Henri Lefebvre Et Al, Le Jeu de Kostas Axelos

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HENRI LEFEBVRE PIERRE FOUGEYROLLAS LE JEU DE l(OSTAS AXELOS SCHOLS FATA MORGANA

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Henri Lefebvre & Pierre Fougeyrollas, Le jeu de Kostas Axelos (Paris: Fata Morgana, 1973).

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  • HENRI LEFEBVRE PIERRE FOUGEYROLLAS

    LE JEU DE

    l(OSTAS AXELOS

    SCHOLIES

    FATA MORGANA

  • HENRI LEFEBVRE PIERRE FOUGEYROLLAS

    LE JEU DE KOSTAS AXELOS

    Fl\ONTISPICE DE MOLFESSIS

    SCHOLiES

    FATA MORGANA 'S!'ttO Kc!i 1 :dif:.q;,vr

  • C fata morgana 1973

  • HENRI LEFEBVRE

    AU-DELA DU SA VOIR

  • Une longue ligne de mditatifs, s'exprimant parfois en aphorismes (de faon peu systmatique) va de la prphilosophie la post-philosophie, des prsocratiques (Hraclite) ceux qui reprirent pour les accomplir les vastes projets et les grandes ambitions de philosophes, non sans les avoir soumis une dure critique (Marx, Nietzsche, peut-tre Freud et Heidegger et d'autres encore). Avant de rsumer cette gna logie, avant d'clairer la surprenante closion dans un terrain nouveau d'un

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  • trs ancien germe port par les vents et les temps, il sera dsagrable mais utile de s'arrter un moment, de regarder, de dsigner du doigt les piges qui capturent la rflexion en France, aujourd'hui, sur les routes qu'elle entend suivre. Et cela, non pas tant pour situer les ouvrages de Kostas Axelos que pour montrer la situation dont il cherche sortir. Et pas seulement lui ...

    Que l'on veuille hien contater un pnible europo-centrisme qui ne manque jamais l'occasion de se restreindre en un pariso-centrisme quelque peu provincial. On prend au srieux

    . ' swvant le vocabulaire consacr, ceci ou cela, telle ide ou telle uvre. On s'enthousiasme, ce qui n'est pas mauvais, en se couvrant de l'esprit de srieux, c'est--dire de lourdeur. Ce que l'on prend au srieux ebange assez souvent pour que l'esprit de srieux, sans cesser de s'apparenter l'esprit de lourdeur, ne pse plus dans les balances. Faut-il souhaiter aujourd'hui Kostas Axelos d'tre pris au srieux? C'est une petite question

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    en passant. En voici d'autres. Poquoi

    laisser le plantaire dans les xrorages de l'exotisme et. dans les imageries

    de la science-fiction? Pourquoi ahan

    donner aux journalistes le mon

  • nouvelles mthodes pour explorer le prsent et sa prsence (ou sa prseuceabsence), pour dceler les possibilits qui s'y enracinent, les impossibilits qui en rsultent ?

    Les morts s'entassent. A chaque dcs on recommence la crmonie funbre. On (cet on, ce sujet qui n'en est plus un, ce hros anonyme et trop connu dont la thorie a t faite sans doute par lui-mme) se rjouit de ces rptitions rituelles, accompagnes d'orgies abstraites. Qui a-t-on tu ? Qui n'a-t-on pas tu ? Dieu et l'homme , puis le sujet et l'objet, sans doute l'art, et l'histoire, et la vrit, et le langage lui-mme agress au nom du langage (ce serait donc un suicide, un hal'a-kiri ?). M. Michel Foucault a eu sa petite fte personnelle pour avoir mim la danse de mort. sur le cadavre de l'Homme, dj excut par Nietzsche. Bien. Et alors ? Est-ce tellement joyeux, la joie dans le cimetire ? Qui survit ? L'Etat ? Tout le monde n'a pas la chanc de l'aimer. De qui donc et de quoi s'agit-il?

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    La rflexion a labor des catgories affines. Par exemple clture , ouverture . Elles entrent dans le langage. On n'crit plus : dfinir ou dterminer , mais clore ou mieux clturer . Bien. Or ces termes ne s'emploient pas pour dcrire les parcours thoriques qu'ils jalonnent. lls se meuvent dans le formel, dans l'abstrait pur. Comme si ce n'tait pas de cela prcisment qu'il s'agit : ouverture etfou fermeture. En effet il y a d'un ct la pense qui se ferme et s'enferme avec une sombre joie (Schadenfreuck ). De ce ct, voici les

    fabricants et amateurs de systmes bien clos, fonctionnant impeccablement, que l'on offre aux acheteurs dans les concours Lpine de l'idologie. Et voici la collection des ismes , les scientismes qui bornent soigneusement les champs et domaines des activits pal' cellaires. Et voici les cohortes des gens srieux. Et puis tous ceux qui privilgient un objet, tantt petit (une uvre, un texte, un procd, un genre, bref un bidule ou machin),

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  • tantt trs gros (une institution, l'Uni versit, l'Eglise, l'Etat, surtout l'Etat). Et cela au nom d'une tactique, d'une stratgie.

    De l'autre ct, il y a ceux qui veulent ouvrir. Ils cherchent une issue. Ils se gardent bien de poser un objet, une chose. Ils s'affirment. Ils comptent sur les catastrophes, sur la violence. Ils forment des micro-socits rvolutionnaires. Ils pratiquent non sans succs l'analyse (critique) des institutions. Ou bien encore ils reprennent la vieille entreprise philosophique : ils veulent la vrit. De et fou sur (ceci, cela), dcelant idologies et illusions, ils mettent en question ce qu'ils rencontrent ; puis se mettent en question dans la mesure mme o ils cherchent la vrit. O parviennent-ils ? Au bord d'un abime.

    Les uns bloquent le chemin, s'ar rtent devant l'obstacle - l'objet -qu'ils ont rig sur la route. Les autres - les sujets - s'arrtent devant une bance.

    On reconnatra peut-tre ici l'alter-

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    native pose par Michel Foucault entre l'analogie et la tautologie (cf. Archologie du savoir). Mais qu'on ne s'y trompe pas. Ce philosophe se contente d'exposer sa manire la situation. Il introduit une perspective qui le satisfait. Ii se replie sur la classification du savoir, de l'acquis (ou passant pour tel), du savoir proche encore et du savoir qui s'loigne. n fait partie de ceux qui amoncellent les dbris sur le parcours. S'il manque le dilemme, s'il formule l'aporie, ce n'est pas pour franchir l'obstacle.

    Ou bien l'on veut atteindre une instance suprme, un dcryptage ultime ; et cette instance, ce dcodage, fuient indfiniment. Ou bien on prtend les avoir dj trouvs, et c'est alors n'importe quoi (n'importe quel discours, n'importe quel objet, n'importe quelle idologie!). Tout essai d'interprtation de type philosophique (hermneutique) s'ouvre sur l'indtermin, et cela mme s'il se veut lgitim par la psychanalyse, la psychologie, l'histoire, la sociologie, etc. Par contre, toute tentative se

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  • rclamant d'une technique assure ou d'une procdure prcise (structurale, ou fonctionnelle, ou formelle), ql prtend ds lors construire un modle de connaissance de la ralit, se clt, mais ne donne qu'une chose rige en critre.

    Que se passe-t-il donc? Un tourbillon o se mlangent et s'affrontent ces deux courants, ces deux tentatives : ceux qui s'inspirent d'une technique ou d'une science parcellaire (y compris la linguistique et les procds structuralistes) - ceux qui prolongent la tradition philosoplque. Le vieux conflit spculatif entre le sujet et l'objet se termine mal : par leur destruction rciproque et leur autodestruction. Si M. Michel Foucault veut une autre fte, que l'on salue en h le vainqueur -le meurtrier - du Sujet et de l'Objet. Mais laissons les morts enterrer leurs morts. Et dtournons les yeux du royaume des ombres.

    L'opposition la plus pertinente ne se situerait-elle pas entre le plein (le trop, l'accompli) et le vide, entre la

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    bance de l'horizon et le remplissage du pass ? S'il en est ainsi, qu'est-ce que penser, sinon frayer la voie travers les dbris, siuon dterminer l'orientation ? L'antinomie la plus radicale et la plus profonde commence se dcouvrir. Sans aucun doute s'agit-il du conflit qui s'annonce entre le modle et la voie. Conflit thorique et pratique, politique et. philosoplque (mais poussant la pense vers la mta-philosophie). Le modle propose et pose un quelque chose , un objet minent, une construction que l'on regarde, que l'on imite et qui commande qu'on l'imite, que le simulateur adopte. Le modle se voit de loin. On va vers lui. Quand s'accomplit le modle, tout va hien. Quand on dsobit au modle, on mrite une punition. La construction de Modles, procdure scientifique (mthodologique) se gnralise en philosophie, en politique. A sa faveur, l'ordre se lgitime et affine ses moyens d'influence et d'action. La mo1ale et le savoir se marient. Le Grand Modle, c'est videmment l'Etat, et l'Homme

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  • de l'Etat, capitaliste ou socialiste. Pas de modle sans idologie, inhrente et d'appui. Grce l'Objet-Modle, l'indulgence aux carts n'a plus sa raison, pas plus que le recours aux excuses d'un dterminisme grossier. Le Modle impose un discours et des comporte ments (un espace social de comportements et pas seulement une topique ou topologie mentale). S'accorde-t-il avec les diffrences ? Mal.

    Aux Modles s'opposent les Voies. Il n'y a pas de voies nouvelles. n y a une ide nouvelle, la V oie, qui affine la notion de praxis et rend concrtes les ides de trajet et de parcours. La thorie et la pratique doivent frayer leur chemin, prouver le mouvement en marchant, en modifiant le terrain et les horizons. Sans obir une chose prfabrique. Sans pour autant se passer d'une loi, puisque l'exploration du terrain, la marche, la consolidation de l'acquis, la destruction des obstacles, rclament une mthode (une stratgie, une logique, une praxologie). De m:ine que l'usage des moyens et instruments

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    divers, prlevs dans les connaissances fragmentaires, et - pourquoi pas ? -dans la vieille philosophie. Sans systme ni modle. En se battant sur les lieux, hic et nunc . Sans oublier l'orientation, le jalonnement, l'horizon. A chaque moment quelque chose a chang. La notion de la voie interdit de sparer le style de vie et la mthode de pense, la prsence soi de la prsence au monde . Elle laisse libre les diffrences (le pluriel sinon l e pluralisme ... ).

