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Grandir à Bruxelles CAHIERS DE L’OBSERVATOIRE DE L’ENFANT N°26 HIVER 2011-2012 Accueil pour tous L'inclusion sociale commence à la crèche Université Populaire des Parents Dossier

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Grandir à BruxellesCahiers de l’ObservatOire de l’enfant n°26 hiver 2011-2012

Accueil pour tousL'inclusion sociale commence à la crècheUniversité Populaire des Parents

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Editorial

On ne le répètera jamais assez, les milieux d’accueil de la petite enfance ne remplissent pas uniquement une fonction économique de garde des enfants pour que leurs parents puissent travailler. Ils remplissent également une fonction éducative et une fonction sociale. L’accès des enfants aux milieux d’accueil et aux écoles maternelles constitue en effet un facteur de réussite scolaire indéniable. La fonction sociale des milieux d’accueil se situe, elle, à la fois dans le soutien aux familles et dans le lien social qu’ils offrent. A travers ces trois fonctions, l’accueil des jeunes enfants peut donc jouer un rôle primordial pour leur bien-être et celui de leur famille.Or, on sait que toutes les familles n’ont pas, actuellement, un accès égal aux milieux d’accueil. Les familles les plus fragilisées au niveau socio-économique en sont souvent exclues ; alors même que ces dernières pourraient particulièrement bénéficier d’un accueil pour leur enfant.Renforcer les capacités des milieux d’accueil à jouer leur rôle de vecteurs d’inclusion et de cohésion sociale, tel est l’objectif du projet Accueil pour tous mené par l’asbl RIEPP dans le cadre du programme de l’Observatoire de l’enfant. Ce numéro de Grandir à Bruxelles porte principalement sur ce projet. Il s’agit ici d’accompagner des milieux d’accueil des moins de 3 ans qui visent l’accessibilité à tous suivant un principe équitable de partage des places existantes. Ce projet ne vise pas lui-même à garantir, à terme, une place d’accueil pour chaque enfant, ni même à créer de nouvelles places d’accueil. Il est, en revanche, essentiel que la création de places puisse continuer en parallèle de ce type de projets. Depuis 2007, de nombreuses initiatives ont été prises au niveau de la Région Bruxelloise et notamment par le Ministre président Charles Picqué, qui a permis la création de 2500 places à travers le plan crèche. La Région Bruxelloise a investi de manière significative afin de venir en appui à la Fédération Wallonie-Bruxelles dont l’investissement dans ce domaine est notoirement insuffisant. Or, cet appui financier apporté par la Région est maintenant remis en cause par la Cour Constitutionnelle qui, suite au recours introduit par l’asbl Vlaams Komitee voor Brussel, a statué que la Région de Bruxelles-Capitale n’était pas compétente pour régler cette matière. Il faudra donc à l’avenir trouver d’autres moyens pour que la Région puisse venir en aide au secteur de l’accueil. Peut-être ce soutien devra-t-il passer par l’intermédiaire de la Cocof qui compte, de son côté, maintenir ses engagements pour la petite enfance. 9 000 000€ ont déjà été investis et la Cocof continuera chaque année à investir au moins 1 000 000€ dans les infrastructures d’accueil de l’enfance.

Emir KirMinistre chargé de la Culture à la Commission communautaire française

BruxellesGrandir àEdiTionobservatoire de l'enfantCommission communautaire française42 Rue des PalaisB-1030 BruxellesTél : +32(2)800 84 86Fax : +32(2)800 80 01

[email protected]

SiTE www.grandirabruxelles.bewww.childrenineurope.org

CoMiTE dE REdACTion Stéphane Aujean Perrine HumbletMarie MassonBenjamin Wayens PRoduCTion PoPlAR

diRECTion ARTiSTiquE Anne-Catherine Gerbaud

EdiTEuR RESPonSABlEPatrick debouverie42 Rue des Palais1030 Bruxelles

PHoToS dE CouvERTuRES Miguel Moran

CRédiTS PHoToSles photos des pages 6 et 7 ont été prises par Rossana venegas à la Halte-Accueil de l'asbl J. Swinnen. les photos des pages 30 et 31 par quentin verniers.Toutes les autres photos qui illustrent ce numéro ont été réalisées par Miguel Moran dans les crèches communales de Schaerbeek suivantes : - Antarès- la Trifide - les Etoiles Filantes

nos plus vifs remerciements à ces structures qui se livrent ainsi à notre regard.

GRAndiR à BRuXEllES est disponible en PdF sur le site www.grandirabruxelles.be

GRAndiR à BRuXEllES est une publication de la Commission communautaire françaisede la Région de Bruxelles-Capitalewww.cocof.irisnet.be

Table des matières

Accueil pour tous : comment l’inclusion sociale peut-elle commencer à la crèche p3Accueillir la diversité à Bruxelles-Ville : évolution, défis et enjeux p13Une matinée sur l’accueil pour tous à Bruxelles p17Université Populaire des Parents (UPP) : des parents acteurs, chercheurs et citoyens p30

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Avant de présenter le projet, il est donc utile de préciser quelque peu les objectifs … que celui-ci ne poursuit pas !

Il ne s’agit pas de garantir, à terme, une place d’accueil pour chaque enfant ; créer de nouvelles places d’accueil n’est pas l’objet de ce projet. Il ne s’agit pas non plus de retirer une place d’accueil à une famille pour l’attribuer à une autre. Ni encore de véhiculer l’idée que chaque enfant, pour son bien-être et son épanouissement, DOIT nécessairement fréquenter un milieu d’accueil.

L’objectif visé est d’un ordre différent, à la fois plus ambitieux et plus pragmatique: il s’agit de travailler activement pour empêcher que les inéquités d’accès entre familles augmentent – ou encore, pour répartir la pénurie de manière moins inéquitable – et faire en sorte que le fait de confier ou non son enfant à un milieu d’accueil relève d’un vrai choix pour un plus grand nombre de familles.

Car on le sait bien aujourd’hui, pour de nombreuses familles, la situation est plutôt celle d’un non-choix ; la pénurie de places d’accueil, couplée à une représentation très restrictive des réels besoins d’accueil des familles, entraîne encore bon nombre de milieux d’accueil à réserver aux enfants dont les deux parents travaillent un accès prioritaire – voire exclusif – aux places disponibles. Reléguant de ce fait même au second plan tous les besoins d’accueil qui n’apparaitraient pas directement liés à une occupation professionnelle effective des parents.

Or, les besoins d’accueil sont divers, tout comme les familles dont ceux-ci émergent, et concernent tant l’enfant que ses parents1 : besoin de reprendre une formation, de cher-cher un emploi, de faire des démarches administratives, d’être soutenu dans son rôle de

Accueil pour tous : comment l’inclusion sociale peut-elle commencer à la crèche

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Dans un contexte de pénurie de places d’accueil, mener un projet intitulé « Accueil pour tous » pourrait sembler à première vue insensé ou irrationnel. Et même voué à l’échec avant d’avoir pu démarrer, car comment accueillir tout le monde quand il n’y a pas assez de places ?

Une recherche-action menée par le

RIEPP dans le cadre du programme de

l'Observatoire de l'enfant de la Cocof

1. RIEPP, Les milieux d’accueil de la petite

enfance et leurs travailleurs, créateurs de lien

et vecteurs d’inclusion sociale, téléchargeable

sur www.riepp.be

Anne-Françoise Dusart

RIEPP

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De nombreux milieux d’accueil travaillent activement dans cette optique d’ouverture. Mais la tâche est ardue pour les équipes, nécessitant à la fois un travail au quotidien et de longue haleine, où toutes les dimensions liées à l’accessibilité doivent être prises en considération.

C’est s’interroger sur les familles accueillies au sein du milieu d’accueil, sur leurs réalités de vie, sur leurs attentes, leurs besoins ; mais c’est aussi s’interroger sur les familles qui ne sont pas accueillies dans le milieu d’accueil; c’est prendre conscience des freins qui empêchent celles-ci d’accéder au milieu d’accueil ou de s’y sentir véritablement accueillies ; c’est identifier les ressources à mobiliser pour surmonter ces freins ; c’est apprendre à connaître le quartier dans lequel le milieu d’accueil est implanté, les particularités de ce quartier, les acteurs qui y sont présents ; c’est, enfin, instaurer un véritable dialogue avec les familles mais aussi avec les acteurs du quar-tier, pour travailler ensemble à une plus grande accessibilité de toutes les familles aux services qui leur sont destinés.

Ancrer la démarche dans une perspective locale

C’est là un autre axe fondateur du projet : la volonté d’ancrer la démarche dans une dimension locale et d’initier ou de ren-forcer un véritable travail en réseau. Les milieux d’accueil sont implantés dans des quartiers, au sein desquels vivent des familles, mais aussi au sein desquels travaillent d’autres servi-ces, avec des missions qui peuvent être complémentaires ou non à celles du milieu d’accueil, mais qui sont bien souvent à destination des mêmes familles.

Viser l’ancrage local nécessite de se poser diverses questions : quelles sont ces familles qui habitent le quartier ? S’agit-il des familles qui sont accueillies dans le milieu d’accueil ? Si ce n’est pas le cas, comment cela s’explique-t-il ? Comment améliorer l’accès du milieu d’accueil à la population du quartier ? Quels sont les autres services présents dans le quartier ? Comment travaillent-ils ? Peut-on travailler ensemble pour développer des actions cohérentes, renforcer la cohésion sociale au sein du quartier et, in fine, mieux accueillir les familles ?

parent, de partager avec d’autres ses prati-ques éducatives, souhait de voir son enfant se socialiser de façon précoce … ou encore tout simplement, besoin de souffler !

Au-delà de simples structures « de garde », les milieux d’accueil de la petite enfance peuvent être considérés comme de véri-tables lieux d’inclusion et de cohésion sociale en puissance, auxquels chaque famille devrait pouvoir choisir d’accéder.

L’objectif d’« Accueil pour tous » est donc de réfléchir aux pratiques qui permettent non seulement d’ouvrir les portes des milieux d’accueil à un plus grand nombre de familles, mais aussi d’ouvrir ces portes aux enfants et aux familles qui, habituel-lement, n’y ont pas accès, dans une optique plus large de lutte contre la pau-vreté et l’exclusion sociale.

« Accueil pour tous » se donne ainsi pour mission de renforcer les capacités des milieux d’accueil à jouer leur rôle de vec-teurs d’inclusion et de cohésion sociale, en accompagnant ceux-ci dans leur réflexion et leurs actions vers une plus grande accessibilité à toutes les familles.

Mieux accueillir chaque enfant et chaque famille …

… voilà bien ce qui est au centre des préoccupations d’« Accueil pour tous ». Car pour améliorer l’accessibilité des milieux d’accueil à toutes les familles, il ne suffit pas de permettre à celles-ci d’y inscrire leur enfant. C’est bien sûr une première étape indispensable et de grande envergure, qui nécessite bien souvent de repenser les politiques d’ins-cription pratiquées actuellement. Mais une fois le seuil du milieu d’accueil franchi par ces familles, encore faut-il qu’elles s’y sentent bien, vraiment accueillies. Et quand parents et profes-sionnels n’ont pas en commun les mêmes pratiques éducatives, les mêmes réfé-rences, les mêmes codes, bref, les mêmes cultures, il n’est pas nécessaire-ment facile que chacun trouve sa place au sein du milieu d’accueil.

« Pour les enfants, on a besoin de personnes

professionnelles, et gentilles, et avec de

l’expérience. »Fayza,

maman à l’asbl Joseph Swinnen, cours de français

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Mais qui accompagne le RIEPP dans cette tâche ? Un comité d’accompagnement est mis en place à cet effet, composé de professionnels et experts de l'enfance, de l’accueil de l’enfance et du travail avec les familles précarisées, mais aussi des per-sonnes-ressources qui connaissent bien la situation bruxelloise. Ces professionnels sont issus de champs d’action différents, ce qui permet de réunir une diversité de compétences et de croiser des angles de vue variés. Ce comité s’est déjà réuni deux fois depuis le démarrage du projet.

Où en sommes-nous aujourd’hui ?

A l’heure où nous écrivons ces lignes, quatre équipes s’impliquent très concrè-tement ensemble au sein du projet depuis bientôt sept mois, planchant, cha-cune à leur manière, autour d’un objectif commun : repenser leurs pratiques d’ac-cueil pour améliorer l’accessibilité à tou-tes les familles.

Ces équipes sont issues de structures d’ac-cueil diverses : trois crèches, de capacités différentes, dont la crèche communale « Les P’tits Loups » à Berchem-Sainte-Agathe, la crèche de l’asbl « L’Annonciation » à Schaerbeek, et la crèche de la Ville de Bruxelles rue de Locquenghien; et une halte-accueil, celle de l’asbl Joseph Swinnen, située à Bruxelles-Ville.

