Histoire Les dessous de Paris “Cartes sur...

15
Revue XYZ • N° 107 – 2 e trimestre 2006 57 ... La cartographie souterraine de Paris : une naissance nécessaire mais difficile L’exploitation des deux principales richesses géologiques de Paris (calcaire = pierre à bâtir ; gypse = pierre à plâtre), ou du moins de ce qui allait devenir Paris, a commencé dès l’époque gallo- romaine. Mais que l’on ne s’y trompe pas, les méthodes d’extraction se fai- saient alors à ciel ouvert ; ce n’est qu’à partir de la fin du XII e – début du XIII e siècle que pour des raisons techniques et économiques les carriers “s’enterrè- rent” . Ils eurent en effet l’idée de s’en- foncer sous terre pour continuer d’ex- traire tout en s’affranchissant d’avoir à éliminer les morts-terrains superposés à la couche géologique intéressante, et par la même occasion y laisser la terre végétale utilisable alors pour la culture. Le premier document archivistique connu faisant référence aux carrières souterraines serait la Taille de 1292 qui recense 18 carriers à Paris, ce qui est symptomatique de l’intérêt d’une telle connaissance pour des besoins émi- nemment fiscaux (en 1300 il n’y aurait plus que neuf carriers). Autant en surface les diverses propriétés sont aisément identifiables, autant lors- que l’on quitte cet horizon ouvert, il devient difficile d’identifier les parcelles sous lesquelles on se trouve, d’où l’im- portance d’avoir à effectuer des levers pour clarifier la situation. Cela évite de se retrouver à creuser sous le terrain du voi- sin et donc de générer des conflits, quoi que, tant que l’on n’est pas découvert, c’est tout bénéfice, en espérant que cela dure le plus longtemps possible... Ainsi dans le “Recueil d’actes notariés relatifs à l’histoire de Paris et de ses environs au XVI e siècle” compilé par Ernest Coyecque (1864-1954) chef de bureau puis inspecteur de la Ville de Paris (deux tomes publiés respectivement en 1905 et 1923), on lit à la date de janvier 1544 Les dessous de Paris “Cartes sur table” (1 re partie) Gilles THOMAS Sous Paris se trouve un réseau de galeries architecturées dont l’histoire remonte à l’extraction des richesses minérales du sous-sol (aux environs du XIII e siècle), mais qui s’est mis en place à partir de la fin du XVIII e siècle. Les très nombreuses carrières de calcaire ainsi exploitées souterrainement furent progressivement réunies en trois principaux réseaux unitaires séparés par la Seine et la Bièvre. Pour différentes raisons il fallut en dresser la cartographie la plus précise possible. Depuis quelque temps, le principal réseau est à nouveau fractionné : séparation par isolement des galeries sous l’Observatoire, ensuite celles des Catacombes et de l’hôpital Cochin, de l’hospice Sainte-Anne puis du réservoir Montsouris, etc. Il est bien évidemment indispensable que ces modifications et d’autres liées aux travaux d’urbanisation de surface, soient aussi reportées sur les plans au fur et à mesure de leur exécution afin de maintenir à jour cette cartographie parisienne particulière parce que souterraine, et que nous allons explorer ici. © Atlas du Paris Souterrain Histoire

Transcript of Histoire Les dessous de Paris “Cartes sur...

Revue XYZ • N° 107 – 2e trimestre 2006 57

...

La cartographie souterrainede Paris : une naissancenécessaire mais difficileL’exploitation des deux principalesrichesses géologiques de Paris (calcaire= pierre à bâtir ; gypse = pierre à plâtre),ou du moins de ce qui allait devenirParis, a commencé dès l’époque gallo-romaine. Mais que l’on ne s’y trompepas, les méthodes d’extraction se fai-saient alors à ciel ouvert ; ce n’est qu’àpartir de la fin du XIIe – début du XIIIe

siècle que pour des raisons techniqueset économiques les carriers “s’enterrè-rent”. Ils eurent en effet l’idée de s’en-foncer sous terre pour continuer d’ex-traire tout en s’affranchissant d’avoir àéliminer les morts-terrains superposésà la couche géologique intéressante, etpar la même occasion y laisser la terrevégétale utilisable alors pour la culture.Le premier document archivistiqueconnu faisant référence aux carrièressouterraines serait la Taille de 1292 quirecense 18 carriers à Paris, ce qui estsymptomatique de l’intérêt d’une telleconnaissance pour des besoins émi-nemment fiscaux (en 1300 il n’y auraitplus que neuf carriers).

Autant en surface les diverses propriétéssont aisément identifiables, autant lors-que l’on quitte cet horizon ouvert, il

devient difficile d’identifier les parcellessous lesquelles on se trouve, d’où l’im-portance d’avoir à effectuer des leverspour clarifier la situation. Cela évite de seretrouver à creuser sous le terrain du voi-sin et donc de générer des conflits, quoique, tant que l’on n’est pas découvert,c’est tout bénéfice, en espérant que cela

dure le plus longtemps possible... Ainsidans le “Recueil d’actes notariés relatifsà l’histoire de Paris et de ses environs au XVIe siècle” compilé par ErnestCoyecque (1864-1954) chef de bureaupuis inspecteur de la Ville de Paris (deuxtomes publiés respectivement en 1905 et1923), on lit à la date de janvier 1544

Les dessous de Paris “Cartes sur table”

(1re partie)

Gilles THOMAS

Sous Paris se trouve un réseau de galeries architecturées dont l’histoire remonte à l’extraction des richesses minérales du sous-sol (aux environs du XIIIe siècle), mais qui s’est mis en place à partirde la fin du XVIIIe siècle. Les très nombreuses carrières de calcaire ainsi exploitées souterrainementfurent progressivement réunies en trois principaux réseaux unitaires séparés par la Seine et la Bièvre.Pour différentes raisons il fallut en dresser la cartographie la plus précise possible. Depuis quelquetemps, le principal réseau est à nouveau fractionné : séparation par isolement des galeries sousl’Observatoire, ensuite celles des Catacombes et de l’hôpital Cochin, de l’hospice Sainte-Anne puis du réservoir Montsouris, etc. Il est bien évidemment indispensable que ces modifications et d’autresliées aux travaux d’urbanisation de surface, soient aussi reportées sur les plans au fur et à mesure de leur exécution afin de maintenir à jour cette cartographie parisienne particulière parce que souterraine,et que nous allons explorer ici.

© A

tlas

du P

aris

Sou

terr

ain

Histoire

Revue XYZ • N° 107 – 2e trimestre 200658

Histoire

(art.2859) : “Renonciation réciproque àtoute action de l’un contre l’autre parNicolas Lambert, tisserand en toiles, rueNeuve Saint-Victor, et Jacques Locart,charpentier de la grande cognée, mêmelieu, à raison de la pierre et du moellonqu’ils avaient réciproquement extraitssous la propriété l’un de l’autre”. Outreces conflits générant l’obligation de dres-ser un plan, cette nécessité peut aussiparfois s’avérer indispensable aumoment d’une succession.

Cet impératif de dresser une cartogra-phie est aussi apparu lors de travaux deconstruction d’un certain nombre demonuments, à partir du moment oùParis s’était suffisamment étendu pourvenir recouvrir d’anciennes exploita-tions souterraines ouvertes quelquessiècles plus tôt. Ainsi lors de l’édifica-tion du couvent (église et cloître) du Val-de-Grâce dévolu aux Bénédictines duVal-Profond (à Bièvres le Chastel), sansla présence à l’esprit de l’existenced’anciennes carrières, ces religieusesauraient très bien pu rejoindre juste-

ment les profondeurs de la capitale. Lesmaçons Augustin Monnard et Simonde Lespine avaient fait un relevé destravaux à effectuer dans les anciennescarrières sous-jacentes, et l’architecteFrançois Mansart qui avait commencéles travaux à partir de 1645 fut remercié(si les faits s’étaient déroulés après 1914il aurait même été Limogé !) pour avoir dépensé la quasi-totalité de son enveloppe budgétaire à des tra-vaux de confortations pourtant indis-pensables pour asseoir les bâtiments à édifier.

Il fut de suite remplacé par JacquesLemercier, architecte de la Sorbonne,qui poursuivit donc les travaux. LesCapucins furent confrontés au mêmeproblème avec leur noviciat (quideviendra plus tard l’hôpital Cochin) en1653, puis Claude Perrault (frère deCharles, le fabuliste) en 1672 avecl’Observatoire. Ces travaux de consoli-dation deviendront généraux et serontréalisés a posteriori sous le bâti parisienà la fin du XVIIIe siècle, avec la création

de l’Inspection des carrières (le 4 avril1777), la première du nom en France.Devant tant d’exploitations souterraines,le législateur avait bien essayé de mettreun peu d’ordre en essayant d’imposer laréalisation d’une couverture cartogra-phique, mais il s’était trouvé confronté àune réticence manifeste.