    Peut-tre sera-t-il possible de surmonter cette opposition, un jour. Pour le moment, la lutte thorique et pratique contre le modle commence.

    Kostas Axelos a choisi la voie. Il ne suit pas un modle, mais un chemin dj indiqu. D montre une avenue et un avenir. L'homme total se voulut modle ; l'homme plantaire n'est qu'un parcours, une flche. La

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  • voie elle-mme, orientation plutt que trac, itinraire plus qu'histoire avec ses inscriptions. Kostas Axelos l'explore. Le long de cet itinraire, il y a des balises et des amers, car il s'agirait d'une navigation hauturire, tantt vue d'toiles, tantt le long des ctes, plutt que d'un chemin pour marchands et plerins continentaux. Pourtant il arrive que le point se calcule. Premire balise : le fragment 52 d'Hraclite : Le temps, un enfant jouant aux ds, dplaant les pices sur un damier : royaut d'un enfant . Autre balise, Heidegger.

    Toute raison (ncessaire etfou suffisante) implique - explique une raison qui n'a pas de raison. Pour autant que l'tre s'tend comme fond, il n'a pas de fond. Pour autant que l'tre est fond qui fonde,. il n a ps de fond. Notre mditation devient un saut qui mne loin, car il fait entrer la pense dans le jeu de Ce o r tre jouit comme tre de son repos. Pourquoi joue-t-il, l'Enfant qui joue au jeu du Monde ? Il joue parce qu'il joue (Prin

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    cipe de raison, p. 239 et sq.). Auprs de Heidegger, voici Fink, Le jeu comme symbole du monde. Entre Hraclite et nos jours, que d'autres. Ne pas oublier Angelus Silesius et l'illustre distique : La rose est sans pourqoi ; elle fleurit parce qu'elle fleurit, n'a souci d'elle-mme, ne dsire tre vue (deux vers auxquels ego , le scrip teur , doit une grande motion-illumination). Quant Marx n'a-t-il pas dcouvert l'au-del du travail productif, et son sens, le libre jeu des capacits cratrices ? Si le temps, si le devenir ne sont pas jeu , dit Nietzsche, il y a procs et jugement derniers, culpabilit, pch, Dieu bnisseur et punisseur. Et c'est le nihilisme europen. Seul le devenir-jeu du monde rend l'innocence au devenir. Quant l'Orient (le monde ne serait-il pas le rve d'un dieu, ou son rire, ou . sa danse ? Le rapport de l'infini et du fini est-il raison ou drision et folie ?), il suffit de rappeler qu'il existe.

    Dans cette tradition qui selon lui contient le mot de l'nigme et le dit,

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  • Kostas Axelos introduit une analytique du jeu qui la reprend et la dpasse. Il y aurait triplicit (dialectique) :

    a) Le monfk du jeu. Il se constate empiriquement et s'tudie scientifiquement. Le ludique (trivialement: le loisir) s'oppose au labeur et le complte. n se dcle en toute ralit vivante, naturelle ou sociale. Toute pratique sociale y a quelque droit et rcupre tt ou tard ses aspects ou lments ludiques (qui se croient ou que l'on croit subversifs). Le jeu entre dans la science par la voie des mathmatiques : thorie des jeux et des stratgies,

    . thorie du hasard ou de l'information, combinatoires, etc. Tout jeu implique une loi qui rgit son temps et son espace, son moment : rgle du jeu, position et partage de l'enjeu. Il y a des formes (matrices) des jeux, considrs empiriquement. Rien de plus rationnel et de moins raisonnable que le dploiement de l'activit ludique. La raison tente de rejeter le jeu dans l'irrationnel ; elle doit l'accepter, l'intgrer elle et s'intgrer lui. Quant

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    aux enjeux, empmquement, ils sont toujours dfinis et finis, donc rationnels (bien que les enjeux de certains jeux mortels sortent du nombre par le drame).

    b) Le jeu dans le monfk. Vart l'a dvoil et ce fut son rle, l'art comme fte et la fte comme art. L'ivresse et le rve, le dlire et le rire, la jouis sance et la souffrance, l'apaisement et la violence, leurs puissances alternes, ne peuvent se comprendre que dans 1 grand jeu. Enjeux : la vie et la mort. Qui le dit ? La musique, le thtre ; tragdie et comdie. Quant l'histoire, que dit-elle et qu'en dire ? L'ironie la domine, celle des ides qui contient celle des hommes. Ses inversements, ses acclrations et dclrations, les enchainements rigoureux et imprvisibles, ne montrent-ils pas qu'elle joue ? Qu'elle se joue des hommes soi-disant historiques ?

    c) Et maintenant il faut penser au Jeu du Monde, le jeu provoquant tous les jeux , cach et non dvoil par la mtaphysique : le jeu de la

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  • surface et des profondeurs, de13 espaces et des temps, des apparences plus diverses que les ralits dont elles passent pour l'apparition. Le Jeu du Monde enveloppe et dveloppe le monde des jeux et les jeux dans le monde. n les implique et les explique, les pose et les suppose. Jeu sans joueur, il unit et spare les joueurs, les jeux et les enjeux. n ddouble et se ddouble : mme et autre, pass et futur, rptition et cration, diffrence et identit, tre et nant. Ce n'est pas le monde qui est un jeu divin, c'est Dieu qui est un jeu mondain (Le jeu du monde, p. 240). Logos, physis, homme et histoire, sont djous par ce grand jeu dont ils sont les puissances et les jouets. Ainsi surgit dans et par la mditation la totalit fragmentaire et fragmente du nwnde multidimensionnel et ouvert (p. 157), dfinition par laquelle la connaissance devient (veut devenir) absolue en absorbant le nonsavoir, en donnant un sens au relatif.

    Le grand jeu et les petits jeux du grand monde et des petits mondes

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    reprennent tout : paroles et penses, aspect du mme et du cela , forces et faiblesses de l'tre et du nant, du tout et du rien, divinits vivantes et fou mortes, rythmes naturels et cosmiques, actons et passions humaines, structures, vne rnents et interprtations historiques, uvres potiques et artistiques, jeux que joue le jeu du monde ... (p. 425).

    Kostas Axelos contesterait qu'il y ait saut de l'immanence la transcendance, comme dans la vieille mta physique. Simplement, selon lui, il dit, il dclare ce qu'il y a. En admettant qu'il y ait saltus ou transensus , ce passage semble beaucoup plus ais que dans les cas classiques du je (saut du moi empirique l'Ego transcendental) - de la personnalit (de la personne humaine au Dieu personnalis) - de la raison (de la connaissance relative la Raison absolue ou l'Ide) -de l'objet (du sensible la Substance) etc. Et cependant, ce passage ne v a pas sans difficults. En admettant que le comment et le pourquoi du Jeu ne posent plus de

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  • questions, reste le qui ? Qui joue le Jeu du Monde ? Ce n'est pas quelqu'un (un sujet) ni quelque chose (un objet). Ni l'tre ni le non-tre. Paradoxe ? Kostas Axelos rpondrait allgrement que ce paradoxe est inhrent toute conscience, toute activit, que personne ne peut ni l'luder ni le rsoudre. Toutefois, le lecteur ne peut s'empcher d'voquer de multiples hypo thses, celles essayes par Nietzsche. Le monde? Un monstre d'nergies qui n'ont pour loi que de se dpenser, de gaspiller frntiquement les crations, de se rassembler aprs dispersion.

    . Le monde ? Un cycle de cycles, sans autre loi que le hasard. Le monde ? Une affirmation, u n lieu d'affirmations qui surmontent par leur rptition la rptition existentielle de l'absurde.

    Celui (K. A.) qui affirme que peu peu l'lwmme se dvoile comnu la mtaplwre du Mme ne peut que l'affirmer. Et s'affirmer ainsi. Est-ce l'affirmation suprme ? Les arguments ne manquent pas, mais il n'est pas question de prouver. Ni de dmontrer

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    ce qui ne se montre qu'en dchirant des voiles, en dissipant des nues aussitt reformes.

    Kostas Axelos a le courage philosophique de tenir, de maintenir, de pousser jusqu' ses extrmes consqueces cette conception qui ne peut se dfinir ni comme une intuition ou une vision philosophiques, mais les contient et les prsuppose. Laissant tant d'autres se dbattre dans la situation thorique qui leur parat sans issue, il se situe au-del de la philosophie et de la nonphilosophie, du systme et de l'antisystme, de la vrit et de l'interprtation. Le tableau de l'tre en devenir du monde (p. 217) prsente un systme ironiquement dmenti par son propre centre - le Jeu du Monde tant l'insaisissable et l'insaisi. Une sorte de profusion, d'abondance (parfois amre, parfois joyeuse, toujours un peu crispe, rarement gaie) rcompense le courage du mditatif. Il peut se dclarer, en se servant de moyens verbaux trs divers : pomes, narrations, aphorismes, discours suivis. Tel aphorisme ex-

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  • prime , tel autre signifie : ceci ou cela en apparence, mais toujours la mme non-chose. En se situant au-del du savoir, ies ouvrages de Kostas Axelos font appel un savoir encyclopdique. Et cc n'est pas sa moindre ironie.