Moments de travail collectifs rassemblant les quatre milieux d’accueil et le RIEPP, et moments spécifiques au sein de chaque équipe : les rencontres du groupe s’al-ternent, poursuivant des objectifs spéci-fiques et complémentaires.

Un projet pilote et participatif, à baliser ensemble pendant trois ans

Le projet « Accueil pour tous » est conçu comme une recher-che-action. Cela sous-tend plusieurs principes au niveau de la méthode de travail.

La co-construction, tout d’abord. Le cadre de travail est néces-sairement co-construit avec l’ensemble des acteurs concernés, à différents niveaux : équipes de professionnels, pouvoirs organisateurs, acteurs de proximité, et familles.

La souplesse, ensuite. Bien que la méthodologie de travail soit définie a priori par le RIEPP, celle-ci est, par essence, adaptative, pour s’ajuster au contexte et aux contraintes rencontrées sur le terrain. Ceci permet de faire la part belle à l’inattendu, contraire-ment à une recherche qui serait cadrée et orientée de manière stricte, et qui ne pourrait évoluer en cours de processus.

Le fonctionnement en allers-retours; entre théorie et pratique, entre imprégnation du terrain et prise de recul.

La dimension formative, enfin; à partir du moment où l’on travaille, où l’on réfléchit ensemble, où il y a des échanges de pratiques entre milieux d'accueil, le processus est, en soi, for-matif. L’objectif est de capitaliser et de diffuser les acquis du projet auprès d’autres milieux d’accueil, et de prolonger ce processus par la mise en place de modules de formation à destination des professionnels.

« Accueil pour tous » est un projet pilote. Il sera mené durant trois années avec un petit nombre de milieux d’accueil bruxellois volontaires, quatre au total, choisis pour leur sensibilisation à la question de l’ouverture à la diversité des familles. Le RIEPP accompagnera ces équipes sur les chemins d’une plus grande accessibilité, en apportant notamment à celles-ci un soutien méthodologique et des outils pour la réflexion et l’action.

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Les rencontres collectives, vers un cadre de référence commun

Les trois premières rencontres collectives ont permis de co-construire le cadre de référence commun, par la création commune de la boussole du projet, inspirée de l’outil créé par la Fondation pour les Générations futures2.

Cette boussole est un outil de travail dynamique, susceptible de modifications en cours de projet, et toujours perfectible. Fil rouge du projet « Accueil pour tous », elle permet, à travers ses quatre quadrants et ses douze points d’attention, d’avoir une vision d’ensemble de la question de l’accessibilité : lorsque l’on pense « accessibilité d’un milieu d’accueil », quelles sont les différentes dimensions qui sont en jeu ?

est ensuite amenée à situer son propre milieu d’accueil par rapport aux différents points d’attention et aux échelles de pro-gression, et à définir ses priorités d’action, compte tenu de son contexte spécifique. Mais chut ! Ce travail est encore en cours, il est donc trop tôt pour en parler.

La quatrième rencontre collective, qui a eu lieu en décembre dernier, a permis de faire ensemble le point sur l’état d’avan-cement de chaque projet ; les milieux d’accueil ont pu s’interpeller mutuelle-ment sur leur travail, mais aussi relayer leurs questions, leurs doutes et leurs sou-haits pour la suite du processus.

Les rencontres collectives ont lieu en alternance dans chacun des quatre milieux d’accueil.

Les rencontres individuelles : des portes d’accès diverses … à l’accessibilité

Les rencontres individuelles rassem-blent, dans chaque milieu d’accueil, l’équipe du milieu d’accueil ou une par-tie de celle-ci, et le RIEPP. Elles ont pour objectif de réfléchir aux spécificités du milieu d’accueil, à ses atouts et à ses difficultés, aux situations qui s’y vivent et aux questions qui s’y posent, afin de définir ensemble les modalités de travail (comment va-t-on travailler ensemble ?), les priorités d’action (sur quoi va-t-on travailler d’abord ?), et les modalités de mise en œuvre de ces actions (quelles

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La boussole du projet « Accueil pour tous », co-construite par des professionnels de la halte-accueil « Joseph Swinnen », de la crèche « Les P’tits Loups », de la crèche de l’Annonciation et de la crèche de la Ville de Bruxelles rue de Locquenghien, avec le soutien du RIEPP, 2011.

C’est par constructions, déconstructions et reconstructions successi-ves que le groupe a abouti, après trois journées de travail, à l’élaboration de cette boussole, et à l’ébauche d’échelles de pro-gression pour chacun des douze points d’attention. Chaque équipe

2. Fondation pour les Générations futures, Premiers secours en dévelop-

pement durable, kit version 1.0, aide à la préparation et à l’auto-évalua-

tion des aspects développement durable d’un projet, mai 2009.

Les enfants Les familles

L’institutionLes professionnels

La société

Sécurité affective individuelle

L’enfant en relations

Identité de l’enfant

La personne dans sonrôle de professionnel

Place de la famille au sein du MA

Cadre réglementaire et politique

Travail en réseau

Ancrage local

Cadre de travail

Dynamique d’équipe

Identité de la famille

Conditions de vie

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sont les conditions nécessaires pour mettre en place nos actions ?).

Très vite, les quatre équipes prennent des directions diverses et empruntent des chemins très différents, du moins dans un premier temps, vers une plus grande accessibilité. A posteriori, et sans qu’il y ait eu concertation ou volonté explicite en ce sens, on constate que chacune des dimensions (quadrants) de la boussole du projet est travaillée au moins une fois par une équipe.

Trois d’entre elles ont saisi au bond l’occa-sion de s’exprimer dans ces pages, à divers endroits du dossier, soit au sujet de leur implication dans « Accueil pour tous », soit pour présenter leur asbl.

Partir des préoccupations des familles

La halte-accueil de l’asbl Joseph Swinnen est située au sein du quartier Nord ; les projets qui y sont développés puisent leurs fondements dans les réalités vécues par les familles du quartier (voir encadré à droite).

C’est donc d’emblée que dans le cadre du projet « Accueil pour tous », la halte-accueil décide de travailler avec les familles (dimen-sion « familles » de la boussole du projet), en partant de leurs préoccupations très concrè-tes et des difficultés qu’elles rencontrent pour faire accueillir leur enfant. Avec le souci de co-construire un projet qui soit réellement en phase avec leurs besoins.

« J’ai envie d’un endroit idéal pour

mon enfant, bien sécurisé,

avec de l’espace pour

bouger, propre

aussi, avec du matériel

adéquat pour bien

jouer »Sohaila, maman à

l’asbl Joseph Swinnen, cours de français

« Le quartier Nord est une porte d’entrée migratoire qui voit un nombre important de primo-arrivants s'installer. Ceux-ci vivent des réalités sociales souvent difficiles.

Désireuses de sortir de la précarité, certaines personnes du quartier Nord s’inscrivent dans un projet professionnel ou de formation. De nombreuses femmes avec des enfants en bas âge se voient malheureusement abandonnées, faute de trouver un milieu d’accueil pour leurs enfants. Suite à ce constat, le projet de la halte-accueil de l’asbl Joseph Swinnen a été réfléchi, dans un souci de développement humain global, aussi bien de la personne que du milieu dans lequel elle évolue.

Lors des rencontres rassemblant parents et professionnels, l’ap-propriation du pouvoir personnel et collectif qui vise à exercer un plus grand contrôle sur sa vie est favorisée très fortement.

C’est ainsi que l’Halte-Accueil s’articule aujourd’hui autour de trois projets : « Les Matins Malins » pour : - Permettre aux femmes qui suivent les cours de français de

laisser leurs enfants dans un endroit sécurisé prévu pour les accueillir le temps des cours

- Accompagner le parent et l’enfant dans la séparation avant l’entrée en maternelle, afin de faciliter cette étape importante dans leur vie, qui ne se passe pas toujours sans difficulté

« Les Mercredis des petits » pour :- Permettre aux parents du quartier de laisser leurs enfants dans

un endroit sécurisé pour prendre du temps pour eux- Donner aux enfants une matinée par semaine et un espace

dans lequel ils peuvent jouer avec d’autres enfants

« Les Groupes de parole » pour :- Permettre aux parents d’élargir leur réseau social- Renforcer la confiance en leur fonction éducative- Informer des aides et moyens existants- Favoriser la prise de parole- Favoriser la prise de conscience de ses propres ressources et

apprendre à les mobiliser- Renforcer le lien parent-enfant- Renforcer les liens de confiance entre les parents et les mem-

bres de l’association. »

Rossana Venegas, responsable de la halte-accueil de l’asbl Joseph Swinnen, et Najat El Boujdaini, coordinatrice du secteur Education Permanente à l’asbl Swinnen

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Une rencontre riche d’échanges, au départ d’une question pas si simple : « que serait, selon vous, un milieu d’ac-cueil idéal pour votre enfant ? » Quelques petites phrases de mamans émaillent déjà le texte de ce dossier, rédigées par elles-mêmes au cours de français, suite au groupe de parole, avec l’aide d’Emilie, leur professeur.

Nous vous donnerons très prochaine-ment de plus larges échos de cette ren-contre passionnante.

Identité des familles et place de la crèche au sein du quartier

L’équipe de la crèche « Les P’tits Loups » a choisi de réfléchir à son ancrage dans le quartier et de travailler sa visibilité au sein de celui-ci. En effet, la crèche est située dans un quartier très particulier, dont une partie a été construite récem-ment. De ce fait, la rue ne figure même pas encore sur le plan géographique de Bruxelles. La crèche elle-même est assez peu visible de l’extérieur. La rue et ses abords sont encerclés par différentes frontières géographiques comme le che-min de fer, le ring, l’Avenue Charles Quint. Quelques grosses sociétés com-merciales ont élu domicile dans les buildings avoisinants.

La discussion sur le quartier débouche spontanément sur le souci de rendre la crèche visible et présente au sein du quar-tier, mais aussi d’acquérir une meilleure connaissance du quartier, de ses spécifici-tés et des autres services qui y sont pré-sents et avec lesquels la crèche a déve-loppé ou non des partenariats ponctuels.

Très rapidement, l’équipe planche sur une brochure de présentation de la crè-che, destinée à être distribuée à tous les habitants du quartier, ainsi qu’aux servi-ces présents dans le quartier.

Pour apprendre à mieux connaître le quartier, les familles sont bien sûr des personnes-ressources potentielles de premier ordre. Certaines d’entre elles

En effet, l’accueil tel qu’il est proposé actuellement par la halte-accueil ne sem-ble pas répondre aux attentes et besoins réels des familles du quartier, de sorte que la halte-accueil reste très largement sous-utilisée par celles-ci. Par contre, la demande d’accueil est très grande de la part des mamans qui suivent le cours de français à l’asbl Joseph Swinnen ; ces mamans ne sont pas nécessairement du quartier, et viennent parfois d’assez loin pour suivre les cours, car elles savent qu’elles peuvent y déposer leur enfant. Vu le nombre limité de places d’accueil disponibles, et l’espace physique très réduit, la halte accueil ne peut cependant pas satisfaire toutes les demandes.

Plusieurs questions se posent, concernant l’accessibilité de la halte-accueil aux familles du quartier : quelles sont les raisons qui expliquent que les familles du quartier ne fréquentent pas la halte-accueil ? N’ont-elles pas besoin de cet accueil, ou bien n’identifient-elles pas cet accueil comme leur étant destiné ? Faut-il repenser le fonc-tionnement de la halte-accueil (horaires, système d'inscription, mode de participa-tion parentale, organisation physique de l’espace d’accueil) pour qu’il soit plus en phase avec les attentes de la population locale ? Faut-il redéfinir le public-cible ? Ou bien carrément le projet ? Et comment les mamans imaginent-elle le lieu d’accueil « idéal » pour leurs enfants ? Très vite, il s’avère indispensable d’entendre les mamans autour de ces questions. Une rencontre « groupe de parole » est donc organisée rapidement par la responsable de la halte-accueil et par la coordinatrice du secteur « Education Permanente » de l’asbl. Cette rencontre réunit autour de la table, outre les organisatrices, les mamans du cours de français, d’autres mamans n’ayant pas eu de place à la halte-accueil, une autre femme du quartier intéressée par la thématique, le professeur de français, une personne-ressource du service « cohésion sociale » de la Ville de Bruxelles, et le RIEPP. Un accueil pour les enfants est organisé simultanément dans une pièce avoisinante, pour permettre aux mamans de participer sereinement. L’initiative est un véritable succès : douze mamans répondent présen-tes à l’invitation !

