I Escalade UNE MÉTHODOLOGIE D'ANALYSE DE LA MOTRICIT É …

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Date : NOV/DEC 16 Pays : France Périodicité : Bimestriel Page de l'article : p.66-71 Page 1/6 AMPHORA2 7659910500501 Tous droits réservés à l'éditeur I Pratiques I Escalade UNE MÉTHODOLOGIE D'ANALYSE DE LA MOTRICITÉ EN ESCALADE Cadre d'analyse et méthode de description de la motricité des grimpeurs sont envisagés dans l'intention de soutenir la réflexion des intervenants faisant face à une problématique de diagnostic et d'élaboration de stratégie de transformation des élèves-grimpeurs, et accessoirement dans une perspective de préparation aux concours de recrutement. L 'escalade sportive étant une discipline a I histoire relativement jeune les ou- tils d entraînement et les methodes de perfectionnement de la motricité des grimpeurs sont en pleine élaboration Si les facteurs de la performance physiolo giques de l'activité, en particulier celles liées a la physiologie des muscles de la préhen- sion et les outils d'entraînements (poutre d entraînement pan Gullich electrostimula tion) 2 sont maintenant relativement bien de crits, I etude systématique des mouvements du grimpeur reste encore peu détaillée La difficulté est liee en particulier, a la logique interne de l'activité qui confronte un mdi vidu a une diversite importante de supports et de modalités de pratique rendant com plexes I observation et l'analyse de la motn cite face a la richesse des réalisations mo tnces ou techniques que peut developper un grimpeur Une analyse de l'activité Définition de l'activité Une definition de l'escalade de plus en plus consensuelle dont les grandes lignes ont ete initialement élaborées par Dupuy 3 la considère comme un deplacement qua- drupedique réalise sur un support dont l'inclinaison se définit dans la verticalité par opposition a un support terrestre ho rizontal ne nécessitant pas l'usage des bras comme moyen locomoteur Le grim- peur se confrontant a des passages de difficulté variable et de nature différente ce deplacement nécessite d adapter ses actions locomotrices qui oscillent entre des phases statiques et des phases pro- pulsives imbriquées les unes dans les autres La pratique se décline en plusieurs types d activites (bloc, voie, traversee, la vitesse etc) pouvant etre réalises selon différentes modalités (a vue flash apres travail) " offrant chacune des probléma- tiques originales Ainsi I objet de transformation des élevés vers un niveau superieur passe par I ac quisition d un répertoire gestuel et de ca- pacites d adaptation plus étendus afin qu'ils puissent repondre de maniere ap propriee a une diversite de passages et/ ou de modalités de pratique plus grande La motricité en escalade Si l'adaptabilite du grimpeur est au centre des objectifs de transformation il est ne cessaire de définir précisément chacune des composantes auxquelles la motricité doit s'adapter a savoir l'activité réalisée le support propose et les ressources dont le grimpeur dispose Définition de l'activité réalisée Comme nous I avons évoque le type et la modalite de pratique impactent la motn cité du grimpeur, il est donc nécessaire de caractériser précisément ces points Par exemple, par rapport a une pratique < apres travail > la pratique < a vue » ne cessite un traitement cognitif singulier lie a la reconnaissance des prises utiles a la progression et a la selection des solu- tions motrices a élaborer autrement dit les aspects de lecture mira figurale et in- ter figurale définis par Dupuy 5 ll en résulte de multiples conséquences sur la motri- cité la gestion du rythme de progression ou les comportements physiologiques et affectifs L inscription de la pratique (educatif loisir ou compétitif) et le style de progression (en bloc en mouhnette en tete en terrain d'aventure etc ) ont également des consé- quences sur les ressources psychoaffec tives mobilisées qu'elles soient liées a la perception de la prise de risque objective ou subjective et a I exposition sociale de la pratique Caracterisation du support Elle peut etre real see selon quatre items • sa nature hauteur largeur propriétés (naturel ou artificiel) et texture (resine cal caire, beton gres etc ) ainsi que son envi- ronnement (positionnement géographique, conditions climatiques etc) • sa géométrie degré d inclinaison (de la dalle mur, devers jusqu'au plafond ), courbure (convexe concave) rugosité (souvent liee a sa texture) et forme en SD (dièdre arrete etc ) • ses prises densité (nombre de prises au m 2 ) difficulté de lecture orientation (horizon taie, oblique, verticale, inverse etc ) intensité (grosses prises, petites prises ), complexité

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I PratiquesI Escalade

UNE MÉTHODOLOGIE D'ANALYSEDE LA MOTRICITÉ EN ESCALADE

Cadre d'analyse et méthode de description de la motricité des grimpeurssont envisagés dans l'intention de soutenir la réflexion des intervenantsfaisant face à une problématique de diagnostic et d'élaboration destratégie de transformation des élèves-grimpeurs, et accessoirementdans une perspective de préparation aux concours de recrutement.