    Il n'est pas difficile de constater que cette conception n'a rien de religieux, qu'elle suit la mort d e la thologie et celle de Dieu, mais qu'elle accorde la religion, toutes les religions (et notamment celles de l'Orient). Ainsi qu' la magie, aux mythes. En ceci, Kostas Axelos continue la pense nietzschenne ; il est aujourd'hui difficile de rayer de l'existence et du sens, sous prtexte de vrit historique ou non, toutes les idologies ! Loin d'exclure la science et la rationalit technique, ou de leur superposer un systme interprtatif (hermneutique), Kostas Axelos les inclut. Ce qu'il combat, c'est le scientisme. De mme l'esthtisme. S'il n'est pas impossible, selon lui qu.e l'art meure dans la modernit, il n'en reste pas moins que la

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    poes1e et la prose du monde, les masques et les jeux du thtre ont dvoil (non sans les revtir de nouveaux voiles) les jeux du monde. Quant l'thique et la politique, il les rcuse : Nous sommes maintenant au seuil d'une nouvelle poque de l're plantaire. Elle mondialise ce qui est et ce qui se produit, unifie - par la technique -le globe, prcipite les kommes et les choses dans un devenir qui, pour tendre l'universalit et la globalit, n'en est pas moins errant et n'exclut pas la platitude. La terre, astre errant, devient dans son ensemble I.e thtre de l'activit humaine et la technique unifiante et plantaire semble s'lancer la conqute de l'univers. Les liens entre les sujets et les objets deviennent inextricables. (Le jeu du monde, p. 226).

    Et maintenant, suppos franchi le dtroit entre l e plein (le trop) et le vide (la bance), il resterait compa rer le projet mtaphilosophique de Kostas Axelos et le projet philosophique de G. Deleuze. Ce dernier, lui aussi, proche de Nietzsche, tenant compte

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  • de Marx, mais plutt de Spinoza que de Heidegger et d'Hraclite. Tout se passe comme si Kostas Axelos provoquait les diffrences par une dmarche audacieuse, presque agressive ; le saut ou le passage au-dessus de l'abtme. Tandis que G. Deleuze, prcautionneux, prudent, parcimonieux, ne conoit, n'engendre, ne proDevant le nouvel Hraclite, pour barrer son chemin, les Znon vont affluer. L'un dira que ce Grec a trich, l'autre qu'il ment. Les apories serontelles aussi stimulantes qu'il y a vingt et quelques sicles ? Un certain nombre d'interrogations tournent autour de l'histoire, connaissance et ralit dont l'examen critique n'est pas termin. S'il est vrai qu'un conflit s'annonce entre voies et modles (et que ce conflit concerne aussi l'histoire et l'historicit) les confrontations ne font que com mencer. Les ouvrages de Kostas Axelos (concurremment avec ceux de G.

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    Deleuze) marquent la fin d'une priode, celle de controverses rduites, mineures, celle qui se termine mal , celle du formalisme, du fonctionnalisme, du structuralisme. Prises isolment, la fonction est obscne, la forme glace: la structure dessche. Or les livres de Kostas Axelos ne manquent ni de chaleur, ni de vitalit, ni d'une tenue un peu hautaine.

    Une version abrge de ce texte a paru dans La Quinzaine littraire.

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  • PIERRE FOUGEYROLLAS

    AU-DELA DU NIHILISME

  • La philosophie, on le sait, est morte aprs avoir atteint, avec Hegel, son apoge. Aussi n'existe-t-il plus, proprement parler, de philosophes. Ceux qui se disent encore tels pratiquent en fait l'histoire de la philosophie et sont vous l'clectisme idologique. Du pe:rsounalisme l'existentialisme et de l'existentialisme au structuralisme, ils tentent de revtir l'ancieune spculation de nouveaux atours sans pouvoir lui redonner le charme de sa

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  • jeunesse. Et, dans l e mme temps, les nouvelles forces techruques et l'a.ctivit des grandes puissances dominent le monde tandis que les idologies banalises asservissent les esprits.

    Kostas Axelos, conscient de cette situation, ne s'y rsigne pas. Certes il appelle de ses vux la naissance et le dveloppement d'une pense radicalement nouvelle, l a fois post-philosophique et plantaire. Mais i l dnonce aussi la misre intellectuelle d'aujourd'hui en se rfrant aux hautes poques de l'ancienne pense. De ce mouvement vers l'avenir et de ce retour aux sources originelles, il a tir une uvre singulire qui se trouve momentanment d'autant moins reconnue qu'elle recle une sorte de pouvoir traumatique.

    Comment ceux qui prtendent philosopher, pourraient-ils reconnaitre une pense ouvertement fonde sur la fin de la philosophie ? Comment les autres, engags presque tous dans des pratiques parcellaires et dans leurs justifications idologiques, au jour le jour, pourraient-ils accueillir cette mme

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    pense se tenant pour l'hritire, en un sens post-historique, de la philosophie?

    En publiant rcemment Pour une thique problmatique, Axelos est parvenu au terme d'un cheminement de quinze annes (1). Certes, ce derier ouvrage, bref et dense, doit se lire pour lui-mme comme une tentative, selon nous pathtique, d'lucider le jeu de l'homme dans l e jeu du monde. Mais nous croyons que la pense qui le porte et l'emporte ne se rvle suffisamment qu' la faveur d'une vision globale de l'uvre de l'auteur.

    Axelos a abouti au problme de son derier livre, c'est--dire au problme thique et au problme de l'thique, en traversant pralablement une sorte de dsenchantement. n a, comme beaucoup d'autres, subi l'influence du marxisme et celle de la psychanalyse. Aussi ne croit-il pas que l'on puisse innocemment se poser la question : que faire ? ou : que doit-on faire ? n sait que sur le plan collectif et sur le plan individuel Marx et Freud nous

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  • obligent, avant tout, nous .demander non seulement ce que nous faisc;ms, mais quelles sont les forces infrastructurelles ou inconscientes qui nous font.

    La question de l'thique problmatique sera donc ncessairement une question post-marxfste et post-freudienne. Mais Axelos, diffremment de nous-mme, ne propose pas la mise en connexion directe de la problmatique de Marx et de celle de Freud. Il a mme prcis: Pour comprendre et pour relier Marx et Freud il faut les situer dans l'toile aryenne et juive qui fomte - travers moult informati()ns, dformations, transformations et figu rations informelles - la constellation dominante de notre firmament : la constellation Hegel-Ma.rx Nietzsche-FreudHeidegger, la constellation englobante qu'il s'asit de comprendre spcifiquement, unitairement et quintuplement avant de l'intgrer dans une plus vaste, lointaine et future constellation, la constellation du jeu plantaire 2.

    S'il s'agit de comprendre d'une manire historique et culturelle Marx

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    et Freud ou de les interpeller spculativement, Axelos a raison de les intgrer un enselllble dans lequel Hegel apparat comme l'initiateur de la dialectique, Nietzsche comme le rvlateur du nihilisme et Heidegger comme

    . le

    dcouvreur de l'unicit d e ce qui se dit, travers la pluralit de ce qui est dit. Et nous entendons bien considrer l'uvre d'Axelos en relation avec la constellation englobante qu'il a luimme invoque.

    Mais, s'il s'agit de constater, aprs la fin de la philosophie, l'accession ce que nous appelons la pense-action, c'est--dire une unit pratico-thorique encore jamais atteinte, force nous est de reconnaitre que seuls Marx et Freud y sont parvenus, le premier en relation avec le devenir sociohistorique de l'humanit, le second en relation avec le devenir psycho sexuel de l'tre humain. Pour nous, l'intrt de Hegel, de Nietzsche et de Heidegger est un intrt historique et spculatif tandis que l'intrt de Marx et de Freud et d'une conjonction

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  • de leurs problmatiques est prospectif, pratico-thorique, bref rvolutionnaire.

    Ce dsaccord ayant t reconnu, il ne nous en parait pas moins indis pensable d'couter Axelos et de tcher de le comprendre partir de la constellation Hegel Mrx Nietzsche Freud Heidegger qui apparat dans cette optique, comme organise autour de l'axe de pense Hegel Nietzsche Heidegger.

    Le projet de Marx, c'est d'annoncer et de hter l'accession collective des tres humains la matrise des forces qui jusqu' prsent les ont domins afin qu'ils s'en librent. Le projet, au moins latent, de Freud, c'est de prparer l'accession des individus une recration, nous dirons une palingnsie, qui les fasse conscients d'eux-mmes. Or Axelos en est progressivement venu penser que la libration sociohistorique et la libration psychosexuelle ne seraient jamais actualisables et que de tels projets taient vous la dgradation comme le montrent les aventures et les msaventures du mar-

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    xisme officiel et de la psychanalyse officielle.

    A partir de l, Marx et Freud ne peuvent plus nous clairer que comme deux toiles de la con.stellation prcite tandis que la vie des hommes su la Terre est commande pa.r ce jeu du monde qu'ils jouent et qui finalement les joue ; ce qui, en dernire analyse, nous ramne la vision tragique de la mort de Dieu. Cette vision tragique a d'abord t celle de Hegel puis celle de Nietzsche qu'elle a tout entier envahi, enfin celle de Heidegger qui nous suggre, en bon professeur, qu'elle n'a pas cess de se dire depuis que des penseurs tentent fragmentairement de la dire.

    Parler, penser, travailler, lutter, aimer, mourir - !U)nnez-vous tout cela, sans fanatisme aveugle, sans tide ccit -, en jouant. Ainsi parle un commandement central de l'thique problmatique. En recommandant galement de ne pas oublier que nous sommes aussi jous par toutes ces forces lmenta-ires 3 Tout serait commenter

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  • dans ce commandement suivi d'une recommandation qu'Axelos, nouveau Zarathoustra, nous rvle.

    Certes, Marx et Freud ont dsign les activits ludiques comme ce vers quoi l'tre humain, en se librant, irait. Mais l'imprat ludique du texte prcdent, en nous introduisant d'emble dans l'univers du jeu qui est, en fait, un jeu de l'univers, accomplit l'inversion du rapport anthropo-cosmique au profit du cosmos que nous ont montre, l'horizon, Nietzsche et Heidegger.

