Guayaquil (Equateur) : la métamorphose urbaine ... · 1) Le Palacio de Cristal, ancienne halle...
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Novembre 2011
Guayaquil (Equateur) : la métamorphose urbaine
spectaculaire d'une métropole portuaire
Principale ville de l'Equateur avec 3 millions d'habitants et capitale économique du pays,
Guayaquil est aussi le principal port de ce petit pays andin (15 millions d'habitants). Le
trafic du port de Guayaquil totalise 22 millions de tonnes aujourd'hui. Porte d'entrée
maritime historique vers les villes de la "Sierra", la capitale Quito et les hauts plateaux,
Guayaquil est aussi la grande métropole de la "Costa" riche région agricole avec
notamment de l'aquaculture (élevages de crevette), des plantations de bananes, de cacao,
de fruits tropicaux et une agro-industrie sucrière. La ville est largement ouverte sur
l'estuaire du Guayas, à la confluence des rios Babahoyo et Daule. Le nouveau port
construit en 1963, connaît depuis de nombreuses années déjà des problèmes
d'accessibilité depuis le Golfe de Guayaquil et les réserves foncières prévues ont depuis
longtemps fait l'objet d'une urbanisation anarchique. Le port qui totalise aujourd'hui
deux terminaux concédés et treize terminaux privés ne peut aujourd'hui accueillir les
nouvelles infrastructures nécessaires à sa modernisation. Par ailleurs, les installations
portuaires historiques ont totalement abandonné depuis plusieurs décennies le centre ville
et ses quais sur l'estuaire.
Aujourd'hui, il est envisagé à court terme un approfondissement du chenal d'accès à
11 mètres. Par ailleurs, un nouveau projet ambitieux de délocalisation vers l'aval sur le site
de Posorja, vers des eaux plus profondes et avec des possibilités foncières importantes est
impulsé par la municipalité. Ce projet doit conforter le port et la ville de Guayaquil en tant
que première place portuaire équatorienne. Il répondra ainsi au développement
économique particulièrement important que connaît le pays depuis une décennie. Au nord,
les ports de Manta (vrac) et surtout d'Esmeraldas (exportation du pétrole d'Amazonie –
30 millions de tonnes) devront connaître dans les toutes prochaines années des travaux
d'extension similaires.
La délocalisation du trafic portuaire vers l'aval et l'abandon des sites historiques par les
activités maritimes ont aussi donné à la ville de Guayaquil l'opportunité de réaménager
totalement son waterfront sur l'estuaire du Guayas. Engagé depuis 20 ans, le projet
"Malecón 2000" a profondément changé l'image de la ville en donnant à son centre, une
façade sur l'estuaire du Guayas saluée comme l'une des opérations de renouvellement
urbain les plus abouties et réussies d'Amérique latine.
Une ville à l'abandon
A l'arrivée de Leon Febres Cordero, ancien président de la république et enfant du pays, à
la mairie de Guayaquil en 1992, la situation de la ville était qualifiée de catastrophique par
tous les observateurs. La plupart des édifices publics étaient dans un état d'abandon
indescriptible de même que les services de base pour l'assainissement, l'urbanisation se
développait de manière incontrôlée, les finances municipales étaient au plus bas alors que
le niveau d'insécurité atteignait des sommets… Il est aujourd'hui difficile d'imaginer ce
qu'était alors la ville il y a seulement deux décennies !
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Il fallait agir vite et fort. Contigües au centre-ville et aux quelques ouvrages historiques
ayant résisté aux outrages du temps, les rives du Guayas étaient dans un état d'abandon
depuis 1963, date de la construction du nouveau port maritime plus en aval dans l'estuaire.
La ville ici comme ailleurs, tournait le dos à sa façade maritime. Dans la première moitié du
20e siècle, les navires marchands y abordaient encore au bout d'une série de jetées et les
quais étaient un lieu de vie sociale intense. La nouvelle administration municipale après
avoir résolu les problèmes d'infrastructures et de services de base, décida de faire de ces
berges délaissées, le fer de lance de son projet de reconquête urbaine.
