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1 HISTORIQUE DU VALAIS Introduction Pour comprendre quels sont les enjeux d’une intervention sur le site industriel situé au sud de la gare de Sion, il faut nous plonger dans son histoire et comprendre quels sont les mécanismes qui l’ont amené à devenir une structure si complexe. Pour cela, nous allons nous pencher sur l’histoire du Valais, assez similaire à l’histoire européenne, que nous séparerons en cinq périodes historiques: la Préhistoire, l’Époque romaine, le Moyen Âge, l’Époque moderne et l’Époque contemporaine. A partir de ce cadre, nous nous intéresserons ensuite au développement de Sion et à la création du site sous-gare.

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HISTORIQUE DU VALAIS

Introduction

Pour comprendre quels sont les enjeux d’une intervention sur le site industriel situé au sud de la gare de Sion, il faut nous plonger dans son histoire et comprendre quels sont les mécanismes qui l’ont amené à devenir une structure si complexe. Pour cela, nous allons nous pencher sur l’histoire du Valais, assez similaire à l’histoire européenne, que nous séparerons en cinq périodes historiques: la Préhistoire, l’Époque romaine, le Moyen Âge, l’Époque moderne et l’Époque contemporaine. A partir de ce cadre, nous nous intéresserons ensuite au développement de Sion et à la création du site sous-gare.

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La Préhistoire

Une grotte découverte dans le Chablais, près du Lac de Tanay, permet de dater les premières traces de vie en Valais à environ 30’000 ans avant J.-C. Les archéologues ont trouvé des traces remontant au Paléolithique (Âge de la Pierre taillée) et au Néolithique (Âge de la Pierre polie) qui témoignent de relations avec l’Italie par les cols du Lin et du Grand-Saint-Bernard. Des contacts avec les Rhétiques et les peuples du Danube existent également dès l’Âge de Bronze (-1800 av. J.-C.) grâce au col de la Furka. Toutefois, seule l’évolution globale des populations peut être étudiée, en raison des problèmes de datation qui se posent pour les événements des périodes les plus reculées.

En Valais, deux grandes transitions s’opèrent : la première a lieu au début du Néolithique, lorsque les hommes passent d’une vie de prédation, basée sur la chasse et la cueillette, à une vie de production, vivant de l’élevage et de l’agriculture; la deuxième se manifeste pendant l’Âge des Métaux, lorsque les hommes commencent à s’établir en moyenne montagne et à tirer profi t des ressources spécifi ques aux différentes altitudes. Ces modifi cations dans le mode de vie vont induire la sédentarisation, entraînant la création des premiers villages. Ceux-ci se situent principalement en plaine, sur les cônes de déjection des rivières, et en moyenne montagne, de préférence sur le versant ensoleillé de la vallée. De plus, une relative cohésion sociale peut

exister grâce à la répartition équitable des terres cultivables et à des stratégies de stockage effi caces. Elle se renforce et se hiérarchise à la fi n du Néolithique. Alors que la population croît rapidement, l’artisanat, la céramique et la métallurgie se développent, permettant la création d’outils et de parures.

Après l’implantation de civilisations pré-celtiques à l’Âge de Fer, le Valais se trouve sous l’infl uence gauloise dès le Vème siècle av. J.-C. A cette époque, quatre tribus prédominent : les Nantuates, les Véragres, les Sédunes, et les Ubères.

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L’Époque romaine

L’Époque romaine commence dans les Alpes au Second Âge de Fer, suite à une amélioration climatique marquée par un retrait glaciaire important ainsi que par une remontée de la limite de la fo-rêt. Pour les Romains, les Alpes forment une barrière naturelle contre les peuples vivant de l’autre côté des montagnes. Néanmoins, les vallées alpines ne re-présentent pas une priorité pour l’Empire Romain, même après la conquête de la Gaule méridionale.

Bien que préférant généralement la né-gociation aux armes, les Romains ont toutefois exceptionnellement recours à la force, comme lors de la bataille d’Oc-todure en 57 avant J.-C. Il ne s’agit pas ici de conquérir de nouveaux territoires,

mais de contrôler le passage du Grand-Saint-Bernard, qui représente une des rares routes commerciales reliant le nord au sud des Alpes.

A l’époque de l’intégration du Valais à l’Empire romain, les quatre grandes tri-bus, qui résident sur des sites différents, restent toujours bien distinctes. Afi n d’im-poser leur autorité, les Romains offrent de multiples avantages aux notables indigènes, pour que tous adoptent sans contraintes leur mode de vie, qu’il s’agis-se de leurs habitudes vestimentaires et alimentaires, de leur confort ou de leurs règles de construction. La région se si-tuant sur l’axe du Grand-Saint-Bernard a fortement été infl uencée par les Romains, alors que le reste du Valais n’a que peu

été touché par leur présence.