« Si je dois travailler à 8h, je voudrais que mon enfant reste jusqu’à 18h. Si la maman doit aller chez le médecin à 11h, elle peut déposer son enfant pour une heure. »Djene, maman à l’asbl Joseph Swinnen, cours de français

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habitent le quartier, peut-être depuis plusieurs générations. La question se pose alors de comment mobiliser les familles, comment les inciter à collaborer autour de cette question. Un courrier aux parents ? Un petit sondage ? Un panneau placé à l’entrée de la crèche, qui pourrait s’intituler « Moi, ma famille, mon quar-tier » destiné à recueillir post- it, photos et autres informations apportées par cha-cun ? Une grande carte de la commune, où chaque famille pourrait se position-ner ? Les idées fusent. L’équipe évalue avantages, inconvénients, faisabilité. La mallette « Documentation des Familles », créée par le réseau DECET , constitue une source de réflexion et d’inspiration pour développer des outils susceptibles de rendre le milieu d’accueil et son projet visibles, mais aussi de rendre les familles visibles au sein du milieu d’accueil.

Ici, c’est la dimension « société » qui est au centre des préoccupations, et plus particulièrement le point d’atten-tion « ancrage local », mais c’est éga-lement la dimension « familles », sur le point d’attention « identité ».

Notre crèche communale s'est lancée, depuis quelques mois, dans l'aventure du projet « Accueil pour tous », sous l'impulsion d'une idée lancée par une équipe de professionnels motivés porteurs d'initiatives liées à l'enfance, le RIEPP. A travers la présentation du projet, en mai dernier, notre propre équipe a été convaincue de l'importance d'adopter une démar-che de réflexion par rapport à ce qui est quotidiennement mis en place, au sein des milieux d'accueil, pour accueillir les enfants et leur famille.

Le projet « Accueil pour tous » qui a pour but premier de pouvoir mieux accueillir enfants et familles dans le contexte socio-cultu-rel que nous connaissons aujourd'hui à Bruxelles représente également, pour notre « jeune » crèche, l'opportunité d'être soutenue par des encadrants professionnels pour l'élaboration de pratiques de qualité probantes.

De plus, les acquis engrangés lors de cette expérience participe-ront, sans nul doute, à l'élaboration du futur projet d'accueil propre à la crèche ainsi qu'au plan d'amélioration de la qualité de l'accueil impulsé par l'ONE.

Cette aventure n'est pas toujours évidente à mettre en pratique, quand l'attention aux tout-petits doit être constante, mais elle fait naître, au sein des P'tits Loups, une ribambelle d'idées, de souhaits et de talents. Cela est rendu possible à travers des moments d'échanges des pratiques avec les trois autres structures qui partici-pent au projet ainsi que lors de temps d'aiguillage avec les repré-sentants du RIEPP et des moments de réflexion en équipe soutenus par les puéricultrices référentes du projet. Et bien évidemment par la participation active de l'ensemble de l'équipe !

Actuellement, notre réflexion se centre sur la question de l'an-crage local de notre structure au sein du quartier, de la com-mune où elle est située, dans le but de la rendre plus visible aux yeux de tous : cela se concrétise par exemple par la création d’une brochure de présentation de la crèche, le placement d'un panneau indicateur dans la rue, la volonté de connectivité avec plusieurs associations offrant des services aux familles et la volonté d'étoffer le site internet.

De même, nous réfléchissons sur l'importance de reconnaître chacun (enfant, parent, professionnel) et de rendre les familles visibles au sein de la crèche afin que tous se sentent accueillis ; nous planchons, par exemple, sur la réalisation d’une mappemonde où chaque per-sonne viendrait accrocher sa photo aux localisations qui le représen-tent ; nous veillons aussi à ce que chacun soit représenté sur les panneaux-photos illustrant les activités réalisées.

En espérant que toutes ces idées et d'autres continueront à voir le jour pour faire grandir les enfants et mieux les accueillir !

L'équipe des P'tits Loups, crèche communale, Berchem Sainte Agathe

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Offrir un accueil de qualité à une plus grande diversité de familles, d’enfants, de besoins

La troisième équipe, celle de la crèche de l’Annonciation est particulièrement pré-occupée par le constat de sous-occupa-tion du milieu d’accueil durant certaines périodes de l’année, et des « trous » observés à certains moments de la semaine, par exemple lorsque des enfants sont malades, ou en congé. Comment mieux rentabiliser les places disponibles, au profit d’un plus grand nombre de familles, par exemple des familles qui n’ont pas besoin d’un accueil régulier ou à temps plein pour leur enfant, mais de pouvoir déposer celui-ci de temps à autre ? Autrement dit, com-ment ouvrir la porte à d’autres enfants, d’autres familles, d’autres besoins d’ac-cueil, tout en préservant un accueil de qualité pour chacun ? De ces questions, centrales pour l’équipe dès son entrée dans « Accueil pour tous », en découlent beaucoup d’autres, liées aux conditions optimales d’accueil pour chaque enfant : comment bien accueillir chaque enfant quand on accueille au sein d’un même espace des enfants à temps très diffé-rents ? Que mettre en place pour qu’un enfant accueilli à temps très réduit trouve sa place au sein du milieu d’accueil et s’y sente bien ? Comment aménager une période de familiarisation pour les enfants qui débarquent « en urgence » ?

Lors de la première rencontre individuelle, les débats s’engagent au sein de l’équipe sur la question des repères et de la sécu-rité affective des enfants, qui est un des trois points d’attention de la dimension « enfants » du projet. L’équipe a été confrontée à diverses reprises à la ques-tion du doudou, en particulier. Les points de vue des uns et des autres divergent sur certains aspects, convergent sur d’autres : dans un souci de veiller à la sécurité affec-tive des enfants, les doudous doivent-ils être laissés à disposition permanente des enfants ? Cette question se pose de manière accrue pour les enfants qui ont besoin de davantage de repères pour se sentir en confiance. C’est sans doute le cas

des enfants qui viennent moins régulièrement, mais pas unique-ment. Mais quelles répercussions cela peut-il avoir sur le fonc-tionnement des groupes ? Comment faire, pratiquement ? Et quel est le point de vue des parents sur cette question ?

Partant d’une situation très concrète à laquelle l’équipe est confrontée régulièrement, le travail sur les repères s’enclenche, ouvrant la voie à une plus large réflexion sur l’accueil de la diversité : diversité des enfants, des familles, mais également des besoins. (Voir encadré page de droite)

Interroger le sens des pratiques des uns et des autres, au-delà des chocs culturels

A la crèche Locquenghien, le travail s’amorce conjointement sur la dimension « familles » et sur la dimension «institution, pro-fessionnels », à partir de diverses situations qui ont été vécues à la crèche et qui ont suscité des questions au sein de l’équipe. En particulier, ce sont les points d’attention « place des familles au sein du milieu d’accueil » (dimension « familles »), « cadre de travail » et « la personne dans son rôle de professionnel » (dimension « institution, professionnels ») qui sont au cœur des débats. Points d’attention qui s’avèrent intimement liés lorsque l’on questionne les pratiques professionnelles à mettre en place pour que chacun, quel qu’il soit, se sente bien accueilli.

Comment faire, par exemple, lorsque certains parents ont des attitudes, des comportements jugés trop proches, trop familiers par les professionnels, en regard de leurs propres valeurs indi-viduelles, mais également en regard de leur rôle de profession-nel et du cadre réglementaire fixé par l’institution ?

« Nous les mamans, on demande une bonne communication entre les professionnelles et les parents. Par exemple, pour dire ce que l’enfant n’a pas mangé, s’il est malade, s’il est tombé, s’il tape les autres. Et nous les mamans, pour communiquer aux professionnelles par exemple si l’enfant est allergique ou pas. »Patience, maman à l’asbl Joseph Swinnen, cours de français

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« Certains parents nous tutoient, d’autres nous interpellent de manière étonnante ou que nous jugeons inappropriée. D’autres veulent nous faire la bise. Mais comment faire avec tout cela, sachant que nous devons garder une distance professionnelle ? Et l’enfant, dans tout cela, y trouve-t-il son compte ? Et puis, en interne, on a des règles assez strictes : on ne tutoie pas les parents, on ne leur fait pas la bise ».

Pourquoi certaines attitudes des parents paraissent-elles choquantes aux yeux de certaines puéricultrices, alors qu’elles ne le sont pas aux yeux d’autres ? Quels sont les éléments qui expliquent que telle attitude parait choquante ?

« Le papa de x ne dit jamais au revoir à son enfant lorsqu’il dépose celui-ci à la crèche. Cela me choque parce que l’en-fant pleure beaucoup pendant la jour-née, et je pense que c’est entre autres à cause de cela. Dans mon éducation, c’est quelque chose d’important de dire bon-jour ou au revoir ».

Quels sont les éléments qui peuvent expliquer ce comportement de la part du parent ? Dans une telle situation, le pro-fessionnel doit-il, peut-il intervenir, et si oui, de quelle manière ?

« La séance info sur le projet « Accueil pour tous » m’a vraiment inspirée et lorsqu’à la fin de la journée, le RIEPP annonçait leur projet d’une recherche-action et cherchait des milieux d’accueil désireux de participer à cette aventure, je me suis dit que ce serait une belle opportunité pour notre crèche de s’inscrire dans un si beau projet !

Ce qui m’avait le plus interpellé, c’était l’intervention d’une responsable d’une halte-accueil qui avait 12 places mais 36 enfants inscrits. Je trouvais cela fascinant et cela rejoignait le concept qui avait été avancé par une collaboratrice du cabinet de l’Echevine Chantal Noël avec lequel j’avais travaillé aupara-vant, et qui disait ceci : « dans un futur proche, les crèches vont devenir un peu plus des haltes-accueil et les haltes-accueil un peu plus des crèches ». Voilà vers quoi, je pense, nous nous dirigeons et où je souhaiterais que notre crèche se positionne.

Dès lors, nous avons eu un premier entretien avec le RIEPP afin d’évaluer notre motivation. La mienne était là : partir du constat que nous sommes une crèche de 74 places et que bien que nous ayons plus d’inscrits que de places disponibles, il reste toujours des places vacantes chaque jour, du fait des enfants malades, en vacances, …. Donc toute la question de notre réflexion est basée sur ceci : « Comment accueillir plus d’enfants sans pour autant diminuer notre qualité d’accueil ? Comment intégrer des enfants qui viendraient de manière sporadique à la crèche tout en ayant clairement leur place à la crèche et tout en respectant notre projet pédagogique ? Comment veiller à ce que ces enfants aient une sécurité affective de base et une familiarisa-tion adaptée à la situation pour que et les enfants, et les parents, et les professionnelles soient tous ensemble à l’aise dans ce type d’accueil ? »

Le travail entamé avec l’équipe du RIEPP nous permet de réflé-chir sur les priorités à établir, sur les points forts à développer et mettre en avant au sein de la crèche.

Ce travail n’est pas facile, il faut bien le dire. Ce n’est pas facile de mobiliser toute une équipe de 26 personnes. Les questions qui se posent sont : « Comment motiver les troupes ? Comment pallier aux mécanismes de défense face au changement ? Comment veiller à la pérennité de ce projet lorsque les équipes changent énormément ? »

Heureusement, nous avons trois années pour y parvenir et la chance d’avoir un PO qui soutient la direction dans ce projet, ainsi qu’une équipe qui aime avancer avec le temps et n’a pas peur de se lancer dans de nouveaux défis ; à la seule condition que le bien-être des enfants reste le mot-clé à ne jamais perdre de vue. »

Virginie Habay, directrice de la crèche « l’Annonciation »

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D’autres questions sensibles sont aussi en débat autour de ces trois points d’at-tention, et notamment celle de l’utilisa-tion à la crèche de la langue maternelle, qu’il s’agisse des professionnelles entre elles, des professionnelles à l’égard des enfants ou des parents, des enfants entre eux, des parents entre eux … tout cela dans un cadre réglementaire défini.

Des questions passionnantes, et beaucoup d’autres encore, qui obligent à interroger profondément le sens des pratiques mises en place. Il est fort probable que ces ques-tions reviendront de façon récurrente dans les échanges au sein de l’équipe.

Un bilan très positif

Qu’il est difficile de décrire en si peu de lignes toute la richesse des travaux menés jusqu’à présent au sein des équi-pes et lors des rencontres collectives !

Une chose est sûre : au terme de cette première année de projet, les avancées sont énormes. Les équipes impliquées témoignent d’un dynamisme remarqua-ble et s’organisent pour se rendre dispo-nibles pour le projet : pas facile, en effet, de s’organiser pour permettre à deux ou trois personnes d’un milieu d’accueil de s’absenter des journées entières pour les rencontres collectives ! Pas facile non plus de dégager du temps, entre rencon-tres collectives, rencontres individuelles, les enfants et les parents qui sont bien présents au sein du milieu d’accueil, pour travailler en équipe sur le projet « Accueil pour tous » !

Et puis surtout, mener un projet de ce type amène forcément du remue-ména-ge dans les équipes. Parce que chaque milieu d’accueil, chaque équipe a sa pro-pre histoire, son propre fonctionnement, ses pratiques. Et qu’interroger tout cela ne va pas nécessairement sans mal.

