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0 Alliance mondiale pour les personnels de santé Groupe de travail n°1 Transitions économiques, démographiques et épidémiologiques et avenir des marchés du travail de la santé Document du Groupe de travail PROJET 28 septembre 2014 Coprésidents du groupe de travail : Timothy Evans, Groupe de la Banque mondiale et Agnès Soucat, Banque africaine de développement Préparé par : Akiko Maeda, Groupe de la Banque mondiale, avec des contributions de : Edson Araujo et Michael Weber, Groupe de la Banque mondiale, Caroline Ly, USAID ; Jean-Louis Arcand, Directeur du Centre des finances et de développement ; Institut universitaire de hautes études internationales de Genève ; Genta Menkulasic, Université du Delaware ; James Buchan, Université technologique de Sydney ; et Richard Scheffler, Jenny Liu et Tim Bruckner, Université de Californie, Berkeley. 28/09/2014

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Alliance mondiale pour les personnels de santé – Groupe de travail n°1

Transitions économiques, démographiques et épidémiologiques et avenir des marchés du travail

de la santé Document du Groupe de

travail PROJET 28 septembre 2014

Coprésidents du groupe de travail : Timothy Evans, Groupe de la Banque mondiale et Agnès Soucat, Banque africaine de développement

Préparé par : Akiko Maeda, Groupe de la Banque mondiale, avec des contributions de : Edson Araujo et Michael Weber, Groupe de la Banque mondiale, Caroline Ly, USAID ;

Jean-Louis Arcand, Directeur du Centre des finances et de développement ; Institut universitaire de hautes études

internationales de Genève ; Genta Menkulasic, Université du Delaware ; James Buchan, Université technologique de Sydney ; et

Richard Scheffler, Jenny Liu et Tim Bruckner, Université de Californie, Berkeley.

28/09/2014

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Table des Matières

Alliance mondiale pour les personnels de santé - Groupe de travail n ° 1 ......................................... ........... 0

1. Objectifs ....................................................................................................................... 2

2. Présentation ........................................................................................................................ 2

2. Prévisions relatives aux personnels de santé à l'horizon 2030 ............................................. .................................. 3

3. Emploi dans le secteur de la santé et croissance économique ......................................................... 4

4. Migrations des personnels de santé............................................................................................. 6

5. Un besoin de changement de paradigme dans le modèle de prestation des soins de santé ? ............................................ 9

Références ...............................................................................................................................11

Annexe 1 : Prévisions relatives aux personnels de santé à l'horizon 2030 ......................................................................13

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1. Objectifs

Ce document de synthèse résume l'analyse des données et des études sur l'emploi du secteur de la santé disponibles, en tenant compte des facteurs macro-économiques, démographiques et épidémiologiques, et de la plus grande mobilité des personnels de santé dans un marché du travail mondialisé. Plus précisément, ce document s'appuie sur les principales conclusions des trois études de fond qui ont été commandées pour répondre aux questions suivantes.

1. Examiner le contexte macro-économique et les données prouvant dans quelle mesure l'emploi dans le secteur de la santé contribue à la croissance économique globale et à l'emploi productif ainsi qu'aux tendances générales du marché du travail de la santé (Arcand et al, à paraître).

2. Prévoir l'offre et la demande en matière de travailleurs de la santé à l'horizon 2030 sur la base d'une estimation des RHS nécessaires pour fournir des services de santé essentiels à la population (en supposant qu'il n'y ait aucun changement de technologie ou de modèle de prestation de services) ainsi que la taille des effectifs de santé que les pays sont en mesure de produire et d'employer en fonction de leurs capacités et de leurs perspectives économiques (Scheffler et al, à paraître).

3. Passer en revue les tendances et l'impact de la mondialisation et de la mobilité des travailleurs de la santé sur les politiques nationales les concernant (Buchan, à paraître).

Pris ensemble, ces documents mettent en évidence les tendances observées dans le secteur de la santé dans une perspective plus large qui est celle du marché du travail et visent à stimuler le débat, à poursuivre les recherches sur les facteurs et les politiques sous-jacents qui influencent les personnels de santé, et permettent de contribuer à la stratégie mondiale plus large sur les RHS afin d'aider les pays à parvenir à un système de santé plus équitable et plus durable.

2. Présentation

Les efforts pour intensifier les interventions essentielles afin d'atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) liés à la santé et la couverture universelle en matière de santé (CUS) ont révélé une pénurie massive de professionnels de la santé qualifiés, ce qui constitue une contrainte inhérente pour parvenir à ces objectifs dans de nombreux pays à faible revenu et à revenu moyen, surtout dans les régions ayant davantage de besoins sanitaires tels que l'Afrique subsaharienne et l'Asie du Sud (Travis et al. 2004, OMS 2006).

La demande et la taille des effectifs mondiaux de la santé devraient augmenter sensiblement en raison de la croissance démographique et économique, sans oublier les transitions démographiques et épidémiologiques, et notamment le vieillissement de la population. Dans l'ensemble, ces tendances accélèrent le besoin et la demande en travailleurs de la santé à travers le monde, bien que l'ampleur et le taux d'accroissement de la demande et du besoin en personnels varient d'un pays à l'autre.

Les facteurs démographiques jouent aussi sur les effectifs de santé. De récents rapports indiquent une augmentation des écarts de prévisions entre l'offre et la demande en personnel infirmier dans les pays à revenu élevé, principalement en raison du vieillissement de la population et de l'augmentation des départs à la retraite (The Nursing Council of New Zealand, 2013; Ono et al, 2013; Buchan and Campbell, 2013). Le vieillissement est également une caractéristique des travailleurs médicaux dans les pays à revenu élevé. En 2009, environ 30 pour cent de l'ensemble des médecins des pays de l'Union européenne (UE) avaient plus de 55 ans (Commission européenne, 2012).