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Carte du Valais datant de 1693

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Le Moyen Âge

Durant le Moyen Âge, le Valais, comme les régions environnantes, vit dans des conditions précaires et parfois diffi ciles, causées par des catastrophes telles des épidémies de peste ou des guerres. Les bourgs, villages et hameaux se développent et occupent le territoire. L’Evêque de Sion se voit confi er le comté du Valais en l’an 999 par le roi de Bourgogne. Suite à cet acte, l’Eglise prend de l’importance dans la vie sociale, ce qui aboutira à la création d’un Etat.

Le Moyen Âge peut se diviser en deux périodes distinctes. La première, appelée la Basse Antiquité, s’étend du IVème au XIIIème siècle et la seconde comprend les XIVe et XVe siècles.

Au IVème siècle, l’Eglise se développe et l’ère du Christianisme débute, notamment grâce à l’Evêque Théodule, puis à la fondation de l’abbaye de St-Maurice. Bientôt va naître un état féodal. L’Evêque devient comte du Valais et la partie inférieure du Valais passe sous le contrôle de St-Maurice. Se trouvant sur l’un des principaux axes de communication internationale, St-Maurice devient un lieu de passage important et un lieu de culte très infl uent.

Du XIIIe au XVe siècle, de nombreuses guerres ont lieu entre les villages haut-valaisans et les Savoyards, qui veulent étendre leur domination. Victorieux, le Haut-Valais crée une ébauche de fédération, la République des sept

dizains, grâce à laquelle il s’émancipe de la tutelle de l’évêque et impose sa langue à la ville de Sion, profi tant du déclin des anciennes cliques féodales.

A la fi n du Moyen Âge, en 1475, le Valais se libère défi nitivement du joug des Savoyards lors de la bataille de la Planta, menée par l’évêque de Sion, et conquière la région qui s’étend de Conthey à Monthey, l’administrant en pays sujet. L’évêque devient, avec les Patriotes, le seul maître du Valais. Grâce à ces changements politiques, des évolutions importantes s’opèrent dans le diocèse et gagnent même le domaine du savoir. «En effet, pour agir sur son milieu naturel, l’homme développe et met en application un certain nombre de connaissances qui

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Carte du Valais datant de 1756

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touchent tant à la pratique agricole qu’à la mesure du temps et de l’espace. Mais ce que l’on sait des savoirs et des croyances relatives au milieu naturel est encore très incomplet ; les sources à disposition, principalement des procès de sorcellerie, agissent comme un miroir déformant. »1

Aux XIVe et XVe siècles, le territoire est réorganisé selon l’évolution démographique, poussant les Valaisans à adapter leur système agraire et à donner plus d’importance à l’élevage. En effet, la peste décime la population, ce qui fait baisser la demande en nourriture et permet d’affecter des terres réservées auparavant aux cultures céréalières, aux pâturages pour les bovins. L’élevage prend alors une ampleur commerciale.

Le Moyen Âge représente, pour le Valais,

une période charnière ouvrant la porte aux Temps Modernes.

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Carte du Valais datant de 1851

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est à l’apogée de sa puissance et par des raisons économiques et sociales. Il faudra attendre le XVIIe siècle pour que les idées de la Réforme, soutenues par la noblesse, s’imposent véritablement, lorsque le pouvoir temporel de l’évêque prend fi n et laisse place à la République du Valais.

Durant cette période, la société évolue peu, malgré des développements dans le domaine des arts, des sciences et de l’architecture et malgré l’accélération de la circulation des idées, des personnes et des marchandises.

La fi n du XVIIIe siècle voit le déclin de la domination des Hauts-Valaisans, qui reconnaissent l’affranchissement du Bas-

L’Époque moderne

La diffusion d’idées nouvelles et la Révolution entraînent la chute de l’Ancien Régime en France. Ballotté entre les puissances qui se disputent le contrôle de l’Europe, le Valais vit une période agitée. En 1815, il est rattaché à la Confédération helvétique et en suivra désormais la destinée.

Cette période riche en événements politiques, militaires et religieux, s’étend sur plus de trois siècles, de la célèbre bataille de la Planta en 1475 à la révolution valaisanne de 1798. Un Etat patricien voit le jour, issu de la domination aristocratique qui instaure la Diète, aidée par la lente éviction politique du prince-évêque. La Réforme s’installe lentement en Valais, freinée par la Contre-réformequi

Valais. La diffusion d’idées nouvelles et l’infl uence de la Révolution française mènent à la révolution valaisanne de 1798.

