a pas entendu déro­ger à l'article 2252 du Code civil selon lequel la prescription ne court pas contre les mineurs et les interdits; d'où il suit que, en disant pour droit, après mise à néant et réformation du juge­ment dont appel, que 1' aètion introduite par la demanderesse, fondée sur les articles 6 et 10 de la loi du 1er juillet 1956, est prescrite, l'arrêt viole lesdits articles 6 et 10 de la loi .du 1er juillet 1956 sur l'assurance obligatoire de la responsabilité civile en matière de véhicules automoteurs et les articles 2252 et 2278 du Code civil:

Attendu que l'article 2252 du Code civil énonce que la prescription ne court pas contre les mineurs et les interdits, sauf ce qui est dit à l'artiCle 2278, et à l'exception des autres cas déterminés par la loi;

Attendu que cet article n'exige pas que « les autres cas »soient déterminés par une disposi-: tion légale expresse; qu'il suffit que la volonté du législateur de déroger à la règle énoncée par l'article 2252 précité résulte de l'objet ou du but de la loi qui établit une prescription particu­lière;

Attendu qu'il apparaît des travaux prépara­toires de la loi du 1er juillet 1956 relative à l'assurance obligatoire de la responsabilité ci­vile en matière de véhicules automoteurs que le législateur a voulu, par l'article 10 de cette loi, éviter que l'assureur ne soit exposé à des ac­tions de la part de la personne lésée longtemps après que l'événement s'est produit;

Que ce but est étranger à la capacité juridique des parties; qu'il ne serait pas atteint s'il était loisible à la partie lésée ou à ses ayants droit d'introduire l'action résultant du droit propre qu'elle possède contre l'assureur de nom­breuses années après que le fait générateur du dommage s'est produit; .

Que le moyen manque en droit

Par ces motifs :

La Cour,

Rejette le pourvoi.

DROITS DE LA PERSONNALITE. -Atteinte. - LffiERTE

D'EXPRESSION. - Conflit. - JUGE DES REFERES. - Compétence. -RESPECT DE LA VIE PRIVEE. -

Film. - Projection. - DROIT A L'IMAGE. - Personnages publics. -

Particuliers.- Distinction.

:QruxeRe8.(:.:êf.~ je ~~), . 21 décembre .. 1995

Siég. : M. de Riemaecker, conseiller ff. de prés.; MM. Collin et Rutsaert, conseillers. Plaid. : MMes Mackelbert, Englebert, Tulkens et Strowel.

(R.T.B.F. c. L. .. A ... et crts).

I.- L'article 584 du Code judiciaire, com­biné avec des dispositions relatives à des droits et libertés auxquels la liberté d'expression por­terait atteinte, tels que l'article 22 de la Consti­tution, l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et l'article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et poli­tiques, dispositions consacrant le droit au res­pect de la vie privée et familiale et la réputation d'autrui, justifie l'intervention préventive du juge judiciaire.

De même, l'article 584 du Code judiciaire com­biné avec l'article 10 de la loi du 30 juin 1994 relative au droit d'auteur et aux droits voisins, qui consacre le droit à l'image, constitue une modalité du droit au respect de la vie privée et s'inscrit parmi les droits de la personnalité qui ' peuvent justifier également l'intervention pré­ventive du juge judiciaire.

En conséquence, ni les articles 19 et 25 de la Constitution, ni l'article 10 de la Convention européenne des droits de· l'homme n 'impli­quent qu'il soit interdit au juge des référés de prendre aucune mesure préventive affectant l'usage de la liberté d'expression.

IL -Il y a risque d'une atteinte au respect de la vieprivée d'une personne en cas de projec­tion ou de diffusion réitérée d'un film faisant apparaître soit sa propre image, soit celles de son conjoint, père, grand-père, oncle ou com­pagnon, selon la nature des liens existant entre eux.

ournal des i",·:ribunaux

1 9 9 6

4/

Page 8: Il /Ournal 20 N° 5786 1996 des ri bunaux · Max Kaser, Das romische Privatrecht (Beek; Mün chen, 2e Aufl., 1971), 1er Abschnitt, § 145.

1 9 9 6

4~

S'il est admis qu'un individu ne pourra s' oppo­ser à la reproduction de ses traits, chaque fois que la scène qui le représente s'intègre à l'ac­tuâlité, il ne paraît pas à ce point évident qu'il en irait de même pour les personnes qui ne sont pas des personnages publics, mais de simples particuliers qui se sont trouvés, durant le temps d'un procès, sous les projecteurs de l'actualité, ce qui justifiait la reprise des images dans l'im­médiat à cette époque. Les impératifs de l'ac­tualité ne paraissent, en revanche, plus justifier aujourd'hui la reproduction des traits des mêmes personnes.

Vu les pièces de la procédure, 'notamment: - l'ordonnance attaquée, prononcée contra­dictoirement le 3 mai 1995 par le président du tribunal de première instance de Bruxelles;

Attendu que T action originaire, mue par les actuels intimés, avait pour but, à titre principal, d'entendre interdire à la R.T.B.F. de diffuser sur les ondes, à quelque date que ce soit, le film réalisé par _M. Manu Bonmariage intitulé « Meurtre aux champs·», et notamment dans le cadre de l'émission « Strip-Tease », prévue pour le 3 mai 1995 en soirée, sous peine d'une astreinte de 500.000 F par infraction;

Que l'action tendait, à titre subsidiaire, à enten­dre ordonner à _la R.T.B.F. de produire.. aux débats le film litigieux, à entendre interdire provisoirement cette diffusion jusqu'à ce que la cassette de ce film ait pu être visionnée par le tribunal, les parties et leurs conseils et qu'en aient été éliminées toutes ·les images ayant trait au premier demandeur, actuel premier appe­lant, et tout élément visuel ou sonore qui per­mettrait d'identifier les demandeurs et leurs en­fants, sous peine d'une astreinte de 500.000 F par infraction;

Qu'après s'être déclaré compétent, le premier juge a interdit à la R.T.B.F. de diffuser provi­soirement les images du premier demandeur comprises dans le film en litige tant qu'il n,' aura pas été statué sur le fond du litige qui oppose les parties ou tant qu'un accord exprès n'ait été donné par le premier demandeur à la R.T.B.F., après vision complète des images le concer­nant, dans leur contexte;

Que le premier juge a déclaré que cette mesure cessera ses effets si dans les quinze jours du prononcé de l'ordonnance une action au fond n'a pas été introduite;

Que statuant sur la demande des deuxième (S .. . G: .. et sa fille W ... L. .. ), troisième (C ... V ... H ... , son épouse A ... -M ... L. .. et leurs enfants) et quatrième (F ... H ... ) demandeurs originaires, le premier juge, après avoir ·constaté que la R.T.B.F. entend rendre méconnaissables ces parties, par la voix et par l'image dans le film précité, a décidé que leurs demandes n'étaient plus fondées à suffisance de droit;

* * * Attendu--que-l'appel a pour objet d'entendre réformer l'ordonnance entreprise et, à titre principal, d'entendre déclarer les demandes originaires irrecevables, et, à titre subsidiaire, d'entendre déclarer la demande originaire du premier intimé non fondée et confrnner l'or­donnance entreprise en ce qu'elle a déclaré les

·ournal des tribunaux

demandes originaires des deuxième, troisième et quatrième intimés non fondées;

Attendu que les intimés concluent à la confir­mation de l'ordonnance querellée en ce qu'elle a trait au premier intimé et, aux termes de le'ur appel incident, ils sollicitent, après avoir pu

_visionner la cassette du film en degré d'appel, l'interdiction de la diffusion dans son intégra­lité du film « Meurtre aux champs » (page 3 des conclusions additionnelles des intimés) et subsidiairement, à défaut d'interdiction de dif­fusion provisoire du film, l'interdiction des images montrant A ... L. .. , A ... -M ... L. .. ouF ... H ... en dehors ou dans la salle d'audience de la cour d'assises du Luxembourg qui s'est tenue en novembre 1994;

Qu'ils sollicitent que soit dit pour droit que l'interdiction provisoire de ces images aura ef­fet tant qu'il n'aura pas été statué, par une décision coulée en force de chose jugée, sur le fond du litige qui oppose les parties ou. tant qu'un accord exprès n'aura pas été donné à la R.T.B.F. par les intimés, et, en outre, que la R.T.B.F. soit condamnée à une astreinte de 500.000 F par infraction constatée à l'interdic­tion prononcée;

* * * Attendu que les faits de la cause tels qu'ils résultent des débats, de la vision de la cassette du film à l'audience, et des pièces produites, peuvent être résumés comme suit :

Que la R.T.B.F. est la productrice du film « Meurtre aux champs » réalisé par Manu Bon­mariage entre. juin 1993 et novembre 1994;

Que le film en litige prend pour cadre une affaire répressive qui s'est déroulée dans le Luxembourg belge à cette époque, à savoir une scène de violences dont s'est rendu coupable A ... L. .. , agriculteur envers un autre agriculteur du même village qui en est décé

1dé;

Que le réalisateur soutient que ce film, qui ne cherche en aucune façon à déterminer les res­ponsabilités des uns ou des autres, vise unique­ment à relater une atmosphère et au-delà de l'affaire criminelle, à illustrer le malaise d'un certain monde paysan et leurs difficultés à 1: aube du XXIe siècle;

Qu'A ... L. .. fut mis en prévention du chef d'avoir, le 24 avril1993, commis un homicide volontaire sur la personne de G ... L. .. , proprié­taire du champ qu'il louait;

Qu'après avoir été incarcéré préventivement, A ... L. .. a été en novembre 1993, remis en liberté provisoire et a été accueilli par sa sœur et son beau-frère (3es intimés) qui habitent près­de Charleroi; qu'il a vécu à cet endroit jusqu'à sa comparution devant la cour d'assises et y a rencontré sa compagne (4e intimée);

Qu'A ... L. .. a été condamné pour cet acte par la cour d'assises du Luxembourg, le 25 novembre 1994, à huit ans de prison du chef de coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner, peine qu'il purge actuellement;

Que le film « Meurtre aux champs » avait été programmé pour être diffusé par la R.T.B.F. le 3 mai 1995 dans le cadre de l'émission« Strip­Tease»;

