Histoire d’un symbole : le caducée Roger Gay (Limoges ... · Dès le Guerzéen (Nagada II), vers...
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Histoire d’un symbole : le caducée
Roger Gay (Limoges)
L’arbre, le bâton, les baguettes, en tout cas, un axe vertical qui va des ténèbres à la
lumière, de l’ignorance à la connaissance, accueille un ou deux serpents venus de la
terre et porteurs de sagesse
Premières apparitions
Des serpents, seuls ou affrontés, se rencontrent dès le néolithique et dans des cultures
très diverses Gaule, Crête, Étrurie, Inde, Chine, Amérique du Sud, et même chez les
Piliers gravés Dalle n°8 (moulage)
Cairn de Gravr’inis, de 7000 à 4000 av. JC
Canaques.
Dalle n°8 de Gravr’inis (moulage)
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La déesse aux serpents, Cnossos, 1600-1580 avant JC.
Vase à parfum de Vulci, VIIè siècle avant JC.
Sceau de Mohenjo-Daro, 3000 avant JC.
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Xipe Totec, l’Écorché, Codex aztèque Borbonicus p. 12.
Serpent à deux têtes aztèque, vers 1500 après JC.
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Christ de Vao, Ile des pins, Nouvelle Calédonie
Totem à un serpent Totem à deux serpents
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Origine égyptienne
Dès le Guerzéen (Nagada II), vers 3400 av. JC, apparaissent des couteaux de sacrifice.
Plusieurs manches sont ornés de serpents.
Couteau de Gebel Tarif, vers 3400 avant JC.
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Couteau de cérémonie avec deux vipères à cornes, vers 3200 avant JC.
Vipère à cornes (Aspis cerates)
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Le premier pharaon [-3100] est le roi serpent, le roi Djer. Sa stèle proclame la réunion
de la Basse et de la Haute-Égypte, le Serpent surmonté du Faucon Horus
Serpent d’éternité, tombe de
Ramsès Ier, 1294 avant JC
Stèle du roi Serpent (roi Djer) Résille de perles, crâne de 1ère dynastie, 3100 avant JC Toutankhamon,1323 avant JC
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Origine mésopotamienne
A Suse, vers 2500 av. JC, deux orants nus se font face, avec entre eux un entrelac de
serpents.
Serpents en filet, Sumer, 2200 avant JC.
Orants et entrelac de serpents, Suse, 2500 avant JC.
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Vers 2120 av. JC, deux serpents, divinités chtoniennes maléfiques, sont enroulés autour
d’un bâton sur le vase à libations du roi Goudéa
Vase à libations de Goudéa, roi de Lagash, 2120 avant JC.
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Hermès et le caducée
u
,
Hermès d’Euphronios, VIè siècle avant JC.
Ningishzida, dieu de la fertilité, messager de la déesse Ishtar, est l’ancêtre mythique du
dieu Hermès. Le caducée, attribut du crieur public, du héraut, est une tige légère munie
de deux ailes, gage de promptitude. C’est aussi un signe de neutralité dans les conflits
guerriers.
Ovide raconte que Mercure trouvant deux serpents qui se battaient, les sépara avec sa
férule et qu’ils s’y enroulèrent, signant la paix retrouvée. Hermès, dieu de la fertilité et d
commerce (inventeur de l’alphabet et des poids et mesures) était aussi psychopompe
conducteur des âmes qu’il accompagnait jusque dans les Enfers
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Sarpédon entre Hypnos et Thanatos
Sarpédon entre Hypnos et Thanatos
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Asclépios et le bâton d’Épidaure
Coronis, fille du roi de Thessalie, est séduite par Apollon. Enceinte de ses œuvres, elle
le trompe avec un mortel. Apollon l’apprend par un corbeau et la tue. Pris de remords à
la vue du bucher, il en extrait son fils : première césarienne. Il confie Asclépios au
centaure Chiron qui lui apprendra la médecine
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Centaure de Lefkandi, Xè siècle avant JC.
Apollon d’Epidaure, VIè siècle avant JC.
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Asclépios qui a reçu du sang de la Gorgone Méduse peut même réanimer les morts.
Zeus, à la demande d’Hadès qui craint pour les Enfers, le foudroie. Apollon, furieux,
extermine les Cyclopes, artisans de la foudre. Finalement, Zeus déifie Asclépios sous la
forme de la constellation du Serpentaire.
Asclépios d’Epidaure, IVè siècle av. JC.
Constellation du serpentaire d’après Johannes Hevelius, 1690.
Tête de Méduse, musée de Sousse, IIè siècle après JC.
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Le dieu et son culte
Dans une légende plus récente, il est dit qu’Asclépios eut deux fils, Machaon et
Podalire. Ils s’illustrèrent pendant la guerre de Troie. Il eut aussi cinq filles dont
Panacée, déesse de la guérison universelle et Hygie, déesse de la santé. Asclépios est
vénéré depuis le VIIe siècle avant JC. Des temples lui sont dédiés, le plus célèbre est
Hermès et un marchand s’approchant d’Asclépios et de trois de ses filles, 1811. Asclépios et Hygie, Ivoire, IVè siècle avant JC Sanctuaires d’Asclépios
celui d’Épidaure.