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Carte du Valais datant de 1898

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Les Révolutions

De la fi n du XVIIIe siècle au début du XIXe siècle, une série de révolutions se suivent en Valais et marquent un tournant dans l’histoire du canton. Cette période est considérée comme charnière entre un Moyen Âge qui dure et une époque dite contemporaine, dont les caractéristiques radicalement différentes s’affi rment progressivement.

La plupart des Valaisans vivent toujours de l’agriculture et aucun changement spectaculaire, que ce soit au niveau démographique ou économique, ne sera observable avant l’arrivée du chemin de fer, au milieu du XIXe siècle. Pourtant, suite à la Révolution française, les rapports entre les citoyens et la société évoluent. Tous se sentent désormais concernés

par la politique et l’homme devient maître de son destin. Les Valaisans bâtissent une société sur des bases rationnelles et la régissent en respectant la notion de bien commun. C’est ainsi que le champ de la politique s’étend à tous les domaines de la vie sociale. A partir de 1798, les régimes politiques du canton s’intéressent aux besoins de la population, c’est-à-dire à ses droits et à ses libertés, à l’amélioration de ses conditions de vie, à la diffusion de l’instruction, mais également aux questions d’organisation et de fonctionnement du pouvoir.

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La Modernisation

La Modernisation commence par la création d’un Etat en 1848, suite à de nombreuses adaptations politiques. La porte de la modernité s’ouvre alors, laissant place à de nombreux changements, tant aux niveaux politique et économique qu’au niveau social. Ils sont dus notamment au retour des catholiques-conservateurs et à l’arrivée d’étrangers à la recherche de travail et d’une vie plus prospère. Le canton s’intéresse désormais véritablement aux questions sociales et développe le principe des solidarités et des associations politico-religieuses, contribuant à sortir le Valais de son isolement.

Les transformations économiques qui s’opèrent dans le canton après l’arrivée du chemin de fer (à Sion en 1860) se

concrétisent par l’endiguement du Rhône, l’amélioration des routes, l’exploitation des forces hydrauliques et les premières grandes industries chimiques et métallurgiques. L’agriculture, qui doit faire face à une demande croissante, prend également de l’importance, de même que le tourisme, qui permet au canton de s’ouvrir sur le monde moderne. Le chemin de fer dynamise en effet le développement touristique dans toutes les villes du canton.

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1914-1945

Le Valais de l’Entre-deux-guerres est marqué par le maintien des traditions et des collectivités rurales. Alors qu’environ 60% de la population active travaillait dans l’agriculture en 1910, ils sont encore près de 50% à le faire en 1941. Le paysage subit toutefois de grandes modifi cations dues au développement de l’industrie et du tourisme. Certains considèrent cette période comme la naissance du Valais moderne, mais en réalité elle représente une transition. En effet, la Première Guerre mondiale a freiné le démarrage économique observé entre 1895 et 1914. Jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale, le Valais traverse une période de consolidation, perturbée par deux crises économiques mondiales, celle de 1920 et celle des années trente.

Au niveau politique, le Valais passe d’une forme de démocratie « gouvernée » à une démocratie référendaire, avec une représentation législative proportionnelle à l’importance des partis, effective depuis le début du siècle.

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L’Après-guerre Le Valais d’Après-guerre garde une image rurale et montagnarde, qui s’explique par un milieu hostile, des communications toujours diffi ciles à cause du terrain, une économie agraire, ainsi que par les traditions religieuses et culturelles des communautés villageoises. On assiste néanmoins à un jeu subtil de ruptures, de changements et de continuités qui modèlent les structures valaisannes.

Trois phases distinctes divisent cette pé-riode. La première, de 1945 à 1965, est l’ère des barrages, des voies de commu-nication, de la généralisation du salariat et de l’accélération de l’exode rural : le sec-teur secondaire se renforce. La deuxiè-me, de 1965 à 1985, est caractérisée par le développement de la construction, des

stations de ski, de la parahôtellerie, de la spéculation immobilière, des services, de la société de consommation. Forte à la fi n des années soixante, la croissance économique est ralentie par une réces-sion dès le milieu des années septante, mais elle engendre l’amélioration de la formation de base et le passage du sec-teur secondaire au tertiaire : les Valai-sans accèdent aux postes d’employés ou de cadres. Dès 1985 débute la troisième phase, marquée par l’augmentation de la mobilité, l’intensifi cation des communica-tions et l’informatisation. Grâce à un plus large accès aux études, aux médias et au tourisme, les mentalités changent et évo-luent. Le secteur tertiaire est maintenant l’activité principale des Valaisans.