Une méthodologie pragmatique d'une efficacité exemplaire
Plusieurs idées clés ont présidé à la réalisation de ce projet ambitieux :
Aller vite. Il y avait urgence, et le choix du pragmatisme a été pris d'emblée en décidant de
mettre en place une structure performante, la Fundación Malecón 2000, disposant d'une
force de travail conséquente dans tous les domaines et capable d'avancer secteur par
secteur en assurant une maîtrise d'ouvrage
coordonnée sur la totalité du projet.
Un plan directeur stratégique : l'Image-
Objectif. Dès 1996, "l'Image-objectif" fut
élaborée sur l'initiative de la Banque locale "la
Previsora" et une équipe de la Oxford Brookes
University sur le modèle de la régénération des
waterfronts américains mais aussi européens et
argentins. L'Image-objectif a été acceptée la
même année par la municipalité et le projet
engagé.
Des espaces publics. Tournant le dos aux
demandes de privatisation, le projet dénommé
"Malecón Simón Bolívar" est, dès l'origine,
conçu comme un espace ouvert, public, incluant
des équipements culturels et commerciaux
privés ouverts à tous les habitants. Le projet doit
par ailleurs avoir la capacité à générer à terme
les moyens financiers nécessaires à son
entretien et à son évolution dans le temps. Malecón Simón Bolívar © aivp
Un principe de régénération urbaine. Le projet est d'emblée vu comme devant avoir un fort effet d'entraînement pour la régénération urbaine de toute la ville. Les forces vives politiques, économiques et sociales de la ville ont été fortement impliquées dans la définition même du projet qui s'est avéré très mobilisateur. La population locale a fortement
adhéré au projet, notamment via la Fundación Malecón 2000.
Un outil spécifique. Il est vite apparu nécessaire de se doter d'un instrument opérationnel
spécifique ayant pour mission de planifier, développer, construire, administrer, financer et
entretenir le futur Malecón Simón Bolívar. La Fundación Malecón 2000 a ainsi vu le jour en
1997. Juridiquement la Fondation est une entité privée sans but lucratif qui réunit les
institutions les plus représentatives et diverses de Guayaquil. Par bail emphytéotique de
99 ans, la ville de Guayaquil a donné en concession à la Fondation l'ensemble des terrains
du Malecón, soit plus de 17 hectares le long du fleuve.
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Des financements complémentaires. Enfin, en matière de financement des projets, il
convient de distinguer deux modes opératoires. D'une part, assez classiquement dans ce
genre d'opération, des concessions furent attribuées pour l'exploitation commerciale de
certains équipements privés (commerces, restaurants, Cinéma IMAX, etc.). D'autre part,
une loi fut votée le 15 octobre 1997 établissant que les donations ou subventions des
personnes physiques ou morales en faveur des projets développés par la Fondation
pourront être déduites à hauteur de 25 % des impôts sur les exercices 1997 – 2002.
Ce dernier mécanisme financier a permis de drainer immédiatement des fonds privés
considérables en faveur du projet sachant que l'apport initial de la municipalité n'avait pu
excéder à l'époque la somme de 25 000 USD. Notons que le nombre de donateurs privés a
dépassé les 47 000 personnes en 2001 ! Signe clair de l'engouement citoyen pour
l'initiative. Les travaux d'aménagement des espaces publics, soient 80% de la surface
totale ont ainsi pu d'emblée bénéficier d'aménagements de grande qualité avec un mobilier
urbain particulièrement soigné. A noter que 90% des fonds reçus par la Fondation doivent
être consacrés à la réalisation effective des projets et qu'un système de contrôle de gestion
très strict a été mis en place.
