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Table des matiresPrfaceIntroductionNote prliminaire sur les noms des peuples forestiers, leur localisation et leur importancePremire partie. Le Pays et les HommesChapitre I. Le Pays Gographie physique La gologie La montagne Les Fleuves Le Climat La FortChapitre II. Les Hommes Notions sur l'origine Les vestiges prhistoriques Le Nolithique guinen L'Hypothse d'un peuplement ngrille ancien de la Rgion forestire de Haute-GuineChapitre III. Les sicles obscurs de la rgion forestire de Haute-Guine Anthropologie physique Les Langues Le peuplement ancien L'apport mand L'invasion MalinkChapitre IV. Histoire des pays Kpell Kono Manon : 1750-1905 Historique du peuplement Manon Historique du peuplement Kono-Kpell Formation et histoire des chefferies La confdration de Guasso Vpo Saouro Manon Konodougou Tonal Sonokol Ourapeul-Ounah Boo Manansl G'BensonChapitre V. La priode franaise El Hadj Oumar L'Islamisation de Kankan Samory : premire priode La pntration dans l'Ouest et le Centre de la Rgion Forestire La capture de Samory Opration en Pays Toma Les rapports franco-libriens Pacification du secteur GuerzDeuxime partie. Organisation sociale, politique et religieuseChapitre VI. La socit familiale La famille Composition et notion de parent La famille : communaut de possession La famille : communaut d'habitation La famille : communaut de travail Le mnage l'intrieur de la famille tendue La religion familiale Le mariage Empchements Mariage Les prliminaires La dot La crmonie du mariage Dissolution du mariage Conception Grossesse Accouchement Conception Grossesse L'accouchement L'enfance Les relevailles Imposition du nom Petite enfance La circoncision Maladie, mort et funrailles Funrailles du chef de famille Funrailles du chef guerrier Funrailles du Zohomou Funrailles de la femme enceinteChapitre VII. La socit totmique: le clan Le nom de clan et les totems L'organisation du clan Les rapports entre les clansChapitre VIII. La socit politique Le village L'origine d'un village Organisation du village Le canton Le droit L'organisation judiciaire : le Ton Le droit pnal Vol HomicideChapitre IX. La religion les formes para-religieuses et magiques L'ide de Dieu Le culte des Anctres Les gnies La magie et la sorcellerie Le devin Le Zohomou ou ZoguiChapitre X. L'Initiation La Fort sacre, sige de l'Initiation L'Initiation des Hommes La sortie du Polon L'Initiation des Femmes Consquences de l'InitiationTroisime partie. Les Artisans et les Techniques les ArtsChapitre XI. Les artisans Le forgeron Le tisserand La potire Le vannier et le raphiateurChapitre XII. Les industries Les industries d'Acquisition La cueillette La chasse La pche Les industries de Production L'levage L'agriculture Les industries de Consommation Les industries de Protection Le vtement L'habitationChapitre XIII. La vie intellectuelle et artistique Les sciences Les jeux Les arts plastiques Ornementation Sculpture Les arts musicaux et la danse Les instruments de musique Les chants et les danses La littrature oraleCartesPhotosAnnexe:Contes KonoBibliographie

Prface

Jacques Germain,Un Administrateur au service des Peuples de GuinePourquoi faut-il que le nom de Guine aitun got de cendre? Pourquoi faut-il que tant d'inscriptions sur les murs des cellules nous rappellent les noms de jeunes administrateurs, de jeunes ministres guinens torturs et mis mort auCamp Boiroou disparus ? La chape de plomb, le mur du silence sont bien ce qui peut se faire de pire1.Pourtant la Guine fut en Afrique l'un des pays les plus quilibrs et les plus fraternels de l'ancien domaine colonial franais.Mon premier contact avec la Guine date du 8 septembre 1939 ; je ramenais alors la croisire de la Ligue Franaise des Auberges de jeunesse, qui avait pu aller jusqu' Pointe-Noire. La guerre venait d'tre dclare et Conakry retentissait de chants patriotiques. Les anciens combattants arboraient sur leur boubou des ranges de mdailles de la Grande Guerre 1914-1918. Des cortges se formaient spontanment. Des jeunes gens faisaient la queue pour s'engager.Une visite Mgr Lerouge, alors vicaire apostolique de Guine, me confirma dans cette ide d'une Guine passionnment franaise.Quelques jours plus tard, j'tais invit dner Dakar parAndr Villard, directeur des archives de l'A.O.F., au restaurant du Palais et je rencontraisGilbert Vieillard2qui venait, 40 ans, de se porter volontaire pour le front et ce fut un repas sous le signe des Peuls duFouta-Djalon.Gilbert Vieillarddevait tomber sur les hauteurs Chalaines prs de Vaucouleurs en juin 1940 lors de l'offensive allemande.Cet Administrateur s'tait fait Peul avec lesPeuls. Il parlait la langue, tudiait les coutumes et avait laiss un tel souvenir que les Amicales Gilbert Vieillard formaient au lendemain de la guerreles premiers groupements socio-politiques signaler dans un paysdont Emmanuel Mounier, au cours de son voyage de 1947, vantait la srnit politique.Les tudes sur la Guine sont nombreuses depuis les premiers travaux d'Arcin, ceux ducapitaine Gamory-Dubourdeauet dulieutenant Bouetsur les Toma, ducapitaine Duffnersur les Kpell et sur la rgion correspondante de Cte-d'Ivoire, deTauxiersur lesToura, lesGagouet lesGouro, ducapitaine Viardsur lesGur.Les tudes rcentes revtent une certaine importance : celles deDenise Paulmesur lesKissi, gens du riz, deBohumil Holassur les Kono et les Toura, dePierre-Dominique Gaisseausur les Toma.Depuis l'Indpendance, les travaux ethnologiques et historiques sont peu nombreux et de valeur ingale. C'est pourquoi le monumental travail de Jacques Germain revt une fondamentale importance.N Paris le26 novembre 1922, Jacques Germain est reu en 1942 au concours d'entre l'Ecole nationale de la France d'Outre-Mer (ENFOM). Aprs une anne d'tude, rfractaire au Service du Travail Obligatoire, il rejoint le barrage de l'Aigle (Cantal) le 1er dcembre 1943 avec six autres Colo et l'O.R.A. (Organisation de Rsistance de l'Arme). Il y prpare la mobilisation des travailleurs nord-africains affects la construction des barrages de la Dordogne. Le 1er avril 1944 il est affect l'Etat-Major de la Zone 10 et le 6 juin suivant, jour du dbarquement alli sur les ctes normandes, il commande une section de tirailleurs au sein du groupement Eynard de la Division F.F.I. d'Auvergne. Alors qu'il se trouvait sur le front de Bellort avec la 1re Arme, il est rappel par le gouverneur Delavignette, alors Directeur de l'ENFOM, pour achever ses tudes Avenue de l'Observatoire.Brevet de l'Ecole Nationale de la France d'Outre-Mer, il part en Guine et le 15 mars 1946 il est chef-adjoint de Cabinet du Gouverneur et assume durant plusieurs mois la direction du journal de Conakry La Guine franaise.Le 3 septembre 1946, il est adjoint au Commandant de Cercle deNzrkor. Il y reste seize mois o il fait le grand mtier d'administrateur de brousse, prenant des notes au fil des tournes, organisant les palabres. Il complte ce travail lorsqu'il est chef de Subdivision deYoukounkoun.A l'occasion des tournes Jacques Germain coute les traditionnistesKpell,KonoetManon. Pour pntrer davantage les coutumes ilentre au Polon, stage d'initiation en fort sacre, en mme temps que les jeunes postulants dans le canton duSonkol. Il est galement admis dans leTonouTohon, socit des gens de justice.De ses notes recueillies en 1946 et 1947, il avait tir deux articles parus dans lesEtudes Guinennes.Le sjour suivant il est en Cte-d'Ivoire comme chef de subdivision de Mankono (avril 1949, septembre 1951). Il est ensuite deux annes durant au Cabinet du Ministre de la France d'Outre-mer, avant de repartir pour la Cte-d'Ivoire de fvrier 1954 mars 1956 comme Chef de Subdivision de Boumi.Affect au Cameroun, aprs avoir t chef-adjoint du Service des Affaires conomiques Douala, il est Chef de Subdivision de Nkongsamba.Nomm Commissaire-adjoint au Plan le 2 octobre 1958 il est, l'anne suivante, Directeur du Plan et Professeur l'Ecole camerounaise d'Administration. Il est en mme temps correspondant de Marchs tropicaux et d' Industries et Travaux d'Outre-Mer . Durant sa dernire anne de sjour au Cameroun (1961-62), il est conseiller technique du Ministre Dlgu la Prsidence charg des Finances et du Plan.De retour en France, il est conseiller gographique la Caisse Centrale de Coopration Economique, puis passe dans le secteur priv : il est successivement Directeur des achats, Secrtaire gnral puis Prsident de la filiale franaise d'une socit industrielle amricaine.Paralllement il est lu conseiller municipal de Chaville en 1971 et deuxime adjoint au maire de cette commune. Il est rlu en 1977. Elu conseiller gnral des Hauts de Seine dans le canton de Chaville en 1973, il est secrtaire du Bureau du Conseil. Il est rlu en 1979.Install en Annecy depuis sa retraite il se dvoue au sein du Secours Catholique o il assume en particulier la responsabilit de l'quipe dpartementale Tiers Monde .Au milieu de ses activits sociales et politiques Jacques Germain reprend ses notes de Nzrkor. Il les confronte avec tout ce qui a t crit depuis 1947. Il en profite pour largir le champ de son tude en dbordant le cadre du Cercle de Nzrkor pour l'tendre la rgion montagneuse et forestire de Haute-Guine et de Cte-d'Ivoire.Travail ample, solide et complet, l'ouvrage de Jacques Germain apporte un lment prcieux notre connaissance de la Guine. C'est pour l'Acadmie des Sciences d'Outre-Mer un honneur de publier cette tude fondamentale.Robert CornevinSecrtaire perptuel de l'Acadmie des Sciences d'Outre-Mer.Notes1. Trois livres, entre autres, marquent cette dramatique rpression : Jean-Paul Alata,Prison d'Afrique, Le Seuil, 1977 (rdit aprs saisie en 1983) Amadou Diallo,La mort de Diallo Telli, Karthala, 1983. Nadine Bari,Grain de Sable, Le Centurion, 1983.2. R. P. Patrick O'Reilly.Mon ami Gilbert l'Africain. Dijon, 1942. Notice Gilbert Vieillard (1899-1940). Collection Hommes et destins. Acadmie des Sciences d'Outre-Mer. Tome 1er, p. 610-612.