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    I

    LE COMMENCEMENT ET LA FIN

    L'objet . dont Axelos a cherch d'abord se saisir,. c'est la philosophie. Plutt que de partir sa poursuite travers son histoire, il a voulu l'atteindre pr-historiquement et post-historiquement. C'est le sens que nous paraissent revtir dsormais les deux premiers ouvrages d'Axelos en franais: l'un consacr Hraclite, penseur prphilosophique, l'autre consacr Marx, penseur (et plus que penseur) post philosophique'

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  • De Platon Hegel, la philosophie, considre comme une forme spcifique de la spculation, doit tre reconnue com.me une pense institutionalise. Cette spcificit institutionnelle rside dans son anthropocentrisme. Aussi le cou.rs de la philosophie atil donn l'antiquit mditerranenne et la modernit europenne son accompagnement idologique propre, distinct du dploiement plus large des religions.

    Hraclite rvle une pense que l'anthropocentrisme n'a pas encore rduite la limitation philosophique. Marx, lui, annonce une pense-action travers laquelle l'tre humain se crera et se dcouvrira au-del de la division sociale du travail par le moyen d'une lutte des classes pousse jusqu' son propre dpassement.

    Dans son premier ouvrage en franais, Axelos interpelle Hraclite ; autrement dit, il ne cherche pas essentiellement soumettre son uvre une analyse historique, il tente plutt d'entrer en dialogue avec le logos hracliten. Ce logos n'est pas encore philo-

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    sophique, il exprime et il est une pense qui demeure ouverte et multidimensionnelle, questionnante et nigmatique, fragmentaire et potique 5 Aussi pouvons-nous et devons-nous, aprs la mort de la philosophie, questionner la pense qui s'est dploye avant sa naissance, en l'occurrence le logos hracliten.

    Sans doute pourrait-on trouver non seulement avant la philosophie mais aussi en dehors de son cours historique des manifestations multiples du logos originaire. Il n'y a pas que l'Ephsien, il n'y a pas que les Ioniens. L'Afrique, l'Asie notamment sont riches en socits qui ont dit le monde et l'tre humain, le devenir et l'tre, la fois dans leur multiplicit et leur unit.

    Le choix d'Axelos pour Hraclite doit tre dlivr de toute motivation europocentrique ; eu fait, il peut se justifier par la situation de l'Ephsien dont l'uvre prcde de peu l'instauration platonicienne de la philosophie. Il est lgitime de penser Hra-

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  • elite et la philosophie parce .qu 'Hraclite n'est pas la philosophie, tout en l'tant dj; il l'annonce sans pour autant s'y rduire.

    A la suite de Hegel et de Lnine, nous pourrions tre tent de voir dans Hraclite le fondateur de la dialectique. Mais ce serait succomber une tentation pseudo-historique. Avec son chapitre sur Hraclite, dans ses Cours sur l'histoire de la philosophie, Hegel commence le dialogue. Nanmoins, il traduit la pense d'Hraclite dans le langage de sa logique dialectique et ontologique : Hegel comprend Hraclite gnialement, mais dans l'horizon de son idalisme spculatif 6

    Pour Axelos, l'usage du terme diale ctique est ici ambigu : ce qu'il faut apprhender, chez Hrac1ite, c'est le logos fondant le discours et le dialogue et animant la dialectique. Il prcise : la dialectique hraclitenne n'est pas conceptuelle. Elle met en uvre une intuition fondament-ale des contraires. C'est plus tard que va se construire la dialectique logique qui opre avec

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    les oppositions des concepts et qui englobe l a logique formelle de la non-contradiction dans la logique synthtique 7

    Comment, dans ces conditions, ne pas rapproch_er le logos hrac},iten de la saisie intuitive des contraires chez un Lao-Tseu et dans la pense ontologique et anthropo-cosmique de l'ancienne Afrique ? D reste que ces rapprochements n'ont pas la faveur d'Axelos qui crit propos des affini ts dcouvertes par d'autres entre la pense chinoise e t celle d'Hraclite : Toutefois, la pense chinoise (confucenne, taoste ou clectique) demeure orientale et asiatique et n'arrive pas - l'instar d'Hraclite - s'inscrire dans le rel devenir mondial s. Comment ne pas voir que cette inscription dans le devenir mondial exprime l'imprialisme culturel de l'Occident qui a cru, depuis deux sicles, que ses sources taient universelles ? Et comment ne pas sentir que la puissance croissante de la Chine est dj en train d'inscrire, par exemple, Lao-Tseu qui, vrai dire, s'y trouvait dj, dans le devenir mondial percep tihle tous ?

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  • L'un des aspects, pour .nous, les plus fascinants de la pense d'Hra elite rside dans l'expression d'un hell nisme juvnile et non-spar de ses sources africaines, asiatiques et proche orientales. Axelos, lui, prfre chercher chez l'Ephsien ce qu'il y a de plus personnel, de plus unique. Il faut donc juger son travail sur ce plan.

    Au centre de la pense hraclitenne se trouve srement une intuition de la divinit. Axelos nous en dit ceci : L'tre de dieu est en devenir. Dieu est en mouvement ; il se transforme restant le mme. Le devenir est divin. Dieu est uni au logos, au cosmos, au feu: il est l'unit des contraires 9 Peut-tre est-ce en tant que divinit que le logos se laisse, relativement parlant, le mieux saisir. L'indistinction et la distinction de dieu et du monde indiquent l'unit propre la pense hraclitenne, intuitive et dj en voie de dialectisation.

    En tout cas, c'est partir de cette divinit qu' Axelos en vient, ds 1962, au problme thique dont il traite

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    aujourd'hui. li crivait alors : La divinit est la sagesse univetselle qui nourrit et surpasse toute sagesse parti culire... La divinit ne neutralise rien, car elle maintient aussi la lutte des contraires, sans laquelle le monde sombrerait. Elle est guerre et harmonie, elle est le Jeu unitaire 1. Voici donc le jeu reconnu comme agir et tre de la divinit mme.

    En vrit, l'thique problmatique s'offre selon un style aristocratique et potique qui n'est pas sans parent avec le style hracliten. La recon naissance du devenir universel nous contraint renoncer la fois aux thiques catgoriques et aux morales hypothtiques puisqu'il apparait que nous sommes faits plus que nous n e pouvons rellement e t librement faire. Mais l'thique resurgit sans cesse comme une question irrsolue, voire insoluble, se posant nanmoins comme si elle devait et pouvait tre rsolue par l'individu ou la socit.

    L'thique problmatique apparat comme une manire hraclitenne ou

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  • no-hraclitenne d'assumer cette question. Au fond, elle est invitable. Aussi le discours ne peut pas cesser en face d'elle, mme s'il dcouvre et proclame que le silence est ce dans quoi le jeu, au-del des justifications drisoires, s'inscrit.

    Finalement Axelos dcouvre, dans l'obscurit de l'Ephsien, la lumire d'Asie : Nous aurons mlanger et transgresser l'acte de vivre, combin avec celui de survivre, nous mettre jouer avec la mort qui se joue de nous. Dans cette ouverture au jeu du monde - aids par une pense contemplative mais non contemptrice, spculative mais non spculaire - nous aurons aussi retrouver les filons des thiques de la sagesse asiatique et orientale 11 Ainsi le problme des fins ramne notre auteur la question du commencement qui s'appelle, pour lui, Hraclite.

    Aprs la philosophie et en effectuant le dpassement se situe Marx. Axelos a voulu, comme pour Hraclite, entrer en dialogue avec Marx et l'interpeller. Il est maintenant possible d'ap-

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    prcier la porte de l'ouvrage dans lequel il a accompli cette tche.

    Sous l'influence de la socialdmocratie, Marx a t surtout considr comme un thoricien de l'conomie et de la socit ; aussi rduisait-on son uvre une interprtation superficielle et restrictive du matrialisme historique. Ragissant contre ce courant, Lnine, ds 1908, cherche redonner au marxisme sa dimension philosophique, insparable, selon lui, de sa porte rvolutionnaire. Mais Lnine, sur ce point, reste prisonnier de la schmatisation de Engels dont il fera le matrialisme dialectique et dont on connat les avatars idologiques dans le monde sovitique.

    Il faudra attendre Henri Lefebvre pour que soit donne, en 1939, une interprtation en profondeur de ce que l'on pourrait appeler l'aspect philosophique de la pense de Marx 12 Cette interprtation, fonde sur les uvres de jeunesse, notamment les Manuscrits de 1844, affirme que la pense de Marx s'est organise et

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  • dveloppe partir d'une saisie de l'tre humain comme tre alin.

    Chez Hegel, l'alination demeurait mystrieuse ; elle tait le processus par lequel l'tre humain devient tranger lui-mme selon un devenir de la conscience dchire ; chez Feuerbach, l'alination c'est l'engendrement fan tasmatique de Dieu par l'homme, c'est la religion. Chez Marx, la faveur d'une inversion radicale de la pers pective, l'alination, c'est le processus objectif par lequel le producteur, tout en dominant la matire, s'asservit au propritaire des instruments de la pro duction. Le dchirement socio-historique de l'homme, son alination sous tous ses aspects, ont pour fondement la production qui, travers la division du travail, engendre les classes anta gonistes, en mme temps que les oppositions entre les manuels et les intellectuels, les gens des villes et ceux des campagnes. Selon Lefebvte, le marxisme se dploie comme comprhension de l'alination et comme entreprise pratique et thorique pour la dpasse1

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    :finalement dans l'engendrement de l'homme total de la socit communiste.

    A la suite de Lefebvre, des auteurs le plus souvent chrtiens et nous-mme avons dvelopp, durant les annes 50, diverses tudes du marxisme fondes sur le concept rput central de l'alination 13, n s'agissait l d'un progrs par rapport la vision conomiste de Marx selon la social-dmocratie et par rapport la conception catchistique que le marxisme-lninisme officiel en prsentait dans le mme temps. Mais l'inconvnient du marxisme pens partir de l'alination rsidait dans une insuffisante prise de conscience de la rupture accomplie par Marx l'gard de Hegel et de la novation radicale constitue par l'accession de Marx l'unit de la thorie et de la pratique, sur la base de la pratique 14 relativement au devenir socio-historique.

    Aujourd'hui, la diffrence des annes 50, prvaut l'ide selon laquelle le concept dominant de la pense de Marx n'est pas celui de l'alination mais celui de la praxis, c'est--dire

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    1 l 1 1 . 1 1 1 1 ., !

