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© aln.editions 188 Hegel Vol. 7 N° 3 - 2017 La SMSO (Sphinctérotomie avec macrodilatation du sphincter d’Oddi) dans le traitement des gros calculs de la voie biliaire principale : Expérience de l’Hôpital Militaire de Rabat (Maroc) Large balloon dilation post endoscopic sphincterotomy in removal of large common bile duct stones: Rabat Military Hospital experience (Morocco) Hassan Seddik, Amal Chakkor, Sanaa Berrag, Reda Beraida, Tarik Adioui, Ahmed Benkirane Service de Gastroentérologie II, Hôpital Militaire d’Instruction Mohamed V, Université Mohamed V, Rabat (Maroc) [email protected] Résumé Après sphinctérotomie endoscopique, près de 10 % des lithiases de la voie biliaire principale restent inextirpables en cas de gros calculs ou empierrements cholédociens. Le recours à la lithotritie mécanique est alors nécessaire mais cette technique est coûteuse, augmente la durée de procédure et de succès inconstant. Objectif : L’objectif principal est d’évaluer l’efcacité et l’innocuité de la SMSO ou sphinctéroplastie pour l’extraction de macro calculs de la voie biliaire principale. Les objectifs secondaires sont d’analyser les facteurs associés au succès de cette technique ainsi que d’évaluer rétrospectivement le taux de lithotritie mécanique évité. Patients et Méthodes : Etude rétrospective de janvier 2008 au janvier 2017 incluant tous les patients qui avaient bénéficié d’une SMSO pour extraction endoscopique de macro calculs de la voie biliaire principale définis par un diamètre 15 mm. Le succès de la SMSO était défini par l’absence de calcul résiduel en n de procédure. Les facteurs associés étudiés(âge, sexe, diamètre de la voie biliaire principale, nombre de calculs, présence d’une angiocholite, disparité de calibre du cholédoque, notion d’une sphinctérotomie antérieure) ont été analysés selon un modèle de régression logistique binaire. Résultats : Ont été inclus quarante-huit patients (28 femmes et 20 hommes), d’âge moyen 63,5 ± 12 ans. Une vacuité complète de la voie biliaire principale a été obtenue sans recours à une lithotritie mécanique dans 44/48 cas soit 91,6 %. L’extraction s’est révélée impossible chez 4 cas ayant des macro calculs dont le diamètre moyen était de 19 ± 2 mm. Deux cas avaient bénéficié d’une pose de prothèse biliaire plastique alors que les deux autres ont été traités chirurgicalement. Le taux de complication était de 6,2 % sous forme d’un saignement minime des berges jugulé par compression pneumatique chez 3/48 cas. En analyse univariée, seul le sexe semble être un facteur associé (p=0,03, OR=0,05, IC 95% [0,03-0,77]), tandis qu’en analyse multivariée, aucune des variables étudiées ne semble être un facteur d’échec ou de succès de la sphinctéroplastie. Conclusion : La macrodilatation du sphincter d’Oddi après sphinctérotomie est une technique simple efcace et sûre pour l’extraction endoscopique de gros calculs cholédociens en évitant une lithotritie mécanique dans 91,6 % des cas. Dans notre série, aucun facteur étudié ne semble être associéà son échec ou succès. Mots-clés Cholangiopancréatographie rétrograde endoscopique ; Sphinctéroplastie ; Lithiase de la voie biliaire principale DOI : 10.4267/2042/62693 Article original brought to you by CORE View metadata, citation and similar papers at core.ac.uk provided by I-Revues

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La SMSO (Sphinctérotomieavec macrodilatation du sphincter d’Oddi)dans le traitement des gros calculsde la voie biliaire principale : Expériencede l’Hôpital Militaire de Rabat (Maroc)

Large balloon dilation post endoscopic sphincterotomyin removal of large common bile duct stones:Rabat Military Hospital experience (Morocco)

Hassan Seddik, Amal Chakkor, Sanaa Berrag, Reda Beraida, Tarik Adioui,Ahmed BenkiraneService de Gastroentérologie II, Hôpital Militaire d’Instruction Mohamed V, Université Mohamed V, Rabat(Maroc)[email protected]

Résumé

Après sphinctérotomie endoscopique, près de 10 % des lithiases de la voie biliaire principalerestent inextirpables en cas de gros calculs ou empierrements cholédociens. Le recours à lalithotritie mécanique est alors nécessaire mais cette technique est coûteuse, augmente la duréede procédure et de succès inconstant.