A titre d’exemple, le premier acte quenous prendrons en compte est un arrêtdu Conseil d’Etat du Roy, du 9 mars1633, faisant de par le Roy “Très ex-presses inhibitions et défenses de fouil-ler à 15 toises près des grands chemins,conduits de fontaines et autres ouvra-ges publics, à peine de punition corpo-relle et amende arbitraire”. Etait chargéde la surveillance de l’application decette ordonnance le Lieutenant généralau bailliage de la Varenne du Louvre (lebailliage intervenait dans les délits com-mis dans les cantons affectés auxchasses royales, et qu’on nommaitpour cela “Plaisirs du Roi”).Le 29 mars 1754, le Bureau desFinances, après avoir rappelé les dispo-

Photo d’un dessin de “levé à la planchette”, trouvé sur une paroi des galeries de servitude de l’IDC dans le 13e arrondissement. Cet appareil était utilisé pourmesurer les angles, le plan étant dessiné lors du levé, à la main, sur une feuillede papier posée sur la planchette.

Photos de deux alidades prises lors d’une exposition temporaire sur les outils d’arpenteur au Musée des Vieux Métiers à Saint-Laurent de la Plaine (Maine-et-Loire). L’alidade, c’est le “viseur” que l’on pose

sur un trépied lors du “levé à la planchette”.“C’est le commun sentiment des meilleurs géomètres, que l’usage

de la planchette, quand il s’agit de lever des plans d’une longue étendue, soit le meilleur et le plus exact moyen”,

selon un auteur anonyme du XIXe siècle.

© F

ranc

k C

harb

onne

au

© R

ober

t C

hard

on

...

© R

ober

t C

hard

on

...

sitions de l’arrêt du 14 mars 1741 (quifaisait aussi défense sous peined’amende à toute personne d’ouvrir oud’exploiter aux abords des routes etgrands chemins aucune carrière dequelque espèce que ce fût, dans la dis-tance de 30 toises du pied des arbresqui les bordent, ou de 32 toises de l’ex-trémité de leur largeur, quand ils nesont pas bordés de plantations), avaitordonné qu’il soit donné un état detoutes les carrières existantes.Puis le 17 mars 1761 le Bureau avait prissa seconde ordonnance concernantl’établissement d’un état général descarrières existant dans la banlieue deParis et du plan de ces carrières “sibesoin était”. Ce qui n’était toujours pasappliqué puisque par une ordonnancede police de 30 avril 1772, le Bureau des

Finances donnait pour la troisième foisl’ordre de dresser un état général descarrières et d’en lever les plans.

1777 : un service est entièrement dédié à la topographiesouterraine parisienneLe 15 septembre 1776, fut alors commisle sieur Antoine Dupont en qualité d’in-

génieur, chargé de surveiller les car-rières et fouilles faites dans la banlieuede Paris pour l’extraction de tous maté-riaux de construction, de constater leurétat, et d’en lever les plans. Dupontétant mathématicien et donc maîtrisantla géométrie, ce qui signifie capable dedresser des plans, le Roi en son conseil,ordonna en effet “que toutes les car-rières seraient incessamment visitéespar le sieur Dupont, ingénieur nommé

Revue XYZ • N° 107 – 2e trimestre 2006 59

Plan des carrières et des consolidations sous la rue de la Santé, entre le champ des Capucins et le jardin de “l’hôpitalvénérien” (actuel hôpital Cochin). Ce levé a été exécuté en l’an 4, sous l’Inspectorat de Bralle.

© R

ober

t C

hard

on -

BN

F13

741

-742

Plan des carrières sous le jardin des Sourds-muets (angle de la rue

de l’Abbé de l’Épée et de la rue St-Jacques), la rue d’Enfer

étant l’actuelle rue Henri Barbusse (en 1813, Héricart de Thury était

l’Inspecteur général des carrières).

© R

ober

t C

hard

on -

BN

F13

741

-742

Revue XYZ • N° 107 – 2e trimestre 200660

Histoire

et commis pour prendre connaissancedesdites carrières, lever les plans par-tout où elles s’avanceraient sous lesgrands chemins, rues, ou maisons deParis et marquer sur lesdits plans tousles endroits qui manqueraient de sou-tien et pourraient être en péril”. Dupontétait en outre autorisé à ouvrir uneEcole de géométrie souterraine “à l’ef-fet de former des élèves qui puissentremplir les mêmes fonctions dans lesprovinces”. Il devait remettre ces plans,rapports et procès-verbaux qu’il dres-serait à l’Inspecteur général du pavé de

Paris, lequel, après les avoir visés,devait les adresser au procureur du Roiprès le bureau des Finances. AntoineDupont, professeur de Mathématiques,demeurait alors rue 38 Neuve Saint-Médéric (quartier du Temple), où il “tientchez lui cours de Géométrie, dePhysique et de Dessin, et donne tousles dimanches matin des leçons gra-tuites aux pauvres Ouvriers” (dans leWatin on lit aussi “cours de géométrie,de trigonométrie, de mathématiques etd’hydrographie, par le sieur Dupont”).Par un nouvel arrêté pris par Louis XVI le

4 avril 1777 (qui suspendit l’effet de celuide septembre 1776), fut enfin créée uneCommission des carrières composée deMM. Lenoir (lieutenant général dePolice) et le Comte d’Angivilliers (direc-teur des bâtiments du Roi), qui nommè-rent Charles-Axel Guillaumot premier“Contrôleur et Inspecteur général enchef des visites et opérations relativesaux carrières de Paris et plaines adja-centes”. Celui-ci venait de visiter les car-rières du Val-de-Grâce et celles sousl’aqueduc d’Arcueil en présence de deuxautres architectes (Soufflot et Brébion) àla demande du comte d’Angivilliers. Il yavait urgence puisque le jour même desa prise de fonction, à 11h du soir,Guillaumot dut se porter rue d’Enfer, vis-à-vis le Luxembourg, pour indiquer lesmesures propres à empêcher la ruinecomplète d’une maison dont une partievenait de s’effondrer dans une excava-tion de près de 20 mètres de profondeur.Il devenait plus qu’urgent de dresser leplan le plus précis possible des videssous-minant Paris ; il y avait en effet“péril imminent dans tout Paris”, cequ’évoquent certains écrits de cetteépoque. “Avant l’année 1777, lestemples, les palais, les maisons d’habi-tation, et les voies publiques de plu-sieurs quartiers de Paris et des environs,étaient prêts à s’abîmer dans desgouffres immenses par leur profondeurcomme, par leur étendue” diraGuillaumot lui-même dans son“Mémoire sur les travaux ordonnés

Partie des carrières qui sont sous les maisons de la rue Saint-Jacques.Ce plan a été levé en 1777 par Antoine Dupont, professeur de mathématiques, ayant alors le titre d’“ingénieur du Roy”.

...

Photo de l’actuel bâtiment de l’Inspection des Carrières,mais à une époque où était encore visible l’inscription“Inspection générale des carrières de Paris et dudépartement de la Seine” qui a été complètement effacéelors d’un ravalement. Cette inscription emblématique n’estplus visible que sur une seule porte d’une servitude de l’IDC.

© D

R c

olle

ctio

n pa

rtic

uliè

re

Inscription visible dans une carrière à Colligis-Crandelain(Aisne) montrant que ce problème de la topographie descarrières souterraines fut récurrent dans toutes les régionssous-minées, et évoquant par-là même l’épopée que furentles premiers levés souterrains, ici au printemps 1905.