Introduction

La Rgion Forestire de Haute-Guine qui, administrativement, s'tend d'Est en Ouest sur les cercles de N'Zrkor, Macenta, Guekdou et Kissidougou, soit de 80 10045 de longitude Ouest, est l'habitat actuel des populations Manon, Kono, Kpell, Toma, Kissi et Ll.Cependant, celles-ci s'tendent largement sur le Liberia (o les Manon ont autant de reprsentants qu'en Guine et les Kpell deux fois plus) et le Sierra-Leone. Elles dbordent galement au Nord sur le Cercle de Beyla, les Kono dans le Karagoua et les Kpell dans le Kossa-Guerz (Boola).Rciproquement, les populations mand de la savane, Kouranko, Malink, Koniank, ont entam plus ou moins profondment la rgion forestire spcialement en pays Kissi et Toma.A l'Est, la Cte-d'Ivoire dans ses rgions frontalires de Touba, Man, Danan et Dukou, prsente des caractristiques physiques et humaines, l'apparentant trs fortement la Haute-Guine : relief accentu, couverture forestire encore importante, populations vraisemblablement de souche et de culture communes : Mahou, Weingm (ou Toura) Dan (ou Yafoba). On trouve d'ailleurs quelques villages Dan en Guine dans le Nana-Sud. Les Gur s'en rapprochent par la culture sinon par la souche.Ce pays de montagne et de fort a t le creuset o, avec des apports trs divers que nous nous efforcerons d'analyser, s'est forme peu peu une culture individualisant les populations y ayant trouv refuge la suite des vnements qui, au cours des sicles, ont provoqu dans cette partie de l'Afrique, comme ailleurs, des migrations, des mouvements de flux et de reflux difficiles dmler.Cette tude a t mene en 1946-1947 dans le cercle de Nzrkor o nous servions comme adjoint au Commandant de Cercle.L'observation directe, spcialement l'occasion des tournes de recensement, et les longues conversations nocturnes avec les notables Kpell, Kono et Manon ont t nos principales sources.Nous avons voulu vivre le plus prs possible de nos administrs pour en retracer plus fidlement l'histoire et en analyser les coutumes.C'est ainsi que nous avons t amen entrer au Polon, le stage d'Initiation en fort sacre, en mme temps que les jeunes postulants dans le canton du Sonkol.Nous avons galement t admis dans la Socit des gens de justice, le Ton ou Tohon. Mais nous ne nous faisons pas trop d'illusions sur l'tendue de la rvlation qui nous a t faite. Nous sommes persuad que, bien entendu, on ne nous a montr que ce qu'on voulait bien nous montrer, aussi cette tude, dont certains fragments ont t publis dans la revue desEtudes Guinennes, n'avait nullement la prtention d'tre complte.Aussi, trente ans aprs, avons-nous repris nos notes pour les enrichir de tout ce qui avait t crit depuis 1947 et les y confronter. Egalement pour largir le champ de notre tude et dbordant le cadre troit du cercle de N'Zrkor, l'tendre la Rgion Montagneuse et Forestire de Haute-Guine et de Cte-d'Ivoire par suite de l'unit de culture des diffrents peuples qui l'habitent.La bibliographie que nous donnons en annexe est relativement abondante et tout en prenant pour base notre propre tude, nous avons tent une synthse qui, certes laisse beaucoup de points dans l'ombre et pose plus de points d'interrogation qu'elle n'apporte de solution, mais qui, nous l'esprons, peut servir de base un approfondissement ultrieur des chercheurs.Nous avons trouv des sources particulirement prcieuses tant dans les travaux anciens d'officiers et administrateurs dont l'AdministrateurArcinpour l'ensemble de la Guine, l'AdministrateurTauxierpour les Toura, les Gouro et les Gagou, le Capitaine Gamory-Dubourdeau et le Lieutenant Bouet pour les Toma, le Capitaine Duffner pour les Kpell, le capitaine Viard pour les Gur, que dans ceux plus rcents des ethnologues et linguistes :Il faut signaler les ouvrages remarquables de MmeDenise Paulmeet de M.Yves Personsur les Kissi, ceux de M.Bohumil Holassur les Kono et les Toura principalement et galement le livre de P.D. Gaisseau sur les Toma (Fort Sacre et Magie).Nous n'aurons garde d'oublier M.R. Schnell, spcialiste de la Biogographie forestire et passionn du problme du peuplement ancien de celle-ci, avec lequel nous avons eu tant de fois l'occasion d'voquer toutes ces questions au campement de N'Zo au pied de ce Mont Nimba qu'il connait si bien.Puisse cette modeste contribution de notre part, aboutir une meilleure connaissance des peuples de la Rgion Forestire de Haute-Guine et prouver, si besoin tait, que le sens de l'humain n'tait pas absent de notre action d'Administrateur et qu'avant la connaissance des textes, la connaissance de l'Homme nous paraissait fondamentale.Jacques GermainAdministrateur en Chef des Affaires d'Outre-Mer (E.R.)Nzrkor 1947Annecy 1983