Objectif : L’objectif principal est d’évaluer l’efficacité et l’innocuité de la SMSO ou sphinctéroplastiepour l’extraction de macro calculs de la voie biliaire principale. Les objectifs secondaires sontd’analyser les facteurs associés au succès de cette technique ainsi que d’évaluer rétrospectivementle taux de lithotritie mécanique évité.

Patients et Méthodes : Etude rétrospective de janvier 2008 au janvier 2017 incluant tous lespatients qui avaient bénéficié d’une SMSO pour extraction endoscopique de macro calculs de lavoie biliaire principale définis par un diamètre ≥ 15 mm. Le succès de la SMSO était défini parl’absence de calcul résiduel en fin de procédure. Les facteurs associés étudiés (âge, sexe, diamètrede la voie biliaire principale, nombre de calculs, présence d’une angiocholite, disparité de calibredu cholédoque, notion d’une sphinctérotomie antérieure) ont été analysés selon un modèle derégression logistique binaire.

Résultats : Ont été inclus quarante-huit patients (28 femmes et 20 hommes), d’âge moyen63,5 ± 12 ans. Une vacuité complète de la voie biliaire principale a été obtenue sans recours à unelithotritie mécanique dans 44/48 cas soit 91,6 %. L’extraction s’est révélée impossible chez 4 casayant des macro calculs dont le diamètre moyen était de 19 ± 2 mm. Deux cas avaient bénéficiéd’une pose de prothèse biliaire plastique alors que les deux autres ont été traités chirurgicalement.Le taux de complication était de 6,2 % sous forme d’un saignement minime des berges jugulé parcompression pneumatique chez 3/48 cas. En analyse univariée, seul le sexe semble être un facteurassocié (p=0,03, OR=0,05, IC 95% [0,03-0,77]), tandis qu’en analyse multivariée, aucune desvariables étudiées ne semble être un facteur d’échec ou de succès de la sphinctéroplastie.

Conclusion : La macrodilatation du sphincter d’Oddi après sphinctérotomie est une techniquesimple efficace et sûre pour l’extraction endoscopique de gros calculs cholédociens en évitant unelithotritie mécanique dans 91,6 % des cas. Dans notre série, aucun facteur étudié ne semble êtreassocié à son échec ou succès.

Mots-clésCholangiopancréatographie rétrograde endoscopique ; Sphinctéroplastie ; Lithiase de la voie biliaireprincipale

DOI : 10.4267/2042/62693

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Abstract

Endoscopic sphincterotomy is the standard therapy for common bile duct stone extraction. The rateof successful common bile duct (CBD) stone clearance approaches 90%. Large CBD stones maybe difficult to remove after endoscopic sphincterotomy alone. In this case, lithotripsy techniquesare used, especially mechanical lithotripsy. However, it is often technically difficult to perform andtime-consuming.

Aim: To evaluate the efficacy and safety of large balloon dilation post endoscopic sphincterotomyin the removal of large common bile duct stones. To analyze the associated factors influencing thesuccess of this technique and to evaluate retrospectively the rate of avoided ML.

Material and methods: Retrospective analysis involving patients with bile duct stones ≥15 mm.Associated factors were analyzed using logistic regression binary.

Results: A total of 48 endoscopic sphincterotomy plus large-balloon dilatation procedures wereperformed in 48 patients. The feasibility was 100%, and full clearance of the common bile ductwas achieved in a single session without using mechanical lithotripsy in 91.6% of the cases. Short-term complications were observed in 3 patients (6.2%) (minimal hemorrhage). There were noperforations. The calculi extraction was impossible in 4 cases in which calculi mean diameter was19±2 mm. We used biliary plastic prosthesis in two patients while the two others were referredto surgery.

Conclusion: ESLBD after endoscopic sphincterotomy is a simple, reproducible and effectivetechnique, associated with a low morbidity rate and helps in avoiding mechanical lithotripsy in91.6% of the cases for the endoscopic extraction of large common bile duct stones. None of theanalyzed factors appear to be associated with the success or failure of this technique.

