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SOMMAIRE

Vous trouverez dans ce cahier:

1. JUSTICE ET PAIX, ELEMENT DE TOUTE VOCATION DOMINICAINE

2. LES SITUATIONS D'URGENCE

3. DESCRIPTION DES ETAPES D'UN PROJET

4.LES DIFFICULTES DU PROJET

5. DES RESISTANCES FRATERNELLES

6. DES DEFIS PLUS STRUCTURELS

Dans les annexes:

La dimension ecologique La guerre et la violence

Quelques elements statistiques Le marche et la dette

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Apres avoir decouvert dans Ie quotidien de freres, de soeurs ou de communautes ceo que pouvaient etre des engagements et des vies pour Justice et Paix (cahier 1) et ce sur quoi ils etaient fondes (cahier 2), il s'agit de voir concretement comment realiser une action,mErttre en oeuvre un projet qu'il soit individuel ou collectif. Ce cahier ne veut pas definir des protocoles et des procedures administratives ou bureaucratiques mais il veut donner quelques elements de reperages methodiques pour etre plus efficace dans la lutte contre la misere, I'injustice, la guerre, la violence, et l' exclusion.

2S II faut cependant etre vigilants: Justice et Paix n'est pas reductible a des projets particuliers conduits par des experts (ou des gens bizarres et un peu marginaux dans I'Ordre) du theme Justice et Paix. Justice et Paix est un element fondateur de notre maniere d'etre de la famille dominicaine, une coloration de tous nos apostolats et de toutes nos activites : celle qui est donnee par la prise en compte des plus demunis, des sans voix et des victimes.

(( Toute notre activite apostolique doit etre envisagee dans une certaine lumiere, selon une intention specifique de verite et de misericorde. Suscitant la liberte et s'adressant a elle, y introduisant les exigences de paix et de justice, elle ne dissocie pas l'evangelisation de lhumanisation fut-elle la plus humble. )} (Congregation Romaine de Saint Dominique)

1. (( JUSTICE ET P AIX )), ELEMENT DE TOUTE VOCATION DOMINI CAINE

* La predication est notre vocation specifique ; elle est un exercice de parole et d'actes destine a ouvrir les hommes et les femmes de ce temps a I'intelligence de la Parole de Dieu et a se rendre disponibles pour la rencontre avec Dieu. « contemplata aliis tradere ». Cette predication est une oeuvre de misericorde, un don fait pour Ie salut, pour la guerison, pour la vie en abondance.

La predication dominicaine se fait (( verbo et exemplo »: par Ie discours et par la mise en oeuvre personnelle et communautaire de ce qu'enonc;ait Ie discours; on ne peut pas separer ces deux dimensions sous peine de disqualification.

La predication dominicaine est ce qui nous rassemble en une famille spirituelle origin ale a la difference d'autres familles OU c'est Ie champ d'apostolat qui definit l'identite religieuse. Si elle est Ie fondement de notre identite, la predication se realise sous des modalites tres

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diverses: la predication en chaire n'est qu'une forme parmi de nombreuses autres y compris la predication par l'art (Fra Angelico ... ), par Ie travail ouvrier, par l'education, les soins infirmiers, l'animation aupres des jeunes ou des femmes ... L 'histoire de notre Ordre" a toujours reconnu et valorise cette diversite. La preoccupation pour les plus pauvres et pour les victimes de l'injustice et de la violence doit etre presente dans toutes ces formes de predication.

La predication inscrit l'autre comme Ie partenaire de notre demarche. On « preche » a quelqu'un dont Ie salut, Ie bonheur au sens plein du terme (materiel et spirituel), nous importe. Cet autre n'est cependant pas un « vase vide» qu'il faudrait remplir de la « bonne parole »,c'est un partenaire, un acteur.;. On ne peut donc precher que si nous avons noue avec cet autre des liens d'amitie~ de sympathie et une passion pour son salut. Ceci passe d'abord par un effort pour connaitre l'autre, pour comprendre ce qui l'habite, ses questions, ses angoisses, ses problemes et.ses espoirs.

Les constitutions des freres insistent sur ce point au LCO 99 « .. .il est necessaire non seulement d >€tre attentifs aux situations et aspirations des Iwmmes a qui nous nous adressons mais encore d'etablir avec eux des liens vivants ... »

© . Cette connaissance peut meme pousser certains membres de notre famille religieuse a vivre avec ceux et celles a qui nous voulons porter la Bonne Nouvelle en particulier les plus pauvres ou les victimes. Un certain nombre d'entre nous sont ainsi alles vivre dans les bidonvilles, dans les banlieues" populaires, dans les quartiers mal equipes, partageant avec les gens les mauvaises conditions de logement, d'hygiene, la promiscuite ... pour se faire Ie prochain des sans voix et des exclus.

Les soeurs de Samaj Seva Niketan a Bombay (Dominicaines du Rosaire) se sont installees a Ghatkopar en 1977, un bidonville touche un empoisonnement du a de l'alcool {relate. Elles vivent avec les gens du bidonville menant avec eux de nombreuses actions de travail social qui evoluent avec les besoins de la population de ce bidonville. Les soeurs agissent au niveau educatif avec, par e:x:emple, une ecole maternelle et des cours du soir, au niveau sanitaire et medical, au niveau des loisirs avec par exemple des competitions sportives pour les femmes ou des pique-niques... Elles interviennent aussi sur le plan economique avec une II agence pour l'emploi ", une caution bancaire ... et sur le plan politique en intervenant aupres des autorites pour obtenir des amenagements. Les soeurs ont lie leur vie apostolique et leurs actions a celles des habitants du bidonville.

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Les freres et' les soeurs dominicains en Haiti ont depuis longtemps un travail pastoral commun combine avec des actions de developpement. fls viennent d 'abandonner tout ce qu'ils faisaient pour aller plus radicalement vivre (( a la base ~', parmi les paysans, dans un hameau pres de la cote. Leur couvent consiste en cinq (( cayes-pays)) (maisons paysannes) au milieu des bananiers, sans electricite (mais il y a des plaques solaires). Chacun dispose du minimum: Une petite piece au sol en terre battue et au toit en tOle. Le choix est clair: etre au plus pres des gens pour tenter de decouvrir avec et parmi eux leurs espoirs et leurs besoins ; (( vivre avec )) sans chercher dans l'immediat un role particulier, se mettre a l'ecoute des gens les plus ordinaires.

~ Cherchera connaitre, c'est a dire a respecter la realite et les mysteres des personnes et de leur vie, est deja une forme de predication par Ie compagnonnage quotidien. Certains freres et soeurs travailleront a cette connaissance de maniere plus academique ou scientifique; leurs apports contribuent aussi a ce travail de predication.

Le Centre Bartolomeo de Las Casas a Cuzco est un des centres de l'Ordre qui s'est donne comme objectif de mieux connaitre ce que vivent les pauvres de la region andine.

© Le CBC a ete cree a Cuzco au Perou en 1974 pour se mettre a 1 'ecoute . de la realite andine et participer a 1 'avenir de cette region de montagne. II est ani me par des freres et des soeurs dominicains. Le CBC est constitue de quatre poles dont les activites se completent. Le premier de ces poles est le (( College andiri)) ou sont etudies et enseignes les problemes de l1£istoire et de la culture andine et les enjeux socio-politiques et economiques du Perou et de la region andine dans son ense'(nble; une revue scientifique sur la culture andine est publiee par le college. Le Centre Las Casas est Quant a lui un centre d'etude sur les differents aspects de la vie des paysans et des urbains de la region; une approche pluridisciplinaire permet de comprendre les mecanismes de la pauvrete, de la degradation environnementale, de I 'alienation culturelle. Le Centre possede aussiune expertise economique, sociologique et agronomique qui lui permet d'intervenir comme consultant aupres des acteurs sociaux et de conduire a bien des operations de developpement. Une petite annexe est consacree aux plantes medicinales et aux soins de base. Le troisieme pole est la Gasa campesina qui est un centre d 'accueil et dMbergement des paysans de la montagne qui viennent a

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Guzco; dans ce lieu, outre' un kebergement bon marcke, ils trouvent des conseils juridiques et des possibilites de se {ormer. Le quatneme pole est celui de la documentation qui est a la fois une maison d'edition (qui essaie de conserver et populanser la culture et l'histoire andines), un centre de documentation ouvert au grand public et une phototheque sur Guzco au debut du siecle. Le GRG travaille donc a la comprehension et a la sauvegarde de la culture des paysans andins mais contribue aussi a l'histoire qui se fait; il veut partir de la culture pour proposer des strategies de developpement economique adaptees.

n existe d'autres centres du mame type parmi lesquels il faudrait citer celui de Coban (Guatemala), Economie et Hunianisme (France), Espaces (Belgique) ... Dans ces centres on essaie de comprendre Ie vecu des hommes et des femmes et d'utiliser ces connaissances pour proposer des actions qui respectent les cultures et les valeurs tout en ameliorant les conditions de vie des populations.

* Les chapitres glmeraux des frares rappellent depuis plus de 10 ans que Justice et Paix est une dimension constitutive de notre predication et qu'il· en va de la credibilite de celle-ci. La plupart des congregations dominicaines ont, elles aussi, mis l' accent sur la predication des soeurs a travers des actions de solidarite et de promotion au service des plus demunis.

