Hébert, Louis - Les Opérations de Transformation

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    LESOPRATIONS DE TRANSFORMATION1

    Par Louis HbertUniversit du Qubec Rimouski

    [email protected]

    1. RSUM

    Avec les relations et les termes, les oprations sont les units constitutives d'une structure. Une opration est un processus, une action parlaquelle un sujet oprateur caractrise ou transforme un objet (que cet objet corresponde une relation, un terme ou une opration). Lesoprations de caractrisation dgagent des proprits d'un objet, par dcomposition (mentale), classement, typicisation ou catgorisation,comparaison, etc. Les oprations de transformation (1) produisent (par cration ex nihilo, par manation partir d'un type ou parconstruction partir de matriaux donns comme prexistants), (2) dtruisent (par annihilation, c'est--dire sans rsidu, ou pardconstruction complte) ou (3) transforment des objets. La conservation est le fait qu'une opration donne (qu'elle soit caractrisante outransformationnelle) ne se produit pas (d'un point de vue dynamique, soit par le manque de force de l'opration, soit par l'applicationd'une contre-force gale ou suprieure). Si l'on superpose trois typologies d'oprations transformationnelles, celles du Groupe , deZilberberg et de Rastier, on obtient une typologie neuf oprations. On aura, d'une part, six oprations extenses (sur les substances) : (1)adjonction (ou mlange; par exemple A devenant A, B); (2) suppression (ou tri; par exemple, A, B devenant A); (3) substitution (parexemple, A, B devenant A, C); (4) permutation (par exemple A, B devenant B, A); (5) dplacement (par exemple, un il dplac sur leventre d'un monstre) et (6) conservation (par exemple, A, B demeurant A, B). On aura, d'autre part, trois oprations intenses (sur lesintensits) : (7) augmentation (par exemple, d'une faible une forte intensit), (8) diminution (par exemple, d'une forte une moyenneintensit) et (9) conservation (par exemple, une intensit demeurant moyenne).

    Ce texte peut tre reproduit des fins non commerciales, en autant que la rfrence complte est donne:Louis Hbert (2011), Les oprations de transformation , dans Louis Hbert (dir.), Signo[en ligne], Rimouski (Qubec),

    http://www.signosemio.com/operations-de-transformation.asp .

    2. THORIE

    2.1 OPRATIONS DE CARACTRISATION ET DE TRANSFORMATION

    Avec les relationset les termes, les oprations sont les units constitutives d'une Les quatre degrs de mlange/tri selon Zilberberg (voirle chapitre sur les relations structurelles). Une opration est un processus, une action par laquelle un sujet oprateur caractrise outransforme un objet (que cet objet corresponde une relation, un terme ou une opration). Les oprations de caractrisationdgagentdes proprits d'un objet, par dcomposition (mentale), classement, typicisation ou catgorisation, comparaison, etc. Les oprations detransformation(1) produisent (par cration ex nihilo, par manation partir d'un type ou par construction partir de matriaux donnscomme prexistants), (2) dtruisent (par annihilation, c'est--dire sans rsidu, ou par dconstruction complte) ou (3) transforment desobjets. Les oprations de transformation introduisent le dynamisme dans une structure. La conservation est le fait qu'une oprationdonne (qu'elle soit caractrisante ou transformationnelle) ne se produit pas (d'un point de vue dynamique, soit par le manque de force del'opration, soit par l'application d'une contre-force gale ou suprieure). Puisque la conservation a pour effet de ne pas modifier l'objet

    (ou si elle est partielle, de ne pas le modifier compltement), elle a pour effet de maintenir la relation d'ipsit entre l'objet et lui-mme,l'objet demeurant gal (ou partiellement gal) lui-mme. Dornavant, lorsque nous parlerons d'oprations de transformation, saufindication contraire, nous inclurons la conservation, mme si elle constitue en fait, dans le cadre des oprations de transformation, unenon-transformation.

    2.2 UNE MTATYPOLOGIE DES OPRATIONS DE TRANSFORMATION

    Nous fusionnerons (ce qui est une opration de transformation), en montrant sommairement ce qui les distingue, trois typologiesd'oprations transformationnelles: (1) celle de Groupe (ou Groupe mu, 1982 : 45-49; Klinkenberg, 1996 : 259-361), qui dgageadjonction, suppression, substitution et permutation; (2) celle de Zilberberg (2000 et 2005), qui distingue mlange, tri, augmentation etdiminution et propose quatre degrs de mlange/tri : sparation, contigut, brassage et fusion; et (3) celle de Rastier (1987 : 83), quidistingue insertion, dltion, insertion-dltion et conservation. Chacune des typologies se verra complte dans cette superposition

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    produisant une mtatypologie. Au surplus, nous complterons cette mtatypologie de diverses manires.

    Voici les oprations que nous retenons de la fusion des trois typologies, en cartant quelques oprations et en ajoutant une oprationindite mme si implicite, soit le dplacement.

    Oprations extenses(sur les substances)

    Adjonctionou mlange : merdemerdre (Alfred Jarry);1.Suppressionou tri : petitep'tite;2.Substitution(suppression-adjonction coordonne de type 1) : oreilleoneille (Jarry);3.

    Permutation(suppression-adjonction coordonne de type 2) : infarctus

    infractus;4. Dplacement simple(suppression-adjonction simple) : un il dplac dans le ventre (voir notre application plus loin);5.Conservation extense: merdemerde (dans un texte de Jarry, plutt que merdre ).6.

    Oprations intenses(sur les intensits)

    Augmentation(intensit) : clbreclbrissime;7.Diminution(intensit) : petitpetiot;8.Conservation intense: pauvrepauvre (pour qui tentait de devenir riche).9.

    2.3 PRCISIONS SUR LA MTATYPOLOGIE

    Ce n'est pas le lieu ici d'expliquer, dans ce texte de smiotique applique, le dtail de la mtatypologie, les choix conceptuels et

    terminologiques que nous avons oprs, les complments nombreux que nous avons envisags2. Nous nous contenterons de donnerseulement les explications les plus cruciales pour la comprhension de la thorie ou de son application.

    2.3.1 ADJONCTION/SUPPRESSION ET SUBSTITUTION/PERMUTATION

    La substitution peut tre envisage comme une suppression-adjonction coordonne : en effet, on supprime un lment et le remplace enen adjoignant un autre. De mme, la permutation peut tre vue comme une autre forme de suppression-adjonction coordonne : onsupprime un lment situe une position X pour l'adjoindre en position Y. En consquence, l'adjonction et la suppression sont lesoprations de base desquelles sont drives la substitution et la permutation. C'est donc dire que des oprations simples peuvent trecombines pour former une structure, que ce soit en simultanit ou en succession.

    2.3.2 ADJONCTION/SUPPRESSION ET MLANGE/TRI

    Nous considrerons que l'opposition adjonction/suppression est quivalente l'opposition mlange/tri. Certes, le mot adjonction voque, contrairement au mot mlange , une opration asymtrique (on ajoute X Y mais pas Y X). Nous considrerons, quant nous, que les oprations d'adjonction et de suppression ne sont a priori ni symtriques ni asymtriques. Ainsi, la suppression peut tresymtrique : la dcomposition d'un atome en tous ses constituants ou asymtrique : la suppression d'une lettre d'un mot. L'appellation tri voque certes une slection et donc un classement (ou une typicisation ou catgorisation), mais il semble que le tri doit tre vu apriori simplement comme un d-mlange. Quoi qu'il en soit, adjoindre et supprimer prsupposent classer; sauf dans le mlange ou le trialatoires et encore : ces oprations effectuent aussi un classement, mme s'il ne repose pas sur un critre autre que hasardeux.