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Sion, la cité du Ve siècle au VIIe siècle

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DEVELOPPEMENT DE SION

Il est diffi cile de déterminer avec exa-ctitude à quelle époque se situe la première occupation du site de l’actuelle ville de Sion. Des tombes datant du Néolithique ont notamment été retrouvées sur le site du Petit-Chasseur, au nord-ouest de la ville actuelle, mais cela ne signifi e pas forcément que des hommes y vivaient déjà à cette époque. Il semble même plus probable qu’ils aient évité la plaine, qui n’était alors qu’un grand marécage façonné par les méandres indomptables du Rhône. Les premières preuves d’occupation du site remontent à l’époque de la tribu gauloise des Sédunes, mais le manque d’indices physiques rend diffi cile la localisation exacte de leurs habitations. Par contre, la mise à jour de plusieurs vestiges de la ville romaine installée là quelques siècles plus tard permet de poser certaines hypothèses quant à son

positionnement. En effet, des tombes romaines ont été découvertes dans l’actuelle Eglise St-Théodule (23), alors que d’autres vestiges ont été mis à jour près de la Cathédrale, ainsi qu’entre les deux collines de Valère (12) et Tourbillon (10). La partie à l’ouest de la Sionne a probablement été abandonnée par la suite. La ville s’est donc principalement développée sur les deux collines, à l’est de la Sionne (S). Au VIème siècle, la cité, ou Cita comme elle est alors appelée, devient la résidence de l’évêque, vraisemblablement le représentant du pouvoir royal dans la région. Pour des raisons de sécurité et de prestige, la ville, riche de deux ou trois hectares, se construit alors un mur d’enceinte.

La ville est principalement occupée par les hommes du clergé et par des ouvriers

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Sion, jusqu’au milieu du XIXe siècle

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et paysans qui travaillent au service de ce pouvoir spirituel et temporel. Seuls deux cimetières se trouvent à l’extérieur des remparts. L’un, situé sous le rocher de Valère, est rapidement abandonné, mais l’autre, avec sa chapelle funéraire, acquiert une certaine importance en accueillant le tombeau de Saint-Théodule, qui sera vénéré jusqu’au XVe siècle. Au Xe ou XIe siècle, le site s’agrandit et les deux églises qui le composent deviennent un haut lieu de pèlerinage. La fête de Saint-Théodule, à la mi-août, est alors le prétexte à divers foires et marchés régionaux qui contribuent à l’essor économique de la ville. Cette dernière se développe donc hors de son enceinte originale, au pied de la colline, jusqu’à la Sionne. De plus, l’utilisation fréquente du passage du Simplon renforce l’économie sédunoise, la ville se trouvant sur un axe

de transport de marchandises. Ces deux phénomènes combinés lui permettent de s’agrandir bien au-delà de ses murailles et nécessitent la construction d’une autre enceinte, beaucoup plus grande. Au XIIIe siècle, l’évêque Boniface de Challant complète l’ensemble en faisant construire, sur la colline la plus au Nord, le château de Tourbillon. La partie située au bas des deux collines porte dès lors le nom de civitas sedunensi et la ville n’évoluera que peu jusqu’au XIXe siècle. En effet, des épidémies de peste, des pillages, la diminution du trafi c passant par le Simplon et un incendie dévastateur en 1788 freinent son expansion économique et spatiale.

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Bâtiments détruits ou endommagés par l’incendie de 1788. En rouge : destruction totale, en orange : destruction partielle, en jaune : destruction faible.

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Le grand incendie de 1788 se produit à un moment où l’histoire de Sion est marquée par de nombreux confl its politiques et conduit au renouveau de la ville. Suite au désastre, une partie de la ville est reconstruite de manière pratique et esthétique, digne d’une capitale économique. Les prémices de l’urbanisme apparaissent alors et des règles entrent en vigueur ; elles concernent l’alignement des rues, les lois de prévention contre les incendies, l’obligation de construire des maisons dans un style architectural précis et ne dépassant pas trois étages, les largeurs minimales des rues pour permettre le croisement de chars et l’interdiction de reconstruire étables et granges dans la ville.

Dès 1830, une succession d’événements font entrer la ville de Sion dans la

modernité. Plusieurs projets, tels la construction d’une maison nationale et d’un couvent pour les Ursulines, ainsi que l’arrivée de la route cantonale à l’ouest de la ville, remettent en question l’existence des remparts. Ceux-ci sont petit à petit détruits et la ville s’ouvre alors à l’ouest avec la création d’une grande

place publique (place de la Planta (1)), entourée de bâtiments prestigieux et de promenades.