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(( Le chapitre a reaffirme que l'effort pour la construction d'un monde plus juste et fraternel est un aspect essentiel de notre vie dominicaine ... qu'il ne s'agit pas tant d'actions speci{iques et supplementaires d entre prendre que d'un esprit qui doit impregner tous les aspects de notre vie, esprit qui· nous fait porter sur les evenements et sur les relations entre les hommes un regard evangelique ... Dans cet effort de l'intelligence et du coeur, que la parole de Dieu, etudiee et celebree, soit toujours pour les communautes la reference premiere: d la fois lumiere qui permet de (( voir les pauvres comme l'image de Dieu qui se revele d nous» (Mexico, 1992) et elan interieur qui donne force et dynamisme pour s'engager d leurs cotes a{in qu'advienne (( le monde nouveau.oujustice habitera. » Actes du chapitre general des Soeurs Dominicaines de Monteils, 1995

Tous les textes de I'Ordre insistent sur la dimension Justice et Paix de notre predication (cf cahier n01) mais on peut reprendre a titre d'exemple la lettre du fro Damien Byrne de 1989 sur la predication:

(( Notre predication ne sera pas complete tant qu'elle ne mettra pas l 'Evangile en relation avec la vie des gens. De

. meme que Jesus a preche son message dans une forme adaptee aux gens de son epoque, ainsi nous devons presenter son message d'une maniere adaptee pour les gens de notre temps. Conforme d l'Evangile, notre predication doit repondre aux demandes que nous recevons. Ceci nous impose l'obligation d'ecouter et d'etre en alerte sur les divers mouvements qui se succedent avec rapidite dans notre societe changeante. Comment pouvons nous parler des necessites des gens si nous ne partageons pas leurs peines et leurs joies ? Comme nous le rappelle Gaudium et Spes (n° 1): ((les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de notre temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui sou{frent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ et il n y a rien de vraiment humain qui ne trouve un echo dans leur coeur». Avant de parler nous devons ecouter, non seulement la voix du peuple mais aussi ses yeux et son coeur. Alors notre parole prononcee chaque jour depuis l'autel, en classe, dans les salles de lMpital ... sera une parole d'esperance »

On peut aussi reprendre la Ratio Studiorum Generalis des freres:

(( Une attention particuliere sera donnee aux questions sociales et d leconomie des la formation initiale pour que les freres soient d meme de com prendre les conditions de vie de

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ceux et celles auxquels ils auront a annoncer la Parole de Dieu. Le but de notre predication etant la conversion dhommes et de femmes qui travailleront ensemble a la transformation des structures injustes de notre societe, les freres doivent etre assez renseignes sur les causes de ces injustices pour pouvoir les identifier et les combattre. }} ( 14,4)

ou encore Ie recent texte du chapitre de Caleruega au point 11,4-5 :

(( A l'imitation de Jesus lui-meme et de Dominique, qui renon~a a l'opulence sterile des cisterciens de Provence, nous sommes invites a nous engager a realiser notre option pour les pauvres en partageant leur vie. En. tant qu'Ordre nous avons a faire un serieux effort en termes de niveaux et de genres de vie quiconcernent tant les lieux de nos implantations que les gens avec qui nous vivons. Les experiences actuelles de vie parmi les marginaux, les immigrants et les pauvres dynamisent notre ministere de predication. Nous apprenons a parler leur langage et a reconnaitre la presence et I 'action de Dieu dans leur vie quotidienne. Nous apprenons ce que signifie manquer des biens qui fondent la dignite humaine. Et ainsi nous sommes habilites a proclamer une parole de compassion, annon~ant la presence du Christ crucifie et ressuscite parmi son peuple, affirmant la dignite et la valeur de tous les hommes et de toutes les femmes comme temples de l'Esprit et prenant en compte leurs droits humains de base. C'est la la Parole qui a le pouvoir de changer les coeurs, qui ouvre au dialogue avec l'autre et au Dieu vivant qui aime communiquer avec nous dans la priere, qui cree la disponibilite pour une veritable guerison, qui met en oeuvre la dynamique mysterieuse du pardon mutuel, et qui finalement pose les fondations d'une communaute vraie, OU l'Eucharistie est celebree comme memorial de celui qui s'est donne pour que nous recevions en heritage les premices du royaume de Dieu: la vie en abondance. Dans cette perspective, la vie dominicaine est fertilisee et les freres eux-memes sont propulses vers de nouvelles frontieres. Au contact des marginaux, la pauvrete evangelique est vecue comme un choix volontaire d'une vie simple OU nous acquerons une nouvelle vision d€ la rea lite sociale et du Royaume de Dieu, les voyant par lesyeux des pauvres. Ceci nous donne de la matiere pour precher,sur les enjeux souleves par Justice et Paix. Parmi les pauvres, nous anno~ns Jesus, invitant les hommes et les femmes a vivre sa vie et a mettre en oeuvre un type de dialogue qui permette une nouvelle comprehension et la venue du Regne de Dieu. )}

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.8:S Pour que notre predication - a travers les difIerentes formes qu'elle revet - s'enracine veritablement dans la Justice et la Paix quelques questionspeuvent nous aider:

~ Notre predication ne peut se contenter de denoncer ce qui va mal sans suggerer des elements de solutions et d'actions et sans que nous­memes mettions les mains a la pate. nest trop facile - et pas credibilisant - d' en rester a la phase de critique et des analyses radicales. Une caracteristique de la predication dominicaine est son orientation vers l'esperance et notre parole doit aller de la denonciation a l'annonce constructive, de la contestation a l' attestation.

Les freres du chapitre d'Oakland ecrivaient: « Nous n 'avons pas de raison valable d'intervenir par la parole si notre proposne reveille pas l'esperance ou ne lui donne pas une nouvelle vigueur. Toutes nos predications axees sur la recherche de la justice et de la paix devraient rester /ideles au style de l'inuitation evangelique qui ne juge personne, mais evoque un monde OU la mise en oeuvre, meme modeste, de la justice et de lapaix serait deja une beatitude. "(ordination n° 43)

Comment donner esperance aux pauvres et aux victimes en respectant leurs souffrances et sans proposer simplement une consolation qui n'aurait lieu qu'apres la mort? C'est la une des grandes questions qui doit animer notre reflexion theologique et pastorale et nous inviter a poser des gestes significatifs. Mais sommes­nous, nous-memes, des hommes et des femmes emplis d'esperance,

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convaincus qu'il y a des issues 'a la crise, qu'il est possible de sortir de la nuit?

(( Notre predication est sans l'ombre d'un doute une entreprise audacieuse, exposee a tous les risques, fragile comme toute creation humaine en quite d'interlocuteurs, invitant, esperant, vulnerable a toute sorte de distraction, parfois (( une voix dans le desert". Mais il est indispensable que nous prechions ainsi: a cause de la grace de la predication et parce que ce que nous desirons precher nous a ere donne gratuitement et c'est seulement en le partageant qu'il devient vraiment don. En tant que femmes precheuses, nous recherchons avec ardeur les autres femmes, l 'humanite tout . entiere pour depasser les situations de temporisation et de fatigue, un reveil qui s 'annonce difficile. (( Sa fuite m 'a fait rendre lame" (Ct 5,6) dit la Bien Aimee du Cantique des Cantiques et cela devrait etre' l 'attitude fondamentale des Dominicaines itinerantes. Notre predication dOit egalement rendre credible notre esperance et reveiller toute l'esperance endormie qui, pour ne paS oser etre, s'angoisse en des milliers de protestations. (( J'ai ate ma tunique comment la remettrais-je? J'ai lave mes pieds comment les salirais-je? (Ct 5,3-4)" Sr A. Marabotto, a l'assemblee internationale des Soeurs Dominicaines, mai 1995.

Une autre caracteristique de la predication dominicaine, liee a l'esperance, est I'amour de Ia creation, du monde. La vie· est fondamentalement belle et merite d'etre vacue ... mais cette affirmation heurte ceux qui souffrent au-dela de leurs forces et sont les victimes des autres, des systemes, de la violence ... Comment dire Ie bonheur d'etre vivant ? Comment faire decouvrir que chacun et chacune est capable de decouvrir des chemins in~dits?

Ce souci de faire aimer la creation nous invite a prendre en compte les enjeux acologiques et a etre attentifs aux debats qui concernent l'avenir de la planete. Les preoccupations quant a l'environnement sont. ainsi de lieux ou la reflexion pour la justice et la paix doit se porter. En annexes de ce cahier, on trouvera quelques elements pour commencer cette reflexion.

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12. LES SITUATIONS D'URGENCE I ~ D y a malheureusement, a travers Ie monde, des freres, des soeurs et

des laics qui risquent reellement leur vie a cause de leur solidarite avec les plus demunis ou les victimes de l'oppression. Leur quotidien est marque par la violence, la guerre, la disc~ation ethnique ou religieuse. Ds sont dans des situations extremes ou il faut agir vite et fort pour denoncer les brutalites et les massacres et pour trouver des parades a la repression. Dans ces situations, il faut qu'emerge rapidement un contre-pouvoir et celui-ci ne pourra bien souvent venir que de l'exterieur et de l'opinion publique intemationale qui a plus de liberte.

Le Pakistan est un pays a 96% musulman ou depuis 1977la Sharria (la loi islamique) est devenue Ioi d'Etat. Les minorites religieuses subissent de fortes pressions et voient leurs libertes restreintes. Une tentative de faire inscrire la religion sur la carte d'identite a echoue suite a une forte mobilisation. En 1985 une loi It contre Ie blaspheme» est entree en vigueur; celle-ci punit de mort toute personne accusee d'avoir blaspheme Ie nom de prophete Mohamed. Les musulmans ont coutume d'accompagner le nom du Prophete par une formule de louange, toute personne qui ne respecte pas cet usage peut etre accusee. Cette loi est tres discriminatoire et favorise les reglements de compte et des chretiens se sont trouves traduits en justice sans raison. une forte mobilisation a eu lieu en 1992 lorsqu 'un jeune chretien traduit en justice a risque la peine de mort. Les chretiens etant une toute petite minorite, un relais international a semble utile. C'est a cette campagne internationale que s'est jointe, a la demande des communautes du Pakistan, Ia famille dominicaine par des petitions, des telegrammes... Cette mobilisation massive a joue un role essen tiel dans Ie rapport de forces qui a conduit a la revision de la loi.

La mobilisation peut intervenir pour defendre quelqu'un accuse injustement, pour proteger quelqu'un dont la vie est en danger (face a des menaces), pour faire abolir une legislation injuste ou contraire aux droits de l'homme ou encore pour obtenir de nouvelles lois reconnaissant des droits. Le role de l'opinion publique nationale et internationale, dans ces situations, est de contraindre les autorites a agir au grand jour, d'influencer les decisions en faisant jouer les rapports de force intemationaux, de montrer aux pouvoirs en place qu'ils ne peuvent pas agir commeils Ie veulent ... On entre ainsi

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dans une problematique d' equilibre des forces et de transparence des decisions qui peut empecher l'exercice de la violence et de l'injustice.

© Le travail des freres et soeurs du centre Fray Francisco de Vitoria au Mexique entre dans cette perspective de faire un contrepoids a l'injustice: en rendant publics les assassinats, les violations des droits de l'homme, en diffusant des information sur des cas que la police voudrait cacher, Ie centre conduit un combat pour une plus grande justice. Sa methode est detaillee en annexes du cahier n° 4 .

.NS Le role du travail en reseau a deja ete presente (cahier nOl); cette methodologie est . particulierement adaptee pour ces situations d'urgence ou la circulation rapide et large de l'inforDlation est la clef du succes. Le reseaudoit informer d'une situation requerant une intervention rapide et ferme des freres et des soeurs : il a besoin pour cela de correspondants. (dans les provinces et les congregations ce peut etre Ie promoteur Justice et Paix) qui devront informer rapidement les communautes locales. Pour cette phase, il est souvent utile d'avoir un « mailing» deja pret: liste de fax ou de telephone, etiquettes d' adresses ... Le reseau informe et propose une reaction qui doit etre tres rapide. Cette reponse aura Ie plus souvent la forme d'une petition a faire signer ou de lettres (ou fax) a expedier.

n faut Ie plus souvent possible accompagner cette action par des interventions dans les medias car ce sont eux qui feront connaitre a un large public et aux hommes politiques la cause pour laquelle nous nous sommes engages. Les media sont un relais fondamental qu'il faut toujours essayer de mobiliser mais cela n'est pas toujours facile car les jou~alistes sont assaillis d'informations ou ont des contraintes ideologiques ... Pour essayer de depasser ces difficulres il sera souvent necessaire de rediger un communique ·de presse court, donn ant des faits et proposant des actions (par exemple une signature de petition en donnant Ie lieu ou cette signature est possible) que recopieront plus ou moins les joumalistes. n ne faut pas oublier de donner un nom et un numero de telephone d'une personne qui pourrait expliquer de maniere detaillee la situation si un joumaliste voulait en savoir plus.