    2.3.3 SUBSTITUTION, PERMUTATION ET DPLACEMENT INTENSES

    L'adjonction et la suppression intenses correspondent respectivement l'augmentation et la diminution. Nous ne retenons pas lasubstitution, la permutation et le dplacement intenses, qui peuvent sans doute tre vus d'abord comme des oprations extensesspcifiques portant sur des intensits en tant que substances (par exemple, en tant que traits smantiques, smes). Ainsi le remplacementde trs poli par peu poli peut-il tre conu comme une substitution extense du trait, du sme /forte intensit/ par /faible intensit/.Il est noter que toute augmentation ou diminution peut tre envisage comme une opration de substitution, respectivement, d'uneintensit plus faible par une plus forte ou d'une plus forte par une plus faible.

    2.3.4 RELATIVIT DE LA NATURE EXTENSE/INTENSE

    Comme dans toute caractrisation, en fonction des sujets observateurs (et bien sr, du temps de l'observation), les caractrisationsintenses ou extenses, pour un mme phnomne, seront identiques (consensus interprtatif) ou diffrentes (conflit interprtatif).

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    La nature intense ou extense d'un phnomne donn n'est pas absolue mais relative, susceptible de varier en fonction des univers dcrireet des observateurs qui les fondent ou les habitent , observateurs dont on rapporte le point de vue. Prenons un gnocidaire. Provient-il,relativement l'tre humain normal, de l'adjonction (par exemple, de la cruaut) et/ou de la suppression (par exemple, de la piti) deproprits, ou provient-il d'une variation intense, par augmentation et/ou diminution, de proprits que tout homme moyen possde (parexemple l'augmentation de la cruaut et, corrlativement, la diminution de la piti)? La rponse dpend de la conception que l'observateura de l'humain. Freud, pour qui la diffrence entre l'homme normal et l'homme psychotique est affaire de variation de degrs et non denatures, opterait sans doute pour une conception intense du gnocidaire. Autre exemple, un gant (comme nous en verrons dans notreapplication) peut tre apprhend comme le produit soit d'une adjonction de matire organique soit d'une intensification de la taille. C'estdire, en dfinitive, que les extensits peuvent tre converties en intensits et rciproquement.

    2.3.5 DPLACEMENT ET PLACEMENT

    L'une des oprations que n'a pas envisage directement, semble-t-il, le Groupe est le dplacement simple. Une permutation prsupposeau minimum un double dplacement coordonn (par exemple, A, B devenant B, A; o B est maintenant en position 1 et A en position 2).Si un dplacement dans les graphmes (grosso modo, les lettres) ou les phonmes est ncessairement une permutation, il n'en va pasncessairement de mme dans des productions smiotiques non a priori temporelles et linaires, par exemple picturales. Encore qu'il estloin d'tre sr que l'effet de permutation se produise dans tous les dplacements de phonmes ou de graphmes (et plus gnralement dansles dplacements dans les smiotiques temporelles). Par exemple, si on place le mot Fin au dbut d'un roman plutt qu' la fin, onsentira le dplacement sous-jacent mais sans doute pas la permutation, le dcalage de tous les mots le suivant.

    Un dplacement implique un espace origine et un espace cible. Bien des suppressions, adjonctions et substitutions prsupposent desdplacements (par exemple, on supprime une bille de ce sac et l'adjoint dans un autre, on remplace le cur de X par celui d'Y et jette le

    cur de X); mais d'autres non (mourir peut tre vu comme la suppression sans dplacement de la vie). Les deux espaces peuvent se situerdans des occurrences (comme dans notre exemple de la transplantation cardiaque) ou l'un d'eux, l'espace origine, dans un type. Parexemple, adjoindre un il dans la paume de la main d'une divinit tibtaine occurrence (Tara, par exemple) peut tre considr commeune adjonction avec dplacement relativement au type humanode, o les yeux sont situs uniquement dans le visage.

    Un dplacement prsuppose un placement, placement n'tant qu'un autre nom pour disposition (voir notre chapitre sur le rythmeet la disposition). Un placement peut tre le fruit d'un dplacement antrieur, mais il peut galement ne pas l'tre : cette lettre que jedpose dans ce mot ne se trouvait pas ailleurs avant.

    2.3.6 CONSERVATION

    Rastier, tudiant les ventuelles transformations smiques entre un signifi type (le modle) et son occurrence (la manifestation intgraleou plus ou moins dformante de son modle), prvoit le pendant plus ou moins exact de trois oprations du Groupe : l'adjonction, la

    suppression3et la substitution. La typologie rastirienne exclut la permutation, qui n'est pas pertinente puisque les smes au sein d'unmme signifi n'ont pas de position. Quant la conservation, elle survient quand le signifi occurrence est intgralement identique ausignifi type (lorsque le sens d'un morphme en contexte dans un texte est exactement le mme que celui de ce mme morphme enlangue). Lorsqu'un type mane une occurrence, il y a bien sr adjonction d'une occurrence ; cependant, cette occurrence, si elle estidentique au type, constitue une conservation (ou une rduplication parfaite), parce qu'elle ne constitue pas une transformation du type.Nous reviendrons plus loin sur cette question.

    La typologie de Rastier est diffrente des deux autres, en ce qu'elle n'est pas gnrale. Nous avons considrablement gnralis la notionde conservation. La conservation chez Rastier est en fait, comme nous venons de la voir, la production d'une occurrence identique au typedont elle mane; de plus les transformations de Rastier se limitent celles entre un smme type (le signifi d'un morphme type) et uneoccurrence qui en relve (c'est une relation type x occurrence de x). Cependant rien n'empche de les tendre aux autres sortesd'lments smiotiques et mme si, croyons-nous, une conservation implique toujours au surplus une relation type-occurrence commenous le verrons plus loin aux autres sortes de relations entre types et occurrences : type x type y, type x occurrence de x, etc.

    (nous verrons une typologie de ces relations plus loin).Nous ajoutons de plus la distinction entre conservation marque et conservation non marque. Appelons conservation marquel'opration en vertu de laquelle une unit qui devait, conformment aux attentes, fondes ou non, d'un sujet observateur, tre transformemais ne l'a pas t. C'est--dire que l'unit ne s'est pas conforme au type-cible que lui associait l'observateur. Un type est une formenorme dfinie au sein d'un systme. Distinguons notamment, pour les textes et avec des amnagements pour les autres productionssmiotiques, les niveaux systmiques suivants, en passant des niveaux suprieurs aux niveaux infrieurs (nous enrichissons une typologiede Rastier, 1989) : (1) le dialecte(soit le systme de la langue); (2) le sociolecte, l'emploi d'un dialecte et d'autres normes propres unepratique sociale donne (plutt qu' un groupe social donn) et qui dfinit notamment les discours (littraire, religieux, etc.) et genres(roman, posie, etc.) des productions smiotiques; (3) l'idiolecte, l'emploi particulier du dialecte, d'un sociolecte et d'autres rgularits,proprement idiolectales, qui dfinit notamment le style d'un producteur; (4) le textolecte, l'emploi particulier des trois systmesprcdents et d'autres rgularits, proprement textolectales, dans une production smiotique donne (par exemple, tel texte de tel auteur);enfin, (5) l'analecte, soit les lments d'une production smiotique qui ne ressortissent d'aucun systme. La condition minimale (maispeut-tre pas suffisante) pour qu'une unit soit de nature systmatique est d'tre rpte au moins deux fois.