Mais les quatre équipes ont pris à cœur de relever ce beau défi. Nous vous fixons rendez-vous dans ces pages, pour la suite du voyage !

De la sensibilisation au projet à l’évaluation des acquis: cinq temps-clés

La première phase est la sensibilisation et le lancement du projet. C’est le moment où nous nous posons la question « Pourquoi voulons-nous mener ce projet ? Pourquoi est-il utile ? Dans quel contexte prend-il place ? ». Beaucoup d’éléments de réponse ont été apportés lors de la matinée de réflexion et d’échanges « Diversité des familles et milieux d’accueil de la petite enfance : vers un accueil pour tous à Bruxelles ? », organisée par le RIEPP le 21 mars 2011 à la Maison des Cultures et de la Cohésion Sociale de Molenbeek-St-Jean. De larges extraits de ces interventions figurent dans ce dossier. Les textes complets de celles-ci sont téléchargeables sur le site du RIEPP, www.riepp.be et/ou site Observatoire.

Cette matinée a permis de lancer la seconde phase, la mobi-lisation des acteurs, ayant abouti à la sélection de quatre milieux d’accueil parmi l’ensemble des milieux d’accueil ayant répondu favorablement à l’appel à motivation.

La troisième phase est essentiellement consacrée à la réalisa-tion de l'état des lieux. Il s’agit d’élaborer, de manière collective, un cadre de référence commun et les bases concrètes du projet « Accueil pour tous ». C’est au cours de cette phase que sont identifiées les ressources et les difficultés de chaque milieu d’accueil en lien avec l’accessibilité: « Quelles sont les différen-tes dimensions liées à l’accessibilité de l’accueil ? Où en est notre milieu d’accueil par rapport à ces différentes dimensions ? Quels sont les problèmes concrets que nous rencontrons dans notre travail, en lien avec l’accueil de la diversité ? Quels sont les freins qui nous empêchent d’ouvrir nos portes à toutes les familles, ou de permettre que chacun s’y sente bien ? Quelles sont les solutions envisageables pour surmonter ces freins ? Comment pouvons-nous mettre en œuvre ces solutions, compte tenu de notre contexte de travail ? »

La quatrième phase est celle de la mise en œuvre. « Nous avons identifié des difficultés, des pistes de solutions pour y remédier, et les conditions nécessaires pour mettre ces solu-tions en œuvre. Maintenant, mettons-les concrètement en œuvre, et voyons ce qu’il en advient ».

Et voir ce qu’il en advient, c’est précisément l’objet de la cinquième et dernière phase, l’évaluation. « Nous avons mis en place des actions. Où en étions-nous au début du projet, et ou en sommes-nous aujourd’hui ? Les freins identifiés au-début ont-ils pu être surmontés ? Quels sont les résultats concrets des actions menées ? Comment réorienter nos actions, le cas échéant ? » Cette phase est aussi le temps de la diffusion et de la transposition des pratiques dans d’autres contextes.

« Je veux un prix symbolique

pour les personnes qui ne travaillent

pas, parce qu’elles n’ont

pas beaucoup d’argent. »Kadija, maman

à l’asbl Joseph Swinnen, cours de français

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Il est très important pour moi de témoigner de l'intérêt d'un pouvoir organisateur pour l’accueil de la diversité des familles, en l’occurrence du pouvoir organisateur de la ville de Bruxelles. C'est un très gros PO puisqu'il compte 25 milieux d'accueil.

Je voudrais donc témoigner de notre intérêt crucial pour ce questionnement lié à l'accueil de la diversité, non pas parce que cela sonne bien de parler de la diversité, mais parce que cela nous interpelle au niveau des réalités quotidiennes de l’accueil dans la crèche, et parce que cela questionne le personnel et le parent. Cela ques-tionne tout le monde, en fait.

Bruxelles-Ville : multiculturalité, précarité

Pour situer mon propos, je vais commencer par une petite parenthèse sur la popula-tion de la Ville de Bruxelles. Vous le savez, nous avons une population majoritaire-ment jeune avec un accroissement naturel important. Cela signifie énormément de demandes de places. Outre cela, j'ai envie d'épingler deux éléments très importants, L’aspect multiculturel, d’abord. Bruxelles-Ville compte des ressortissants de 165 natio-nalités différentes ; environ 30% de la population est de nationalité non-belge. Et bien entendu, la nationalité ne rend que très partiellement compte de la grande diversité culturelle de la population. Le second aspect dont je voudrais parler, c'est bien sûr cette précarité croissante, ces familles de plus en plus fragilisées sur le terri-toire de la Ville de Bruxelles. Alors, bien évidemment, cette diversité tant culturelle qu’au niveau des réalités sociales, se retrouve dans les crèches. Sur ce dernier point,

Accueillir la diversité à Bruxelles-Ville : évolution, défis et enjeux

La question de l’accessibilité est liée à celle de l’accueil de la diversité des besoins, des enfants et des familles. Marianne Gielen, responsable de l'antenne Petite Enfance de la Ville de Bruxelles, nous parle de l’évolution de la réalité bruxelloise, des enjeux que cela représente pour l’accueil de la petite enfance, et des défis à relever par le pouvoir organisateur et les équipes de professionnels.

Marianne Gielen

Ville de Bruxelles

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la ville a fait un choix important qui est de réserver 30% des places de chaque milieu d'accueil aux populations fragilisées, à des personnes qui se trouvent dans des situations sociales difficiles.

La crèche, lieux où se croisent diverses façons de penser le monde

Nous ne sommes plus, à la Ville de Bruxelles, dans un débat par rapport à l'accessibilité. Ce pas a été franchi notamment via l'Antenne Petite Enfance, avec la centralisation des places en crèche qui garantit une plus grande égalité et qui nous permet justement de faire face à ces 30%. Nous sommes dans l'étape suivante, à savoir l'impact de la diversité dans le quotidien avec tous les questionnements que nous relayent les professionnels de la petite enfance. Ce n'est pas toujours évident, il faut être réaliste.

La première idée que je voulais aborder avec vous, c'est celle de l’évolution de la population des milieux d'accueil avec comme corollaire le glissement du modèle qui est ou qui était relativement « partagé par tous », à un croisement des modè-les divers concernant l'éducation, les soins des enfants, les rôles parentaux, l'implication ou non de l'entourage dans l'éducation des enfants ... Tous ces aspects-là peuvent forte-ment diverger et nous allons retrouver dans un même lieu d’accueil plein de façons de penser le monde, plein de façons de penser l'enfant et ses soins.

Parmi les éléments de cette évolution, il y a, bien entendu, la diversité culturelle : il y a les migrations récentes avec des personnes de multiples horizons, de façon vraiment très très large. Nous avons le Brésil, l'Afrique, l’Asie …, c'est vraiment très varié. Toutes ces personnes ont construit, dans le contexte de leurs pays d'origine, leur façon de penser le monde et de penser l'enfant. Mais la réalité est encore beaucoup plus com-plexe que cela, parce que nous avons aussi des personnes qui sont nées en Belgique et qui ont des parents d'origine étran-gère ; ces personnes ont construit leurs références dans un va-et-vient avec des modèles d'ici et d’ailleurs. On me rap-porte assez fréquemment des situations de tensions dans les crèches entre des personnes (et parfois des membres du personnel) nées ici ou d'origine étrangère avec des parents qui viennent d'arriver du même pays. Là, c'est l'incompréhen-sion. Les protagonistes parlent de choc culturel. Je trouve que ça rend très très bien compte de toute cette complexité.

Pour continuer dans la complexité, il y a également la diversité des réalités sociales qui est très présente dans nos crèches ; on en a beaucoup parlé ce matin. Je parle de tout ce qui est de l’ordre de la précarité sociale, donc le « mixte » social. Mais il y a également l'évolution des familles et des modèles fami-liaux. On ne peut plus dire qu'on a un modèle, qu'on a une vision de l'enfant, une vision des rôles parentaux. Ce n'est plus

vrai du tout. Il y a un éclatement par rap-port à ça. On a parlé des familles mono-parentales, mais on peut parler aussi des familles homosexuelles qui adoptent des enfants, des familles recomposées. Toute cette diversité se côtoie et crée de nou-veaux regards.

Ce qui fait sens pour moi et ce qui fait sens pour l’autre

Le second point que je veux aborder avec vous, ce sont les défis. Les défis, ce sont toutes les tensions à dépasser. Toutes ces tensions qui émergent lorsque les concep-tions qui sont prônées implicitement ou explicitement par le milieu d'accueil sont différentes de celles des parents. Cela suscite inévitablement des points de ten-sion. Il y a beaucoup d'émotionnel, beau-coup d'identitaire là-derrière, et il faut questionner cela. On ne peut pas se contenter de dire qu’il faut accueillir dans le respect. Cela ne veut rien dire pour les gens dans leur travail quotidien. Mais attention, quand je parle de tensions, ne vous imaginez pas uniquement des cris, des affrontements, des énervements. Non, cela peut se vivre aussi dans le silence. Et le plus souvent d'ailleurs, cela se vit dans le silence. Je vais illustrer ceci par deux exemples, un premier où tout le monde s’énerve, et un second où per-sonne ne s’énerve.

Le premier, c'est une maman qui a du mal à respecter les horaires. La puéricultrice et l'assistante sociale avaient expliqué le fonctionnement de la crèche, et avaient expliqué qu'il était important d'amener l'enfant avant une certaine heure. La maman ne respecte pas cette consigne, la situation se répète et à plusieurs reprises elle amène l'enfant plus tard. La première fois, la puéricultrice redit la consigne ; la seconde fois, elle ré-explique à nouveau ; puis, la troisième fois, elle est très très fâchée, elle bouillonne de l'intérieur, elle devient fort sèche et s'énerve. Elle ressent cela intérieurement comme un irrespect par rapport à elle : elle a déjà expliqué la consigne, et là on ne tient pas compte d'elle, on ne tient pas compte de son travail. Mais pour la maman, là-

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Je trouve que c'est un bon exemple de ce qui fait sens pour l'autre et ce qui fait sens pour moi.

Mon second exemple est l'histoire d’un enfant qui fréquente une crèche. Ses parents sont persuadés qu’il est possédé par un djinn. La crèche et les responsables n'ont pas du tout le même point de vue. Eux, ce qu'ils pensent c'est que cet enfant présente des troubles autistiques et qu'il est essentiel de le faire voir par un spécialiste pour diagnostiquer ces troubles et aussi pour permettre au personnel de se situer et de mieux l'accompagner. Donc, la crèche encourage les parents à consulter un spécialiste. Et là, le silence. Pas d'énervement, pas de contestation … juste un silence très lourd qui s'installe entre les responsables et les parents pour aboutir à une rup-ture totale du dialogue.

Je trouvais important, pour entamer cette idée de défi, d'expli-quer un peu concrètement toute la violence de ce qui peut se jouer à l'extérieur et à l'intérieur des personnes, tant pour les puéricultrices qui peuvent se sentir attaquées, pas respectées, que pour les parents aussi, comme je viens de l'expliquer dans ce dernier exemple.

Adopter une attitude critique

A la lumière de ces deux exemples, on pourrait se dire « mais quel est le défi ? » Le défi, pour moi, est de pouvoir adopter une attitude critique dans notre rapport à la vérité et de pou-voir articuler à la fois une façon de fonctionner, une conception des choses qui nous sont propres et en même temps un res-pect, une écoute des comportements différents et des conceptions différentes. C'est une attention à avoir, tout en évitant deux écueils que l'on constate assez souvent. Le pre-mier écueil, c'est la crispation identitaire. Ce n'est pas unique-ment dans les crèches, je crois que c'est quelque chose d'assez général ; quand on est face à la diversité, on constate qu'il y a un mouvement de crispation et de repli identitaire, parce

derrière, tous ces horaires ne font pas sens. La question du sens est fondamen-tale. Je vais vous relater une rencontre très intéressante que j’ai eue avec un moine tibétain qui servait d’intermédiaire avec la communauté tibétaine ici en Belgique, et plus particulièrement avec des parents qui ont des enfants en crèche. Le but de cette rencontre était d’expliquer à ce moine le fonctionnement d'une crèche, pour qu'il le transmette aux parents. Parce que finale-ment, qu’est-ce qu’une crèche, quand on vient d'un pays où ce type de structure n'existe pas ? Et moi, j'étais en train de lui expliquer tout notre fonctionnement, ce que c’est qu’une crèche, comment se passe une journée, quelles sont les consignes, qu'est ce qu'on peut faire, qu'est ce qu'on ne peut pas faire. Et je voyais ce monsieur devant moi qui avait un sourire qui devenait de plus en plus large … je me suis arrêtée pour lui demander si ça le faisait rire et pourquoi. Oui, ça le faisait rire car je n'arrêtais pas de lui énoncer des règles et des règles. Il trouvait ça excessivement drôle. Alors on a pris le temps d’y réfléchir ensemble …

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qu'on a peur de perdre ses caractéristiques, on a peur de tous ces autres qui font qu'on ne sait plus très bien se situer. Le second écueil à éviter, c'est un relativisme à outrance : « Eh bien, puisqu'on est dans la diversité, tout est beau, plus besoin de mettre de règles » ; on est perdu dans les différents modèles et on peut atteindre un laxisme qui n'est pas souhai-table non plus.