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RS Pour agir de manlere significative, il faut pouvoir trouver d'autres relais que les medias; on pourra contacter des ONG (organisations non gouvernementales) et des associations qui militent dans Ie domaine Justice et Paix, aupres des commissions diocesaines ou nation ales Justice et Paix, aupres desresponsables des assemblees de religieux ou religieuses, des episcopats ou meme aupres des Commissions specialisees des Nations Unies pour la defense des droits de l'homme (comme Ie font nos freres et soeurs franciscains qui ont une representation permanente aupres des Nations Unies a New York) ... Pour etre efficaces les freres et les soeurs dominicains doivent faire connaitre a l'exterieur de l'Ordre nos combats. Cette information passera souvent grace a un dossier court, precis, donnant des faits ...

Pour que toutes ces actions se deroulent rapidement, ce qui est la clef dans les situations d'urgence, chaque responsable de Justice et Paix pourrait avoir, la encore, un petit fichier - si possible informatise (et tenu a jour)- des personnes etrangeres a l'Ordre qu'il faudrait informer dans Ie cas d' appels urgents. La realisation d'un tel fichier permet, outre la methodologie preventive, un travail sur les veritables pouvoirs locaux et correspond a lamission du Promoteur Justice et Paix.

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La petition ou les lettres de protestation ne sont pas les seules formes d'actions possibles. On peut aussi essayer d'organiser des conferences de presse (mais il faut avoir de bons contacts avec les medias et des informations nombreuses), des protestations symboliques (jeune, veillee de priere, erection de monument), des marches, des boycotts ... Faites nous partager vos experiences dans ce domaine. Merci!

Quand il en va de la vie ou de la reputation de freres et de soeurs, de la verite de la foi, parfois de l'avenir de l'evangelisation ... on ne peut pas rester des amateurs ou simplement attendre que surviennent les drames.

n en est de meme dans les actions d'urgence nees des catastrophes naturelles et des divers drames qui peuvent toucher les regions ou vivent nos freres et nos soeurs. Les recents conflits du Rwanda Burundi, de l'ex-Yougoslavie ... nous invitent a la vigilance et a la solidarite organisee.

~3. DESCRIPTION DES ETAPES D'UN PROJET I ~ En dehors des situations d'urgence, qui sont helas plus nombreuses

qu'on ne Ie souhaiterait, une action Justice et Paix releve de l'approche projet que cette action soit modeste et essaie par exemple de repondre a la question « que faire avec les clochards qui viennent sonner a la porterie ?» ou qu'elle soit plus complexe « comment defendre les droits des minorites dans notre pays?».

L'approche projet est un outil methodologique qui est tres utile pour etre realiste et pour ne pas en rester a un bricolage qui absorbe tout notre temps sans produire d'effets tangibles. nne faut pas etre effraye par son cote rigoureux ou technocratique: sa progression logique peut nous servir de « pense- bete » pour eviter de perdre du temps et pour nous premunir au maximum contre les possibilites d'echec.

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~ Une approche projet comprend plusieurs etapes qu'il convient de suivre dans l' ordre Iogique.

A. L'appel. n faut cemer une « demande » en etant vigilants a Ia fois sur ce qui est demande et qui est porteur de la demande. n y aura avantage a passer du temps pour bien analyser cette demande, pour la cemer et pour Ia reformuler. La mise en relation d'un appel particulier avec des ten dances profondes de Ia societe doit permettre d'evaluer Ia pertinence de cette demande.

B. La decision. Repondre a une demande engage profondement. Notre vie religieuse etant democratique, la decision ne peut provenir que d'un processus ·de discussion communautaire, qu'avec l'appui des responsables conventuels et provinciaux... mais aussi d'une forte motivation personnelle. S'il n'y a pas des freres ou des soeurs tres motivees, il sera difficile de tenir et il vaut mieux ne pas decider de repondre favorablement aune demande.

c. Les moyens et Ie comment. Apres avoir decide, il faut faire une estimation de ce qui est necessaire pour repondre de maniere efficace et pertinente a la demande. n faut faire un exercice previsionnel tant en ce qui conceme les methodes que les moyens a mobiliser et realiser des scenarii sur ce qui pourrait etre fait et retenir Ie scenario qui apparait Ie plus probable ou Ie plus souhaitable pour cadrer son action sur lui.

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D. Qui fait guoi? Apres avoir 'pris une option sur les methodes et les moyens, il faut pouvoir repartir des responsabilites. la construction d'un organigramme s'impose. n faut a la fois construire l'organigramme (faites quelque chose de simple!) qui sera mis en oeuvre au cours du fonctionnement du projet et un organigramme de transition qui definit les responsabilites de chacun pour la realisation concrete du projet: qui cherche les fonds? qui mobilise des freres et des soeurs ? qui cherche des locaux ? qui contacte les autorites ? On gagne toujours a etre tres precis sur les responsabilites de chacune, et de chacune.

E. Communiguer s'impose a toutes les etapes: des que Ie projet est un pen elabore pour informer largement et recueillir des suggestions, au

. cours du montage pour que tous les membres de la congregation, du couvent ou de la province suivent l'avancee des choses et se sentent partie prenante, au moment de l'inauguration (penser aux medias) et tout au cours du fonctionnement.

F. Evaluer est une procedure a conduire de maniere permanente pour toujours ajuster nos actions et nos manieres de faire aux besoins et aux problemes que rencontrent les plus demunis. l'evaluation est un des moyens d'evoluer (le cahier n 0 5 traitera de ce point).

G. Celebrer. Ne pas oublier de faire la fete pour les succes mais aussi pour lutter contre les deprimes et Ie decouragement. N e pas oublier de faire la rete devant Dieu, de lui rendre grace et d'implorer sa force ... sans lui nous ne pouvons rien, mais lui nous choisit pour etablir avec lui un peu plus de justice et de paix.

Tout au long de ce processus, il sera souvent utile de faire appel a de veritables experts; notre charisme dominicain ne nous rend pas polyvalents et competents sur tout. Regardons autour de nous, il y a sUrement des amis qui sont specialis1;es ... mais n'hesitons pas non plus a employer des professionnels qui nous eviterons de tomber dans des pieges ou de faire de trop grandes erreurs, meme s'il faut les payer un peu.

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14. LES DIFFICULTES DU PROJET I ~ Meme si Ie projet est bien con~u il rencontrera des· difficultes. nest

cependant parfois utile de reperer les difficultes les plus frequentes pour les eviter mais ce sont toujours des difficultes inattendues qui menaceront votre propre projet! n ne faut donc pa~ se laisser abattre mais faire une evaluation objective en vue de savoir queUe suite on va donner a l'action entreprise en tirant partie des critiques ou des difficultes.

Les difficultes relevent Ie plus souvent de la conception du projet, de son demarrage. L'absence d'analyse globale ou de mise en perspective, dans la societe dans son ensemble, des problemes auxquels on veut faire face conduit souvent a un manque de pertinence ou a des erreurs: on s'attaque moins aux causes qu'aux eifets, on agit sur des problemes secondaires (meme s'ils sont plus spectaculaires ou mediatiques) en laissant les questions fondamentales sans solutions ...

Parmi les difficultes, une des plus frequentes repose sur de mauvaises dimensions du projet: trop grand ou pas assez ambitieux. L' estimation est delicate mais elle doit toujours tenir compte des capacites d'action (de la disponibilite des freres et soeurs engages dans Ie projet) et des financements susceptibles d'etre mobilises.

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La disponibilite en temps est un obstacle redoutable. Un projet requiert toujours plus de temps qu'on ne pense car il n'y a pas seulement l'action a conduire, il y a sa gestion (financiere et administrative), les relations publiques qu'il faut mener ... Et puis Ie succes appelle a faire des interventions, des formations, a des relations avec les medias. Le projet vous emportera au -dela de ce que vous imaginiez ... et si vous n'avez pas assez de temps a lui consacrer il etouffera et se sclerosera. Mais cela ne doit pas nous empecher d'entreprendre; il faudra veiller a former une equipe!

© Un des problemes lies a la disponibilite est celui de la duree. n ne suffit pas de lancer, avec succes, un projet il faut pouvoir Ie porter jusqu'a maturite. On s'engage pour des periodes souvent longues ... mais pas trop longues nonplus: un projet n'est pas la propriete de ses fondateurs. n faut savoir quand passer lamain, comment former ses successeurs et accepter de partir, de faire son deuil, et cela n'est pas toujours facile meme avec la meilleure volonte du monde. Essayons de ne jamais oublier que Ie projet ne nous sert pas d'abord, mais qu'il sert les plus pauvres; on a amslinteret a relire Luc 14,7-11 sur les premiers et les derniers.

Pour bien vivre tout cela, l'equipe est fondamentale. n faut eviter de travailler seul mais chercher a entrainer avec soi des freres et des soetirs. C'est la que la famille OP revele toute sa pertinence et les actions pour la justice et la paix peuvent etre, plus que toutes les autres, un lieu de travail en commun avec toutes les branches de l'Ordre.

Depuis 32 ans la famille dominicaine des Philippines a la charge d'un hOpital de 100 lits reserve aux pauvres de Manille, II un hOpital avec un coeur et une ame qui ne depend que de la seule Providence" comme Ie de/inissent ses responsables. Tout a commence en 1959 par une petite unite d'accueil des indigents au parloir du couvent San Juan d Manille. peu d peu les besoins augmentant un batiment a ete construit,' il comprend aujourd'hui quatre etages pour medecine, chirurgie, pediatrie et gynecologie. Des Ie debut l'accent a ete mis sur la chirurgie Ilparce que c~st ce qui est le plus inaccessible aux pauvres n. Les soins sont gratuits, chacun ne participant aux frais qua la mesure de ses moyens. L'ensemble est ·dirige et gere benevolement par la tamille dominicaine: freres, soeurs (les, missionnaires de St Dominique) et laics se repartissant les differentes taches: animation spirituelle, comptabilite, gardes, visites des malades... Un II collectif de medecins St Martin de POrT'eS n a egalement ete constitue qui intervient selon les memes

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eriteres. Le benevolat reduit lescouts et de nombreux dons permettent d'equilibrer les budgets. Au til des (J,nnees 11Wpital s'est dote d'un equipement tout d fait valable mais seuls les pauvres y ont aeees. Depuis 1990 en plus des soins traditionnels a lieu (( l'operation sourire" qui eonsiste d operer gratuitement des en/ants pauvres souffrant de malformations faeiales (bees de lievre).