©Je

an-F

ranç

ois

Wei

ss

© R

ober

t C

hard

on

...

dans les carrières sous Paris, et plainesadjacentes” publié en 1797. “Tout cequ’on voit en dehors, manque essentiel-lement dans la terre aux fondements dela ville : de là les concavités effrayantesqui se trouvent aujourd’hui sous les mai-sons de plusieurs quartiers ; elles portentsur des abîmes. Il ne faudrait pas un chocbien considérable, pour ramener lespierres au point d’où on les a enlevéesavec tant d’effort. (...) Que de matière àréflexions, en considérant cette grandeville formée, soutenue par des moyensabsolument contraires ! Ces tours, cesclochers, ces voûtes des temples, autantde signes qui disent à l’œil : ce que nousvoyons en l’air manque sous nos pieds”,nous dit Louis Sébastien Mercier. Celui-ci précise même, après avoir visité lescarrières de l’Observatoire : “C’est uneville souterraine, où l’on trouve des rues,des carrefours, des places irrégulières.On regarde au plancher, tantôt bas, tan-tôt plus élevé ; mais quand on y voit descrevasses, et que l’on réfléchit sur quoiporte le sol d’une partie de cette superbeville, un frémissement secret vous saisit,et l’on redoute l’action de la force centri-pète. (...) Et l’on boit, et l’on mange, etl’on dort dans les édifices qui reposentsur cette croûte incertaine”.L’Inspection des Carrières (= IDC), dès saconstitution eut donc un triple rôle :rechercher tous les vides issus d’an-ciennes exploitations souterraines, endresser la cartographie, et consolider cequi était sous les voies publiques etbâtiments du roi (pour une simple rai-son de droit, l’article 552 du code civilstipulant que de la propriété du soldécoule celle du sous-sol). Son premierinspecteur, Charles-Axel Guillaumot,avait aussi vu l’intérêt de présenter lestravaux de consolidation aux élèves depolytechnique, ainsi que le montre salettre datée du 22 floréal an 6 (11 mai1798) : “L’inspecteur général des car-rières du département de la Seine auministre de l’intérieur. / Citoyen minis-tre, je ne vois aucun inconvénient à ceque les élèves de l’école polytechniqueprennent connaissance des travaux quise font pour le soutènement des carrières

sous Paris. J’y vois au contraire pour moil’avantage de les soumettre au jugementdes instituteurs éclairés de cette école, etde profiter de leur avis, ou d’être honoréde leur approbation. Je vais, en consé-

quence, concerter avec ces instituteurs etavec le directeur de cet établissementimportant, le jour où nous pourrons enfaire la visite. / Salut et Respect.”

Revue XYZ • N° 107 – 2e trimestre 2006 61

1 - François Benoit Husset, né le 1er mars 1751 à Paris, fut nommé dans le Corps des Mines le 25 mars 1811 ; ce fut peut-être une admis-sion fictive ou bien rétroactive à l’École des Mines, prononcée en 1811 et destinée à le faire entrer dans le Corps.Louis Hubert Caly, né le 30 décembre 1756 à Versailles, nommé sous-ingénieur dans le Corps des Mines en 1779, fut titularisé ingé-nieur à cette même date du 25 mars 1811 ; c’est peut-être aussi le même cas d’admission fictive ou bien rétroactive à l’École des Mines.

C’est François Mansart qui, lors des travaux d’édification de l’abbaye du Val-de-Grâce au XVIIe siècle, se trouva le premier confronté à la présencedans ce secteur de carrières souterraines qu’il fallut lever, travail effectué par les maçons Augustin Monnard et Simon de Lespine en 1645.Devant l’ampleur des consolidations à réaliser au niveau des carrières afin de pouvoir construire au-dessus, Mansart consomma en totalitél’enveloppe budgétaire qui lui avait été allouée pour la construction de l’église, ce qui entraîna sa disgrâce, sa destitution et son remplacement.Plan des carrières du Val-de-Grâce, extrait de “l’Atlas souterrain de la ville de Paris” de Eugène De Fourcy (Paris 1859). (collection particulière)

Revue XYZ • N° 107 – 2e trimestre 200662

Histoire

L’IDC se livra à un travail de longuehaleine (globalement de 1776 à 1909),pressenti dès l’origine par Guillaumot :“Le mal des carrières est celui de plu-sieurs siècles ; il ne peut donc pas êtreréparé dans un petit nombre d’années.Ni moi, ni mes coopérateurs n’en ver-ront la fin. D’autres auront cet avantage ;mais j’ai lieu de croire que nous leuravons frayé la route, et qu’ils n’aurontrien d’essentiel à changer au systèmeque j’ai adopté.” Le réseau de galeriesarchitecturées par ce service (près de300 km) a de plus été superbement car-tographié par les géomètres-topogra-phes de l’Inspection des carrières, et cedès l’origine, le premier étant Husset 1,“ingénieur en chef pour la levée desplans, indications des points et direc-tions pour l’établissement des construc-tions, et pour celles des percemens (sic)de galeries ; et Caly, son aide et dignesecond pour les mêmes opérations”.(on note aussi à la même époque“Henry, dessinateur au bureau de M.Guillaumot, et Margillière, premier des-sinateur au bureau de M. Husset”.

En 1842 il fut décidé de coordonner lesmilliers de plans produits par le servicedes Carrières depuis sa création.L’ouvrage résultant a été réalisé de 1856à 1859 sous l’impulsion du futurInspecteur général Eugène Lefébure deFourcy (qui le sera de 1866 à 1870) ; il necomptait alors que 17 planches (format1 m x 0,60) au 1/1000e, élaborées à par-tir de plans-minutes levés sur le terrainà l’échelle du 1/216e (correspondant à4 lignes pour une toise) qui furentassemblés et réduits pour être super-posés au cadastre (c’est la première édi-tion d’un plan des carrières souter-raines à cette échelle). A cette réalisa-tion, il convient d’ajouter le “plan desCatacombes de Paris dressé par lesGéomètres de l’Inspection des carrièressous la direction des Ingénieurs desmines” en 1857, accompagné d’unenotice historique et statistique dans lamarge (format 40 cm x 25 cm). Ce pre-mier Atlas est de nos jours connu sousla dénomination de “Atlas de Fourcy”,mais quand il fut édité, l’Inspecteurgénéral était Charles Louis Ernest deHennezel d’Ormois (Inspecteur de 1858à 1865). Entre-temps se déroula l’ins-

pectorat de Charles Aimable AlbanJudas – du Souich, plus connu sous lesimple nom de “du Souich”. Cet Atlas“constitue un véritable tour de forcegraphique en même temps qu’un bonrévélateur du mélange d’angoisse et defascination exercé par le monde souter-rain au XIXe siècle, avec ses formesindécises qui semblent ramper sous lesimmeubles de la ville. Elles font songerà des cultures de bactéries ou à desvers en passe d’engloutir des quartiersentiers de la capitale. Les craintes sus-citées par le souterrain trouvent ici uneexpression graphique des plus nettes,même si la cartographie a pour fonctionde les apprivoiser”.

1871 la Commune : une année noire pourl’administration des carrièresSi l’année 1871 est une année noirepour Paris, elle reste de la mêmemanière et pour les mêmes raisonsmémorable dans les annales de ladirection de l’Inspection des carrières.L’insurrection, qui éclata le 18 mars,

demeura un événement purement pari-sien qui ne put s’exporter, la Communene demeurant maîtresse de la capitaleque pendant soixante-douze jours.Mais ce court laps de temps fut suffisantpour y accumuler des ruines. Lacolonne Vendôme fut mis à bas(“déboulonnage” dont la responsabilitérevint au peintre Courbet ; “démon-tage” aurions-nous dit de nos jours !) le26 floréal an 79 (16 mai 1871), prélude àla semaine sanglante du 21-28 mai1871. Au cours de cette semaine, lesCommunards se défendirent par unmoyen auquel aucune des trois révolu-tions précédentes n’avait eu recours :l’incendie de la capitale. C’est ainsi quedes équipes de pétroleurs arrosèrent deliquides inflammables les Tuileries, lepetit palais de la Légion d’honneur etcelui de la Cour des comptes, la manu-facture des Gobelins, des maisons par-ticulières, ainsi que l’Hôtel de Ville et cepour le plus grand malheur de l’IDC.En effet les archives de l’Inspectionavaient été transférées à l’Hôtel de Villepeu de temps auparavant dans le soucilouable de les mettre en sécurité. Ellesfurent totalement détruites dans l’in-

...

Extrait de “l’Atlas souterrain de la ville de Paris” d’Eugène De Fourcy (Paris1859) montrant la zone de carrières sous l’hôpital du midi, correspondant auplan de 1777 de Dupont reproduit sur la page 64. (collection particulière)

Revue XYZ • N° 107 – 2e trimestre 2006 63

cendie qui ravagea non seulement labibliothèque municipale installée dansles combles et riche de quatre-vingtmille volumes (dont plusieurs milliersde manuscrits : pas un seul n’enréchappa !), mais aussi les Archives dela Seine. L’ingénieur des mines Descosattaché à l’Inspection générale des car-rières de la Seine, entreprit alors denombreuses et laborieuses recherchespour retrouver dans divers bureaux,quelques expéditions des plansdétruits.