La Ville essaye de distiller cette idée d'attention, de respect à la différence via différents outils. On utilise notamment un petit journal de crèche où on parle assez fréquemment de toutes ces questions mais aussi des conférences, des ateliers, notamment durant la quinzaine de la petite enfance qu'on organise annuellement. Il y est aussi question de réflexion avec le personnel, avec les assistantes sociales. Mais là ce n'est pas suffisant. Ce n'est pas suffisant parce que quand je vous parle de respect et de préconiser cette attitude critique par rapport à la vérité, de nouveau c'est une intention, c'est une idée. Ça ne donne pas nécessairement de clé pour faire face à des situations quotidiennes qui suscitent des émotions. Là je dirais que nous sommes vraiment dans un constat, celui de la nécessité d'un travail d'accompagnement des équipes par rapport aux situations du quotidien.

Bien accueillir la diversité : pourquoi ?

Dernier point : les enjeux. Pourquoi, finalement, bien accueillir la diversité des enfants et des familles est-il si important ? Tout d'abord, par rapport au développement d'une identité positive de l'enfant, et là c'est tout à fait crucial ; c'est essentiel parce que c'est dès la petite enfance que se mettent en place les éléments d'une image de soi qui sera positive ou négative. On peut donc imaginer sans fin tout l'impact des images que la puéricultrice va projeter sur l'enfant. Je vous donne un petit

exemple. Un enfant dans la section des grands, mange avec ses mains parce que dans sa famille on mange avec les mains. Et la puéricultrice dit « ah non, c'est sale ». Que se dit l'enfant ? « Mais je suis sale, je viens d'une famille qui est sale » ... C'est très grave ce qui est en train de se construire là autour de l'en-fant. Ce sont des petites choses assez anodines mais qui, en fait, ne le sont pas par rapport à la construction de l'enfant. Un autre élément, c'est plutôt par rapport aux parents, à la citoyenneté des parents. Il arrive très fréquemment que la crèche soit le premier lieu de confrontation des valeurs différentes. Comment cela va-t-il être géré, vécu par les familles ? Le fait de pouvoir le vivre positivement, d'avoir une explicitation des modèles sous-jacents permet une petite entrée dans la citoyenneté et là, la crèche a véritablement un rôle-clé à jouer.

Un petit pas vers la cohésion sociale

Un autre rôle-clé lié à l'accueil des parents, c'est par rapport à la cohésion sociale. Parce que je vous le disais, la crèche est un lieu tout à fait particulier. Là vont se retrouver des gens d'origines diverses qui ont des modèles tout à fait différents, qui en fait ne se seraient jamais fréquentés s'il n'y avait pas eu la crèche. Ils se retrouvent, ils se croisent... Est-ce que la crèche ne pourrait pas contribuer à ce que ces personnes fassent un peu plus que se croiser ? En stimulant les échanges, les activités, les réunions, la crèche ne pourrait-elle pas les aider à se découvrir mutuellement ? Je crois que la crèche a vraiment une place à prendre. Bien sûr, ce n'est qu'un tout petit pas vers la cohésion sociale. C'est un pas de bébé mais qui a véritablement son utilité, à mon sens.

Pour conclure, j'avais juste envie de vous rappeler ce que nous ne devrions jamais perdre de vue : la diversité est une des lois universelles de ce monde.

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Nous avons choisi de présenter ici de larges extraits de leurs interventions1, en les mettant en perspective les uns par rapport aux autres, selon divers axes de réflexion. Ce croisement de regards différents et complémentaires permet de situer le projet « Accueil pour tous » dans le contexte actuel, complexe s’il en est, du secteur de l’enfance et de l’accueil de la petite enfance. Il permet également de proposer une analyse stimulante du triangle accessibilité-équité-qualité dans le cadre de l’accueil de la diversité, et de réaffirmer avec force l’importance capitale de la fonction d’inclusion sociale assumée par les milieux d’accueil et les services à l’enfance.

« Une place pour mon enfant » : de la crèche à l’école, une préoccupation récurrente des familles

« L’accueil de l’enfant en phase avec le parcours des parents : un long fleuve tran-quille ? (…) Tout le monde a déjà la réponse à la question, parce qu’il suffit d’être parent pour savoir que c’est tout sauf un long fleuve tranquille »

C’est par ces mots que Melody Nenzi, directrice de la maison d’enfants « Les Amis d’Aladdin » à Schaerbeek, commence son intervention et introduit le témoignage de Gomax Ngoie Kasamba, père de Melissa et Melchior. Les quelques extraits de ce témoignage, repris ci-dessous, nous plongent de façon très concrète dans une situa-tion réelle, semblable à beaucoup d’autres ; celle d’une famille qui cherche une place d’accueil pour son enfant.

Une matinée sur l’accueil pour tous à Bruxelles

Lors de la matinée d’échanges et de réflexion du 21 mars dernier, « Diversité des familles et milieux d’accueil de la petite enfance : vers un accueil pour tous à Bruxelles ? », organisée par le RIEPP pour lancer le projet « Accueil pour tous », plusieurs intervenants, travaillant dans des contextes divers, ont apporté des éclairages variés sur la thématique du jour. Leurs points de vue sont ceux de militants, de responsables politiques, de responsables administratifs, de chercheurs, de professionnels de milieux d’accueil, de parents.

Dossier réalisé par

Anne-Françoise Dusart

et Joëlle Mottint – RIEPP

1. Il s’agit donc de « morceaux choisis » des inter-

ventions de la matinée du 21 mars dernier.

Certains extraits ont été légèrement retravaillés, au

niveau de la forme, pour améliorer leur lisibilité. Les

textes complets, validés par leurs auteurs respec-

tifs, sont téléchargeables sur le site www.riepp.be

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« Au courant du mois de mai 2006, on a eu la chance d'avoir Mélissa, notre pre-mière enfant.

Ma conjointe et moi avions tous les deux un projet avant de devenir parents. Moi, à ce moment là, j'étais étudiant, je devais terminer mes études de troisième cycle et ma conjointe avait le projet d’embrasser des études en soins infir-miers. On se disait « il faut y aller pour réussir dans la vie ». Et on se disait qu'on allait mettre l'enfant à la crèche, comme ça chacun de nous pourrait aller à ses occupations sans problème. A ce moment-là, il n'y avait aucun problème, on pensait que tout allait se dérouler comme sur des roulettes. L'enfant est né et il fallait maintenant que Madame commence sa formation. Mais bien avant que l'enfant ne naisse, on avait pris toutes les précautions pour solliciter des inscriptions çà et là, surtout dans des crèches environnantes. Ironie du sort, quand les réponses arrivaient dans la boîte aux lettres, c'était des réponses négatives. On nous disait qu'on était sur des listes d'attente. Le problème com-mençait donc à se poser. On était confronté au problème de la garde de l'enfant mais on s'était dit qu'on devait y aller. Madame devait faire sa formation et moi je devais poursuivre mes études.

Madame a commencé en septembre 2007 sa formation en soins infirmiers et là on a eu à trouver une alternative, quelqu'un qui pourrait s'occuper de notre enfant pendant que Madame était à sa formation et que moi je devais être aussi à mes cours. Tout ça pour chercher une bonne intégration sociale en tant que personne issue de la communauté étran-gère. Parce que c'était un grand défi à relever. En tant que parent, chacun pense à réserver un bon cadre de vie pour ses enfants et c'était dans cette optique-là que nous voulions essayer de réussir notre vie ici en Belgique. Mais quand on a eu à donner l'enfant à une copine de ma conjointe qui devait s'en occuper, elle qui devenait aussi maman pour la toute première fois et qui devait s'occuper de deux enfants, on a constaté que la petite ne tenait pas le coup. Elle

commençait à tomber malade tout le temps. On était en désé-quilibre total au niveau de la famille et on s'est demandé ce qu'on allait faire finalement.

Jusqu’à ce qu'un beau jour, Madame, après s'être renseignée auprès de plus d'une personne, apprenne qu'on pouvait solli-citer une inscription via Actiris pour avoir une place dans une crèche. A ce moment-là, elle n'avait qu'un statut de deman-deuse d'asile, elle avait un séjour précaire. Elle avait une carte de trois mois renouvelable. Après avoir analysé toutes les réponses des crèches, on a constaté que toutes les crèches auprès desquelles on avait sollicité une place étaient des crè-ches traditionnelles, c'est-à-dire des crèches où on ne pouvait accepter que des gens qui travaillaient. Moi, étant aux études et ma femme souhaitant étudier, on ne pouvait pas avoir cette chance d'avoir une place au sein de ces crèches-là. Madame s'est donc rendue chez Actiris après avoir réuni plusieurs docu-ments dont je ne cite pas les noms. Elle a pris son inscription et là, on s'était mis en entente que moi je devais essayer de sacrifier un peu mes études pour rester avec l'enfant à la mai-son en vue de préserver un peu sa santé. Il s'est passé deux mois avant que Madame reçoive un coup de fil de la part d'une maison d'accueil d'enfants dont je cite le nom « Les Amis d'Aladdin » : « Madame, vous avez trouvé une place ici. Votre enfant est inscrit, vous pouvez l'emmener tel jour, telle date. Vos démarches ont abouti ». Ce fut une grande grande nouvelle, ça nous a tous émerveillés dans le sens où on était tous en débandade totale. Madame a amené l'enfant à la crèche et ça nous a un peu libérés sur le plan mental.

Cela ne suffit pas parce qu'imaginez-vous que quatre mois après avoir commencé ses études, Madame apprend qu'elle était enceinte de notre deuxième bébé. Nous étions donc amenés, Madame et moi, à faire une sorte d'analyse sur notre parcours, pour voir ce que nous devions faire. La crèche, pour la trouver, c'était un véritable parcours du combattant ; est-ce que Madame devait être forte pour continuer ses études ? Il y avait déjà un point qui la boostait : avoir trouvé une crèche après avoir fait tout ce grand parcours, c'était un point vrai-ment très positif qui pouvait lui donner la force de continuer quand bien même elle était enceinte.

Après avoir fait plusieurs analyses, on s'est dit que pour avoir une bonne intégration sociale, pour ne pas tomber dans le panneau de la précarité qui aujourd'hui est à la base du phé-nomène de délinquance juvénile, Madame n'avait pas d'autre choix que de poursuivre ses études, et qu'on devait faire avec. Comme tout parent qui souhaite créer un bon cadre de vie pour ses enfants, une bonne intégration sociale nécessite une formation qui donne accès à un emploi, un bon travail. On devait donc poursuivre notre cheval de bataille.

Madame s'est donc décidée à continuer ses études et après avoir fait l'échographie, on a essayé de fixer la date de nais-sance du deuxième enfant. La date tombait le 25 mai 2008 et

« En tant que parent, chacun pense à réserver

un bon cadre de vie pour ses

enfants et c'était dans

cette optique-là que nous voulions

essayer de réussir

notre vie ici en Belgique. »

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Cette situation, singulièrement banale, illustre bien l’impact que peut avoir le milieu d’accueil sur le parcours et sur l’avenir des familles. Beaucoup d’autres parents vivent des situations similaires et se retrouvent confrontés à des refus de la part des milieux d’accueil ou des écoles. La pénurie, en effet, se ressent également de plus en plus dans les écoles, et en particulier à Bruxelles, et se traduit souvent par une pression consi-dérable sur les parents. C’est ce que constate Bernard De Vos, Délégué Général aux Droits de l’Enfant:

« On reçoit beaucoup de questions notamment sur l'accueil de la petite enfance. La question principale qui revient souvent c'est « je voudrais ins-crire mon enfant dans une crèche », « je voudrais inscrire mon enfant dans une école maternelle, mais je ne trouve pas de place ». Et dans les écoles mater-nelles, c'est parfois nettement plus per-nicieux : « j'ai trouvé une place mais on ne veut pas de moi et on me le fait sentir ». L'exemple le plus frappant m'a été raconté par une maman : « j’ai trouvé une place dans une école mais je préfère que mon enfant rentre à midi manger à la maison, parce qu'il n'a pas été à la crèche et j'ai du mal à m'habi-tuer à le voir partir toute la journée. Je propose de le reprendre à midi ; en plus cela me permet de ne pas payer le repas de midi à l'école. Et très vite, la directrice de l'école me contacte en disant « écoutez, nous avons appris que vous et monsieur êtes sans emploi, vous pourriez peut-être garder votre enfant à la maison l'après-midi, ce n'est que pour deux ou trois heures. Vous savez, on a

le jury central était prévu le 28 mai 2008. Ce n'était pas facile du tout. Mais quand on essayait de se remémorer le parcours qu'on avait fait pour avoir cette place là en crèche, cela a encore boosté Madame qui n'a pas lâché prise. Elle a continué jusqu'à l'accouchement, qui a eu lieu le jour prévu. L'enfant étant né dans des conditions normales, Madame pouvait se permettre de solliciter une sortie précoce, c'est-à-dire trois jours après son accouchement. Ayant avancé la raison qu'elle devait avoir son jury central le 28 du même mois, les médecins se sont concertés et lui ont accordé la sortie.