Que par lettre recommandée du 11 avril1995, A ... L. .. a fait savoir à la R.T.B.F. qu'il n'était pas d'accord avec une quelconque diffusion et qu'il s'y était toujours opposé;

Que la R.T.B.F. n'a réservé aucune suite écrite à ce courrier;

Q~e des contacts furent pris avec les conseils d'A ... L. .. ;

Que -citation sera lancée le 25 avri11995, contre la R.T.B.F. afin de faire interdire provisoire­ment cette diffusion au motif qu'elle ·porte at­teinte à leur droit au respect de la vie privée et familiale ainsi qu'à leur droit à l'image;

Que les parties s'accordent à reconnaître qu'au lendemain de la décision entreprise une citation au fond a été lancée par les intimés;

* * * Attendu que l'appelante conclut en ordre prin­cipal à l'irrecevabilité des demandes origi­naires à défaut de pouvoir de juridiction des cours et tribunaux pour ordonner des mesures de restriction préventive à la liberté d' expres­sion;

Que l'appelante fait valoir que la liberté d'ex­pression ne peut, aux termes de l'article 19 (anciennement 14) de la Constitution être, même à titre provisoire, préventivement inter­dite et que cette disposition n'autoriserait que la­répression des délits commis à l'occasion de l'usage de la liberté de manifester ses opinions;

Attendu que l'article 19 n'implique pas qu'il soit interdit au juge des référés de prendre au­cune mesure préventive affectant l'usage de la liberté d'expression; que ce magistrat est com­pétent en toutes matières que la loi ne soustrait pas au pouvoir judiciaire, conformément à l'ar­ticle 584 du Code judiciaire;

Que l'appelante fait valoir que la recevabilité de cette demande se heurte à 1' article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme (dénommée ci-après C.E.D.H.);

Qu'elle soutient en substance que suivant cette disposition il ne peut y avoir place pour une ingérence de 1' autorité publique dans la liberté d'expression et que les seules restrictions à l'exercice de cette liberté doivent être prévues par une loi, qui, suivant la jurisprudence de la Copr européenne, doit être « accessible, pré­cise, claire et prévisible >>, et qu'il n'existe pas en droit interne belge une« loi »,répondant à ces critères, qui permettrait une intervention préventive du pouvoir judiciaire;

Attendu qu'il convient de distinguer l' ingé­rence d'une autorité publique nationale dans la liberté d'expression, laquelle est interdite en ce sens qu'un contrôle préalable des opinions est prohibé, de l'intervention dans l'exercice de la liberté d'expression;

Attendu qu'en son arrêt du 14 mai 1987 (Pas., 1, 1 067), la Cour de cassation a considéré que pour l'application de l'article 10 de la C.E.D.H., le terme·« loi »désigne toute norme de droit interne écrite ou non, pour autant que celle-ci soit accessible aux personnes concer­nées et soit énoncée de manière précise;

Que la Cour de cassation a ainsi expressément consacré les termes prévus par la loi tels qu'ils ont été interprétés par la jurisprudence euro­péenne et a également aux termes de cet arrêt, coNsacré la possibilité d'autorisation préalable et donc d'un système préventif à la liberté d'ex­pression (J. Verhoeven, « Droits de l'homme, discipline et liberté d'expression : le droit à un procès équitable », R.C.J.B., 1988, pp. 564 et 565);

Page 9: Il /Ournal 20 N° 5786 1996 des ri bunaux · Max Kaser, Das romische Privatrecht (Beek; Mün chen, 2e Aufl., 1971), 1er Abschnitt, § 145.

Attendu qu'en l'espèce l'article 584 du Code judiciaire, combiné avec des dispositions rela­tives à des droits et libertés auxquels la liberté d'expression porterait atteinte, tels qu'en l'es­pèce l'article 22 de la Constitution, l'article 8 de la C.E.D.H. et l'article 19 du Pacte interna­tional relatif aux droits civils et politiques (traité du 19 décembre 1966) - dispositions participant à notre droit inte~e- et consacrant le droit au respect de la vie privée et familiale et de la réputation d'autrui-, justifie l'interven­tion préventive du juge judiciaire;

Que les intimés invoquent en outre le respect de leur droit à l'image, consacré à 1' article 10 de la loi du 30 juin 1994 relative au droit d'auteur et aux droits voisins, qui constitue une modalité du droit au respect de la vie privée et s'inscrit parmi les droits de la personnalité; que la com­binaison de l'article 584 du Code judiciaire et cette disposition justifie également l' interVen­tion préventive du juge judiciaire;

Qu'il y va de dispositions répondant à un be­soin impérieux dans notre société;

Attendu qu'il résulte de ces considérations que ni les articles 19 et 25 de la Convention, ancien­nement repris sous les articles 14 et 18, ni l' arti­cle 10 de la Convention européenne des droits de l'_homme, n'impliquent pas qu'il soit interdit au juge des référés de prendre aucune mesure préventive affectant l'usage de la liberté d'ex­pression;

Que ce magistrat est compétent en toutes ma­tières que la loi ne soustrait pas au pouvoir judiciaire;

Qu'il s'ensuit que le déclinatoire de juridiction soulevé par l'appelante doit être rejeté;

* * * Attendu qu'en l'espèce, l'urgence, justifiant l'intervention du juge des référés, n'est pas comme telle discutée; qu'elle ressort de l'objet même de la demande;

Attendu que le juge des référés peut, s'agissant de prendre une mesure conservatoire, apprécier si les faits constants impliquent une apparence de droit suffisante, examiner les apparences et donner une appréciation provisoire et superfi­cielle des droits en conflit, sa décision n'ayant d'aùtorité qu'au provisoire et le juge du fond étant libre de juger autrement (en ce sens : Cass., 21 mars 1985, Pas., 1985, I, p. 908; Cass., 22 févr. 1991, Pas., 1991, I, p. 607; Cass., 4 juin 1993, R.D.C., 1993, p. 925 et note);

Qu'au droit tiré de la liberté fondamentale d'expression, les intimés opposent le droit au respect de la vie privée;

Attendu qu'il échet d'avoir égard au fait que le droit à la-liberté d'expression consacre une li­berté fondamentale et qu'il s'ensuit que toute mesure préventive doit être prise avec circons­pection; qu'un équilibre doit être trouvé entre la protection de cette liberté et celle du respect du droit subjectif de la vie privée, de la réputation d'autrui et du droit à l'image (en ce sens : J. VeluetR. Ergec, R.P.D.B., compl. t. VII, 1990, v0 « Convention européenne des droits de l'homme »,p. 367, n° 758);

Attendu que si une définition précise du droit au respect de la vie privée est malaisée en rai­son dela référence à l'épanouissement de la personnalité, il peut toutefois être considéré

comme étant le droit consistant à assurer à l'in­dividu, dont la vie n'est pas consacrée à une activité publique, le secret et la tranquillité sans lesquels le libre développement de sa personna­lité serait entravé; que le droit à la vie privée englobe « tout ce réseau de droits et libertés individuels à la confluence desquels se forge ce que l'on appelle une personnalité » (J. V elu et R. Ergec, op cit, p. 339, n° 652);

Attendu que s'il est exact que le sujet fonda­mental du film consiste en l'analyse de l'in­communicabilité dans le monde rural, il de­meure que l'homicide involontaire commis par A... L... est au centre du film et que tous les personnages apparaissant dans ce film s'exp ri­ment par référence constante à cette affaire qui paraît avoir traumatisé le village;

Que 1' appelante est dès lors mal fondée à soute:­nir que les faits commis par A... L... sont « sous-jacents »alors qu'ils sont omniprésents dans le film; ·

Attendu qu'en raison des liens familiaux ou relationnels étroits unissant les deuxième, troi­sièmes et quatrième intimés et leurs enfants au premier intimé, ceux-ci paraissent fondés à in­voquer un risque d'une atteinte au respect de leur vie privée en cas de projection ou diffusion réitérée du film faisant apparaître soit leur pro­pre image, soit celle de leur conjoint, père, grand-père, oncle ou compagnon suivant la na­ture des liens existant entre eux et A... L. .. ;

Que la circonstance que l'appelante a pris l'en­gagement de masquer les visages d'A ... -M ... L. .. et de F ... H ... , telle qu'il apparaît de la cassette dont la vision a été effectuée en degré d'appel, ne suffit à leur ôter la faculté de postu­ler 1' interdiction provisoire de la diffusion du film en invoquant le motif qu'il y aurait atteinte à leur vie privée dès lors que les images d'A ... L. .. , leur parent ou compagnon, sont diffusées et que le rapprochement immédiat entre eux peut être aisément effectué;

Que l'appelante est par conséquent mal fondée à soutenir qu'il existerait une contradiction dans leur chef de demande dans la mesure où, à titre principal, ces parties et leurs conjoints ou enfants sollicitent l'interdiction de la diffusion

Ill LARCIER

Travaux de la Faculté de droit de Namur n° 17

LA, VIE PRIVÉE, UNE LffiERTE PARMI LES AUTRES-?