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    Donnons un exemple simplifi. Lorsque Jarry crit dans la pice Ubu roiun premier merdre au lieu de merde , il cre un cartentre l'occurrence ( merdre ) et le type auquel on attendait qu'elle corresponde ( merde ). Cet cart est videmment produitrelativement au systme dialectal (puisque le morphme merdre , plus exactement merdr- , n'existe pas en langue). Au deuxime merdre , l'observateur est en mesure de considrer que cette unit fait partie du textolecte, du systme de l'uvre. Il supposera, avecraison, que la troisime occurrence se conformera au type merdre (en fait, il pouvait faire cette supposition pour la seconde occurrenceds aprs la premire occurrence). En lisant Ubu cocudu mme auteur et en trouvant un premier merdre , il conclura que cette unitest dfinie en tant que type dans l'idiolecte de l'auteur. En dfinitive, chaque merdre chez Jarry est le fruit d'une adjonctionrelativement l'unit dialectale mais d'une conservation relativement l'unit textolectale ou idiolectale. Maintenant si Jarry, dans unautre Ubu, que l'on retrouverait dans un grenier empoussir, avait crit un tonitruant merde (au lieu de merdre ), il y aurait

    suppression relativement l'unit idiolectale mais conservation marque relativement l'unit dialectale. videmment, pour le quidamqui crit merde dans son journal intime, surtout avant Jarry, on ne parlera pas de conservation marque, puisque cette unit estattendue. Dornavant, sauf indication contraire, par conservation tout court, nous entendrons conservation marque .

    La conservation prendra diffrentes formes particulires, en fonction des oprations de transformation qui ne sont pas advenues. Ainsi,elle pourra tre : non-adjonction, non-suppression, non-substitution, non-permutation, non-dplacement, non-augmentation,non-diminution (ou non telle des sous-espces que nous verrons plus loin : non-sparation, non-contigut, etc.), etc. videmment, pourun mme objet, telle forme de conservation a pu se produire mais pas telle autre.

    Un problme se pose dans la typologie des oprations en ce qui a trait aux relations et oprations entre un type et son occurrence. Un typen'est jamais, proprement parler, identique une occurrence, puisqu'ils n'ont pas le mme statut. En consquence, proprement parler, untype ne peut tre dit conserv, ou rdupliqu, ou transform dans son occurrence (le mme principe s'applique aux oprations en sensinverse, de l'occurrence vers le type). Une occurrence, qu'elle lui soit identique ou qu'elle le transforme, est une manation de sontype. Cela tant, on peut, par rduction mthodologique (simplification consciente, pertinente et explicite), parler, selon le cas, de typeconserv, rdupliqu (intgralement ou partiellement) ou transform dans son occurrence.

    2.3.7 TYPES ET OCCURRENCES

    Les grandes oprations de transformation sont appliques sur un ou plusieurs lments sourcespour obtenir un ou plusieurs lmentsbuts. lments buts et sources peuvent correspondre des types(modles) ou des occurrences(ralisations plus ou moins intgralesdu modle). Les oprations peuvent ainsi intervenir : (1) au sein d'une occurrence; (2) au sein d'un type; (3) d'un type son occurrence,(4) de l'occurrence son type; (5) d'une occurrence une autre (du mme type ou de types diffrents); (6) d'un type un autre. Donnonsquelques exemples avec les patrons, les structures rythmiques (pour des prcisions, voir le chapitre sur l'analyse du rythme). Le patrontype peut tre simplement conserv tel quel dans l'occurrence (ou d'un autre point de vue : parfaitement rdupliqu dans l'occurrence) : teltexte manifestera un parfait chiasme (A, B, B, A). Mais le patron type peut aussi tre transform dans son occurrence : dans A, B, C, B,A, le C peut tre vu comme un lment retardateur insr dans un chiasme. L'occurrence peut tre vue comme le lieu d'une opration detransformation interne : par exemple, tel chiasme occurrence peut tre considr comme le rsultat d'une adjonction rduplicative par

    permutation inverse (le A, B est suivi du B, A). videmment, les oprations peuvent intervenir entre un patron type et un autre patrontype. Par exemple, des regroupements (par exemple, A, A, B, B) peuvent tre vus comme le produit d'une permutation partir d'unenchssement (les deux B enchsss sont simplement permuts avec le second A dans le patron-source A, B, B, A).

    2.3.8 PERSPECTIVES GNRATIVE/GNTIQUE

    Distinguons deux perspectives de production, gntique et gnrative. La perspective gnrative explique l'occurrence commemanation, intgrale (par l'application d'une conservation ou d'une rduplication) ou transformatrice (par l'application d'autres oprationsde transformation), d'un type, d'un modle. La perspective gntiqueenvisage l'unit comme le rsultat d'oprations sur cette unit ousur des units mres.

    Par exemple, dans une perspective gnrative, relativement au type femme , une sirne est obtenue travers la substitution du bas ducorps d'une femme par celui d'un poisson. Dans une perspective gntique, cette sirne est obtenue, disons, par l'accouplement de parentssirnes ou d'un parent humain et d'un parent poisson ou d'une volution gntique trs particulire. Mme si dans notre dernier exemple,le sens du mot gntique est galement biologique (comme dans gnie gntique ), il n'en va pas gnralement ainsi : par exemple,un marteau est gntiquement produit par l'adjonction d'un manche une tte. Un type, s'il est ncessairement le point de dpartd'manations et donc de productions gnratives, peut galement subir un traitement gntique. Par exemple, le peintre Magritte, enproduisant une sirne mle et plusieurs sirnes inverses mles et femelles (c'est--dire avec haut du corps de poisson et bas du corpsd'humain), transforme le type sirne pour crer de nouveaux types qui manent des occurrences.

    2.4 SOUS-ESPCES D'OPRATIONS

    Nous avons vu quelques sous-espces d'oprations pour la conservation (non-adjonction, non-suppression, etc.). videmment, d'autressous-espces d'autres oprations peuvent tre dgages et ce, en employant des diffrents critres. Prsentons ici d'autres typologies desous-espces.

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    2.4.1 SOUS-ESPCES PROPOSES PAR LE GROUPE

    Distinguons la suppression partielle(par exemple, une aphrse : car pour autocar ) et la suppression complte(par exemple,une dlation : suppression complte d'un mot).

    Distinguons l'adjonction simple(ou singulative; par exemple une penthse : merdre pour merde ) et l'adjonction rptitive(ouitrative). On peut ajouter au Groupe en distinguant l'adjonction par rptition d'un lment dj prsent (par exemple, fofolle modifiant folle ) et l'adjonction par rptition de l'lment adjoint (par exemple, hyper-hyper-folle modifiant folle ). Un

    lment rpt est ncessairement la rduplication(la copie) d'un autre. Nous proposons d'ajouter l'adjonction ngative(ou oppositive).Elle consiste adjoindre un lment oppos un lment dj prsent (par exemple, une mauvaise bonne action (Balzac) modifiant une bonne action ). l'encontre du Groupe , nous considrons que des oprations ngatives peuvent se produire, non seulement dansla substitution, mais galement dans l'adjonction voire dans la permutation. De plus nous considrons que les oprations ngativespeuvent porter, non seulement sur les signifis, mais sur les signifiants (par exemple, dans la versification traditionnelle franaise, enajoutant une rime fminine une rime masculine, en remplaant l'une par l'autre ou en les permutant).

    Distinguons la substitution partielle (par exemple, dans oneille pour oreille (Jarry), un seul graphme est remplac) et lasubstitution complte(par exemple, dans mort pour dcd , tous les graphmes sont remplacs). La substitution ngative(ouoppositive) consiste remplacer un lment par son oppos (par exemple, Quelle bonne ide! pour Quelle mauvaise ide! (ironie)).

    Distinguons la permutation quelconque(par exemple, l'anagramme: aimer pour Marie = lettres 2, 4, 1, 5, 3 pour 1, 2, 3, 4, 5) etla permutation par inversion(par exemple, le palindrome: Amor pour Roma = lettres 4, 3, 2, 1 pour 1, 2, 3, 4). La permutation

    ngativeconsiste permuter des lments opposs (par exemple : un petit grand homme modifiant un grand petit homme ).