D'autres exemples existent au Mexique, au Bresil, en Europe ... La familie dominicaine peut deployer son originalite dans de tels projets.

~ Pour que nos projets soient coherents avec nos discours, il nous faut chercher a inserer les beneficiaires de nos actions dans la gestion de celles-ci. Cela n'est pas"toujours facile car on ne passe pas de victimes ecrasees au statut d'acteurs en quelques jours. Cette participation active des victimes a la recherche des solutions pour sortir de la misere et de l'injustice doit etre un de nos objectifs et un des criteres de nos evaluations. n ne suffit pas de faire « pour », il nous faut faire « avec » ... meme si cela nous oblige a revoir nos strategies.

Une mauvaise politique de communication interne et exteme peut detruire un projet important ou tout au moins Ie freiner. N'hesitez pas a passer un peu de temps a cette tache et a constituer des outils de communication agreables a voir: depliants d'information, tracts explicatifs, brochures ... Ne voyagez jamais sans ces outils.

Une autre cause des difficultes que peut rencontrer un projet conceme son evolution trop rapide et mal maitrisee. Attention a ne pas aller trop vite (et encore moins trop doucement) et a vous lancer dans des actions trop onereuses ou trop complexes avant d'avoir fait vos preuves de maniere plus modeste.

Une autre difficulte souvent dramatique pour la survie des projets consiste a ne pas penser a la prise en compte, dans les budgets previsionnel ou la gestion courante, des amortissements et de la maintenance. Le projet s'enfoncera et deperira si on ne prevoit pas depuis Ie debut du fonctionnement des reserves financieres pour faire face a l'usure et aux degradations. Vous trouverez quelques elements pour vous aider sur ce point en annexe du cahier n05.

Un dernier petit conseil fraternel: les changements tres lents des mentalites risquent d'epuiser les fondateurs d'un projet pour la justice et la paix. Ne vous decouragez pas. Le decouragement est d'autant plus facile qu'il n'y a pas d'indicateurs clairs et facilement reperables de la progression ou de la regression des situations dans lesquelles la justice et la paix sont mises en cause. Le decouragement est la pire des

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choses, la grande difficulte a depasser. Alors lisez cette liste des difficultes et depechez vous de l' oublier pour rester libres.

~5. DES RESISTANCES FRATERNELLES

© Outre les difficultes inherentes a I'action entreprise, une action Justice et Paix est souvent menacee de I'interieur par les reactions des freres ou des soeurs. Ces reactions ne sont pas toujours, loin s'en faut, uniquement negatives ou des oppositions systematiques, mais elies peuvent parfois decourager les moins convaincus et surtout les debutants. Avec un peu d'humour, on arrive a survivre!

Bien evidemment vous rencontrerez les defaitistes absolus; freres ou soeurs pour qui rien ne peut reunir, pour qui tout a deja ete essaye et a echoue. Par dela la sinistrose qu'ils et elies distribuent, on peut tirer profit des lec;ons des experiences passees et voir pourquoi les choses n'ont pas marche. . Plusieurs freres et soeurs sont tres opposes aux engagements pour Justice et Paix affirm ant que bien souvent les discours I'emportent sur les actions, que nous passons plus de temps en reunions, en voyages et en colioques qu'en interventions sur Ie terrain ou encore que ce n'est pas dans notre vocation de dominicain d'intervenir sur ces sujets ...

II faut entendre ces critiques ... mais peut-on avoir une parole vraie qui eveille a la vie si nous ne nous sommes pas confrontes a la misere, si nous n'avons pas lie, ne serait-ce qu'un peu, notre vie a celie de ceux qui souffrent? peut-on rester indifferents ala douleur? peut-on oublier la compassion qui fut celie du Christ et celie de Dominique?

La plupart des autres freres et soeurs sont cependant moins pessimistes et se montrent sensibles a la compassion, a I'accueil des plus pauvres, a la prise en compte des grands defis de notre planete. L'articulation entre Justice et Paix et pratique de la misericorde doit permettre de mieux faire comprendre I'enjeu de notre presence en tant que dominicains et dominicaines aupres des victimes et des sans voix.

* Bien evidemment beaucoup se montreront plus tendus lorsqu'ils ou elies percevront un discours ideologique, une serie de slogans. Peut­etre faut-il verifier que les mots Justice et Paix ne soient pas trop charges d'un passe negatif mais il faut surtout mettre en avant les attitudes spirituelles (et il faut les'vivre!) et la tradition qui nous poussent a agir contre l'injustice, contre les atteintes a la dignite de l'homme et de la femme.

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On peut aussi relire ce qu'ecrivaient les capitulaires de Mexico en 1992 au chapitre sur la predication au n° 66, Bb:

« L'engagement au service de la justice et de la paix doit impregner toute . notre vie personnelle et communautaire. C'est notre vocation de precheurs qui l'exige ... que notre communaute soit pour ses membres et pour ceux qui l'entourent une veritable ecole de justice et de pa.ix. Et n'oublions jamais que l'engagement en {aveur de la justice et de la paix en est un de toute la communaute. "

ou ce que precisent, par exemple, les constitutions des soeurs de la Congregation Romaine de Saint Dominique:

« Pour accomplir le dessein d'amour du Pere, Jesus, par son incarnation est venu comme mediateur entre Dieu et les hommes. A la suite du Christ l'amour de Dieu inseparable de l'amour des hommes nous presse. A la lumiere de l'Evangile nous decouvrons l'action de l'Esprit Saint sans cesse d l'oeuvre dans les realites humaines. En meme temps la perception de leurs carences, des injustices individuelles et collectives, la presence massive des pauvres, de l'incroyance et de 1 'atheisme, 1 'analyse des besoins et des contestations· du monde, interpellent notre {oi, notre esperance et notre charite. Elles habitent notre priere et nous mobilisent pour de nouvelles terres de mission OU l''Evangile sera annonce et d ()U 1 'Evangile pourra rayonner au coeur meme de la croissance humaine. "

© Les critiques fraternelles sont toujours a prendre au serieux car elles refletent souvent des dysfonctionnements qui peuvent et doivent etre corriges, ne serait-ce que dans Ie mode de communiquer au sujet du projet.

Trois difficultes reviennent souvent et doivent etre anticipees dans l'organisation de l'action:

- difficultes entre les logiques du projet et celles de la communaute. La communaute n'est pas resumable a votre projet; elle a ses rythmes de priere, de rencontre, sa vie de reunion. Certains freres et soeurs ont d'autres activites aussi importantes que les votres. La communaute acceptera mal d'etre perturbee ou meme marginalisee, ou de n'etre que votre hotel (ou pire: la cible preferee de vos diatribes ou de vos reactions agressives liees a une trop grande fatigue).

- invasion de la communaute: bien souvent vous aurez envie d'inviter tres frequeniment ceux et celles avec qui vous vous etes engages; ils deviendront vite des habitues de la communaute et ils peuvent etre tres nombreux. Us vous visiteront a des heures peu compatibles avec la vie commune, mobiliseront les telephones... La

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communaute aura souvent l'impression de ne plus etre chez elle et cela produira desmecanismes de rejet.

- crise liee aux confusions de pouvoir ou de finances: sans une differenciation claire des comptabilites et des responsabilites, vous allez tout droit a une crise qui vous detruira ou detruira votre action. En distinguant les choses chacun reste maitre de son activite et ne fait pas reposer sur l'autre, de maniere non symetrique, ses difficultes. La responsabilite de la communaute doit etre distincte de la: responsabilite de l'action meme si tous les freres ou toutes les soeurs y sont impliques. Pour se redonner un peu de moral, il est parfois utile de se souvenir que beaucoup de freres et de soeurs qui sont maintenant la fierte de l'Ordre ont eu des· conflits avec leurs freres et soeurs lorsqu'ils agissaient pour Justice et Paix: pensons a Martin de Porres ou a Catherine de Sienne. Cette derniere inquietait tellement les freres qu'ils la convoquerent a un chapitre general pour l'interroger tres severement sur ses conceptions car ils n'admettaient pas bien qu'une femme comme elle soit capable entrainer a sa suite autant de gens ...

L£ DIALOGUE'

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16. DES DEFIS PLUS STRUCTURELS I n existe un troisieme type de difficultes auxquelles devra faire face Ie frere, la soeur, l'equipe ou la communaute qui s'engage dans une action Justice et Paix : celles qui naissent de l'ordre economique, social et politique contre lequelle projet entend apporter une critique ou une alternative.

Ces difficultes qui relevent des structures globales (cf cahier n02), des mecanismes fondateurs de la societe, doivent etre analysees de maniere continue mais plus particulierement au debut du projet pour que l'action entreprise s'insere de maniere pertinente dans les realites.

~ On peut habituellement reperer quatre niveaux de problemes compromettant l'avenir d'un projet, quatre defis qui sont aussi ceux par rapport auxquels ilconvient de se former et d'aider les freres et les soeurs a se former. Des formations sur ces sujets peuvent etre proposees dans Ie cadre, de Ia formation initiale ou de Ia formation continue et peuvent etre une des activites privilegiees des promoteurs et promotrices qui ne s'adresse pas seulement a ceux et celles qui sont explicitement engages dans des projets Justice et Paix mais a tous et a toutes.

1 ° type de delis: ceux qui relevent de l'economie 2° type de delis: ceux qui appartiennent au domaine socio-politique 3° type de delis: ceux qui s'enracinent au niveau culturel et symbolique (y compris Ie genre) 4 ° type de delis : ceux qui ont une forte dimension ecologique (integrite de la creation)

Lesdefisecononrlques

Parmi les defis economiques, Ie chapitre des freres a Caleruega ont souligne avec force : l'invasion du systeme de marche (tout semble marchandable y compris les hommes et les femmes) et la deification des forces du marche (voir annexes). TIs ont aussi mentionne les effets dramatiques de la dette du tiers monde sur les pauvres. D'autres delis sont -a analyser : la deconnexion entre les problemes financiers (speculation, jeu a la bourse) et Ie peu de creation d'entreprises, Ie chomage des jeunes, Ie role des grandes institutions internationales (Banque Mondiale, Fonds Monetaire International ... ), les processus d' exclusion

Les defis socio-politiques ,

Parmi les delis les plus graves il faut etre particulierement attentif a ceux qui sont demunis de terre ou de logement, a l'explosion de'la

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violence et des integrismes, a l'effondrement des systemes d'assistance sociale (welfare state), aux destructions des liens sociaux familiaux et nationaux. L'avenir des Tiers Mondes (en particulier de l'Mrique) doit nous preoccuper car les egoismes des pays riches sont forts. On ne pourra sortir de la crise que tous ensemble.