PAR

François RIGAUX avec les contributions de

Yves POULLET, Xavier THUNIS et Thierry LÉONARD

• Chaire Francqui 1992

Un volume 16 x 24 cm, 320 pages 0 0 0 0 0 0 0 0 2.240 FB (t.v.aoco, franco pour la Belgique)

<ZOMMANDES : LARCIER, c/o Accès+, s.p.r.l. . Fond Jean-Pâques. 4-1348 Louvain-la-Neuvè

Tél. (010) 48.25000- Fax (010) 4825.19

du fllm et, subsidiairement, qu'il soit davantage procédé à une occultation de leurs personnes afin de préserver leur secret et leur tranquillité;

Attendu que toute personne est titulaire d'un droit à l'image qui, trouvant son fondement notamment dans l'article 10 de la loi relative aux droits d'auteur et aux droits voisins, est une modalité du droit au respect de la vie privée et s'inscrit parmi les droits de la personnalité;

Qu'il apparaît des travàux préparatoires à la loi précitée que le législateur a entendu assimiler les œuvres audiovisuelles, telles que les gros plans, aux photographies et que, partant, l'image en mouvement n'est pas nécessaire­ment exclue du champ d'application de la loi (Doc. pari., Ch., n° 473/33, sess. extr., 1991-1992, p. 158);

Attendu que l'appelante fait valoir que l'appa­rence des droits des intimés serait tempérée par le fait que le droit d'un individu sur son image ne s'oppose pas à la diffusion de celle-ci par un tiers lorsque l'individu est entré dans la « sphère publique »ou lorsqu'il a accepté l'uti­lisation de son image;

Qu'elle soutient qu'en l'espèce l'image d'A ... L. .. , telle qu'elle est utilisée dans le film liti­gieux, à savoir exclusivement intégrée dans le procès d'assises dont il a fait l'objet, n'est pas protégée par le « droit au secret » ( « right of privacy » ), au double motif que cette image n'appartient pas à la sphère privée de sa person-nalité et qu'il a consenti à son utilisation; 1 9 9 6 Attendu qu'il ne paraît pas évident que les -images dans le film en litige d'A... L... ou 4~ d'A ... -M ... L. .. ou de F ... H ... , qui proviennent . des séquences tournées lors du procès, sont nécessairement tombées dans ·la sphère pu-blique, au point que ces personnes ne dispose- ----11111! raient plus du droit de s'opposer à la diffusion de leur image;

Que s'il est admis qu'un individu ne pourra s'opposer à la reproduction de ses traits, chaque fois que la scène qui le représente s'intègre à l'actualité, il ne paraît pas à ce point évident qu'il en irait de même pour des personnes qui, comme les intimés, ne sont pas des personnages publics, mais de simples particuliers qui se sont trouvés le temps du procès sous les projecteurs de 1' actualité, ce qui justifiait la reprise de son image dans les médias à cette époque;

Que les impératifs de l'actualité ne paraissent plus justifier aujourd'hui la reproduction des traits du premier intimé;

Qu'en ce qui concerne les images d'A ... -M ... L. .. et F ... H ... , sœur et compagne d'A ... L. .. , il ne paraît pas davantage évident qu'elles aient acquis une « valeur d'actualité », même tem-poraire;

Attendu que 1' appelante admet (page 28 de ses conclusions d'appel) pour le surplus, à défaut d'une intégration dans lasphère de l'actualité du_sujet filmé, qu'une personne puisse s' oppo­ser à la diffusion de son image si celle-ci est faite sans son assentiment;

Qu'elle soutient qu'en l'espèce il y aurait eu, à défaut d'un consentement écrit, un consente­ment tacite, résultant du comporteront même du premier intimé face à la caméra et de ce qu'il était au courant qu'il s'agissait non pas de la réalisation d'un reportage journalistique d'ac­tualité mais bien de la réalisation d'un fùm;

<LG<VOurnal des'ltribunaux

Page 10: Il /Ournal 20 N° 5786 1996 des ri bunaux · Max Kaser, Das romische Privatrecht (Beek; Mün chen, 2e Aufl., 1971), 1er Abschnitt, § 145.

1 9 9 6

)~

Attendu que les parties sont contraires en fait en ce qui concerne l'allégation selon laquelle A.,. L. .. était au courant qu'il s'agissait non pas de la réalisation d'un reportage journalistique d'actualité mais bien de la réalisation d'un film;

Que le premier intimé soutient à cet égard que, dans un état de tension exceptionnelle liée à son procès en cour d'assises et sur les conseils de son avocat, il a laissé filmer Manu Bonmariage afin de ne pas indisposer la presse et que c'est dans ces circonstances particulières qu'il s'est prêté aux diverses prises de vues;

Qu'il n'apparaît pas primafacie que cette affir­mation soit contredite par les prises de vues qui concernent les parties intimées dès lors qu'elles ont été prises uniquement dans le cadre du dé­roulement du procès et qu'il ne saurait être question d'une participation « active » de ces personnages dans le film;

Qu'un assentiment à la réalisation d'un film, ce qui implique nécessairement des diffusions ré­pétées, ne saurait davantage être déduit du courrier versé aux débats;

Qu'il n'apparaît d'aucune pièce des dossiers des parties qu'il y ait eu un assentiment lors du déroulement du procès;

Que, surabondamment, il ne paraît pas aussi évident que le soutient l'appelante que le « dro!t au remords et à l'oubli» ne soit pas consacré légalement;

Qu'en effet, le droit au respect de la vie privée, tel que consacré par les articles 22 de la Consti­tution, 8 de la C.E.D.H. et 19 du Pacte interna­tional relatif aux droits. civils et politiques (traité du 19 décembre 1966), en raison de la référence faite à 1' épanouissement de la person­nalité, peut être considéré comme étant le droit consistant -à assurer à l'individu, dont la vie n'est pas consacrée à une activité publique que, le secret et la tranquillité sans lesquels le libre développement de sa personnalité serait en­travé;

Attendu que, pour autant que de besoin, les occultations des voix et des visages d'A ... -M ... L. .. et de F ... H ... telles que réalisées dans la cassette visionnée par la cour paraissent suffire à éviter une atteinte grave, susceptible de pou­voir causer un préjudice irréparable, au droit au respect de la vie privée des deuxième, troisième èt quatrième parties intimées;

Que le risque d'atteinte grave portée au droit à l'image du premier intimé et à son droit au respect de la vie privée, paraît prima facie à suffisance établi que pour pouvoir justifier l'in­terdiction de diffusion des images du premier intimé sollicitée dans l'attente d'une décision au fond;

Qu'il ne s'indique nullement d'ordonner que ces mesures soient assorties d'une astreinte dès lors que 1' appelante a spontanément procédé aux occultations précitées;

Qu'il n'est pas à craindre qu'elle adopte un comportement fautif en ne respectant pas la décision provisoire avant que n'intervienne une décision au fond; ·

Par ces motifs :

La Cour,

Reçoit les appels principal et incident, les dit non fondés, en déboute les parties appelantes.

::.,;'.ournal des J,,,,:ribunaux

PROCEDUREPENALE.­Règlement de la procédure. -

.Ordonnance de renvoi. - Appel de l'inculpé. - Recevabilité. -

Conditions.

Siég. :Mme Closset-Coppin, prés.; Mme Lam­berty et M. Van der Eecken, conseillers. Min. publ. : M. Lotz, subst. proc. gén. Plaid. : Me De Backer (barreau de Namur).

(D ... et B. .. c. ministère public).

Dès lors que les inculpés n'invoquent aucune irrégularité de procédure ni aucùn autre motif qui serait de nature à mettre un terme à l'action publique, une extension de la possibilité d'in­terjeter appel de l'ordonnance de renvoi, ins­taurée par l'article 539 du Code d'instruction criminelle, ne saurait se justifier.

Vu 1' ordonnance prononcée par la chambre du conseil du tribunal de première instance de Bruxelles, le 10 avril 1995, qui _renvoie les prévenus devant le tribunal correctionnel du même siège du chef de la prévention ci-dessus énoncée; ·

Vu l'appel interjeté contre ladite ordonnance, non encore signifiée, par Me De Backer, avocat, au nom des inculpés le 11 avril 1995;

Attendù que l'article 135 du Code d'instruction criminelle ne confère pas à 1' inculpé le droit d'interjeter appel de l'ordonnance le renvoyant devant le tribunal correctionnel;

Que la seule exception prévue par la loi figure à l'article 539 du Code d'instruction criminelle qui donne à l'inculpé de droit d'interjeter appel d'une ordonnance de renvoi lorsqu'il a soulevé devant le premier juge l'exception d'incompé­tence;

Attendu qu'en l'espèce les inculpés n'invo­quent aucune irrégularité de procédure ni aucun autre motif qui serait de nature à mettre un terme à l'action publique et à justifier en consé­quence, en vertu des arrêts de la Cour d'arbi­trage des 1er décembre 1994 et 2 mars 1995, une extension de la possibilité de recours ins­taurée par l'article 539 du Code d'instruction criminelle; ·

LARCIER Rue des Minimes, 39- iooo Bruxelles

Fax (010) 48.26.50

Vous ne recevez pas notre publicité ? N'hésitez pas à

nous communiquer vos nom et adresse et vos centres d'intérêt

· en matière juridique

FAILLITE. - Jugement déclaratif de la faillite. - Recours. -

OPPOSITION.- Article 473 de la loi sur les faillites. - Recevabilité. -

Partie intéressée qui n'a pas·été partie au jugement. - APPÈL. - Personne partie au jugement. - Appel formé

par le curateur.- Irrecev~ble à défaut d'avoir préalablement f~it

opposition.

Siég. :M. Jassogne, prés.; M. Van Wuytswin­kel et Mme Lefebve; conseillers. Min. publ. : M. Storck, subst. gén. près la cour du travail de Mons, délégué. Plaid. : MMes Gillain et Wery.

(Me Gillain qq. curateur à la faillite Delplanche c. Scarna et crts).

Seules les personnes qui ont été parties au juge­ment déclaratif de la faillite peuvent en interje­ter appel; les autres doivent d'abord y faire opposition.

S'il justifie de l'intérêt requis pour critiquer le jugement déclaratif de faillite dont il a le devoir de 1dénoncer l'éventuelle illégalité, le curateur n'a par contre pas qualité pour en interjeter appels 'il n'a pas au préalable exercé contre ce jugement le recours prévu par l'article 473, alinéa rr, de la loi sur les faillites ..

Vu~ ... - la copie, certifiée conforme, du jugement dont appel, prononcé contradictoirement à l'égard de Salvatore Scama et par défaut à l'égard de Marie-Jeanne Deplanche, le 13 sep­tembre 1994, déclarant, sur citation du sieur Scama, la faillite de dame Deplanche et dési­gn'!llt en qualité de curateur Me Alexandre Gil­lairi, ici appelant; - la requête d'appel déposée au greffe de la cour de céans le.21 octobre 1994 par Me Gil­lain, - les conclusions déposées au même greffe le 15 mars 1995 par Me Gillain et le 30 mars 1995 Par M. Salvatore Scama;

Attendu que le jugement dont appel a été inséré par extrait au Moniteur belge du 20 septembre 1994 en conformité de l'article 4 72 de la loi sur les faillites et n' a,pas fait l'objet, dans le délai prescrit par l'article 473, alinéa 2, de ladite loi, ni du recours ouvert aux intéressés par le pre­mier alinéa de cette disposition, ni de l' opposi­tiOJ:l de la faillie;

Attendu que le jugement entrepris a en outre été . signifié, aux dires du curateur, le 6 octobre 1994;

Page 11: Il /Ournal 20 N° 5786 1996 des ri bunaux · Max Kaser, Das romische Privatrecht (Beek; Mün chen, 2e Aufl., 1971), 1er Abschnitt, § 145.