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Les travailleurs de la santé – comme tous les travailleurs – sont sensibles aux différences de rémunération, aux conditions de travail et aux perspectives de carrière. Les disparités importantes au niveau de ces facteurs, aussi bien à l'intérieur qu'entre les pays créent de puissantes forces de migration tant à l'intérieur qu'en dehors des frontières nationales, entraînant souvent un impact négatif sur la disponibilité des services de santé pour les communautés mal desservies. Pouvoir comprendre les forces sous-jacentes du marché, favoriser une plus grande sensibilisation

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et de meilleures compétences en matière de gestion des marchés du travail des agents de santé et élaborer des politiques efficaces sera une caractéristique essentielle d'une stratégie efficace en faveur de la CUS.

Dans le monde, on observe des écarts significatifs de besoins, de demande et d'offre en matière de travailleurs de la santé, ce qui entraîne une répartition et un déploiement inéquitables de ces derniers. Les efforts visant à résoudre les problèmes d'effectifs de santé ont tendance à se concentrer étroitement sur les projections des besoins en personnel de santé et sur la manière de soutenir la capacité de production pour accroître l'offre de travailleurs de la santé dans le but de répondre à ces besoins prévus. Toutefois, pour parvenir à des solutions efficaces, il faudra aligner ces interventions sur les préférences et les attentes individuelles de chaque travailleur ainsi que sur la situation plus large du marché du travail et les conditions économiques du pays.

2. Prévisions relatives aux personnels de santé à l'horizon 2030

Les décideurs nationaux devront traiter plusieurs facteurs pour élaborer un plan efficace en faveur du personnel de santé. Ces facteurs peuvent être regroupés en fonction des catégories suivantes : (I) estimation du nombre et de la catégorie d'agents de santé nécessaires pour fournir les services de santé essentiels en vue de répondre aux objectifs nationaux en matière de santé publique et aux besoins de la population ; (Ii) capacité à produire suffisamment de travailleurs qualifiés (politiques d'éducation et conditions du marché du travail); et (iii) capacité du marché du travail à recruter et à fidéliser les travailleurs de la santé (capacité économique et financière, conditions du marché du travail).

Cette section met en évidence les résultats des prévisions relatives aux personnels de santé menées par Scheffler et al (à paraître) à l'aide du modèle de prévision économique fondé sur les besoins qui permet d'estimer la pénurie (ou l'excédent) de travailleurs de la santé à l'horizon 2030. Vous trouverez des détails supplémentaires sur la méthode utilisée à l'Annexe 1.

Si aucun changement ne survient au niveau des tendances actuelles de production des personnels de santé, il est prévu d'importants déficits de personnel à travers le monde, notamment pour les pays à faible revenu qui seront confrontés à une pénurie croissante et plus grave d'ici à 2030. En outre, les prévisions soulignent des tendances nettement divergentes entre les pays à faible revenu et à moyen revenu pour ce qui est de la nature des « pénuries » de personnels de santé.

Au rythme actuel de production des travailleurs de la santé et des prévisions en matière de croissance démographique et économique, d'ici à 2030, les pays à faible revenu devraient faire face à un écart important et croissant entre le nombre de travailleurs de la santé nécessaires pour fournir les services essentiels (le besoin), d'une part, la disponibilité des professionnels de la santé (l'offre), d'autre part, et la capacité de ces pays à les employer (la demande). On observe une faible croissance de la capacité relative d'emploi du personnel, ce qui conduit à une pénurie de travailleurs due à la demande économique. Cela signifie que l'offre globale de personnel restera en dessous de la capacité d'emploi globale des pays. Par exemple, en 2030, on estime qu'il manquera un million de travailleurs de la santé en fonction des « besoins » mais que ces pays ne seront en mesure d'employer qu'environ un dixième (soit 106 399 travailleurs) du chiffre nécessaire même si la production pourrait être augmentée pour combler l'offre « nécessaire » de travailleurs (voir le Tableau 1 ci-dessous).

En revanche, les pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure montrent une réduction sensible de l'écart entre l'offre de travailleurs de la santé et les chiffres nécessaires pour fournir

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les services de santé essentiels. La croissance économique dans ces pays devrait stimuler la demande en soins de santé au-delà des services essentiels, et le rythme actuel de production des travailleurs de la santé devra être accéléré de manière significative pour répondre à la demande. Ces conditions difficiles du marché du travail pourraient augmenter le coût des agents de santé car les employeurs se font concurrence pour recruter et fidéliser les personnels de santé qualifiés par des salaires plus élevés et pour répondre aux demandes croissantes de la classe moyenne émergente. Ces dynamiques peuvent probablement stimuler les mouvements de travailleurs au-delà des frontières et favoriser une augmentation encore plus importante des coûts dans le secteur de la santé de ces pays.

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Il convient de noter que le modèle suppose une technologie constante et qu'il ne peut pas tenir suffisamment compte de la demande croissante en travailleurs supplémentaires pour servir une population vieillissante, notamment l'essor des soins de longue durée qui commence à créer une demande nettement plus accrue en personnel infirmier et autres travailleurs de la santé. Par conséquent, les déficits en matière de travailleurs de la santé fondés sur la demande dans les pays à revenu élevé devraient être plus importants dans les pays où les revenus sont plus élevés. À titre d'exemple, l'UE estime déjà une pénurie de personnel de santé de l'ordre d'un million de travailleurs en 2020 (Commission européenne 2012) par rapport au chiffre estimé de 309 000 travailleurs proposé par le modèle de prévision de Scheffler.