    Adjonction, suppression, substitution, permutation (et plus gnralement, dplacement et placement) et conservation peuvent tre encorecaractrises en fonction du lieu ou l'opration aboutit. L'opration sera alors initiale, mdiane ou finale (par exemple, en se ralisant,respectivement, au dbut, au milieu ou la fin d'un mot).

    2.4.2 SOUS-ESPCES PROPOSES PAR ZILBERBERG

    La distinction adjonction/suppression peut tre envisage dans une perspective graduelle ou dans une perspective catgorielle(unlment est adjoint ou supprim ou ne l'est pas, sans position intermdiaire). Mais cette perspective ne dit rien de l'intensit dumlange/tri. Il faut en effet distinguer diffrents degrs de mlange/tri. Zilberberg propose une chelle quatre intensits ; maisvidemment rien n'empche de concevoir des typologies plus ou moins de degrs. Le schma ci-dessous illustre navement, comme ledit Zilberberg (2000 : 11), les quatre degrs du mlange/tri (les flches indiquent la direction des mlanges, il faut les inverser pour lestris).

    Les quatre degrs de mlange/tri selon Zilberberg

    Les quatre degrs de mlange/tri ne font pas intervenir a priori des lments de nature dfinie. Par exemple, ces lments peuvent trematriels (par exemple, des atomes) ou immatriels (par exemple, des smes). Ainsi, mme si une mtaphore graphique a t employepour illustrer les degrs, les lments impliqus ne sont videmment pas ncessairement graphiques ou mme spatiaux.

    D'un point de vue statique, on peut distinguer quatre degrs de mlange/tri : sparation, contigut, brassage, fusion. Ces lments sontorganiss en sur-contraires (opposition forte entre lments toniques, puissants) : la sparation et la fusion et sous-contraires (oppositionfaible entre lments atones, faibles) : la contigut et le brassage. L'opposition sur-contraires / sous-contraires est propose par Zilberberg(2005); elle est distinguer de l'opposition contraires / subcontraires qu'on trouve dans le carr smiotique (voir le chapitre sur le carrsmiotique).

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    Dans la fusion absolue, les lments d'origine ont, en apparence du moins, disparu : (1) par incapacit perceptive (par exemple, nulne voit les atomes qui constituent un objet ; (2) par rduction interprtative involontaire (par exemple, quelqu'un qui ne sait pas que l'eauest constitue d'oxygne et d'hydrogne) ; (3) par rduction interprtative volontaire (par exemple, on fait comme si la meringue n'taitpas une fusion de blancs d'ufs et de sucre, mais un objet sans parties ). Il existe des mlanges o les lments d'origine disparaissent(mais leurs constituants peuvent subsister, sauf dans les systmes qui prvoient l'annihilation complte) : l'oxygne et le combustibledisparaissent dans ce mlange (sans doute une fusion) qu'on appelle le feu.

    Donnons un exemple simpliste. Soit une femme et un poisson. La simple coprsence d'une femme et d'un poisson, par exemple au marchd'alimentation, est une sparation. Un maniaque la scie qui juxtapose le tronc d'une femme et la queue d'un poisson produit unecontigut. Une sirne constituera le brassage d'une femme et d'un poisson. Une femme qui aurait le code gntique d'un poisson sansqu'on puisse percevoir visuellement sa nature de poisson sera notre exemple de fusion.

    Le positionnement d'un phnomne sur un degr ou l'autre est relativement relatif. Soit l'uvre de Magritte intituleL'vidence ternelle(1930), qui consiste en cinq tableaux, reprsentant chacun diffrentes parties d'une mme femme, accrochs ensemble de haut en bas demanire reconstituer cette femme : le premier reproduit la tte; le second, le buste; le troisime, le bas de l'abdomen; le quatrime, lescuisses et les genoux; le cinquime, le bas des jambes et les pieds. La reprsentation normale de cette femme en un seul tableauconstituerait une fusion par rapport l'uvre de Magritte, laquelle prend alors la valeur d'une sparation. Cependant, si les cinq tableaux,au lieu d'tre accrochs ensemble taient rpartis dans cinq salles diffrentes d'un muse, l'uvre de Magritte originelle constituerait unecontigut ou un brassage et l'uvre transforme, une sparation.

    D'un point de vue dynamique, un mlange/tri est un parcours qui va d'un degr initial un degr final. La typologie des parcourslmentaires de mlange/tri comporte : (1) six parcours lmentaires de mlange : de sparation fusion, de sparation brassage, etc. ;(2) six parcours lmentaires de tri : de fusion sparation, de brassage sparation, etc. ; (3) quatre parcours lmentaires deconservation : de sparation sparation, de fusion fusion, etc.

    videmment, des parcours peuvent se combiner, en succession et/ou en simultanit, pour former un groupe, unestructure de parcourslmentaires(par exemple, de sparation sparation + de sparation fusion).

    Une typologie de parcours enrichissera produite si on prend les douze parcours lmentaires principaux (en excluant donc les parcoursde conservation) et que l'on place au degr initial et au degr final l'un ou l'autre des deux termes d'une opposition donne (par exemple,monstre/non-monstre, beau/laid). On obtient alors 52 parcours enrichis. Par exemple, le passage de la sparation au brassage d'un homme(non-monstre) et d'un cheval (non-monstre) produira un Centaure (monstre). Des parcours enrichis combins formeront une structure deces parcours. Par exemple, la combinaison d'un parcours produisant un Minotaure (homme (non-monstre) + taureau (non-monstre) =Minotaure (monstre)) et d'un parcours produisant un centaure (homme (non-monstre) + cheval (non-monstre) = centaure (monstre))donnera un monstre composite de seconde gnration, le Minotaure-centaure (Minotaure (monstre) + centaure (monstre) = Minotaure-centaure (monstre)).

    Les mmes lments que nous venons d'exploiter pour tudier les mlanges/tris peuvent l'tre pour tudier les augmentations/diminutions.

    D'un point de vue statique, on peut utiliser, notamment une chelle trois degrs : faible, moyenne et forte intensits. D'un point de vuedynamique, on distinguera alors six parcours lmentaires d'augmentation/diminution: de faible moyenne (augmentation), etc.; deforte moyenne (diminution), etc. Auxquels parcours s'ajoutent trois parcours de conservation : de moyenne moyenne, etc. Desparcours peuvent tre regroups, en simultanit ou en succession, pour dfinir des structures. Par exemple, une succession immdiate dedeux parcours, dfinissant alors trois positions temporelles : dbut, milieu, fin, peut prendre 27 formes : de faible moyenne + demoyenne faible, etc. Nous avons prsent dans le chapitre sur le schma tensif une telle typologie, l'intensit s'appliquant en ce cas l'euphorie esthtique.

    2.4.3 AUTRES SOUS-ESPCES

    2.4.3.1 OPRATIONS QUILIBRE/DSQUILIBRE

    L'un des aspects que l'analyse des adjonctions/suppressions peut retenir est celui de la pondration des lments adjoints/supprims.Dans une adjonction quilibre(sans connotation positive), le nombre d'lments adjoints est le mme que le nombre des lmentsauxquels les lments sont adjoints. Le mme principe vaut pour une suppression quilibre. La pondration des lments peut avoir unimpact qualitatif sur le rsultat de l'opration. Ainsi, pour prendre un exemple trivial, la pondration de l'huile relativement aux ufs feraen sorte qu'on aura ou n'aura pas de la mayonnaise comme rsultat.