Pendant qu'elle était à la maternité, Madame essayait de revoir ses notes. La sortie eut lieu le 27, donc trois jours après l'accouchement. Et le lendemain, Madame est allée se pré-senter au jury central. Cela fût un grand défi à relever. Moi, je n'y croyais pas tellement, mais elle-même voyait comment elle était capable de déplacer certaines montagnes. Elle s'est donc présentée au jury et les résultats sont sortis : elle a fait une distinction.

Je voulais tout simplement relever là à quel point la crèche était d'abord un élément très important dans le devenir de nos enfants, parce qu'elle est à la base de toute la vie d'un enfant et de son devenir. Et comment elle était importante pour les personnes qu'on appelle « primo-arrivants », comme nous qui n'avions pas de relais au niveau de nos familles. Cela nous a été d'une très grande utilité. Avec la société qui pousse aujourd’hui, tout le monde doit faire quelque chose, même si on ne va pas travailler, on doit prouver qu'on fait quelque chose, ne fût ce que pour trouver sa place dans la société. Je dirais qu'elle nous a été vraiment d'un présent d'or, cette place dans la crèche. Je plaiderais aussi pour tous les autres parents qui sont dans la même situation que nous ; si ce genre de crèches qui ne font pas « la discrimination » pouvaient avoir la chance d'exister, d'être créées, cela donnerait vraiment un très grand coup de pouce à nous qui sommes différents parents, qui avons encore beaucoup plus de défis à relever. Des défis qui sont multiples et multiplicatifs. Tout ça pour avoir une place dans la société et tout ça comme on dit, … »

La crèche était d'abord un élément très

important dans le devenir de nos enfants.

Nous avons appris que vous et monsieur êtes sans emploi,

vous pourriez peut-être garder votre enfant à la maison l'après-midi ?

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beaucoup d'enfants dans les classes, ça libérerait une place dans l’école ». Ce genre de pression est extrêmement fréquent. La raison principale, c'est évident, c'est le manque de places. »

Le manque de places est en effet criant; ainsi, en ce qui concerne le secteur de l’accueil de la petite enfance, Perrine Humblet, experte à l’Observatoire de l’Enfant et professeur à l’Ecole de Santé Publique de l’ULB, constate :

« Y a-t-il une pénurie à Bruxelles ? Selon les données cumulées de Kind & Gezin et de l’ONE pour ces dernières années, nous voyons que le nombre total des places a augmenté dans le cadre du plan crèche. Cependant, lorsqu’on rapporte le nom-bre de places au nombre d’enfants, on voit un phénomène très accablant : la densité de places pour mille enfants est restée stationnaire. L’explication, c’est la natalité et le nombre de jeunes enfants en continuelle augmentation depuis une dizaine d’années. Dans ce cadre, comment peuvent agir les acteurs sur le terrain ? »

Définir des priorités pour gérer la pénurie : un choix complexe, toujours perfectible

« Choisir, c’est renoncer », dit un dicton populaire. Lorsqu’il n’y a pas assez de places pour accueillir tous les enfants et toutes les familles, il faut choisir certaines familles. Et donc renoncer à d’autres … oui, mais sur quels critères ? Les professionnels des milieux d’accueil sont souvent confrontés à des choix cornéliens. Quand je choisis de dire oui ou non à telle famille, à quoi est-ce que je touche ? Quels sont les enjeux d’une telle décision ?

La situation ci-dessous, rapportée par Perrine Humblet, est particulièrement éclairante à ce sujet2:

« Je me trouvais, il y a quelques années, dans le local d'ac-cueil de l'assistante sociale d'une crèche bruxelloise. Nous discutions des questions qui nous occupent aujourd'hui. Notre discussion est interrompue par un coup de téléphone assez bref. Je la voyais assez perplexe, un petit peu bouleversée. « Ecoutez, me dit-elle, c'est le moment de vous parler de la question que je viens de traiter maintenant. Je vous raconte l'histoire. J'ai un couple qui s'est présenté il y a quelque temps pour demander une place. La maman est fonction-naire et le papa est chômeur – elle ne précise pas mais je comprends qu'il est de nationalité étrangère – Je leur ai dit qu'il n'y avait pas de place et que dans leur cas, ils n'étaient pas prioritaires. Donc, la maman vient d'appeler maintenant et me dit que si c'est comme ça, s'il n'y a pas de place, elle arrête de travailler. »

Cette assistante sociale se trouve en plein paradoxe car une des fonctions du milieu d'accueil, c'est de permettre le travail. Et voilà que cela va aboutir à un retrait du travail. L'assistante sociale se dit que le père pourrait s'occuper de son enfant et qu’en tout cas, la mère ne doit pas arrêter de travailler.

Il nous est apparu, à elle et à moi, que cette situation concentrait un nombre extraordi-naire de dimensions puisque d'une part, elle touche au statut, aux rôles, aux identités des parents et, d'autre part, elle concerne éga-lement l'identité professionnelle de mon interlocutrice formée dans une perspective sociale. Cela concerne également l'identité de la crèche. Et cela affecte bien entendu l'enfant sachant que c’est un milieu éducatif qui, dimension très intéressante du milieu d'accueil est aussi le premier lieu où il va découvrir l’autre, la diversité : « on fait comme ça chez moi mais ce n’est pas comme ça à la crèche ». Donc un balance-ment tout à fait intéressant au niveau édu-catif, d'autant plus important pour le monde dans lequel nous vivons aujourd'hui.

L'arbitrage revient donc à l'assistante sociale : que va-t-elle faire, et au nom de quoi ? »

« La maman vient d'appeler maintenant et me dit que si

c'est comme ça, s'il n'y a pas

de place, elle arrête

de travailler. »

2. Cette partie reprend un article paru dans Grandir à Bruxelles en 2003,

n°11 : Perrine Humblet, La pénurie de places d’accueil de jeunes enfants

est-elle inéluctable ? Qui en supporte le poids ? A quel prix ?, 4-7.

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tout leur potentiel personnel. Si on refuse d’accueillir l’enfant, cela équivaut à transformer l’enfant en une contrainte, en un poids, en une charge au niveau privé, ce qui n’est pas neutre politique-ment et est peu acceptable ».

On le voit, le choix posé par les profes-sionnels des milieux d’accueil est souvent lourd de conséquences pour les familles, même si ces conséquences ne sont pas toujours aussi clairement explicites.

Actuellement, certaines règles définies dans l’Arrêté « Milieux d’accueil »3 existent pour venir en renfort aux pro-fessionnels et faciliter la définition des priorités à l’inscription. Il s’agit d’une part d’une procédure bien définie en matière d’inscription, qui est sensée mettre tout le monde sur un même pied d’égalité mais qui, dans les faits, tend à favoriser les parents les mieux informés et ceux qui peuvent s’y prendre bien à l’avance pour inscrire leur enfant. Et d’autre part, les milieux d’accueil sont tenus de réser-ver au moins 10% des places d’accueil pour des « situations particulières ».

Ces règles, si elles ont le mérite d’exister, ne vont pas sans poser problème ; Eddy Gilson, directeur du secteur accueil 0-3 ans à l’ONE pose un regard critique sur celles-ci:

« Il y a quelques années, en 2003, on a sorti les règles d'inscription. Globalement, l'idée était bonne. L'idée était de s’ins-crire « premier arrivé, premier servi ». Pas de priorité, pas de favoritisme... Mais pour assurer cela, c'est un système de gestion administrative qui est lourd … premier défaut du système. Le deu-xième défaut du système, c’est que sous la pression, imposer l'application exacte des règles d'inscription mène souvent à des conflits avec les P.O, ce qui n'est pas facile : « Si je veux rester dans la droite ligne de ce que l'Arrêté prévoit, c'est extrêmement difficile.

Interpellée par cette situation complexe, Perrine Humblet se tourne alors vers des spécialistes du niveau macro – un écono-miste, une sociologue et une politologue – pour leur demander ce qu’ils feraient à la place de l’assistante sociale :

« L’économiste, Tanguy Van Ypersele, m’a répondu que pour lui, il fallait accepter la demande en fonction des critères poli-tiques prédéfinis et que donc, la décision ne devrait pas reve-nir au professionnel. Quels sont ces critères ? C’est l’égalité homme-femme sur le marché du travail, et donc c’est un droit de la femme (et de la mère), qui doit s’appliquer indépen-damment de la situation du père. Mais Tanguy Van Ypersele faisait également référence à l’égalité socio-économique ; pour lui une crèche subventionnée doit, d’une certaine façon, avoir une fonction d’équité et donc doit accorder la priorité à une famille à petits revenus. Pour Marcelle Stroobants, socio-logue du travail, il fallait accepter la demande. Pourquoi ? Parce qu’un chômeur est un actif sur le marché du travail, et qu’il n’est pas dit qu’il n’aura plus jamais du travail ; parce que la crèche est un outil qui met en œuvre le principe d’égalité homme-femme ; et parce que la crèche subventionnée accorde d’une certaine façon une priorité à une famille à petits revenus. La pénurie amène à des marchandages locaux et la crèche peut alors devenir un lieu d’éducation des parents alors que la cible juste, ce sont les responsables politiques, et non pas les familles. La troisième position est celle d’une polito-logue, Selma Bellal. Pour cette dernière, partant du constat qu’il y a une offre insuffisante pour atteindre l’égalité, on doit alors « tendre vers l’égalité », et réduire l’arbitraire. Elle se situe dans le cadre du droit à l’éducation pour l’enfant. Le bien-être de l’enfant à court, moyen et long terme dépend de celui de ses parents et donc de leur capacité à pouvoir développer

Si on refuse d’accueillir

l’enfant, cela équivaut à

transformer l’enfant en une contrainte, en un poids, en une charge.

3. Arrêté du Gouvernement de la Communauté

française portant réglementation générale des

milieux d’accueil, 27 février 2003.

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que les nouvelles places qui doivent être créées le soient effec-tivement là où les parents qui n'ont peut-être pas la possibilité de travailler, ont peut-être des disponibilités pour être avec leur enfant, même la journée. C'est une urgence, non seulement pour l'enfant, mais aussi pour les parents, car la réussite person-nelle et professionnelle des parents fait partie intégrante du nouveau modèle de parentalité ; si on prive ces parents d'une possibilité de confier leurs enfants à un milieu d’accueil la jour-née, on est vraiment à côté de la plaque. »

Le choix des critères de programmation n’est pas anodin et doit être interrogé régulièrement, comme le souligne Eddy Gilson :

« Je peux poser la question à 200 intervenants du secteur, je risque d'avoir 200 réponses différentes. Quand Monsieur De Vos me dit « il faut placer les milieux d’accueil pas nécessaire-ment en priorité en fonction d'un critère comme l'employabi-lité des femmes, parce que sinon, en Brabant wallon, etc ... ». Accueil pour tous ? Mais prenons l’exemple d’une famille monoparentale en Brabant wallon ; la maman qui travaille 10 à 15 heures par jour, qui se tape tous les bouchons pour pouvoir revenir à temps. Elle va aussi me dire : « Moi aussi je veux un milieu d’accueil de qualité parce que je vais y laisser longtemps mon enfant, il va y rester peut-être 12-13 heures ». Le choix de critères de programmation est évidemment un choix de gestion de la pénurie ; c'est un choix qui sera toujours imparfait donc toujours perfectible aussi, et toujours à remettre sur le métier. »

Ce qui se joue en toile de fond de toute cette réflexion sur l’accessibilité, c’est la question fondamentale du droit à l’accueil pour chaque enfant.

L’accueil, un droit pour chaque enfant : où en sommes-nous ?

On le sait, les milieux d’accueil de la petite enfance assument bien d’autres fonctions que celle de garde, tant à l’égard des enfants que des parents. Ils représentent des lieux de sociali-

Dans un certain nombre de cas, c’est impossible de les respecter ». Par contre, à propos des priorités sociales, les fameux 10% de places à réserver, là on nous dit : « Vu qu'on n'a déjà pas assez de places, ça ne marche pas, on ne peut pas le faire ». Et là, je pense qu’il y a peut-être un travail à faire : ne peut-on pas aller plus loin dans l'exigence de maintenir libres ces 10% ? »

Au-delà des critères de sélection des familles au sein des milieux d’accueil existant, se pose aussi la question des critères pour la programmation par l’ONE des futures nouvelles places d’accueil en Fédération Wallonie-Bruxelles. Où ces nouvelles places doivent-elles prioritaire-ment être créées ? Sur quoi peut-on, doit-on se baser ?