Note PrliminaireSUR LES NOMS DES PEUPLES FORESTIERS, LEUR LOCALISATION ET LEUR IMPORTANCECes peuples sont connus sous plusieurs noms et le nom sous lequel ils sont rpertoris n'est pas forcment celui qu'ils se donnent eux-mmes : il ne l'est mme peu prs jamais.En effet, nous avons connu les peuples de la fort d'abord par les rcits des peuples priphriques, ctiers ou soudanais, chez qui nous tions installs depuis plus longtemps.Le contact avec les Forestiers s'est effectu avec le truchement de guides et d'interprtes dont le premier souci n'tait pas du domaine de l'ethnographie ou de la linguistique. Nombre d'Europens eux-mmes ne se souciaient que fort peu de vrit scientifique et l'habitude a t prise d'utiliser des noms trangers au peuple concern, ou dforms ou rsultant d'une mprise.C'est ainsi que lesKpell, nom qu'ils se donnent eux-mmes, sont appels Guerz par dformation du nom sous lequel les Malink les connaissent.De mme, les Toma sont en ralit lesLomaouLaoma.Quant auxDan, ils sont connus sous le nom de Yafoba ou Yakouba, l'interprte commenant la traduction des propos de l'interlocuteur Dan par il a dit (locution que les premiers europens ont confondu avec le nom de l'ethnie ! ) ; les Toura sont appels ainsi par les Malink et se nommentWeingme(ouWenm) etWeingmeboau pluriel.LesKwenisont connus sous le nom de Gouro donn par les Baoul leurs voisins, ou de Lo par les Malink. Les Gagou sont en ralit desGban, les Ouob desWehi, les Ouan desNw, les Mona desMw, etc.Chaque ethnie est dominante dans une des circonscriptions administratives cres par les Franais mais elle dborde en gnral les limites de celles-ci et sont elles-mmes pntres par d'autres ethnies.Les Kissi qui sont55 000dans le cercle de Kissidougou et82 000dans celui de Guckdou se trouvent galement outre au Sierra-Leone et au Liberia (35 000dans chaque, estime-t-on), dans certains cantons Toma du cercle limitrophe de Macenta et rciproquement certains Toma habitent l'Ouest du cercle de Guckdou tandis que les Kouranko se sont enfoncs dans le Nord du cercle de Kissidougou et, mlangs aux Kissi, ont donn les Lls (9 000sur Kissidougou et4 000sur Guckdou).Les Toma occupent le cercle de Macenta mais ont subi une forte pntration Koniank jusque Macenta par la valle de la Loffa, et dans la rgion du Diani se trouvent mls aux Kpell aussi bien dans le cercle de N'Zrkor, rive gauche, que dans celui de Macenta (rive droite). Ils taient75 000environs en territoire guinen.Les Kpell,103 000en Guine, descendent presque jusqu' la Cte du Libria et occupent un canton du cercle de Beyla (Kossa Guer) tandis que les Kono (qu'il ne faut pas confondre avec les Kono de Sierra-Leone, mtis de Proto-Kissi et de Mand) sont30 000en quatre cantons du cercle de N'Zrkor et un du cercle de Beyla (Karagoua). Les Manon (ouMamia, ceux qui parlent le Ma ainsi qu'ils se nomment) sont tablis dans trois cantons du cercle de N'Zrkor (18 000) et au Libria.En Cte d'Ivoire, leurs voisins de l'Est, les Dans (125 000) occupent les subdivisions de Man et Danan dbordant sur le cercle de Sgula, et ont quelques groupes en Guine dans le cercle de N'Zrkor et bien entendu sous le nom de Geh et Gio des peuplement s plus importants au Libria. Les Weingmebo, ou Toura, sur les pitons de Touba et du Nord de Man sont environ12 000tandis que les Gyo ou Mahou y sont aussi nombreux.Les Gur de Dukou, Toulpleu, Guiglo sont environ80 000.Enfin, les Kweni ou Gouro sont compts pour100 000sour Bouafl et Zunoula, les G'ban ou Gagou sur Oum13 000, les Nwa ou Ouan dans le Sud de Mankono et l'Est de Boumi8 000et les Mwa ou Mona dans le Sud de Mankono plus de5 000.Ces chiffres sont anciens et refltent les recensements effectus dans les premires annes aprs la fin de la Seconde Guerre mondiale, c'est--dire au moment o nous entreprenions notre tude.On peut donc valuer 370 000environ le nombre des Forestiers de Haute-Guine et un nombre comparable celui des populations soeurs de Cte d'Ivoire dont plus de 60% au voisinage immdiat des forestiers haut-guinens.Enfin, il faut noter que si on retrouve Kissi, Toma, Kpell, Manon, Dan au Libria, on y trouve aussi des populations qui y sont concentres mais dont la parent est certaine avec les ethnies guinennes et ivoiriennes de la fort et qui prsentent un mme facis culturel :Gola,G'bl,G'bandi,Mend,Sherbro,Boulom,Geh, etc.Une tude complte du groupe ainsi constitu demanderait une connaissance de chacun des composants que nous n'avons pas. Elle sera faire un jour par suite de l'importance numrique de ce groupe et de son originalit en Afrique de l'Ouest, des traits communs de son habitat et de sa culture.Chapitre ILe PaysGologie Montagnes Fleuves Climat FortIntroductionDans l'ensemble de l'Afrique Occidentale o le continent se caractrise par sa massivit, la rgion guinenne, au sens large du terme, se signale par l'originalit de son relief.En effet, la vieille plate-forme la surface de laquelle les sdiments se sont dposs, est surmonte par un ensemble de massifs orients Nord-Ouest, Sud-Est formant ce qu'on appelle la dorsale guinenne, elle-mme maillon, mais maillon le plus lev, de la ligne de fate soudano-guinenne allant du massif duFouta-Djallonaux plateaux de Nigeria en passant par la chane de l'Atakora au Togo.Cette dorsale, approximativement parallle la cte, aux versants dissymtriques tombant plus rapidement sur l'ocan que vers l'intrieur (on dit que le relief a le dos tourn la mer), a une incidence sur le climat : la mousson ocanienne repoussant les influences continentales, entrane, malgr la latitude, un type de vgtation : la fort dense.La dorsale dtermine aussi deux systmes hydrographiques : l'un orient vers le bassin Nigrien avec principalement le Niger lui-mme prenant sa source l'ouest du pays Kissi en Guine, et son affluent, le Milo, l'autre formant un bassin ocanique avec les grands fleuves du Diani ou Saint-Paul, du Mani ou Saint-Jean, du Cavally, de la Makona ou Moa, de la Loffa, du Mano.La GologieLe gologue Obermuller, qui nous devons une thse sur la gologie de la Rgion Forestire1distingue au point de vue gologiquetroisrgions naturelles d'Ouest en Est.1. Le pays de Macenta, la plus grande puisqu'elle englobe tout le cercle de Macenta, ceux de Guekdou, et Kissidougou ainsi que certaines parties limitrophes des circonscriptions de Beyla (Nord-Ouest), Kankan-Kouroussa et Faranah (Sud), c'est--dire les pays Kissi, Toma, Kouranko et une partie du Konian. C'est une rgion de dmes granitiques o le granite est souvent accompagn de gneiss biotite. Des roches mtamorphiques (quartzites, amphibolites, gneiss pyroxne, calcaires mtamorphiques) en formations plus ou moins tendues, ont la mme direction que les granites.2. La chane du Simandou, de direction gnrale Nord-Sud, intresse le cercle de Beyla mais ses prolongements s'largissent en se dispersant au Sud sur la rgion Kpell-Manon de N'Zrkor entre le Diani et les contreforts du Nimba et au-del au Libria. Ce sont des chanes mtamorphiques avec des formations trs redresses de gneiss biotite, d'amphibolites et de pyroxenites ct de quartzites et de schistes (talc-schistes, chloritoschistes, schistes micacs). Les formations granitiques, sans tre absentes, sont trs dissmines.3. Le pays du Mahana : c'est la rgion cheval sur le Sud-Est du cercle de Beyla, le Nord-Est et l'extrme-sud du cercle de N'Zrkor et mme le secteur contigu de Cte-d'Ivoire. Trs approximativement, elle recouvre le pays Kono et une partie du pays Dan. Le fonds en est granitique mais on note une recristallisation de granites crass tandis que des roches mtamorphiques diverses (gneiss, schistes, quartzites et amphibolites) forment des inclusions de mme direction dans les roches graniques.Si chacune de ces trois rgions prsente des caractres propres, encore que le pays de Mahana soit assez proche de celui de Macenta, on note partout des venues basiques qu'Obermuller date de la mme poque et qui se prsentent en filons ou en massifs dolritiques d'importance modeste dont les principaux sont les falaises de Boola et du Mahana (limite des cercles de Beyla et de N'Zrkor) et celles du Nord-Est de Macenta, de Tokonou et Krouan.On note galement dans les trois rgions les mmes roches mtamorphiques et des granites tous les stades d'crasement. Ce qui diffrencie les trois pays ce sont les proportions relatives de ces deux groupes de roches.Le mtamorphisme observ dans la chane du Simandou et ses prolongements et qu'Obermuller classe dans la srie du Birrimien suprieur par analogie avec la chane du Nandian-Bani situe plus au Nord, aurait t pralable la venue du granite et aurait affect des masses importantes de faon homogne. Par contre, dans le pays de Macenta, l'invasion du granite aurait t brutale, ce qui explique que l'on trouve des massifs offrant un mlange de roches granitiques et d'inclusions reprsentant les terrains du bouclier prcambrien infrieur existant avant l'invasion du granite et que celui-ci n'aurait pas digres , les laissant dans leur tat premier.Paralllement aux phnomnes de mtamorphisme et d'intrusion granitique qui affectaient la Haute-Guine, des pousses tectoniques se dveloppaient, provoquant l'enfouissement de certains plis d'o l'observation de divers stades d'crasement.Ces pousses tectoniques ont t suivies de cassures que les venues ruptives profondes de dolrites ont empruntes pour se rpandre en surface et former des massifs prsentant actuellement des falaises.Enfin, l'tude du profil des fleuves descendant vers l'Ocan, amne adopter l'hypothse d'un soulvement rcent de la Rgion Forestire.Quant la latritisation, Obermuller en situe le dbut vers la fin du tertiaire ou le dbut du quaternaire. On entend par latritisation un processus de dcomposition du sol qui, par l'action alterne des pluies violentes et des priodes de scheresse totale, entrane une disparition de certains composants (chaux, magnsie, alcalis) et une dshydratation partielle pour ne plus laisser qu'un ensemble d'hydrates d'alumine et de composs ferriques donnant la latrite cette couleur rouge caractristique. Ce phnomne, qui se poursuit l'poque contemporaine2semble avoir connu plusieurs poques en Rgion Forestire de Haute-Guine : nous aurons l'occasion d'y revenir tant propos du couvert forestier que des problmes archologiques.La dorsale guinenne dans la rgion forestire prsente donc des analogies du point de vue gologique avec la rgion montagneuse, elle aussi, du Nord-Ouest de la Guine (roches ruptives acides) mais alors que le mtamorphisme y est plus accentu dans les sries cristallophyliennes, les grs horizontaux et autres roches sdimentaires, mtamorphises ou non, que l'on trouve au Fouta-Djallon, sont absentes de la Fort.Cette Rgion Forestire de Haute-Guine semble aussi constituer une rgion de transition avec le massif de Man en Cte-d'Ivoire qui, du point de vue humain, appartient la mme zone3.Cet aperu sur la gologie de la Rgion Forestire doit tre complt par quelques indications sur sa minralisation : diamant, or, graphite, fer et manganse s'y rencontrent.Le diamant a t trouv au Sierra-Leone en 1930 et un petit diamant fut dcouvert dans une rivire du cercle de Nzrkor en 1933, et par la suite dans la Makona. C'est un diamant alluvionnaire et l'on n'a pas pu dterminer la nature de la roche-mre. On note cependant que les principaux gisements sont situs dans des terrains granite-dolrite, prs des sources des grandes rivires : Diani, Makona, Milo. La diamant a donn lieu une exploitation depuis 1935 soixante-quinze km au Nord, Nord-Est de Macenta.L'or que l'on trouve dans des roches mtamorphiques sous forme de pyrite aurifre ou auro-argentifre, ou dans des alluvions, n'a donn lieu aucune exploitation ni artisanale, ni industrielle. Il provient de filons de quartz aurifres individualiss dans des lambeaux d'amphilolite.Le graphite est trs largement reprsent dans le sud-est, cercle de Beyla et surtout cercle de Nzrkor : soit dans les quartzites, quartzites blancs chargs de paillettes et d'amas, grenatites se prsentant sous forme d'affleurements de quatre cinq cents mtres, soit dans les gneiss mais plus rarement, soit enfin dans les schistes ou micaschites comme dans le gisement de Lola o l'affleurement a t rvl par la construction en tranche de la route internationale Guine/Cte-d'Ivoire.La teneur en graphite est trs faible dans les quartzites et les gneiss (3 %.) mais plus leve dans les schistes et micaschistes (jusqu' 20%).Le fer a donn lieu une exploitation artisanale africaine des minerais latritiques moins siliceux et plus pulvrulents que les minerais des quartzites du Nimba, du massif de Dyeck la frontire guino-librienne au sud de Nzrkor, du Simandou et du Gbing (magntite, oligiste, hmatite rouge) et des zones d'altration en bordure de ces chanes. Cette exploitation intressait plutt le nord de la rgion forestire, la zone au contact de la Savane et de la Fort.La MontagneSur cette plateforme granito-gneissique qui constitue le soubassement de l'Afrique Occidentale, des roches sdimentaires mtamorphises et trs redresses sont les racines de chanes anciennes4. Celles-ci, d'poque huronienne, ont t rduites l'tat de pnplaines sur lesquelles ces racines sont restes graves.Mais dans cet ensemble monotone, la Rgion Forestire de Haute-Guine constitue une exception importante. Cependant le relief qu'il est donn d'observer aujourd'hui quand, au hasard d'une tourne la piste vous conduit sur une hauteur de commandement suffisante et assez dnude pour qu'on puisse jouir d'une vue panoramique, ne rsulterait pas, selonJ. Richard-Mollard, des effets directs de la tectonique hercynienne suivie d'arasement, mais de mouvements verticaux : cassures et soulvements entranant une reprise de l'rosion qui renouvelle les vieilles directions prcambriennes.La Rgion est d'une altitude moyenne assez leve pour l'Afrique Occidentale, allant de 400 m dans le Nord 600 m dans le centre pour retomber 400 m dans le Sud et mme 300 m sur les cours infrieurs des fleuves ctiers par suite de la dissymtrie du relief5.Les vritables hauteurs, alignes sensiblement Nord-Ouest, Sud-Est, sont assez exceptionnelles et somme toute modestes : la dorsale ne culmine pas mme deux mille mtres, 1 947 m au mont Loma en Sierra-Leone, 1752 m au Nimba, 1458 m dans la chane du Simandou, 1350 m dans le massif du Ziama en Guine, tandis que le plateau du Tonkoui, dans le massif de Man en Cte-d'Ivoire, a une altitude variant entre 1200 et 1 400 m.Du point de vue de leur nature, ces diffrents massifs peuvent se rpartir en massifs quartzitiques, granitiques, dolritiques.Parmi les quartzites redresss, la chane du Nimba forme frontire entre la Guine, le Libria et la Cte-d'Ivoire. Oriente Nord-Est, Sud-Ouest, son sommet est en Guine et dpasse de 1 000 m la plaine de N'zo. Certaines pentes sont de 75. L'arte de quartz est abrupte et s'abaisse vers le Sud-Ouest.Dans la mme catgorie, on classe les chanes du Nord : Simandou et Gbing, diriges du Nord au Sud sur 120 km avec une largeur variant entre trois et six kilomtres. Une srie de failles dtermine des tronons dcals les uns par rapport aux autres. Le point culminant est le pic de Thio (1 458 m) qui domine de huit cents mtres la rgion. L'rosion a attaqu les quartz et a donn des blocs irrguliers avec une dissymtrie marque des versants, le versant Est tant plus inclin.Parmi les massifs granitiques, on compte la chane du Ziama oriente NordNord-Est, Sud-Sud-Ouest situe au sud de Macenta. Son plus haut sommet est le Mont-Bara de 1 350 m d'altitude environ. Le massif le plus important de la rgion forestire est granitique, c'est celui de Tembicounda orient Nord-Est, Sud-Ouest qui culmine au Mont Loma en territoire Sierra-Leonais 1 957 m, les contreforts du territoire guinen n'atteignant pas mille mtres.En dehors de