Attendu qu'interjeté dans le délai de quinze jours prescrit par l'article 465, alinéa 1er, de la loi sur les faillites, l'appel n'en est pas moins irrecevable pour émaner d'une personne qui n'a pas été partie au jugement déféré;

Que seules en effet les personnes qui ont été parties au jugement déclaratif de la faillite peu­vent en interjeter appel : les autres doivent d'abord y faire oppositiem (Frédéricq, t. VIT, Gand, Fecheyr, 1949, n° 40; Van Ryn et Hee­nen, t. IV, 1re éd., Bruxelles, Bruylant, 1965, n°s 2658 à 2660; Verougstraete, Manuel du cu­rateur de faillite, 3e éd., Bruxelles, Swinnen, 1979, n° 34; Les Novelles, Droit commercial, t. IV, Les concordats et la faillite, par A. Cloquet, 3e éd., Bruxelles, Larcier, 1985, n° 1241);

Que la règle, qui est de droit commun, est une application du principe déposé dans l'article 17 du Code judiciaire et applicable aux voies de recours selon lequel l'action ne peut être ad­mise si le demandeur n'a pas qualité pour la former (A. Fettweis, Manuel de procédure ci­vile, Liège, 1985, n° 737; J. van Compernolle, « Examen de jurisprudence (1971 à 1985) -Droit judiciaire privé, Les voies de recours », Rev. crit. juris. b., 1987, n° 16, p. 132).

Que s'il justifie de l'intérêt requis pour criti­quer le jugement déclaratif de la faillite, dont il a le devoir de dénoncer l'éventuelle illégalité, (cons. Frédéricq, op. cit., n° 37; Van Ryn et Heenen, op. cit., n° 2659; Verougstraete, op. cit., n°s 30 et s.; Cloquet, op. cit., n° 1228); le curateur n'a par contre pas qualité pour en in­terjeter appel s'il n'a pas au préalable exercé contre ce jugement le recours prévu par l'article 473, alinéa 1er, de la loi sur les faillites;.

Que c'est à tort que l'appelant croit à cet égard pouvoir se réclamer de l'article 1050, alinéa 1er, du Code judiciaire, qui dispose qu'en toutes matières, l'appel peut être formé dès la pronon­ciation du jugement, même si celui -ci est une décision avant dire droit ou s'il a été rendu par défaut;

Que cette disposition dispense une personne qui a été partie à un jugement prononcé contre elle par .défaut d'y faire opposition avant de pouvoir en relever appel mais n'a pas pour effet d'autoriser une personne qui, quel que soit son intérêt au litige, n'a pas été partie au jugement d'attaquer celui-ci par la voie de l'appel;

Que l' appellant perd ici de vue que, s'il est qualifié d'opposition par l'article 473, alinéa 1er, de la loi sur la faillite, le recours ouvert par cette disposition- aux intéressés est en réalité une tierce opposition (Cass., 17 oct. 1991, Bull. et Pas., 1992, I, n° 94 (motifs); conclusions de M. le procureur général Delange, alors avocat général, précédant Cass., 10 mars 1955, ibid., 1955, I, 766, note 3, p. 769; Cass., 27 mai 1880, ibid., 1880, I, 142, avec les conclusions du . procureur général Mesdach de ter Kiele, alors premier avocat général; Van Ryn et Heenen, op. cit., n° 2659; Frédéricq, op. cit., n° 37; R.P.D.B., v0 « Tierce opposition », n°s 42 et 54; Pand. b., v0 « Failli, faillite », n° 2875);

Que la cour, qui n'est pas saisie de la faillite par un appel recevable; ne saurait statuer ni sur les dépens de la faillite, ni sur les frais et hono­raires du curateur;

SOCIETES.- ADMINISTRATEUR PROVISOIRE. - Désignation par

ordonnance rendue sur requête unilatérale. - Charge des honoraires. -Non précisée dans l'ordonnance.­

Mis provisoirement à charge des deux parties.

·Li~ge ('F ch~), 9 mai ·1995

Siég. :M. Diskeuve, prés.; MM. de Francquen et Ligot, conseillers. Plaid. :MMes Rathmes, Saint Remi, Garzaniti loco Douny et Magotteaux.

(s.e. Centre téléphonique permanent c. Cupper et crts).

Dès lors que le premier juge n'a pas, en dési­gnant un administrateur provisoire, pris la pré­caution de prévoir, à l'instar du système insti­tué pour l'expertise, que les honoraires devraient être avancés par la partie ayant re­quis sa désignation, il y a.lieu de mettre provi­soirement à charge des deux parties l'état d'honoraires à propos duquel il n'est émis au­cune critique.

Vu 1' appel de 1' ordonnance rendue le 28 no­vembre 1994 par le président du tribunal de commerce de Liège, interjeté le 21 décembre 1994 par la société coopérative Centre télépho­nique permanent;

Attendu que le 10 mars 1994, l'intimé J. Cup­per a obtenu sur requête unilatérale la désigna­tion d'un administrateur provisoire dont la mis­sion a été prorogée par ·des otdonnances contradictoirement rendues les 31 mai, 24 juin et 3 novembre 1994;

Que la décision entreprise met fin à l'interven­tion de l'administrateur provisoire et n'est criti­quée que parce qu'elle condamne la société au sein de laquelle le mandataire de justice a été délégué, à avancer les frais et honoraires (72.400 F soit 17 lettres à 200 F et 23 heures à

· 3.000 F) relatifs à cette administration;

Qu'alors que l'appelante estime que lesdits ho­noraires doivent être pris en charge par celui qui a demandé la mesure (lettre 18 octobre 1994 de Me Rathmes au président du tribunal, requête unilatérale du 24 octobre 1994 et con.:. clusions du 18 novembre 1994), ce dernier pré­tend les voir supporter par la société parce que sa « situation délicate a nécessité la désignation du mandataire » (ordonnance, p. 2);

Attendu que le premier juge constate. que J. Cupper « a saisi le juge du fond dans le but de voir reconnaître l'existence de ses droits éven­tuels » mais énonce cependant aussi que la gé­rante de 1' appelante a mis l'existence de la société en danger et que la société a de toute manière bénéficié de la mesure;

Attendu que lorsqu'il se réfère à l'arrêt du 24 avril 1978 (Cass., 24 avril1978, Pas., 1978, I, 955) relatif à la condamnation aux dépens, le premier juge admet que tout en ne succombant pas, l'appelante a commis une faute ayant justi­fié la mesure qui en outre lui a profité, alors que comme juge des référés et compte tenu de

. l'existence d'une action au fond, il lui apparte­nait de réserver tous les dépens (Fettweis, Ma­nuel de procédure civile, 1985, p. 584, n° 921-2°; Gu tt et Stranart-Thilly, « Droit judi­ciaire privé », R.C.J.B., 1974, p. 178, n° 87) dont peuvent faire partie les émoluments d'un administrateur provisoire .au titre de « frais de · toutes mesures d'instruction » (art. 1018-4°, C. jud.);

Attendu que l'administrateur provisoire est, pour ce qui le concerne, étranger à la discussion relative à la prise en charge de ses frais et prestations; que son intervention et l'opinion qu'il a été invité à émettre et qu'il a émise (ordonnance de réouverture des débats 3 no­vembre 1994 et lettre 15 novembre 1994) sur la situation de 1' appelante et sur la responsabilité des parties au conflit social ne doivent pas souf­frir de la plus ou moins grande solvabilité d'une partie, de telle sorte que, puisque le premier juge n'a pas, en le désignant, pris la précaution de prévoir, à l'instar du système institué pour l'expertise (art. 990, C. jud.), que les honoraires devraient être avancés par la partie ayant requis sa désignation, il y a lieu de mettre provisoire­ment à charge des deux parties l'état d'hono­raires à propos duquel, les prestations de l'ad­ministrateur provisoire n'étant pas discutées, il n'est émis aucune critique;

Attendu que 1' appelante fait certes valoir que sa gérante, Mme Anne Dimmers a toujours pour­suivi ses activités; que l'état d'honoraires qui couvre une période de plus de huit mois montre que cette allégation non démentie èst exacte; que toutefois il eût été opportun que, non satis­faite d'une intrusion qu'elle estime inutile et même vexatoire, l'appelante exerce les recours que la loi lui ouvre à 1' encontre des ordon­nances pour obtenir soit leur rétractation soit une décision précisant que 1' avance des frais de la mesure provisoire seraient à charge de l'in­timé qui la postulait dans le seul but de se prémunir du risqué à démontrer d'une gestion sociale préjudiciable à ses intérêts;

Par ces motifs :

La Cour,

Reçoit l'appel;

Réformant l'ordonnance entreprise, condamne la s.e. Centre téléphonique permanent et Joseph Cupper chacun pour moitié au règlement de 1' état de Me Magotteaux taxé à 72.400 F;

Dit qu'il est du ressort du juge du fond de décider qui des parties doit en définitive pren-dre ces frais en charge; ·

Réserve les dépens et dit qu'il n'en est point dû à 1' administrateur provisoire qui intervient per­sonnellement;

·ournal des ·:-c~ribunaux

1 9 9 6

)1

Page 12: Il /Ournal 20 N° 5786 1996 des ri bunaux · Max Kaser, Das romische Privatrecht (Beek; Mün chen, 2e Aufl., 1971), 1er Abschnitt, § 145.

1996

)1

DIVORCE. - REGil\tiE MATRIMONIAL.- SEPARATION

DE BIENS PURE ET SIMPLE. -IJ.\tiMEUBLE.- Sortie d'indivision.­Partagè. - Droit commun. - Articles 1446, 1447 et 1469 du Code civil non

applicables. - Vente publique.

Siég. : M. Franeau, prés.; Mmes Lefebve et Joachim, conseillers. Plaid. :MMes Feltz, Dejehet et Blesin (tous du barreau de Nivelles).

(V ... André c.V ... Marie-Claire).