  • de la pratique sociale par laquelle l'homme produit et, en mme temps, se produit. Mais l'on n'a pas assez ou pas assez souvent remarqu que ce changement trs important dans l'interprtation de Marx s'amorce et, pour une part non ngligeable, s'accomplit dans l'ouvrage publi par Axelos en 1961. Certes cet ouvrage accorde beaucoup plus de place aux analyses des divers aspects de l'alination qu' l'lucidation du concept de praxis. Mais la technique, entendue comme pratique industrielle et scientifique de la transformation du monde, de la nature, de la matire en vue de leur domination par l'homme est bien le centre de la rflexion d'Axelos sur Marx. Dans cette perspective Marx est radicalement novateur parce qu'il est le penseur, par excellence, de la technique, il faudrait dire de la pratique conomiquement productive et de la pratique socialement rvolutionnaire du proltariat industriel.

    Axelos affirme : Quoique l'accent de la pense de Marx soit plutt philosophique dans Economie politique et

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    philosophie (1844), conomique dans la Prfac.e de la Contribution la critique de l'conomie politique (1859) et politique dans le Manifeste du Parti communiste (1848), sa pense part toujours, tout en voluant, du mme centre :

    . du

    travail productif qui dans son dveloppement conditionne toute la marche historique. Ses yeux sont toujours fixs sur le prsent et ses alinations, sur ce qui engendre la ncessit de la transformation rvolutionnaire de la socit par les travailleurs qui raliseront, dans la praxis, la thorie mi-philosophique, mi-scientifique, mi-pratique 16,

    Sans doute a-t-on pu, non sans raison, reprocher Axelos d'avoir privilgi l'excs les uvres de jeunesse de Marx. Cela signifie qu'il a surtout travaill sur les documents mis au premier plan de l'actualit au cours des annes 50. Mais, prcisment, son originalit et son mrite sont grands d'avoir, partir de ces textes, dpass l'interprtation par trop fonde sur l'alination pour inaugurer la comprhension de Marx comme penseur de la

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  • pratique. Sans doute faut-il regretter qu'Axelos n'ait pas accord, dans son livre, une place plus grande la lutte des classes et que la praxis puisse sembler, par l mme, tre rduite la production ou la technologie et ne pas suffisamment englober la lutte rvolutionnaire des classes, comme praxis socio-historique 16 Il n'en reste pas moins qu'il a ouvert la voie une prise en considration nouvelle de l'uvre de Marx dont la novation radicale consiste, pour nous, dans l'ide de l'auto-engendrement de l'tre humain par et dans le travail social et travers la pratique des luttes de classes et qui fait de Marx non seulement le penseur de la technique mais le promoteur de la pense-action sociohistoriquement rvolutionnaire.

    Refusant de participer la dgnrescence du marxisme en idologie bureaucratique d'Etat, Axelos continue interpeller Marx. Mais une certaine vision tragique de l'existence et, surtout, une pense du jeu du Monde, l'en font progressivement s'loigner.

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    Dans son dernier ouvrage, Marx recule l'arrire-plan, sans pour autant tre oubli : A supposer que l'homme veuille vivre encore lonBtemps, le jeu se jouera de l'lwmme comme dieu se jouait des homos et ceux-ci des enfants. Dans le crpuscule d'une civilisation, dans l'agonie d'un monde o il n'y avait pas la mort prochaine au bout commenait . crotre cette corma.issance pleine d'humour : il n'y a pas cote que cote de sauvetage de l'espce. Hraclite avait dit le logos et Jlfarx souponna la force de la techno/,ogie. La pense plantaire reconnat l'errance planificatrice et aplanie de la pense et de la tee/mique 17

    L'thlque problmatique ne devra presque rien Marx si ce n'est ngativement en tant que Marx critique la mystification idologique propre aux morales et en tant que le marxisme devenu idologie sera l'un des aspects de l'agonie de notre monde.

    Au fond, la pierre d'achoppement du projet d'thique problmatique reste l'isolement de l'individu dont il part et auquel il nous ramne. Rien ne nous

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  • interdit d'imaginer un nouveau cours de la pense d'Axelos o, par la force des choses, il sera contraint de rencontrer et d'interpeller, dans des conditions diffrentes, ce Marx dont il semble quelque peu prendre cong aujourd'hui.

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    II

    L'ERRANCE

    Dieu est mort, autrement dit les temps de la philosophie sont rvolus, comme l'a compris Heidegger, tout en exprimant sa nostalgie par un passage du penser (tknken) au potiser (dicheen). Nous sommes donc vous

    l'errance, car les normes que nous pourrions accepter sont dsormais dvoiles comme non-rationnelles, nonuniverselles, donc non-ncessaires. C'est travers cette errance, la fois commune et singulire, qu'Axelos a tent de sc frayer une voie vers la pense plantaire annonce par lui.

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  • Chronologiquement parlant, entre Marx et Freud, il y a eu Nietzsche. Mais ce qui a t retenu de lui a t, pendant longtemps, une idologie antichrtienne, anti-dmocratique et antisocialiste, bref une sorte de prfascisme intellectuel. Aprs la Seconde Guerre mondiale, divers spcialistes ont procd une rvaluation de l'uvre de Nietzsche et une interprtation enfin approfondie de sa pense.

    L'utilisation que le nazisme a faite de certains thmes nietzschens apprhends dans leurs sous-produits idologiques ne saurait dsormais nous dissimuler l'expression tragique que l'auteur de Ainsi parlait Zarathoustra donne la crise de l'Occident au moment mme o son imprialisme s'tend la Terre entire. Axelos a reconnu en lui le premier penseur de l'errance et l'annonciateur d'une nouvelle pense. En le reliant Hraclite, il dclare : C'est Nietzsche qui sut faire cho la parole pensante d'Hraclite en dpassant le plan anthropologique et humaniste de la position et de l'interprtation du

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    jeu. C'est Nietzsche qui proclama. l'innocence du devenir, qui comprit la totalit non totale de l' Etre-Nant, en un mot le monde, comme jeu, ce mme jeu reliant dans la vrit-errance l'homme ce qui s'impose lui 18 .

    Nous dcouvrons l, avec l'errance, la dimension irrationaliste de la pense d'Axelos. Car il met en question la ratio. Alors que Marx et Freud explorent l'irrationnel pour tenter de le matriser ou de s'en librer, Nietzsche s'ouvre l'irrationnel. Quand la mesure de l'tre humain devient trop petite, en relation avec la dcadence d'une civilisation, le recours la dmesure s'impose. C'est la dmesure, l'irrationnel qui donne son. nouveau cours au devenir humain.

    Au total, Axelos a moins crit sur Nietzsche que sur Mar:x ou mme Freud. Il est pourtant imprgn de la pense tragique de l'auteur de La volont de puissance, plus que de toute autre. Comme lui, il ne croit pas que l'accession de l'humanit ses tats futurs puisse s'accomplir par un progrs

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  • des forces productives, de . la. lutte collective des exploits ou de la prise de conscience des contenus inconscients du psychisme. La vie vers l'avenir lui semble passer par une dcadence dans laquelle nous sommes prsentement engags et dont Axelos entend s'extraire au moins par la vise d'un autre horizon.

    De l'ancienne rationalit offerte comme paradigme par la philosophie Punit vivante et dialectique du rationnel et de l'irrationnel telle que l'avenir nous la donnera, il faut accepter d'accomplir le passage qui est le temps de l'errance, c'est--dire du surgissement et de l'invasion de l'irrationnel.

    Assum comme tel, l'irrationnel donne la mesure dmesure du jeu; ignor, mconnu ou refus, il nous entrane vers les pseudo-rationalisations qui sont les signes de la dcadence. Nietzsche, xepris par Axelos, devient l'introducteur la modernit reconnue comme dcadence.

    N'y a-t-il pas un cho de La volont de puissance dans ces lignes de

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    Vers la pense plantaire : Ce que saint Paul a crit aux Galates, Il n'y a plus ni Juif, ni Grec, il n'y a plus ni esclave ni lwmme libre, il n'y a plus ni lwmme ni femme, car rous vous @tes un ... , se ralise d'une certa'ne manire. Tout marche dornavant vers un nouvel cumtnisme, un syncrtique et clectique christiano-capitalo-socialisme.

    La force des ismes qui, bien que misrables, passent dans les murs et informent vie individuelle et vie historique, vient de leur impuret . Ils promettent plus qu'ils ne tiennent. Ils n'accomplissent jamais leur but premier [ ... ] C'est dans cet peu prs que se font et se dfon.t les tres et les choses, entre l'veil, le songe et le mensonge. Tout S()u.ffie initial s'essouffle et se mondialise dj un peu essouffl 19

    La dnonciation des idologies rgnantes n'est pas faite au 11.0m des forces sociales nouvelles et de leurs luttes pour un avenir libre ; elle est profre au nom d'une singularit existentielle qui se refuse participer la mdiocrit ambiante. Point n'est besoin

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  • de se rfugier Sils-Maria ou Eze pour dnoncer la dcadence gnralise ; comme le montre Axelos, il suffit de vivre Paris.

    Devant ces nouveaux dveloppements du thme nietzschen de la dcadence, nous avouons demeurer un peu perplexe. Aprs tout, de quoi se plaint-on ? La philosophie est morte et avec elle un style de pense qui a t celui des chefs-d'uvre des hautes poques (hellnisme des ve et Ive si cles avant Jsus-Christ, germanisme de la fin du xvme sicle et du dbut du x1xe). Ne doit-on pas, dans ces conditions, s'attendre au spectacle d'une spculation dsormais affaiblie et, pour ainsi dire, mdiocrise ?

    La dnonciation de la dcadence ne saurait remplacer l'analyse marxiste et freudienne de ses manifestations circonstancies en vue d'en dgager le sens. Qu'est-ce qui se dit de nouveau aujourd'hui travers le discours chrtien, le discours rationaliste, le discours communiste et travers la rsurgence du discours anarchiste ? D'un point

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    de vue intgralement spculatif, rien sans doute qui n'ait t dj exprim et mieux exprim hier ou avant-hier. D'un point de vue prospectif et praticothorique, beaucoup plus certainement que l'organisation des signifiants u le laisse discerner.