L'escalade sportive étant une disciplinea I histoire relativement jeune les ou-tils d entraînement et les methodesde perfectionnement de la motricité

des grimpeurs sont en pleine élaborationSi les facteurs de la performance physiologiques de l'activité, en particulier celles liéesa la physiologie des muscles de la préhen-sion et les outils d'entraînements (poutred entraînement pan Gullich electrostimulation)2 sont maintenant relativement bien decrits, I etude systématique des mouvementsdu grimpeur reste encore peu détaillée Ladifficulté est liee en particulier, a la logiqueinterne de l'activité qui confronte un mdividu a une diversite importante de supportset de modalités de pratique rendant complexes I observation et l'analyse de la motncite face a la richesse des réalisations motnces ou techniques que peut developper ungrimpeur

Une analyse de l'activitéDéfinition de l'activitéUne definition de l'escalade de plus en

plus consensuelle dont les grandes lignesont ete initialement élaborées par Dupuy3

la considère comme un deplacement qua-drupedique réalise sur un support dontl'inclinaison se définit dans la verticalitépar opposition a un support terrestre horizontal ne nécessitant pas l'usage desbras comme moyen locomoteur Le grim-peur se confrontant a des passages dedifficulté variable et de nature différentece deplacement nécessite d adapter sesactions locomotrices qui oscillent entredes phases statiques et des phases pro-pulsives imbriquées les unes dans lesautres La pratique se décline en plusieurstypes d activites (bloc, voie, traversee, lavitesse etc) pouvant etre réalises selondifférentes modalités (a vue flash aprestravail) " offrant chacune des probléma-tiques originalesAinsi I objet de transformation des élevésvers un niveau superieur passe par I acquisition d un répertoire gestuel et de ca-pacites d adaptation plus étendus afinqu'ils puissent repondre de maniere appropriee a une diversite de passages et/

ou de modalités de pratique plus grandeLa motricité en escaladeSi l'adaptabilite du grimpeur est au centredes objectifs de transformation il est necessaire de définir précisément chacunedes composantes auxquelles la motricitédoit s'adapter a savoir l'activité réaliséele support propose et les ressources dontle grimpeur dispose

Définition de l'activité réaliséeComme nous I avons évoque le type et lamodalite de pratique impactent la motncité du grimpeur, il est donc nécessairede caractériser précisément ces pointsPar exemple, par rapport a une pratique< apres travail > la pratique < a vue » necessite un traitement cognitif singulier liea la reconnaissance des prises utiles ala progression et a la selection des solu-tions motrices a élaborer autrement ditles aspects de lecture mira figurale et in-ter figurale définis par Dupuy5 ll en résultede multiples conséquences sur la motri-cité la gestion du rythme de progressionou les comportements physiologiques etaffectifsL inscription de la pratique (educatif loisirou compétitif) et le style de progression(en bloc en mouhnette en tete en terraind'aventure etc ) ont également des consé-quences sur les ressources psychoaffectives mobilisées qu'elles soient liées a laperception de la prise de risque objectiveou subjective et a I exposition sociale dela pratique

Caracterisation du supportElle peut etre real see selon quatre items• sa nature hauteur largeur propriétés(naturel ou artificiel) et texture (resine calcaire, beton gres etc ) ainsi que son envi-ronnement (positionnement géographique,conditions climatiques etc)• sa géométrie degré d inclinaison (dela dalle mur, devers jusqu'au plafond ),courbure (convexe concave) rugosité(souvent liee a sa texture) et forme en SD(dièdre arrete etc )• ses prises densité (nombre de prises aum2) difficulté de lecture orientation (horizontaie, oblique, verticale, inverse etc ) intensité(grosses prises, petites prises ), complexité

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2 Décomposer le mouvement

de préhension (souvent liee a la forme et aleur caractère rentrant ou sortant),• l'exposition du passage par rapport aurisque pouvant être subjectif (gaz, adhe-rence, obligation de lâcher les appuis ) ouobjectif, donc accidentogene (espacementdes points d'ancrage retour au sol )Ces différentes caractéristiques constituentun systeme de contraintes complexe6 au-quel le grimpeur fait face en adaptant samotricité