ces deux massifs d'une certaine tendue, on note des dmes arrondis, dnuds, dominant plus ou moins la plateforme ainsi que des massifs isols d'une altitude plus leve: Yarakoldou (1 325 m) Guimba (1 000 m) Yombiro (882 m) Boundou (737 m), situs dans le Centre, l'Ouest et le Nord.La vgtation attnue encore un model dj imprcis dont ne se diffrencient que les falaises dolritiques, les dmes de gneiss et les pains de sucre de granite. L'rosion agit sur le model, formant de grandes dalles par desquamation et dtachant des blocs paralllipdiques.Les massifs dolritiques sont d'une part groups dans la rgion de Boola o les falaises de Boola et de Mahana ne dominent que de 70 150 m la rgion environnante. Celles que l'on trouve dans un rayon de 70 km entre Macenta et Konsankoro leur sont semblables. De telles falaises se retrouvent l'Ouest et au Nord-Ouest de Krouan sur 75 km.Les FleuvesLe terrain accident et le climat trs pluvieux favorisent l'existence d'un rseau hydrographique trs dense. Celui-ci est distribu entre deux bassins principaux et plusieurs bassins secondaires.La principale ligne de partage des eaux, avoisine le neuvime parallle dans les pays Kissi et Toma, c'est--dire l'Ouest et au Centre. Elle s'inflchit vers le Sud en pays Kono, suivant la crte montagneuse traversant la route Nzrkor-Beyla entre Gouck et Boola. Elle laisse au Nord le bassin du Niger et au Sud celui des fleuves ctiers.Toutes les rivires au Nord de la ligne de partage sont tributaires du Niger et en rgularisent le cours. Lui-mme prend sa source en territoire guinen mais en dehors de la rgion forestire proprement dite, soit dans l'extrme-sud de la Subdivision de Faranah.Son principal affluent est le Milo qui reoit lui-mme la Baoul, le Niandan aliment par la Loul et le Bal.Le bassin ocanique au Sud de la ligne de fate est lui-mme divis en plusieurs bassins secondaires spcialement par les chanes du Simandou et de Gbing orientes carrment Nord-Sud, par la chane du Ziama, les massifs de Boola et du Mahana, enfin le Mont NimbaLe mridien 840' ouest de Greenwich figure une ligne l'Est de laquelle les rivires coulent vers le Sud, Sud-Est (Sassandra, Cavally), et l'Ouest vers le Sud, Sud-Ouest (Makona, Loffa, Diani, Mani).Ces rivires qui traversent l'habitat de plusieurs peuples avant d'atteindre l'Ocan, changent souvent de nom au long de leur cours.La Makona nat au Nord de Macenta vers la cote 1 000 et coule vers l'Ouest en formant frontire avec le Libria puis la Sierra-Leone du Sud de Bofosso l'Ouest de Kailahun, aprs quoi sous le nom de Moa, quittant le rgion montagneuse, elle coule vers le Sud, Sud-Ouest grossie de la Mal l'Ouest et de la Mabiy l'Est. Elle se jette dans l'Ocan 130 km, au Sud-Est de l'le Sherbro.Le Mano, sensiblement de mme direction forme frontire entre le Sierra-Leone et le Libria et se jette dans l'Ocan non loin de la Moa.La Loffa, ne en pays Toma, dont le cours infrieur est approximativement parallle celui du Mano qui la prcde, du Diani et du Mani qui la suivent, a son embouchure entre Robertsport (Cape Mount) et Monrovia.Le Diani on Saint-Paul nat sous le nom de Vano reoit la Toffa et plus au Sud, l'Oul. Celle-ci, venue de la rgion de Gouck, coule paralllement au Diani pendant une centaine de kilomtres puis se dirige brusquement vers l'Ouest, une fois dpass le massif des Maka-Y sparant son bassin de celui du Diani lequel se jette dans l'Ocan juste au Nord de Monrovia.Le Mani ou Saint-Jean nat prs de Nzapa dans le Manaleye six cents mtres d'altitude environ. Il dcrit d'abord une boucle avant de se diriger vers le Sud, Sud-Ouest ; il forme alors frontire avec le Libria, mais d'aprs les traits, la frontire guino-librienne est fixe cent mtres de la rive gauche du Mani : celui-ci est donc sur une grande partie de son cours guinen. Aprs son confluent avec le N'y (qui a reu le G'bin quelques kilomtres en amont), le Mani entre franchement en territoire librien et se dirige vers le Sud pour se jeter dans l'Ocan la pointe de Grand-Bassa (Buchanan).Le Cavally appartient la partie Est du bassin ocanique. Il descend des pentes Nord-Est du Mont Nimba et se dirige d'abord vers le Nord jusqu' Zougouta, puis il descend vers le Sud-Sud-Est, traverse la frontire de Cte-d'Ivoire pour entrer dans la subdivision de Danan. Il se dirige alors vers le Sud puis vers l'Est o il forme frontire avec le Libria, et nouveau franchement vers le Sud, jouant toujours son rle de frontire jusqu' son embouchure.Mention spciale doit tre faite du Gouan ou Bafing qui nat dons les Monts Kouy vers 1000 m d'altitude entre Gouck et Boola, traverse le Karagoua et coule d'Ouest en Est, formant limite entre les cercles de Beyla et de Nzrkor puis entrant en Cte-d'Ivoire sans changer de direction pour se jeter perpendiculairement dans la Sassandra qui, elle, coule Nord-Sud puis Sud, Sud-Est pour se jeter dans l'Ocan Sassandra.Le profil de ces rivires descendant vers l'Atlantique, trs jeune avec une pente moyenne trs forte, est pour Obermuller la preuve d'un rajeunissement des anciennes proximit de la Cte.Leur direction gnrale n'a pas t affecte par le rajeunissement, mais le fait qu'elles creusaient moins vite leur lit, que le relief ne s'exhaussait, aboutit leur donner des profils en long accidents6.Tous ces fleuves ont un profil en travers en U, l'eau coulant dans le fond en saison sche et montant jusqu' dborder largement sur chaque rive en saison des pluies. En effet, les cours d'eau secondaires qui n'taient que de minces filets en saison sche, prennent un rgime torrentiel en saison des pluies et viennent gonfler considrablement le fleuve principal.Cependant, la forme du profil en travers (l'eau doit d'abord monter trs haut avant de dborder de son lit) et la vgtation abondante, empchent les consquences catastrophiques que pourraient avoir ces crues qui atteignent leur maximum en septembre-octobre. Toutefois, en maints endroits, les abords du fleuve sont transforms en marcages sur une largeur apprciable.Les ponts de lianes dont l'tablissement est facilit par ce profil sont alors souvent endommags ou emports. Il nous souvient d'une traverse de l'Oul, limite entre le Boo et l'Ourapeul, en septembre, sur un radeau de fortune reli un cble form de lianes tresses grossirement. Deux essais faits la veille de notre arrive s'taient solds par la rupture du cble et le dpart du radeau la drive par suite d'un courant extrmement fort. Le troisime se fit avec nous-mme, le garde-cercle Bandiougou Camara et notre Boy gris de peur : la rive du Boo fut aborde sans encombre. Cela tait-il d la prsence d'un Zohomou dont la mlodie joue sur une sorte d'Okarina avait pour but, sinon pour effet, d'apaiser les lments et d'carter les crocodiles ?Le ClimatLa Rgion Forestire de Haute-Guine, de Sierra-Leone, du Libria et de l'Ouest de la Cte-d'Ivoire, jouit d'un climat propre.On sait qu'en Afrique de l'Ouest, le climat (et la vgtation qui en dpend) est fonction de la latitude. Du Nord au Sud, on trouve en bandes horizontales, les climats saharien-sahlien, tropical soudanien avec une saison des pluies plus ou moins longue suivant la latitude, quatorial-guinen avec deux saisons des pluies.Mais le relief, et plus encore que l'altitude proprement dite, la direction de ce relief par rapport la masse ocanique, introduisent un lment modificateur dans cette disposition des bandes climatiques.Certains, comme H. Hubert, ont class le climat de la Rgion forestire dans le climat dit Foutanien, mais J. Richard-Molard a not trs justement qu'on peut se demander s'il n'est pas abusif de ranger sous le mme titre les climats des deux massifs7.La disposition relative des deux masses en prsence (la masse continentale de caractre boral et la masse ocanique de caractre austral) amne une suppression de certains lments climatiques normaux cette latitude en Afrique.D'une part, la mousson venue de l'Ocan suivant une direction Sud-Ouest, Nord-Est, repousse l'harmattan, ce vent desschant originaire des rgions sahariennes et sub-sahariennes, et est la cause de la rduction de la saison sche.D'autre part, l'aliz austral qui est l'origine de la petite saison sche en Basse Cte-d'Ivoire, au Togo et au Dahomey, s'puise avant d'atteindre la Rgion forestire de Haute-Guine et l'hivernage n'y connat pas d'interruption.L'humidit, qui est considrable, est constante et rpartie sur toute l'anne.La saison sche ne dure que deux trois mois, pratiquement dcembre et janvier. Ds le milieu de fvrier, les tornades clatent d'abord la nuit, en fin de journe puis de plus en plus tt mesure que s'avance la saison. En mai, juin, l'hivernage est compltement tabli et les pluies sont continuelles jusqu'en septembre, au grand dam des routes o le ruissellement creuse des ravines et les camions des ornires. En octobre-novembre, les pluies s'espacent et les tornades font leur rapparition.Du fait que la rgion s'tend entre 10 et 7 de latitude Nord, la pluviomtrie varie entre 2 et 3,50 m par an. La temprature diurne n'est pas trs leve, 28 en moyenne. La temprature nocturne varie entre 15 et 24. Bien entendu, l'amplitude est plus forte en saison sche que pendant l'hivernage et plus forte encore dans la zone de contact de la savane et de la fort.Le degr hygromtrique est lev. Les maxima thermiques sont observs aux priodes intermdiaires (dbut et fin de l'hivernage).L'altitude sans jamais contrarier totalement les facteurs atmosphriques, c'est--dire les vents, qui commandent au premier chef le climat, n'a pas une influence ngligeable et est cause de la cration de micro-climats. R. Schnell a not8une augmentation de la hauteur de chute de pluies de 80 mm par 100 m d'altitude ainsi que du nombre de jours de pluie (quatre cinq jours supplmentaires). Les brouillards sont constants le matin partir de neuf cents mtres.A l'inverse, la temprature dcrot d'un demi-degr par cent mtres d'lvation et l'on a not 19/20 au Tonkoui, 1 120 M, 22,5/23 au Ziama 850 m.En conclusion, l'existence de chanes de montagnes proximit de la cte et leur orientation par rapport celle-ci, sont la cause de prcipitations importantes dont le volume joint la distribution, cre les conditions ncessaires une vgtation de type forestier.La FortCette fort n'est pas la mme d'une extrmit l'autre de la Rgion. Outre la prsence des massifs montagneux qui introduisent un facteur important dans la varit des formations vgtales, l'talement Nord-Sud aboutit une succession (et parfois un mlange) de types forestiers diffrents. Il ne faut pas omettre non plus, en tant que facteur de diversification, l'action de l'homme sur le milieu.La Haute-Guine prsente deux types de forts : la Fort de la Pluie (Rain Forest des go-botanistes ou fort ombrophile) la fort sche ou Deciduous Forest ou encore fort tropophile, avec en intermdiaire la fort msophile.La hauteur des pluies n'est pas le seul lment qui favorise le dveloppement de la Fort de la Pluie mais galement la rpartition des pluies. Ainsi le cercle de Kankan, bien que recevant 1 700 mm d'eau par an, n'a pas de couverture forestire, parce que la mousson arrte ou ralentie par les massifs montagneux, n'est plus assez forte pour contrebalancer les effets de l'harmattan et que la saison sche en consquence y est trop longue.Pour qu'il y ait fort dense, il ne faut pas que la saison sche dpasse deux ou au maximum trois mois. On connat la plaisanterie qui a cours en zone guino-quatoriale : aprs la saison des pluies, il y a la saison o il pleut .C'est peine exagr. Nous n'avons pas connu Nzrkor de mois sans une goutte d'eau, mme en dcembre-janvier.La profondeur de la zone forestire varie d'ailleurs : elle est maximum au niveau du Libria et dpend de la position de la cte par rapport la direction de la mousson, vent de la pluie. Elle est peu prs de 350 km hauteur de Greenville. A partir du Cap des Palmes la cte s'inflchit et la mousson l'atteint sous un angle oblique ; la profondeur de la zone forestire diminue alors pour se rduire cent kilomtres.La rgularit de la temprature, l'humidit constante, l'absence de saison, totalement sche ou sa brivet, favorisent cette formation vgtale qu'Aubreville nomme fort dense tropicale humide et R. Schnell fort dense guino-quatoriale pour marquer sa double appartenance. Nous prfrons l'appellation d'Aubreville car on note une diffrence importante entre l'aspect de la fort guinenne et celui se la fort quatoriale. Comme l'crit J. Richard-Mollard9: l, pas de cathdrale congolaise ou amazonienne avec les fts des grands arbres pour piliers, mais entre ces gants un sous-bois mdiocre qui permet mal de les distinguer .Et pourtant, l'observation montre quatre tages : l'tage suprieur, arborescent, s'lve jusque 50 60 m. Il est form de Fromagers, d'Azobe, de Sipo, etc. dont les cimes constituent une vote discontinue.En effet, sur les fts de ces arbres trs droits et trs levs, les premires branches ne se forment que trs haut. Le feuillage s'tale au soleil par suite de la forme tage de la cime, alors qu'au-dessous rgne l'ombre. Les feuilles sont paisses, luisantes et persistantes. Mais ces gants ont un enracinement peu profond que compense l'existence de contreforts, de racines palettes qui lui procurent sa stabilit. Ce mode d'enracinement est la consquence de la composition du sol o sous une couche utile de quelques dizaines de centimtres on trouve une argile compacte, sans oxygne ni substances organiques. On comprend alors cet talement des racines qui s'efforcent de couvrir le maximum de surface o l'arbre puisse puiser les lments ncessaires sa croissance et sa vie.Puis vient un tage moyen atteignant vingt trente mtres, form d'une futaie avec une seconde vote forestire quasi-continue.Enfin une strate arborescente infrieure compose de semis de grands arbres et d'arbres de taille modeste, puis le sous-bois inextricable. Les parasoliers aux feuilles caractristiques, au tronc si cassant, sont les htes de cet tage. On note de nombreuses espces latex qui selon R. Schnell, seraient les plus propres rsister l'attaque des insectes.Ces diffrentes tages sont relis entre eux par des lianes et des piphytes fougres, orchides, lisent domicile sur les grands arbres et particulirement sur les branches suprieures. Certains comme le Ficus, qualifi d'trangleur, touffent en l'enserrant l'arbre qui leur a donn l'hospitalit.L'absence de luminosit, l'humidit constamment renouvele font du sous-bois l'habitat prfr des plantes d'ombre.La faune s'est adapte ce milieu : beaucoup de mollusques, de lombrics, de batraciens et aussi d'insectes, de termites, de micro-organismes qui attaquent le bois des arbres, mme sur pied. Aussi les tornades provoquent-elles l'effondrement de gants mal enracins et mins de l'intrieur.Les mammifres sont bas sur pattes, avec les cornes en arrire pour faciliter le passage dans le fouillis du sous-bois. L'adaptation au milieu a donn la faune dite du Nimba : antilopes naines, buffles nains, hippopotames nains.Les singes sont nombreux dans les hautes cimes l'abri de la panthre. L'lphant est rare ou absent: en 1947, on citait un solitaire entre Boola et Gouck.La toponymie fait allusion au lion (Yaragpal: le passage du lion, village du Boo en pays Kpell) mais on le voit mal vivre et voluer dans un tel milieu, peut-tre est-il fait allusion un vnement pass lorsque les Kpell habitaient les savanes de Missadougou plus au Nord.Il faut convenir que telle que R. Schnell la dcrit dans son Introduction l'tude botanique de la Rgion forestire, la fort primaire ne se rencontre plus en Haute-Guine qu'en certains massifs tmoins. Dans le cercle de Nzrkor par exemple, il faut citer la fort du Manaleye entre la route du Libria et le fleuve Mani, pratiquement vide d'hommes, ainsi que le secteur compris entre l'Oul et le Diani au Sud du Boo.