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Le rite de la guérison
Les malades se purifient, font des offrandes. Le soir venu, ils s’étendent sur des peaux
dans l’abaton, salle de traitement, probablement drogués par les prêtres. Ces derniers
traduisent l’oracle du dieu, accompagnés de serpents qui sont aussi vénérés, les
couleuvres d’Esculape.
Couleuvre d’Esculape Asclépios et le serpent sacré. Elaphe longissima.
Asclépios guérissant un malade endormi, musée du Pirée, Vè siècle avant JC
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Diffusion à Rome
En 293 av. JC, Rome est atteinte de la peste. A la demande du Sénat, Esculape vient lui
porter secours sous la forme d’un dragon. L’île du Tibre où il avait son temple en porte
encore la trace. Cette médecine magique sera éclipsée par un descendant d’Asclépios à
la 19ème génération, Hippocrate de Cos [460-375].
Esculape dans l’ile Tibérine Bâton d’Esculape dans l’ile du Tibre
Esculape débarquant à Rome sous la forme d’un dragon
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Les symboles du caducée L’arbre, l’axe vertical, le bâton Droits comme les hommes, ils représentent la vie. Le sycomore confère aux morts la vie
éternelle. Son bois fait le sarcophage des Pharaons et le cercueil des Papes. Le bâton
est signe d’autorité : bâton de Maréchal, bâtonnier de l’Ordre des avocats. Les
professeurs grecs portaient un bâton rouge pour parler de l’Iliade, jaune pour l’Odyssée.
Le serpent Vivant au contact de la terre nourricière, il en connaît les forces inaccessibles à l’homme.
Par sa mue printanière, il possède l’éternelle jeunesse. Il est aussi un symbole phallique.
Même le serpent de Moïse est guérisseur. C’est pour les chrétiens, qu’envoyé du
Démon, il provoque le péché originel.
Moïse et le serpent d’airain, Strasbourg, fin du XIIIè siècle
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Ève au serpent, Le serpent et la tentation, Andlau-en-Alsace, 1165 bâton de procession Ségovie, XVIè s
L’arbre de la connaissance. Limoges XVIè siècle, musée d’Ecouen.
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Le bouton L’extrémité supérieure du bâton est surmontée d’un bouton qui, tour à tour,
a représenté le soleil ou la lune ou bien un miroir, reflet de la Vérité. On dit que l’homme
prudent doit régler sa conduite par la connaissance de ses défauts. C’est
Dame de Pique la Prudence, jeu de 1793
le miroir de Prudence qui surmonte le caducée.
Le caducée et le miroir de la Prudence
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Période moderne
Jusqu’à la Révolution
Ce sont les hermétistes et les alchimistes qui perpétuent les symboles du caducée.
L’ouroboros signe l’éternel recommencement. Au XVIIe siècle, Saint Côme et Saint
Damien, patrons des médecins, figurent sur le sceau de la faculté de médecine de Pont-
à-Mousson. Ils tiennent ensemble le miroir de Prudence.
Manuscrit alchimique, 1478. Épitre aux dames, vers 1820.
Sceau de la faculté de médecine de
Pont-à-Mousson, XVIè siècle
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Les imprimeurs aussi, dès le XVIe siècle, ont perpétué l’insigne du caducée. Il s’agissait
souvent, mais non toujours, de l’impression d’ouvrages médicaux. C’est ainsi que le
caducée de Mercure s’est trouvé associé à la médecine.
Devise d’Hippocrate La vie est courte,
l’art est long,
l’occasion fugitive,
l’expérience trompeuse,
le jugement difficile.
Bâton serpentaire, Marque de XVIè siècle Robert Estienne, 1664.
Marque d’André Wechel, XVIè siècle
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Apparitions officielles En 1798, les boutons
baguettes (médecine, chirurgie et
1803, par
constitution de l’an XII [1804], com
Bouton d’officier de santé, 20 thermidor an VI (7 août 1798)
Avers Revers Constitution an XII - 1804
d’uniforme des officier
pharmacie). Un
le miroir de Prudence. L’insig
s de santé ont un serpent enlaçant trois
coq les surmonte. Il sera remplacé, en
ne du Sénat Conservateur, institué par la
porte un serpent et un miroir.
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Le caducée de Mercure en médecine
Depuis 1902, les services de santé des États-Unis ont pris comme emblème le caducée
de Mercure, le vrai caducée. En France, de 1816 à 1830, il a d’abord orné le shako des
douaniers. Ce n’est que récemment qu’il a été choisi par les vétérinaires et les
infirmières.
de Limoges (escalier Hôtel de ville)
Caducée américain Caducée de vétérinaire
Armes des médecins et des apothicaires
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Le bâton serpentaire en médecine
Presque toutes les armées européennes ont choisi le bâton d’Esculape, d’Épidaure,
comme emblème. En France, le nom de caducée lui est donné par erreur le 14 juin 1879.