Ressources du grimpeuret motricité émergentePour adapter sa motricité, le grimpeur dis-pose de ressources que l'on peut carac-tériser au regard des facteurs de la per-formance7 adaptes aux spécificités del'escalade8 Ainsi, les capacites les plussollicitées sont celles permettant des mou-vements de tractions, de fermeture et deblocage des membres superieurs9 ou en-core celles a l'origine des préhensions al-lant de pair avec la resistance a la fatiguedes avant-bras10 ll en est de même pourles capacites cognitives de dechiffrage despassages qui impliquent des mises en re-présentation mentale et des processus demémorisation11

Toutefois, un même passage sera franchidifféremment selon les ressources dont legrimpeur dispose12 Par exemple, un grim-peur souple et technique maîs plus faiblemusculairement s'adaptera a un passageen déployant une motricité fine et des mou-vements dynamiques précis A contrario,un grimpeur aux ressources musculairesimportantes et aux ressources techniquesplus restreintes privilégiera une technique

de face, en bloquant statiquement le brasEn escalade, il n'existe pas une solutionunique efficace ou efficiente, maîs des so-lutions motrices adaptées émergeant, ausens des théories dynamiques de la motri-cité13, d'une interaction fine entre les res-sources dont dispose le grimpeur et lesspécificités du passage a franchir Dansune perspective de transformation, lesressources du grimpeur doivent être dé-terminées par l'enseignant sous la formed'un diagnostic émanent souvent des ob-servations de l'élevé en situation Cette

1 Identifier les cibles du mouvement

Le grimpeur part d'une prise main gauche pourrealiser un mouvement mam droite qui sera dé-fini selon le positionnement de la prise d'arrivéedans les cadrans de la cible. Line cible inverséeautour de l'axe vertical pourra être utilisée pourun mouvement du bras gauche effectue a partird'une prise main droite.

Dans un mouvement en torsion, en leger croise,on observe une phase de placement (à gauche),une phase d'exécution (a droite) et une phase dedésengagement (a droite).

observation doit néanmoins être la plusobjective possible par l'utilisation d'un ou-til de description de la motricité approprie

Outils de descriptiondu mouvementPlusieurs elements de description des mou-vements ont déjà ete proposes par certainsauteurs, maîs il convient selon nous, de ten-ter de les organiser pour élaborer un outil ef-ficace Une premiere etape de la descriptionconsiste a distinguer si les séquences sontpropulsives (avec deplacement du centre degravite le long du cheminement du passage)ou statiques (généralement décrites commeune Position de Moindre Effort (PME) ou unrepos) Line remarque s'impose pour eviterles confusions La notion de séquence sta-tique appartient a l'analyse du déroulementde l'action motrice dans sa globalité alorsque la notion de mouvement en statique faitappel a un type de contraction musculairequi peut être present a la fois dans les sé-quences statiques ou propulsives

Les séquences propulsivesde déplacementAnalyse spatialeLes mouvements réalises peuvent toutd'abord être caractérises selon une ciblefigurant le deplacement des bras (figure 1)Selon cette description, on peut ainsi ca-ractériser la variete de mouvements quel'élevé utilise et son potentiel d'adaptationa différentes configurations de prises Ungrimpeur privilégiant un seul type de mou-vement (les développes par exemple) dispo-sera effectivement de moins de possibilitésd'adaptation qu'un eleve utilisant selon lasituation l'ensemble de la cibleAnalyse temporelleDans l'analyse temporelle d'un mouvementnous pouvons distinguer trois phases fon-damentales de réalisation (figure 2)• le « placement », ou le grimpeur posi-tionne ses appuis et son corps afin de pré-parer le mouvement,• l'« execution », ou l'on retrouve le deplace-ment du bras décrit précédemment,• le « desengagement » dans laquelle legrimpeur sort de sa position de mouvementpour une PME ou le mouvement suivantCette description synthétique est facilement