Les articles 1446 et 1447 du Code civil qui concernent l'attribution préférentielle d'un im­meuble servant au logement de la famille, vi­sent spécifiquement et uniquement la liquida­tion des biens lorsque le régime légal prend fin.

Dès lors, les articles 1446 et 1447 du Code civil ne peuvent être appliqués au régime de la sépa­ration de biens où le partage doit se faire sui­vant les règles du droit commun:

L'article 1469 du Code civil qui a pour but de protéger les éventuels créanciers contre une cession par un des époux à son conjoint, de ses droits indivis n'est pas applicable au partage ayant lieu après la dissolution du mariage par divorce.

Vu, ... la copie, certifiée conforme, du jugement dont appel, prononcé contradictoirement le 7 décembre 1993 par la deuxième chambre ( com­posée d'un magistrat) du tribunal de première instance de Charleroi.

Attendu qu'il convient de rappeler que les par­ties se sont mariées le 31 mars 1966 par-devant l'officier de l'état civil de la commune de Mort­sel;

Que, préalablement à leur union, les parties avaient adopté, aux termes d'un contrat de ma­riage reçu par le notaire Jean-Marie Debouche, de résidence à Feluy, le régime de la séparation de biens;

Qu'en date du 29 janvier 1970, les parties ont acquis ensemble un immeuble sis à ... ;

Attendu que les époux se sont séparés le 5 septembre 1981;

Attendu qu'en date du 8 février 1988, le tribu­nal de première instance de Charleroi a autorisé le divorce des parties sur pied de l'article 232 du Code civil, faisant ainsi droit à la demande principale formulée par André V ... et réservant à statuer sur la demande incidente de Marie­Claire V ... visant à obtenir le paiement d'une pension alimentaire ainsi que la liquidation­partage des biens indivis;

Attendu que dans le cadre de cette- demande incidente, le premier juge a, en date du 15

ournal des Hftribu·naux

janvier 1991, ordonné la comparution person­nelle des parties;

Qu'aux' termes de cette comparution, il a, « avant toute procédure relative à la sortie d'in­division et au vu de l'accord des parties, ( ... ) tous droits saufs et résérvés de celles-ci, et no.,. tamment du droit de postuler ultérieurement la vente publique des biens », désigné l'expert

_ Lescalier en vue de l'évaluation de l'immeuble indivis;

Attendu qu'en date du 24 septembre 1991, cet expert a déposé son rapport, fixant la valeur vénale de l'immeuble litigieux à la somme de 5.300.000 F;

Attendu qu'André V .... rejeta catégoriquement cette évaluation qui fut, par contre, acceptée sous toutes réserves par l'intimée;

Attendu que dans un souci persistant de conci­lier les parties, le tribunal ordonna une seconde comparution, aux termes de laquelle ces der­nières se mirent d'accord pour mettre l'immeu­ble indivis en vente de gré à gré au prix mini­mum fixé par 1' expert Lescalier, cette· vente devant être réalisée pour le 15 septembre 1993 au plus tard;

Attendu que par lettre du 14 juin 1993, la s.p.r.l. « Club Immobilier», qui avait été chargée par les parties de réaliser cette vente de gré à gré, mit fin à la mission qui lui avait été confiée, en raison du comportement négatif de 1' appelant qui soit ne se présentait pas aux rendez-vous fixés avec les amateurs, soit leur faisait des commentaires inappropriés quant au prix ré­clamé; ·

Attendu que par le jugement dont appel du 7 décembre 1993, le premier juge, réservant à statuer sur les demandes incidentes relatives à la pension alimentaire et à l'octroi d'une in­demnité d'occupation, a dès lors fait droit à la demande de l'intimée, ordonnant la liquidation et le partage de l'indivision entre parties, ainsi que la vente publique de l'immeuble indivis, le notaire J. Dandois, de résidence à Tubize, étant chargé de cette vente et le notaire A. Molle étant quant à lui chargé de représenter la partie défaillante ou rééalcitrante;

Discussion.

Attendu que l'appelant, qui exerce sa profes­sion dans l'immeuble litigieux, fait grief au premier juge d'avoir ordonné la vente publique de celui-ci, alors que « rien ne l'obligeait à procéder de la sorte et alors que les circonstan­ces de la cause militaient en faveur de l' adop­tion d'une autre solution plus conforme à l'inté­rêt de l'ancienne famille »;

Qu'il invoque à l'appui de sa thèse les articles 1446, 1447 et 1469, alinéa 2, du ,Code civil;

Quant aux articles 1446 et 1447 du Code civil.

Attendu que, comme l'a souligné à juste titre le premier juge, ces articles, qui concernent l'at­tribution préférentielle d'un immeuble servant au logement de la famille, visent spécifique­ment et uniquement la liquidation des biens lorsque le régime légal prend fin; -

Qu'il n'est pas contesté que dans le cas d'es­pèce, les parties ont adopté, aux termes de leur contrat de mariage, le régime de la séparation de biens;

Que dès lors, les articles 1446 et 1447 du Code civil ne peuvent être appliqués au régime choisi

par; les parties où le partage doit se faire suivant les. règles du droit commun;

Quant à l'article 1469 du Code civil.

Attendu qu'à bon droit également, le premier juge a écarté l'application de cette disposition;

Qu'en effet, celle-ci, qui a pour but de protéger les éventuels créanciers contre une cession, par un des époux à son conjoint, de ses droits in-

. divis (voy. Rép. not., t. V, n° 344), n'est pas applicable au partage ayant lieu après la disso­lution du mariage par divorce (voy., en ce sens, Renard, « Examen de jurisprudence - Contrats de mariage et régimes matrimoniaux », R.C.J.B., 1983, p. 439, n° 20 et réf. cit.);

Attendu qu'à tort, à ce propos, l'appelant pré­tend qu'en désignant un expert afin d'évaluer l'immeuble, le premier juge a manifesté sa vo­lonté de favoriser la constitution de lots, recon­naissant par là que conformément à 1' article 1469, alinéa 2, du Code civil, il pouvait donner son autorisation pour une solution autre que la vente publique;

Attendu que si le premier juge, il est vrai, a, en date du 25 juin 1991, désigné 1' expert Lescalier en vue de déterminer la valeur vénale de l' im­meuble litigieux, force est de rappeler que cette désignation a été faite dans le cadre d'une tenta­tive de conciliation-des parties et« tous droits saufs et réservés de celles-ci et notamment du droit de postuler ultérieurement la vente pu­bligue des biens ( ... ) »;

Que dans la mesure où toutes les tentatives de conciliation sont demeurées vaines, c'est à bon droit que le premier juge, constatant que le bien litigieux n'était pas· commodément partageable, a ordonné la vente publique de ce dernier et ce, dans le respect des règles édictées par les arti­cles 1207 et suivants du Code judiciaire;

Attendu qu'à tort également, l'appelant in­voque; â l'appui de sa thèse, l'article 1215 du Code judiciaire;

Que cet article, qui prévoit que le tribunal or­dotme l'expertise des immeubles dont la vente ou' l'attribution n'ont pas été décidées, ne trouve à s'appliquer que lorsqu'il existe entre les' parties une indivision portant sur plusieurs immeubles, permettant dès lors la détermina­tion de lots commodément partageables, ce qui n'est manifestement pas le cas en l'espèce, les parties n'étant propriétaires. que du seul im-

. meuble litigieux;

Attendu que l'appelant prétend en outre qu'en sollicitant, comme elle l'a fait, la vente pu­blique du bien indivis, qui risque d'entraîner pour lui un préjudice professionnel, l'intimée commet un abus de droit;

Attendu que cette allégation n'est pas fondée, l'intimée; qui, conformément à ce que lui per­met la loi, réclame sa sortie d'indivision et la vente publique du bien indivis, ayant tout au long de cette procédure fait preuve d'une réelle vo~onté de conciliation, ce qui n'est au demeu­rant pas le cas de l'appelant qui, comme l'a, à juste titre, relevé le premier juge, a suscité, de par son attitude-négative, l'échec des tentatives de vente de gré à gré;

Par ces motifs :

Confirme ...

Page 13: Il /Ournal 20 N° 5786 1996 des ri bunaux · Max Kaser, Das romische Privatrecht (Beek; Mün chen, 2e Aufl., 1971), 1er Abschnitt, § 145.

- SUCCESSION. - HERITIER. _:_ Qualités requises. - Indignité . ...:__

Causes. - Article 727 du Code civil. - Effet. - E;xtinction rétroactive du droit. - Poursuites du chef de

meurtre ou de tentative de meurtre. - Héritier ayant tué sa mère. - Seul héritier.- Non encore condamné.­

Indices graves de culpabilité. -Désignation d'un séquestre judiciaire.

---~~-,,~~w~•··~:~t~~~~~J.:~~~~::-r{•·

Siég. : M. Bourseau, prés. Min. publ. : M. Goosse, pr. subst. proc. du Roi.

(R. .. L. .. ).

L'indignité est une déchéance du droit hérédi­taire prononcée contre le successeur condam­né du chef de meurtre ou tentative de meur­tre.

Le titre héréditaire de l'indigne èst réputé non­avenu de sorte qu'il y a extinction rétroactive de son droit.

Dans le cas où l'indignité du successeur, seul héritier du défunt, n'est pas encore te connue, la désignation d'un séquestre s'impose en at­tendant qu'il soit statué au pénal évitant ainsi les difficultés résultant de l'effet rétroactif de la condamnation sur les opérations de liquidation exécutées en son nom.

I. - Exposé des frais principaux (selon réqui­sition).

1. Le 14 décembre 1994, R ... L. .. , né à ... , le ... , adopté à sa naissance par les époux L. .. -L. .. , célibataire, sans profession, domicilié à ... , a commis, à ce domicile qui était aussi celui de la victime, un homicide volontaire sur la personne de sa mère adoptive, A ... L. .. , veuve L. .. , ainsi qu'il l'a reconnu devant M. Van De Wouver, officier de police judiciaire, puis devant M. Brasseur, juge d'instruction;

R. .. L. .. a porté plusieurs coups de marteau sur la tête de sa mère puis a emballé et dissimulé le corps dans un vide ventilé, parce que celle-ci­refusait de lui avancer l'argent nécessaire à l'achat d'une voiture automobile. L'autopsie a révélé de nombreuses fractures et démontré que la mort était due à l'important traumatisme crâ­nien et aux inhalations de sang et de vomis­sures.

