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Journal des savants Hermès trismégiste et l'occultisme [R. P. Festugière, O. P. La révélation d'Hermès Trismégiste ; I. L'astrologie et les sciences occultes. Avec un appendice sur l'Hermétisme arabe, par L. Massignon] R. P. Festugière, O. P. La révélation d'Hermès Trismégiste ; I. L'astrologie et les sciences occultes. Avec un appendice sur l'Hermétisme arabe, par L. Massignon Alfred Merlin Citer ce document / Cite this document : Merlin Alfred. Hermès trismégiste et l'occultisme [R. P. Festugière, O. P. La révélation d'Hermès Trismégiste ; I. L'astrologie et les sciences occultes. Avec un appendice sur l'Hermétisme arabe, par L. Massignon]. In: Journal des savants, Janvier-mars 1945. pp. 5-19; http://www.persee.fr/doc/jds_0021-8103_1945_num_1_1_2734 Document généré le 12/04/2016

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Journal des savants

Hermès trismégiste et l'occultisme [R. P. Festugière, O. P. Larévélation d'Hermès Trismégiste ; I. L'astrologie et les sciencesoccultes. Avec un appendice sur l'Hermétisme arabe, par L.Massignon]R. P. Festugière, O. P. La révélation d'Hermès Trismégiste ; I. L'astrologie etles sciences occultes. Avec un appendice sur l'Hermétisme arabe, par L.MassignonAlfred Merlin

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Merlin Alfred. Hermès trismégiste et l'occultisme [R. P. Festugière, O. P. La révélation d'Hermès Trismégiste ; I. L'astrologie etles sciences occultes. Avec un appendice sur l'Hermétisme arabe, par L. Massignon]. In: Journal des savants, Janvier-mars

1945. pp. 5-19;

http://www.persee.fr/doc/jds_0021-8103_1945_num_1_1_2734

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.1 0 U K IN A I.

DES SAVANTS

JANVIEK-MARS 1945

HERMES TRISMEGfSTE ET V OCCULTISM E

R. P. Festugière, 0. P. La révélation d'Hermès Trismégiste ; I. L'astrologie et les .sciences occultes. Avec un appendice sur Y Hermétisme arabe, par L. Massignon (fait partie de la Collection d'Etudes bibliques). Un volume in-8°, 4^4 pages, i planche. Paris, J. Gabalda, io,44-

Les études relatives aux sagesses révélées dans le monde gréco-romain sont en grande faveur. A ce mouvement, M. Franz Cumonl a participé de façon eminente avec son livre sur L'Egypte des Astrologues (1987) et avec les deux volumes qu'il a publiés l'année suivante, en compagnie de M. J. Bidez, sur Les Mages hellénisés (Zoroastre, Ostanès et Hystaspe), dont M. P. Uevambcz ei le regretté A. Puech ont rendu compte ici (1989, p. 85-87, P- >45-i5o). Voici maintenant que le H. P. Festugière, qui a pris rang parmi les meilleurs exégètcsdes religions antiques, fait paraître sur l'hermétisme le premier tome d'un ouvrage d'importance capitale, qui a bénéficié des travaux et des conseils de M. Fr. Cumont et qui lui est dédié. Basées sur la connaissance la plus étendue du sujet, des analyses très approfondies jettent une vive clarté dans ce domaine complexe et ardu, cependant que de copieuses traductions intégrales, dont l'élégante précision atteste et la pénétration de l'auteur et sa familiarité avec ces questions délicates, composent « comme une petite somme dé monuments de là religion populaire sous

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l'Empire » et permettent de prendre un contact direct avec certains documents particulièrement suggestifs. Pour l'effort qu'il s'est imposé afin de nous rendre accessible une matière dont lui-même possède l'absolue maîtrise, pour le succès avec lequel il a atteint son but, le R. P. Festugière a droit à toute notre gratitude et à tous nos éloges.

La révélation d'Hermès Trismégiste se présente sous un double aspect; il y a un hermétisme populaire, qui s'occupe d'astrologie, d'alchimie, de magie : c'est le plus ancien; et il y a un hermétisme savant, auquel l'autre a donné sa forme et servi de modèle, qui s'occupo de philosophie et de théologie. Le volume actuel a pour matière les écrits où l'Hermès égyptien traite de l'astrologie et des sciences occultes. Il est précédé d'une longue introduction générale sur les conditions dans lesquelles les sagesses révélées ont pris naissance, sur les causes qui en ont assuré la diffusion et sur la personnalité d'Hermès.