Tableau 1. Estimation des pénuries2 de travailleurs de la santé1 par région et par revenu

Pénuries fondées sur la demande Pénuries fondées sur les besoins

Covariables3 non liées à l'OMS

2012 2020 2030 2012 2020 2030

Région

Asie de l'Est et Pacifique 2 772 220 4 458 184 8 083 626 206 152 110 631 114 230

Europe et Asie centrale 324 107 373 989 626 891 5 389 0 0

Amérique latine et Caraïbes 46 224 24 581 51 880 9 724 10 490 11 367

Moyen-Orient et Afrique du Nord

4 689 15 427 53 824 24 049 14 245 5 604

Amérique du Nord 9 317 9 537 24 186 0 0 0

Asie du Sud 50 96 194 307 762 312 219 312 901

Afrique subsaharienne 26 276 41 281 74 168 694 138 780 657 910 900

Revenu Faible

45 408

79 534

106 399

906 017

972 732

1 098 085

Intermédiaire (tranche inférieure) 129 999 225 130 463 348 313 886 240 817 243 412

Intermédiaire (tranche supérieure) 2 813 503 4 433 655 8 035 954 27 310 14 693 13 505

Élevé 193 975 184 777 309 069 0 0 0

Monde 3 182 885 4 923 095 8 914 770 1 247 213 1 228 242 1 355 002

1. L'agent de santé fait référence aux médecins, aux infirmiers et aux sages-femmes (à l'exception des autres types de personnel de santé tels que

les dentistes, les pharmaciens, et les administrateurs). Les estimations fondées sur les besoins sont générées à partir d'un modèle unique qui associent les données relatives aux médecins, aux infirmiers et aux sage-femmes plutôt qu'à un ensemble de modèles distincts pour les médecins, le personnel infirmier et les sages-femmes.

2. Les totaux ne correspondent qu'aux pays pour lesquelles des pénuries ont été estimées ; les excédents ne sont pas comptabilisés pour additionner les totaux. Cela correspond à la méthode utilisée dans le Rapport sur la santé dans le monde 2006 intitulé Travailler ensemble pour la santé.

3. En s'appuyant sur son Rapport sur la santé dans le monde 2006 intitulé : Travailler ensemble pour la santé, l'OMS a estimé le nombre de travailleurs de la santé nécessaires pour atteindre une prise en charge à 80 pour cent des naissances par une sage-femme qualifiée. Nous avons appliqué leur stratégie aux nouvelles données relatives aux travailleurs de la santé pour obtenir le chiffre de 2,18 travailleurs de la santé pour 1 000 habitants.

Source : Scheffler et al. à paraître.

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3. Emploi dans le secteur de la santé et croissance économique

Cette section résume les conclusions provenant du document rédigé par Arcand et al. (à paraître) qui a étudié les liens entre l'emploi dans le secteur de la santé, les dépenses en soins et

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la croissance économique. De récentes données suggèrent que si la valeur de la variation de la mortalité ou de l'espérance de vie est ajoutée aux comptes nationaux de revenus (approche du revenu global), les avantages économiques de l'amélioration de la santé sont nettement plus importants que si la santé est évaluée uniquement par son impact sur les comptes nationaux de revenus. Au cours de la période 2000-2011, 24 pour cent de la croissance de l'ensemble des revenus dans les pays à revenu faible et à revenu intermédiaire étaient dus à l'allongement de l'espérance de vie. Une augmentation des investissements en faveur des soins de santé pour améliorer la technologie et les systèmes de soins de santé réduirait considérablement les taux de mortalité infantiles, maternels et par maladies infectieuses dans les pays à revenu faible et à revenu intermédiaire et permettrait d'atteindre les niveaux universellement bas fixés pour 2035. En outre, si les avantages économiques des investissements en faveur des soins de santé avaient été calculés à l'aide de l'approche du revenu global, ils seraient 9 à 20 fois plus élevés que les coûts. En conséquence, l'augmentation des dépenses de soins de santé présenterait un énorme avantage économie à l'avenir (Summers et al, 2013).

Toutefois, il est encore nécessaire d'établir la relation entre les dépenses de santé, l'emploi dans le secteur de la santé et la croissance économique, à l'aide de modèles théoriques pouvant être testés de manière empirique. À ce jour, l'ensemble des travaux d'analyse à ce sujet ont été menés exclusivement sur les pays à revenu élevé en raison du manque de données dans les pays à revenu faible et moyen.

Dans les pays à revenu élevé, l'augmentation de l'emploi dans le secteur santé s'est accompagnée d'une augmentation simultanée des niveaux de salaires, donnant lieu à des préoccupations au niveau de l'impact sur l'ensemble de l'économie. Le développement technologique a été un facteur important pour expliquer les changements dans les dépenses de santé et, par conséquent, les tendances de l'emploi dans le secteur de la santé. Comme indiqué plus haut, les données montrent que le développement technologique a entraîné une augmentation de la demande en travailleurs plus qualifiés, conduisant à des taux de reprise d'études plus élevés pour ces catégories de travailleurs de la santé et à un mouvement axé sur les compétences au niveau de l'emploi dans le secteur de la santé (Schumacher, 2002 ; Sales et Schlaff, 2010).

Cette hausse continue de l'emploi et des salaires dans le secteur de la santé a soulevé de profondes préoccupations chez les décideurs politiques inquiétés par son impact éventuellement négatif sur l'ensemble de l'économie. L'argument appelé « maladie des coûts croissants » ou modèle de croissance déséquilibrée de Baumol (Baumol, 1967) a identifié la hausse du salaire nominal supérieure à la hausse de la productivité comme le principal moteur des dépenses de santé aux États-Unis. Ses résultats suggèrent que la croissance de l'emploi dans le secteur de la santé sans augmentation correspondante de la productivité pourrait, à long terme, agir comme un frein à la croissance économique globale. Une étude plus récente menée par Hartwig (2008 et 2011) a produit des résultats similaires sur les pays de l'OCDE.

Le document d'Arcand et al (à paraître) fournit de nouveaux éléments de preuve sur la relation entre l'emploi dans le secteur de la santé et la croissance économique en appliquant deux stratégies empiriques. La première a appliqué le modèle de croissance déséquilibrée de Baumol à un ensemble plus large de données sur les effectifs de santé, y compris celles provenant des pays sélectionnés à faible et moyen revenus.

La loi de Baumol pose le principe qu'une hausse des salaires nominaux supérieure à la productivité est le principal moteur de l'augmentation des dépenses de santé et, donc, influe de façon négative sur la croissance économique en augmentant les dépenses dans un secteur où les taux de rendement sont les plus faibles. Toutefois, en introduisant de nouvelles données

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provenant de pays à faible et moyen revenus, Arcand et al. découvrent que la loi de Baumol appliquée à ces nouvelles données produit des résultats qui sont contraires à ceux qui ont été trouvés pour les pays de l'OCDE par Hartwig (2008). Les auteurs ne considèrent pas la corrélation avec le nouvel ensemble de données qui inclut les pays à revenu faible et moyen comme significative et concluent que la hausse des dépenses de santé dans un large échantillon de pays n'est pas générée par une augmentation des salaires et des traitements supérieure à la croissance de la productivité.