Les dernières planches de l’Atlas deFourcy venaient d’être achevées quandParis annexa les communes subur-baines le 1er janvier 1860. Il avait doncfallu dresser de nouveaux plans corres-pondant aux voies nouvellemententrées dans le giron parisien, quiétaient encore à l’état de minutes, demême que le report de tous les travauxexécutés entre 1859 et 1871... dont ladestruction fut une perte considérable.Un arrêté préfectoral du 24 août 1871ordonna la reconstitution de la collec-tion des plans et coupes des carrièressouterraines de Paris.Tous les vides et galeries toujoursaccessibles, furent à nouveau topogra-phiés, les diverses administrationspubliques et privées, les architectes, lesgéomètres, les notaires, les entrepre-neurs, toutes personnes pouvant pos-séder des documents dans leursarchives furent sollicitées. Keller (futur

Inspecteur des carrières, de 1885 à1896) sera mis à la disposition du préfetde la Seine le 8 mai 1872 pour procéderà la reconstitution du plan souterrain deParis détruit pendant l’incendie del’Hôtel de ville. Il resta dans le mêmetemps attaché au service du contrôle del’exploitation des chemins de fer del’Est, et n’entra complètement à l’IDCque le 29 octobre 1872 (il y aura uneprolongation le 8 novembre 1894).L’insurrection avait aussi complètementdésorganisé ce service. La plupart desagents avaient dû être révoqués, parcequ’ayant pactisé avec la Commune. Et larévolte des ateliers avait rendu des licen-ciements nécessaires. L’Inspection dutdonc se remettre au travail, sans plans,et avec un personnel qu’il fallait pourune bonne part former. De plus, au coursde cette année l’Inspectorat de Jacquotsera interrompu, la période intérimaireétant assurée par Lantillon. Puis Jacquotreprendra son poste d’Inspecteur géné-ral, ce qui pour cette raison, rendra sonmandat comparable à celui de Guillau-mot, puisque lui aussi officia en pointillé,cette caractéristique étant donc propre àces deux périodes troubles que furent laTerreur et la Commune. !

ContactGilles THOMASTechnicien à la Mairie de [email protected]

Bibliographie“Le Watin ; Etat actuel de Paris ou le Provincial à Paris” éditions datéesde 1787 à 1790 ;“Paris souterrain”, par Emile Gérards,édition Garnier Frères © 1908 (réédité en1991 par DMI) ;“Inscriptions et graffiti dans les carrièresde Paris”, étude de Robert Chardon en 1987 (27 pages) ;“Recueil d’actes notariés du 16e sièclerelatifs aux carrières”, par Daniel Petit, p. 33-42, in “Liaison SEHDACS” n° 9 (1989) ;“Carrières souterraines”. Actes du 2e Symposium International sur les Carrières Souterraines qui s’est déroulé à Paris – Meudon du 8 au 13 juillet 1989 (©DMI 1991) ;“La Cartographie à l’Exposition Universellede 1900”, par Emm. de Margerie et LouisRaveneau (publié par la Librairie ArmandColin) ; extrait des “Annales deGéographie”, tome IX, 1900, n° 46 du 15 juillet p. 291-312, et n° 48 du 15 novembre 1900 ;“Un Atlas parisien. Le dessus des cartes”,par Antoine Picon et Jean-Paul Robert(aux éditions Picard 1999) ;“Recueil d’actes notariés du XVIe sièclerelatifs aux carrières”, par Jean-FrançoisWeiss, p.62-126, in “Liaison SEHDACS”n° 16 (2004) ;“Les plans de Paris. Histoire d’une capitale”, par Pierre Pinon etBertrand Le Boudec (©Le Passage 2004).

ABSTRACTBelow Paris exist galeriesremaining from the old limestonequarries, which date from thebeginning of the XIIIth century.At the end of the XVIIIth century,the General Inspection of theQuarries was created to repairand fortify the city streets, aswell as to draw up exact maps ofthe more than 250 km ofmysterious tunnels. That officialmap has now been created butthere also exist other maps madeby illegal explorers of thecatacombs (named “cataphiles”)in order to move more easilythrough the underground streets.

Extrait de “Description des Catacombes de Paris” écrit en 1815 par Héricart de Thury.

Revue XYZ • N° 108 – 3e trimestre 2006 53

Histoire

...

L’IDC un service plus que bicentenaire, qui vitdésormais avec les outils de son tempsLors de l’Exposition InternationaleUniverselle de 1900, le pavillon de laVille de Paris présenta un grand nombrede documents intéressant la topogra-phie parisienne. Parmi les plans nou-veaux, il est juste de mentionner le“Plan général de Paris et de ses envi-rons, comprenant les bois de Boulogneet de Vincennes, dressé à l’échelle de1/5000e par les géomètres du Servicemunicipal du Plan de Paris”. Mais ilconvient aussi de citer hors catégorie,deux grands panneaux : l’un, présentépar la Préfecture de la Seine, réunissaitles 105 feuilles de la “Carte du départe-ment de la Seine à 1/5000e (gravé de1894 à 1900)”. Le second panneau,emprunté à l’ “Atlas des Carrières sou-terraines de Paris”, consistait en un“Assemblage des feuilles [une soixan-taine] de la région Sud-Ouest, montrantles travaux de consolidation exécutésdans cette région ; publié… sous ladirection de MMrs Keller, inspecteurgénéral des Mines, et Wickersheimer,ingénieur en chef des Mines, inspecteurgénéral des Carrières, avec la collabora-tion de MMrs Humbert, Pellé et Weiss ;gravé par L. Wuhrer, 1894-1900. Échelle1/1000e”. Étaient placés en regard deuxpanneaux de plans originaux au 1/200e.Au sein de la Classe 14 de cette EU1900

Les dessous de Paris “Cartes sur table”

(2e partie)Gilles THOMAS

“M. Edmond Texier a entrepris le voyage de Paris, voyage de fantaisie et d’humour, à travers les monuments, les mœurs, les singularités et les dessous de cartes et de rues de la grande ville,géographie pittoresque dont Mercier a jadis dressé l’atlas. Les Parisiens sont ceux-là mêmes qui connaissent le moins Paris, comme les livres de sa bibliothèque, qu’on ne lit pas pour les avoir à la portée de la main et des yeux.” in “Tableau de Paris” paru en Feuilleton dans “La Presse”,numéro du 9 mars 1852 faisant le compte-rendu d’un ouvrage d’Edmond Texierjournaliste et homme de lettres prolixe (né à Rambouillet 1816, décédé à Paris en 1887)

Certaines informations pratiques (état des galeries, présence d’eau, etc.) ne figurentpas sur les planches de l’Inspection des Carrières. De même, avant que des amateurs,au départ très souvent issus de l’École nationale des Mines ou de Polytechnique, nese décident et œuvrent à la création de plans permettant de visualiser l’ensemble desgaleries sous Paris réseau par réseau (d’une part le Grand Réseau Sud = 5e, 6e, 14e et15e arrondissements ; d’autre part le 13e ou le 16e arrondissement) l’IDC ne disposaitque d’un tableau d’assemblage, renvoyant le personnel de sa propre brigadeintervenant dans les sous-sols aux plans de détails couvrant une surface de 600m sur400m. Les plans non officiels des “cataphiles”, de par leur practicité, sontmaintenant utilisés par les autorités (police et IDC) ce qui leur donne une certainelégitimité. Et même si l’on considère qu’ils ne sont pas aussi précis que les plansdûment estampillés, quoique ! ils possèdent des informations uniques parce qu’ils ontau départ été établis pour se déplacer sous Paris, et même atteindre des secteurscensés être inaccessibles sauf à faire creuser un puits d’accès spécialement à partirde la surface. Ces informations inédites ne sont néanmoins pas reportées sur lesplans de l’IDC, (même lorsque ce sont des secteurs inconnus qui ont été explorés)leur objet final n’étant pas le même ; ce qui fait que parfois il est plus intéressantd’avoir recours à ces représentations “clandestines”.Le même genre de plan “cataphile” existe aussi maintenant pour certaines carrières dela banlieue parisienne, établi en ne reprenant que le contour des galeries souterraines,réunissant et rassemblant par la même les différentes cartes de l’IDC sur lesquelles la topographie de la carrière était auparavant répartie. De plus les cataphiles ne secontentent pas de calquer les planches IDC, ils s’ingénient là aussi à aller sur placepour vérifier les secteurs qui leur paraissent ambigus et lever tous leurs doutes. Il arrive même à certaines municipalités de demander officiellement l’aide despéléologues pour cartographier un secteur indiqué non topographié, ou pas vérifiédepuis un très ancien plan, la zone étant devenue accessible à la suite d’un fontis.Nul ne peut se battre indéfiniment contre le progrès, et en l’occurrence vouloirs’opposer à l’élaboration de cette double cartographie occulte (cartographie nonestampillée par une autorité, et de cette doublure sombre de la Région parisienne)c’est se battre contre des moulins à vent !