De cette introduction, le premier chapitre, intitulé le Déclin du rationalisme, met en vigoureux relief le contraste qui marque la période entre Trajan et le dernier des Sévères ; en apparence, la civilisation est plus brillante que jamais, mais à cette prospérité matérielle ne correspond pas, malgré un véritable renouveau intellectuel, une égale floraison de l'esprit ; la décadence est certaine : les œuvres qui voient le jour se contentent de rassembler les connaissances accumulées par les anciens ; aucune n'est originale ; « le temps des découvertes est passé : maintenant on vulgarise. C'est l'ère de l'école, de l'enseignement. » Ce déclin, commencé dès le ier siècle av. J.-C, a son origine dans l'épuisement des forces humaines et dans les guerres continuelles. Et cet affaissement de l'esprit scientifique a pour corrélatif un accroissement, une exaltation et comme une perversion de la piété ; l'homme, toujours passionné de vérité, incline maintenant « à demander à la divinité, sous forme de révélation personnelle, ce qu'il cherchait à obtenir auparavant par les seules forces de sa raison ». A la pensée philosophique et scientifique chez les Grecs, dont le tour d'esprit est essentiellement déductif, il a manqué d'employer l'expérimentation et de contrôler ses édifices dialectiques par le recours au donné concret ; en l'absence de ce frein normal, « le rationalisme grec s'est comme dévoré lui-même ». Devant les désillusions éprouvées aux leçons des philosophes, on se défie de la raison, pfl.se confie à des moyens de connaissance qui lui sont étrangers;

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on s'adresse à l'irrationnel, à l'intuition mystique, aux mystères théosophiques, à la magie. L'intelligence humaine étant courte et sujette à l'erreur, on ne peut connaître le Dieu suprême que s'il se révèle et il faut l'interroger, solliciter les oracles, profiter des visions, s'instruire auprès des prophètes ; et ces prophètes ont d'autant plus d'autorité qu'ils sont plus distants dans le temps et dans l'espace, que l'antiquité en est plus haute et l'éloignement plus grand. D'où la nouvelle vogue du py thàgorisme dont les préceptes et les interdictions, de caractère impératif, séduisent les âmes avides de croire ; d'où l'idée que les Barbares orientaux possèdent sur la Divinité des notions plus pures et plus essentielles,, parce que, négligeant la raison, ils arrivent par des voies plus secrètes à communiquer avec Dieu. Les Égyptiens, les Mages de la Perse et de la Ghaldée, les Juifs (Esséniens de la Mer Morte et Thérapeutes du lac Maréotide), les Brahmanes sont les initiateurs de la philosophie; leur sagesse, plus ancienne et plus vénérable que celle des Grecs, qui d'ailleurs se sont intruits auprès des Barbares, est supérieure, car leurs sages, voués au silence, à la solitude, aux abstinences, peuvent, grâce à leur pureté, à leur vie dans la retraite, à leur maîtrise de soi, à leur assistance aux saints offices, atteindre à la connaissance intime de la Divinité ; les ermites, qui apparaissent déjà dans le paganisme, les prophètes orientaux sont les maîtres de tout savoir parce qu'ils possèdent « le moyen d'entrer en rapports avec les puissances surnaturelles, de les évoquer et, au besoin, de les contraindre » ; ils tiennent la clé des mystères, sont familiers avec les « chaînes» qui relient aux astres et aux esprits qui les habitent toutes les choses d'ici-bas. « La science n'est plus affaire de recherche méthodique et d'observation, mais tend à se dissoudre en un mélange de recettes de bonne femme et de mystagogie. »

La pensée rationnelle avait ses règles : comprendre, c'était connaître par la cause ; on usait de sa raison, on ne comptait que sur^elle ; l'effort humain restait associé au secours surnaturel qu'on pouvait demander à la Divinité. Au ne siècle, abandonnant le travail persévérant, l'ivresse de la découverte, on renonce à trouver avec l'aide de Dieu ; on préfère charger Dieu de trouver à sa place. C'est lui qui révélera la bonne doctrine et la voie du salut par la vision oraculaire, qui était regardée dans l'antiquité, aussi bien chez les païens que chez les chrétiens, comme la récompense normale d'un certain genre de vie. L'hermétisme s'insère dans ce « grand courartt d'esprit et d'âme qui est peut-être le fait le plus

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considérable de l'histoire humaine aux premiers siècles de notre ère ». Les textes hermétiques sont « la révélation d'un dieu-prophète, Hermès, lui-même instruit par le Nous au cours d'une vision en songe, ou connaissant toules choses pour avoir tout vu au ciel avant de descendre sur la terre ».

Cet Hermès, c'est le dieu-égyptien Thoth. Identifié au dieu Lune, considéré comme l'inventeur de la chronographie, Thoth est le maître du destin ; scribe d'Osiris, il est l'inventeur de Pécrilure et de toutes les branches de sciences et d'arts qui dépendent de l'écriture : magie, médecine, astrologie, théosophie, alchimie. Dans la cosmogonie élaborée par les théologiens d'Hermopolis, Thoth le magicien, dont la voix se fige en matière et devient un être, par la seule émission de son souffle faisait naître toutes choses et créait le monde. Les Grecs, peut-être surtout sous l'influence du premier Ptolémée qui a cherché à fondre ensemble les cultes égyptiens et les cultes helléniques, ont assimilé Thoth à Hermès qui était considéré comme le mailre de la parole, le seigneur du langage, le prophète du Logos, c'est-à-dire, d'après les spéculations des stoïciens, de la Raison divine créatrice. « Ces équivalences, facilitées peut-être par le rôle démiurgique du dieu hermopolitain, préparaient à recevoir, vers le début de notre ère, la doctrine d'un Hermès-Thoth parole de Dieu, à la fois créateur du monde et prophète de cette création ».