Attribué aux médecins civils en 1956, il est de nouveau appelé caducée. Ce nom est
maintenant habituel.
Faculté de médecine Montpellier
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Insigne de médecin aspirant
Les autres symboles de santé
L’emblème des pharmaciens est la coupe d’Hygie enlacée d’un serpent. Il y boit ou il y
étoile de vie,
bleue, à six branches
maintenant
Insigne de la pharmacie centrale des armées (3 avril 1973)
crache son venin. C’est dans cette coupe que l’on préparait la thériaque. L’
, créée en 1977 par la sécurité routière américaine (NHTSA) est
utilisée par les ambulanciers.
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Union internationale des sciences physiologiques
Carte vœux de l’an 2000, faculté de médecine de Limoges
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Hélice ADN du bureau de Jacques Monod, prix Nobel 1965
Conclusions
Le caducée à un serpent désigne la médecine, celui à deux serpents, le commerce, sauf
aux États-Unis. L’un et l’autre viennent du fond des âges. Ils charrient de nombreux
symboles, mais ils se rejoignent pour l’avenir de la Santé.
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Ouvrages consultés
1. Alliance mondiale des religions. Le Serpent et ses symboles. Neuvième colloque tenu à Paris les 14 et 15 décembre 1974. Méolans-Revel : éditions Des Iris ; 1975.
2. Bayard JP.
Le symbolisme du caducée. Paris : Guy Trédaniel éditeur ; 1980. 3. Boulnois J.
Le caducée et la symbolique dravidienne indo-méditerranéenne de l’arbre, de la pierre, du serpent et de la déesse-mère. Préface de G. Jouveau-Dubreuil. Paris : Jean Maisonneuve éd. ; 1989.
4. Brelet-Rueff C
Les médecines sacrées. Paris : Albin Michel, collection Espaces libres ; 1991. 5. Brelet C.
Médecines du monde. Histoire et pratique des médecines traditionnelles. Paris : Robert Laffont, collection Bouquins ; 2002.
6. Burnand C.
La coupe et le serpent. Nancy : Presses universitaires de Nancy ; 1991. 7. Caso A.
Le peuple du soleil. La religion aztèque. Traduit de l’espagnol et avant-propos de Bernard Dubant. Paris : Guy Trédaniel éd. ; 1990.
8. Contenau G.
La médecine en Assyrie et en Babylonie. Paris : Maloine, collection La médecine à travers le temps et l’espace ; 1938.
9. Delaveau P.
La mémoire des mots en médecine, pharmacie et sciences. Paris : Louis Pariente ; 1992. p.291-300.
10. Duchaussoy J
Le bestiaire divin ou la symbolique des animaux. 3ème éd. Paris : Le courrier du livre ; 1994. 11. Dumaître P
Médecine et médecins. La longue marche de la médecine. Paris : Magnard ; 1977. 12. Eliade M
La nostalgie des origines. Méthodologie et histoire des religions. Paris : Gallimard, collection Idées n°397 ; 1978.
13. Eliade M.
Images et symboles. Essais sur le symbolisme magico-religieux. Avant-propos de Georges Dumézil. Paris : Gallimard, collection Tel n° 44 ; 1980.
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14. Eliade M. Le sacré et le profane. Paris : Gallimard, collection Folio-essais n°82 ; 1987.
15. Eluère C.
L’Europe des Celtes. Paris : Gallimard, collection Découvertes n°158 ; 1992. 16. Krappe AH.
La genèse des mythes. Paris : Payot ; 1938. 17. Lechevallier G.
Dictionnaire des symboles, des arts divinatoires et des superstitions. Paris : Maxi-Livres : 2003.
18. Norma P.
Dictionnaire encyclopédique de la Bible. Paris : Maxi-Livres ; 2001. 19. Ouaknin MA.
Mystères de la Kabbale. Paris : Éditions Assouline ; 2000. 20. Parisot R.
L’arbre. 2ème éd. Puiseaux : Pardès, collection Petite bibliothèque des symboles ; 1998.
21. Rousseau ML.
Histoire d’un symbole : le caducée. Limoges : Thèse de médecine ; 1997. 22. Seznec J.
La survivance des dieux antiques. Essai sur le rôle de la tradition mythologique dans l’humanisme et dans l’art de la Renaissance. Paris : Flammarion, collection Idées et recherches : 1980.
23. Testart A.
Des mythes et des croyances. Esquisse d’une théorie générale. Paris : Éditions de la Maison des sciences de l’homme : 1991.
24. Thuillier P.
La revanche des sorcières. L’irrationnel et la pensée scientifique. Paris : Belin ; 1997. 25. Tryon-Montalembert R de, Hruby K.
La cabbale et la tradition judaïque. Avant-propos par Éliane Amado Lévy-Valensi. Paris : Retz ; 1974.
26. Vons J.
Mythologie et médecine. Paris : Ellipses, collection Sciences humaines en médecine ; 2000.
FIN