KeywordsEndoscopic papillary large balloon dilation; Endoscopic sphincterotomy; Endoscopic retrogradecholangiopancreatography

AbréviationsSMSO : Sphinctérotomie avec Macrodilatation du Sphincter d’OddiSE : Sphinctérotomie endoscopiqueVBP : voie biliaire principaleLM : Lithotripsie mécanique

IntroductionLa sphinctérotomie endoscopique (SE) constitue le traitement de choix de La lithiase résiduelle de lavoie biliaire principale (VBP). Plusieurs études ont montré qu’elle permet d’obtenir une clairance dela VBP dans plus de 90 % des cas [1]. Cependant, la présence d’un gros calcul cholédocien peut enlimiter les résultats. Deux techniques sont actuellement disponibles : la lithotripsie mécanique (LM) etla sphinctérotomie endoscopique avec macrodilatation du sphincter d’Oddi (SMSO) ou sphinctéroplastie.Cette dernière consiste en une dilatation hydrostatique du sphinter d’Oddi par un ballon de 12 à 20 mmaprès avoir réalisé une SE. L’objectif principal de notre étude est d’évaluer l’efficacité et l’innocuité de laSMSO ou sphinctéroplastie. Les objectifs secondaires sont d’analyser les facteurs associés au succès decette technique et d’évaluer rétrospectivement le taux de LM évité.

Patients et méthodesIl s’agit d’une étude rétrospective menée au service de gastroentérologie II de l’hôpital Militaired’Instruction Mohammed V de Rabat entre janvier 2008 et janvier 2017. Ont été inclus 48 patients quiavaient tous bénéficié d’une CPRE avec sphincteroplastie pour gros calculs de la VBP. Les endoscopeset les instruments utilisés étaient les suivants : duodénoscopes (Olympus JF-V260 et Olympus FTCE-240; sphincterotome triple lumière (Tri-tome® COOK® TRI-25) ; fil-guide (Metro® 35-480 ou Delta®-35-260-S- COOK®) ; ballon de dilatation (Hercules® [HBD-W-(12- 13.5-15) ; (15-16.5-18) ou (18-19-20)]COOK®); dispositif de gonflage (60ML); ballonnet d’extraction (Tri-Ex®- COOK®) ; panier de Dormia (The

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Web® Extraction Baskets - COOK®); drain naso-biliaire (ENBD-7- COOK®) et stents en plastique (ST-2Soehendra ® Tannenbaum® COOK®).

La taille, l’emplacement, lenombredescalculs et lediamètrede laVBPontétéobtenussur cholangiographie.Toutes les CPRE ont été réalisées sous anesthésie générales (Propofol) par un endoscopiste expérimenté.La taille (grand axe transversal) des calculs et le calibre de la VBP ont été mesurés en prenant commerepère le diamètre du duodénoscope. Le gros calcul était défini par une lithiase obstructive dont la tailleest supérieure ou égale à 15 mm de diamètre sur la cholangiographie rétrograde.

Après sphincterotomie et échec d’extraction des gros calculs par la technique standard (utilisationd’un ballonnet d’extraction ou panier de Dormia), une sphinctéroplastie a été réalisée. Cette techniqueconsistait en l’insertion d’un ballon de dilatation de diamètre variable (12 à 20 mm), sur fil guide dansle cholédoque au dessous du calcul (Fig. 1). Le ballonnet était placé à cheval sur le sphincter coupé, lamoitié inférieure du ballonnet restant visible dans le duodénum, puis gonflé progressivement jusqu’àce que l’encoche imprimée par sphincter sur le ballonnet soit complètement effacée (Fig. 2). L’absenced’interposition du calcul entre le ballon et la paroi cholédocienne a été toujours vérifiée avant le débutdu gonflement du ballon. Le choix du diamètre de la dilatation a été effectué en fonction de la taille ducalcul et du diamètre du bas cholédoque. Les calculs étaient ensuite retirés par ballon d’extraction ou àl’anse à panier (Dormia) (Fig. 3).

Figure 1Vue radiologique d’une sphinctéroplastie de la papille :après cathétérisme rétrograde de la voie biliaireprincipale, le ballonnet est inséré et gonflé. Figure 2

Vue endoscopique d’une sphinctéroplastie : Le ballonnetest positionné à cheval sur le sphincter d’Oddi.

Figure 3Après SMSOA : Aspect Endoscopique de la papille

B : Extraction des calculs

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Un drain naso-biliaire a été mis en place en cas de vacuité incomplète de la VBP ou en cas de survenued’une complication (comme un saignement papillaire). Une deuxième tentative d’extraction a été réaliséedans les 7 à 15 jours. En cas d’échec total de l’extraction endoscopique, un traitement chirurgicalétait effectué. Une mise en place de prothèses plastiques a été réalisée chez les patients présentantune contre-indication au traitement chirurgical. Le succès du traitement endoscopique était défini parl’élimination complète de tous les calculs de la VBP en fin de procédure. La survenue de complicationsprécoces (pancréatite aiguë, perforation, hémorragie papillaire et angiocholite) a été notée.