L'épithète de Trismégiste, « trois fois très grand », remplace par le suffixe tris, trois fois, le triple énoncé du superlatif grec « très grand », qui est appliqué à Hermès en Egypte dès le temps de Ptolémée IV Philopator (22[-2o5) et qui est calqué sur le superlatif égyptien par répétition du positif « grand, grand ».

Thoth ayant inventé l'écriture, on lui attribue la paternité de tout écrit dont on veut rehausser le prestige en lui conférant le caractère de révélation divine ; rien ne prouve que les temples de l'Egypte aient possédé, sous les Pharaons, un ensemble d'ouvrages mis sous le nom de Thoth, mais, dès les Ptolémées, il existe une littérature hermétique grecque, qui fut d'abord d'ordre astrologique. A qui s'adressait-elle ? On y a vu un même livre de dévotion, destiné à contenter tous les besoins de l'âme, une sorte de Bible qui aurait été destinée à une seule église. Le R. P. Festugière combat cette opinion ; à ses yeux, les écrits hermétiques sont un phénomène purement littéraire ; ce n'est pas la liturgie d'une confrérie de mystes : la littérature hermétique revêt les formes les plus variées ; on a mis sous le couvert d'Hermès des ouvrages qui n'ont

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entre eux d'autres liens que le nom même du dieu- prophète, qui n'impliquent ni mystères cultuels, ni hiérarchie sacrée, ni sacrements, répugnent à tout acte de culte autre que la prière et dont se dégage sur Dieu, le monde et l'âme humaine deux doctrines inconciliables : tantôt le monde est pénétré de la divinité, donc beau et bon et en le contemplant on atteint Dieu ; tantôt le monde est essentiellement mauvais et il faut le fuir pour atteindre Dieu.

Quels sont les auteurs de ces écrits? L'élément égyptien est à peine apparent, au moins dans l'hermétisme philosophique, et ce sont probablement des Grecs établis en Egypte qui ont coulé dans un moule exotique des pensées et des sentiments accordés à l'esprit du temps. « L'hermétisme est l'une des formes qu'a prises la piété hellénistique quand, fatiguée du rationalisme, elle s'est abandonnée à la révélation. »

La branche principale de l'hermétisme est philosophico-théosophique ; les branches secondaires comportent des écrits qui se réfèrent à l'astrologie, à l'alchimie et à la magie. Le cadre de la révélation leur est d'ailleurs commun ; l'atmosphère spirituelle est la même ; toutes sont liées étroitement.

Le dernier chapitre du livre, que nous pouvons rattacher à cette introduction générale, traite des formes littéraires que revêt le logos de révélation. Pour exprimer les diverses modalités du don divin par lequel la sagesse révélée, qui n'est pas trouvée par les seules ressources de la raison et vient d'en Haut, on a forgé un certain nombre de fictions littéraires où chez l'auteur la sincérité se mêle à la supercherie et que le public accepte d'ordinaire avec une grande crédulité : la révélation est dispensée durant un songe ou une extase, au cours d'une rencontre et d'un entretien avec un dieu qui dicte un livre, par la découverte d'un livre ou d'une stèle, au moyen de signes dans le ciel et, à côté de ces révélations directes, il y en a d'indirectes : un sage donne des instructions à un roi, en général par une lettre, plus rarement de vive voix. La tradition est transmise par le prophète à son fils ou à un disciple qu'il regarde comme son fils mystique et qui, à ce titre, a droit à la révélation, pourvu qu'il soit digne, c'est-à-dire non seulement qu'il ait subi une épreuve après laquelle il a été admis, mais qu'il ait été appelé et reçu par le dieu lui-même. Celte dernière fiction est celle à laquelle se rattache le logos hermétique ; depuis l'antiquité la plus haute, elle était de règle en Egypte où toute science se transmettait normalement de père en fils. C'est à des productions égyptiennes que l'hermétisme populaire, occultiste,

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a emprunté son décor qui était tout constitué quand Je Trismégiste s'est mêlé aussi de philosophie.

* * Cette large vue d'ensemble, qui replace l'hermétisme dans son âge

et son milieu, ouvre un digne accès au premier volume que le R. P. Festugière consacre à l'hermétisme astrologique et occulte, réservant pour le second l'hermétisme philosophique.