Sur cette question, les avis divergent. Faut-il surtout ouvrir les nouvelles places d’accueil là où il y a le plus de mamans qui travaillent ? Bernard De Vos insiste sur l’urgence d’agir selon d’autres logiques:

« Quand on parle d'installer une nouvelle crèche, on a évidemment une série d'in-dicateurs, de savoirs positifs directs qui nous inciteraient à les installer quelque part. Il y a d'autres indicateurs qui disent qu'il faut privilégier la création des nou-velles places là où le taux d'emploi des mères est plus important. De là à créer de nouvelles places en Brabant wallon du côté de Rixensart ou de Lasne où il y a beaucoup de mamans qui travaillent, il n'y a qu'un pas. Je pense qu'il faut être extrêmement vigilant et faire en sorte

« Je veux un milieu d’accueil

de qualité parce que

je vais y laisser longtemps

mon enfant, il va y rester

peut-être 12-13 heures. »

Si on prive ces parents d'une possibilité de

confier leurs enfants à un milieu d’accueil la

journée, on est vraiment à côté de la plaque.

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« Vous savez que l'espoir, le standard européen, c’est 33% de places. C’est-à-dire la mise à disposition de places d’accueil pour au moins 33% des enfants de moins de trois ans. On n'est pas foutu, dans un pays industrialisé riche, d’atteindre ce petit objectif de 33%, qui pour moi ne peut pas être un objectif de notre société. Clairement, pour moi, c'est 100% de places en milieux d'ac-cueil qu’il faudrait viser. Avec évidem-ment aussi des aménagements autour du congé parental. Mais c'est 100%, et pas moins ! Il n'y a pas de raison de ne pas atteindre ce que d’autres pays, beaucoup plus sensibles aux droits de l’enfant et à la question de l’éducation de l’enfant, arrivent à faire.

100%, c'est l'objectif. Et on n’arrive même pas à 33%. Donc c'est pour vous dire la marge de travail qu'il y a encore à réaliser.

Alors les conséquences de cela, c’est qu’il y a pas mal de plaintes. A l'aube de l'année européenne de lutte contre la pauvreté, j’ai eu l’occasion de faire un travail centré sur les incidences et les conséquences de la pauvreté sur les enfants, les jeunes et les familles. Et là, je dois dire qu'il y a pas mal des familles qui se sont tournées vers moi en disant « ça ne va plus, on voudrait faire en sorte que nos enfants soient soutenus, mais on n'y arrive pas ». »

Pour Bernard De Vos, il est primordial de développer et de renforcer la dimension inclusive des milieux d’accueil et des services à l’enfance, en veillant plus par-ticulièrement à assurer un droit à l’accueil pour les familles les plus fragilisées :

« En matière de petite enfance, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être tout à fait prioritaire ; c'est important de rappeler aussi que les milieux d’accueil doivent être autant que possible inclusifs c'est-à-dire qu'ils doivent pouvoir accueillir des enfants souffrant de difficultés particu-lières ou de handicaps. Quand vous connaissez le combat pour inscrire l'en-fant dans une crèche ou un milieu d'accueil classique quand votre enfant

sation précoce pour les enfants, où ceux-ci peuvent apprendre, se développer, s’épanouir, exercer leur curiosité, se dépenser, dans un environnement bienveillant. Pour les parents, ils constituent des lieux de soutien propices aux échanges de pratiques. Pour tous enfin, ils peuvent être de véritables vec-teurs de liens et de cohésion sociale.

A ce titre, l’accueil devrait pouvoir être considéré comme un droit à part entière pour chaque enfant. L’idée n’est pas neuve, comme le souligne Eddy Gilson :

« Quand je lis le décret ONE, je lis en première ligne que l'uni-versalité, la non-discrimination et l'accessibilité pour tous est un objectif de base de la communauté française et de l'ONE. J'aimerais, après tout ce qui vient d'être lu, relire avec vous ce qu'on disait en 2003 dans le « considérant » de l'Arrêté « Milieux d'accueil », l’arrêté qui fixe les normes pour les milieux d'accueil de la petite enfance. Et ce « considérant » vaut la peine d'être relu plus que certains autres articles car il est particulièrement éclairant, je trouve.

Arrêté du Gouvernement de la Communauté française du 27/02/2003:

• « Considérant qu'il importe que les milieux d'accueil soient organisés dans un esprit de tolérance et d'ouverture… »

• « Considérant que l'accès à un milieu d'accueil de qualité est un droit pour l'enfant... » Je le répète et je le confirme : c'est une évidence. »

• « Considérant que les milieux d’accueil doivent permettre aux parents de concilier leurs responsabilités professionnelles … ». Qu'est ce qu'une responsabilité professionnelle ? Ici on parle du travail, de la formation professionnelle, de la recherche d'emploi, des engagements sociaux... Tout cela, je dois le considérer sur un même pied que les responsabilités parentales. »

• « Considérant qu'il convient de reconnaître le rôle de prévention sociale joué par les milieux d'accueil, que le rôle des milieux d'accueil est complémentaire à celui de la famille et qu'ils doivent favoriser l'ouverture et l'écoute des parents … »

• « Considérant que les milieux d'accueil doivent respecter les spécificités culturelles des enfants et être attentifs à leurs besoins spécifiques … »

Quand on analyse cela, on voit que tout ce qui nous préoccupe aujourd’hui était déjà dit dans les objectifs. Le code de qualité, qui est plus large, allait dans le même sens. Je crois que de temps en temps, relire ces objectifs-là, au-delà des normes elles-mêmes, permet de les remettre en perspective. »

Force est de constater que l’objectif, s’il n’est pas neuf, peine largement à se réaliser actuellement. Bernard De Vos le déplore, rappelant les objectifs de Barcelone en matière de couverture des besoins d’accueil :

Il n'y a pas de raison de ne pas atteindre ce

que d’autres pays, beaucoup plus sensibles aux

droits de l’enfant et à la question de l’éducation de l’enfant,

arrivent à faire.

L'accueil doit être

reconnu comme un droit

inconditionnel.

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souffre d'un handicap, même petit … ça devient vraiment un parcours du combattant. L'accueil doit être reconnu comme un droit inconditionnel.

Je rappelle encore une fois : 33%, non ! 100%, et pas moins ! Si le nouveau modèle de parentalité combine la possibilité d'avoir une réussite personnelle, professionnelle et aussi une réussite en tant que parent, si on accorde une nouvelle atten-tion à l'enfant avec un souci d'éducation et de socialisation, notamment avec le concours d'acteurs sociaux extérieurs, alors il faut considérer qu'aujourd'hui certaines familles sont privées de ces apports, et au regard de la convention interna-tionale, cela reste un véritable scandale qu'il faut corriger dans les milieux d'accueil. »

Vers un accès équitable des lieux d’accueil et services à l’enfance pour toutes les familles

Une dimension importante a été développée par différents intervenants : celle de l’équité d’accès aux services, en particu-lier dans les situations de pénurie.

A cet égard, Perrine Humblet rappelle que les inéquités sociales se renforcent en cas de pénurie de places :

« Quels sont les effets sociaux de la pénurie ? Nous savons tous que lors de pénuries de places, un certain nombre de demandes ne sont pas satisfaites. Mais ce que l’on dit moins c’est que lorsqu’il y a pénurie, il y a inéquité sociale dans l’utilisation des services. Que veut-on dire par équité? C’est une approche de l’égalité qui prend également en compte plu-sieurs aspects relatifs aux personnes et à leurs besoins. Et par inéquité sociale ? C’est l’évaluation de l’équité entre groupes sociaux. On a montré que l’utilisation des milieux d’accueil est moins fréquente dans les groupes sociaux à faible revenu et dans des conditions de travail peu favorables. Les méca-nismes par lesquelles on explique cette inéquité sociale relèvent du niveau des utilisateurs et de celui du contexte sociopolitique. Au niveau contextuel, c’est la densité de milieux d’accueil, leur prix, leur répartition géographique, et la gestion des établissements. Au niveau des demandes, les caractéristiques de l’activité professionnelle, le niveau d’ins-truction et de revenu, les possibilités de planification, la négo-ciation de l’inscription sont autant de facteurs qui favorisent de facto les familles à double revenu comme cela a été montré pour Bruxelles (Vandenbroeck, 20084). Dans un contexte de pénurie, le poids de ces facteurs croît. Une étude portant sur toutes les communes belges montre que plus la situation de pénurie est prononcée, plus l’inéquité sociale est prononcée. Autrement dit, on n’observe quasi pas d’inéquité sociale lorsqu’il y a une couverture des besoins extrêmement larges (Farfan-Portet, 20105). A Bruxelles, cela signifie que si les inscriptions se faisaient strictement dans la commune de

résidence, l’inéquité serait supérieure à Molenbeek (100 places pour 1000 enfants de 0-3 ans) qu’à Woluwé Saint Lambert (650 places pour 1000 enfants de 0-3 ans parents.

Tant l’Unicef6 que la Commission euro-péenne et d’autres organisations et d’ex-perts internationaux affirment aujourd’hui le droit de l’enfant à bénéficier d’un accueil de qualité pendant toute la période dite ‘préscolaire’. C’est aussi le cas de la revue Enfants d’Europe, qui a énoncé dix principes d’organisation des politiques d’accueil, dont le premier est « Accès : un droit pour tous »7: c’est l’opportunité de fréquenter un milieu d’éducation et d’accueil garantie par la disponibilité et l’accessibilité d’un nombre suffisant de milieux d’accueil. Il y a beau-coup à faire et j’espère que ces quelques considérations pourront aider les acteurs de cette recherche-action à mettre en place des réflexions utiles dans l’accueil au quotidien des familles ».

Plus la situation de

pénurie est prononcée, plus l’inéquité

sociale est prononcée.

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Peut-on penser aujourd'hui qu'il en soit très différent pour d'autres niveaux donc en maternelle, en primaire et pourquoi pas dans le cadre des places disponibles dans le milieu d'ac-cueil de la petite enfance ?

Est-il encore temps de se poser les questions d'égalité, de ségré-gation et de mixité sociale à l'entrée dans le secondaire ? Ne vaudrait-il pas mieux se poser cette question bien avant le début du parcours scolaire ? Parce que globalement, quand on entend les parents parler de leur recherche de place en milieux d'accueil, on y voit un travail d'ingénieur. C'est de l’ingénierie ; il faut d'abord essayer de faire la balance entre ses choix pré-férentiels ; essayer de trouver les arguments face aux respon-sables des institutions ; ne pas stresser et rester calme … parce que la réponse vient très très longtemps après la demande… bref, il y a vraiment un travail fondamental, là-derrière. Et disons les choses comme elles sont, face à ce travail, certains parents sont beaucoup plus avantagés que d'autres. Il y a là une forme d'inégalité terrible »

La réglementation concernant les milieux d’accueil prévoit des dispositions pour améliorer l’accessibilité et garantir une certaine équité. Eddy Gilson pointe en particulier huit clés vers l’accessi-bilité, mises en œuvre à l’ONE ou dans les milieux d’accueil.

Fonctionner avec une tarification sociale« La grille de lecture que nous propose la réglementation, on peut la critiquer, l'estimer insuffisante, lourde administrative-ment. Mais le fait que les milieux d'accueil subventionnés fonctionnent avec une PFP (c’est-à-dire une participation finan-cière calculée sur base des revenus des parents) est quand même une clé essentielle. Et la volonté de poursuivre la sub-sidiation en imposant le respect de cette PFP est évidement un acte qui me semble essentiel ».

Reconnaître et renforcer le rôle social de chaque professionnel

« Deuxième clé, le rôle de l'équipe des professionnels au sein d'un milieu d’accueil, en particulier les assistants sociaux. Dans tout type de structure, on exige d'avoir un assistant social. Malheureusement, est-ce qu'il a encore le temps d'exercer sa fonction d'assistance sociale ? Car en même temps, c'est lui qui joue le rôle de directeur, rôle auquel il consacre trois-quarts de son temps. Effectivement, renforcer l'aspect pédagogique des choses permet une ouverture à certains parents, une prise en charge, une coordination de l’équipe. Mais ne pas subvention-ner le poste de direction pose problème, évidemment. Je voudrais insister sur le rôle de chacun dans une équipe de milieu d'accueil que ce soit des accueillantes d’enfants à domi-cile, que ce soit la direction, que ce soit le personnel infirmier, que ce soit le personnel social, que ce soit le personnel de cuisine ; peu importe, chacun a un rôle à jouer et joue un rôle déjà depuis des années. Ce n'est pas quelque chose qui est à inventer, mais qui est, à mon sens, à renforcer ».