Les defis que nous appelons culturels et symboliques renvoient au probleme des valeurs et a la generalisation d'une culture consumeriste. Les defis sont aussi les rapports de generation Geunes/vieux) et de genre (hommes/femmes). L'atheisme et l'indifference religieuse sont aussi des enjeux majeurs pour notre temps. Le Chapitre des freres a Caleruega a souligne quant a lui les defis du tribalisme, du nationalisme et du racisme.

Les defis ecologiques:

Ce n'est pas seulement la defense ou la protection (attitude defensive) mais plutot Ie probleme d'une gestion de toute la creation afin que Ie developpement soit durable .et au profit de l'homme, centre de la creation. Les relations hommes/animauxlnature/cosmos doivent etre prises en compte. n est de plus en plus urgent de prendre conscience du monde fini et du gaspillage, des risques de pollution... Les enjeux lies a l'energie atomique et aux essais nucleaires ne doivent pas etre sous-estimes.

Ces defis ne constituent pas une liste de drames mais la liste de questions fondamentales devant lesquelles se trouve l'humanite et auxquelles elle doit repondre. Pour faire cette reponse elle a besoin de sagesse, d'analyse ... Les chretiens peuvent contribuer, a partir de leur lecture de l'Evangile et de l'experience qu'ils font de l'amour de Dieu, a ce debat de societe et parmi eux les membres de la famille dominicaine ont peut-etre une plus grande responsabilite. Nous devons nous donc nous former sur ces sujets et c'est la une des responsabilites du promoteur et de la promotrice Justice et Paix.

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En guise de conclusions proviso ires:

Ce troisieme cabier concernant la predication ne doit pas etre lu comme la description d'une methode figee, d'une nouvelle technologie sociale ... n avait seulement pour objectif de donner quelques reperes objectifs pour que l'action debouche sur des resultats et ne conduise pas au decouragement.

Oui, on peut faire un certain nombre de choses pour faire evoluer Ie monde: bien sur la planete ne sera pas radicalement, en quelques mois, changee a cause de quelques freres et soeurs dominicains, mais la ou ces derniers agissent il y aura un peu plus d'espaces ou des hommes et des femmes, victimes de la violence bu de l'injustice, pourront respirer, vivre ... preliminaires minimaux pour reconnaitre la presence de Dieu dans la vie des humains.

Ce troisieme cahier cerne aussi des taches qui peuvent etre mises en oeuvre par les promoteurs de Justice et Paix, dont un certain nombre ne savent pas quoi faire face a l'ampleur de la tache a accomplir. Avec un peu de methodologie, on peut esquisser quelques actions.

Notre demarche dominicaine ne peut pas s'arreter a une liste d'actions pour la justice et la paix. n nous faut mettre en perspective ces actions avec la relation fraternelle que veut etablir l'Evangile et avec la tendresse de Dieu qui veut Ie bonheur des humains. n y a dans cette mise en relation, un important travail de traduction a accomplir et ceci est Ie theme du cabier suivant.

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« Justice et Paix », element de toute vocation dominicaine.... p.4

I..es situations d' urgence ................................................................ p. 12

Description des etapes d' un projet. ............................................... p. 15

I..es difficultes du projet. ................................................................ p. 18

Des resistances fratemelles ............................................................ p. 21

Des defis plus structurels ............................................................... p. 24

Conclusions.................................................................................... p. 26

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I LA DIMENSION ECOLOGIQUE ,.

Avec Ie developpement intensif des industries etl'urbanisation rapide, la cl'()issance economique a entraine des desequilibres profonds qui compromettent la possibilite de reproduction des richesses. Laplanete s'use et ne peut plus produire, sauf avec des couts de plus en plus eleves, autant qu'avant. C'est la on Ie theme du developpement durable revele sa pertinence : comment satisfaire les besoins de tous les habitants de la planete (production) sans detruire la base sur laquelle cette production se realise et comment Ie faire pour les generations qui viennent.

L'analyse ecologique est la prise en compte des destructions que subit la planete a cause des activites· humaines. Ces destructions ne sont pas toujours visibles a court terme car les phenomenes ecologiques se manifestent a I'issue de processus lents et longs:· degradation des sols, usure de la fertilite, reduction des varietes genetiques, changement des climats ... L'ecologie nous invite a avoir une approche sur Ie long terme.

L'economie ti'aditionnelle est plus sensible au court terme et au profit immediat qu'a uneapproche sur la longue duree. La crise ecologique resulte pour une part de cettje conception economique (pour une autre part, du manque de connaissance sur les efTets a long terme de certaines pratiques). L'approche ecologiste estune maniere de faire une critique de l'economie et par la d'imaginer de nouveaux objectifs et de nouvelles normes a fixer pour l' activite de production.

Parmi les problemes ecologiques les plus graves: - la desertification due pour une grande part a la deforestation et a une mauvaise gestion des paturages et des reserves en eau - la reduction de la qualite de I'eau et de I'air avec des consequences graves sur la sante, probleme de la couche d'ozone et des rayonnements D.V. - la degradation des espaces urbains: bidonvilles, quartiers insalubres - la gestion des. dechets menagers, industriels et nucIeaires - les risques lies aux gran des unites industrielles en particulier chimiques (Bhopal) et nucIeaires (Tchemobyl) - les pluies acides liees a I'industrie et les risques de maree noire.

Mais la pauvrete et Ie ch6mage sont les plus grandes des degradations induites par Ie systeme economique car elles afTectent directement la dignite de la personne. L'ecologie est donc bien plus. qu'un. probleme de conservation du patrimoine forestier ou de la flore et de la faune. C'est une maniere de remettre en cause un style de develQppement et ce n'est donc pas Un luxe pour pays riches.

L'ecologie en insistant sur lesrelations qU'entretiennent les vivants met en valeur les liens qui existent entre toutes les formes de vie. Ladestruction de la flore ou de la faune a des consequences sur la diversioo genetique (et donc sur la possibilite d'ameliorer I'agriculture), sur les climats, la qualite. des sols ... L'ecologie invite a

nouer de meilleures relations entre l'espece humaine et les plantes, les animaux ... eux aussi, mais d'une maniere particuliere, creations de Dieu.

L'ecologie nous invite aussi a prendre conscience que tous les pays sont relies les­uns aux autres, qu'il n'y a qu'une seule planete, commune a tous les hommes et toutes les femmes car les catastrophes ecologiques qui se manifestent dans un pays ont des consequences sur tous les autres (par exemple la destruction de la foret amazonienne a des consequences sur toute la planete par ses effets sur Ie climat, sur l'ozone ... ). La planete est embarquee dans une aventure commune ou les interets de·s uns et des autres sont articules. La survie des pays riches est tout autant liee a celle des pays pauvres qu~ l'inverse.

La prise en compte de ces interets communs a toute la planete, de cette dimension ecologique qui est inseparable du vrai developpement, a ete particulierement forte dans Ie rapport Brundtland qu'avait demande la Banque Mondiale. Ce rapport mettait en relation Ie developpement et l'environnement et insistait sur Ie fait qu'il fallait rechercherun developpement durable c'est a dire non destructeur en matiere d'environnement.

La dimension ecologique a ete au coeur de la conference mondiale de Rio. Au cours de cette conference les themes de la bio-diversite, du rapport entre production et nature, de l'evolution des dimats, de la gestion des forets ... ont ete abordes. Les resultats pratiques ont cependant ete faibles et les politiques des differents etats n'ont pas beaucoup evolue mais la conscience des enjeux ecologiques a progresse.

La reflexion theologigue chretienne sur l'ecologie est encore peu developpee plus particulierement chez les catholiques. Les religions orientales ont Quant a elles un grand souci de la vie en general et pas seulement des humains; elles sont -souvent a cause de la reincarnation- sensibles a la continuite qui e:xiste entre les vegetaux, les animaux et les humains, a l'harmonie qui doit exister entre l'homme et Ie cosmos ...

La reilexion theologique chretienne sur l'ecologie est necessaire en ce qu'elle permet de mieux situer les responsabilites des humains dans l'avenir de la planete et dans Ie projet de creation que Dieu a pour l'humanite. L'assemblee de Bale, puis celIe de Seoul, ont permis de prendre conscience du role potentiel des Eglises dans ce domaine et de preciser Ie sens de la Creation voulue par Dieu et du role qui est confie aux humains dans cette oeuvre. La recherche theologique sur l'ecologie permet un debat oecumenique et cet aspect donne un surcroit d'interet pour la question.

Jean Paul 2 dans l'encyclique Sollicitudo Rei Socialis au chapitre 34 a fait progresser la reilexion catholique en soulignant l'importance de prendre en compte les liens entre les differentes formes de vie, la qualite de la vie et Ie caractere limite des ressources naturelles. II conclut : u une juste conception du developpement ne peut laire abstraction de ces considerations - relatives a l'usage des elements de la nature, au renouvellement des ressources et aux consequences d'une industrialisation desordonnee- qui proposent encore une lois a notre conscience la dimension morale par laquelle se distingue le developpement». Jean Paul 2 reprend en les detaillant ces themes dans son Message pO\lr la Journee de la Paix en Janvier 1990 : « La paix avec Dieu createvr, la paix avec toute la creation ».

La reflexion theologique sur l'ecologie doit s'interesser a la creation, a la place de l'homme dans celle-ci, a l' Alliance entre Dieu et les vivants (y compris les animaux dans Gn 9), a la loi du sabbat (Ex 20,8-9 et Lev 25) et du jubile ... Elle doit faire decouvrir les differentes positions de I'homme dans Ie cosmos: dominateur, predateur, en harmonie, au centre, 1'intendant, Ie jardinier ...

Les grands textes qui fourniront des elements de reflexion sont: Gn 1-3, Gn 9; Is 40,12-31; Jb 38,1-40; Ps 8,24,104, 136; Pv 8,22-31 et dans Ie Nouveau Testament: Col 1,15-20; Rm 8,18-25; Ap 6, 16,21.

Il existe une abondante bibliographie, mais on ne peut negliger Ie livre de J. Moltmann « Dieu dans la creation », ed Cerf,1988.