Avant d'en venir à l'astrologie proprement hermétique, l'auteur rappelle ce qu'a été l'astrologie hellénique. Il la définit en quelques mots caractéristiques : c'est « l'amalgame d'une doctrine philosophique séduisante, d'une mythologie absurde et de méthodes savantes employées à contre-temps ». La doctrine a pour fondement l'unité du kosmos, l'interdépendance de toutes les parties de ce vaste ensemble, la sympathie qui les unit toutes entre elles. Son vice fondamental, c'est d'avoir traduit en termes de psychologie ce qui devait ressortir à la physique ; on est resté fidèle aux imaginations grossières des premiers âges en regardant les astres comme des personnes ; on leur attribue des qualités essentielles que la seule évocation de tel ou tel dieu ramène à la pensée, on déduit le caractère des planètes de leur apparence extérieure, on définit leur sexe, leur tempérament foncier et leurs humeurs passagères. Tout ce travail tend à un but pratique : pronostiquer l'avenir par l'observation des astres et leur influence supposée ; pour obtenir ces présages, on fait intervenir des méthodes scientifiques empruntées aux sciences mathématiques, à la géométrie, à l'arithmétique, qui permettent de tirer les horoscopes.

Le « témoin capital » pour notre connaissance de l'hermétisme astrologique est le Liber Hermetis Trismegisti, récemment découvert dans un manuscrit latin du British Museum. Traduit d'un florilège grec qui ne peut être antérieur à la fin du ve siècle de notre ère, il n'est qu'un choix d'extraits, mais aussi bien dans les parties qui lui sont communes avec d'autres auteurs que dans les parties neuves dont il n'est traité chez aucun autre astrologue, il remonte au Corpus hermétique aujourd'hui perdu qui appartenait à la pleine époque hellénistique et bien qu'il soit séparé de cet original par six siècles et plus, il en a transmis des données authentiques. Le chapitre relatif aux décans, c'est-à-dire aux trente-six dieux sidéraux qui dominent chacun sur dix degrés du cercle zodiacal, restitue une des pièces maîtresses de l'hermétisme astrologique tel qu'il s'est formé dans les temples ou au voisinage des temples à l'époque

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des Ptolémées ; il en est de même pour les autres nouveautés : le chapitre des étoiles brillantes par exemple apparaît comme une compilation, œuvre d'un élève ou ami de l'astronome Hipparque, dont les principaux éléments nous reportent au 111e siècle avant J.-C. ou à la fin du n\ Ces deux chapitres des décans et des étoiles fixes appuient en outre la conjecture suivant laquelle « des livres hermétiques ont été composés par des prêtres d'Egypte ou, du moins, n'ont pas été écrits sans une participation directe du clergé » ; les premières listes de décatis ont dû être découvertes dans les archives des temples et c'est aussi dans un temple d'Egypte qu'était conservé le catalogue des étoiles brillantes qui a passé dans l'astrologie hellénistique.

La méthode de divination du Liber Hermetis consiste à rendre, par l'étude des astres, des oracles sur l'avenir des consultants ; mais, fait notable, aucune réponse ne concerne ce qui se passera après la mort : « Hermès astrologue ne s'intéresse qu'à cette vie présente » ; la vie future est totalement absente de l'hermétisme astrologique. La société ptolémaïque dont le Liber Hermetis reflète les préoccupations et les besoins de chaque jour ne pose aucune question, ne demande aucun pronostic sur la destinée d'outre-tombe.

La santé en revanche étant considérée comme le premier des biens, c'était le premier souci confié à l'astrologue. Le dogme qui fondait la médecine astrologique était celui de l'influence qu'exercent sur le corps humain les deux grands luminaires et les astres du ciel. Il existe de mystérieuses correspondances entre tel membre du corps humain et telle planète, tel signe, tel décan, et ce sont les excès ou les défauts d'influence de ces décans, signes et planètes qui produisent les infirmités et les maladies des organes. « II ne se produit rien dans l'homme qui n'ait rapport à la sympathie universelle » ; il y a des relations étroites entre le macrocosme et le petit monde qu'est l'homme. La cause céleste de la maladie une fois décelée, les astrologues devaient trouver le moyen de la guérir ; « la science des astres menait à la thérapeutique ». Deux méthodes principales étaient en présence ; l'une, allopathique, rapporte tous les maux aux décans ; pour en triompher, il faut vaincre le dieu par un autre dieu ; avec l'autre méthode, qu'on peut appeler homœopathique et dont relève le Trismégiste, la maladie ne vient pas de ce que l'astre moleste l'organe qu'il devait protéger ; ce sont les malaises d'un astre assailli par le rayon d'une planète malfaisante qui se répercutent par sympathie sur cet organe. Il faudra donc renforcer

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l'influence qui se dérobe en recourant aux animaux, aux plantes ou aux pierres qui dépendent du même patron céleste et sont pénétrés de son effluve et de son énergie. C'est la théorie des « chaînes ». Il est difficile de savoir ce qui dans les écrits de botanique astrologique revient au juste à Hermès Trismégiste, car des écrits analogues ou fort analogues ont été mis indifféremment sous des noms très divers; il y a là un témoignage « de la concurrence assez âpre qui régnait entre les herboristes », l'écho de « rivalités de boutique ». Les opuscules hermétiques peuvent cependant se ranger sous différents chefs, suivant que les plantes sont dévolues au patronage des décans, des signes zodiacaux ou des planètes ; une quatrième catégorie, représentée par le De XV slellis met en relation quinze plantes, ainsi que quinze pierres et quinze talismans, avec quinze étoiles fixes.