La deuxième approche analytique a suivi la stratégie empirique proposée par Rajan et Zingales (1998), qui fait appel à des données ventilées par secteur afin d'étudier l'impact de l'emploi dans le secteur de la santé

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sur les taux de croissance différentielle de la valeur ajoutée dans les secteurs de la fabrication. Arcand et al. (à paraître) rapportent que les résultats fondés sur le modèle de Rajan et Zingales appliqué aux données de l'emploi dans le secteur de la santé provenant des pays à faible et moyen revenus révèlent des effets quantitativement importants de l'emploi dans la santé sur les taux de croissance différentielle de la valeur ajoutée dans tous les secteurs. Ce résultat signifie que l'emploi dans la santé entraîne des dividendes de forte croissance pour les autres secteurs économiques, en l'occurrence l'industrie manufacturière. En d'autres termes, ces résultats démontrent que l'emploi dans le secteur de la santé exerce un effet inducteur de croissance significatif accompagné d'un effet multiplicateur sur les autres secteurs, probablement avec des effets de plus grande ampleur qu'avec les autres secteurs mieux étudiés tels que la finance (Arcand et al., 2012).

Ces résultats sont importants en ce sens qu'il s'agit de la première fois que l'emploi dans le secteur de la santé s'est avéré exercer un effet positif de croissance, en faisant appel aux données globales provenant des pays à revenus faibles, moyens et élevés.

4. Migrations des personnels de santé

Les migrations des personnels de santé sont inévitablement et inextricablement liées à d'autres aspects de la politique et de la planification relatives aux travailleurs de la santé. Une analyse détaillée des modèles de mobilité des travailleurs de la santé fournira des informations essentielles pour les décideurs en matière de santé au niveau national. Cette section s'appuie sur le document de travail préparé par James Buchan (à paraître) à ce sujet.

Si nous comprenons mieux les modèles et tendances de migration des personnels de santé, les données disponibles restent, toutefois, très fragmentées et incomplètes. À l'heure actuelle, la communauté mondiale ne dispose pas des données et de l'analyse nécessaires pour être pleinement efficaces dans la surveillance et la gestion de la mobilité des effectifs nationaux et internationaux de la santé. En outre, il est difficile de tirer le meilleur parti des ensembles de données qui existent car ils sont fragmentés et sont détenus par différentes entités : organismes gouvernementaux, agences, organismes de réglementation et associations professionnelles. De plus, la plupart des analyses disponibles sur les coûts, les avantages et les effets sont défectueuses ou de nature descriptive. Un programme de recherche à plus long terme serait nécessaire pour examiner les corrélations et les effets de causalité dans le but d'élaborer une évaluation plus approfondie et rigoureuse des coûts et des avantages dans différentes conditions. Quelques points clés sont présentés ci-dessous :

� Nous comprenons désormais mieux que tous les flux migratoires ne correspondent pas à une seule direction ou à un phénomène durable. Certains travailleurs de la santé se déplacent pour de courtes périodes ou passent assez rapidement dans un autre pays, et certains passent même la frontière régulièrement, voire tous les jours. Nous sommes également plus aptes à comprendre que la mobilité transnationale des travailleurs de la santé n'est que l'un des flux de main-d'œuvre potentiellement importants même s'il demeure une tendance à se concentrer de manière isolée sur les données de flux migratoires sans prise en compte adéquate de la dynamique plus large du marché du travail. En s'intéressant étroitement et uniquement aux flux internationaux mais en ignorant les flux au sein du marché national du travail, il y a des risques de ne pas comprendre la situation dans son ensemble, de surestimer l'importance des migrations internationales et d'arriver à un mauvais alignement de la politique.

� Il est nécessaire d'inclure un ensemble plus large d'acteurs dans l'analyse, notamment

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les employeurs, les autorités de l'éducation et de réglementation, les agences de recrutement, les associations professionnelles et les organismes gouvernementaux chargés de l'immigration et de l'emploi. Ils peuvent constituer des sources de données sur les réserves et les flux migratoires des personnels de santé, jouer un rôle en activant, dirigeant ou limitant le flux migratoire, ils peuvent être à l'origine de l'échec du marché dans le processus de migration et peuvent également présenter des perspectives différentes sur les coûts et les avantages de la migration.

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� Presque toutes les analyses publiées portent sur les professionnels de la santé, principalement les médecins et le personnel infirmier et il y a moins de données factuelles sur les autres professions de la santé comme les pharmaciens et les sages-femmes. Compte tenu de l'accent mis récemment sur la prise en compte de l'ensemble des travailleurs pour la politique et la planification relative aux personnels de santé, cette orientation relativement étroite court le risque de passer à côté des aspects importants de l'impact de la migration des travailleurs de la santé. La direction et le personnel administratif (par exemple, les spécialistes de l'informatique, de la logistique et les responsables de la chaîne d'approvisionnement), le personnel scientifique qui n'ont d'habitude aucun contact avec les patients, les techniciens de laboratoire, et d'autres employés assurant des tâches d'assistance sont essentiels pour assurer l'efficacité des systèmes de santé. Certains de ces employés auront des compétences transférables et seront mobiles sur les marchés du travail nationaux ou internationaux, et peuvent constituer un risque d'exode pour les systèmes de santé.