(= “Cartes et appareils de géographie etde cosmographie. Topographie”), il étaitaussi possible de retrouver une partiedu panneau des Carrières de Paris, ainsique plusieurs spécimens de la Carte dudépartement de la Seine.

De nos jours ce sont plus de 450 cartesqui existent, au format de 60 x 80cm :137 pour Paris intra-muros (savoir101 cartes pour le calcaire grossier et36 pour le gypse) et 320 pour la banlieue(142 pour les Hauts de Seine, 87 pour la

Revue XYZ • N° 108 – 3e trimestre 200654

Histoire

Seine St-Denis, et 91 pour le Val deMarne, ou selon la répartition par maté-riau extrait : 170 dans le calcaire et 150dans le gypse), auxquelles il faut ajou-ter 7 cartes de synthèse au 1/20 000e

pour Paris et les trois départements dela petite couronne + le tableau d’as-semblage global au 1/50 000e (sanscompter la planche servant de légendepour l’ensemble des cartes au 1/1000e).

Les cartes au 1/1000e présentent uneplanigraphie précise des surfaces desanciennes exploitations connues, ainsique le détail indispensable de ce qui estvide résiduel, galeries de circulation,parties remblayées, masse encore enplace, et piliers de soutènement réali-sés. Sont aussi précisés des hauteursde vides, l’existence de marches en ciel,de voûtes, les ciels tombés, les fontisavec parfois un historique (au moins ladatation lorsqu’elle est connue), desaffaissements de terrain, de même queles indispensable accès (comblés ounon) dont les adresses et les caractéris-tiques sont ajoutés dans la marge descartes (et pour certains une coupe de lasurface du sol jusqu’au banc de marchede la carrière, présentant donc la hau-teur d’exploitation et la compositiondes terrains de recouvrement). Les dif-férents niveaux d’exploitations (jusqu’à3 au maximum sur une même feuille)sont identifiés par des couleurs spéci-fiques. Il convient de noter que l’en-semble des planches des carrières sontcentrées autour de l’Observatoire deParis, qui après avoir été le centre du

monde astronomique connu lors de sacréation, est donc aussi devenu le réfé-rant de l’univers souterrain répertorié etcartographié ; ainsi il est précisé parexemple que la “Feuille comprenantpartie des quartiers de Montparnasse etdu Petit-Montrouge” (soit l’actuellenumérotée 25-50), s’étend “de 0 à400 m au Sud de l’Observatoire deParis, et de 0 à 600 m à l’Ouest ibidem”.

L’actuel Atlas des anciennes carrièressouterraines couvre bien évidemmentle domaine de compétence del’Inspection à savoir : Paris et les troisdépartements de la petite couronne.Une annexe de l’IGC Paris existe àVersailles pour l’ancien département dela Seine et Oise. Ce service a été créépar un arrêté préfectoral en date du25 avril 1967, suite entre autres à l’acci-dent de Clamart, un affaissement géné-ralisé qui fit 21 morts en 1961, et qui fitprendre conscience que ce phénomènepouvait se reproduire ailleurs. L’IGCVersailles est chargée de la topographiedes anciennes carrières souterrainesabandonnées des départements desYvelines, de l’Essonne et du Val-d’Oise,ce qui représente 1 400 hectares de ter-rains sous-minés, dans 216 communesrecensées : 96 dans le 78 (soient1 600caves et carrières), 8 en Essonne(seulement 12 sites souterrains), et 112dans le 95 (représentant 1800 cavités),ainsi que la diffusion des renseigne-ments à destination du public. Les plansici sont réalisés sous une présentationnoir et blanc, les vides étant positionnés

sur les plans cadastraux soit sous uneforme dite “expédiée” qui ne dessineque le pourtour des carrières, soit sousleur forme aboutie dessinant l’empla-cement exact et le détail des videsaccessibles, ainsi que le positionne-ment des autres vides alentour.On le voit, de tous les départements dela Région parisienne, les sous-sols de laSeine et Marne ne sont supervisés paraucun service des carrières ; en consé-quence, à la demande de la Préfectureet du Conseil Général du département,cet inventaire a été récemment attribuéau Laboratoire des Ponts et Chausséesainsi qu’au BRGM qui le réalisent à par-tir du travail effectué par un couple departiculiers (Joëlle et Patrick Pallu1) quis’étaient investis dans cette tâche delongue haleine depuis de très nom-breuses années, et qui font désormaispartie prenante du Plan de Préventiondes Risques liés aux carrières et aidenten tant que de besoin les services desecours type GRIMP2.

... Lorsque l’on réalise la cartographied’une carrière exploitée par pilierstournés, rien ne ressemble plus à unpatatoïde dessiné pour représenterune masse de calcaire que lareprésentation d’un autre pilier, etsur place les topographes setrouvent parfois confrontés à uneforêt de piliers. D’où ce subterfugeutilisé de numéroter les piliers et dereporter ce numéro sur les cartespour s’y retrouver plus facilement.Le “19” visible ici date du XVIIIe

siècle.

© F

ranc

k A

lbar

etPaul Weiss fut Inspecteur général des carrières à partir du 24 juillet 1907 jusquefin 1911. Entré à l’Inspection fin septembre 1899, il collabora à l’exécution d’uncertain nombre de planches de l’IDC sous la direction de Wickersheimer sonprédécesseur. Sous Paris on trouve encore la trace de l’exercice de topographiequ’il réalisa en 1889, lorsqu’il était élève à l’École des Mines.

© p

hoto

Fra

nck

Alb

aret

Revue XYZ • N° 108 – 3e trimestre 2006 55

...

Jusqu’en 1999, date d’apparition de laDAO (= dessin assisté par ordinateur) àl’Inspection, la mise à jour des cartesétait effectuée manuellement. Depuis,l’ensemble des cartes a été scanné avecune résolution de 300 dpi (générant desfichiers de 40 à 60 Mo) ; les élémentsconstitutifs du plan sont alors vectorisés,et les ajouts ou les modifications à effec-tuer suite à de nouveaux travaux souter-rains sont intégrés au moyen de tables àdigitaliser. Cette vectorisation des cartesse déroule au rythme de 15 par an.

En 1968, la numérotation des cartes futmodifiée : d’un simple numéro d’ordreséquentiel, on appliqua le principe d’untableau à deux entrées. Par exemple laplanche 25-50 correspondant au secteurautour de la place Denfert-Rochereau,était autrefois identifiée par le numéro281. Ces plans, destinés à être vendus3,sont tirés à 200 exemplaires, ce quisemble un bon compromis permettantd’atteindre l’obsolescence de la carte(sans générer trop de pertes), et donc ladécision d’en faire effectuer un nou-

veau tirage intégrant toutes les modifi-cations intervenues depuis l’éditionprécédente, tant au niveau du sous-sol(suite aux prescriptions émises parl’Inspection des carrières lors desdépôts de demande de PC) que du bâti(dû aux transformations urbanistiquesindissociables d’une grande métro-pole).

En parallèle, d’autres plansvirent le jour officiellement… et mêmeclandestinement !Pour différentes raisons, d’autres admi-nistrations durent effectuer leurspropres topographies souterraines.C’est le cas du “Ministère de la guerre”qui, au XIXe siècle, fit effectuer de telsrelevés à l’aplomb de ses biens immo-biliers (par exemple le Val-de-Grâce, leparc à fourrages militaire de Vaugirard,ou des forts de l’enceinte de Paris). Etcela fit aussi partie de l’enseignementdispensé dans certaines Grandes Écoles

parisiennes : ainsi et chronologiquementde l’École Nationale Supérieure desMines, de l’École Centrale ou de l’ÉcoleSupérieure de Géomètres et Topo-graphes (= SupGéTo).

À l’origine, l’École des Mines formait lesfuturs ingénieurs qui partaient de par levaste monde pour s’occuper des diffé-rentes concessions minières répartiessur le globe ; le cursus des élèves com-portait en conséquence l’enseignementde la topographie souterraine. Les bâti-ments de l’École des Mines se trouvanteux-mêmes sous-minés par des gale-ries de servitude de l’IDC, quoi de plusnaturel que d’y organiser les exercicespratiques de topographie souterraine.C’est ainsi que des générations d’élèvesse succédèrent, dès le XIXe siècle et jus-qu’à la mi-XXe siècle dans trois-quatresecteurs bien définis des anciennes car-rières souterraines de Paris, afin de s’yinitier au levé à la planchette, au manie-ment du théodolite, et à la mise au netsous forme de plans aquarellés, desrelevés effectués sous terre. Du résultat

(1) J. et P. Pallu ont été impliqués dans la recherche de cavités sur le parcours du TGV Est, dans la recherche de la jeune Estelle Mouzindisparue en Seine et Marne (à la demande du SRPJ de Versailles), etc. Ils ont recensé déjà dans leur département, plus de 500 com-munes affectées par des carrières souterraines, des cavités naturelles, des souterrains artificiels, des aqueducs désaffectés, et mêmeun tunnel abandonné !