DECLARATION DE RIO SUR L'ENVIRONNEMENT ET LE DEVELOPPEMENT

Juin 1994 . (extraits)

principe 1 Les etres humains sont au centre des preoccupations relatives au developpement durable. Ils ont droit a une vie saine et productive en harmonie avec la nature.

principe 3 Le droit au developpement doit etre realise de fat.;on a satisfaire equitablement les besoins relatifs au developpement et a l'envi­ronnement des generations presentes et futures.

principe 4 Pour parvenir a un developpement durable, la protection de l'environnement doit faire partie integrante du processus de deve­loppement et ne peut etre consideree isolement.

principe 5 Tous lesEtats et tous·les peuples doivent cooperer a la tache essentielle de l'elimination de la pauvrete qui constitue une condition indispensable du developpement durable, afin de reduire les differences de niveaux de vie et de mieux repondre· aux besoins de la majorite des peuples du monde.

principe 7 Les -Etats doivent cooperer dans un esprit de partenariat mondial en vue de conserver, de proteger et de retablir la sante et l'integralite de l'ecosyswme terrestre. Etant donne la diversite des roles joues dans la degradation de - l'environnement mondial, les Etats ont des responsabilites communes mais. differenciees. Les pays developpes admettent la responsabilite qui leur incombe dans l'effort. international en faveur du developpement. durable, compte tenu des pressions que leurs societes exercent sur l'environnement mondial et des techniques et des ressources financieres dont ils disposent.

principe 8 Min de parvettir a un developpement durable; Ii une meilleure qualite de vie pour tous les peuples, les Etats devraient reduire et eliminer les modes de production et de consommation non viables et promouvoir des politiques demographiques appropriees.

principe 9 Les Etats devraient cooperer ou intensifier Ie renforcement des capacites endogEmes en matiere de developpement durable en arne­liorant la comprehension scientifique par des echanges de connaissances scientifiques et techniques et en facilitant la mise au point, l'adaptation, la diffusion et Ie transfert de techniques, y compris de techniques nouvelles et novatrices.

principe 10 La meilleure fa~n de traiter les questions d'environnement est d'assurer la participation de tous les citoyens concernes, au niveau qui convient. Au niveau national, chaque individu doit avoir dUment acces aux informations relatives Ii l'environnement que detiennent les autorites publiques, y compris aux informations relatives aux substances et activites dangereuses dans leurs collectivites, et avoir la possibilite de participer aux processus de prise de decision. les Etats doivent faciliter et encourager la sensibilisation et la participation du public en mettant les informations a la disposition de celui-ci. Un acces effectif Ii des actions judiciaires et administratives, notamment des reparations et des recours, doit etre assure.

principe 12 Les Etats devraient cooperer pour promouvoir un sysoome economique international ouvert et favorable, proPre Ii engendrer une croissance economique et un developpement durable dans tous les pays, qui permettrait de mieux lutter contre les problemes de degradation de l'environnement. Les mesures de politi que commerciale motivees par des considerations relatives Ii l'environnement ne devraient pas un moyen de discrimination arbitraire ou injustifiable. ni une restriction deguisee aux echanges internationaux. Toute action unilaterale visant a resoudre les grands problemes ecologiques au-dela de la juridiction du pays importateur devrait etre evitee. Les mesures de lutte contre les problemes ecologiques transfrontieres ou mondiaux devraient, autant que possible etre fondees sur un consensus international.

principe 14 Les Etats devraient concerter efficacement leurs efforts pour encourager ou prevenir les deplacements et les transferts dans d'autres Etats de toutes activites et substances·qui provoquent une grave deterioration de l'environnement ou dont on a constate qU'elles etaient nocives pour la sante de l'homme.

principe 15 Pour proooger l'environnement des mesures de precaution doivent etre largement appliquees par les Etats selon leurs capacioos.. En cas de risque de dommages graves ou irreversibles l'absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de pretexte pour remettre a plus tard l'adoption de mesures efl'ectives visant a prevenir la degradation de l'environnement.

principe 17 Une etude d'impact sur l'environnement, en tant qu'instrument national, doit etre entreprise dans Ie cas des activioos envisagees qui risquent d'avoir des efl'ets nocifs importants sur l'environnement et dependent de la decision d'une autorioo nation ale competente.

principe 20 Les femmes ont un role vital dans la gestion de l'environnement et Ie developpement. Leur pleine participation est donc essentielle a la realisation d'un developpement durable.

principe 21 II faut mobiliser la creativ:ioo, les ideaux et Ie courage des jeunes du monde entier afin de forger un partenariat mondial, de maniere a assurer un developpement durable et a garantir a chacun un avenir meilleur.

principe 22 Les populations et communauoos autochtones et les autres collectivioos locales ont un role vital a jouer dans la gestion de l'environnement et Ie developpement. du fait de leurs connaissances du milieu et de leurs pratiques traditionnelles. Les Etats devraient reconnaitre leur identioo, leur culture et leurs inoorets, leur accorder tout l'appui necessaire et leur permettre de participer efficacement a la realisation d'un developpement durable.

principe 24 La guerre exerce une action intrinsequement destructrice sur Ie developpement durable. Les Etats doivent donc respecter Ie droit international relatif a la protection de l'environnement en temps de conflit arme et participer a son developpement selon que de besoin.

principe 25 La paix, Ie developpement et la protection de l'environnement sont inter:dependants et indissociables.

LA GUERRE ET LA VIOLENCE I

Les Nations Unies ont recense 42 pays dans lequel sederoulent actuellement des con flits et 37 dans lesquels il existe de tres fortes tensions politiques. Ces guerres ont tue plus de 20 Millions de personnes depuis 1945. Le nombre de refugies a travers Ie monde est de pluS 15 millions de personnes et celui des deplaces de 5,4 millions dont Ie plus grand nombre dans les pays en voie de developpement ce qui contribue encore a la pauvrete de ces pays.

II y a d'innombrables causes a la guerre : l'appropriation de richesses (petrole, uranium), les conflits ideologiques, la haine raciale, Ie probleme des nationalites non reconnues par les frontieres nationales, une conception imperialiste de son nationalisme ... mais aussi la pression des vendeurs d'armes ou les manipulations des grandes puissances. Les industries de l'armement jouent un role considerable au niveau international mais aussi dans les economies locales, ce qui rend plus difficile une politique (par exemplede reconversion a des fins civiles des industries d'armement) dans ce secteur .. Le commerce des armes representait 18 milliards de dollars US en 1992 selon les statistiques officielles (qui sont loin de representer la realite).

La guerre et la violence ont un coftt pour Ie developpement : cout des destructions materielles (equipements, infrastructures), cout en hommes (et en force de travail) mais aussi cout en detournement d'investissement (achat d'armement). Le PNUD estime que Ie cout des depenses militaires a ete de 7000 milliards de US$ de 1987 a 1994 et qu'en 1992 ces depenses ont egale Ie revenll de la moitie de la population de la planete. Selon Ie PNUD une simple reduction des depenses d'armement de 3% par an de 1995 a 2000 permettrait de recuperer pour Ie developpement 460 milliards de US$.

Exportateurs Total export (1988- Importateurs Total import (1988-92) en Millions US$ 92) en Millions US$

USA 54968 Inde 12235 URSSlRussie 45182 Japon 9224 France 9349 Arabie Saoudite 8690 Allemagne 8190 Mghanistan 7515 Chine 7658 Grece 6197 Royaume Uni 7623 Turquie 6167 Tchecoslovaquie 3163 Iraq 4967 Pays Bas 2048 Italie 1613

source PNUD, 1994

Les Nations Unies ont ete creees en 1945 comme une mamere d'eviter de nouvelles guerres en favorisant la concertation, des mecanismes de mediation et une strategie glob ale de developpement economique, premisse incontournable pour l'etablissement de la paix. Les Nations Unies rassemblent la presque totalite des pays reconnus (185 actuellement); ceux-ci se rencontrent et discutent de leurs problemes (y compris de leurs eventuels conflits avant que ceux-ci ne degenerent en guerres) au sein de l'Assemblee generale mais chacun reste souverain: les Nations Unies ne peuvent rien imposer n'ayant pas de veritable pouvoir de contrainte sur les membres. Cette assembIee est organisee et animee par Ie Secretaire General des Nations Unies (actuellement Mr Boutros Boutros-Ghali).

Les Nations Unies ont cree divers organismes pour realiser leur mission: PNUD (programme des Nations Unies pour Ie Developpement), FAO ( Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture), OMS (Organisation Mondiale de la Sante), UNESCO (Organisation des Nations Unies pour l'Education, la Science et la Communication) ... La CNUCED qui essaie surtout de promouvoir les interets des pays les plus pauvres est une commission de I'Assemblee Generale. Le HCR (haut commissariat pour les re£ugies) assure la protection et l' aide aux re£ugies victimes des guerres: 27,4 millions de personnes ont beneficie de son aide en 1995.

Pour veiller plus particulierement a hi paix, 15 pays membres constituent Ie Conseil de securite. Ce conseil est compose de 5 membres permanents (les vainqueurs de la 2~ guerre mondiale): USA, France, Grande Bretagne, Federation de Russie, Chine populaire et de 10 pays elus a tour de rOle. Ce conseil de securite peut se saisir lui-meme des problemes de guerre ou etre saisi par un pays membre. II propose' un certain nombre de resolutions dont Ie but est de favoriser l'arret des hostilites (il a un role de mediateur de la paix); c'est aussi lui qui decrete l'envoi des casques bleus (engages actuellement en 20 pays), une force armee qui agit dans Ie cadre d'un mandat defini de maniere tres precise pour obtenir I'arret des hostilites ou maintenir la paix.

La Charte des Nations Unies

Nous. peuples des Nations Unies, resolus a preserver les generations futures du fleau de la guerre qui, deux fois en I'espace d'une vie humaine; a inflige a I'humanite d'indicibles souffrances a proclamer a nouveau notre foi dans les droits fondamentaux de I'homme, dans la dignite et la valeur de la personne humaine, dans I'egalite de droit des hommes et des femmes ainsi que des nations grandes et petites a creer les conditions necessaires au maintien de la justice et du respect des obligations nees des traites et aut res sources du droit international a favoriser Ie progres social et instaurer de meilleures conditions de vi~ dans une liberte plus grande et a ces fins, a pratiquer la tolerance, a vivre en paix les uns avec les autres dans un esprit de bon voisinage, a unir nos forces pour maintenir la paix et la securite internationales, a accepter des principes et instituer des methodes garantissant qu'il ne sera pas fait usage de la force des armes, saul dans I'interet commun, a recourir aux institutions internationales pour favotiser Ie progres ·eco­nomique et social de tous les peuples, avons decide d'associer nos efforts pour realiser ces desseins, et leurs representants, reunis en la ville de San-Francisco et munis des pleins pouvoirs reconnus en bonne et due forme, ont adopte la presente Charte des Nations Unies et eta­blissent par la presente une organisation internationale q~i prendra Ie nom de Nations Unies.