    Solitaire quand il dnonce la dcadence, Axelos reste solidaire, par la force des choses, quand il vit l'errance que nous vivons tous. Errartce, dit-il, ne signifie pas erreur et aberration, fausset, vagabondage et mensonge. Il n'y a plus de rfrence un absolu - absolu de quoi ? - mais le jeu de Cela . Tout ne devient pas relatif - relatif quoi ? - mais constitue une approche de Cela , de l'insaisissable, qui n'est ni une ide, ni une personne, ni une chose. Il est le jeu du temps qui ne nous permet pas de figer l'tre, d'hypostasier le devenir, de poser la totalit, de supposer le monde 20

    Ainsi l'errance apparat comme la face obscure de la plante ludique ou plutt du jeu plantaire. C'en est fini de la transparence, d'ailleurs falla-

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  • cieuse, des anciens principes et des anciennes normes. Nous avons t con traint de revenir nous-mme et nous aboutissons ainsi l'opacit extrieure et intrietrre de Cela - du jeu de l'tre ou devenir de la totalit frag mentaire et fragmente du monde multi dimensionnel et ouvert. L'errance a du jeu sa dmesure alatoire et ne devient jeu qu'en dcouvrant la mesure de sa dmesure. Ou, si l'on prfre, l'opacit du Cela disparat, et les voies s'ouvrent devant une cration nouvelle et illimite lorsque l'unit du hasard et de la ncessit surgit par-del l'opposition de la rvolte et de la rsignation.

    De l'ancien logos la future pense plantaire, l'homme passe par l'errance qui, devenant consciente d'elle-mme, se fait jeu. Au bout de la nuit, l'thique problmatique rsulte d'une transmutation des valeurs . Cela veut dire que l're nouvelle, selon Axelos, ne sera pas un tat dans lequel l'humanit pourrait s'installer, ni mme un devenir libr de toute servitude.

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    L're nouvelle sera plantaire, au moins selon trois sens : premirement, par l'extension au monde entier de la technique nouvelle et de tout ce qu'elle entrane, deuximement par l'errance qui se poursuivra, troisimement par la nouvelle pense qui fusionnera, en quelque sorte, l'errance de la technique et la technique de l'errance. Bref, nous ne sortirons pas un jour de la dcadence pour entrer dans l'ascension d'une nouvelle civilisation ; nous cesserons plutt d'tre en proie la dca dence le jour o, nous dtournant de la recherche .du salut individuel ou collectif, nous jouerons, conscients dsor

    ' mais qu'il n'y a jamais eu et qu'il n'y aura jamais de souverain que le jeu.

    Entre les praxis rvolutionnaires selon Marx et la transmutation nietzschenne des valeurs, Axelos a choisi la seconde, La porte de son uvre, c'est de nous permettre de voir jusqu'o l'on peut aller dans cette voie, mme si elle n'est pas la ntre. Se dirigeant de Nietzsche vers la pense plantaire,

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  • Axelos rencontre Freud en mme temps que ce qu'il appelle l'errance rotique.

    C'est prcisment au niveau de cette errance rotique qu'il saisit le mieux sa propre vision de la dcadence e t de son dpassement, comme ngation de la ngation : De nos jours, o le conformism.c le plus plat, la restait ration gnrale de tout ce qui a t mis en question et le rgne des institutions ne cessent d'touffer les forces vives de l' &re humain - l'Ouest et l'Est, et pas seulement celles de l'homme rape tiss de l'humanisme - et o, conjointement, se dveloppe un. cmtiphilistinisme tout aussi plat et mdiocre, le jeu des forces de la sexualit, de l'rotisme et de l'amour est de la plus haute porte [ ... J Il s'agit de s'otwrir aux forces productives de la pousse rotique et de la dception, la permanente tentation et la morsure : en accepta-nt, grce an dpassement de l-a fixit du plaisir et du got amer du dplaisir, les chances et la duret du destin dvolu l'homme qui marche - travers le foisonnement

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    \ des artifices multifonnes - vers un dpouillement total 21.

    Ce texte date de 1959. La vague d'rotisme venue d'Amrique n'avait pas encore atteint l'Europe. Pourtant Axelos avait su remarquablement discerner la signification multiforme de l'errance rotique. Car travers cette errance, la relation de la culture la nature se dploie pour chaque existence singulire qui ne peut se faire qu'en se dfaisant.

    L'errance rotique, c'est celle que chacun peut vivre, sans recours au concept, et dont chaque couple prouve la souveraine puissance. Axelos le dit, sa manire : Chaque couple, quel qu'il soit, comporte un troisime personnage, continuellement prsent. Le troisime angle du triangle fondamental, c'est la mort. Avec ou sans ami cle la

    femme, avec ou sans amie de l'homme, avec ou sans souvenirs crasants, pater-1!.els ou ma-ternels, avec ou sans enfant, avec ou sans nette perspective d'ouverture, les deux partenaires de chaque couple affrontent constamment un.c troisime

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  • puissance : la puissance de l'a&sence, le devenir de la nga,tivit, la mort 22

    L'errance fondamentale, c'est donc la prsence de la mort dans la vie, c'est l'unit de la vie et de la mort contre laquelle il n'y a d'autre recours qu'une sorte d'abandon ludique. L'thique problmatique s'annonce ici, avec treize ans d'avance, car la prsence de la mort dans la vie montrait dj qu'il n'y a pas, qu'il ne saurait y avoir de nature humaine.

    L'thique problmatique est oblige de le reconnatre: l'homme n'est pas ceci ou cela. Toutes le. formulations - que lui-mme formule - le dsignent comme l'tre qui se formule. En tant que tel, il est le seul. La fragilit de la vie humaine, cette totalit fragmentaire en devenir, actualise Cela qui joue - que nous soyons tolrants ou intolrants -dans le mouvement courant et contrecourant qui ne cesse d'obir aux rgles d'exclusion. A toute tension ne correspond pas une solution apaisante 23

    De toute vidence l'analyse par Axelos de l'errance rotique le renvoie

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    et nous renvoie au Freud partiellement nietzschen de l ' entre. deux. guerres. L'opposition entre Eros et Thanatos, d'abord conue comme une contradiction entre termes extrieurs l'un l'autre, puis reconnue, plus diale

    .cti

    quement, comme immanente la libido eUe-mme, claire l'errance rotique, pour ainsi dire, de l'intrieur.

    Tent probablement de prolonger le projet de libration psycho-sexuelle d'un Reich ou d'approfondir la contestation par Marcuse de la rpression de la sexualit dans son rapport avec la pnurie conomique, Axelos maintient le cap sur la pense plantaire et laisse d'autres non seulement les projets anthropologiques, mais encore les entreprises pratico-thoriques. En somme, personne n'est forc de le suivre mais, si l'on veut le rencontrer, il faut savoir o il est.

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  • III

    L'AFFRONTEMENT DU NIIDLISME

    L'Occident a termin sa propre histoire culturelle avec Marx et avec Freud, promoteurs, chacun son plan, d'une pense-action qui relativise l'Oc- cident et s'ouvre la totalit mondiale. Nous sommes convaincu que la rvolution totale, aujourd'hui en gestation, devra, thoriquement parlant, partir de Marx et de Freud et d'eux seuls, en raison de leur accs l'unit praticothorique qu'aucun autre n'a par ailleurs accompli.

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    La rvolution totale, c'est--dire la fois socio-historique et psychosexuelle, apparat comme le dpassement des contradictions inhrentes la condition humaine actuelle. Nous parions en faveur de ce dpassemnt, en nous engageant dans les luttes qui le prparent. Mais, nous admettons la possibilit du non-dpassement, c'est -dire de l'chec de l'tre humain dans son devenir socio-historique et dans son devenir psycho-sexuel.

    L'utilit, au sens le plus lev, de l'uvre d'Axelos, c'est prcisment qu'elle se situe dans cette perspective de l'irrsistible monte du nihilisme comme expression du non-dpassement et finalement de la tragicit du devenir humain. Axelos expose, pour lui certes mais aussi pour nous, le chemin de l'improbable et du nant. Je ne crois pas qu'il faille se rallier lui, mais je sais qu'il faut l'couter.

    Aprs le cycle de l'errance qui comprend ses trois premiers ouvrages, il est entr dans un nouveau cycle qui est celui du jetL - jeu du monde

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  • et jeu des hommes dans le. monde. Du point de vue de la ngativit qui continue se dployer en lui et travers lui, ce cycle peut tre appel, selon nous, celui de l'affrontement du nihilisme. Et, il fallait qu'Axelos, comme Nietzsche et comme Heidegger, ft seul et dcidt de l'tre, intellectuellement parlant, pour que cet affront? ment ait exemplairement lieu.

    Le nihilisme apparat d'abord comme la chute du monde dans l'insignifiance. On ne veut pas reconnatre le commencement de la fin , crie Axelos 24 Et il ajoute : On ne le voit pas, mais cela ne fait rien : l'poque marche vers l'instauration d'une mdiocrit et d'une insignifiance mondiaies et plantaires ... L'poque des derniers hommes et des derniers des hommes durera 26

    Mdiocrit universelle, insignifiance gnrale, dcadence mondiale, voil les diagnostics dont se nourrit le nihilisme et voil ce quoi l'thique problmatique cherche apporter des rponses.

    Le nihilisme apparat ensuite

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    comme une prise de conscience de la fin de toutes les valeurs. Il devient la vrit d'un monde et d'un homme dfinitivement dvalus : La crise permanente de la civilisation appartient l'allure foncirement nihiste d'une civilisation et d'une culture qui ne savent gure au nom de quoi elles partent la conqute de la terre et du ciel 26

    Le nihilisme apparat enfin comme un refus, au moins conscient, de luimme ; encore qu'il soit peut-tre un consentement inconscient au nant, un prambule au suicide collectif et individuel. Intellectuellement, il est bien un refus parce que poser Cela, c'est tre autre que Cela. Nietzsche annonait l'avnement du nihilisme europen, Axelos constate l'instauration du nihilisme mondial. Mais, le premier prophtisait le dpassement mythique dans le surhumain et le second se tend et cherche nous faire tendre vers la nouvelle pense, la pense plantaire. Affectivement, on trouve, chez l'un et l'autre, une dlectation morose qui ressortit probablement d'une complicit

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  • avec le surgissement, l'invasion et le dferlement du nihilisme. Dieu est mort devient Frres, i1 faut mourir . Les chrtiens ont trouv et trouveront encore un cho d'eux-mmes dans ce thme funbre. Nanmoins, il s'agit pour Axelos de vivre comme par-del la mort une vie en tant que jeu grave et drisoire.