    2.4.3.2 OPRATIONS CATGORIELLE/GRADUELLE

    Comme toute proprit (dont les relations) ou tout processus (dont les oprations), une opration de transformation, qu'elle soit simple oufaite de la combinaison d'oprations simples, peut tre envisage, par un observateur donn, dans une perspective catgorielle ou

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    graduelle. Dans le premier cas, elle est considre effectue ou pas, sans possibilit d'effectuation partielle. Dans le second cas, uneeffectuation partielle est possible. Par exemple, sauf jeu graphique particulier, s'il est possible d'ajouter un r complet merde pourformer merdre , il n'est pas possible d'y ajouter la moiti d'un r : en effet, l'adjonction et la suppression de lettres sont catgorielles. l'oppos, la suppression d'un chapitre de roman peut tre partielle, si l'on en conserve quelques phrases. Toute opration noncompltement effectue (par exemple, une adjonction) est en corrlation inverse avec une conservation de mme modalit (par exemple,une non-adjonction) : en effet, plus on transforme moins on conserve, moins on transforme plus on conserve, etc.

    2.4.3.3 OPRATIONS MINIMALE/MAXIMALE

    L'opration de transformation minimale implique l'adjonction, la suppression, le dplacement, l'augmentation, la diminution, laconservation d'une seule unit ou encore la substitution ou la permutation de deux units. La suppression et la diminution maximalespossibles, lorsqu'elles sont totales, crent, respectivement, la suppression de l'unit considre (par exemple, un mot ray) ou encore sonattnuation complte (par exemple, un son dont le volume est rduit zro). La suppression et la diminution totales sont des expressionsde ce que nous appelons le silence smiotique (toujours relatif puisque il y a toujours des lments prsents). La suppression et ladiminution limites, quant elles, surviennent juste avant la suppression et la diminution totales; mais il faut garder l'esprit que cettelimite est toujours relative aussi. Si l'on ne garde que la tte d'un personnage dessin (on en verra un exemple dans notre application), onpeut bien parler de suppression limite eu gard aux grandes parties du corps, mais pas eu gard aux petites parties du corps (comme lesoreilles, les yeux, etc.) : le monstre aurait pu se rduire un il et celui-ci une pupille, etc.

    3. APPLICATION : L'ICONOGRAPHIE DES TRES FABULEUX DU

    BOUDDHISME TIBTAIN

    3.1 CORPUS

    Pour notre analyse, nous nous appuyons sur le corpus d'tres fabuleux du bouddhisme tibtain imags en monochrome dans l'ouvrage de

    Tcheuky Sngu (2002)4. De la riche reprsentation de ces tres, ne retenons, sauf exception, que la constitution du corps. Et parmi lesfacteurs de constitution corporelle, concentrons-nous sur les ttes, visages, yeux, bras, jambes (ou bas du corps).

    Le corpus contient 270 images o figure au moins un tre fantastique. Certains tres sont reprsents dans plusieurs images diffrentes(par exemple, le Bouddha dans diffrentes poques de sa vie). Certaines images regroupent plusieurs divinits (par exemple, le Bouddhaet son entourage de Bodhisattvas). Le mme tre peut prendre des formes diffrentes dans des images diffrentes (par exemple, une formepaisible et une forme irrite ou semi-irrite ou une forme paisible deux bras et une autre quatre). Par ailleurs, nous mentionnonsparfois des tres qui n'ont pas de reprsentation iconographique dans notre ouvrage de rfrence, seulement une description physique.

    Dans le corpus, les reprsentations sont dfinies sociolectalement au sein de la forme gnrique iconographie du bouddhisme tibtain .Nous postulons que les manifestations idiolectales y sont relativement limites, puisque l'artiste tibtain, contrairement l'artisteoccidental, ne cherche pas exprimer une personnalit, amliorer et/ou contester les formes gnriques. D'ailleurs, les dessins de notrecorpus ne sont videmment pas signs, ni mme contextualiss par la date, le lieu, etc., ce qui rend problmatique le reprage desmanifestations idiolectales et mme des manifestations gnriques plus spcifiques (sous-genres).

    REMARQUE : TYPOLOGIE DES TRES FABULEUX

    Les tres fabuleux du bouddhisme tibtain reprsents dans l'iconographie incluent notamment : (1) les bouddhas historiques ou ManushiBouddhas, c'est--dire incarns (par opposition aux bouddhas clestes ) et parmi ceux-ci, Shakyamuni (le fondateur du bouddhisme,historiquement attest), les bouddhas fondateurs du Dharma antrieurs (Kanakamuni, Kashyapa, etc.) Shakyamuni et ceux qui viendrontaprs lui (Maitreya, etc.); (2) les autres tres veills incarns, certains plus ou moins lgendaires, d'autres historiquement attests(Padmasambhava, Milarepa, etc.); (3) les bouddhas primordiaux ou Adi Bouddhas (Samantabhadra, Vajrasattva, etc.); (4) les cinq vainqueursou Dhyanis Bouddhas (Vairochana, Akshobya, Ratnasambhava, Amitabha, Amoghasiddhi), prsidant chacun une famille de bouddhas;

    (5) les bodhisattvas clestes ou Dhyanis Bodhisattvas (Avalokiteshvara, Manjushri, Tara, etc.); (6) les protecteurs du Dharma, veills(Mahakala, Shri Devi, etc.) ou non (Vajrasadhu, Phar, etc.); (7) des classes d'esprits ou de dmons (asparas, asouras, etc.); (8) des animauxfabuleux (Kirtimukha) ou des classes d'animaux fabuleux (dragons, garoudas, makaras, etc.); (9) les prtas (ou esprits avides), les asuras (oudemi-dieux ou titans), les narakas (ou damns). Dvas (dieux mondains), asuras, humains, animaux, prtas et narakas constituent les sixprincipales formes d'existence dans le samsara. Le samsara est le monde conditionn, donc source de souffrances, dont on s'chappe par leNirvana statique ou que l'on dpasse par le Nirvana dynamique (ou non fix), le plein veil.

    3.2 ADJONCTION

    Force est alors de constater que le corpus privilgie les oprations d'adjonction. Bon nombre d'tres possdent plus d'une tte et d'unvisage, de deux yeux, de deux bras, de deux jambes. Le comble est atteint par la figure de Sitatapattra (2002 : 258) qui possde 1 000ttes, 1 000 visages (chacun dot de trois yeux), 1 000 bras et 1 000 jambes; mais Avalokiteshvara 1 000 bras n'est pas en reste, commenous le verrons plus loin.

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    Les adjonctions de visages se font : (1) partir d'une tte donne (il n'y a pas de visages sans tte); (2) l'horizontale (il n'y a pas devisage adjoint verticalement au sommet de sa tte); (3) partir d'un visage principal central (4) et, gnralement, symtriquement de partet d'autre de ce visage central (par exemple, un visage droite et l'autre gauche pour un total de trois visages). Chakrasmavara (2002 :204), avec d'autres comme Kalachakra (2002 : 220), constitue un contre-exemple, puisqu'il possde, flanquant son visage central, deuxvisages droite et un seul gauche.

    Les adjonctions de ttes, quant elles, se font la verticale, contrairement, semble-t-il, aux monstres polyttes occidentaux, dontl'adjonction se fait gnralement l'horizontale. Les ttes adjointes sont toujours de taille plus petite la tte infrieure, par exemple, lapremire tte est plus grande que la deuxime et celle-ci plus grande que la troisime.