Les differents papes ont invite les chretiens a defendre Ie systeme des Nations Unies qui, malgre ses imperfections, est un progres vers la mise en oeuvre du bien commun universel, vers la reduction de la guerre ... Jean XXIII, Paul VI et Jean Paul 2 ont plaide en faveur des Nations Unies. Voir par exemple Pacem in terris ( n0137) et Sollicitudo Rei Socialis (nO 43).

Il existe cependant des critiques contre Ie systeme: il conte cher (beaucoup de fonctionnaires, de colloques a l'interet faible, depenses de reception ... ), il est peu efficace car il depend de la bonne volonte de chaque etat, il est domine par les grandes puissances ... malgre ces critiques, Ie bilan du systeme des Nations Unies est loin d'etre negatif. .

Dans la plupart des pays Ie budget national ddnne une certaine importarice aux depenses militaires et de defense, parfois au detriment des depenses sociales, educatives ou sanitaires. Une reflexion chretienne est donc necessaire quant aces problemes.

Exemple d'un questionnaire sur la paix et la d~fense ( Justice et Paix, France) :

A Que peuvent dire les chretiens? 11. A l'evidence les questions relatives a la paix et a la defense relevent des domaines technologiques, strategiques, politiques... Relevent-elles aussi, selon vous, de la conscience chretienne; pourquoi ? Au nom de leur foi et de leur esperance les communautes chretiennes ont-elles leur mot a dire sur ces questions? 12. Il est clair que Ie message biblique ne nous fournit pas de reponses detaillees a nos questions sur les armements ou la defen~ ... que nous offre-t-il : - une vision, une defmition de la paix ? laquelle ? - une orientation imperative? - un espoir fonde sur la paix, don de Dieu ? - autre chose ? 13. Quel genre de texte a votre avis devrait etre un document emanent des communautes chretiennes sur ces questions: - une annonce prophetique de la paix, mais qu'est ce que Ie « prophetisme»? - des criteres moraux precis? - devrait-il descendre dans Ie detail et porter des jugements fermes sur la fabrication et l'utilisation des armes ? Essayer de motiver vos reponses : au nom de quoi ?

B. Analyse de la situation 21 Comment percevez-vous la situation internationale presente ? decrivez la rapidement. QuelIes sont les principales menaces qui guettent votre pays, Ie monde? 22. Comment percevez-vous la course aux armements ? - une fatalite ? un processus devenu fou ? un processus dans lequel notre responsabilite est faible ? - Ie ressentez-vous comme une menace? 23. Y a-toil avos yeux des menaces sur votre pays? Si oui en quoi consistent-elIes exactement ? En quoi 'sont-elles conditionnees par des strategies geopolitiques ? des ideologies? des difficultes internes? 24. QuelIe influence vous semblent avoir les opinions publiques (et notamment les mouvements pour la paix) sur la situation militaire ?

25. De faeon generale vous sentez-vous suffisamment informes sur la politi que militaire de votre pays?

C. La paix et les chretiens 31. Comment caracreriseriez-vous les positions diverses des chretiens sur les questions touch ant la paix ? 32. Sur quels points vous semble-toil qu'il y ait accord et consensus? 33. Pensez-vous que l'Evangile ou d'autres textes de l'Eglise puissent vous aider it relever Ie defi de la paix ? Qu'est-ce qui vous parait valable it cet egard : - une doctrine chretienne de la paix ? - une doctrine de la legitime defense ? - des criteres pour une juste guerre ? - une orientation pour eclairer la conduite dans les conflits de devoir? - une tradition d'origine evangelique de non-violence? - Ie principe evangelique de l' amour des ennemis ?

D. Des propositions concretes 41. QueUes orientations concretes d'une politi que de defense preconisez-vous ? QueUes solutions envisager it court terme ? it long terme ? 42. QueUes actions faut-il entreprendre en vue de I'education it la paix?

Le probleme de la violence commence sou vent en nous et l'approche Justice et Paix nous invite it faire Ie point sur la violence que nous ressentons et que nous diffusons. Des analyses psycho-sociologiques peuvent aider it prendre conscience de cela. On peut aussi analyser les comportements dans les sports coUectifs, dans les situations de Joule, dans nos propos face aux delinquants, dans la vie commune en general~ ..

La Bible ne banalise pas la violence; elle la prend au serieux comme une composante de l'humanire. On est souvent choque dans la lecture de la Bible par toutes les descriptions de la violence non seulement d'lsrael (Josue 6,17-21 et 7,23-29) mais aussi de Dieu ( Joel 2,1-11 ou Amos 23,13-16). Job va s'interroger sur Ie rapport entre Dieu et la violence (ch 38 it 42) tout comme Ie livre des Rois dans 1R18-19. Les prophetes apportent quant it eux un message nouveau ou la Paix est au centre du projet de Dieu (en particulier Is11,6-8).

Dans Ie Nouveau Testament on connait une violence liee au Royaume de Dieu (Mt 11,12 et Lc 16,16 par exemple) mais Jesus se demarque par rapport it cette violence et la critique au nom du pardon et de I'amour (Mt 5,43-48, Mc 14,43-15,41). Jesus, en prenant une attitude non-violente au moment de sa Passion, revele la violence des hommes en ce qu'elle a de destructeur. La Resurrection revele l'action de Dieu qui creee un monde ou la violence est surmonree par celui qui a ere mis it mort par la violence des hommes.

Le Nouveau Testament nous propose it la fois un chemin· de conversion pour sortir de la violence et un chemin d'amour et de pardon pour ne pas se laisser entrainer dans la spirale meurtriere de la haine.

II existe de nombreuses possibilires pour se fonner a la non-violence ou it la mediation (pour faire evoluer les conflits vers la paix). Les soeurs de San Rafael (USA) signalent Ie mouvement anime par les franciscains et auquel elles participent : Pace e bene. Ce mouvement propose une formation en dix phases pour devenir animateur communautaire de la non-violence. Les soeurs de San

, Rafael ont invite, dans leur chapitre de 1994, chacune des soeurs a un engagement sur un chemin de non-violence. Un autre lieu de formation (11 semaines) : Responding to conftict: 1046 Bristol Road, Birmingham, B29 6LJ, UK (fax: 44.0.121.415.56.41)

Bibliographie rap ide : Commission Pontific ale Justice et Paix « Enseignement social de Jean Paul 2: Ie theme de la violence» et « Ie commerce international des armes: une refiexion ethique », 1994 et les rapports annuels d' Amnesty International...

QUELQUES ELEMENTS STATISTIQUES I

Quelques chiffres peuvent nous aider it approfondir les delis que nous voudrions, avec d'autres, relever. Ces chiffres malgre leurs imperfections et leur cote manipulateur peuvent nous permettre de comprendre Ie cadre global dans lequel les situations auxquelles nous avons it faire face prennent sens.

1. Un instrument de mesure globale: IPS (indice de progres social)

Les statistiques officielles s'appuient bien souvent sur les seuls taux de croissance economique pour mesurer la pauvrete; ces statistiques sont trop reductrices car . elles ne comptabilisent que ce qui est monetaire (or beaucoup de choses echappent it cela surtout dans les pays en voie de developpement).

Un nouvel outil a ete propose par Ie Programme des Nations Unies pour Ie Developpement (Ie PNUD) : 1 'IPS (en anglais HDI: Human Development Index) qui prend en compte l'esperance de vie, l'education et Ie pouvoir d'achat. Des variantes permettent d'integrer les differences par genre et par inegalite de revenus.

Les pays qui ont Ie plus progresse (en terme de HDI) depuis 1960 sont la Malaisie, Ie Botswana, la Coree, la Tunisie, la Thai:lande, la Syrie, la Turquie, la Chine, Ie Portugal et I'Iran.

1960 1980 1992 croissance d'IPS pays develop pes 0,799 0,889 0,918 0,119

pays en voie de dey. 0,260 0,428 0,541 0,281 pays les moins dev. 0,165 0,251 0,307 0,142

monde entier 0,392 0,519 0,605 0,213

2. Quelques chiffres plus classiques:

- L'esperance de vie: Cet indicateur est calcule it partir du taux de survie it chaque age d'une population de 1000 enfants. Cet indicateur est theorique (il est different de age moyen) mais rend parfaitement bien compte des effets d'une politi que de sante et de l'eJevation du niveau de vie. Plus l'esperance de vie est elevee plus on est aussi motive pour des projets qui ne deboucheront qu'it long terme comme l'investissement economique ... Quand l'esperance de vie est faible ou trouver les motivations et les ressorts pour envisager Ie long terme ? Un phenomime it noter : les femmes ont toujours une esperance de vie plus longue que ceJle des hommes.

- Le PNB par tete II est calcule en divisant les richesses produites dans un pays (les valeurs ajoutees) par Ie nombre d'habitants. Cet indicateur ne peut prendre en compte, pour mesurer .

les richesses, que de ce qui a une valeur marchande et ne tient pas compte des inegalires a l'inrerieur du pays. Privilegiant Ie volume monetaire, il ne rend pas bien compte du pouvoir d'achat car avec un dollar on ne peut presque rien acheter aux USA alors qu'on peut acheter beaucoup plus en Somalie, c'est pourquoi on a mis au point un indicateur qui tient compte du pouvoir d'achat : Ie PPP$. Le PNB par tete est cependant l'indicateur Ie plus utilise car il est simple a manier. La difference entre deux annees de cet indicateur indique Ie taux de croissance economique.

PNB/tete esperance de vie Mozambique 60 44 Ethiopie 110 49 Tanzanie 110 51 Cote d'l voire 670 56 Bolivie 680 60 Philippines 770 65 Pologne 1910 70 Afrique du sud 2670 63 Bresil 2770 66 Coree 6790 71 Portugal 7450 74 USA 23240' 77 Japon 28190 79 Suisse 36080 78

Monde entier 4280 66 source: Banque Mondiale, 1994; PNB en dollars pour 1992

3. La mesure des inegalites entre hommes et femmes

Si l'esperance de vie des femmes est superieure a celIe des hommes tous les autres indicateurs sont defavorables, en particulier l'acces a l'education. Les femmessont sous represenrees en matiere de vie politique, de responsabilite Quant aux decisions economiques. Elles sont sur-exploirees dans la vie domestique et professionnelle ... La conference internationale de Pekin en 1995 a permis de mieux percevoir ces inegalires.

% au bout de 4 ans %femmesllOO h. emploi femmes hommes ivrimaire secondaire

Ethiopie· 56 56 64 67 37 Tanzanie 90 89 98 72 47 Pakistan 44 53 52 41 13 Zimbabwe 81 81 99 88 34 Sene2al 90 94 72 51 39 Rep. dominicaine 52 70 98 - 16 Para2uay 77 77 93 102 21 Costa Rica 91 90 94 103 22 Kenya 78 76 95 78 .-

Mexiaue 73 94 94 92 27 Irelande 98 97 95 100 29 Belfriaue 87 85 97 - 34 Japon 100 100 95 99 _38 Monde entier 84 78 35 source: Banque Mondiale, 1994. % d'hommes et de femmes poursuivant leurs etudes au bout de 4 ans ; nombre de femmes dans Ie secondaire pour 100 hommes, % de femmes ayant un travail dans Ie secteur formel.