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Plan d’extension revu dès 1907 Ancienne gare de Sion

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La venue du train à Sion modifi e profondément la structure de la ville. La Société des Chemins de fer cherchant avant tout à construire des voies en ligne droite, la gare de Sion est bâtie à l’extérieur de la ville et n’y est pas encore rattachée lorsque le premier train arrive en 1860. Il devient donc urgent de construire l’avenue de la Gare (1), dans le prolongement de la promenade du Couchant (2). Progressivement, un hôtel, des latrines, un bâtiment pour voyageurs et la remise des postes, dans laquelle se trouvent notamment les diligences qui rallient le Haut-Valais, viennent s’implanter autour de la gare. La venue du train favorise aussi le développement d’un quartier industriel au sud de la gare qui profi te des chemins de fer pour acheminer les matériaux, tout en se trouvant suffi samment loin de la

ville pour que ni le bruit, ni la pollution ne dérangent ses habitants. Cette zone, qui était jusqu’alors réservée à la culture maraîchère, offre l’avantage supplémentaire de pouvoir évacuer les déchets par le Rhône.

Ces nouveaux développements attirent les ouvriers et les touristes. De 1860 à 1900, la population de Sion augmente ainsi de 18452 habitants , obligeant la commune à prévoir un nouveau quartier au sud des remparts. C’est l’occasion de créer une nouvelle place publique : la place du Midi (3). Ces travaux entrent dans une conception plus globale de recherche d’une identité propre à la ville. Entre 1880 et 1930, Sion désire devenir une ville moderne, ce que le développement de l’industrie rend possible, grâce notamment aux découvertes sur la force hydraulique

qui marquent l’aube d’une ère nouvelle. Les Ediles, à la fois préoccupés par le futur de Sion et désireux de respecter les traditions, instaurent une série de mesures garantes de l’esthétique, mais aussi de la sécurité et de la salubrité de la ville. C’est dans ce climat intellectuel que plusieurs plans d’extension sont étudiés entre 1907 et 1927. En effet, le développement déstructuré des édifi ces en dehors de la ville va à l’encontre de l’image de celle-ci et il est nécessaire de contrôler cet étalement urbain. Dans cette optique, la commune édicte de nouveaux règlements et met au concours la création de plusieurs quartiers en l’espace de quelques années.

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Plan d’amménagement de la commune de Sion, 1948

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Afi n de limiter la construction d’édifi ces agricoles, les Ediles doivent choisir entre deux options : laisser s’implanter de tels bâtiments de manière désordonnée et dispersée ou prévoir un ou deux quartiers à l’extérieur de la ville qui leur soient dévolus. La deuxième option, moins passive, va de paire avec les discussions qui se tiennent alors à propos de l’image de la ville. C’est pour cela que, dans les années 1910, la création d’un quartier agricole, sous le Scex (1), est décidée.

Dans le même ordre d’idées, la ville de Sion ouvre un concours pour la construction de nouveaux abattoirs et d’une nouvelle usine à gaz au sud de la gare, marquant le début du quartier industriel projeté en 1927.

En 1941, c’est la création d’un quartier

autonome au sud de Sion qui est mise au concours : ce quartier devra contenir des commerces, des immeubles de rapports, des maisons familiales, des bâtiments industriels et des constructions agricoles. Les enjeux de ce concours sont la création d’un nouveau centre sur la route menant à Bramois (2) qui soit harmonieux, car visible depuis toute la ville, et ne soit pas affecté par l’insalubrité du proche quartier industriel. Cependant, faute de moyens fi nanciers, ce quartier ne sera pas réalisé.

Cette période précédant 1945 est donc une phase fondamentale de réfl exion, favorisant l’éclosion de nouveaux projets, qui seront réalisés plus tard, lorsque les conditions économiques seront devenues plus favorables. En 1945, un plan est élaboré afi n de réunifi er les

divers quartiers, dont les architectures représentent différentes époques, tout en limitant l’extension désordonnée de la ville. Il s’ensuit, en 1952, un nouveau règlement sur les constructions qui permet d’unifi er partiellement la ville dans les années soixante.