La crise financière mondiale a été un choc de court terme, mais les tendances démographiques sous-jacentes restent le principal moteur de la migration. La crise financière mondiale a eu un impact sur les modèles de migration des personnels de santé, avec une chute des flux au cours des trois années qui ont suivi l'année de la crise de 2008. Avec la reprise économique, l'OCDE rapporte que les tendances globales d'immigration dans les pays de l'OCDE sont à la hausse, notamment dans certains pays de l'Union européenne (UE) malgré le durcissement des politiques d'immigration menées par certains pays qui tentent de protéger leur marché du travail (OCDE, 2013). Dans ce modèle de migration plus large, les tendances migratoires des travailleurs de la santé semblent également être à la hausse, mais avec quelques changements notables d'ampleur et de direction par rapport à la situation observée avant la crise (Buchan et Campbell, 2013).

Dans un contexte de dépenses stagnantes au sein d'un secteur à forte intensité de main-d'œuvre, les systèmes de santé de nombreux pays à revenu élevé de l'OCDE continuent d'être confrontés à un double défi démographique : une population vieillissante qui demande davantage de soins de santé et une main-d'œuvre vieillissante qui laisse place à de plus en plus de préoccupations au sujet de l'offre à venir en matière de professionnels de la santé (Crisp et Chen, 2014). Malgré l'augmentation des taux de participation au marché du travail en raison de la crise économique dans de nombreux pays de l'OCDE, des rapports récents font état d'écarts croissants entre l'offre et la demande prévue en matière de personnel infirmier, principalement en raison du vieillissement et de l'augmentation des départs à la retraite (The Nursing Council of New Zealand, 2013; Ono et al, 2013; Buchan et Campbell, 2013). Le vieillissement est également une caractéristique des travailleurs médicaux dans les pays à revenu élevé. En 2009, environ 30 pour cent de l'ensemble des médecins des pays de l'Union européenne (UE) avaient plus de 55 ans (Commission européenne, 2012). Dans l'ensemble, la Commission européenne estime qu'il pourrait y avoir un déficit potentiel d'un million de travailleurs de la santé dans les pays de l'UE en 2020 (Commission européenne, 2012). Le recrutement international est une politique qui a été poursuivie de manière active par le passé, et restera probablement un choix politique pour remédier aux prévisions futures de pénuries dans certains pays à revenu élevé.

Dans le même temps, il existe de plus en plus de données factuelles indiquant une offre excédentaire potentielle de certains types de médecins, dans certains pays comme l'Australie et le Royaume-Uni (Health Workforce Australia, 2012; Centre for Workforce Intelligence, 2012), ainsi que des inquiétudes persistantes au sujet de la mauvaise répartition géographique de ces travailleurs employés dans les systèmes de santé (Ono et al, 2014). Ces tendances propres à chaque pays mettent en évidence la complexité des facteurs qui influent sur la migration du

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personnel de santé dans chaque pays et soulignent l'importance d'éviter les interprétations et solutions simplistes.

Les marchés régionaux émergents de libre circulation présentent pour le personnel de santé de nouvelles opportunités et de nouveaux défis. Les pays ne peuvent plus rester « isolationnistes » dans leurs politiques nationales de santé : les systèmes de santé et les marchés du travail sont de plus en plus liés entre eux et la politique, la planification et la réglementation concernant le personnel de santé ne réussiront pas sans tenir compte des liens et des moteurs internationaux. En outre, les questions de migration et de mobilité de la main-d'œuvre ne peuvent être traitées efficacement comme une question de politique distincte au sein du secteur de la santé. Elles nécessiteront une action politique plus large en faveur des effectifs de santé

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impliquant une coordination multisectorielle pour aligner les politiques d'emploi, d'éducation et d'immigration du pays.

Il existe une tendance de plus en plus importante lancée par des associations régionales qui consiste à organiser des mouvements ouverts d'effectifs à travers les frontières nationales, notamment des mouvements de professionnels de la santé. Ces accords offrent des plateformes importantes pour aborder les questions de migration du personnel de santé d'une manière plus systématique et réglementée. Ces expériences mettent également en lumière les principaux défis qu'implique la réalisation d'un système de gouvernance efficace pour répondre à ces mouvements de main-d'œuvre.

Le plus grand marché de libre circulation pour les professionnels de la santé est celui des 28 pays de l'Union européenne (UE). Dans ce cadre, cinq professions de santé - médecins, infirmiers en soins généraux, sages-femmes, dentistes et pharmaciens - bénéficient d'une libre circulation dans ces 28 pays s'ils ont été formés aux normes minimales de l'UE (en fonction des exigences minimales spécifiées de nombre d'heures et de formation pratique et/ou théorique), ou si leur formation a été acceptée comme répondant à ces exigences minimales. Une fois autorisés à exercer dans n'importe quel pays de l'UE, ils peuvent se déplacer à travers l'Union grâce à « l'autorité nationale compétente » de chaque pays chargée d'évaluer les qualifications des individus au cas par cas.

Le marché européen de libre circulation s'est étendu géographiquement car plusieurs pays ont adhéré à l'Union ces quinze dernières années. L'analyse des flux de professionnels de la santé à travers les frontières de l'Union européenne a mis en évidence une augmentation de la mobilité, notamment des mouvements temporaires et de court terme, ainsi qu'une tendance générale d'une mobilité en provenance des pays à plus faible revenu du sud et de l'est de l'UE vers les pays à revenu élevé de l'Europe du Nord, de l'Ouest et de la Scandinavie (Buchan et al, 2014). Il est également prouvé que ces dernières années, les pays d'accueil de l'UE dépendent plus au niveau du recrutement de l'intérieur de l'Union tandis que les flux en provenance des pays hors de l'UE ont diminué.