(2) GRIMP : Groupe de Recherche et d’Intervention en Milieu Périlleux, basé à Chelles. Pour Paris et les trois départements limitrophes,l’équivalent est le GREP (= Groupe de Recherche et d’Exploration Profonde) équipe spécialisée de la BSPP (= Brigade des SapeursPompiers de Paris).

(3) L’accueil du public pour la consultation des planches du sous-sol de Paris, et des trois départements 92, 93 et 94, ainsi que leur achat,s’effectue au 3, avenue du Colonel Henri Rol-Tanguy (métro et place Denfert-Rochereau) les lundis, mercredis, et vendredis de 9h00à 11h45. Pour les plans des sous-sols du 78, 91 et 95, s’adresser à l’Inspection générale des carrières abandonnées, 147 rue Yves LeCoz – 78000 Versailles (01 39 25 12 12).

Plan du cimetière Montparnasseextrait de “l’Atlas souterrain de laVille de Paris” de Eugène De Fourcy(Paris 1859). (collection particulière)On comprend parfaitement ce quiest décrit par certain comme un “unvéritable tour de force graphique enmême temps qu’un bon révélateurdu mélange d’angoisse et defascination exercé par le mondesouterrain au XIXe siècle, avec sesformes indécises qui semblentramper sous les immeubles de laville. Elles font songer à des culturesde bactéries ou à des vers en passed’engloutir des quartiers entiers dela capitale. Les craintes suscitées parle souterrain trouvent ici uneexpression graphique des plusnettes, même si la cartographie apour fonction de les apprivoiser”.

Revue XYZ • N° 108 – 3e trimestre 200656

Histoire

de ces exercices pratiques souterrains,nous n’avons retrouvé que peud’exemples, alors que nous avons puréaliser in situ l’inventaire des groupesde TP de topographie qui se succédè-rent dans les entrailles de Paris, à l’ini-tiative principalement de deux profes-seurs : Louis Naudin (de 1893 à 1937pour les Centraliens), et de Robert Taton(le bien nommé ; pour les Mines,Supgéto et le CNAM). Cet enseigne-ment cessa pour Supgéto au momentde sa première délocalisation à Evry en1978 (l’école s’expatria par la suite auMans l’été 1997), et pour les Mines suiteà une réforme importante de l’ensei-gnement qui eut lieu entre 1962 et 1964.Quoi qu’il en soit, cet enseignementn’aurait de toute manière pas pu per-durer éternellement, la dernière minede charbon de France ayant fermé enavril 2004 (c’était La Houve, enMoselle)… sauf pour la beauté dugeste, car il faut bien reconnaître queles plans aquarellés que nous avons eula chance de pouvoir consulter sont devéritables œuvres graphiques, tantceux des élèves que ceux du ServiceHistorique de l’Armée de Terre.

Cet enseignement souterrain était par-ticulier de par le lieu de son exécution :celui-ci permettait aux élèves de seconfronter aux conditions réelles qu’ilsauraient eu à rencontrer par la suite(obscurité, humidité, aspect labyrin-thique semblant inextricable, etc.). Maissurtout cette expérience initiait les étu-diants à la présence du labyrinthe sub-parisien abusivement dénomméCatacombes, et qui a toujours fasciné lapopulation avide d’y projeter ses fan-tasmes les plus inavouables. Sans cetteformation pratique, les géomètres appe-lés à intervenir sous terre auraient puparfois être déroutés par les conditionsbien particulières et souvent inatten-dues des opérations souterraines, et deslevers afférents. Les relevés du sous-solont en effet leurs impératifs propres quiéchappent aux “Géomètres du jour”.Ceci avait débouché sur des conven-tions pour les levers souterrains desmines : si les exploitations ne présen-taient pas plus de 3 étages, on les faisaitfigurer en général sur le même planavec des teintes conventionnelles, habi-

tuellement le violet, le vert et le carmin.Dans le cas contraire, un plan était éla-boré pour chaque étage sur des trans-parents superposables. Sur lesplanches des carrières nous retrouvonsun peu ces mêmes caractéristiques :jusqu’à 3 niveaux d’exploitation diffé-rents par feuille au maximum, et deuxséries de teintes sont affectées à chacundes étages, supérieur et inférieur, ducalcaire grossier comme du gypse.

L’habillage de ces plans et des coupesest bien évidemment un travail supplé-mentaire, mais c’est aussi un plus. Cetteopération consiste à reporter sur ledocument, en suivant des normes,toutes les indications utiles pour lesmultiples services qui auront à consul-ter les plans. Mais trop d’informationsnuit parfois à la lisibilité du propos, d’oùune réappropriation des plans avec laréalisation d’une nouvelle schématisa-tion associée à de nouveaux symbolesen fonction des besoins, tant par lesclandestins que par les autorités.

Après avoir découvert cet univers sou-terrain qui n’est pas sans charme, hor-mis son intérêt historique indéniable,certains élèves envisagèrent et s’es-sayèrent à y retourner purement pour leplaisir, pour la simple balade en s’af-franchissant de la contrainte d’avoir à

n’y être que pour un travail scolairenoté. Les planches de l’Inspection étantcomplexes (peuvent s’y trouver plu-sieurs niveaux, plus le tracé de galeriestechniques telles que le métro, lecadastre, ainsi qu’une foultitude d’infor-mations… pour une couverture de seu-lement 600 m sur 400), le plus simplepour ces amateurs, fut à l’époque de n’ycalquer sur l’ensemble des planchesque le tracé des galeries (soit sous laforme d’un seul trait “moyen” – le planest alors dit “fil de fer” ou tout simple-ment filaire – soit de deux traits maté-rialisant la largeur de la galerie). Puis deréduire les dessins obtenus et d’assem-bler l’ensemble de manière à disposerd’un plan manipulable tenant sur unefeuille plus ou moins grande (du A0 auformat lisible minimal A4), permettantde disposer en un seul coup d’œil del’intégralité du réseau souterrain (savoirplus de 100km de galeries pour les 5e, 6e,14e et 15e arrondissements réunis, 25 kmpour le 13e et seulement 7 km pour le16e. Une autre méthode fut de des-cendre en carrières, parcourir l’intégra-lité du réseau boussole et décamètre enmains, et d’en faire un levé succinctmais néanmoins utilisable. Firent quasi-ment ainsi, entre autres les docteursRené Suttel et Jean Talairach, lorsqu’ilsdécouvrirent l’existence du “Grand

...

Ce niveau à lunette a été dessiné sur les parois de la rue St-Jacques(comprendre la galerie souterraine éponyme) lors d’un exercice topographiquedatant de 1955. À proximité se trouve l’inscription “Ici nous coinçâmes la bulle”laissée à la même époque, et qui est interprétable dans les deux sens : réglagedu niveau de l’appareil, mais aussi farnienter ! (voir page suivante).

© F

ranc

k A

lbar

et

Revue XYZ • N° 108 – 3e trimestre 2006 57

...

Réseau Sud” à partir de l’hôpital Ste-Anne où ils étaient affectés durantl’Occupation. Ils dressèrent un plan àdouble-trait de 1943 à 1945, en espérantqu’il pourrait servir à la Résistance.