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Maquettes d’extension pour les quartiers de Vissigen et des Creusets d’en bas, 1963 et 1961

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Toutefois, la silhouette de Sion se modifi e très rapidement et la population augmente de 9’352 habitants en 1941 à 14’500 habitants en 19583 . Un nouveau plan d’extension et une nouvelle étude s’avèrent donc nécessaires en 1960. Les enjeux sont, cette fois, de régler les problèmes de circulation, de créer plus d’aménagements publics et de clarifi er la zonifi cation. Les conclusions de cette étude mènent à la création de deux quartiers autonomes situés à l’extérieur de la ville. Le premier se trouve à Champsec-Vissigen (3 p.28), là où, dans les années quarante, un projet similaire avait déjà été projeté, et le deuxième se situe à l’extrémité ouest de la ville, aux Creusets (4 p.28). Ces quartiers fonctionnent comme des petites cités satellites de Sion, avec leurs centres scolaire, religieux et administratif, et

répondent principalement à la demande en logements créée par le développement de l’industrie, demande que le centre-ville ne peut plus satisfaire. Ils n’altèrent pas l’harmonie de la ville, car ils se situent en plaine et non sur le cône de déjection de la Sionne et sont donc peu visibles.

Ainsi, au cours des années qui suivent, Sion se densifi e en respectant les bases posées en 1960. L’extension reprend ensuite en direction des deux villages qui la bordent : à l’ouest, la ville s’ouvre vers Conthey, qui est devenue la zone périurbaine et commerciale de Sion; à l’est, elle poursuit la voie tracée par la création du quartier de Vissigen.

En 1991, l’arrivée de l’autoroute ne modi-fi e que peu le visage de la ville. En effet, son implantation loin du centre et en partie

souterraine n’a comme répercussion majeure que la densifi cation de la zone industrielle qu’elle traverse. Cependant, nous pouvons noter qu’elle est prétexte à la création d’un parc public près du quar-tier de Vissigen, là où elle est souterraine, aérant et structurant cette partie de la ville. Depuis, à part un étalement urbain dans les deux directions que nous avons mentionnées précédemment, la structure globale de la ville n’a pas changé. Les études et travaux effectués, par exemple à la place du Midi, consistent surtout en la remise en état ou la revalorisation de quartiers, places et rues existants.

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DEVELOPPEMENT DE LA ZONE INDUSTRIELLE SOUS GARE

Le développement de la ville au sud du cône de déjection de la Sionne n’est possible que grâce à deux événements majeurs intimement liés : la construction d’une ligne de chemin de fer reliant Sion et le Valais occidental au reste de la Suisse et l’endiguement du Rhône, dans les années 1850 à 1860.

Pour des raisons de rentabilité et d’effi cacité, la Société des chemins de fer établit un tracé en ligne droite qui passe à l’extérieur des villes et, parfois, sur des terrains que le Rhône, encore sauvage, rend marécageux. Des travaux d’endiguement du Rhône et d’assèchement des marécages s’avèrent donc nécessaires afi n de stabiliser le sol sur lequel doit passer la voie de chemin de fer. Ces importants travaux rendent par ailleurs cultivables et fertiles des terrains

proches des villes, qui étaient jusque là hostiles et marécageux. Progressivement, les habitants de la ville veulent tous posséder un morceau de terrain dans cette zone, si bien que la Bourgeoisie, propriétaire des terres à l’ouest de la gare, décide en 1912, d’attribuer des parcelles aux familles bourgeoises qui en feraient la demande. Cet endroit devient ainsi petit à petit un lieu de détente où les bourgeois cultivent leur jardin et plantent leurs vergers.

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Plan de la plaine du Rhône dressé pour la construction du chemin de fer en 1860

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Plan des portions donnés aux bourgeois de Sion

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L’usine à gaz en 1931

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L’arrivée du train à Sion marque également le début du développement d’une zone « industrielle » au sud-est de la gare. En effet, comme nous l’avons déjà vu, l’arrivée du chemin de fer remet en question l’urbanisme de la ville et ouvre de nouvelles possibilités d’implantation au sud. La ville est encore très dense et partiellement enfermée : l’air en son centre a du mal à se régénérer et la pollution et les odeurs stagnent dans les ruelles. De ce fait, les Ediles, soucieux de soigner l’image de Sion, essaient à cette époque de trouver des terrains plus favorables que le centre-ville aux usines et abattoirs municipaux qui sont source de grands désagréments, de pollutions et de maladies. Les terrains sous-gare présentent le triple avantage d’être à l’extérieur de la ville, proches de la gare et donc de l’arrivée de matières

premières, et proches du Rhône, utile à l’évacuation des déchets. En 1928 et 1929, la commune met donc au concours la construction de l’usine à gaz et des abattoirs qui seront rapidement réalisés. Une laiterie est également bâtie à proximité.