Parmi les autres marchés de libre circulation impliquant plusieurs pays et plus récemment apparus, figure l'accord de reconnaissance mutuelle relatif aux services de soins infirmiers qui touche les dix pays de l'ASEAN : Brunéi Darussalam, le Cambodge, l'Indonésie, le Laos, la Malaisie, Myanmar, les Philippines, Singapour, la Thaïlande et le Vietnam. Signés en 2006, les objectifs de l'ARM sont de faciliter la mobilité des professionnels en soins infirmiers au sein de l'ASEAN ; d'échanger des informations et du savoir-faire sur les normes et les qualifications ; de promouvoir l'adoption des meilleures pratiques en matière de services de soins infirmiers professionnels et d'offrir des possibilités de renforcement des capacités et de formation du personnel infirmier (ASEAN, 2006). L'ARM de l'ASEAN n'est pas encore pleinement opérationnel mais pourrait jouer beaucoup sur le niveau de mobilité des infirmiers à travers l'ensemble de ses pays membres. L'ASEAN a aussi des projets plus larges de libre circulation pour les services d'autres professionnels de la santé, notamment les médecins et dentistes, les sages-femmes, les physiothérapeutes et le personnel paramédical (Arunanondchai et Fink, 2006). Une étude des ressources humaines et de l'échange de services de santé en Asie a également souligné le potentiel de l'ARM au sein de l'ASEAN pour les professionnels des services de santé, et a conclu que « la gestion des migrations et les stratégies de fidélisation devaient être intégrées dans les efforts en cours visant à renforcer les systèmes de santé en Asie du Sud-Est » (Kanchanachitra et al 2011).

À l'exception de l'analyse menée en UE, il y a eu peu d'évaluation de l'impact des schémas de libre circulation sur les marchés du travail nationaux et sur les possibilités individuelles. Les données factuelles de l'UE soulignent la portée de la mobilité accrue, ce

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qui, à l'échelle régionale globale conduit à des flux engendrés par des perceptions individuelles d'amélioration des perspectives de carrière. Elles soulignent également les risques et limites au niveau national si la planification des effectifs et la réglementation en matière d'éducation et de qualité professionnelle ne tiennent pas compte de la facilité de la mobilité transfrontalière.

Le Code de l'OMS marque un tournant mais demeure une tâche inachevée. L'adoption du Code de pratique mondial pour le recrutement international des personnels de santé (WHO 2010), par tous les États membres lors de l'Assemblée mondiale de la Santé en 2010 a marqué un tournant dans la politique axée sur

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la question de la migration des personnels de santé. Ce Code présente une approche politique large et volontaire de la question de la migration des travailleurs de la santé aux niveaux national et international. Il reconnaît la complexité et la dynamique de la migration, souligne la nécessité d'une surveillance et d'une analyse plus efficace des tendances et place la migration dans une politique et un contexte plus large de planification en faveur du personnel de santé. Ainsi, il énonce les principes pour tout État membre qui souhaite développer une approche plus efficace de préservation et de migration des effectifs de la santé.

Cependant, le Code de l'OMS n'est pas utilisé dans son intégralité : son application reste limitée et il est utilisé principalement comme un outil de rapport plutôt que comme catalyseur servant à améliorer le dialogue politique et la planification concernant le personnel de santé au niveau national. En renouvelant l'effort permettant d'examiner son application dans un contexte politique plus large, en mettant en évidence les pays ou groupes de pays qui travaillent déjà pour intégrer le Code dans le cadre général de l'analyse des personnels de santé, nous pourrions améliorer sa reconnaissance et sa mise en œuvre en tant qu'outil permettant de définir les grands principes et pratiques de base et constater là où son application est un moyen permettant de parvenir à une politique et à une planification plus efficace de la main-d'œuvre dans le cadre des objectifs de couverture universelle en matière de santé.

5. Un besoin de changement de paradigme dans le modèle de prestation des soins de santé ?

L'ampleur des défis auxquels sont confrontés les décideurs politiques nationaux de la santé souligne la nécessité impérieuse de transformer les systèmes d'éducation et d'emploi des professionnels de la santé si les objectifs mondiaux de couverture universelle en matière de santé veulent être atteints. Comme indiqué plus haut, avec une trajectoire et des compétences axées aujourd'hui vers la technologie haut de gamme, nous allons assister à une hausse constante des coûts des soins de santé répondant aux besoins d'une minorité pouvant se les offrir.

Il sera impératif de trouver des moyens pour les pays à revenu faible et moyen d'éviter ces problèmes et d'orienter la trajectoire de développement du personnel de santé vers une voie plus durable et plus inclusive. Bien qu'il existe un nombre croissant d'initiatives qui offrent de nouvelles modalités de prestation des soins de santé, à ce jour, il y a très peu d'études coût-efficacité dans les pays à revenu faible et moyen qui démontrent les retours sur investissements en faveur des services de santé communautaires. Par exemple, en dépit de l'attention importante portée sur le rôle des agents de santé communautaires (ASC) dans le développement de soins de santé abordables, une étude récente de la littérature constate un manque général et une nécessité de réaliser des études économiques qui accompagnent ces essais afin de démontrer la rentabilité des différents types d'interventions des ASC (Frymus et al., 2014). Des études ont montré que les ASC étaient accessibles et acceptables pour les clients au niveau de la communauté et, par conséquent, qu'ils étaient capables d'améliorer l'accès et l'équité des services de santé. Toutefois, d'autres études sont nécessaires pour démontrer la rentabilité des interventions des ASC par rapport aux interventions similaires assurées par des professionnels de la santé.

L'étude sur l'éducation des sages-femmes au Bangladesh (Evans 2013) en est un exemple. Elle a montré que si on investissait dans l'éducation des sages-femmes en les déployant dans les services communautaires, le retour sur investissement pouvait atteindre un facteur 16 en termes de vies sauvées et d'économies pour les césariennes évitées, ce qui pourrait être considéré comme l'investissement le plus rentable en faveur des soins de santé primaires. La valeur ajoutée provient également du fait que l'investissement en faveur des sages-femmes libère les médecins, les infirmiers et les autres cadres de santé pour leur

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permettre de se concentrer sur d'autres besoins de santé, augmentant ainsi l'efficacité du système et favorisant une meilleure couverture avec une main-d'œuvre qualifiée limitée. Beaucoup d'autres études de ce type sont nécessaires pour identifier les approches efficaces à adopter.

Pour atteindre les objectifs en matière de CUS, il faudra un changement de paradigme dans le système de prestation des soins de santé en alignant les forces du marché et les attentes de la population pour atteindre une prévention primaire et des modèles de soins communautaires et à domicile. Ce système serait pris en charge par une équipe multidisciplinaire de soins primaires composée de professionnels de la santé dotés de compétences larges.