Le R. P. Festugière passe minutieusement en revue ces différentes séries d'opuscules au cours de développements dans le détail desquels nous ne saurions entrer ici ; il en traduit de longs passages ; il s'attache tout particulièrement au De XV stellis, récemment édile par M. Louis Delatte, traduction latine d'un texte arabe de Mashalla, astrologue arabe du vine siècle, qui utilise ou prétend utiliser un traité d'Hermès ; pour déterminer les étoiles dont il s'agit et percevoir le sens de la liste, le R. P. Festugière a eu le concours de M. Louis Massignon. La nouveauté primordiale est la réduction de la lisle à quinze étoiles ; l'opuscule n'a rien à voir avec Ptolémée ; il a été extrait d'un catalogue disposé comme celui du Pseudo-Ptolémée, mais plus complet et, bien que nous ne lui connaissions aucun modèle grec, rien ne s'oppose à ce que ce modèle ait existé dans l'astrologie gréco-égyptienne. Le De XV stellis, qui, par ailleurs, « marque un jalon nouveau entre l'hermétisme grec et l'hermétisme arabe », constitue un apport de valeur à la série des autres catalogues grecs ; il énonce le principe des relations entre étoiles et planètes ; les natures des étoiles fixes se reconnaissent à leurs couleurs et ce sont ces couleurs qui permettent de les apparenter aux planètes, dont la couleur est aussi un des caractères déterminants. D'autre part le De XVsL'Ilis est seul à mentionner les différences doctrinales touchant 1<; tempérament des astres fixes, au sujet duquel il relate deux traditions contradictoires, émanant de deux sources divergentes : l'une, selon laquelle chaque étoile fixe est constituée de la nature de deux planètes; l'autre, pour laquelle certaines étoiles ne sont reliées qu'à une seule planète,

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Après l'astrologie, nous arrivons à ce qui dans l'hermétisme a trait aux diverses branches des sciences occultes. Conformément à son habitude fort instructive pour nous, le R. P. Festugière commence par un coup d'œil d'ensemble sur les sciences occultes à l'époque hellénistique.

La méthode aristotélicienne consistait à colliger et à décrire les faits, à en rechercher les causes, à réduire « le multiple à l'un, l'accident à l'essence, le singulier à l'universel ». Elle est contemplative, « vise à connaître pour connaître, non pas pour utiliser cette connaissance à des fins pratiques »\ Au contraire, le caractère dominant des pseudosciences de l'époque hellénistique et gréco-romaine, c'est qu'elles tendent toujours à des fins de ce genre ; « ce critère de l'utilité est décisif ; il marque au mieux la frontière où se séparent deux mondes ». De plus, ces pseudo-sciences, au lieu de l'universel, vont chercher le particulier et portent intérêt presque exclusivement aux faits rares et merveilleux, aux forces secrètes des bêtes, des plantes ou des pierres, aux sympathies et antipathies qui unissent ou opposent des êtres du même règne ou de règnes différents. Elles constituent « une sorte de musée de l'étrange ».

Bolos de Mendès le Démocritéen, vers 200 av. J.-C, a été l'initiateur de la littérature qui prend pour objet les secrets de la nature et qui confère, avec leur connaissance, des pouvoirs souverains dans l'ordre de la thérapeutique et de la magie. Ses écrits, surtout ses Physika, ont exercé une grande influence jusqu'à la fin du Moyen Age par l'intermédiaire des Arabes. Les fabricants d'apocryphes ont utilisé le nom du Trismégiste que divers faits recommandaient à leur attention : il était égyptien et c'était en Egypte que cette pseudo-science était née ; il était prophète oriental et les doctrines de l'Orient avaient contribué à la naissance du genre littéraire des Physika ; enfin, les ouvrages de ses émules, Zoroastre, Ostanès et le roi Salomon, docteurs attitrés dans la sagesse nouvelle, en imposaient à la crédulité du public. Aussi plusieurs documents de l'époque gréco-romaine « attestent l'activité littéraire du Trismégiste dans les trois branches principales de l'occultisme : i° dans le domaine des sciences naturelles et de la médecine — ce sont les Kyianides hermétiques ; 20 dans le champ de l'alchimie où nous voyons les adeptes du Grand Art citer des apophtegmes d'Hermès et en appeler à ses enseignements ; 3° dans la magie enfin, où certaines recettes et prières paraissent dériver de l'hermétisme »,