La structure de la fort dense est domine par la puissante exubrance de sa vgtation. Gnralement, on ne voit pas le ciel. Les cimes des arbres forment une vote presque continue qui intercepte la lumire. Autour de soi, on n'aperoit qu'un fouillis d'arbres, d'arbustes, de branches, de lianes. La visibilit est gnralement faible... De loin en loin se dresse la base norme d'un arbre gant; on n'en distingue pas la cime, on n'en peut apprcier la hauteur. Le tronc immense comme une large colonne se dresse et va se perdre dans le fouillis inextricable des feuillages10.

Par une zone de contact, on passe insensiblement au secteur soudanais de brousse boise. Cette zone de contact, dite guinenne, se rapproche de la zone soudanaise et l'on y trouve de grandes tendues de hantes gramines avec a et l des arbres et des bosquets plus ou moins denses allant jusqu' la fort claire. Les galeries forestires longent les rives des cours d'eau sur une profondeur dpendant de l'importance de celui-ci et rappellent la fort dense par leur aspect et leur composition : arbres de grande hauteur mais aussi palmier-raphia, sous-bois avec fougres, lianes. Les Pandanus aux racines ariennes bordent immdiatement la rivire.

Ces galeries sont des avances de la fort dense dans la savane, mais dans la partie la plus au Sud, on trouve aussi des massifs indpendants des cours d'eau, massifs tmoins d'un ancien peuplement forestier. Toutefois, la vie y est ralentie en saison sche, les feuilles sont caduques et les espces peu rsistantes ont disparu : c'est une formation dgrade.

Ces lots forestiers reliques se rencontrent sur toute la bordure Nord de la zone mais notamment en pays Kissi et Kono. La chane du Simandou semble constituer trs approximativement la limite entre les savanes Malink et la fort dense Toma.

La "Deciduous Forest" ou fort tropophile (par opposition la fort ombrophile ou "Rain Forest") dont l'habitat se situe en thorie entre les isohytes 1 350 et 1 600 avec une saison sche vraie, ne correspond pas un type de vgtation entirement diffrent du point de vue de la composition floristique11. Il arrive mme que dans des conditions de sol et de relief diffrents mais la mme latitude, il puisse coexister les deux types de fort.

Ainsi dans la Subdivision de Danan on trouve sur les crtes une fort msophile et dans les valles une fort ombrophile. Sur le Nimba, on rencontre la fort tropophile, la fort de la pluie et des stades intermdiaires.

Le sol de la fort dense est compos la plupart du temps d'une argile latritique parfois de plusieurs mtres d'paisseur, avec en surface une couche mince de dbris vgtaux qui subissent un processus de dcomposition par les micro-organismes.

Cette argile contient de 10 50% d'lments latritiques. Bien que la cuirasse latritique (qui en contient de 90 100 %), soit en principe un sol de savane, on la rencontre parfois sous la fort dense. On verra plus loin ce qu'en ont dduit R. Schnell et d'autres chercheurs. Dans la rgion de Beyla, cette cuirasse est trs dveloppe ; dans celle de Kissidougou, le granite du sous-sol a donn naissance un sol argilo-sableux avec des gravillons ferrugineux au niveau suprieur.

Un sol form d'une cuirasse latritique (sur les plateaux le plus souvent) rend la fort dense instable. Si les valles entaillent la carapace, on trouve un sol pais, humide, favorable la rgnration et la stabilit de la fort.

La Fort joue videmment un rle protecteur vis--vis du sol et l'rosion strilisante reprend quand elle disparat.

Les facteurs humains, dfrichements et feux de brousse, peuvent amener une dgradation du milieu forestier, le passage d'un type de fort l'autre. La fort secondaire s'installe la place de la fort primaire avec ses palmiers huile et ses colatiers.

Si ces feux d'origine naturelle ou d'origine humaine (pour la chasse, les dfrichements, le maintien des pturages, le renouvellement du chaume de couverture des cases) ont peu d'importance sur la fort dense de basse altitude que l'humidit constante rend pratiquement incombustible, la fort ne disparaissant que de l'espace dfrich, ils ont un effet rgressif sur les formations de contact.

En dehors de cette bordure nord, on peut trouver des plaines de savane au milieu des massifs forestiers : savane de Bossou dans le Manon, savane du Nykol au Sud de Nzrkor entre G'bin et N'y. On peut les considrer comme les preuves d'un peuplement tmoin plus dense.

Mention particulire doit tre faite des forts montagnardes.

Nous avons vu que l'altitude avait quelqu'influence sur le climat : augmentation de la pluviosit (hauteur et nombre de jours de pluie), diminution lgre de la temprature, importance des brouillards. Le Ziama, le Nimba et les Dans sont en fort dense. Le Simandou et le Loma situs en zone botanique guinenne offrent des lambeaux de fort dense humide.

Le massif du Nimba, qui a fait l'objet d'tudes trs pousses de R. Schnell, Lamotte et Leclerc, s'lve jusqu' 1,752 m et son arte abrupte au Nord-Est dans la partie guinenne, s'abaisse au Sud-Ouest jusqu' 1 200 m dans la partie librienne o elle est peu prs totalement boise. En Guine par contre, partir de 800 m, on trouve un tapis herbac bas avec des espces orophytes et des arbre isols. Les traces de calcination font penser un recul rcent sous l'effet des feux de brousse d'autant plus qu'on retrouve la fort dans le fond des ravins, mme quand ceux-ci s'lvent jusqu' 1 600 m.

Au Ziama, on retrouve une fort montagnarde de peu de hauteur prsentant les mmes espces que les reliques du Nimba et du Simandou.

La Chane du Simandou trs nordique pour la rgion, est couverte de prairies se raccordant la savane de la plaine. Toutefois, des lambeaux de fort montagnarde, plus tendus sur le versant Ouest expos la mousson que sur le versant Est que frappe l'harmattan, occupent les pentes suprieures et mme parfois la crte ainsi que le fond des valles suprieures.

Au contact de la zone d'agriculture et d'levage, le Simandou a t plus touch par les feux de brousse et R. Schnell en a dduit une couverture forestire primitive de l'ensemble de la crte et un recul rcent.

Au Nimba, au Ziama, au Simandou, la fort des pentes et des crtes est une fort aux arbres relativement peu levs (8 15 m) et la ramification basse, contrairement la fort des ravins prsentant les caractres de la fort dense de basse altitude.

Le plateau du sommet du Tonkoui, dans le massif des Dan en Cte-d'Ivoire, porte une fort plus haute, une altitude comprise entre 1 200 et 1 400 m. Elle est aussi plus riche et doit sa conservation au regard de l'homme, au caractre sacr de la Montagne.

C'est en effet la nature du sol et non pas la seule altitude, qui explique l'aspect et la composition de la fort montagnarde. Dans les valles, les ravins, sur les plateaux, un sol pais s'est accumul et favorise la croissance d'espces de grande hauteur. Les crtes et les pentes rocheuses prsentent un sol plus mince et qui se dessche assez fortement pendant la saison sche, mme si elle est de courte dure.

En s'levant, les espces de basse altitude disparaissent et les espces de montagne subsistent, mais leur croissance et leur dveloppement normaux dans les ravins sont entravs sur les crtes et les pentes suprieures par l'appauvrissement du sol.

R. Schnell a constat dans les sols forestiers montagnards des teneurs en matires organiques totales de 20 30%. (contre 3 8 %, pour les sols de piedmont). Le PH inversement est de 4,7 en montagne contre 5 5,5 en basse altitude. L'hygroscopicit est galement plus leve. Ces sols forestiers montagnards sont donc riches en matires organiques, argile et limon d'un brun rougetre. Sur les crtes du Nimba, ils prsentent une texture plus grossire avec un squelette minral de magntite ou de grains de quartz ; de mme sur les dmes du Ziama.

L'espce prdominante de la fort montagnarde est le Sougu grandes feuilles (Parinari excelsa). Elle subsiste seule aux plus hautes altitudes. On la trouve aussi bien en fort haute des ravins qu'en fort basse des sommets.

Si les facteurs daphiques jouent le rle essentiel, les facteurs climatiques contribuent galement la structure de la vgtation montagnarde : l'humidit, la nbulosit, expliquent l'abondance des mousses, des lichens et des fougres.

Cette fort, dj bien attaque aujourd'hui sur sa lisire et parfois transforme dans l'intrieur mme, a-t-elle toujours recouvert cette Rgion d'Afrique Occidentale ? R. Schnell voit dans l'existence d'une carapace ferrugineuse sous la fort dense et dans la prsence de certains orophytes de prairie sur les sommets, incompatibles avec un habitat forestier, les preuves d'un rgime ancien non forestier12.

Par contre, l'tude de la limite actuelle de la rgion forestire amne penser que la fort dense se prolongeait au nord de celle-ci par une fort msophile avant que l'agriculture, la chasse et l'levage de savane, par les dfrichements et les feux, ne la dtruisent presque compltement. Cette conclusion repose sur l'observation du caractre trop tranch de la limite actuelle et de l'existence d'lots forestiers vestiges et tmoins au nord de cette limite.

Il y aurait donc eu une variation de la couverture vgtale lie aux variations climatiques constates aux diffrentes poques dans toute l'Afrique Occidentale.