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L'OMS a fait la promotion de la « délégation des tâches » comme un moyen d'attribuer les procédures ou interventions bien définies des agents de santé plus qualifiés vers ceux moins qualifiés (Mukerjee et Eustace 2007 ; OMS, 2007). Cependant, pour apporter une réponse efficace, il faudra introduire des changements beaucoup plus fondamentaux et importants dans le modèle de prestation des soins de santé afin d'augmenter la productivité de la main-d'œuvre et de mettre à profit les innovations technologiques qui réduisent les coûts plutôt que les augmentent. L'essor de l'emploi dans le secteur de la santé ne doit pas freiner l'économie si ces gains de productivité peuvent être atteints. Cela exige un changement de paradigme dans les modèles de prestation de services si les objectifs globaux de la couverture universelle en matière de santé peuvent être réalisés à un coût abordable et financièrement viable.

Des réponses politiques et réglementaires seront nécessaires pour améliorer l'utilisation et l'efficacité des soins de santé et permettre l'optimisation des services, par exemple, en offrant plus de souplesse dans la détermination de l'éventail de compétences adéquat des professionnels de la santé et des autres types de personnels qui travaillent en équipe pour répondre aux besoins de santé plus larges de la population. L'impact potentiel des réglementations, des accords et des autres structures de gouvernance en place devra également être évalué au niveau de la distribution et de la circulation des travailleurs de la santé à travers les frontières nationales.

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Annexe 1 : Prévisions relatives aux personnels de santé à l'horizon 2030

Cette Annexe décrit le modèle de prévisions relatives au personnel de santé proposé par Scheffler et al. (à paraître). Compte tenu des données limitées, les prévisions font nécessairement un certain nombre d'hypothèses qui doivent être prises en compte dans l'interprétation des résultats. En voici le résumé ci-dessous.

� Le modèle de prévision a limité l'analyse aux généralistes, aux infirmiers et aux médecins. Le modèle ne tient donc pas compte des contributions des autres travailleurs de la santé (travailleurs de niveau intermédiaire, agents de santé communautaires, personnel technique et non technique) dont le rôle peut s'élargir en raison de la « délégation des tâches » et des nouveaux modèles de prestation de soins. Le modèle suppose également aucun changement de technologie et de prestation de soins.

� Le nombre de médecins par habitant est estimé par habitant sur la base des données historiques relatives au nombre de médecins pour chaque pays (S). Ces chiffres servent de référence pour évaluer les différentes prévisions. Pour obtenir l'offre prévue d'infirmiers et/ou de sages-femmes, le nombre prévu de médecins pour chaque pays a été multiplié par le ratio d'infirmiers et/ou de sages-femmes par rapport aux médecins pour chaque pays en fonction des données les plus récentes depuis 2008. On suppose à nouveau que la fonction de production des travailleurs de la santé reste constante. Les ratios propres à chacun des 146 pays pourraient être réunis à partir des données disponibles sur les médecins et les infirmiers et/ou sages-femmes.

� Les prévisions fondées sur les besoins (N) reflètent le nombre de travailleurs de la santé qui serait nécessaire pour atteindre un point de référence souhaité d'utilisation des services (OMS 2006, Scheffler et al. 2013). Les estimations de pénuries d'effectifs fondées sur les besoins ont été affinées en fonction de trois approches :

o Covariables non liées à l'OMS : Densité nécessaire pour atteindre une prise en charge à 80 pour cent des naissances vivantes par une accoucheuse qualifiée, n'exerçant pas de contrôle pour toutes les covariables supplémentaires

o Covariables géographiques de l'OMS : Densité nécessaire pour atteindre une prise en charge à 80 pour cent des naissances vivantes par une accoucheuse qualifiée, exerçant un contrôle sur les covariables géographiques (densité de la population et pourcentage de la population urbaine).

o Méthode intégrée avec AVCI pondérées : moyenne pondérée des accouchements pris en charge par un personnel qualifié, vaccination DTP pour les enfants, vaccination contre la rougeole pour les enfants, et vaccination antitétanique pour les femmes enceintes, chacune avec des taux de couverture cible désignés, selon une répartition de la charge de la maladie mesurée par les AVCI.

� Le modèle de prévision économique (D) reflète le nombre de travailleurs de la santé qui sera demandé (c'est-à-dire, employés) dans chaque pays en fonction de la hausse des

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revenus et des dépenses en soins de santé (Scheffler et al. 2008). Cela donnera la taille des effectifs qu'un pays est susceptible d'être en mesure de payer.

La Figure A.1 ci-dessous illustre la manière d'interpréter les chiffres issus de ces différents modèles de prévision. Comme indiqué, (S) montre la croissance de l'offre de médecins en fonction du rythme actuel de production et (N) indique le nombre estimé de médecins nécessaires pour atteindre un niveau d'utilisation référence. La Figure A.1 montre un exemple de l'élargissement de la pénurie de médecins par rapport aux besoins (N) (nombre de médecins nécessaire pour fournir les services de santé essentiels). (D1) montre l'exemple d'un pays avec une capacité économique qui génère une demande de médecins supérieure à l'offre de médecins actuelle, créant ainsi une pénurie de médecins sur le marché du travail. Ce type de situation risque de conduire à une escalade des salaires. (D2) illustre la situation où un pays produit plus de médecins qu'il n'est à même d'employer et de rémunérer et qui crée, par conséquent, une situation paradoxale

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Méd

ecin

s (p

ou

r 1

00

0 h

abit

ants

) de travailleurs sans emploi alors qu'ils sont en nombre insuffisant pour fournir les services essentiels nécessaires. Dans ce dernier cas, le problème n'est pas une production insuffisante de médecins mais bien l'incapacité du pays à employer ces médecins qui peuvent ensuite choisir de migrer ou de changer de métier (ou de rester sans emploi).

Figure A.1 Cadre conceptuel de prévision

5,00

4,50

4,00

3,50

3,00

2,50

2,00

1,50

1,00

0,50

0,00 2010 2015 2020 2025 2030

S : offre prévue D1 : demande prévue (scénario avec excédent) D2 : demande prévue (scénario avec pénurie) N : besoin estimé en fonction du taux d'utilisation de référence

Source : Scheffler et al. à paraître.