Pour s'informer de maniere continue sur ces sujets: * Center of concern, 3700 13th street, NE Washington DC, 20017, USA * Economie et Humanisme, 14 rue A Dumont, 69008 LYON, France * Verapaz, Via Carpetana, 47; 28047 MADRID, Espana et les rapports annuels du PNUD et de la, Banque Mondiale

LE MARCHE ET LA DETTE I

L'importance de ces deux themes a ete relevee au chapitregeneral des freres a Caleruega. La generalisation d'une economle de marche sauvage (apres l'effondrement du communisme) et les remboursements de la dette sont deux causes majeures des difficultes sociales de notre temps~

1. LEMARCHE

Le systeme de marche repose en theorie sur la « loi de l'offre et de la demande». Des individus ou des entreprises - consommateurs et offreurs de biens et services -se rencontrent et fixent un prix de transaction de maniere libre. Tous ces acteurs sont en concurrence les uns avec les autres et doivent trouver des solutions qui repondent a leur interet particulier: maximiser son profit pour celui qui offre, payer Ie moins cher pour celui qui demande. Dans ce systeme, l'Etat ne doit intervenir que de maniere minimale pour faire respecter les regles du jeu de l'echange, du marche.

L'hypothese fondamentale dans ce systeme c'est que Ie marche conduit a un optimum: Ie prix equilibre l'offre et la demande non seulement de biens et services mais de travail et aussi de revenus : on appelle cela l'equilibre de Walras Pareto. La liberte du marche, ou les individus ne recherchent que leur interet propre, conduit a un etat collectif ou tous sont gagnants. L'egolsme de chacun conduit en fait au bien de tous.

II faut cependant voir que ce systeme « ideal» n'a jamais veritablement fonctionne. II y a toujours eu un role economique pour l'Etat mais, depuis la grande crise economique mondiale de 1929, ce role a cru. La plupart des systemes appliques dans les differents pays sont neo-liberaux : c'est a dire qu'ils admettent plus ou moins de responsabilite economique pour les Etats. Certains pays vont plus loin en donnant a l'Etat une responsabilite de monopole (il est Ie seul producteur ou distributeur du service ou du bien) dans certains secteurs dits cruciaux: ecole, sante, infrastructures de transport, energie, transport ferre ... alors que d'autres sont plus liberaux : non seulement ils admettent une concurrence entre secteurs prive et public mais parfois suppriment toute initiative publique au profit du seul marche.

II faut cependant se garder de trop opposer Etat . et marche. Les succes economiques des pays de l'Asie du Sud-Est (Japon, Coree ... ) sont la pour nous montrer que l'Etat peut se mettre au service du marche. Le liberalisme (la minimisation du role de l'Etat) semble cependant se generaliser a l'echelle de la planete apres la quasi disparition des economies planifiees (apres la chute du mur de Berlin et la remise en cause de la logique communiste des pays de l'Est Europeen).

Le marche libre a ete un element important pour Ie developpement economique en ce qu'il favorise !'initiative et la responsabiliw individuelles mais il a des limites : - valorisation du court terme au detriment des actions a plus long terme qui n'ont pas de rentabilite immediate ce qui conduit a des degradations, a des manques - ignorance des biens qui n'ont pas de valeur marchande et de tout ce qui n'est pas

monetarisable (en cela il favorise Ie materialisme) : l'environnement, la qualiw de vie, la gratuiw des relations humaines - exclusion ou marginalisation ceux qui ne peuvent pas participer au systeme ou qui ne sont pas assez forts, intelligents ou ruses pour gagner ....

Les pauvres, qui n'ont pas de capital financier et souvent un capital scolaire et relationnel tres faible, se retrouvent encore plus exclus dans un systeme de libre concurrence car ils entrent dans un jeu tres inegalitaire dont ils sont toujours perdants. 11 semble donc necessaire qu'il existe un regulateur - l'Etat - qui pre nne en charge les exclus ou ceux qui entrent dans Ie jeu economique avec des handicaps trop lourds.

Si ce regulateur social est necessaire, il ne doit pas favoriser l'assistanat et la passivite. 11 ne doit pas se substituer aux dynamiques personnelles ou collectives. Une trop grande assistance publique peut entrainer des pertes de digniw humaine. L'equilibre entre trop d'assistance publique et son absence au nom du libre marche est delicat a trouver.

2.LADETTE

La dette designe un mecanisme economique dont les racines se trouvent dans les annees 60. Certains pays pour investir dans des usines, des equipements ... ont emprunte de l'argent a des grandes banques, intemationales ou ont donne leur garantie a certaines entreprises pour qu'elles emprlintent. Ces emprunts ont ete faits dans des monnaies dont la valeur etait faibleet dans un' climat optimiste :on pensait que les matieres premieres transformees grace aux equipementsachews. a credit se vendraient bien et permettraient facilement de rembourser. Or on assiste depuis quinze ans a une baisse des prix des produits primaires pour lesquels les emprunts avaient ete faits. Le remboursement ne peut donc pas se faire; Ie rencherissement des monnaies contribue en outre a rendre plus difficile ou plus lourd ce dernier.

Le probleme n'est donc pas veritablement la dette mais Ie remboursement de celle-ci. II ne faut jamais oublier que les USA sont Ie pays Ie plus endette du monde mais ils peuvent rembourser. Si on s'endette pour produire plus ou vendre plus, la dette n'est pas un probleme.

Les 'pays emprunteurs peuvent cependant se trouver en situation de debiteurs incapables de faire face a leurs dettes et chaque annee de nouveaux inwrets (et parfois des penalites) s'ajoutent aux sommes dues. On appelle service de la dette Ie montant des inwrets et des amortissements (remboursement du capital) qu'un pays doit rembourser dans l'annee. C'est ,Ie rapport entre Ie service de la dette et les capacites d'exportation qui indique la graviw de la situation economique du pays emprunteur.

Dans la situation d'un fort endettement et d'un risque de non remboursement, les pays o~ les acteurs economiques, qui jusqu'alors pretaient, n'ont plus coIifiance. Ils

reduisent leurs credits, ne veulent plus faire d' avance et e~gent d'etre re~bourses. II y a donc une pression forte sur les pays emprunteurs, une r6duction des fonds disponibles pour leur developpement et une perte de confiance. Les preteurs vont donc, si leur pression ne donne pas des resultats positifs, se trouver eux-memes dans une situation difficile par rapport a leurs propres fin@ceurs "qui veulent se faire rembourser; ils doivent vendre leurs certificats attestant les dettes des emprunteurs; ils perdent de l'argent ce qui fragilise Ie systeme bancaire des pays developpes.

Les pays debiteurs ne peuvent pas vraiment refuser de rembourser meme s'ils menacent de faire ainsi; une telIe attitude °les mettrait au ban de la communaure intemationale et les priverait des aides intemationalesou des credits des institutions intemationales~ Dans cette situation de debiteurs, ils doivent de gager sur leur budget de quoi rembourser la dette.

Bien souvent ils ont recours aux experts du FMI ( Fonds Monetaire Intemational) et de la Banque Mondiale. Ce recours est necessaire pour que ces institutions aident Ie pays debiteur face a ses creanciers. Ces experts vont proposer (rendre obligatoire) un certain nombre d'economies; les plus habituelIes sont la diminution des subventions a caractere social, la reduction des depenses publiques (limogeage de fonctionnaires et reductions de certaines depenses dont certaines ont des caracteres sociaux), la vente des entreprises publiques (privatisation), Ie developpement des exportations et la retrocession des taxes et devises pour rembourser Iii dette. Ces experts exigent aussi, bien souvent, l'ouverture de l'economie nation ale aux capitaux intemationaux. Toutes ces actions visent a integrer Ie pays au marche international et par voie de consequence au systeme liberal.

Ces solutions sont lourdes de consequences sur la vie sociale et provoquent souvent des revoltes populaires; mais Ie pays n'a pas beaucoup de choix. Par ces politiques de restriction, les groupes sociaux les plus fragiles (ceux qui beneficient Ie plus des subventions) sont davantage precarises. La dette a donc des impacts sur les plus pauvres qui bien souvent paient pour des decisions qui ne leur apportaient rien. La situation la pire est celIe de la dette que les pauvres doivent rembourser alors que les emprunts faits l'ont ere pour l'enrichissement prive des responsables politiques ou pour des depenses de prestige ou pour des depenses militaires.

Les pays riches ont une certaine responsabilire dans ce mecanisme quand ils favorisent des emprunts pour 0 ecouler leurs productions d' armement ou des depenses de prestige ou encore lorsqu'ils sont informes des finalires d'enrichissement prive qui se cachent sous les demandes d'emprunt.

Les citoyens des pays riches ne sont pas demunis en matiere d' action contre ces mecanismes: - ils peuvent interpelIer leurs banques et leurs gouvemements sur leurs codes deontologiques quant aux prets internationaux - ils peuvent faire pression sur les partis politiques pour obtenir des moratoires ou des suppressions de dettes - ils peuvent aussi participer a des operations de rachat de dette animees par des ONG - ils peuvent mettre en place de nouveaux circuits de financements pour aider certaines operations economiques dans Ie Tiers Monde ...

· ils peuvent prendre des positions dans certains conseils d' administration de banque ou d'entreprises dans lesquels ils sont actionnaires.

Les citoyens des pays pauvres peuvent eux aussi agir: · en interpellant les pouvoirs publics Quant aux depenses de prestige ou militaires · en proposant des alternatives Quant aux propositions des banques internationales ou du FMI · en mobilisant plus d'epargne locale dans des projets de developpement economique · en interpellant les groupes sociaux ou les personnalites les plus riches pour qu'ils investissent dans Ie pays et non pas a l'etranger. · en luttant contre les trop grandes inegalites et pour une fiscalite plus juste.

L'Eglise a reflechi aux problemes de la .dette internationale dans Ie document publie par la commission pontific ale « Justice et PaiX»: (( au service de la communaute humaine: une approche ethique de l'endettement international » (1986) et dans Sollicitudo Rei Socialis (nOI9).

On peut aussi lire: A de Salins et F Villeroy de Galhau « Le developpement moderne des activites financieres au regard des exigences ethiques du christianisme» Conseil Pontifical pour la Justice et la Paix, 1994, Ed du Vatican

1985 1990 1994 DETTES

I pays en dey. 940 1276 1477 dontMrique 144 222 236 dont Asie 249 364 482 % des exportations

I pays en dey. 154,7 126,9 105,5 source: FMI. dette en milliards de US$.