En une premire phase correspondant au Palolithique ancien, on suppose un climat humide avec un rgime forestier. Les cours d'eau sont importants et entranent les sols meubles dans les valles et en Piedmont. Elle correspond la priode du Sahara humide.

La deuxime phase correspond au Palolithique moyen, c'est une phase de desschement au cours de laquelle la fort dense recule ou est remplace par des formations xrothermiques, les dpts des valles et des piedmonts se transforment en conglomrat ferrugineux, on assiste la formation de carapaces par durcissement du sol.

La troisime phase intresse le Palolithique suprieur et le Nolithique. En une premire tape, le climat est plus humide qu' l'poque contemporaine, puis vers le VIe millnaire, au dbut du dernier desschement du Sahara, on passe insensiblement au climat actuel. Les valles entaillent les dpts des cours d'eau, la carapace forme en phase Il reste localise. Le rgime est forestier mais les forts installes sur la carapace sont instables et une fois dtruites, ne se rgnrent pas et font place la prairie ou la savane.

Ainsi de la structure du sol et de la vgtation du Nimba qu'il a plus spcialement tudies, R. Schnell tire les mmes conclusions que celles du Capitaine Y. Urvoy pour le Niger et du gologue R. Furon sur un plan plus gnral, conclusions qui nous amnent la question de l'Homme et la Montagne, de l'Homme et la Fort.

La Montagne, ainsi que nous le verrons bientt, joue un grand rle dans le peuplement, que celui-ci soit positif ou ngatif.

Si la Montagne a souvent un caractre sacr et est le sige des Gnies, les traditions en font aussi le lieu d'apparition d'tres supra-terrestres dont l'union avec des femmes autochtones est l'origine des peuples actuels. Et, en fait, de nombreuses traces d'habitat montagnard ont t dcouvertes, de caractre plus ou moins rcent.

Si en Haute-Guine forestire, l'homme n'habite plus volontiers les montagnes, sauf peut-tre dans le Sud du pays Kissi, en Cte-d'Ivoire les Weingb (Toura.) et les Dan recherchent les hauteurs mme escarpes.

L'Homme a trouv dans la Fort un autre refuge. Quel fut cet Homme ? Comment a-t-il tabli un certain quilibre entre son milieu et son action ?

Une civilisation de cueillette et de chasse a d laisser, si elle a exist, la fort intacte.

Un certain quilibre aussi a t maintenu dans une premire phase d'conomie agricole, celle qui a prcd le contact avec les cultures modernes pendant des sicles. Le peu de dveloppement des cultures et par consquent la mise en jachre pendant un temps assez long pour que la fort se rgnre, a permis le maintien de l'quilibre, du moins au cur de la fort dense, car sur la lisire nord plus sche, la destruction du couvert forestier prend un caractre dfinitif.

La Fort elle-mme fournit l'homme l'corce de certains arbres qui, battue, donne une toffe dont il fait des pagnes. C'est d'elle qu'il tire les fruits, les racines, les graines dont il se nourrit et dont il tire ses mdicaments et aussi... ses poisons. Avec le bois, il fabrique des armes, des pirogues, des masques, des instruments de musique, des chaises, des mortiers, des pilons qui constituent son seul mobilier. La nervure des palmes du Ban est sa providence, de mme que le palmier lui mme lui fournit sa boisson.

Enfin la grande richesse traditionnelle de la Fort, comparable l'or du Soudan du point de vue de l'importance conomique, c'est la Noix de Cola qui faisait l'objet d'un trafic intense avec l'Afrique Soudanaise et Sahlienne. Spontan en fort dense le colatier a aussi fait l'objet de plantations systmatiques

L'action de l'homme a eu aussi un caractre slectif, dtruisant certaines espces, en introduisant d'autres, il a transform sa composition du moins sur les aires de culture et autour des villages. De l'ancienne Egypte sont venus les oignons et les hibiscus, par les Arabes la canne sucre, le cotonnier et le citronnier, d'Asie peut-tre le bananier, les taros, les ignames, d'Amrique par le truchement des Portugais, le manioc. Le riz, soit africain, soit import d'Asie au XVe sicle, a pntr en rgion forestire au point que D. Paulme a pu baptiser les Kissi les gens du riz et que le terme pourrait s'appliquer aussi bien aux Kpell. Enfin autour des cases on trouve le tabac et le papayer.

Mais les transformations conomiques qui ont suivi la colonisation, la naissance de nouveaux besoins, le dveloppement d'une conomie montaire pour les satisfaire ont amen une extension des cultures et l'introduction de cultures nouvelles, le cafier essentiellement.

L'quilibre est devenu plus prcaire et les formes rgressives dfinitives ont entam le milieu forestier non seulement sa priphrie mais de l'intrieur, le long des routes et autour des centres en expansion.

Enfin la Fort, c'est aussi la fort sacre le lieu des cultes, de l'Initiation aux croyances et aux traditions de la tribu pour perptuer celles-ci.

Lieu propice la survie de l'Homme qui y a t refoul, la Fort a aussi t le lieu o s'est labore une culture propre aux peuples qui l'habitent.

R. Schnell note qu'il est rare qu'un mme peuple se rencontre en fort et en savane, ou du moins que le fait ne s'observe qu'au niveau des zones de transition o le paysage comporte une mosaque de savanes et de forts reliques.

C'est ainsi que d'aprs D. Paulme13dans le Nord du pays Kissi, pays de savane, le village recherche l'lot forestier vestige au centre duquel il s'installe dans une clairire sans doute artificielle, alors que dans le Sud les cases sont flancde montagne totalement caches dans la fort parmi les rochers.

Par contre, pour B. Holas14le village Kono ne recherche jamais l'ombre de la fort et prfre les vastes clairires et parfois mme les Boowe. Il en dduit que les Kono ne sont pas un peuple forestier mais un rameau dtach de la famille mand qui s'est arrt la lisire de la fort dense et au massif du Nimba. Nous ne serons pas aussi catgorique quant au choix de l'habitat, ni surtout sur l'origine des Kono, mais nous sommes cependant de l'avis que l'influence mand et le mtissage ont t sans doute plus fort chez eux que chez leurs voisins Kpell ou Toma.

Mais de mme que se posait la question de savoir si la Fort avait toujours recouvert la Haute-Guine, se pose celle de savoir si l'Homme l'a habite ds les temps prhistoriques ou plus rcemment et quels Hommes taient et sont devenus ces Peuples de la Fort.

Nous ajouterons que les influences extrieures qui ont contribu la transformation progressive du peuplement autochtone (?) ont eu des effets diffrents selon leur origine.Notes1. A. Obermuller. Description ptrographique et tude gologique de la rgion forestire de Guine franaise. Thse soutenue devant la facult d'Alger. Grande Imprimerie Africaine, Dakar, 1941.2. A. Obermuller. Op. cit., p. 184. Dans la rgion forestire on peut observer des terrasses alluvionnaires rcentes en voie de latritisation .3. A. Obermuller. Op. cit., p. 185. Quant aux facis magnsiens de la rgion forestire, ils constituent les formes de passage du granite banal de la Haute-Guine aux Norites du massif de Man en Cte-d'Ivoire .4.J. Richard-Mollard. L'Afrique Occidentale franaise. Berger-Levrault, Paris, 1949.5. J. Weulersse. L'Afrique noire. A. Fayard, Paris, 1934.6. J. Richard-Mollard. Op. cit.7. J. Richard-Mollard. Op. cit., p. 22. Ce qui est vrai du Fouta, l'est moins de la Dorsale o la latitude est plus basse de 3 ou 4. La pluie commence un ou deux mois plus tt, ce qui est capital pour la fort. Le Fouta a un climat tropical vrai, la Dorsale peut tre un climat pseudo-tropical ou si l'on veut quatorial altr par la mousson qu'arrtent les reliefs, en sorte que les pluies orographiques de mousson masqueraient compltement la saison sche intermdiaire. La Dorsale guinenne parce qu'elle conomise un ou deux mois de saison sche et pas mal d'harmattan, offre l'arboriculture ombrophile des ressources infiniment suprieures celles du Fouta .8. R. Schnell. La fort dense. Introduction l'tude botanique de la rgion forestire d'Afrique Occidentale. Manuels Ouest Africain, no. 1, 1950.9. J. Richard-Mollard. Op. cit., p. 39.10. R. Schnell. - Op. cit., p. 17.11. R. Schnell. Op. cit., p. 39. Il faudrait se garder de voir dans les deux grands types forestiers, deux formations absolument constantes et aussi nettement distinctes que le sont par exemple les savanes guinennes et les forts denses .12. R. Schnell. Essai de synthse biogographique de la rgion forestire. Notes africaines, IFAN 1948, no 40.13. D. Paulme. Les gens du riz. Plon, Paris, 1954, p.15.14. B. Holas. Les masques kono, leur rle dans la vie sociale et politique. Paul Guethner, Paris, 1952, p.15.