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observable pour des mouvements réalisesen statique, c'est-à-dire des mouvementspour lesquels la phase d'exécution est ca-ractérisée par une posture fixée et le depla-cement du bras uniquement Pour les mou-vements effectues de maniere dynamiquecomme les conduits, les phases d'exécutionet de desengagement sont le plus souventconfondues avec un deplacement du centrede gravite simultané au mouvement du brassans perte des appuis mis en jeu Ces troisphases peuvent également se chevaucherlors de jetés pour lesquels on observe unmouvement du bras simultanément a un de-placement du centre de gravite et une pertedes appuis passagère (figure 2) Cela néces-site une coordination temporelle tres finedes actions avec notamment un conflit vi-tesse-precision14 pour viser et atteindre laprise d'arrivéePlus globalement, l'analyse temporellepeut s'attacher a l'enchaînement desmouvements en termes de cadence adop-tée (nombre de mouvements par unite detemps) et de rythme (changement de ca-dence au cours du passage) Généralement,l'accroissement de la cadence entraîne uneréalisation séquentielle des mouvements(avec des mouvements de type conduitou jeté) en exploitant l'énergie cinétiqueet élastique emmagasinée dans le mouve-ment précèdent Le grimpeur reduit alorssa depense energetique et son temps depréhension des prises Au contraire, pourdes cadences plus lentes, on observe leplus souvent des séquences sérielles avecdes mouvements entrecoupes, réalises en

le plus souvent en statique Dans ce cas,il est possible d'exploiter une PME entrechaque mouvement et de reduire le coûtcognitif15

L'identification et la caracterisation destrois phases de mouvements et de l'en-chaînement des mouvements entre euxpermettent de pointer plus facilement dansune motricité observée les problématiques

1 - Un exemple d'approche psychoaffective:l'élève est en situation de stress et ressent la peur de la chuteNiveau,supportet contexte

Comportementsobserves

Indicateurset observables

Transformationsvisées

Exemplesde situationsde remédiations

• Débutant• Bloc ou moulmette• Mur vertical ou dièdre bien pourvu en prisesLeleve bloque a quèlques metres du sol et se fige systématiquement quel que soit lepassage propose et la consigne donneeAnalyse spatiale les développes dominent et sont de faible amplitudeAnalyse temporelle les phases de placements et d execution sont indistinctesAnalyse posturale de face plaque contre le mur bras fléchis la tête est figéepar peur du déséquilibre les mains restent dans le champ de vision au niveau dela tête pour se rassurer, les mains sont crispées et utilisent des grosses prisesrassurantesAnalyse dynamique une grande partie du poids est supporte par les mains aucuntransfert d'appui n est visible (lignes d actions indifférenciées n'évoluant pas ou peu)• Diminuer la perception subjective de risque perçu par l'élevé• Relâcher la nuque et libérer les mouvements de la tête pour élargir le champ devision• Décoller les epaules et tendre les bras pour explorer avec ses mains un espaceplus large• Diminuer la fatigue générée par la crispation de la posture et décharger en partie

le poids supporte par les bras sur les pieds• Faire passer un objet entre soi et le mur (ventre epaule cou) puis l'échanger avecun camarade évoluant a une autre hauteur• Un camarade (non assureur) propose derrière le grimpeur des chiffres avec samam que le grimpeur doit lire• Le grimpeur doit toucher le plus de prises de mam avec un pied qui reste fixe• Des jeux sur corde (vitesse rebonds sur le mur) permettant de s'approprier le

milieu vertical et prendre confiance dans la chaîne d'assurage

d'un eleve qui peuvent apparaître a diffé-rents niveaux d'exécution (dans le place-ment, dans l'exécution, dans l'enchaîne-ment etc ) Comme pour l'analyse spatiale,la richesse de motricité proposée au ni-veau temporel témoigne de l'adaptabilitede l'élevé aux contraintes du supportAnalyse posturaleLe mouvement peut également être définidu point de vue de la position du corps dugrimpeur par rapport a la paroi• de face, il utilise majoritairement la carreinterne des pieds et la pointe des piedsavec les genoux alignes ou orientes versl'extérieur Les mouvements sont le plussouvent effectues en fléchissant l'articula-tion du coude du bras support• de profil, un des pieds est positionne sur lacarre externe et le buste est oriente perpen-diculairement a la paroi Les mouvementsrésultent le plus souvent d'une flexion ducoude et/ou de l'épaule du bras support• torsion, le grimpeur est dans une positionvrillée au niveau des jambes et/ou du bas-sin et/ou du buste (la position la plus ty-pique est la « lolotte » avec deux rotationsopposées entre les jambes et le haut ducorps) afin de creer un systeme d'effort surl'ensemble du corps et soulager les forcesappliquees sur les mains et les doigts Lebras oppose travaille en enroulement au-tour de l'épaule et autour du busteEn regle generale, l'expertise se caracté-rise par un usage approprie de chacunedes postures selon les contraintes propo-sées par le support (sens des prises, incli-naison du support etc ) Le plus souvent,les grimpeurs de niveau initial privilégientles postures de face avant d'acquérir progressivement les postures de profil, puisde torsion Quoi qu'il en soit, cette analyse