L'expertise psychiatrique conclut à la respon­sabilité de l'intéressé.

Le 16 décembre 1994, celui -ci a été inculpé d'homicide volontaire sur la personne de L. .. A ... , avec la circonstance que la victime était sa mère.

2. Le 14 juin 1995, le notaire U ... a écrit au juge d'instruction qu'il était chargé de la suc­cession ab intestat de Mme A ... L. .. et que R. .. L. .. en était seul héritier.

II. - L'objet de la réquisiÏ:ion.

Le procureur du Roi - agissant sur base· des articles 138 et 584 du Code judiciaire, et 768 du Code civil stipulant qu'à défaut de tout succes­sible, la succession est acquise à l'Etat- solli­cite qu'une mesure provisoire soit prise - à savoir la désignation d'un séquestre judiciaire - e11 attendant qu'il soit statué au pénal.

m. - Le droit.

1. Attendu que le Code civil règle la dévolu­tion des successions d'après l'ordre normal des affections du défunt et ses devoirs de famille, ordre qui n'est d'ailleurs pas exempt de cri-tiques; ·

Que les héritiers sont divisés en quatre ordres hiérarchiques et qu'entre parents du même or­dre, le Code appelle le(s) plus proche(s) par préférence au(x) plus éloigné(s), le conjoint survivant occupant une situation particulière, et les règles tant de la fente que de la représenta­tion ne pouvant être perdues de vue;

Qu'à défaut de parents au degré successible et de conjoint survivant, la succession est acquise à l'Etat (C. civ., art. 768); que bien que cet article soit placé au chapitre des successions, il n'établit pas un véritable droit d'hérédité,.mais ne fait qu'appliquer le principe de souveraineté suivant lequel les biens qui n'ont pas de maître appartiennent à l'Etat (C. civ., art. 539 et 713); qu'aussi, la succession recueillie par l'Etat est­elle dite en déshérence;

2. Attendu que pour hériter, le successeur doit: 1) venir en ordre et en degré utiles, 2) accepter la succession et 3) ne pas être indigne;

3. Attendu que l'indignité est une déchéance du droit héréditaire prononcée contre le sucees.:. seur qui s'est rendu coupable envers le défunt ou sa mémoire de certains faits limitativement déterminés par la loi (C. civ., art. 727 à 730);

Que la première cause d'indignité est le fait d'avoir donné volontairement ou tenté de don­ner la mort au défunt (meurtre ou tentative de meurtre) :l'homicide par imprudence n'est pas une cause d'indignité, mais à la condition d'avoir été condamné de ce chef par la juridic­tion répressive (C. civ.; art. 727-1°) :si le cou­pable meurt avant d'avoir été condamné, il n'y a plus d'indignité possible, la condition de la loi faisant défaut;

Que le titre héréditaire de l'indigne est réputé non avenu : il y a extinction rétroactive de son droit; qu'il doit donc restituer tous les biens_ qu'il avait reçus et tous les fruits produits par ceux-ci; que tous les actes qu'il a posés au sujet des biens héréditaires sont non avenus pour l'avoir été sans droit par un individu exclu de la succession au moment de son ouverture; qu'il n'existe exception qu'en ce qui concerne les actes d'administration qu'il aurait passés avec des tiers (arg. des art. 1240 et 1673) et l'appli­cation éventuelle de l'article 2279 du Code ci­vil;

4. Attendu que R. .. L. .. est le fils (adoptif) unique de la défunte, qui était veuve et qui n'a laissé aucun testament;

Que seul successeur du premier ordre et à dé­faut de conjoint survivant, il est unique héritier légal de Mme A ... L. .. ;

Que certes, il a reconnu avoir commis un homi­cide volontaire sur la personne de sa mère (se­lon réquisition);

Que néanmoins, il n'a pas été condamné de ce chef;

5. Attendu que si 1' intérêt - condition de 1' ac­tion - doit être né et actuel, l'action peut être admise lorsqu'elle est intentée, même à titre déclaratoire, en vue de prévenir la violation d'un droit gravement menacé (C. jud., art. 18);

Que le notaire U ... a fait savoir au juge d'ins­truction Brasseur qu'il était chargé de liquider la succession de Mme A ... L. .. , on l'a dit;

Que l'indignité de R. .. L. .. _ entraînerait de lourdes conséquences quant à cette liquidation opérée au nom de ce dernier, privé rétroactive-

, ment de tous droits dans la succession en cause;

Qu'il existe- selon la réquisition- des in­dices graves, précis et concordants de culpabi­lité dans le chef de R. .. L. .. , résultant de ses aveux et des constatations des enquêteurs;

Qu'entre-temps, la succession ne peut être lais­sée à l'abandon;

Que l'urgence paraît justifiée et la réquisition du ministère public, fondée;

Qu'en raison des circonstances de la cause, il échet de faire droit à celle-ci sur base des arti­cles 18, 138 et 584 du Code judiciaire, 725, 727, et 1955 à 1963 du Code civil;

Par ces motifs :

Disons qu'il y a lieu de faire droit à la réquisi­tion du ministère public.

Désignons M. Léon Ligot, juge suppléant à ce tribunal, demeurant à Liège, avenue du Luxem­bourg, 15, en qualité de séqu_ystre de tous les éléments dépendant de la succession de Mme A ... L. .. , veuve de M. R. .. L. .. , décédée à ... , le .;.,avec mission de prendre toutes mesures con­servatoires et d'accomplir tous actes néces-

. saires de simple administration jusqu'à ce qu'une décision définitive soit intervenue à la suite de l'inculpation de M. R. .. L. .. , le séques­tre étant tenu, à ce moment-là, de remettre les­dits éléments à qui de droit.

Ill LARCIER

Mélanges Roger O. DALCQ

RESPONSABILITÉS ET ASSURANCES

Une trentaine de contributions des meilleurs spécialistes belges

et étrangers du droit de la responsabilité civile et du droit des assurances

Un ouvrage 16 x 24 cm, 1994, 650 pages : 5.200 FB (t.v.a.c., franco pour la Belgique)

COMMANDES : LARCIER, c/o Accès+, s.p.t.l. Fond Jean-Pâques, 4- 1348 Louvain~la-Neuve

Tél. (010) 48.25.00 -Fax (010) 48.25.19

-:c~:t~j1ournal des "ilicribunaux

1 9 9 6

)j

Page 14: Il /Ournal 20 N° 5786 1996 des ri bunaux · Max Kaser, Das romische Privatrecht (Beek; Mün chen, 2e Aufl., 1971), 1er Abschnitt, § 145.

1 9 9 6

)~

CHRONIQUE JUDICIAIRE

Séance solennelle de rentrée du Jeune barreau de Bruxelles du 12. janvier 1996 :

« L'erreur historique »

Discours de Me Benoît Michaux.

Maréchal vous revoilà !

Ressuscité par le miracle du verbe de l'orateur de rentrée, avocat talentueux et brillant.

Vous voilà invité dans un palajs de justice -lieu de mémoire par excellence- ~omme celui d'où vous étiez sorti il y a cinquante ans con­damné après avoir été jugé.

Et nous étions là conviés à revisiter l'histoire, à · réviser notre jugement... le jugement qui vous

· avait condamné.

Si l'orateur- il a dû l'oublier- a pu s' expri­mer à cette tribune avec une telle liberté, il la doit à ceux qui ont lutté pour une certaine idée de l'homme et de la civilisation ... qui n'était pas la vôtre Maréchal.

Sans doute qu'il ne manquait pas de grandeur le parti pris par Me Pierre Beretzé, président du Jeune barreau, et par le bâtonnier Georges-Al­bert Dai qui avaient décidé de ne voir dans l'orateur qu'un facétieux et dans son discours une entreprise de provocation.

Nous pouvions être soulagé de comprendre que l'orateur avait prononcé un discours fait de mots dont il ne pensait pas un mot.

Tout ce qui est excessif ne mérite que l'oubli et le bâtonnier l'ajustement exprimé en abandon­nant très vite le sujet pour apostropher le minis­tre de la Justice et évoquer certains aspects de notre vie professionnelle.

On peut oublier ce discours.

Sauf qu'il est permis de penser qu'un discours n'est pas distancié par rapport à celui qui l'écrit. Même quand le discours est une invite au doute et qu'il tente d'instaurer avec ses audi­teurs un rapport fait d'allusions et de clins d'œil.

C'est précisément dans ce rapport-là que se devine l'idéologie du discoureur.

Dire que Montgoméry a gagné et Pétain perdu, c'est mettre d'emblée sur le même plan vain­queur et vaincu. C'est une démarche intellec­tuelle qui prône un relativisme généralisé qui assimile l'agresseur à 1' agressé et plus grave encore qui donne au mal absolu une aura de lég~timité.

<Li>ournal des ~m:ribunaux

Ainsi, sous prétexte de revisiter l'histoire par le doute, on aboutit par un glissement pernicieux à la révisionner ou comme M. Le Pen à parler de « détails ».

En jouant de la provocation, même dans le souci de guider vers 1a réflexion, ce genre de discours va au-delà de son but.

Il appelle comme réponse la révolte.

Notre devoir de mémoire nous empêche de par-ticiper à ce jeu. -

Non, il n'est pas décent de qualifier de << curée vengeresse » la constance et la dignité de ceux qui perpétuent le souvenir du génocide.

Peut-on revisiter l'histoire en laissant ses pro­pres valeurs au vestiaire ?

La réponse est oui pour l'historien qui lui va rapporter comment les gens du temps jugeaient ou auraient jugé à partir de leurs propres va­leurs.

Toutefois, telle n'est plus la démarche de l'his­torien si la critique historique est utilisée comme soutien d'une idéologie.

L'historien ne nous apprend-t-il pas aussi qu'il existe des principes universels immuables in­tangibles qui ne sont pas soumis à l'air du temps et qui sont l'honneur d'une civilisation ?

Quelles que soient les perspectives, il y a des principes auxquels nul ne peut porter atteinte, fût -ce par le doute ou la compréhension.

L'orateurl'a oublié et pour cela, on ne pourra pas le suivre dans sa lecture critique de l'his-toire. '

Il est également bien réducteur de juger la colo­nisation à travers la controverse de Valladolid et le régime de Vichy à travers le procès de Pétain.