Chapitre IIL'HOMME

Les vestiges prhistoriques Le Nolithique guinen L'Hypothse d'un peuplement ngrille ancien de la Rgion forestire de Haute-Guine.Lorsqu'en tourne, au soir d'une tape, prfrant au tam-tam et danses folkloriques sur commande, une veille la lueur du feu avec les notables, autour d'une gourde de vin de palme, les propos s'changeaient sur l'histoire du pays, l'origine des Kpell ou des Manon, nous aurions pu croire, d'aprs les rcits, que la Fort de Nzrkor n'abritait l'homme que depuis deux sicles au plus.Leur mmoire n'avait enregistr que des souvenirs somme toute rcents, relatifs la dernire migration, celle qui, venant des savanes de Missadougou dans la rgion de Beyla, amena Zoho Missa Koma et ses compagnons dans la Fort du Sud. Trouvrent-ils celle-ci vide ?Il existait bien une autre srie de rcits aussi bien chez les Kpell que chez les Manon qui avaient trait la descente d'anctres sur telle ou telle montagne (taient-ils considrs comme des tres supraterrestres ?) s'alliant des femmes autochtones, ce qui prsupposait donc un peuplement antrieur la venue de ces migrateurs, envahisseurs ou conqurants.Mais avant ceux-ci ou entre cette arrive et la migration venant du Nord, rien. Que de maillons manquent la chane !Peut-on connatre avec plus de prcision d'o viennent les diffrents Peuples de la Fort de Haute-Guine et des rgions limitrophes? Pose ainsi, la question reste quivoque : en effet, se demander o taient auparavant Kpell, Kono, Manon, Toma, Kissi, Lel, Dan, etc. signifie qu'on les considre comme des entits avant exist, en tant que telles sinon depuis des temps immmoriaux du moins depuis une poque recule, alors qu'en fait les populations que nous tudiions en 1946-1947 n'taient que la rsultante d'un brassage de peuples soit sur l'habitat actuel, soit dans d'autres rgions d'o une migration les aurait amens dans la rgion forestire refoulant d'autres peuples en partie, se mlangeant avec eux en partie galement.On doit donc parler de Peuples et non de races. Dans son livre lesRaces de l'Afrique15, le Professeur Seligman donne de la race, la dfinition suivante : Une race est un groupe de populations qui ont en commun certains caractres physiques bien marqus. Par convention on appelle race pure, une race pour laquelle nous n'avons pas de raisons de penser qu'elle est forme partir de plus d'une source une poque relativement rcente .A condition de s'ente ndre sur l'expression relativement rcente , cette notion ne s'applique absolument pas aux Peuples de la Rgion forestire de Haute-Guine et tout effort de classification s'avre ardu.Le Gouverneur Delafosse dans son Haut-Sngal-Niger 16, a parfaitement dfini les diffrentes mthodes d'approche pour l'tude et la classification des populations d'Afrique Occidentale et aussi mis en lumire leurs limites : que ce soit la mthode anthropologique qui repose sur l'tude comparative des caractres physiques des individus et sur les mensurations des vivants et des squelettes et dont l'insuffisance provient de l'htrognit de la population la suite des migrations et mtissages ; que ce soit la mthode gnalogique s'appuyant sur les origines et l'ascendance des familles actuelles dont l'insuffisance provient de la tendance des familles notables s'attribuer une origine qui les anoblisse ; que ce soit la mthode ethnographique base sur les analogies et les diffrences des civilisations matrielles et sociales et dont l'insuffisance provient des adoptions et assimilations, le peuple conquis ou le peuple conqurant adoptant les coutumes, les croyances de l'autre ; que ce soit enfin la mthode linguistique qui a un avantage incontestable, celui d'tre base sur des donnes actuellement exactes, faciles contrler et ne laissant une fois tablies place aucune discussion mais qui pour les mmes raisons que les prcdentes ne peut donner entire satisfaction car des peuples ont pu abandonner leur langage pour celle de leur vainqueur ou de leur vaincu ou plus simplement de leur voisin.Aucune mthode elle seule n'est suffisante et si toutes doivent tre simultanment utilises, elles ne peuvent aboutir une classification unique satisfaisante : seule la culture est relativement homogne, dpendant avant tout des conditions du milieu, l'histoire est encore dmler et son tude apportera sans doute pendant longtemps encore, et peut-tre toujours, plus de questions que de rponses.Un fait est probable, c'est que le peuplement de la rgion forestire de Haute-Guine est beaucoup plus ancien que les traditions locales ne le laisseraient supposer, du moins en ce qui concerne sa lisire nord. Peut-on parler de Prhistoire ce sujet ?Ce que R. et M. Cornevin crivent de l'Afrique en gnral ne s'applique gure notre rgion. Ce qui est vrai du Sahara, du Sahel et mme du Soudan ne l'est pas de la Haute-Guine forestire. Ce n'est pas un terrain d'tudes rv pour le prhistorien et le sol n'est pas littralement jonch d'outils prhistoriques en pierre attestant une occupation humaine prolonge 17.Ce n'est pas qu'il y ait absence totale de documents archologiques mais ainsi que le dit R. Mauny18, nos connaissances en ce domaine sont faibles et fragmentaires, ce qui n'a rien d'tonnant car la recherche est rendue malaise par la densit de la vgtation et devons-nous ajouter par les conditions de conservation des vestiges tout--fait dfavorables : l'humidit constante, l'ombre, le travail des micro-organismes sont autant de facteurs qui annulent la possibilit de trouver d'autres tmoins que des objets en pierre.Ces vestiges existent la lisire, mais ont galement t dcouverts dans la fort elle-mme.Jusqu'en 1961 vingt-huit restes osseux humains prhistoriques avaient t dcouverts dans l'Ouest Africain. R. Mauny en a donn la liste dans une note parue dans le bulletin de l'IFAN19. Tous les sites l'exception de ceux de Kourounkorokal et de Segoukoro au Sud, et d'An-el-Guettara au Nord, se trouvent dans une bande troite comprise entre les 15 et 20 de latitude Nord. Au Sud de cette bande les conditions ne paraissent pas favorables la conservation des squelettes (sauf les deux exceptions ci-dessus) et ceci est encore plus vrai pour la rgion forestire.Les seuls vestiges archologiques sont donc des mgalithes, des objets en pierre (parfois en bois dur) et des tessons de poterie.On connaissait dj l'aire des mgalithes sngambiens. On sait maintenant la suite de certaines dcouvertes et certaines tudes, que cette aire s'tend bien plus l'Est avec certes une moins grande densit tout au moins dans l'tat actuel des dcouvertes.Le gologue A. Chermette a consacr un article un monument mgalithique, le monolithe de Sanana, mis jour en 1948 lors de la construction d'une piste reliant Kankan un chantier de prospection minire20. A la suite de cette dcouverte, M. Houis se rendait sur les lieux et avait la chance d'en dcouvrir deux autres21.Le premier avait l'aspect d'un obus de gros calibre avec renflement au tiers infrieur en latrite taille assez grossirement ou d'un pain de sucre bomb latralement de faon dissymtrique . Il mesure peu prs deux mtres de hauteur et son diamtre, sa partie la plus large, est de 0,70 m.Les deux autres, situs trois cents mtres du premier, et deux cent cinquante mtres l'un de l'autre, taient couchs et demi-enfoncs dans le sol : leurs dimensions taient respectivement de 1,73 m sur 0,26 m et 1,45 m sur 0,49 m et leur aspect gnral analogue celui du monolithe d'A. Chermette.Bien qu'appels Mokhoninkaba, c'est--dire les pierres des petits hommes elles taient considres galement comme le produit de la transformation d'hommes en pierre pour chapper aux troupes deSamory! Il ne semblerait pas qu'un culte leur ft rendu ni que les habitants de Sanana prouvassent une crainte quelconque leur gard.Notons cependant que d'aprs M. Houis il les dcouvrit malgr de nombreuses restrictions de la part des vieux .Au Sud de Kissidougou, 20 km environ de ce chef-lieu de cercle, au col de Oualto lors de la construction de la route, on dcouvrit une pierre cupules d'un mtre de haut. Ce mgalithe a t transport au Centre de l'Institut Franais d'Afrique Noire Conakry. R. Mauny pense que ces cupules sont peut-tre artificielles et que la pierre porte en outre des incisions plus rcentes mais aucune signification n'avait t donne aux unes et aux autres23.A Sinko, dans la rgion de Beyla, ont t dcouvertes des boules de pierre associes aux vestiges d'une civilisation d'agriculteurs.R. Schnell24rapproche cette dcouverte du fait, signal par R. Mauny en Angola, de l'emploi de boules de pierre pour la prparation par percussion de meules dormantes. A Sinko, crit R. Schnell le sol sur un vaste espace est parsem de meules dormantes et creus de cavits paraissant tre d'anciens silos. Plusieurs sphres de pierre de la taille d'une grosse orange ont t recueillies au mme endroit .Dans la mme rgion mais entre Beyla et Gouck, Baya donc entre les Koniank et les Kpell et sur l'habitat primitif de ces derniers, R. Mauny note : un monument qui semble peu commun est le cercle de pierres dresses dlimitant une aire compltement pave qui sert de lieu de runions et de palabres. On ne connat pas son ge 25.Des monuments de la mme espce sont signals par D. Paulme dans les villages Kissi26o, sur la place centrale marque par des blocs de pierre, des grandes plaques de granit sont dresses, voquant le souvenir d'un anctre.En pays Kpell, essentiellement dans la rgion proche du Diani donc la limite du pays Toma, nous avons pu faire la mme observation mais il s'agit alors purement et simplement d'un cimetire : les plus grands notables sont enterrs sous une dalle horizontale de schiste ou de granit la tte de laquelle est dresse une autre dalle. Ces tombes sont disposes en cercle et les vieux du village s'y runissent : ils font une libation de quelques gouttes de vin de palme sur les dalles avant de boire.Il est vrai que D. Paulme, dans le mme ouvrage, signale dans le Sud et l'Est du pays Kissi (l o l'influence mand est la moins forte), la coutume de ficher une grande pierre verticale la tte de la tombe au lieu du pieu et de l'auge offrande que l'on trouve ailleurs. Les plus hautes de ces pierres sont entoures d'une bande de coton. Les Kissi galement en font un lieu de runion27.On est donc en prsence de monuments qui peuvent tre aussi bien contemporains que prhistoriques.R. Mauny cite enfin les dcouvertes du Docteur Cariou en pays Kouranko de la Subdivision de Faranah28: il s'agit de blocs d'un rayon variant entre trente et soixante centimtres avec un rebord largi. Un de ces blocs tait non pas hmisphrique mais cylindrique. La face plane tait dirige vers le haut, la partie convexe partiellement enterre.Les habitants du lieu nommaient ces pierres la pierre qui vient du ciel (Gyira Kuru) et leur faisaient des sacrifices.D'autres dcouvertes concernent des objets de petite dimension L'exploitation des alluvions des rgions diamantifres de la Haute-Guine vers Beyla donna E. Ltten un matriel allant du palolithique l'poque subactuelle et dont certains lments trouvs profondment dans les graviers peuvent tre d'ge mdival : fragments de poteries, massues de bois dur 29.Tous ces sites intressent la rgion limitrophe de la grande fort, du pays Kouranko l'Ouest au Konian l'Est mais l'occupation humaine ancienne ne semble pas s'tre arrte la lisire Nord de la fort qui au surplus a vari dans le temps.En effet, en pays Gur de Cte-d'Ivoire et plus spcialement dans la rgion de Guiglo, R. Viard a trouv en grande abondance des instruments en pierre polie30: hachettes, grattoirs qu'il considre de dimension et de facture identique ceux trouvs dans la boucle du Niger.Sur certains affleurements rocheux, R. Viard signale des cuvettes rondes, creuses de main d'homme son avis, et qu'il suppose tre des polissoirs fixes ( Kambli, village situ huit kilomtres au Sud de Toulepleu par exemple).R. Schnell fait la mme observation sur la montagne Ditrou prs du village Tinhou dans la Subdivision de Toulepleu galement. Un abri sous roche est prcd d'une terrasse avec une cavit allonge paraissant tre un polissoir fixe creus dans la masse du rocher .On a d'ailleurs dterr une pierre polie brise dans la caverne elle-mme, qui serait un fragment de hache nolithique31. Elle pourrait aussi avoir servi plus tard l'aiguisage des couteaux.De la terrasse en corniche part un passage pour accder au plateau du sommet: ce sont des pierres plates empiles rgulirement formant les murs d'un boyau carr de 1,50 m de section. Ce chemin fait de main d'homme dbouchant sur le sommet approximativement plat est parsem d'normes blocs granitiques arrondis, entasss et formant abris sous-roches nombreux et parfois spacieux. L'un de ces abris a la forme d'une alle couverte forme de blocs normes, haute d'un mtre environ et large d'un mtre, toute droite et assez rgulire de forme .R. Schnell a explor d'autres montagnes : Montagne Deb, voisine du village Gur de Dozebli, Montagnes Kbai et Ba prs de Dibok.Aucune trace de squelette, seulement des tessons de poterie d'argile Ditrou et Kebai et un bracelet en fer Ditrou.Ces vestiges n'ont pu tre dats. Certaines poteries cependant prsentent une cassure nette et un aspect rcent (Ditrou). Ailleurs, (Kebai) elles sont plus corrodes. Bien que ces poteries semblent diffrentes de celles utilises par les Gur actuels et leurs voisins, leur origine ne semble pas trs ancienne. Nous reviendrons sur cette question au chapitre suivant.Le site le plus important qui ait t tudi scientifiquement en Rgion forestire est la grotte de Bland. Celle-ci est situe en pays Kono dans le cercle de Nzrkor.C'est en 1949 que J.L. Tournier, chef du centre de l'IFAN en Cte-d'Ivoire et charg de la Base IFAN du Nimba, la signale. B. Holas en effectue la reconnaissance et entreprend des fouilles prliminaires dont le rsultat fera l'objet de deux articles dans le Bulletin de l'IFAN32. Des nouvelles fouilles donnent lieu un article de synthse de R. Mauny et B. Holas en 195333.Cette grotte ou abri sous roche est situe prs de la route internationale Nzrkor-Danan (Guine-Cte-d'Ivoire) plus exactement prs de Nzo mi-chemin entre la Base IFAN et le village de Kooulenta. A cet endroit rgne la savane et non pas la fort. Dans un bosquet un marigot prend sa source, le Blan, qui s'enfonce profondment dans le sol et est ainsi cach par la vgtation. D'o l'hypothse de B. Holas sur l'tymologie : Blan signifierait : cours d'eau sans rives et d : tomber. En effet, le Blan fait une chute de huit mtres environ et cette cascade porte le nom de Bland. C'est son pied que s'ouvre la grotte qui est d'ailleurs plutt un abri sous roche de vingt mtres de faade sur dix de profondeur.Plus de deux mille fragments de poterie et de cent pices lithiques ont t dcouverts et analyss.L'anciennet de la grotte ne semble pas trs grande. Les agents climatiques autant que gologiques ont contribu sa formation et l'action rosive du Blan explique la dsagrgation du terrain. Il y a en effet un double effet d'alluvionnement et d'rosion, les formations provenant de l'alluvionnement et celles provenant d'effondrements (boulis) tant spares par une crte qui s'est rvle la plus riche en vestiges.Cette action des agents physiques a amen un remaniement des terrains de telle sorte que devant la coexistence d'objets lithiques et de tessons de poterie, d'une technique et d'un style diffrents, on peut se demander si ce sont des techniques qui coexistaient une certaine poque ou bien si primitivement ces diffrents vestiges se trouvaient dans des couches gologiques bien distinctes et qu'ils auraient t mlangs par l'effet des phnomnes naturels bouleversant l'ordre des couches.Le gologue Lamotte a analys les matriaux dont sont faits les objets lithiques. Il s'agit d'une dolrite typique grain trs fin riche en magntite, la texture microgrenue a donn une grande rsistance l'altration, la richesse en magntite une forte densit et une grande duret .Or la dolrite n'est pas en place dans la grotte et ses environs qui prsentent une carapace latritique recouvrant une formation de gneiss plus ou moins amphibolitiques. Prs de Nzo existe une verrue dolritique qui a d fournir la matire premire.Cependant, B. Holas dans sa note complmentaire de 1952, signalait des outils faits d'une roche cristalline, amphibolite silicifie ou quartzite amphibolique, roches existant dans la bordure mtamorphique du Nimba.Parmi les pices lithiques, il a t not une vingtaine de pics ou haches, herminettes, ciseaux, d'une longueur allant de 125 195 mm et d'une largeur de 35 60 mm (les cts sont tranchants et parfois onduls) une quinzaine de tranchets ou tout au moins classs comme tels sans certitude, des pointes, des bifaces : l'un trouv lors des premires fouilles est de forme amygdalode, grossirement taill. Sa lame n'est polie que d'un ct, il a t trouv un mtre et demi de profondeur. L'autre, dcouvert lors des fouilles postrieures, mesure 125 mm sur 88 mm et a une paisseur de 65 mm. Ses artes sont vives et il ne prsente pas de patine qui puisse faire penser une anciennet plus grande que celle des objets prcdents.Les hachettes polies sont au nombre de quatre. Elles sont de petite taille (40 mm environ) ; leur tranchant ne semble pas avoir servi et B. Holas en dduit qu'il s'agirait plus d'un objet rituel que d'un outil utilitaire, bien que les Kono actuels ne semblent pas connatre les pierres de foudre. R. Viard signale dans son ouvrage, les Gur, peuple de la fort que ceux-ci utilisent comme talisman contre l'orage des hachettes polies qu'ils trouvent dans le sol o ils croient que la foudre les a dposs (p. 12).Il faudrait donc supposer que les hommes qui les ont fabriques, bien que leur donnant la forme d'une hachette, leur auraient donn une valeur votive quoique connaissant leur origine, et que leurs successeurs leur auraient donn la fois une origine et un usage magiques. Ces haches microlithiques servent galement aiguiser les instruments de scarification lors de l'Initiation au Polon34.En outre, il existe de nombreuses pices indtermines et des dchets de fabrication (B. Holas en a recens trois cents sur quatre mtres carrs).Les poteries rvlent des techniques de fabrication plus ou moins avances et posent des problmes de datation. Aucune poterie n'a t trouve entire, il s'agit de fragments dont on dduit qu'il s'agissait de rcipients fond sphrique bien qu'il n'ait pas t possible de reconstituer une pice complte. B. Holas conclue une analogie avec les canaris des habitants actuels.Sur certaines pices, la technique semble rudimentaire : la pte est simplement sche sans aucune cuisson. Certains tessons ont une paisseur remarquable sans que la dimension de la pice entire dduite de la courbure du fragment, en soit plus importante.En surface ou dans la couche suprieure, on trouve par contre des fragments minces cassure sombre.Les dessins ornementaux d'une grande varit sur les fragments les plus anciens sont gravs, ceux sur les fragments les plus rcents sont cords. Bien que certains motifs soient proches des motifs traditionnels utiliss par les potires des villages de Gogota et Ouyakor dans la rgion de Lola aujourd'hui, B. Holas n'en dduit pas une parent proche avec les productions Kono par suite du caractre universel de certaines ornementations classiques en poterie.Que ce soit dans le domaine de l'industrie lithique ou dans celui de la poterie, on peut donc distinguer deux groupes : celui des pierres tailles montrant une technique rudimentaire peu adapte au matriau travaill et celui de l'outillage lithique poli.Si le premier se prte la technique d'clatement par percussion, il ne permet pas un fini trs pouss. Les retouches grossires de la surface et le nombre extrme de pices avortes sont pour B. Holas une preuve d'archasme.Les poteries sches, faites d'une argile rouge brique la texture grossire, aux parois paisses, sont-elles d'une poque plus rcente bien que trs antrieure la strate culturelle actuelle ?L'outillage lithique poli est-il de la mme poque que ces poteries ?Les tessons plus fins, la cassure gris sombre trouvs prs de la surface, correspondent-ils simplement un habitat de rfugis rcents dans la grotte appartenant aux groupes en place l'poque contemporaine ?Il y a donc, ou bien coexistence de ces trois techniques une poque o la mtallurgie n'avait pas pntr en fort, bien que pouvant exister en d'autres rgions, ou bien succession dans le temps mais mlange dans le site sous l'effet des remaniements dus aux agents physiques.Par analogie avec d'autres sites prhistoriques africains, encore que nous devrions nous mfier de ce qualificatif appliqu une rgion o prhistoire et histoire peuvent coexister, on peut suivre R. Mauny dans l'appellation de Nolithique Guinen dont la caractristique serait de prsenter des outillages aux diffrents stades du perfectionnement technique35.La raret des objets lithiques polis par rapport au trs grand nombre des pics et autres objets grossirement taills, a amen un rapprochement avec les gisements du Cap Manuel Dakar et de Bamako.CeNolithique Guinenconstitue une appellation que R. Mauny substitue celle de Toumbien et caractrise de la faon suivante : c'est une industrie caractrise par l'association d'un outillage biface grossier (haches, pics, houes, etc. poli ou non, souvent de dolrite ou autres roches volcaniques), avec des microlithes. Ses affinits semblent plutt le rattacher l'Afrique Centrale tropicale qu'au monde saharien et maghrbien, sauf en ce qui concerne les microlithes.A Bland, les lments grossiers sont seuls prsents, les microlithes n'taient reprsents que par des fragments de quartz : la difficult de travailler cette roche constitue la raison pour laquelle elle a t utilise en simples clats compacts sans avoir t rellement travaille. Que nous ayons affaire Bland du Nolithique malgr le caractre archaque de certaines pices, nous ne pouvons en douter : la prsence en profondeur de trois hachettes polies, de la hache lame polie et des poteries le confirme36.Les dcouvertes de Bland seront-elles suivies d'autres en rgion forestire de Haute-Guine permettant d'augmenter et de prciser nos connaissances sur la prhistoire ou la protohistoire de ce pays ?Le couvert forestier pais rend difficile la prospection et les grottes ne semblent pas nombreuses.Si quelques vestiges classs au Nolithique Guinen clairent quelque peu le problme de l'occupation antrieure de la rgion, l'absence de vestiges palolithiques semble bien tre totale (et explicable) d'aprs R. Schnell37. l'installation de la fort actuelle sous un climat humide succdant la phase du durcissement de la carapace, se serait accompagne d'une disparition souvent totale de l'ancien niveau d'rosion carapace, c'est--dire d'un rajeunissement du sol grce au rgime humide, permettant une rosion rgressive intense .R. Schnell met en parallle les phases climatiques du Nimba avec les grandes divisions du quaternaire telles qu'elles ont t observes dans d'autres rgions de l'Afrique. D'aprs son essai de synchronisation qu'il qualifie lui-mme d'hypothtique en l'absence de vestiges, on peut dresser le tableau suivant :Troisime phase du Nimba Seconde partie : lger desschementDesschement rcent en Egypte VIe au ler Millnaire av. J.-C.