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2 - Un exemple d'approche motrice :le grimpeur est figé dans une posture de face et n'utilise pas depostures de profil qui lui permettrait de soulager l'effort des bras

4 L'intérêt d'une séquence statique

Niveau,supportet contexte

Comportementsobservés

Indicateurset observables

Transformationsvisées

Exemplesde situationsde remediations

•Débrouille•Voie en tete apres travail• Mur légèrement déversantLeleve progresse en « échelle » avec une poussée au-dessus des appuis podauxmaîs n arrive pas en haut de la voie en raison de la débauche d energie (fatigueprématurée des avants bras)Analyse spatiale mouvement de développe de peu d'amplitude (traction des brasincomplète)Analyse temporelle dissociation sans imbrication des phases de placement et desphases d'exécutionAnalyse posturale de face bassin et epaules décolles du mur epaules tronc ethanches sont monobloc Les pieds sont utilises sur la pointe ou la carre interneAnalyse dynamique force de poussée principalement verticale ne permettant pasde valoriser des prises dont I orientation n est pas horizontale lignes d'appuishomolaterales ou indifférenciées•Avoir un bassin mobile pouvant se rapprocher et s éloigner du mur se déplacer sur

les côtes se tourner et se vriller• Avoir le bras exécutant le mouvement tendu tandis que I autre exécute un blocage

pouvant être sous la ligne d epaule• Rentrer les genoux (pieds en carre externe) pour utiliser des lignes d appui

controlaterale et optimiser la poussée des pieds• En blocs faire des trajectoires carrées en intégrant des diagonales•Faire des departs assis (rapprochement des points d appuis podaux par rapport

aux mains) pour faciliter l'apparition de positionnement intégrant des rotations debassins

• Grimper sur des lignes de prises rapprochées verticalement pour faciliter deslignes d appuis controlateral

• Lors du mouvement faire toucher le mur a une dégaine accrochée a la hanche• Jeu de la poursuite en traversee (arracher le foulard du précèdent) pour générer

des cadences rapides tout en étant de profil pour proteger son foulard (poursuivis)

posturale doit être fortement reliée avecl'observation du positionnement des piedset des mains La qualite de ces positionne-ments est la plupart du temps une cause ouune conséquence de la posture adoptéeAnalyse dynamiqueMalheureusement, les dispositifs techno-logiques pouvant mesurer les forces ap-pliquees sur les prises sont coûteux et pasencore assez fonctionnels pour un usagedirect Pour pallier a ce manque, une ob-servation empirique, a partir des connais-sances des systemes d'efforts propresa chaque famille/type de mouvements16

prendra en compte

• l'intensité et la direction des forces ap-pliquees sur les prises en y associant desindices de posture du corps (bassin rap-proche/éloigne, orientation du membreétudie, niveau visible de contraction/relâchement des muscles),• les lignes d action17 principales et secon-daires entre les pieds et les mains18 et leursevolutions au cours des séquences (trans-fert d'appuis),• la coordination de I application des forcesau cours du temps (par exemple, coordina-tion membres supérieurs/inférieurs lors deI impulsion d'un jeté)Lobjectif de cette analyse dynamique

3 Comprendre les efforts mecaniques en jeuDans un mur vertical raide, le grimpeur doit gerer un equilibreoriginal en appliquant des efforts sur les prises avec ses mainset ses pieds. Le poids du grimpeur (fleche rouge) appliqueau centre de gravite (rond rouge) doit être compense par desforces verticales de reaction appliquees au niveau des prises(flèches vertes). Le centre de gravite du grimpeur se projette(ligne pointillés rouge) en dehors de la base de sustentation(surface blanche). Ce phénomène génère un moment du poidspar rapport a un axe de rotation situe au niveau des appuis depieds faisant basculer le grimpeur vers l'arriére (fleche orange)en proportion de la grandeur du bras de levier du poids (doublefleche blanche pomtillee). En statique, ce moment est equilibreen générant un couple de forces antero-posteneures avec lesmains (flèches bleues).