Les données ont été analysées grâce au logiciel SPSS 13 (Statistical Package for the Social Sciences).Les variables quantitatives ont été exprimées en moyennes ± écart type et analysées à l’aide du testt de Student, les variables qualitatives ont été exprimées en pourcentages et effectifs et analysés enutilisant le test de chi carré. Les facteurs associés au succès global du traitement endoscopique (l’âge, lesexe, le diamètre de la voie biliaire principale, le nombre de calculs, la présence d’une angiocholite, d’unedisparité de calibre du cholédoque et la notion d’une sphinctérotomie antérieure) ont été étudiés selon unmodèle de régression logistique binaire. Une valeur de p <0,05 a été considérée comme statistiquementsignificative.

RésultatsL’âge moyen des patients était de 63,5 ± 12 ans avec des extrêmes allant de 40 ans à 80 ans ; il y’avait28 femmes (58,3 %) et 20 hommes (41,7 %). Six cas avaient des antécédents de cholécystéctomie(12,5 %), 3 cas avaient une vésicule biliaire lithiasique (6,2 %) et 14 cas avaient des antécédents desphinctérotomie endoscopique antérieure (29,1 %).

Lors de l’admission, une angiocholite associée a été trouvée chez 7 cas (14,5 %); des symptômesbiliaires dissociés évoquant une migration lithiasique chez 31 cas (64,5 %) alors que 10 cas étaientasymptomatiques (20,8 %).

Le nombre moyen des calculs retrouvés était de 1,86 ± 0,8 par malade avec des extrêmes allant de 1 à10. Plusieurs calculs (≥ 2) ont été trouvés chez 27 cas (56,2 %). Les diamètres moyens du cholédoque,des calculs et du ballon de macrodilatation étaient respectivement de 18 ± 4 mm, 18 ± 2 mm et 16,9± 1,5 mm avec des extrêmes allant de 14 à 20 mm. Cinq cas avaient une disparité de calibre entre lecalcul et le tiers inférieure de la VBP en aval (10,4 %).

Une vacuité complète de la VBP a été obtenue sans recours à une LM dans 44/48 cas soit 91,6 %. Parailleurs, elle s’est révélée impossible dans 4 cas dont les macrocalculs avaient un diamètre moyen de 18± 2 mm. Deux de ces patients avaient bénéficié d’une pose de prothèse biliaire plastique alors que lesdeux autres ont été traités chirurgicalement.

Le taux de complication dans notre étude est de 6,2 % sous forme d’un saignement des berges de lasphinctérotomie chez 3/48 cas. L’hémostase était endoscopique par compression pneumatique.

En analyse univariée, seul le sexe ressort comme facteur associé au succès de la sphincteroplastie (p =0,03 ; OR=0,05 ; IC 95% [0,03-0,77]) alors qu’en analyse multivariée en ajustant sur les facteurs étudiés,aucun facteur ne semble être associé à l’échec ou au succès de la sphincteroplastie (Tableau 1).

Tableau 1. Facteurs influençant le succès global de la sphinctéroplastie en analyse uni etmultivariée

analyse univariée analysemultivariéeP OR IC95% P OR IC95%

Age 0,3 1,05 [0,94-1,16]Sexe 0,03 0,05 [0,03-0,77] 0,6 2,2 [0,05_97,69]Disparité de calibre 0,3 4,66 [0,22-97,7]SBE Antérieure 0,3 2,7 [0,28-26,6]Diamètre de la VBP 0,6 1,06 [0,78-1,43]Angiocholite 0,5 2,16 [0,14-32,5]Nombre de calculs 0,4 2,6 [0,22-31,3]