Pour définir et mettre en œuvre le projet, l'équipe internationale d'urbanistes, d'architectes,
de paysagistes, etc. travaillant en collaboration avec les professionnels équatoriens fut
rapidement désignée à l'issue de concours internationaux. L'équipe opérationnelle installée
dans les locaux de la Fondation fut coordonnée par la maîtrise d'œuvre britannique de la
Oxford Brooke University.
Malecón Simón Bolívar © aivp
2001 : mise en place de la Fondation "Guayaquil Siglo 21"
Pour compléter le dispositif existant et face à l'ampleur de la tâche de requalification
urbaine, un nouvel outil opérationnel, bras armé de la municipalité, fut mis en place dès
2001. Dotée de compétences plus larges que la Fundación Malecón 2000, la Fundación
“Guayaquil Siglo 21" a pour mission l'exécution de l'ensemble des projets de
redéveloppement urbain de la métropole. Fondation municipale de droit privé, Guayaquil
Siglo 21 gère désormais le budget municipal en matière de rénovation urbaine sans l'aide
des donateurs privés. Elle a financé à ce titre de nombreux programmes de régénération
urbaine et est liée par contrat avec la Fundación Malecón 2000 qui poursuit sa mission
d'aménagement et de gestion du Malecón Simón Bolivar et des autres quais situés sur le
bras de mer dénommé Estero Salado.
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Le Malecón Simón Bolívar, un waterfront réussi pour une régénération
urbaine ambitieuse
Cette première et ambitieuse opération de requalification urbaine de Guayaquil se présente
comme une promenade continue longue de 2,5 kilomètres, longeant la façade urbaine et
dont le point médian est l'Avenue 9 de Octubre, principale artère structurante du centre ville
aboutissant au monument commémoratif de la rencontre des illustres Simón Bolivar et San
Martin. Cette longue promenade s'achève au pied de la colline de Las Peñas qui a fait elle-
même l'objet d'un programme de
réaménagement à vocation
touristique, préservant ses maisons
traditionnelles colorées et étagées,
réinvesties aujourd'hui par le
secteur de l'artisanat d'art et des
services touristiques.
De manière classique en termes de
régénération de façade maritime, la
promenade est fortement rythmée
par diverses activités récréatives
commerciales et culturelles,
rencontrées fréquemment sur les
waterfronts.
Malecón Simón Bolívar © aivp
L'ensemble a été construit en seulement une dizaine d'années, une performance à signaler
qui ferait rêver bien des élus européens !
Citons du Sud au Nord :
1) Le Palacio de Cristal, ancienne halle commerciale des ateliers Eiffel aujourd'hui
transformée en espace multiculturel ;
2) un centre commercial abritant plus de 200 locaux commerciaux de tailles diverses ;
3) une grande place publique autour du monument à Bolívar et San Martin avec
notamment deux belvédères spectaculaires permettant de bénéficier de la vue sur
l'estuaire ;
4) un vaste jardin botanique et des aires de jeux pour enfants ;
5) deux équipements muséographiques dédiés à l'archéologie et à l'art contemporain ;
6) un théâtre et un cinéma Imax ;
7) des parkings situés en sous-sol de la plate forme du Malecón.
Palacio de Cristal © aivp Musée d’art Contemporain © aivp
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Cette offre très diverse répond aussi à la demande en matière culturelle d'une grande ville
internationale. Chaque réalisation a fait l'objet de concours spécifiques produisant des
projets de grande qualité. Le Malecón Simón Bolívar est aujourd'hui non seulement une des
promenades dominicales favorites des guayaquileños mais aussi une destination touristique
incontournable de la ville. Le site voit passer chaque année plus de 20 millions de
personnes.