Ici, les indicateursdu relâchementsont le bras supportnon fléchi utilisantles tensions pas-sives ligamentaireset articulaires, ainsique l'épaule, le braset la mam gaucherelâchesLes indicateurs de laprise d'informationsont l'orientation dela tête et du regard

(figura) est de comprendre dans quelle me-sure le grimpeur applique un effort sur lesprises adapte et efficient dans l'objectif deréalisation du mouvement en question

Les séquences statiquesLes séquences lors desquelles le grimpeurne réalise pas de mouvements de progres-sion ont néanmoins un rôle crucial Ellesservent essentiellement a de nouvellesprises d'information et/ou au reajuste-ment des informations prélevées précé-demment Ces phases statiques peuventégalement être mises au service d'une an-ticipation et d'une répétition mentale desmouvements a effectuer dans la suite de lavoie ou du bloc Enfin, elles contribuent ala gestion physiologique de l'effort en permettant des phases de relâchement mus-culaire pour limiter les effets de l'ischémielocale au niveau des avant-bras19 (figure 4)Pour l'intervenant, il s'agit donc d'identi-fier les descripteurs des prises d'informa-tion (orientation du regard) et de relâche-ment musculaire (délayage des bras et desmains relâchement de la nuque gestion dusouffle, crispations, etc )

De l'analyse de la motricitéaux situations de remédiationCette etape délicate se fonde sur un certainnombre d'hypothèses, etayees par l'obser-vation de la motricité déployée par le grim-peur au regard de ses propres ressourcesToutefois, rappelons que la richesse del'escalade ne permet pas d'associer di-rectement un comportement observe aune seule cause (ressource défaillante ounon-opérationnelle) En effet, un comporte-ment typique (par exemple le fait de grimper« bras casse » délestant le poids mis sur lespieds) peut, selon le grimpeur, le support etle contexte de pratique, résulter d une com-binaison de causes différentes (un problèmeaffectif et/ou de propnoception plantaire et/ou de maîtrise de l'équilibre quadrupediqueet/ou de qualite de relâchement etc ) ll estdonc nécessaire d'avancer avec prudenceet de garder en memoire que les hypothèsesdoivent être confirmées par un ensemble

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d'indices convergentsAinsi, si nous présentons ci-après quatre pro-blématiques fréquemment rencontrées enescalade a partir d indicateurs plus ou moinsgénéralisants et proposons des exemplesde situations de remediation, elles n ont pasun caractère universel c'est le plus souventla combinaison de plusieurs exercices quipermettra de dépasser les difficultés et deprogresser ll faut également considérer quec'est la complexité de combinaisons de plu-sieurs problématiques qui peuvent s expri-mer dans la motricité d'un eleve

Problématiques psychoaffectivesElles apparaissent a tous les niveaux de pra-tique Chez le débutant, elles se manifestentpar les difficultés a accepter des change-ments de reperes (d'horizontal a vertical) oud'accorder sa confiance a la chaîne d'assu-rage (le co-equipier et le materiel) Ensuite, larelation que le grimpeur accorde a sa chutepotentielle rend ces problématiques plus oumoins pregnantes et spécifiques (tableau Ip 68)Dans un premier temps, les comporte-ments typiques de peur se manifestentdans la posture et la motricité arrêt de laprogression (blocage), crispation generaledu corps, du visage et du regard Dans uneampleur plus modérée, on observera desplacements (equilibre le plus maintenu pos-sible) évitant les mouvements de conduitset de jeté dont l'incertitude est plus grandeEnfin, la peur de l'échec (evaluation, compeIllion) génère des indicateurs plus discretscomme des « zippettes » (glissades incon-trôlées des appuis podaux) et des « claque-tages » de prises (mouvement de saisie malajuste ne permettant pas aux doigts de sepositionner correctement et rapidement)

Problématiques motricesElles apparaissent a tous les niveaux d'ex-pertise et font partie intégrante de l'acti-vité puisque les grimpeurs recherchentsans cesse des passages nouveaux etélargissent ainsi leurs répertoires gestuels(tableau 2 p 69) Les problèmes a resoudresont, dans un premier temps, la gestionde l'équilibre quadrupedique et I utilisationdes surfaces de pieds Spontanément, ledébutant se réfugie dans une motricitéqu'il connaît et maîtrise les pieds sont ap-puyés sur la voûte plantaire, le centre degravite est éloigne du mur et la posture deface, ainsi que la flexion des coudes flé-chis sont les indicateurs les plus pregnants

3 - Un exemple d'approche cognitive :une lecture prédictive limitée et une lecture réactive peu efficaceNiveau,supportet contexte