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Les Kyranides hermétiques sont un ouvrage en quatre livres, qui se compose de deux parties originellement diverses : d'un côté le livre I ou Kyranis ; de l'autre, les livres II-IV ou Koiranides. La Kyranis est « une sorte de traité médico-magique où sont associés comme « matière médicale » quatre êtres de la nature — un oiseau, un poisson, une plante, une pierre — dont le nom commence en grec par la même lettre » ; le lien qui réunit ces quatre êtres ressortit donc à la magie des lettres. Dans l'état actuel, nous n'avons de ce traité autonome ni le texte original datant du 111e siècle de notre ère au plus tard, ni, sauf en un manuscrit, le remaniement effectué au ive siècle par Harpocration d'Alexandrie, mais une refonte accomplie par un Byzantin entre le ive et le vine siècle, où ont été plus ou moins combinées les deux rédactions précédentes. Originairement aussi, les Koiranides étaient un ouvrage autonome, le « Livre Court d'Hermès Trismégiste », et formaient un bestiaire où les animaux, d'abord les oiseaux, puis les animaux terrestres, enfin les poissons, étaient étudiés selon les lettres de l'alphabet, bestiaire essentiellement médical, qui remonte au moins à la fin du Ier siècle et qui présentait une description très succincte de l'animal et l'indication des remèdes qu'on en peut tirer. Elles ont été rattachées à la Kyranis par le rédacteur byzantin qui refondit les deux versions de celle-ci ; nous n'avons conservé que la partie concernant les oiseaux, les autres sont perdues. « La doctrine des sympathies et des antipathies circule dans tout l'ouvrage ». La Kyrunis utilise le même modèle que les Koiranides et il est plausible d'identifier ce modèle avec les Physika apocryphes du roi Salomon.

Quatre citations d'un « Livre Archaïque », dont deux sont dans la Kyranis et dont trois sont relatives aux animaux, donnent à penser que cet autre ouvrage, nécessairement antérieur à la Kyranis, était lui aussi une espèce de bestiaire où l'on devait mettre en valeur les vertus occultes des animaux.

Ces trois ouvrages, qui sont, par ordre chronologique, le Livre Court, autrement dit les Koiranides, le Livre Archaïque et la Kyranis, montrent le rôle important qu'a pris l'hermétisme dans la littérature médico-magique des Physika ; ce qui survécu nous fournit surtout des remèdes empruntés aux animaux, mais nous savons que, dans des parties perdues, ni les plantes, ni les pierres n'étaient laissées de côté.

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I^e R. P« Festugière entreprend ensuite de marquer la place dç

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HERMÈS TRISMÉGISTE ET L'OCCULTISME là

l'hermétisme dans l'alchimie, qui s'occupe de la transmutation en or et en argent de métaux communs, cuivre, fer, étain, plomb, soit par teinture superficielle, soit par application d'un vernis, soit par alliages. 11 semble qu'on puisse distinguer dans cette histoire « trois phases successives : l'alchimie comme art, l'alchimie comme philosophie, l'alchimie comme religion ». Autant que nous pouvons le fixer, il est très probable que cette pseudo-science n'a pas été autre chose qu'une technique jusqu'à Bolos le Démocritéen au 11e siècle avant notre ère; que Bolos lui a donné un tour philosophique et qu'elle a été un art et une philosophie jusqu'au ne ou 111e siècle ap. J.-C. ; qu'enfin, sans cesser d'être l'un et l'autre, elle a pris de plus en plus l'aspect d'une religion mystique à partir de cette date.

Des papyrus de Leyde et de Stockholm, recueillis dans une même tombe de Thèbesen Egypte et qui se complètent mutuellement, procurent un exemple de recettes purement techniques et nous restituent une sorte de traité des quatre teintures : or, argent, pierres précieuses, pourpre ; leur premier modèle a sans doute été les Baphika de Bolos, que nous retrouvons ici et dont l'autorité au ne siècle av. J.-C. fut si riche et si féconde dans le champ des sciences occultes. C'est, semble-t-il, grâce à lui qu'en Egypte les pratiques artisanales des ateliers sacerdotaux sortirent pour la première fois de l'ombre des temples. Des Baphika de Bolos il avait passé quelque chose dans un apocryphe attribué à Démocrite, les Physika et Mystika, des quatre livres duquel il ne reste aujourd'hui que quelques pauvres fragments mal ordonnés ; sous leur forme actuelle, ils se présentent comme un écrit remanié, interpolé, qui n'est pas antérieur au ier siècle de notre ère et qui comprend un ensemble hétéroclite : des recettes techniques, le récit d'une évocation, des exposés polémiques et doctrinaux. Mais « rien n'empêche que la fiction générale soit de Bolos. » Nous y rencontrons, transposée au domaine des métaux, la loi des sympathies et des antipathies occultes qui explique toutes les combinaisons et séparations des corps dans le monde physique. Un triple axiome fait la nouveauté de l'ouvrage de Bolos par rapport aux simples manuels techniques dont usaient les artisans de l'Egypte : « une nature est charmée par une autre nature ; une nature vainc une autre nature ; une nature domine une autre nature ». C'est aussi à Bolos qu'il convient de rapporter l'introduction dans l'alchimie de l'idée de matière première. L'alchimie philosophique commence donc, non pas auierdu au uë siècle de notre èref mais quelque deux cents ans plus tôt.