Le plan du docteur Suttel n’est pas trèsjuste au niveau représentation desgaleries, surtout dans certains secteurs(par exemple sous le cimetièreMontparnasse), mais il est strictementisomorphe (les nœuds du réseau sontparfaitement corrects). Cela tient auxconditions et à la méthode de relevé. Detoute manière il répond avant tout àune nécessité : “la possibilité pour unlecteur de se diriger facilement dans leréseau des carrières, de se rendre d’uneissue à une autre sans s’égarer enconnaissant les modes et les facilitéséventuels de sortie”, d’où aussi lereport sur ce plan d’inscriptions gra-vées dues à l’IDC ou d’autres repèresvisuels (informations absentes desplanches de l’Inspection), et des indica-tions telles que : “Puits de sortie paréchelle et trappe circulaire devant laLaiterie parisienne 42 bd Pasteur”, avecindication du nombres de marchespour les escaliers. “Ce travail, fait dansla clandestinité pendant de longuesnuits, ayant pour but essentiel le pas-sage aisé et rapide d’un point à unautre, avait exclu volontairement tout

rapport avec l’administration des car-rières”, ce qui est la “norme” pour tousles plans “clandestins” des carrières deParis jusqu’à nos jours. Sur le “Suttel”,les dissimilitudes les plus grandes, parrapport aux plans (filaires ou non) cal-qués viennent du mode de repéragetopographique : “Le tracé de chaquegalerie a été réalisé en comptant les dis-tances en nombre de pas, chaque chan-gement important d’orientation ayant

été noté à la boussole. Le repérage ensurface n’a été possible qu’en utilisant,soit des escaliers, soit des puits à cram-pons par lesquels nous accédions auxtrappons circulaires en fonte [par endessous], traçant à la peinture unemarque, chaque fois différente, dansl’épaisseur de l’orifice médian. Lecontrôle en surface se faisait ensuite dejour, en se déplaçant à bicyclette”, res-trictions de guerre obligent !

Dessin d’un niveau à lunette, datant de1920. Pour son utilisation, cet appareildoit être placé à la verticale d’un pointde coordonnées connues, d’oùl’utilisation d’un fil à plomb. Et pour leréglage de l’horizontalité on se sert d’unniveau à bulle (visible ici au dessus de lalunette)… de là l’expression “coincer labulle”, car cette activité ne demande pastrop d’effort physique !

colle

ctio

n pa

rtic

uliè

re

Sur le plan levé pendant la seconde guerre mondiale par les Docteurs RenéSuttel et Jean Talairach, certaines parties sont visuellement fausses, bien quetopologiquement exactes (les nœuds du réseau sont parfaitement isomorphes à ceux d’une représentation topographiquement correcte). Ainsi en est-il desgaleries sous le cimetière Montparnasse, à comparer avec les deux autres plansde cet article !

© :

Sut

tel 1

943-

45 –

Nex

us 2

002

Revue XYZ • N° 108 – 3e trimestre 200658

Histoire

Le renouveau de lacartographie souterraineparisienne par le prismedes “cataphiles”Une technique mixte fut de calquer l’en-semble des plans de l’IDC, puis d’allersur place vérifier toutes les ambiguïtésdues à la surabondance d’informations.Sur ces plans, parfois sont dessinés“comme sur une carte routière, lesdétails hors échelle pour que ça soitlisible”. De plus sur un plan particulierconnu sous le nom de “Giraud-LaFouine” un apparenté d’historique futajouté sous la forme de dates rappelantdes condamnation d’accès, voire desré-ouvertures. Mais la diffusion àgrande échelle d’un tel exercice de car-tographie à vocation nettement moinstechnique que les planches del’Inspection, se retrouve être à l’imagede la langue d’Ésope : la pire et lameilleure de choses. Cela permet effec-tivement “de faire connaître cet universincroyable qui risque de disparaîtresous les injections de béton”, mais celaouvre aussi la connaissance et la possi-bilité pour des personnes irrespec-tueuses et donc indésirables (voleursdu mobilier historique que constituentles plaques de localisation du XVIIIe

siècle ou de la création du métropoli-tain, taggeurs, et autres vandalesauteurs de profanations ou dégrada-tions irréversibles) de pénétrer la dou-blure topographique du “Paris du siècledes lumières”. En revanche un tel travailn’est valable, comme pour un logiciel,que si des mises à jour régulières exis-tent : “Je sortais de nouvelles versionsrégulièrement, pour tenir compte deschangements”.Et apparition du réseau des réseauxoblige (= Internet), ce travail fut alors misen commun afin que de nombreux contri-butaires puissent ajouter des points dedétail qu’ils avaient vérifiés. “Pendant cetemps, ma famille s’agrandissait, ça plusle boulot, il m’était de plus en plus difficilede descendre, et les dernières versionsont été faites grâce aux infos que certainsme remontaient, dont la célèbre Fouine,qui un jour m’a demandé de numériser leplan. J’ai dit oui, je crois que c’était en1990. Je ne suis pas redescendu depuis,gardant le souvenir magique de ces sou-

terrains endormis. J’ai su que la Fouineavait poursuivi l’œuvre, apportant desmodifications et continuant à diffuser leplan.” Sur la version informatique de ceplan, ce ne sont pas moins de six couchesdifférentes qui ont été définies, chacuneconsacrée à un type d’information : tracédes galeries, localisation des accès,emplacement des inscriptions sur lesparois des galeries, etc. Malgré tout, àl’origine, cela avait nécessité un travail debénédictin pour une seule et même per-sonne : “La constitution du plan lui mêmem’a pris de nombreuses heures, le week-end et en vacances, et j’y ai perdu deuxdixièmes aux yeux”. L’intérêt d’un tel planest de s’y perdre pour mieux s’y retrou-ver, en parcourant ce Paris souterrain vir-tuellement : “Et puis progressivement,l’œuvre a dépassé son utilité première :j’ai voulu un plan fidèle, exhaustif,agréable à regarder... je m’y ,voyageantsur mon plan autant que dans le réseaului-même.”Il est à noté que la représentation desplans avec le Nord en haut de la feuillerépond a une simple convention pure-ment arbitraire, mais malgré tout rare-ment outrepassée. Un élève d’unegrande école parisienne, qui a circulédans les carrières de Paris à la fin desannées 50, nous a ainsi fait remarquer

que pour lui le plan tel qu’il est dessiné,est à l’envers. Dans son cas cela secomprend aisément parce que commeil pénétrait souvent dans les galeriessous Paris par des accès situés au Norddu réseau principal, pour cet élève ilétait tout naturel de représenter lesgaleries à partir de ces points d’accès etdonc de les dessiner au fur et à mesurede leur découverte, ce qui aboutit à unplan inversé. Et puis après tout, lorsquenous sommes dans ces galeries, nesommes nous pas dans un autre Paris,dans un univers miroir qui reflète bienautre chose que nous-même. Et commedans tout miroir il y a inversion de laréalité : la gauche et la droite sont inver-sées. Sous Paris, nous sommes on lesait toujours dans Paris, mais dans unmonde où tout est “sens dessus des-sous”, où il n’y a plus ni jour, ni nuit, niplus vraiment de haut et de bas puisquenous marchons encore dans Paris, maisen ayant toujours et constamment laville au dessus de notre tête.Comme plan de circulation sous Paris,il est intéressant de noter que le per-sonnel de l’IGC, (ne disposant à l’ori-gine que des planches au 1/1000e ou duplan d’assemblage donnant simple-ment le découpage et la numérotationdes planches) a maintenant recours au

“Mise au net” de Maurice Bourbonneux (ECP 27) miraculeusement retrouvéedans une poubelle. Malgré les quelques modifications observées sur place,elle a pu être parfaitement localisée sur le terrain, ou plutôt sous le terrain dusecteur Val-de-Grâce – Hôpital Cochin où eurent lieu les exercicestopographiques de l’École centrale entre 1900 et 1937. On demandait aussiaux élèves de dessiner un certain nombre de coupes.

...

© J

ean-

Luc

Larg

ier

Revue XYZ • N° 108 – 3e trimestre 2006 59

...

plan établi par les clandestins, toutcomme les forces de police amenées ày intervenir. De son côté, la police a elleaussi scanné l’ensemble des plans IDC,dont elle n’a gardé que le niveau desgaleries souterraines pour une raisonde lisibilité évidente ; elle peut alorseffectuer des éditions à façon, i.e. nefaire imprimer que sa zone d’interven-tion couvrant le parcours devant êtreemprunté. Un travail similaire de numé-risation a donc été effectué par diffé-rents services officiels sans semble-t’ilvraiment de mise en commun …On le voit et on le conçoit aisément, leprincipe fastidieux du calque a avanta-geusement été remplacé par la numéri-sation ; il faut dire qu’à peine unedizaine de personnes s’étaient ingé-niées à calquer l’ensemble desplanches IDC couvrant Paris. Tandis quede nos jours, il existe aussi plusieursbases de données “cataphiles” sur les-quelles on trouve l’intégralité desplanches IGC scannées (avec une réso-lution là-aussi de 300 dpi), ce qui a prisà peine un an, avec pour certainesbases la même planche consultableselon ses différentes rééditions, ce quiprésente un intérêt certain pour lesrecherches historiques. Dernier avatar de ce “plan de circulationclandestin” : certains se dirigent main-tenant sous Paris avec une versionconsultable directement sur PalmPilot™. À l’image de la bataille perpé-tuelle et éternelle entre l’arme de jet etle bouclier (dont l’amélioration de l’unentraîne la modernisation de l’autre), ilsemblerait que pour l’instant les autori-tés officielles aient encore un légerretard par rapport à certains utilisateursde cette base de données que consti-tuent les plans souterrains de Paris.