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Discussion

Environ 85 à 90 % des lithiases de la voie biliaire peuvent être traitées en utilisant un ballon d’extractionou une sonde de Dormia après SE [2]. Les gros calculs cholédociens constituent une difficulté connue autraitement endoscopique en raison de leurs diamètres qui restent supérieurs à celui de la sphinctérotomiequi ne dépasse pas généralement 12 mm [3]. Cette difficulté peut être surmontée soit en élargissantla sphinctérotomie (macro dilatation du sphincter d’Oddi) soit en réduisant le diamètre des calculs(fragmentation, concassage) grâce à la LM ou lithotritie intra ou extra-corporelle. La LM permet d’obtenirune clairance de la VBP dans 68 à 98 % mais elle garde l’inconvénient d’augmenter la durée de laprocédure avec risque de complications d’ordre technique (impaction ou rupture des câbles de traction),ou à type de perforations ou de lésions de la VBP [4]. La lithotritie intra-corporelle utilise deux techniquesde lithotritie, électro-hydraulique ou par laser. Des taux de succès de 80 à 100 % ont été rapportés dansla littérature, mais ces techniques restent coûteuses et nécessitent un équipement spécialisé [5]. Lalithotritie extra-corporelle utilisant des ondes de choc a un intérêt certain dans le traitement de la lithiasede la VBP. Son taux de succès varie de 53 à 86 % avec des complications mineures [6], mais nécessitetoutefois d’être associée à une SE, à la pose d’un drain naso-biliaire, et à une deuxième endoscopie ouplus, pour permettre l’évacuation des fragments lithiasiques. La SMSO ou sphincteroplastie, initialementdécrite en 2003, consiste en une large dilatation du sphincter d’Oddi après avoir réalisé une SE. Ils’agit d’une technique combinant les avantages de la dilatation de la papille et la sphinctérotomie.Elle augmente l’efficacité de l’extraction des calculs tout en minimisant les complications des deuxtechniques. Une SE limitée suivie d’une dilatation du sphincter d’Oddi permet de diminuer l’incidence dela pancréatite post-CPRE qui se voit en cas de dilatation seule. En effet, la SE provoque une séparationentre l’ouverture du canal pancréatique et le canal cholédoque, ce qui diminue la pression du ballon dedilatation et de l’œdème papillaire sur le canal pancréatique [7]. La SMSO permet également de réduirele temps de la procédure et de la fluoroscopie [8]. Elle est plus sûre qu’une large SE (nécessaire pourextraire le gros calcul), qui peut conduire à la perforation. Le temps de la procédure endoscopique dansnotre étude était de 35 ± 5 min, il est comparable à celui rapporté dans la littérature. Ce temps resteréduit par rapport à celui d’une SE pour extraction des gros calculs comme l’a montré l’étude de Itoi etal: 32 min pour la SMSO vs 40 min pour la SE, p<0,05 [8]. La plupart des endoscopistes effectuent uneSE de taille moyenne avant la SMSO. Cette étape semble réduire le taux de complications, en particulierle risque de saignement [9]. Cependant, beaucoup d’autres études rapportent des résultats comparablesavec une SE complète [10]. Dans notre série, on se limitait pas à des petites SE mais celles-ci étaientcomplètes et adaptées à la taille des calculs et au type de la papille sans qu’il y ait augmentation du tauxde complications notamment le risque de saignement. La taille des ballons de macrodilatation utilisésdans les études varient de 12 à 20 mm. Dans notre série, nous avons utilisé des ballons de 14 à 20 mmde diamètre. Le choix du diamètre dépend de la taille du gros calcul et le diamètre de la VBP. Le diamètredu ballon ne doit pas dépasser celui de la VBP. Certains auteurs limitent la taille du ballon à 15 mm parcrainte de perforation. Une grande étude rétrospective a montré que la dilatation avec des ballons deplus de 15 mm avaient un taux de complications comparable à ce qui est décrit dans la littérature avecde plus petits ballons [11]. Le temps idéal de gonflage du ballon n’est pas consensuel et reste encorecontroversé car les études faite dans ce sens sont inhomogènes. Le but principal est la disparition del’empreinte du sphincter d’Oddi, le temps d’inflation varie de 0 s à 2 min [12]. Un temps d’inflation réduitne semble pas être associé à un risque plus élevé de saignement. Une étude a comparé prospectivementles temps de dilatation de 30 et 60 s, elle n’a pas montré de différence significative concernant laclairance de la VBP et le risque de complications [13].