Troisime phase du Nimba Premire partie : climat humidePriode humide du Nolithique Saharien et Est Africain

Deuxime phase du Nimba durcissement de la carapace Palolithique Moyen ?Durcissement des carapaces de Guine o l'on trouve des objets du Palolithique infrieur.

Premire phase du Nimba rgime humide avec torrents importantsEpoque humide du Palolithique infrieur (Kamasien, premier pluvial de Leakey)

Cette synchronisation, crit R. Schnell, repose entre autres sur la contemporanit des carapaces des valles et des plateaux infrieurs avec les carapaces duFouta-Djallon, englobant des vestiges du Palolithique infrieur. Elle s'accorde avec les caractres du model qui ne semblent pas assigner ces carapaces une anciennet plus grande .Cet essai de synchronisationamne penser avec R. Mauny et B. Holas que le gisement de Bland conciderait approximativement avec la fin de la troisime phase du Nimba, c'est--dire celle du desschement du Sahara qui a entran l'migration des nolithiques sahariens vers les zones soudanaises et par contrecoup celle des palonigritiques du Soudan vers la zone guinenne et le peuplement, peu dense probablement, de la rgion forestire qui connaissait alors corrlativement un lger desschementCependant, ainsi que l'observent R. et M. Cornevin, la Prhistoire se continue pour beaucoup de peuples dans une priode historique pour nous : ils mettent en parallle les masques et tatouages des Senoufo avec les peintures prbovidiennes du Tassili des Ajer, les pasteurs bovidiens du Sahara humide avec les Peuls actuels et ajoutent : Si ces survivances clairent ainsi considrablement la priode postgamblienne, elles contribuent galement embrouiller terriblement une chronologie qui ne peut tre base comme en Europe sur des critres archologiques.Comment dater le Nolithique d'Afrique Occidentale puisque certaines populations rfugies dans les zones montagneuses utilisent encore de nos jours un outillage de pierres, puisque les haches en pierre plus considres comme pierres de tonnerre porte-bonheur se vendent encore sur les marchs du Soudan 38.Dans notre rgion, les habitants n'en sont plus l'ge de pierre, mais nous l'avons vu, tant en pays Gur que Kono, les abris sous roche ont pu servir aux populations actuelles ou leurs prdcesseurs comme refuge : les fragments de poterie fine en couche superficielle, Bland, le bracelet de fer Ditrou, sont l pour l'attester. La grotte jusqu' ce jour continue servir de lieu de conscration des devins. Ceux-ci aprs un isolement de un deux jours Bland, sont censs y puiser non seulement leurs connaissances mais encore y trouver l'quipement ncessaire l'exercice de leur profession 39.Faut-il voir une communion avec les premiers habitants ? On peut le croire puisque par ailleurs, selon les Kono, les mes des morts ont une prdilection pour les eaux