    Sept tres fantastiques du corpus iconographique, toutes des divinits, possdent des ttes multiples et tages. Alors que le volume desttes tages ne peut que diminuer d'un niveau de tte au niveau suivant, la nombre de visages, d'un niveau au suivant, demeurera stableou diminuera, mais en aucun cas n'augmentera. Autrement dit, la combinatoire, ici comme ailleurs, est assez fortement contrainte. Dans lecas le plus simple, abstraction faite des diminutions par dsincrmentation d'un palier au suivant, toutes les ttes sont identiques ou quasi-identiques mme si le nombre de visage de chacune varie. Sitatapattra (2002 : 258) possde dix ttes visages multiples surmontes,semble-t-il, d'une onzime tte identique mais un seul visage (toutefois, cela porterait le nombre de visage 1 001 ou cela indiquesimplement que le nombre de 1 000 est symbolique). La premire tte de Yamantaka (2002 : 335) est celle d'un taureau, mais les troisvisages de droite sont humains. Les deuxime et troisime ttes sont humaines, ne possdent qu'un visage, mais semblent diffrentes.Cependant les deux dernires ttes semblent semi-irrites et leur visage, similaire ou identique aux visages humains de la premire tte, cequi crent une continuit entre les trois niveaux.

    Les nombres d'lments d'une mme sorte sont videmment symboliques (2002 : 38-40). Par exemple, les trois yeux, toujours prsentssemble-t-il, une exception que nous verrons plus loin, chez les divinits irrites (ou courrouces), indiquent la connaissancesimultane des trois temps (pass, prsent et futur) (2002 : 47). La multiplication des parties du corps chez les divinits bnfiques

    indique leur dsir et leur capacit d'aider les tres.

    Les oprations d'adjonction touchant les parties du corps ont plusieurs autres caractristiques intressantes. Voyons-en quelques-unes.

    Les adjonctions corporelles peuvent consister en ajout de parties absentes dans le type gnral humanode qui gnre la divinit, parexemple un cercle de feu, des ailes. Mais elles peuvent aussi ne faire qu'ajouter des parties qui existent dj dans le type : on adjoint parexemple deux autres bras, un autre il, etc. De plus, pour l'essentiel, les parties adjointes sont soit identiques celles qui leur prexistaient dans le type particulier originel, soit presque identiques. Ainsi, on ajoute deux autres visages identiques au premier, uneseconde tte identique la premire mais de plus petite taille, un troisime il semblable aux deux autres mais la verticale (mais parfoisl'il ne subit pas cette rotation; avec le dplacement, la rotation est une des oprations spatiales possibles, plus prcisment il s'agit d'unepermutation). Toutefois, les visages adjoints une mme tte ne sont pas toujours identiques au visage central, parfois la diffrence estmineure (les nez diffrents de Vajrakilaya (2002 : 354)), parfois la diffrence est importante, celle entre visages paisibles et irrits ouhumanodes et animaux (nous y reviendrons).

    On peut sans doute distinguer des adaptations rfrentielles, touchant l'tre mme reprsent, et des adaptations iconiques, lies descontraintes et conventions iconographiques. Les bras sous-dimensionns d'Avalokiteshvara 1 000 bras appartiennent peut-tre laseconde catgorie : le sous-dimensionnement permet de figurer les 1 000 bras dans une image qui ne soit pas trop grande (dans les faits,les 1 000 bras ne sont pas tous reprsents). Le sous-dimensionnement des ttes supplmentaires, quant lui, semble une adaptationrfrentielle. En effet, mme lorsqu'une seule tte est adjointe, et non pas dix ou 11 comme dans le cas limite de Sitatapattra (2002 : 258),elle est sous-dimensionne; alors que, d'un point de vue pictural, deux ttes superposes de mme dimension entrent bien dans uneimage mme de taille rduite. Rfrentiel ou iconique, le sous-dimensionnement est, dirons-nous, une opration intense, plus prcismentune diminution.

    Par ailleurs, les divinits irrits ou semi-irrites semblent toujours surdimensionnes; nous considrerons le surdimensionnement commele rsultat d'une opration d'augmentation. L'augmentation va videmment dans le mme sens que l'adjonction de bras, de ttes, etc. : elleindique d'une part le caractre surnaturel de l'tre et, d'autre part, sa puissance et son dsir d'aider. Le surdimensionnement s'appliquenotamment chaque fois qu'une divinit pitine un corps humain (cadavre symbolisant la mort de l'ego ou la destruction des motionsngatives que les divinits apportent). Le cas de Vajravahari (2002 : 262) et de Kurukulla (2002 : 254) est patent : ensemble, la tte et le

    tronc du cadavre pitin sont de la mme dimension que le pied de la divinit. Mme chose pour Vajrayogini (2002 : 267, voir la figure1). Cela tant, les proportions dans l'iconographie tibtaine sont sans doute plus expressives que ralistes .

    Figure 1 : Vajrayogini (2002 : 267)

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    Il faut distinguer trois principaux types partir desquels les oprations sont pratiques et peuvent tre caractrises. Un premier typecorrespond l'tre humain normal; par rapport ce type, l'occurrence, c'est--dire l'tre fantastique, ajoutera deux ailes, deux jambes, etc.Un second type correspond une classe de divinits (par exemple, irrite, semi-irrite, paisible; masculine, fminine; etc.). Le troisimetype correspond au monstre lui-mme, mais diminu des oprations tudies, lev au rang de type; par rapport ce type, on ajoute,par exemple dans l'occurrence, une tte identique la premire.

    La rduplication, comme tout sous-espce d'opration et comme toute opration, sera catgorielle ou graduelle. Dans une perspectivecatgorielle il y rduplication si l'unit adjointe (par exemple, un bras gauche) est exactement la mme qu'une unit (le bras gaucheprincipal) se trouvant dans une unit englobante (la divinit). Dans une perspective graduelle, une unit rdupliquante (par exemple, unette sous-dimensionne) est plus ou moins identique l'unit rduplique (une tte non sous-dimensionne). La rduplication peut tresimple (par exemple, on ajoute une seule tte, un seul il) ou rptitive (on ajoute plus d'une tte, plus d'un il).

    On remarque que, lorsque les adjonctions s'appliquent aux bras ou aux jambes, elles se font par multiples de deux (donnant, dans notrecorpus 4, 6, 8, 10, 12, 16, 24, 34 et 1 000 bras; 2, 4, 16 et 1 000 jambes). Les adjonctions de visages pour une mme tte, quant elles, sefont sont en gnral en nombres pairs mais parfois impairs (par exemple, en donnant quatre visages Chakrasamvara (2002 : 204) pourune seule tte). L'adjonction de tte sera soit impaire (donnant quatre ttes Avalokiteshvara 1 000 bras), soit paire (donnant cinq ttes Avalokiteshvara 11 visages (2002 : 182)). Le nombre total de visage sera soit impair (1, 3, 5, 9, 11 et 1 000 visages), soit pair (4, 8 et1 000).

    Les lments ajouts possdent les mmes caractristiques que les lments qu'ils copient (comme dans un copier-coller) lorsqu'il s'agitdes yeux (mais l'orientation peut tre verticale), des bras, des jambes. Nous avons toutefois mentionn qu'il peut y avoir une adaptation

    par sous-dimensionnement iconographique (non rfrentiel).

    Cependant les visages ne subissent pas le mme traitement. Ils connaissent deux axes d'adjonction. Sur l'axe vertical, les visages ajoutsau-dessus du visage originel semblent gnralement diffrents par rapport celui-ci; Avalokiteshvara 1 000 bras (2002 : 178; voir lafigure 2) cependant enfile verticalement trois ttes identiques (mais diminues par dsincrmentation successives); cependant unequatrime tte est irrite et une cinquime tte paisible reprsente le bouddha Amitabha dont Avalokiteshvara est le fils spirituel (2002 :179). Sur l'axe horizontal, les visages ajouts de part et d'autre du visage central possdent exactement les mmes proprits que celui-ci;on trouve toutefois quelques exceptions cette rgle : pour Yamantaka (2002 : 335), les visages de droite (d'humain) ne sont pas commele visage central (de taureau) et les visages de gauche (de taureau); l'une des ttes de Rahula (2002 : 367) prsente un visage principalpaisible flanqu, semble-t-il, de deux visages irrits.