Une controverse, un procès sont des portes trop étroites pour faire passer la justice par rapport aux atrocités commises.

Tel était le sens qu'il fallait donner aux propos tenus pat Winston Churchill quand il exprimait son scepticisme sur l'utilité d'uri procès.

Il eût été intéressant que l'orateur développe cette idée au lieu de quoi, après avoir admis qu'il y a« des comportements si évidents qu'il est à souhaiter de ne pas s'étendre dessus », il va revendiquer la place pour le doute et la compréhension dans le procès de Pétain puisqu'il y a eu pro-cès. C'était dit devant des avocats qui mieux que d'autres savent. que le doute doit profiter à l'accusé.

. Peu importe les obscurs mouvements de l'âme ou les préoccupations économiques de Pétain qui ont conduit celui-ci à embrasser la cause nazie. L'essentiel pour nous n'est pas 1 'homme au regard de l'histoire, mais l'œuvre. Nous n'avons pas à juger aujourd'hui un homme mais à prendre la mesure de s~§_ errements et du rôle qu'il jouait qui s'est soldé par la mort de millions de personnes.

«. n n'y a pas d'explication à l'inhumain » di­sait Primo Levi qui insistait sur« l'ineptie de la plupart des analyses et l'insuffisance des au­tres ».

Ceci vaut tant pour les débats du procès de Pétain que pour les controverses de Valladolid.

Qu'y a-t-il à comprendre, à expliquer ? Ce ne sont pas les ridicules propos des témoins à dé­charge que l'orateur a voulu retenir -qui nous éclaireront !

Pour enlever tout doute à ceux qui n'auraient toujours pas envie de douter après l'avoir écouté, l'orateur interpelle l'auditoire en ces termes : « Si nous condamnons Vichy dans cette salle, je ne crois pas que tout le monde peut être absolument certain qu'il l'aurait fait dans le feu de l'action ».

Que dire ?

Certains dans la salle savaient qu'à cette époque, ils auraient été dans les convois et ce n'est pas le doute ou la compréhension à l'égard de ceux qui les envoyaient vers nulle part qui aurait permis de les sauver.

Face à ces doutes meurtriers, je préfère encore mes certitudes bornées qui m'amènent à con­damner ce discours-là et le~ autres qui lui res­semblent.

Tout orateur est responsable de la manière dont son message est perçu.

Toute personne prenant la parole doit s'assurer de 1la transparence de ses idées. N'est-ce pas aussi le devoir de l'avocat ?

Toutefois, si le message à. été mal compris, si ce n'est pas cela que l'orateur a voulu dire, je m'en réjouis.

Car, après tout, la droite a d'autres idéaux à défendre.

Jennifer W ALDRON

l.i LARCIER

Jean-Luc FAGNART et Robert BOGAERT

LA RÉPARATION DU DOMMAGE CORPOREL 1

EN DROIT COMMUN

Ouvrage avant tout destiné aux praticiens : avocats, magistrats et juristes d'assurances. Décisions des juridictions de fond classées par rubrique, par taux d'incapacité et par montant alloué. Chaque décision indique en outre la composition du siège.

Un volume 20 x 29 cm, xx+498 pages, 1994: 6.900 FB (t.v.a.c., franco pour la Belgique)

I

l COMMANDES : LARCIER; c/o Accès+, s.p.r.l. Fond Jean-Pâques, 4-1348 Louvain-la-Neuve

1

TéL (010) 48.25.00- ~ax (010) 48.25.19

Page 15: Il /Ournal 20 N° 5786 1996 des ri bunaux · Max Kaser, Das romische Privatrecht (Beek; Mün chen, 2e Aufl., 1971), 1er Abschnitt, § 145.

1! r;: r,

::i r;l

Trader, folder, sponsor ..

On n'arrête pas le progrès. Le franglais encore moins.

Ainsi, le commentateur d'un arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes (J.T., 1990, pp. 69.1 et s.) disserte-t-il à propos d'un folder, là où il pouvait traiter d'un prospectus, terme que l'auteur emploie d'ailleurs à d'autres· endroits de sa note.

De son côté, le poùvoir exécutif parle le fran­glais depuis longtemps. Il nous le confirme dans un arrêté ministériel du 5 avril1995, rela­tif aux conditions de reconnaissance en qualité d'entrepositaire agréé (M.B., 20 avril1995). Ce

iCHO Numerus clausus ?

Le Syndicat des avocats pour la démocratie vient de diffuser largement dans le monde judi­ciaire une lettre ouverte, mi-plaidoyer, mi-do­cument de réflexion destiné à susciter le débat au sein des ordres concernés. Intéressant et généreux, le rapport comporte certains sophismes, tels que : « Vous voyez bien que le nombre croissant de pro deo justifie le nombre croissant d'avocats ... ».

Lutter contre le népotisme n'est pas nécessaire­ment incompatible avec une exigence de ri­gueur et de qualité.

· Trop de jeunes qui ont déjà échoué aux con­cours d'entrée de barreaux de pays voisins sont attirés par Bruxelles où l'obtention relative­ment aisée du certificat.d'aptitude à la profes­sion d'avocat leur permettra d'entrer par la pe­tite porte. Le numerus clausus ou des critères de sélection plus drastiques sont-ils nécessairement le reflet de la frilosité d'une corporation souhaitant se replier sur elle-même. à l'heure de l'internalisa­tion ? N~ peuvent-ils se justifier par la néces­sité de préserver une image de marque pour lutter efficacement contre ceux qui préten­draient être en mesure de rendre des services équivalents à ceux des avocats sans satisfaire aux conditions d'accès à la profession ? Est-ce en se refusant à une sélection qu'on améliorera la qualité de la profession d' avo­cat ? -----= Le débat est ouvert.

texte concerne les personnes qui détiennent, reçoivent et expédient des huiles minérales. L'article 1er dispense le trader de la détention d'un stock physique et définit ce personnage comme « le négociant en huiles minérales qui achète et vend ces produits en suspension de l'accise, sans en prendre physiquement posses­sion ni procéder à leur mise à la consomma­tion ». Il y avait moyen de dispenser cet hono­rable commerçant sans recourir pour autant au franglais. Il suffisait d'écrire : « Le négociant en huiles minérales qui... est dispensé de la détention d'un stock physique ». L'on pouvait aussi faire débuter l'article 1er par une formule du genre : « Au sens du présent arrêté, le né­gociant es Ua personne qui ... ».

En revanche, ce n'est pas un coup de règle mais un--coup de chapeau que mérite un arrêté de l'Exécutif de la Communauté française du 23 novembre 1992, « déterminant le type de pro­gramme de télévision à 1' intérieur duquel le parrainage peut être cité » (M.B., 18 févr. 1993) et dont les dispositions utilisent, en outre, le vocable parrain. Les rédacteurs ont résisté héroïquement aux envahissants sponsor, spon-

. soring, sponsoriser, sponsorisation. God bless them!

RHADAMANTHE

Ils seront quatre.

Oui, ils seront quatre mousquetaires à en dé­coudre lors de la prochaine élection dü dauphin au barreau de Bruxdles. Avant de descendre sur le pré, les voici qui viennent d'annoncer, dans une missive commune à leurs futurs élec­teurs, les règles de leur loyal mais impitoyable combat. Déception chez ceux qui. espéraient, dès les prochaines semaines, voir déjà le sang couler ou mieux, se voyaient déjà allant de fastueuses réceptions en pétillants cocktails. On ne sortira pas les épées des fourreaux avant le 15 mars prochain et les bouchons ne saute­ront pas davantage avant la fin de l'hiver. Il faut, paraît-il, éviter Je phénomène de satura­tion, à moins que ce ne soit l'épuisement de ces . preux chevaliers au terme d'une trop longue campagne. Ceci dit, comment ne pas se féliciter du réjouissant engouement pour une compéti­tion certes. honorifique mais lourde surtout d'engagements nombreux et absorbants au ser­vice de l'Ordre. La confrontation des idées des uns et des autres ne contient-elle pas son fer­ment de progrès ? Les candidatures uniques -quelle qu'en soit la qualité - ont rarement constitué un signe de vitalité pour une institu­tion.

Indice des prix. L'indice des prix à la consommation s'établit à 120,74 points en décembre 1995, contre 120,72 points en novembre 1995, ce qui représente une hausse de 0,02 point ou 0,02 %.

L'indice santé, tel que prévu dans l'arrêté royal du 24 décembre 1993 (M.B., 31 déc. 1993), s'élève pour le mois de décembre 1995 à 118,94 points.

La moyenne arithmétique des indices des qua­tre derniers mois, soit septembre, octobre, no­vembre et décembre 1995 s'élève à 118,92 points.

Lyall Addl~son : « Les défauts de la cons­truction ». - Bruxelles, De Boeck, 1993, 214 pages, 2.700 F.

Les profanes du milieu de la construction, que sont les juristes appelés par les hasards du mé­tier à une réunion d'expertise, y entendent sou­vent une phrase étrange « l'ennemi c'est la goutte d'eau »et se demandent alors s'ils assis­tent à une amicale du Tastevin ou si le' but de la réunion est bien de découvrir et de remédier aux problèmes constructifs.

Dans l'ouvrage de Lyall Addleson, le public comprendra que la goutte d'eau et tous les pro­blèmes d'humidité qu'elle engendre sont au centre de la plupart des désordres rencontrés pendant et après la construction des bâtiments.

Qui n'apas, au cours de sa vie privée ou profes­sionnelle, rencontré un problème d'infiltration par les terrasses, des caves humides inutilisa-:­bles, une toiture qui fuyait, de la condensation dans les salles d'eau ... , ces phénomènes ne sont, en réalité, que des manifestations perni­cieuses .du principe de la goutte d'eau.

Le livre d' Addleson commente et évalue les raisons des principaux désordres constructifs en mettant en lumière de manière claire les écueils à éviter au cours de la mise en œuvre.

Destinés principalement aux professionnels de la construction, 1' ouvrage présente néanmoins un intérêt réel pour les juristes qui trouveront des explications claires aux phénomènes dé­crits parfois, dans un jargon peu compréhensi­ble, par les experts.