Et demain ? Suite et poursuite de l’expérienceet du travail de l’IDCCette histoire des plans de carrière pos-sède un dernier développement inat-tendu parce que lié à la gestion desdéchets radioactifs par l’ANDRA.Chacun sait qu’un site de stockage àtrès long terme est en cours d’étude àBure (Meuse), dans une cavité artifi-

cielle creusée au sein de la couche d’ar-gile située à 500 m de profondeur. Si ceproblème du devenir des déchets est àl’étude, son corollaire, la persistance dela mémoire de ce site pour les généra-tions futures n’est pas non plus négligé,et c’est là qu’il est envisagé de faireappel au passé de l’Inspection des car-rières de Paris… non pour une histoirede cartographie, mais de plans !Tout d’abord la connaissance de l’exis-tence de ce site de stockage est rédigéesur un support papier dit permanentparce que à très longue conservation(estimée à plusieurs centaines d’an-nées, au moins un demi-millénaire, cequi est néanmoins peu à l’échelle descentaines de milliers d’années néces-saires à la dégradation naturelle de laradioactivité), spécialement créé pourl’occasion. Pour archiver ces écrits, il abien entendu été fait appel aux ArchivesNationales, mais il est aussi envisagé dedéposer cette information dans les mai-ries, chez les notaires, à l’Académie fran-

çaise (qui possède et a su conserver sespropres archives depuis plus de 300ans), ainsi qu’au niveau de l’IGC qui a sugarder ses propres plans depuis à peuprès aussi longtemps (plus de deuxsiècles). L’exemplarité de se service – autravers de ses plans – est donc mise àprofit dans ce nouveau domaine totale-ment inattendu.Mais il ne faudrait pas que, suite à cetarticle, on pense que les quelques racinesde l’arbre que représentent les carrièressouterraines masquent l’abondance duchevelu racinaire de la forêt que constituel’ensemble des galeries occupant lesous-sol de Paris ; la cartographie dusous-sol de Paris n’est pas exclusivementrestreinte à ces anciennes carrières sou-terraines, loin de là. En fait à Paris, onrecense une trentaine de concession-naires différents, gestionnaires deréseaux souterrains qui leur sontpropres : le premier en développement leService des Égouts (pour 2300 km), leChauffage urbain (plus de 400 km de

Voici un extrait d’une des dernières réalisations cataphiles et des plus aboutiesen terme de report sur le plan d’information diverses et variées. Ce plan esttéléchargeable sur Internet sur le site “Cube”. Dans une version ultime il estprévu d’en illustrer la surface par des photos aériennes des monuments deParis emblématiques, et pourquoi pas des jardins parisiens en actualisant ceux-ci au fur et à mesure des modifications de leur dessin paysager.

© N

exus

200

6 ve

rsio

n 5

Revue XYZ • N° 108 – 3e trimestre 200660

réseau), la RATP (Métro + RER, représen-tant 200 km de galeries, qui voient passertous les jours 4.5 M de voyageurs dans leMétro uniquement + 1.5 M de voyagesquotidiens dans le RER ; sans oublier 260km de couloirs de correspondance), EDF(120 km de galeries), France Telecom (50km de galeries en sites propres, i.e.compte non tenu des galeries IDC autre-fois louées à la Ville de Paris), laClimatisation (40 km, réseau en exten-sion constante), les anciens aqueducs duMoyen Age (sur la Rive Droite), l’aqueducMédicis (sur la Rive Gauche, et datant duXVIIe siècle), le Canal Saint-Martin, lesparkings souterrains, etc. Un plan géné-ral de synthèse regroupant toutes cesinformations dispersées est en coursd’élaboration, après une premièreapproche testée en 1993 en DAO. Lesplans anciens déjà existant sont scannés,vectorisés, calés les uns par rapport auxautres avec vérification des pointsd’achoppement sur le terrain, puis digita-lisés. C’est la Ville de Paris qui a obtenu lamaîtrise de l’établissement de cette car-tographie totale du sous-sol qui permet-tra de se le représenter quasiment en 3dimensions (arrêté du 1er février 1978), lesconcessionnaires devant remettre dansun délai de six mois après la fin de leurstravaux, un plan de chaque nouvelouvrage réalisé. Ceci évitera peut-êtredes surprises comme celle survenue auniveau du bâtiment de l’IDC lui-mêmequand, lors du percement du nouvelescalier d’accès des Catacombes en1982, les ouvriers sont tombés sur unegalerie appartenant à la RATP, présente làbien mal-ta-propos.

Le sous-sol de Paris recèle encore, àdéfaut de mystères insondables,d’autres potentialités de surprise, neserait-ce que par la présence d’anciensabris de Défense Passive aujourd’huioubliés, quand ce ne sont pas des abrisanti-atomiques actuels bien réels maisclassifiés Secret Défense, et qui n’ontdonc de présence avérée que virtuelle!

Remerciements Merci à Daniel Chailloux et FrançoiseLidonne (pour l’initiation à la topogra-phie souterraine en carrières), Frieda

“Hibou” pour son intérêt pour les plansvoire plus, Aurélie Corre pour tout et lereste, et Mireille Skzryerbak (si elle avaitsu que relire mes modestes incursionsdans l’écriture prendrait une telleampleur…). Mais aussi et surtout àFranck Albaret et Robert Chardon tou-jours présents et disponibles, respecti-vement pour mes problèmes de photoset la recherche d’illustrations originales,même à la dernière minute ce qui n’estpas le plus facile ! !

ContactGilles THOMASTechnicien à la Mairie de [email protected]

Bibliographie“Topographie souterraine”, de RobertTaton (né en 1903, professeur de topo-graphie à l’École Nationale Supérieure desMines à partir de 1945, à l’ÉcoleSupérieure de Géomètres et Topographes,et à l’Institut de Topométrie du CNAM),édité par Eyrolles en 1960 ;“Les entrailles de Paris”, par le professeurR. TATON (p. 19-29) in “Géomètre”(octobre 1973). Plus particulièrementl’anecdote “La nuit la plus longue” pages

26 et 27 de cet article ;Plaquette de l’Inspection des carrières, dif-fusée pour les 200 ans du service (1977) ;“Catacombes et Carrières de Paris ; prome-nade sous la capitale”, par René Suttel(édité en 1986 par la SEHDACS, puis en1993 par le PICAR) ;“On Station, a complete handbook for sur-veying and mapping caves”, par George R.Dasher (publié par la NationalSpeleological Society 1992) ;“Souterrains et carrières d’Annet-sur-Marne”, par Joëlle et Patrick Pallu (© DMIédition 1995) ;Plaquette de l’Inspection des carrières, dif-fusée pour les 220 ans du service (1997) ;“Atlas du Paris souterrain”, ouvrage collec-tif sous la coordination de Alain Clémentet Gilles Thomas © Parigramme 2001 ;“Le dessin d’une topographie”, pp 12-15paru dans “Spéléoscope” n°20 (Mai2002) Feuille de liaison et d’informationde la commission scientifique et de lacommission environnement de la fédéra-tion française de spéléologie ;“Le fond”, n°4 (année 2005), bulletin del’Association Parisienne de RechercheSpéléologique (circa 200 pages) (cf. sondossier “Explorations et topographies”) ;Interview de Arnaud Grévoze, responsablede la Sûreté nucléaire pour le site de laManche, le 1er février 2006 sur France Inter(émission matinale “Le Sept – Neuf”).Voir aussi les sites Internet :http://www.explographies.com (Cube) et http://geos1777.free.fr

Histoire

ABSTRACTCataphiles - urban explorersimpassioned by the Parisunderground - have borrowed theofficial maps made by thesurveyors of the General Inspectionof the Quarries and created newand far more comprehensiveversions that are much more suitedto their underground wanderings.They are so accurate and practical,they’re even said to be used by theauthorities! These maps can befound on the net, free of charge.And today, Urban Explorers comefrom all over the world to visit“the real Paris catacombs”, fromEurope and the U.S., as well asfrom the farthest reaches,including the ex-Soviet Union andthe Australian antipodes!

Voici un exemple des très nombreux“clous”, ici le numéro 17, encore visiblessur place sous Paris, autrefois utilisés par les élèves comme stations topo-graphiques pendant leurs leverssouterrains. La jeune spéléologue permetde se faire une bonne idée de la hauteurmoyenne des galeries sous la capitale.

© J

ean-

Luc

Larg

ier

...