Dans cette même optique hygiéniste, la Municipalité construit, en 1921, une piscine publique pour des raisons de propreté corporelle et de culture physique. Son emplacement, en dehors de la ville, est décidé selon deux facteurs. D’abord, il y a, au sud de la gare, des terrains encore non occupés, faciles d’accès, plats et peu chers, ce qui favorise la mise en œuvre de la construction. Ensuite, le Valais est profondément catholique et tout ce qui se rapporte à la nudité est encore tabou. Le règlement de police

du XIXème siècle nous explique l’état d’esprit qui a perduré jusqu’à la création de la piscine : « (Mœurs) Art. 36 Il est défendu de se baigner dans des localités exposé à être aperçu et sans caleçon.»4 C’est probablement pour cette raison que la piscine a été implantée en dehors de la ville. En 1928, le Conseil municipal accorde à la piscine le terrain adjacent pour la création d’une petite plage. Cette évolution laisse entrevoir un changement dans les mœurs, la piscine devenant un espace de loisirs et de détente.

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Schéma des routes suivant la géométrie du rail

Schéma des routes suivant la géométrie du Rhône

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Alors que le site industriel se développe progressivement, des maisons individu.-elles, appartenant probablement aux personnes travaillant dans cette zone, s’implantent le long du Rhône et à l’embouchure du passage sous-voie à l’ouest de la gare. Ces endroits sont propices au logement, car proches des lieux de travail et des espaces de détente: le Rhône endigué devient presque aussi

attrayant que les jardins bourgeois. Cependant, ces maisons restent des cas isolés du développement de Sion.

Le réseau des routes internes évolue parallèlement au développement du secteur. A l’extérieur de la ville, les principaux réseaux routiers sont com-posés de chemins agricoles desservant les vergers. Dans la partie sud de la ville,

entre le Rhône et la voie ferrée, certains chemins suivent le tracé du Rhône et d’autres celui du rail, formant un réseau quadrillé, interrompu par des voies plus anciennes à géométrie variable.

Schéma des routes suivant les deux géométries

Routes parallèles aux railsRoutes parallèles au Rhône

railsRhône

autoroute

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Sion, 1943

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Sur le plan de 1943, divers bâtiments sont visibles à l’est, près du pont qui enjambe le Rhône : les abattoirs, la laiterie et l’usine à gaz de la ville. Quelques maisons sont construites près du passage sous-voie de la gare. Elles sont, pour la plupart, toujours présentes sur le site. D’autres bâtiments s’étalent le long des rails à l’est de la gare. Afi n de relier les bâtiments entre eux et de permettre à d’autres industries de s’implanter, la route de l’Industrie (1) est construite entre le pont du Rhône (2) et le passage sous-voie (3) de la gare (4). A part cette route, les autres axes sont encore des chemins en terre battue permettant d’accéder aux nombreux vergers et champs qui composent le site.

photo de 1945

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Sion, 1961

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La route de l’Industrie est progres- sivement modifi ée jusqu’en 1961, lorsqu’elle prend enfi n le tracé que nous lui connaissons aujourd’hui. Ces modifi cations ont probablement été faites en vue de la création du pont enjambant les rails à l’est de la gare (1). Auparavant, le passage se faisait au même niveau que les voies, ce qui impliquait des interruptions fréquentes du trafi c routier en raison de la densité du trafi c ferroviaire.

Suite au développement de cette zone, le réseau de chemins agricoles est clarifi é et, pour l’essentiel, goudronné. Grâce à ces travaux, une densifi cation vers le pont du Rhône (2) s’effectue, d’une part, le long du fl euve et, d’autre part, le long des rails de chemin de fer. Notons en outre la construction des bâtiments de «ValFruits» (3) à l’ouest du passage sous-

voie de la gare. L’ensemble, situé plus à l’ouest, en face d’un deuxième passage sous-voies, représente la première grosse industrie du site. L’espace entre les bâtiments longeant les rails et ceux bordant le Rhône est toujours occupé par des vergers.