    Figure 2 : Avalokiteshvara 1 000 bras (2002 : 178)

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    On note que les adjonctions de jambes sont moins frquentes que celles des bras; parfois le contraste entre l'opration d'adjonction desbras et celle de conservation des deux jambes est frappant, comme dans le cas d'Avalokiteshvara 1 000 bras, qui est bipde.

    L'adjonction d'un troisime il au visage est, semble-t-il, toujours prsente dans les divinits irrites ( l'exception d'Ekajati, que nousverrons bientt), mais des divinits paisibles subissent le mme traitement (par exemple, Paripurana Tara (2002 : 252)). L'adjonctiond'yeux ailleurs sur le corps semble plus limite. Avalokitheshvara 1 000 bras possde deux yeux pour chaque visage et un il dans lapaume de chaque main. Tara blanche (2002 : 242; voir la figure 3) possde, outre les trois yeux de sa tte unique, un il dans la paume deses mains et dans la plante de ses pieds. Contrairement aux visages, aux bras et aux jambes qui sont tant bien que mal logs prs deslments qu'ils rdupliquent, les yeux peuvent tre adjoints dans des parties du corps qui en sont dpourvus normalement (paume, plantedes pieds, avant-bras, mamelon, ventre). Certes, on peut dire de l'il manuel de Tara qu'il est simplement adjoint, mais relativement

    l'humanode type et mme relativement la divinit tibtaine fminine paisible type, il y a dplacement de la tte vers la main.

    Figure 3 : Tara blanche (2002 : 242)

    Les oprations d'adjonction d'yeux, de bras, de jambes, de bras, de ttes, de visages ont lieu sur un noyau dur, un type reconnaissable qui

    est un tre de forme humaine ou du moins anthropomorphe (l'aspect extrieur de plusieurs divinits irrites est inspir de celui desrakshasas, tres proches de nos ogres (2002 : 439)), plutt que, par exemple, un tre animal. Les oprations de substitution, quant elles,procdent de la mme manire; par exemple, si le garouda que nous verrons plus loin est fort composite, il demeure cependant qu'il estpossible d'identifier un noyau dur originel, le tronc d'un humain. On trouve toutefois le cas trange d'un tre produit par adjonction pure, peu prs sans base sur laquelle se grefferaient les adjonctions (les adjonctions sont alors totalement symtriques, cela se mlangeant celaplutt que s'ajoutant cela) : le makara, Monstre marin apparent au crocodile, mais dont l'anatomie composite emprunte une fouled'animaux: mchoire infrieure de crocodile, trompe d'lphant plus ou moins longue, oreilles de sanglier, yeux de singe, cailles depoisson, crinire de lion, cornes de cervid, etc. (2002 : 444; voir la figure 4) Cette bte tend vers le pur composite, c'est--dire qu'il estdifficile de trouver un tre dont elle ne serait que la modification (le classement en crocodile serait plutt arbitraire (2002 : 502)). De plus,le makara est lui-mme ressaisi pour produire un monstre par substitution. En effet, la divinit Simhavaktra (2002 : 334) est faite d'uneforme humaine mais tte de makara.

    Figure 4 : le makara (2002 : 444)

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    Comble, le makara est uni un coquillage pour former un monstre encore plus composite, appel elliptiquement makara (2002 : 502).En fait, ce makara-coquillage relve d'une classe d'animaux bien prcise. Trois animaux dans le bouddhisme tibtain symbolisent lavictoire sur la discorde et la msentente. Ces animaux mythiques, formes de rsolution heureuse des contraires, rsultent de l'union en unseul corps de deux animaux regards comme ennemis. Ce sont la loutre-poisson (appele poisson fourrure ), le lion-garouda (appel lion huit pattes ; le garouda est un oiseau mythique) et le makara-coquillage (appel elliptiquement makara , mais que nousappellerons makara-coquillage , et cens se nourrir de coquillages) (2002 : 501). Si un Minotaure-centaure constituerait un monstrecomposite de seconde gnration, puisque procdant de la combinaison de deux tres eux-mmes composites, le lion-garouda et lemakara-coquillage sont des monstres composites partiellement de seconde gnration, puisqu'un seul des deux lments mlangs estlui-mme composite, respectivement le garouda et le makara.

    3.3 SUPPRESSION

    Les oprations de suppression sont sous-exploites dans le corpus, du moins relativement aux aspects qui nous intressent : aucun tre nepossde, par exemple, un seul il ( une exception prs), un seul bras ou une seule jambe (nous savons qu'il existe une forme de dmonsunijambistes, mais elle ne se trouve pas image ou dcrite, semble-t-il, dans notre corpus). Cependant, il existe deux exceptions notables.

    En contraste avec les figures de la dmultiplication que nous avons vues se trouve une tonnante figure de la suppression forte (pendantde l'adjonction forte) plus exactement de la suppression limite, c'est--dire juste avant dlation complte des lments identiques, ou,d'un autre point de vue, de la conservation faible : Ekajati : Elle est caractrise par des attributs corporels rduits l'unit : une uniquemche de cheveux qui se dresse, un il unique qui lui donne un air de cyclope, une dent unique s'appuyant sur sa lvre infrieure, un seinunique. Ses moustaches jaunes rehaussent encore l'impression d'tranget qui se dgage d'elle. (2002 : 365). Si la rduction l'ilunique est sentie une peu comme une mutilation , qui est une opration gntique, directement dans l'occurrence puisque demeuredans la reprsentation une sorte de froissement la place des yeux gauche et droit , le sein unique est en position centrale, ce qui attnuel'effet de suppression qu'aurait produit la prsence d'un sein unique gauche ou droit (le mme principe vaut pour la dent unique centre).

    Les moustaches voient leur couleur naturelle (noir, brun, etc.) substitue avec une couleur surnaturelle parce qu'impossible (jaune). Cesmoustaches peuvent tre vues, en rapprochement avec la substitution ngative du Groupe (par exemple, dans l'ironie ou un sme estremplac par le sme oppos), comme participant d'une adjonction ngative, c'est--dire smantiquement oppose, puisqu'on adjoint untrait typiquement masculin un tre fminin. Zilberberg parlerait de mlange concessif (d'lments qui s'excluent), par opposition aumlange implicatif (d'lments identiques ou complmentaires) : bien que fminine, la divinit porte des moustaches. L'internalisation dumasculin et du fminin dans le corps mme d'un mme personnage est encore plus pousse dans Maning Nakpo. Bien que rien ne le laissetransparatre dans la reprsentation de cette divinit, Maning Nakpo signifie L'eunuque noir : Par sa nature d'eunuque, n'tant nihomme ni femme, il transcende les deux sexes, symbolisant ainsi la nature ultime. (2002 : 348; voir la figure 5) Cette nature, dont latradition considre qu'elle transcende les oppositions par le terme neutre (ni l'un ni l'autre) plutt que par le terme complexe (l'un etl'autre) (voir le chapitre sur le carr smiotique), se retrouve galement dans la monture de Shri Devi, une mule : issue del'accouplement d'un ne et d'une jument, elle n'est ni l'un ni l'autre. En ce sens, elle reprsente le madhyamika, la voie du milieu, qui neverse ni dans l'ternalisme [la croyance l'existence intrinsque des phnomnes] ni dans le nihilisme. De plus, de mme qu'une mule esttoujours strile, la voie du milieu ne donne lieu aucune production [karma] dans le samsara [notre monde conditionn]. (2002 :328-329). L'eunuque, ajouterons-nous, puisqu'il est galement strile, participe de la mme interprtation symbolique.