    En vrit, le problme dpasse les personnes. Le nihilisme aujourd'hui se vit dans les conduites suicidaires inhrentes la vie quotidienne. La guerre continue tuer, la route tue, la politique tue ; tout cela veut dire que des hommes se tuent eux-mmes, pousss par une lucidit de l'inconscient pour laquelle la vie ne vaut plus la peine d'tre vcue. Aussi Axelos s'efforce-t-il de penser ce que nous vivons et de vi"Te ce qu'il pense. Son cheminement s'est transform en une marche travers le nihilisme, en un corps corps jou et pens avec la mort.

    C'est ici qu'il convient de distinguer la voie choisie par Heidegger et la voie choisie par Axelos, car partir du

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    mme point qui est l'tre-pour-la-mort de l'homme, elles divergent.

    Heidegger, on le sait, est all de sa mditation sur L'tre et le temps vers une pense du langage. Qu'est-ce qui se dit dans ce qui est dit ? Finalement, dans le discours philosophique, l'homme dit, selon des formes varies, un contenu immuable, savoir son appartenance l'tre et l'tre de son appartenance. Il y a donc une philosophia perennis qui continue, mme aprs la fin historique de la philosophie ou, si l'on prfre, aprs la fin de la philosophie historique. Les jeux de mots heideggeriens sont une manire de pousser le langage exprimer tout ce qu'il comprime.

    Axelos, toujours tributaire de Marx sur ce point, ne peut pas reconnatre la souverainet de la philosophia perennis. Il lui faut donc aller plus loin. Mais o et vers quoi ?

    En vrit, il lui faut aller vers cette pense nouvelle et plantaire que nous avons plusieurs fois voque et qui serait la transfiguration de l'ancien

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  • savoir absolu de Hegel. Il lui faut aussi aller vers la synthse du penser et du crer, vers l'unit de la vie et de la conscience dont Nietzsche a tragiquement essay de s'approcher.

    Le nihilisme pousse Axelos vers l'unit de l'tre et du nant, c'est-dire vers l'unit du dicih]e et de l'indicible, qui est tout autre chose que le communisme et l'homme total de Marx et que la rconciliation de la nature et de la culture chez Reich ou chez Marcuse.

    Comme Heidegger, Axelos pratique les jeux de mots moins pour librer l'expression que, la limite, pour la dtruire. Dans sa perspective, le nihilisme ne sera vaincu et dpass que par le nihilisme. Aussi hien notre auteur crit, dans Le jeu du monde, son matre-ouvrage : Le nihilisme n'est pas une erreur, une ab erration, une faute, une nwladie ; il n'est pas un point de vue, une thorie, une disposition psychologique ; il ne caractrise pas tel ou tel tat de choses particulier. Le nihilisme commence e"glober tout ce qui est et se

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    fait. Parler de lui, dans le moTI.de de la totalit fragmente, est extrmement dif ficile. Qu'on le dplore ou qu'on s'en rjouisse : il semble que seule une syst matique fragmentaire et aplwristique puisse oser l'aventure 27

    Une certaine rcusation du marxisme et de la psychanalyse devenus pratiques parcellaires et idologies justificatrices, une certaine rcusation de la philosophia perennis s'clairent maintenant. Car, pour Axelos, rien ne saurait vaincre le nihilisme qu'illusoirement. Et toute tentative, collective et individuelle, de le dpasser se rvle, en cours de route, une nouvelle manifestation du nihilisme ou une incitation nouvelle au nant.

    Quiconque essaie de saisir le nihilisme religieusement ou thologiquement, philosophiquement ou logiquement, scien tifiquement, psychologiquement ou mdicalement, historiquement ou sociologi quement, littrairement ou esthtiquement ne le saisit pas mais demeure saisi par lui. Sont, surtout, en plein dans le nihilisrne, et de la manire la plus bte,

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  • ceux qui ne le reconnaissent pas et prtendent le combattre, ne reconnaissant pas leur propre visage dans son miroir dformant 28.

    On songera ici aux imprcations xnophobes, racistes, fascistes contre la ngativit rvolutionnaire et aux ruines, matrieJles et autres, au non-sens auxquels ces imprcations ont conduit. On songera aussi l'anantissement de la conscience marxiste sous les rgimes bureaucratiques staliniens et poststaliniens. Sans doute, croyons-nous personnellement, que l'entreprise rvolutionnaire recommencera, qu'elle a mme dj souterrainement recommenc en nous et autour de nous et que, jugs par rapport elle, les rformismes sociaux-dmocrates, les totalitarismes staliniens et les impasses anarchistes feront un jour figure d'pisodes surmonts. ll n'en est pas moins vrai que le nihilisme dsigne un risque d'auto-anantissement du devenir humain dont Axelos nous permet d'valuer l'importance.

    De la manire la plus concise ou,

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    si l'on veut, de faon aphoristique, il dit : Le nihilisme est le berceau et le tombeau de tous les wtalitarismes 29

    Sans doute les adeptes de la grande entreprise pratico-thorique, elle assi plantaire, dont nous sommes, chercheront se dtourner de l'obsession nihiliste laquelle Axelos impitoyablement nous ramne. Il lui sera en outre demand quel projet ou, du moins, quelle rponse il apporte de l'intrieur mme du nihilisme.

    Voici ce que, par avance, il nous dit : Ce qui demeure : l'effort paisible pour se situer dans l'absence de la nature, la tension de la pense mettant tout en question, l'attente du dialogue amical, la fidlit envers ce qui ne se laisse pas oublier, la rencontre dans la brisure rotique, le saisissement de certains instants, la conqute de ce qui se drobe, la contribution lucide aux combats de l'avant-garde politique [ ... ] Qu'est-ce qui est plus fort que le nihilisme ? Le jeu du monde 30

    Nous pouvons donc essayer de nous jouer du nihilisme plutt qu'tre

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  • jous par lui. C'est l'activit ludique qui nous offre l'issue par laquelle nous pouvons paiticiper sans nous y asservir ce qui n'est ni l'ordre du monde, ni l'ordre de l'homme, ni non plus leur dsordre et qui dfie toute rduction catgorielle.

    n est permis de nous demander si le recours suprme contre la rification universelle ne consiste pas, selon Axelos, dans un certain dploiement de la subjectivit. Et c'est bien ce que les apparences nous inclinent penser. Mais nous sentons, nous comprenons qu' travers cette subjectivit d'autant plus agressive qu'elle se dit aphoristiquement, quelque chose d'autre se manifeste et se dploie. N'est-ce pas le Monde ? Et le jeu de son Temps ?

    L'thique problmatique descend des hauteurs du jeu du monde et nous rejoint au niveau du jeu des hommes. Mais elle n'claire ce dernier qu'en le rattachant au premier. C'est pourquoi nous avons eu le sentiment que, du Jeu du monde Pour une thi.que pro-

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    blmatique, Axelos tait pass de l'pique au pathtique.

    Que l'on veuille hien comparer au texte prcdent les lignes finales de son dernier ouvrage : Le maximum possible de lucidit suprme est inSupportable aux individus et aux ma.sses, Tout le monde cherche se caser -pratiquement et idologiquement (trs souvent dans le petit rtihilisme ; le gra.nd nihilisme qui nous englobe apportera encore plusieurs effondrements y compris celui de la foi dans les remdes) - mconnaissant la puissance de la tradition et peu ouvert . l.a rnovation et la sagesse. Mais, mme au-del du cercle satur de la reprsentation et travers l'activisme, nous n'viterons pas l'invitable ; jouer le jeu - tre jous par le jett. Finalement , plong omme un submersible combattant dot d'un priscope, dans les eaux troubles de l'action, sans cesser de penser et d'agir, bref, de jouer, guarda e passa ! s1

    Selon cette vision qui reste polyscopique et multi-dimensionnelle en devenant symboliquement priscopique,

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  • Axelos finit par ne plus diffrencier le fait de jouer le jeu du monde et le fait d'tre jou par lui. Au fond, en le suivant, nous sommes entr dans le jeu, sans quitter pour autant le nihilisme et l'errance et cette fin de la philosophie qui est aussi son commencement. Mais la diffrence surgit de la dcouverte mme de la nondiffrence, elle est cette non-diffrence reconnue et joue comme telle. Lointain cho du renversement de perspective de Chrysippe ? Peut-tre. En tout cas, plus profondment, ouverte ce qui vient de l'avenir vers nous et qui n'est pas encore dicible.

    La fascination et l'irritation que l'uvre d'Axelos engendre simultanment ou sparment chez ses lecteurs provient peut-tre de ce que nous nommerons son caractre fondamentalement religieux ou mditativement mystique. Cette mystique est certes dmythifie et dmystifie. Sans doute a-t-il dit et rpt que Dieu tait mort, que la philosophie tait morte et que l'homme enfin tait mort. Mais la

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    religion justement ne se ramne pas la saisie de Dieu, ne se limite pas au temps historique de la philosophie, enfin ne consiste pas dans ces humanismes dont notre poque a fait une si grande consommation.

    L o il est admis et quand il est reconnu que le verbe n'est pas puis par les significations qu'il produit, la religion et la mystique en tant que pense sont prsentes. A des fins et pour des raisons pratico-thoriques, on peut dcider de ne tenir compte que des significations socio-historiques et psycho-sexuelles de ce que le verbe dit. On peut mme, au prix de la plus grande frivolit, ne prendre en considration que les relations entre signifiants telles que le verbe les offre. Mais s'il se trouvait que ce qui n'est pris ni en compte, ni en considration reclait finalement une porte plus grande, que devrions-nous faire ?