ComportementsobservesIndicateurs etobservables

Transformationsvisées

Exemplesde situationsde remediations

• Confirme• Voie• Site naturel

Des voies a vue non réalisées des chutes provenant systématiquement d un oubli deprise ou d'un mauvais choix de séquence de mouvements

Analyse spatiale tâtonnements de nombreuses prises mutiles avant la réalisation dumouvementAnalyse posturale de face tête et regard en recherche d informationAnalyse temporelle cadence de mouvement lente et sérielle phase de placementlongue (recherche du placement optimal par essai/erreur) séquences statiquesprépondérantesAnalyse dynamique duree longue d'application des forces sur la prise de mam(recherche des prises par tâtonnements et une prise de decision lente)• Améliorer les lectures intra-figurales pour que les mouvements soient mémorises

en priorité et non I enchaînement des prises (lecture inter figurale) qui augmente lenombre d information a retenir

• Améliorer une lecture reactive dans le mouvement• Optimiser les séquences statiques de PME pour lire

• Verbaliser et/ou dessiner un projet de cheminement et d'enchaînement avant ledébut de la prestation dans une voie• Realiser des situations de mises en situation d urgence physiologique ou

temporelle pour proraquer des prises de decisions rapides• Verbaliser son projet lors de positions de repos/PME pour la suite de la voie, puis

realiser le cheminement comme annonce le plus rapidement possible

de cette motricité non adaptée A un ni-veau plus élabore, le choix du positionne-ment corporel (face, profil ou torsion) etl'élaboration de lignes d'action efficientespermettent au grimpeur de minimiser lesefforts au niveau des mains et des brasA mesure de l'expertise, l'optimisation dela coordination des mouvements dans letemps, et entre-eux, est de plus en plusprivilégiée

Problématiques cognitivesElles sont nombreuses, d'une part parceque le support moteur de l'escalade estégalement son support informationnel-™et d'autre part parce que le contexte depratique (a vue, après-travail, blocs, voiede vitesse ) et le type d'itinéraires (plusou moins long, plus ou moins dense enprises ) influent sur la quantite d'infor-mations a analyser dans un temps plus oumoins court (tableau 3) L'exposition réelleou subjective obère également la qua-lite de lecture du grimpeur selon son ni-veau d'expertise21 La complexité de lec-ture n'est évidemment pas identique lorsde la réalisation d'un bloc sur un pan peupourvu en prises par rapport a celle d'unevoie réalisée en falaise quantite d'infor-mations rapport temps alloue/requis,contraintes informationnelles, informa-tions utiles/parasites etc Dans les situa-tions simples, les configurations de prisessont tres structurées et gestuellementtres structurantes et peuvent facilementêtre associées aux gestes techniques(Dulfer, enchaînement de groupe-de-groupe, croise )On remarque chez les grimpeurs confir-mes en comparaison aux grimpeurs moinsaguerris, une fluidité dans la réalisation desmouvementsNous observons aussi des alternances ju-dicieuses entre• cadences rapides pour faire face a un

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4 - Un exemple d'approche physiologique :un entraînement ne favorisant pas assez la résistance et le relâchement trop axé sur la puissance et la forceNiveau,supportet contexte

Comportements observesIndicateurs et analyse

Transformations visées

Situations de remediations

•Ancien pratiquant de bloc• Devers présentant peu de position de repos maîs un enchaînement de mouvements de difficulté équivalente• Prises de grosseur moyennesDes chutes systématiques apres une dizaine de mouvements intenses résultant de I ischémie des muscles des avant brasAnalyse spatiale peu ou pas d indicateurs particuliers si ce n est des mouvements utilisant de nombreuses prises intermédiairesafin de fractionner le mouvement qui ne peut etre réalise d un seul trait sous I effet de la fatigueAnalyse posturale positionnements privilégiant d abord I usage de la puissance musculaire puis dans un second temps les coudesrelevés (volonté de jouer sur la tension passive des muscles fléchisseurs des doigts) avec une dégradation de la qualite techniqueAnalyse temporelle des séquences sérielles un rythme continu (peu de variation de cadence) donnant une impression de facilite(mouvements statiques) puis une grimpe qui s accélère et se saccade jusqu a I affolement (mouvements conduits ou jetés)Analyse dynamique serrages de prises excessifsAnalyse des séquences statiques peu de relâchement musculaire entre les mouvements et sur les PME• Developper un programme d entraînement base sur la resistance• Optimiser les placements et le relâchement lors des séquences statiques• Limiter le temps d application des efforts sur les prises realiser des phases séquentielles• Reduire I intensité des efforts de serrage des prises a son minimum Profiter de la phase intermittente des mouvements pour