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Entre 1961 et 1991, une autoroute est construite jusqu’à sa sortie ouest actuelle et un aéroport est implanté entre l’autoroute et les voies ferrées, à l’ouest du site. L’autoroute suit globalement le tracé du chemin de fer, à quasi équidistance entre les rails et le Rhône. Son arrivée provoque une forte densifi cation aux alentours de «ValFruits», car elle freine l’engouement pour les jardins et vergers, alors que la pression de l’industrie s’accroît. La bourgeoisie commence donc à vendre certaines parcelles à des particuliers pour favoriser le développement de la zone et faire des profi ts. De plus, des voies ferrées (1) sont posées à travers le site, reliant les principales industries au réseau national. Une clarifi cation du réseau interne se fait, principalement grâce à la route qui longe l’autoroute et relie la rue de l’Industrie à l’aéroport situé à l’ouest

de la zone industrielle. Les chemins agricoles disparaissent pour laisser place aux routes goudronnées qui desservent les industries. Le fort développement de Sion s’accompagne alors d’une pénurie de logements et la ville de Sion met au concours la création d’immeubles à loyers modérés proches de la ville, sur des terrains vacants au sud-ouest de la gare (2). Au nord des voies ferrées, toujours pour répondre à ce même problème, elle construit un quartier de logements allant jusqu’à l’aéroport (3), ainsi qu’un grand complexe scolaire et sportif (4). Après le prolongement de l’autoroute en direction du Haut-Valais, les routes qui traversent le site du nord au sud sont interrompues et reprises par des routes longeant cet axe est-ouest. Une de ces routes comprend cependant un tunnel qui

permet la liaison entre les deux parties de la zone industrielle. En conséquence, suite à la densifi cation importante de la zone, seuls de rares vergers, forêts et terrains vagues persistent. L’implantation de grands centres tels que «Provins», «PAM» et «Aligro» modifi e la perception de la population sédunoise sur ce secteur. Les rues constituent les seuls espaces publics du site et de nombreux parkings entourent les divers bâtiments.

Seules les rues situées entre la piscine (5) et l’ancienne laiterie, qui est l’actuelle «PointRhône» (6) sont pourvues de trottoirs. C’est dans cette zone que l’on trouve les petits et grands commerces, les restaurants et la majorité des logements.

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Conclusion

Nous pouvons déduire de ces obser-vations qu’il n’y aucun plan directeur de la zone. Le tracé des axes existants découle d’anciens chemins et le parcellaire est clairement défi ni par la position des anciens vergers et champs de tabac. Ce sont ces axes qui ont défi ni l’implantation du bâti, sans logique apparente, donnant ainsi le tissu hétérogène de la zone industrielle actuelle. Remarquons cependant que le site offre des potentiels de développement et de clarifi cation, par exemple sur la parcelle près de la sortie ouest de l’autoroute (7 p.44) , qui n’a volontairement pas été louée par la Bourgeoisie dans l’attente d’un projet important qui pourrait donner une nouvelle image à ce quartier.

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Notes

1tiré du site internet:http://www.vs.ch/encyclo/

2Collectif d’auteurs, 1788-1988 Sion, la part du Feu, Urbanisme et société après le grand incendie, Musées cantonaux du Valais et Archives communales de Sion, Sion, 1988, p.178

3Ibid, p.258

3TSCHOPP Patrice, La vie quotidienne à Sion au milieu du XIXème siècle, le témoignage d’un projet de règlement de police, Editions faim de siècle, Sion, 2001, p.42

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Images

P.6. Carte tirée du site Internet:http://fr.wikipedia.org/wiki/Canton_du_Valais

P.8. Carte tirée du site Internet:http://fr.wikipedia.org/wiki/Canton_du_Valais

P.10. Carte tirée du site Internet:http://fr.wikipedia.org/wiki/Canton_du_Valais

P.12. Carte tirée du site Internet:http://fr.wikipedia.org/wiki/Canton_du_Valais

P.20. Collectif d’auteurs, 1788-1988 Sion, la part du Feu, Urbanisme et société après le grand incendie, Musées cantonaux du Valais et Archives communales de Sion, Sion, 1988, p.21

P.22. Ibid. p.25

P.24. Ibid. p.85

P.25. Carte postale de la ville de Sion en 1856 tirée du site Internet : http://www.sion.ch/

P.26. Op.cit.1788-1988 Sion, la part du feu. Urbanisme et société après le grand incendie p.256

P.26. ARBELLAY René, Le valais, chroniques illustrées de la préhistoire au XXIe siècle, Arbellay René, Loye-Grône, 2005, p.483

P.28. Op.cit.1788-1988 Sion, la part du feu. Urbanisme et société après le grand incendie. p.254

P.30. Ibid. p.258 et 259

P.34. VANNOTTI, Françoise, La Bourgeoisie de Sion des origines à l’an 2000, Sion, 2000, p. 65

P.35. Ibid. p.69

P.36. Op.cit.Le valais, chroniques illustrées de la préhistoire au XXIe siècle, p.599

P.40. Op.cit.1788-1988 Sion, la part du feu. Urbanisme et société après le grand incendie

p.269

P.41. Ibid. p.248

P.42. Ibid. p.270

P.44. Ibid. p.271