Pari donc totalement réussi pour cette opération de requalification du front maritime de
Guayaquil qui est aujourd'hui toujours remarquablement entretenu témoignant ainsi de la
viabilité du modèle de gestion mis en place. Une des clés du succès réside certainement
également dans la continuité des politiques municipales qui se sont succédé depuis
l'initiative lancée en 1992. Après la mandature de Leon Febres Cordero, Jaime Nebot, maire
de la ville depuis 2001, a eu à cœur de poursuivre très activement le projet de
requalification urbaine. Le modèle mis en œuvre pour la réalisation du Malecón Simón
Bolívar a été notamment reproduit avec un succès identique sur l'Estero Salado, bras de
mer délimitant à l'ouest le centre ville et connecté au Malecón Simón Bolívar par l'avenue
emblématique 9 de Octubre, elle aussi totalement réhabilitée aujourd'hui.
Las Peñas © aivp Puerto Santa Ana © aivp
Puerto Santa Ana, l'émergence d'un nouveau quartier résidentiel et d'affaires
Au nord du Malecón Simón Bolívar, et de l'autre côté du quartier historique de las Peñas où
fut fondée la ville en 1547, Puerto Santa Ana prolonge la transformation urbaine de la ville le
long de l'Estuaire. Ancien quartier industriel et portuaire, l'opération engagée en 2007 sous
le premier mandat de l'actuel maire Jaime Nebot témoigne d'une évolution dans le mode de
transformation urbaine. Friches industrielles avec notamment d'importantes brasseries,
l'ensemble des terrains a été acquis par la Municipalité. Après consolidations des berges et
viabilisation, la moitié de l'espace a été vendu à des acteurs privés devant respecter un
cahier des charges particulièrement strict. Celui-ci prévoit notamment la réhabilitation d'une
partie importante du patrimoine industriel existant. A noter par exemple sur ce secteur la
transformation de silos en résidence. Il s'agit ici essentiellement d'un nouveau secteur
résidentiel en habitat collectif destiné à des hauts revenus.
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© aivp Los Silos © aivp
La municipalité pour sa part, œuvrant à travers
la Fondation Guayaquil Siglo 21, a aménagé les
espaces publics avec un soin identique à celui
porté aux opérations précédentes. 50% des
espaces restent publics et constituent le
prolongement des promenades le long de
l'estuaire. Avec ces ventes d'espaces à
construire pour des projets privés denses, la
ville souhaite ainsi obtenir des revenus
conséquents qui lui permettront de poursuivre
sa politique de régénération urbaine. Les
travaux d'aménagement se poursuivent vers le
nord avec l'implantation de programmes
résidentiels et de bureaux importants dans des
bâtiments, comme la tour "the point", la plus
haute du pays avec ses 36 étages, et qui
deviendront emblématiques du nouveau
quartier d'affaires de Guayaquil en gestation.
The Point © aivp
Une gouvernance ville-port en devenir ?
D'autres défis attendent la ville portuaire de Guayaquil dans les années à venir. La
délocalisation annoncée d'une partie des fonctions portuaires avec la création de nouveaux
terminaux conteneurs devrait être l'occasion d'une réflexion globale sur l'aménagement du
territoire ville-port et notamment des problématiques de transit routier.
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Par ailleurs, la ville de Guayaquil est soumise régulièrement aux phénomènes climatiques
du type "El Niño" et une meilleure cohérence entre les aménagements portuaires et urbains
permettrait sans doute, de mieux maîtriser les problématiques de submersion par les crues
des fleuves.
La situation institutionnelle ville-port, où la gestion du port principal dépend directement
d'une Autorité Portuaire rattachée à la Direction des Ports nationale et complètement
indépendante de l'administration municipale, ne facilite pas le dialogue aujourd'hui, et le
site de délocalisation est notamment sujet à controverse.
Une situation bien connue par l'AIVP mais qui ne peut qu'être amenée à évoluer devant la
prise de conscience de l'intérêt à mettre en œuvre un partenariat ville port qui sera
profitable aux ambitions mondiales de Guayaquil ville portuaire !
Octobre 2013
La Ville de Guayaquil est membre de l'AIVP