    Figure 5 : Maning Nakpo (2002 : 347)

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    L'autre exception notable de suppression est Kirtimukha, animal dont il ne reste que la tte (en excluant la mchoire). La lgendeshivate dont il est issu nous apprend en effet qu'il se trouva un moment ce point priv de nourriture qu'il ne trouva pas d'autre solution

    que dvorer son propre corps. Shiva lui donna son nom, qui signifie "visage glorieux", et fit de lui le gardien de sa porte 5. (2002 : 444;voir la figure 6). Il faut noter que sur l'image qui est donne de ce monstre, on voit ses mains tenants une barre de crte dore qui luitraverse la bouche (Beer, 2006 : 132); il n'y a donc pas que la tte qui a survcu cette suppression gnralise (ou cette faibleconservation) voire maximale (ou cette conservation minimale). L'autodvoration ressortit de ces oprations de transformation ol'oprateur est le mme que l'objet transform (suicide, automutilation, etc.).

    Figure 6 : Kirtimukha (2002 : 444)

    3.4 SUBSTITUTION

    On trouve quelques oprations de substitution eu gard aux lments que nous visons. Ainsi le bas du corps de certains tres est remplacpar la partie postrieure d'un serpent dans le cas de Rahula (2002 : 367) et des nagas (esprits apparents aux serpents mais aussi aux

    sirnes (2002 : 438)) ou par un couteau rituel (kila) dans le cas de Gourou Drakpour (2002 : 298). Cette dernire substitution esttonnante. En effet, si la substitution par une partie d'animal existant ou fabuleux est relativement frquente, il s'agit de la seulesubstitution d'un lment anim par un lment inanim. On trouve une autre substitution mtallique : l'une des reprsentations dugarouda est intitule Garouda cornes de mtal (2002 : 435); dans ce cas, il ne s'agit pas de la substitution d'un objet organique etanim (le bas du corps) avec un objet mtallique mais celle de la matire d'un objet organique et, dirons-nous, inanim (la corne), avec lamatire mtallique.

    D'autres divinits et mme des classes d'esprits, par exemple les sadaks (2002 : 440), voient leur tte humaine remplace par celle d'unanimal. Selon notre compilation, ces substitutions impliquent : cerf, chamois, cheval, chvre, chien, chouette, corbeau, coucou, crocodile,dragon, lphant, faucon, garouda, grenouille, huppe, lopard, lion, loup, mangouste, oiseau, ours, ours brun, porc, renard, scorpion,serpent, tigre, vautour, yak. Une divinit possde et des visages humanodes et des visages animaux : Yamantaka, dont le visage principalet ceux de gauche sont d'un taureau (2002 : 335). D'autres possdent encore une tte humanode et, dans la chevelure, une tte animale.Ainsi, Vajravahari (2002 : 262) possde dans sa chevelure une tte de laie. Dans le cas de Maning Nakpo (2002 : 347; voir figure 4), cesont les cheveux humanodes qui sont remplacs par des queues de serpents tombant jusqu'au sol; cela n'est pas sans rappeler pour nous la

    Mduse. Chose certaine, travers ces deux adjonctions animales, la chevelure semble associe l'animalit.

    En thorie, une substitution peut tre localise, par exemple en portant sur la tte ou le bas du corps, ou encore gnralise. Le garoudareprsente une telle substitution gnralise : il est fait d'un corps d'humain dont on a conserv les bras et mains mais dont la tte et les

    jambes sont remplaces, respectivement, par une tte et des serres d'oiseau de proie et auquel corps humain on a adjoint une queue et desailes d'oiseau de proie. Il ne s'agit plus tout fait d'une forme humaine modifie, inflchie vers l'animal, mais d'une forme animaleinflchie vers l'homme.

    Enfin, le paratre d'un tre peut tre remplac par un autre, son tre demeurant le mme. Cette substitution est effectue : soit en modifiant

    la modalit humorale d'une mme divinit (paisible, semi-irrite, irrite); soit en modifiant une autre modalit6 (par exemple,Avalokiteshvara paisible deux bras, quatre bras, 1 000 bras; les diffrents aspects de Padmasambhava pour une mme modalithumorale (2002 : 289-298)); soit, enfin, en occultant temporairement le paratre rel. Ainsi, l'histoire de plusieurs divinits mentionnequ'elles ont pris temporairement la forme mme d'esprits dmoniaques ou malfiques particuliers pour mieux les subjuguer, c'est ce que

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    firent Vajrapani, Vajrakilaya, Hayagriva, etc. (2002 : 196).

    4. OUVRAGES CITS

    BEER, R. (2006),Les symboles du bouddhisme tibtain, Paris, Albin Michel.

    GROUPE (1982),Rhtorique gnrale, Paris, Seuil.

    HBERT, L. (2008), Petite smiotique du monstre. Avec notamment des monstres de Herg, Magritte et Matthieu Ricard , dansM.-H. Larochelle (dir.),Monstres et monstrueux littraires, Presses de l'Universit Laval, p. 121-139.

    HBERT, L. (2011), Oprations de transformation dans l'iconographie du bouddhisme tibtain , dans L. Hbert (dir.), Smiotique etbouddhisme, Prote, 39, 2, p. 81-94.

    KLINKENBERG, J.-M. (1996), Prcis de smiotique gnrale, Paris, Seuil.

    RASTIER, F. (1987), Smantique interprtative, Paris, Presses universitaires de France.

    RASTIER, F. (1989), Sens et textualit, Paris, Hachette.

    ST-MARTIN, F. (2010),L'immersion dans l'art, Qubec, Presses de l'Universit du Qubec.

    TCHEUKY SNGU (2002), Petite encyclopdie des divinits et symboles du bouddhisme tibtain, s.l., Claire Lumire.

    ZILBERBERG, C. (2000), Les contraintes smiotiques du mtissage , Tangence, Rimouski (Qubec), 64, automne, p. 8-24 [rditdans Internet : http://www.erudit.org/revue/tce/2000/v/n64/008188ar.pdf].

    ZILBERBERG, C. (2005), lments de smiotique tensive, Limoges, Presses de l'Universit de Limoges.

    5. EXERCICE

    Dgagez les oprations de transformation touchant la couleur et les formes dans Triangulaire(huile sur carton, 36,5 cm X 21,5cm, 1972) du peintre qubcois Guido Molinari (1933-2004). Prcisons que la rotation d'une forme constitue une permutation.Pour une analyse smiotique de cette uvre, voir Saint-Martin, 2010 : 151-179.

    Triangulaire

    De Guido Molinari (1972)

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    1Ce texte est une version augmente de Hbert, 2011 (mais la conclusion a t supprime).

    2Des complments se trouvent dans Hbert, 2008, texte que nous corrigeons, prcisons et compltons ici.

    3La dltion (ou suppression) dans loccurrence dun sme prsent dans le type a pour effet de produire pour ce sme un tat intermdiaire entreprsence et absence, soit la virtualisation (dun sme inhrent plus prcisment).

    4Nous remercions les ditions Claire Lumire (http://www.clairelumiere.com/) pour leur gracieuse autorisation de reproduire les illustrations du livre.

    5Nous considrerons que Kirtimukha est le nom dun tre unique, un nom propre donc; mais que makara est un nom commun, qui dsigne doncune classe dtres (do la minuscule).

    6Une autre srie modale distingue les divinits veilles en fonction du corps particulier, parmi les trois corps quelles possdent, dans lequel ellessont reprsentes : soit en nirmanakaya ou corps dmanation (comme Sakyamuni); en sambhogakaya ou corps de gloire (comme limmense majorit ducorpus); en dharmakaya ou corps absolu (comme Samantabhadra). La ressemblance est frappante avec les trois personnes de la divinit chrtienne, maison ne peut ici dtailler, faute despace et surtout de connaissances thologiques, les points de comparaison et les diffrences.

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