L’extraction complète des gros calculs après SMSO est possible dans 72,7 % [14] à 100 % [15] descas lors d’une CPRE. Dans notre étude, la clairance de la VBP était de 91,6 % et nos résultats étaientcomparables à ceux rapportés dans la littérature. Deux études rétrospectives ont comparé les taux desuccès de la SE et de la SMSO. Elles ont montré un taux d’extraction de calcul significativement plusélevés après (SMSO) qu’après SE (84,2 % vs 44,2 %, p<0,001 [16] et 87,5 % vs 74,0 %, p=0,036[17]). Dans la plupart des études, le recours à une LM après SMSO est réduit par rapport à la SE [18].Dans L’étude de Stefanidis et al. [7] et comme ce fut le cas dans la nôtre, aucune LM n’a été nécessaireaprès SMSO. Un essai contrôlé randomisé trouve une diminution significative de la nécessité d’une LMdans le groupe SMSO vs groupe SE (28,8 % vs 46,2 %, p=0,028), en particulier pour les calculs deplus de 15 mm (58,1 % vs 90,9 %, p=0,002) [19]. Selon une étude récente prospective multicentriquerandomisée sur 150 patients comparant l’efficacité de la SMSO à celle de la SE en cas de macrolithiasede la VBP, le taux de succès de la SMSO était supérieur par rapport au groupe SE+LM (96 % vs 62 %,p<0,001) pour un coût et une durée de procédure moindres (respectivement 477 vs 623 euros, p=0,03et 39 ± 23 min vs 50 ± 18, p= 0,015) pour des calculs comparables en taille et en nombre montrant ainsique la SMSO doit être considérée comme le traitement de première intention des patients présentant desmacrocalculs de la VBP non extirpables après SE [20].

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Différents facteurs pouvant influencer le taux de succès global de la sphinctéroplastie ont été étudiésdans notre étude : l’âge ; le sexe ; disparité de calibre ; sphinctérotomie endoscopique antérieure ;diamètre de la VBP ; l’angiocholite et le nombre de calculs. En analyse univariée, seul le sexe était unfacteur associé alors qu’en analyse multivariée, aucun de ces facteurs ne semble affecter statistiquementle succès de la technique. Dans la littérature, on ne retrouve pas d’études ayant analysé ces facteurs.

Quatre études contrôlées randomisées comparant les taux globaux de complications (pancréatite,saignement et perforation) de SMSO et SE, n’ont retrouvé aucune différence significative entre les deuxtechniques [21]. L’étude de Stefanidis et al. [22] a comparé la SMSO à la LM (45 patients dans chaquegroupe). L’extraction complète était obtenue pour 97,7 % des patients après macrodilatation contre91,1 % dans le groupe LM. Une perforation était observée dans le groupe LM ainsi qu’une angiocholitecompliquant le geste pour 13,3 % des patients. Néanmoins, ces complications étaient absentes dans legroupe macrodilatation. Dans notre série, le taux de complications était de 6,2 % sous forme seulementde saignement minime des berges sans pancréatite ni perforation. Cette dernière reste la plus grave maisrare : 7 perforations (0,4 %) ont été rapportés dans la littérature (dans 31 études) [23]. La présenced’une sténose distale de la VBP semble être un facteur de risque indépendant de perforation et pourraitêtre considérée comme une contre indication relative de la SMSO [24]. Dans notre expérience, la SMSOa permis, dans 5 cas, l’extraction de gros calculs malgré la présence d’une disparité de calibre entrela portion distale de la VBP en aval du calcul et sa portion proximale en amont de celui-ci. La présenced’un diverticule ne paraît pas être une contre indication à la SMSO, mais doit inciter à une dilatation plusprudente [25]. La complication la plus courante de la SMSO reste le saignement, le plus souvent minimeà modéré et traité dans la plupart des cas de façon conservatrice. Des hémorragies artérielles sévèresparfois retardées restent toutefois possibles pouvant nécessiter le recours à la chirurgie [26]. Dans notreétude, le saignement a été géré par hémostase mécanique grâce à la compression pneumatique.

ConclusionLe traitement endoscopique est devenu le traitement de référence de la lithiase de VBP dont la morbiditéest faible et le taux de succès élevé. La CPRE à considérer comme une « chirurgie endoscopique parvoie rétrograde » s’est enrichie ces dernières années de la technique de macrodilatation du sphincterd’Oddi. Dans notre étude et grâce à celle-ci, l’extraction des calculs était possible dans la quasi totalitédes cas sans recours à la LM (taux de succès de 91,6 %), les complications immédiates étaient rares etseulement sous forme de saignement et aucun facteur étudié ne semblait être associé à l’échec ou ausuccès de la macrodilatation du sphincter d’Oddi. C’est une technique efficace, qui diminue le recours àla LM ainsi que la durée de fluoroscopie et le coût de la procédure.

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