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Avec Bolos, « une fois de plus, on voit se réaliser l'union de l'esprit grec et d'un art oriental ». Les orfèvres d'Egypte travaillaient de toute antiquité les métaux, les pierres, la pourpre, mais avec leurs recettes héréditaires, ils manquaient d'une doctrine raisonnée, ces pratiques n'étaient pas rattachées aux principes qui les expliquent et les justifient. « Le mérite de Bolos de Mendès aura été d'avoir uni la doctrine et l'expérience, et ainsi fondé une pseudo-science qui devait traverser les âges jusqu'à la chimie moderne ».

Les Physika et Mystika sont « le premier ouvrage fondamental de l'alchimie grecque » et malgré son renom, Hermès, dont les fragments alchimistes subsistants peuvent remonter pour certains jusqu'au Ier ou au ne siècle av. J.-C, descendre pour d'autres jusqu'au 11e ou 111e de notre ère, ne paraît pas avoir « enlevé au Pseudo-Démocrite le mérite d'avoir été le père de l'Art Sacré ». Le R. P. Festugière dresse une liste provisoire de ces reliques, au nombre de trente- trois, dont trois où Hermès n'est pas nommé, souvent réduites à de courtes citations chez les alchimistes postérieurs, les traduit et les commente, notamment l'opuscule d'Isis à Horus, tiré très vraisemblablement des Physika d'Hermès et où le mythe se fait déjà une place plus considérable.

Mais c'est à la fin du me siècle ou au début du ive qu'avec Zosime l'alchimie devient une religion mystique, « qui vise au salut de l'âme et qui recherche ce salut par la gnose ». Né à Panopolis d'Egypte, Zosime a dû vivre principalement à Alexandrie ; les vingt-huit livres du vaste traité qu'il dédia à sa sœur Théosébie « se distinguent surtout par leur caractère franchement religieux ». Les secrets de l'alchimie sont révélés au cours de visions et dans les opérations alchimiques la préparation de l'âme est plus essentielle que l'habileté manuelle et les connaissances techniques. Deux prologues de Zosime apparaissent au R. P. Festugière particulièrement significatifs et il offre de l'un et de l'autre des traductions très étendues. Les Commentaires sur la lettre &, touchant les appareils et fourneaux destinés à faire triompher les mortels de la pauvreté, disent que « pour pratiquer l'Art Sacré, il faut avoir l'intelligence des mystères divins, être uni au Fils de Dieu ». Dans le Premier livre du Compte final, qui traite des « teintures opportunes», (texte à l'appendice I, p. 363-368; traduction, p. 275-282), il est annoncé « que la voie royale de l'alchimie est le recueillement, la mort aux passions, la, quête silencieuse de Dieu ». Or c'est « à la sagesse d'Hermès que Zosime rapporte son enseignement » et le R. P. Festugière de

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HERMÈS TRISMÉGISTE ET L'OCCULTISME il

souligner que « le lien profond, trop négligé jusqu'à ce jour, entre l'herméiisme philosophique et l'hermétisme des sciences occultes ne se montre nulle part en meilleur relief ». L'alchimie est devenue « une voie de vie, qui suppose un travail intérieur de perfection. L'hermétisme occultiste et l'hermétisme philosophique, d'abord séparés, ont fini par faire alliance. Désormais, du moins chez les Arabes, celle alliance ne sera plus brisée ».

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Hermès -Thoth, inventeur du langage, maître des mots qui lient et délient, devait jouer un rôle dans la magie. Pour préciser ce rôle, le R. P. Festugière nous livre un choix abondant de papyrus grecs qu'il a traduits à notre intention et qu'il accompagne de courtes notes explicatives.

Certains de ces textes sont relatifs à Tholh-Hermès et le mettent en cause comme dans d'autres occasions ils font avec des dieux divers, Isis, Osiris ou Hélios, pour l'employer à leurs conjurations suivant la conception traditionnelle. Dans une seconde série, les textes ont rapport' avec les écrils du Trismégiste et si les emprunts directs y sont rares, il n'est pas douteux qu'on y entende « comme des résonances hermétiques », pir exemple dans des prières au dieu cosmique ou à l'Aiôn ; il serait cependant abusif, estime le R. P. Festugière, de songer, comme on l'a fait parfois, à une religion spirituelle du Nous dans la magie ; mais il y a des témoignages de l'état d'esprit qui a donné naissance à la gnose hermétique.

* * L'hermétisme populaire n'a rien de propre ni d'original ; le même

mouvement se rencontre, identique, sous le patronage d'autres prophètes. Dans le domaine de l'occultisme, « Hermès paraît n'avoir été qu'un des prête-noms dont on se sert à l'époque hellénistique pour contenter le besoin de révélation qui travaillait alors un si grand nombre d'esprits », L'hermétisme occulte offre cependant un profond intérêt que le R. P. Festugière fait ressortir dans si conclusion. Le fait essentiel, dont tout le reste découle, c'est qu'il n'y a plus de séparation entre la science et la religion, et que la science ne peut être obtenue que d'un dieu ou d'un prophète théopneuste qui la transmet par révélation.