relâcher ses avant bras• Se taper la cuisse faire des signes de mam vers le bas entre chaque mouvement pour systématiser le relâchement• Faire du calcul mental a chaque repos pour générer un relâchement musculaire• Grimper en imaginant que chaque prise de mam « est un œuf >• Realiser des passages en vitesse pour provoquer des cadences séquentielles

temps alloue reduit avec un risque cie pro-voquer des erreurs de lecture et un traite-ment partiel des informations• cadences lentes pour reduire le nombred'erreurs potentielles avec le risque d unealtération progressive des ressources phy-siologiques et des qualites de conductiondu mouvement

Problématiques physiologiquesLapplication répétée de forces sur lesprises génère une fatigue des muscles dela mam et des avant bras communémentqualifiée « avoir les bouteilles », ettémoigne de phénomènes locauxd ischémie (tableau^ ll en résulte uneacidose locale qui constitue I une des

limites les plus importantesa la performance

A*Proposer un cadre de re-flexion pour structurer I ana-lyse des problématiquesrencontrées dans la pra-tique de I escalade presentedes limites ll nécessite doncd etre développe et nuancepar chaque enseignant se-lon le contexte et les objec-tifs qu il se fixe d autant queles difficultés sont propres achaque grimpeur et peuventrésulter d une combinaisonde causes

Afin d affiner cet outil il estpossible d entamer une de-marche systématique qui as-socierait des elements tech-niques et pédagogiquesinhérents a la pratique del'escalade a des recherchesscientifiques issues de dif-férents champs (physiolo-gie neurosciences, biomecanique ) Cest grace aune telle demarche que laplongee dans le répertoirede situations proposées parde nombreux articles et ou-vrages prend tout son sens

Laurent Vigoureux,Maitre de Conferences Faculté des Sciencesdu Sport Universite Aix Marseille (13)Angelo Greco,Professeur agrège d EPS College A Malraux (31)Frederic Maik,IA IPR EPS Academie de Lille (59)Jerôme Louvet,IA /PR EPS Academie de Grenoble (38)

1 V GOUBOUX L T/ie Science of Climbmg and Mountameenng Chapter8 20162 GUYON L BROUSSOULOUX O Escalade et Performance Amphora 20043 DUPUY C Actes du colloque ENSAChamomx 19894 A vue le grimpeur n a jamais eu d informations (verbales etvisuelles) sur la voie hormis celles qu il peut prelever du bas flashle grimpeur a eu des informations sur la voie maîs ne I a jamaisessaye apres travail le grimpeur essaye plusieurs fois la voie5 DUPUY G R POL H Sciences et Motricité 7 1989 distinguent lalecture mtra tigurale (discriminante choix des prises en fonctionde leurs caractéristiques propres telles que tailles gram ) de lalecture inter figurale (interprétative choix des prises en fonction dumouvement projeté)Stad7 P A oNovVN L entraînement sportif théorie et méthodologieBroche 19888 Gu o O Les filieres energetiques en escalade Revue EPS19999 Tests de I International Rock Climbmg Research Association(IRCRA) http //www ircra rocks/met10 QUAINEF étal Internationa/Journal otSport Médiane 24 2003Amcaetal Journal of Sport Sciences 30 201211 AzEMjnG RPPOLLH Apprentissage moteur rôle desreprésentations Revue EP S 199112 MwuEsM «Escalade pour une education des conduitesdécisionnelles Revue EPS 199813 NEWEIK Motor development in children aspects of coordinationand control Wade and Whitmg 1986 SeifertL étal SportsMedecine 43 201314 F TIS P M Journal of Expenmental Psychology 47 195415 BOURDNC ETAL Research quaterly for Exercises and Sport 69199816 QUANEETAL Archive of Physiology Biochemistry 104 1996Noe et al Gart and Posture 13 200117 Ligne d action le couplage de forces issues de segments dedifférente nature18 MARQUES M Escalade pour une education des conduitesdécisionnelles Revue EPS 199819 PH IPPEM E AL European Journal of Applied Plysiology 112201220 DUPUY C RPOLLH Sciences et Motricité 7 Ed EPS 198921 DELIGNIERES D « Apprentissage moteur rôle des représentations »Revue EPS 1991