L'excédent et la pénurie de travailleurs par habitant ont été calculés comme l'écart entre l'offre de travailleurs de la santé projetée par rapport à ce qui est « demandé » en fonction des conditions économiques (c'est-à-dire de l'emploi disponible) et ce qui est nécessaire (selon qui de référence). Le résumé des résultats apparaît dans le Tableau 1 (ci-dessous), par régions et groupes de revenus. Ce tableau ne montre qu'un modèle fondé sur les besoins et utilisé pour prévoir les pénuries de travailleurs de la santé. Les résultats des autres modèles fondés sur les besoins figurent à l'Annexe 1.

Les estimations de pénuries par régions et groupes de revenus reposaient sur les chiffres liés uniquement aux pays où les pénuries sont calculées parce qu'elles existent ; les pays pour lesquels on prévoit des excédents ne sont pas comptabilisés et correspondent à un 0 (zéro) dans le tableau. Ceci correspond à l'approche adoptée par l'OMS (2006).

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Tableau A. 1. Estimation des pénuries2 de travailleurs de la santé1 par région et par revenu. Source : Scheffler et al. (à paraître).

Pénuries fondées sur les besoins Pénuries fondées sur la demande

Covariables3 non liées à l'OMS Covariables géographiques de l'OMS4

AVCI méthode intégrée5,6

2012 2020 2030 2012 2020 2030 2012 2020 2030 2012 2020 2030

Région

Asie de l'Est et Pacifique

2 772 220

4 458 184

8 083 626

206 152

110 631

114 230

102 378

83 005

112 490

101 530

106 332

107 155

Europe et Asie centrale 324 107 373 989 626 891 5 389 0 0 3 862 0 0 3 862 0 0

Amérique latine et Caraïbes 46 224 24 581 51 880 9 724 10 490 11 367 4 720 5 054 10 263 4 720 7 518 8 540

Moyen-Orient et Afrique du Nord

4 689 15 427 53 824 24 049 14 245 5 604 9 927 1 015 1 526 9 927 4 874 2 039

Amérique du Nord 9 317 9 537 24 186 0 0 0 0 0 0 0 0 0

Asie du Sud 50 96 194 307 762 312 219 312 901 222 545 216 303 289 298 222 545 300 493 301 179

Afrique subsaharienne

Revenus

26 276 41 281 74 168 694 138 780 657 910 900 486 509 544 076 853 654 464 108 721 409 827 768

Faible 45 408 79 534 106 399 906 017 972 732 1 098 085 640 638 683 088 1 026 748 618 237 906 749 1 012 887

Intermédiaire (tranche inférieure) 129 999 225 130 463 348 313 886 240 817 243 412 178 291 158 978 231 228 177 444 224 409 225 398

Intermédiaire (tranche supérieure) 2 813 503 4 433 655 8 035 954 27 310 14 693 13 505 11 012 7 386 9 255 11 012 9 468 8 395

Élevé 193 975 184 777 309 069 0 0 0 0 0 0 0 0 0

Monde 3 182 885 4 923 095 8 914 770 1 247 213 1 228 242 1 355 002 829 941 849 453 1 267 231 806 693 1 140 627 1 246 680

1 L'agent de santé fait référence aux médecins, au personnel infirmier et aux sages-femmes (à l'exception des autres types de personnel de santé tels que les dentistes, les pharmaciens et les administrateurs). Les estimations fondées sur les besoins sont générées à partir d'un modèle unique qui associe les données relatives aux médecins, au personnel infirmier et aux sage-femmes plutôt qu'à un ensemble de modèles distincts pour les médecins, le personnel infirmier et les sages-femmes.

2 Les totaux ne correspondent qu'aux pays pour lesquels des pénuries ont été estimées ; les excédents ne sont pas comptabilisés pour additionner les totaux. Cela correspond à la méthode utilisée dans le Rapport sur la santé dans le monde 2006 intitulé Travailler ensemble pour la santé,

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En s'appuyant sur son Rapport sur la santé dans le monde 2006 intitulé : Travailler ensemble pour la santé, l'OMS a estimé le nombre de travailleurs de la santé nécessaires pour atteindre une prise en charge à 80 pour cent des naissances par une sage-femme qualifiée. Nous avons appliqué leur stratégie aux nouvelles données relatives aux travailleurs de la santé pour obtenir le chiffre de 2,18 travailleurs de la santé pour 1 000 habitants.

4 Cette approche s'appuie sur l'approche OMS du Rapport sur la santé dans le monde 2006 et insère deux covariables au modèle de régression : pourcentage de la population vivant en zone urbaine et densité de population au km 2 dans ce pays. Cet ajustement donne une prévision en matière de besoin de 1,96 agents de santé pour 1 000 habitants.

5 L'approche intégrée des AVCI utilise une moyenne pondérée des travailleurs de la santé nécessaires pour atteindre divers résultats au niveau des systèmes de santé ; chacun avec des taux de couverture cibles désignés. Nous avons utilisé les informations provenant des années de vie corrigées de l'incapacité (AVCI) pour chaque pays pour calculer les pondérations analytiques. Nous avons précisé les conditions et seuils de couverture suivants : Vaccins contre le DTP, la rougeole et le tétanos toxoïde (90 % de couverture dans tous les cas) et naissances prises en charge par une accoucheuse qualifiée (80 % de couverture). Nous avons basé les taux de couverture vaccinale cibles sur le rapport du Plan d’action mondial pour les vaccins et le taux de prise en charge des naissances par des accoucheurs qualifiés sur le Rapport sur la santé dans le monde 2006. La méthode intégrées des AVCI montre que le besoin en personnel de santé d'un pays peut aller de 1,96 à 2,79 pour 1 000 habitants (moyenne = 2,21).

6 Pays supplémentaires exclus en raison d'un manque de données sur les AVCI : République démocratique du Congo, Roumanie, Timor-Leste.