    De cette frontire de l'indicible et du dicible, Axelos nous regarde passer. Et, uous avons du mal, quant nous, nous contenter d'un salut et d'une

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  • prise de cong. Car, si l'homme, pour Heidegger, est un montrew, Axelos nous apparat, lui, comme un veilleur et pas seulement, tels certains autres, comme uu veilleur.

    n veille sur la philosophie morte, il veille aussi sur les ruines de tous les temples et de tous , les mausoles. Et sa veille nous oblige nous demander si nos actions ne sont pas des songes. Il prend ses risques et nous contraint nous interroger sur le confort intellectuel auquel nous avons peut-tre, sans le savoir, succomb, et sur les risques qui peuvent nous surprendre et finalement nous prendre.

    A vaut les religions du salut et les eschatologies historiques, la pense religieuse s'est dploye, dans ses spcifications ethniques et dans son universalit ontologique, cosmologique et anthropologique. Dans la pense d'Axelos, nous percevons comme un cho de ce rythme la fois vital et verbal.

    La nature, l'amour, la pense, c'est la triade dont il se rclame. Mais ne faut-il pas reconnatre qu'avant

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    les temps de la totalit fragmente, il y eut ceux de la totalit vcue et joue, sinon encore pense, en- de de toute fragmentation ? Aprs le communisme comme retour - quoiue non-retour - la communaut dite primitive, aprs l'ternel retour nietzschen, aprs le retour du refoul selon Freud, Axelos ne nous offre-t-il pas une marche sur l'avenir qui est, en mme temps, une rsurgence nigmatique du jeu le .plus ancien du monde ?

    A notre avis, l'unit de la pense et de l'action, partir de l'action ellemme, constitue ce en quoi et par quoi l'tre humain collectif et individuel va vers l'avenir. Et il nous appartient tous de faire en sorte que ce mouvement vers l'avenir soit un devenir conscient et une libration progressive plutt qu'un destin.

    Cependant nous sentons et nous savons que l'activit pratico-thorique ne de l'unit de l'action et de la pense ne peut pas, et probablement, ne pourra jamais intgralement unifier le dploiement de la vie et la conduite de l'intel-

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  • ligence, certes issue de la vie mais devenue relativement distincte d'elle. Cette part non-unifie et, par l mme, non prise en charge par l'activit pratico-thorique, la pense religieuse l'avait traditionnellement reconnue pour champ de son dploiement. Conscient des problmes surgis de cette situation telle qu'elle se prsente dans la civil isation europenne, capitaliste et bourgeoise, Nietzsche avait cherch la transcender surtout potiquement, c'est-dire par le moyen d'une libration des forces cratrices demeures vivantes en l'homme. Heidegger, pour sa part, a cherch sinon une solution, du moins une manire de poser le problme nietzschen en termes plus techniques, c'est--dire plus philosophiques, en dpit de la fin de la philosophie. Ainsi, il a abouti au questionnement comme rsidu irrductible lgu par la philosophie la pense post-philosophique. Et ce questionnement apparat, rtrospecti vement, comme le sens de toute l'activit philosophique passe : Pourquoi y atil de l'tre plutt que rien ? .

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    La pense plantaire la naissance de laquelle Axelos veut contribuer de manire dcisive est une pense ques tionnante ; elle est aussi une unit dialectique du penser (denken) et du potiser (dichten ), c'est--dire une cration qui soit plus une cration de l'intelligence, qu'une intelligence de la cration. Mais il nous apparat que, dans le prolongement de Nietzsche plutt que de Heidegger et au-del de l'uvre nietzschenne, cette pense problmatisante s'offre comme mditativement religieuse ou mystique au sens que nous avons dj dfini.

    Pour nous, le jeu d'Axelos, par rapport au jeu du monde et au jeu de l'homme dans le monde, s'claire. A la fois transthorique et transpratique, transhistorique et transpotique, ce jeu cherche rsoudre le pass et problmatiser l'avenir en nantisant le prsent.

    Tout succs de l'entreprise praticothorique rvolutionnaire permet de rcuser, au moins temporairement, le jeu d'Axelos ; tout chec ou mme

  • tout pitinement de cette mme entreprise lui permet de s'offrir comme une sorte de recours contre l'infantilisme des illusions abusivement persistantes et contre la snilit du dsenchantement. Revanche du logos sur la praxis dans le temps mme o le logos dcouvre l'irrsistibilit de la praxis conqurante, langage de la force qui n'est au fond que la force du langage, tel est le jeu que Kostas Axelos a choisi et n'a pas choisi de jouer parmi nous. Sans doute pouvons-nous refuser de jouer avec lui. Craignons alors d'tre nous-mmes les jouets de tout et de rien.

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    NOTES DE L'AUTEUR

    1. Aux Editions de Minuit, collection Arguments , 1972, 117 pages.

    2. In Marx, Freud et les tches de la pense future. Diogne , octobredcembre 1970, p. 114.

    3. Pour une thique problmatique, op. cit., p. 30.

    4. Hraclite et la philosophie. Editions de Minuit, collection Arguments , 1962, 275 pages. Marx penseur d.e la technique; ibidem, 1961, 324 pages.

    5. Hraclite et la philosophie, op. cit., p. 9.

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  • 6. Ibidem, p. 47.

    7. Ibidem, p. 48.

    8. Ibidem, p. 218.

    9. Ibidem, p. 123.

    10. Ibidem, p. 128.

    11. Pour une thique problma tique, op. cit., pp. 75-76.

    12. Le matrialisme dialectique. Alcan, Paris, 1939, p. 153.

    13. P. Fougeyrollas, Le marxisme en question. Le Seuil, Paris, 1953, p. 173.

    14. L'expression est d' ailleurs d'Henri Lefebvre.

    15. larx penseur de la. technique, op. cit., pp. 65-66.

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    16. Pourvu qu'on comprenne le terme dans toute son ampleur et sa vraie profondeur, il serait temps peut-tre de commencer comprendre la pense de Marx comme une Technologie. La technologie constituerait mme le centre

    . de

    la pense marxienne, son intention et son nerf Ibid., p. 299. Dclaration admissible seulement si la technologie n'est autre que la pratique consciente d'elle-mme et inhrente la pense-action.

    17. Pour une thique problma tique, op. cit., p. 76.

    18. Kostas Axelos, Vers la pense plantaire. Editions de Minuit, collection Arguments , 1964, p. 21.

    19. Ibidem, pp. 39-40.

    20. Ibidem, p. 47.

    21. Vers la pense plantaire, p. 283.

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  • 22. Vers la pense plantaire, p. 282.

    23. Pour une thique problmatique, . op. cit., p. 87.

    24. Pour une thique problmatique, op. cit., p. 95.

    25. Ibidm, p. 101.

    26. Ibidem, p. 92.

    27. Le jeu du monde. Editions de Minuit, collection Arguments , 1969, p. 397.

    28. Ibidem, p. 401.

    29. Ibidem, p. 403.

    30. Ibidem, p. 417.

    31. Pour une thique problmatique, op. cit., pp. 116-117.

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    NOT! CE UIO-BIBL!OG HA PHI QUE

    .N le 26 juin 1924, Athnes. Suit, paralllement ses tudes dans un lyce grec, l'enseignement de l'Institut franais d'Athnes et de l'Ecole allemande. S'inscrit la Facult de droit et commence des tudes juridiques et conomiques. La guerre l'oriente vers la politique : sous l'occupation allemande et italienne, prend une part active la Rsistance et ensuite la guerre civile - dans laquelle les Anglais se trouvent militairement engags -comme organisateur, journaliste et tho-

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  • nc1en communiste (1941-1945). Se fait exclure du P.C. et est condamn mort par un gouvernement de droite.

    S'installe Paris en 1945. Etudes de philosophie la Sorbonne. Entre, en octobre 1950, au Centre National de la Recherche Scientifique - section philosophie - o il reste jusqu'en dcembre 1957. Ensuite jusqu'en juin 1959, attach de recherches l'Ecole Pratique des Hautes Etudes. Depuis 1962 charg de cours - de philosophie - la Sorbonne (actuellement Univer sit de Paris I).

    Donne des confrences dans la plupart des pays d'Europe, ainsi qu'au Canada et Cuba, et publie - en franais, en grec et en allemand -des tudes traduites en quinze langues.

    Rdacteur en chef de la revue Arguments (1957-1962), fonde et dirige la collection Arguments aux Editions de Minuit (depuis 1960). Traduit en franais : Qu'est-ce que la.

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    philosophie ? de Heidegger (avec la collaboration de Jean Beaufret, Gallimard, 1957 et 1968) et Histoire et conscience de classe, de Lukcs (avec la collaboration de Jacqueline Bois, Edi-tions de Minuit, 1960).

    .

    Soutient en 1959, ses thses de doctorat en Sorbonne, publies aux Editions de Minuit : Hraclite et la philosophie (1962, 3e dition 1971) et Marx penseur de la technique (1961, 3 dition 1969). Ce sont les deux premiers volumes d'une trilogie : Le dploiement de l'errance . Le troisime en est : Vers la pense plantaire {1964, 2e dition 1970). Publie ensuite en allemand : Introduction une pense future (Einfuhrung in ein knftiges Denken, Tbingen, Niemeyer, 1966).

    A publi dernirement (aux Edi tions de Minuit) : Arguments d'une recherche (1969), Le jeu du monde (1969), Pour une thique problmatique (1972).

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  • TABLE

    Henri Lefebvre Au-del du savoir 9

    Pierre Fougeyrollas Au-del du nihilisme 35

    Notice bio-bibliographique 97

  • Achev d'imprimer le 15 juillet 1973 sur les presses de l'imprimerie de la Charit Montpellier, ce septime volume de SCHOLIES constitue l'dition originale de LE JEU DE KOSTAS AXEOS. n a t tir 1 225 exemplaires : 25 sur Popset Whisky, numrots de

    1 25, et 1 200 sur verg.

    DPOT LGAL 3}1973 DITEUR 63