La doctrine qui se dégige de la révélation hermétique,, en .opposition à la fois avec la science abstraite cri les études mathématiques., sont,

«AVANTS. 8

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en honneur et avec la science de type aristotélicien où les phénomènes s'enchaînent depuis l'être inerte jusqu'à la Cause Première, fait apparaître le monde comme un grand Tout merveilleusement un, dans lequel les êtres concrets sont doués de propriétés d'action et de réaction, de « vertus occultes » et dont les diverses parties sont reliées entre elles par un réseau de forces tel que ce qui se passe ici bas est comme la projection de ce qui se passe dans le ciel. L'occultisme hellénistique est né de la constatation des vertus occultes et de la doctrine astrale.

La connaissance de ces affinités réelles, il faut la demander à la révélation. Cette illumination qui nous fera pénétrer les secrets divins est en fonction de la piété ; il convient de s'y préparer par la prière et par l'ascèse, de rentrer en soi-même, de faire taire les passions ; « l'exercice de piété prend désormais la place de l'effort rationnel ». « Tout savoir se résume en cet unique savoir : qui communique avec Dieu puise à la source même d'où toute vérité découle ». Voilà le caractère le plus original de la littérature mi-scientifique mi-religieuse qui constitue l'hermétisme populaire. La piété à laquelle elle conduit entraîne ses adeptes aussi bien, et peut-être tour à tour, aux opérations de la magie la plus grossière et aux élans d'amour pour le dieu hypercosmique.

Le principal attrait des écrits hermétiques est de nous mettre en contact direct avec la réalité humaine dans l'Empire déclinant, où, malgré les apparences, « l'unité n'était que de surface ; elle n'avait point gagné les âmes, il n'y avait point de communion », et celte profonde diversité des esprits et des cœurs est pour le R. P. Festugière une des causes les plus fortes qui ont amené l'écroulement si rapide du monde romain sous les coups des Barbares.

De précieux appendices accompagnent le volume. L'un d'eux a pour objet la « confession » de Cyprien le Mage, c'est-à-dire la littérature qui, entre 258, année de sa mort, et 379, date de son panégyrique par saint Grégoire de Nazianze, s'est greffée sur la mémoire de l'évêque de Carthage et en a fait un mage dont la légende s'est enrichie et enjolivée sans cesse de détails nouveaux

Un autre appendice, dont l'auteur est M. Louis Massignon, dresse l'inventaire de la littérature hermétique arabe, sujet encore peu connu.

Par ses répertoires, ses traductions, ses analyses et ses vues générales, par les perspectives qu'il ouvre tant sur les problèmes particuliers

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LA. PROPAGANDE PAÏENNE A ROME 19

de l'hermétisme populaire que sur l'histoire intellectuelle, morale et religieuse de l'Empire romain, le livre du R. P. Festugière est de ceux qui marquent dans le domaine des études auxquelles ils sont consacrés.

A. Merlin.

LA PROPAGANDE PAÏENNE A ROME SOUS LE BAS-EMPIRE

A. Alfòldi. Die Kontorniaten, sin verkanntes Propagandami ttel der stadtrômischen heidnischen Aristokratie in ihrem Kampfe gegen das christ I iche Kaisertum. Festschrift der ungarischen numismatischen Gesellschaft zur Feier ihres vierzigjdhrigen Bestehens. Un volume in-4° de texte, 196 pages et un volume de 71 planches. Budapest, Magyar Numizmatikai Tarsulat, et Leipzig, Harrassowitz, 1943.

Les textes déchirés, les monuments mutilés, les médailles mal datées proposent aux historiens anciens des problèmes qui ne peuvent être résolus que par un grand effort d'analyse. M. Alfòldi excelle à arracher leur secret à des documents que les historiens avaient négligés ou qu'ils n'avaient pas su interpréter. Faut-il rappeler cette curieuse étude sur « les moules à gâteaux du jour de l'an », trouvés dans les régions danubiennes, si instructifs pour qui étudie le culte impérial *, et surtout le beau mémoire sur ces monnaies romaines, qui, sous les empereurs chrétiens, attestent l'intensité du culte d'Isis s ?

Ce sont aujourd'hui les médaillons contorniates qui le retiennent. L'étude qu'il publie est précisément un modèle de cette analyse pénétrante qui est nécessaire pour résoudre de telles énigmes. Il s'agit de ces pseudomonetae, comme les appelle Eckhel, qui se distinguent par une bordure en relief soulignée d'un cercle en creux. On y a vu tour à tour des médailles commémoratives des jeux du cirque (Sabatier), des pions d'échiquier (Frontier), des tessères pour distributions de blé(Lenormant). M. Blanchet a observé qu'on voit gravé sur ces médaillons le même symbole que sur les cuisses des chevaux du cirque que figurent certains

1. Tonmodel und Relie fmedaillons aus der Donaulandern (dans les Laureae Aquin- censes, Dissertationes Pannonicae, ser. II, fase, io, ig38).

2. A festival of his under the Christian Emperors of the IVth century (ib., ser. H, fase 7, 1937).