Les juristes pourront également, au moyen des explications, schémas et nombreuses réfé­rences contenues, étayer leur dossier en vue de les soumettre aux cours et tribunaux.

De surcroît, l'ouvrage a l'avantage de contenir un chapitre entier consacré à la présentation des coordonnées d'organismes, laboratoires, insti­tutions universitaires, fédérations profession­nelles, susceptibles de fournir des renseigne­ments techniques ou de procéder aux études ou analyses, ce qui pourra, en toute hypothèse, guider les juristes confrontés aux problèmes qui dépassent leur compétence et celle des per­sonnes qu'ils sont amenés à conseiller.

En résumé, Les défauts de la construction, même s'il ne s'adresse pas, en premier rang, aux juristes, présente un intérêt pratique certain pour quiconque sera amené, sur chantier, en expertise ou devant les tribunaux, à compren­dre et à faire comprendre qu'il ne suffit pas d'un parapluie pour être au sec.

Isabelle EKIERMAN

<~(~1ournal des 'litribunaux

1 9 9 6

))

Page 16: Il /Ournal 20 N° 5786 1996 des ri bunaux · Max Kaser, Das romische Privatrecht (Beek; Mün chen, 2e Aufl., 1971), 1er Abschnitt, § 145.

1 9 9 6

)b

La Générale de Banque et le Jeune barreau de Charleroi organisent, le 25 janvier 1996, un colloque sur le thème « Le changement après le changement : évolution du droit économique des pays ex-communistes depuis 1990 ».

Programme

9 h : Allocution de bienvenue, par Th. Lechien et B. Roland. 9 h 30 ;· Introduction, par Ph. Maystadt.

Première partie : L'expérience des entreprises belges

10 h 30 : « Les systèmes bancaires - Exporta- · tions- Financements »,par J. Laloux. 11 h : « Expériences vécues », par H. Delpire.

Deuxième partie : Evolution des législations :

quatre .expériences nationales

Il h 30 : La Roumanie, p~ G.I. Chiuzbaian, T. Dragomir, C. Zamfirescu, l. Serbe et M. Popovici. 13 h 30 :La Tchéquie, par V. Kral et B. Kalu­sek. 14h30: La Pologne, par B. Banazik. 15 h 30 : La Hongrie, par L. Ben yi et J. Gardo­n yi.

Troisième partie : Le rôle de l'Union européenne :

le programme PHARE

17 h: P. Kalbe. 17 h 45 : Questions.

Lieu :Galerie /G/, Gén~rale de Banque, boule­vard Tirou, 100, à 6000 Charleroi.

Inscriptions et renseignements : par fax ou courrier à Me Bernard Roland, rue Tumelaire, 71, à 6000 Charleroi- Fax : 071132.14.51.

Le Centre de droit privé et de droit écono­mique de la Faculté de droit de l'Université libre de Bruxelles organise une conférence, le 8 février 1996, à 12 h 30, au local 3101 de la Faculté (bâtiment H, avenue Paul Héger, 2, 3e niveau). Michèle Grégoire traitera du thème « Les conflits d'intérêts survenant dans le cadre de liquidations collectives ».

Le colloque consacré à la loi du 12 juin 1991 relative au crédit à la consommation, organisé · par le C.R.I.O.C., en collaboration avec l'Ob­servatoire du Crédit et de l'Endettement, qui devait avoir lieu le 10 janvier 1996, aura lieu le 9 février 1996. Le programme étant quasiment. inchangé, :oous nous permettons de vous ren­voyer à l'annonce déjà parue (J.T.; 1995, p. 832).

ouro al des .~itribunaux

L'Association Famille et Droit organise, les 9 et 10 février 1996, un colloque sur le thème « Démariage et coparentalité : problèmes ac­tuels ».

Programme

Vendredi 9 février 1996 : 14 h 30 : « Le divorce pour cause déterminée :

·procédure et difficultés actuelles », par J. van Compernolle et G. Hiernaux. 15 h 30 : « Le divorce par consentement mu­tuel :procédures et problèmes actuels »,parE. Vieujean et J.-Fr. Taymans. 16h45 : « Les effets alimentaires du di­vorce »,par A.-Ch. Van Gijsel. 17 h 30 : Question-time sur les procédures en divorce et leurs effets alimentaires, par A. De­liège, P. Verlynde et N. Massager.

Samedi 10 février 1996 : 9 h : « Effets patrimoniaux du divorce - Ré­gimes matrimoniaux >>, par Ph. De Page et M.-A. Derclaye. 10 h : Question-time sur les régimes matrimo­niaux, par M .. Grégoire et L. Vogel. JO h 45 : « L'annulation du mariage », par J.-P. Masson. 11 h 30 : Question-time sur l'annulation du

- mariage, par P. France et D. Wagner. 14h30: «L'exercice conjoint de l'autorité

. parentale», par J.-L. Renchon et P. Donny. 15 h 30 : « La coparentalité et l'entretien de l'enfant », par J. Sosson. 16 h 30 : Question-time sur la coparentalité, par P. Frey P. Rans et V. Pouleau. 17 h 15 : Conclusions générales du colloque, par M.-Th. Meulders.

Lieu :Université libre de Bruxelles, Institut de sociologie, auditoire Dupréel, avenue Jeanne à Ixelles.

Renseignements : Secrétariat du colloque, ave­nue Emile de Béco, 50, à 1050 Bruxelles. Tél. : 02/649.77.64 (entre 14 h et 18 h). Fax : 02/648.23.87.

Le groupement des juges de paix et de police de l'arrondissement de Bruxelles, l'Ordre français des avocats du barreau de Bruxelles et l'Ordre néerlandais des avocats du bar­reau de Bruxelles, organisent, .le 15 février 1996, un séminaire consacré à des « Questions d'actualité du droit de la consommation ».

Programme 14 h 30 : « Questions pratiques liées au calcul des intérêts »,par M.E. Storme. 15 h 5 : «La faillite civile », par A. Zenner. 15 h 40 : « Le rôle des fichiers des incidents de paiement dans 1' évaluation du risque cré­dit », par M. Cornu. 16h15: Intervention de Ch. Winandy, Fr. Domont-Naert et un représentant de la Cobac. 16h45: Débat.

Lieu : Auditoire du ministère de la Justice, bou­levard de Waterloo, 115, à 1000 Bruxelles -Entrée gratuite.

Renseignements et inscriptions : par écrit avant le 7 février 1996, à l'Ordre français des avocats du barreau de Bruxelles, Palais de justice, à 1000 Bruxelles, référence D. princ. 274/10.

L'lnteruniversitair Centrum Mensenrech­ten (I.M.C.) organise, le 16 février 1996, une journée d'études sur le thème «Médias et dr0its de l'homme ». Y prendront la parole, J. V~laers, D. Voorhoof, K. Rimanque, K. Raes, M. Wouters, F. Jongen et G.A.I. Schuijt. Lieu: R.U.G., Akademieraadzaal (Aula), Vol­derstraat 9, à Gand.

Informations complémentaires : R.U.G., Uni­versiteitstraat 4, à 9000 Gand. Tél. : 09/264.68.21 - Fax : 09/264.69.95.

L'Association des juristes d'assurances (A.J.A.) et la Licence spéciale en droit et économie des assurances de l'U.L.B. organi­sent, le 27 février 1996, à 17 h, une conférence sur le thème « Le médecin-conseil, le secret médical et la protection de la vie privée »,par P. Lucas.- Lieu : Locall302 de la Faculté de droit de l'U.L.B., avenue Paul Héger, 2, à 1050 Bruxelles.

L'Institut européen d'administration pu­blique organise, dans le cadre de son antenne à Luxembourg, les activités suivantes au mois de mars 1996: 11 . et 12 mars 1996 : « De 1' espace écono­mique européen à l'Union européenne : pre­mi~re évaluation après 1' élargissement de l'Union européenne ». 25 et 26 mars 1996 : « Les aspects du droit de la fonction publique communautaire ».

Renseignements : Institut européen d' adminis­tration publique, Mme Mireille Lacour (an­tenne Luxembourg), Circuit de la Foire interna-tionale, 2, à L-134 7 Luxembourg. · Tél. : +352Ï426.230- Fax : +352/426.237.

.-A~!Ournal des·~[,ribunaux

Roger O. DALCQ, rédacteur en chef Seàétaire général de la rédaction : Georges-Albert DAL. Secrétaire de la rédaction : Wivine BoURGAUX. Secrétaires adjoints : Annik BoUCHÉ et François TULKENs: Chl[onique judiciaire : Bèmard V AN REEPINGHEN. Comité de rédaction: Eric BALATE, Pierre BAUTHIER,

Michèle BoNHEURE, . Jean-Pierre BouRs, Benoît DEIEMEPPE, Michèle DEL CARRIL, Fernand DE VISSCHER, Christian DIERYCK, Jean EECKHOUT, François GLANS-

' DORFF, Geneviève JANSSEN-PEVTSCHIN, Guy KEUTGEN, Olivier KLEES, Emile KNoPs, Dominique LAGASSE, Michel MAHIEu, Christine MATRAY, Jules MEssiNNE, FrançoisMoTULSKY, Daniel STERCKX, Paul TAPIE, Louis V AN BUNNEN, Jennifer WALDRON.

Conseiller scientifique : Robert HENRION.

ADMINiSTRATION : LARCIER ABONNEMENT 1996:9.850 FB.

Le numéro: 400 FB. Abonnement : Larcier, c/o Accès+, s.p.r.l.

Fond Jean-Pâques, 4- 1348 Louvain-lac Neuve Tél. (010) 48.25.00- Fax (010) 48.25.19

Les manuscrits ne sont pas rendus.

©De Boeck & Larcier, s.a., Bruxelles, déc. 1881. ISSN 0021-812X

Tous droits de reproduction, sous quelque forme que ce soit, réservés pour tous pays.

Les ,auteurs cèdent à LARCIER, leurs droits intellectuels sur les textes publiés au « Journal des tribunaux ». Toute reproduction est dès lors

interdite sans l'accord écrit de LARCIER.

Ed. resp. : P. Wilhelm, rue des Minimes, 39 - 1000 Bruxelles Imprimerie Puvrez, s.a. - avenue Van Volxem, 499 - 1060 Bruxelles

. 61844