Bernard De Vos, quant à lui, plaide pour un accès plus équitable à l’accueil et à l’éducation et rappelle que c’est dès la prime enfance qu’il faut se poser les bonnes questions :

« Au niveau de l'école en général, pri-maire et secondaire, la réalité est fla-grante. Nous avons un enseignement de qualité incontestable avec nos meilleurs élèves qui ont des résultats et des scores bien au-delà des enfants et des élèves des nations-phares en matière d'ensei-gnement. Mais à l'opposé, il y a dans l'autre camp des « mauvais » élèves qui ont des résultats « lamentables » et qui n'arrivent pas à concurrencer les répu-bliques bananières, les pays comme le Mexique qui ont un produit intérieur brut tout à fait insuffisant « pour financer un système d’enseignement d’excellence pour tous ». Il y a donc là un scandale véritable que le fameux décret « Inscriptions » est en train de corriger.

Vous savez qu'aujourd'hui on est arrivés à une certaine sécurité juridique ; tous les recours ont été examinés, le Conseil d'Etat a demandé cinq petites modifica-tions, et là normalement on devrait être tranquille, et on pourrait enfin commen-cer à parler enseignement. Enfin com-mencer à parler de questions fondamen-tales : comment faire en sorte que notre enseignement soit plus équitable, soit basé sur la solidarité, ne stigmatise plus, ne ségrégue plus les plus défavorisés.

Est-il encore temps de se

poser les questions

d'égalité, de ségrégation et

de mixité sociale à

l'entrée dans le secondaire ?

4. Vandenbroeck, Michel, S. De Visscher, K Van Nuffel, et J Ferla. 2008.

« Mothers’ search for infant child care: The dynamic relationship between

availability and desirability in a continental European welfare state ». Early

Childhood Research Quarterly 23:245-258.

5. Farfan-Portet, MI;, V. Lorant, et F. Petrella. 2010. « Access to Childcare

Services: The Role of Demand and Supply-Side Policies ». Population

Research and Policy Review 29(3).

6. UNICEF, La transition en cours dans la garde et l’éducation de l’enfant,

Bilan Innocenti 8, 2008, Centre de recherche Innocenti de l’UNICEF,

Florence.

7. Disponibles sur le site de l’Observatoire http://www.grandirabruxelles.

be/net/ dans la rubrique « Europe ».

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Permettre et favoriser la diversité des structures d’accueil

« Un autre élément important pour moi est la diversité de types de milieux d’accueil. On a déjà un panel large dans les catégories légales, mais aussi dans la mise en application de ces catégories. Et on voit bien que petit à petit, les milieux d’accueil ont tendance à se rapprocher, à se mélanger, à se mixer. D'ailleurs, aujourd'hui, une maison d'enfants n'est plus nécessairement un milieu d’accueil non subventionné ; parfois il y a une partie qui est subventionnée et une autre qui est non-subventionnée. Les halte-accueils se rapprochent de cer-tains milieux d’accueil, etc... On commence à sentir une cer-taine perméabilité. Mais le maintien de ces structures et la possibilité pour celles-ci d’exister, c'est ce qui est important pour une diversité ».

S’outiller pour renforcer la qualité des pratiques« Je veux aussi insister sur la démarche, au-delà du code de qualité, sur les outils en matière de qualité de l'accueil, et la mise en œuvre qui a été faite : le travail remarquable des équipes, les réflexions qui ont été faites autour notamment des questions d'accessibilité, de lien et de travail avec les parents. Ça fait plus de trois ou quatre ans maintenant que des ateliers, des outils ont été mis en place ; et chacun s'inves-tit en vue du deuxième renouvellement des attestations de qualité, qui requiert un travail remarquable avec trop peu de temps et une coordination non subventionnée. »

Reconnaître et soutenir le travail des halte-accueils

« Autre clé vers l’accessibilité, c'est le fait qu'on a entamé une réflexion et un soutien pour un secteur particulier qui est celui des halte-accueils, qui font un travail remarquable, qui s'ins-tallent dans des quartiers pas toujours évidents et développent un véritable soutien aux parents, notamment en leur faisant une place au sein des lieux d’accueil. Un secteur qui, aujourd'hui, en tant que tel, est très peu pris en compte. On a commencé un soutien sous forme de subsidiation, et on espère que le prochain contrat de gestion de l'ONE apportera une réglemen-tation qui permettra de faire réviser le système et de pour-suivre la réflexion. »

Garantir un socle d’exigences de qualité commun à tous les milieux d’accueil

« Tous les milieux d’accueil, quels qu'ils soient, sont soumis à un socle commun, aux exigences d'autorisation ; quels qu'ils soient, on l'exige. C'est une question de bien-être, cela permet de garantir une certaine accessibilité. »

Une tentative récente à destination des familles: l’intervention accueil

« Vous le savez, l’ONE a essayé de restituer aux parents une partie du coût en crèche, correspondant à l'équivalent d'un mois d’accueil. Cela a nécessité de mettre en place des règles particulières, ce qui a forcément pénalisé, d’une certaine manière, les populations qui ont des problèmes d’accessibilité à la lecture et à la gestion administrative ; et cela a considé-rablement alourdi le travail administratif des milieux d’accueil qui sont venus en aide à ces familles. Au total, 27 000 familles n’ont pas pu bénéficier de cette mesure. Mais en tout cas, quelque chose a été fait. »

Se former « Le dernier élément important pour moi est l’effort et le sou-tien en matière de formation, de soutien à la formation des professionnels. » En matière d’accessibilité financière, Bernard De Vos revient sur le chemin qu’il reste à parcourir :

« Même si beaucoup d'efforts ont été faits pour faire en sorte que financièrement l’accueil soit accessible, il y a encore une réflexion à avoir. Quel que soit le salaire, le montant dont peut disposer un couple, une famille, on considère toujours que les frais de garde doivent être équivalents à 10%. Alors quand c'est 10% de 5000e, on vit encore assez bien, mais quand c'est 10% de 1000e, c'est un retrait vraiment tout à fait com-pliqué à vivre pour les parents. »

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Renforcer la qualité des pratiques d’accueil, au profit de toutes les familles

L’accessibilité ne peut se faire au détri-ment de la qualité de l’accueil : qualité des pratiques pédagogiques avec les enfants, qualité des relations avec les parents, qualité du cadre professionnel.

Eddy Gilson évoque cette tension entre quantité (accueillir plus) et qualité (accueillir bien).

« Accueil pour tous ? Oui, mais tant que les défis quantitatifs restent posés, ça reste une difficulté fondamentale. On va se heurter à cela en permanence. Tant qu’on n'aura pas réussi le programme de 100% de couver-ture, on va toujours être en situation de crise. Avec évidemment toujours des familles et des enfants dont les besoins spécifiques ne seront pas rencontrés.

Avec cette tension horrible entre la quan-tité et la qualité : « Arrêtez de mettre des normes à l'ONE. On n'a déjà pas assez de places et vous empêchez de créer des milieux d’accueil ». Oui d'accord, créons des places à la volée, et quinze jours après, on les fermera parce que les enfants seront en crise, ou parce qu'il y aura un accident. Je ne veux pas dire qu'on n'aura pas d'accident si on ne baisse pas les normes ONE. Mais on est soumis, de même que les PO, vis-à-vis de certains parents, vis-à-vis de certaines institutions, à cette pression permanente entre « ne faites pas d'obstacle parce

qu'il faut créer des places » et puis après, une fois que les milieux d’accueil sont là, il faut que le niveau de qualité soit suffisant. Si on veut faire de l'accueil social, si on veut faire de l'inclusion de tous les types de parents de manière conve-nable, il faut les 100% de couverture mais aussi la qualité derrière. C’est vrai qu’on a tendance à dire « soyons souples ; pour accueillir beaucoup de monde, il ne faut pas commencer à mettre des barrières, des réglementations ». Ça, c'est quelque chose d’important. Mais en même temps, j'ai un autre parent qui me dit : « Attention à ne pas faire courir le moindre risque à mon enfant ». On est souvent très tiraillé entre, d’un côté, la volonté d'assouplir un certain nombre de choses, et, de l'autre côté, la prise de responsabilités qui est derrière, ou parfois des parents qui sont de moins en moins tolérants avec le fait qu'on laisse passer ça et qu'on ne permet pas ça. C'est aussi une tension qu'on devra pouvoir gérer. »

Car, comme le rappelle Bernard De Vos, les milieux d’accueil d’aujourd’hui développent en général des pratiques d’accueil de grande qualité, et c’est entre autres ce qui rend crucial le fait qu’ils soient accessibles à tous.

« Quand on parle de la crèche, du milieu d'accueil, si on se réfère aux images d'il y a vingt ou trente ans, on a quand même fait un bond en avant en termes de qualité et d'ouver-ture. Il y a vingt ou trente ans, un milieu d'accueil était un endroit très hygiéniste ; les puéricultrices portaient encore des masques, on n'arrêtait pas de nettoyer au Dettol, on était en permanence en train de stériliser les biberons... Il n’y a pas longtemps, on a encore vu une crèche où il fallait passer le bébé par une espèce de boîte aux lettres pour éviter que les microbes n’entrent dans la crèche. Aujourd'hui, un milieu d'ac-cueil est tout sauf ça ; c'est un lieu d'accueil vivant, ouvert, avec une ouverture à la diversité sociale et aux différents modes de vie des familles ; l'évolution fulgurante des familles est prise en considération dans ces milieux d’accueil, avec une initiation à la psychomotricité pour les enfants, une ouverture au monde, à la socialisation. Donc tout le contraire de ce que l’on voyait avant. Je dirais qu’il y a quelques années, ne pas fréquenter une crèche

Créons des places à la volée,

et quinze jours après, on les

fermera parce que les enfants seront en crise, ou parce qu'il

y aura un accident.

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n'était pas un véritable drame, car elle enseignait très très peu de choses. Aujourd'hui, la crèche est très importante non seulement pour l'enfant mais aussi pour les parents. »

En effet, une dimension importante de la qualité de l’accueil concerne les relations positives avec les parents. Bernard De Vos poursuit :

« Ce que je retiens de cette longue péré-grination de la Communauté française autour de la question de la pauvreté, ce que j'admire, ce sont les parents qui disent « ce dont on a besoin, nous, ce sont des structures d'accueil moins stig-matisantes ». Eh bien, là, clairement, si la crèche remplit un objectif, c’est d’être en contact régulier avec les parents, pouvoir les accueillir dans le quotidien, répondre à leurs petites questions.

Quand on parle de prévention, ça paraît minime mais c'est super important de pouvoir rencontrer de façon informelle les parents autour de la question de leurs enfants. Parce que c'est le motif de leur présence à la crèche. Et là, j'ai entendu des parents réclamer ce genre de struc-tures et je vous ai dit combien, malheu-reusement, ces structures étaient difficile-ment accessibles pour les familles des milieux défavorisés. Donc là, il y a encore vraiment un effort à faire, favoriser les échanges entre les éducateurs naturels que sont les parents et les éducateurs professionnels. Je crois que c'est super important.

En Communauté française, il y a des expériences intéressantes dans des milieux qui travaillent avec des publics fragilisés ; ce sont des projets qui essayent d’intégrer les parents et qui appellent vraiment à la participation de ceux-ci. Ce sont des projets qui doivent être soutenus de manière encore accentuée. »

C’est le cas par exemple de la maison d’enfants « Les Amis d’Aladdin », à Schaerbeek, dont le projet est présenté par sa directrice Mélody Nenzi.

« 'Les Amis d'Aladdin' est une maison d'enfants qui accueille des enfants de 0 à 6 ans. Qui accueille d'abord des enfants de 0 à 3 ans de parents qui sont en insertion ou avec intention d'insertion, avec un projet, avec quelque chose qui va se pas-ser peut-être. C'est ça l'accueil pour tous : voir d'abord où ils en sont. Et puis on accueille des enfants de 3 à 6 ans pendant les congés scolaires. On fait de l'extrascolaire, ce qui permet d’accompagner les enfants et les familles sur une plus longue période. Puis on fait des activités avec les parents, des ren-contres entre parents. On réfléchit à la place du parent dans la structure d'accueil. Et on a aussi des actions en lien avec les habitants du quartier, parce qu'on estime que l'enfant n'est pas un être isolé mais qu'il y a ses parents, sa communauté, son quartier et son environnement aussi. »

Travailler le dialogue et les relations positives avec les parents est central chez « Les Amis d’Aladdin ». Cela n’empêche qu’il faut sans cesse remettre le travail sur le métier. C’est ce qu’ex-plique Mélody Nenzi, qui rebondit sur le témoignage de Gomax Ngoie Kasamba cité ci-dessus.

« Quand on a préparé le sujet avec Gomax, il a beaucoup parlé du soulagement d'avoir trouvé une crèche. Mais après, dans la concrétisation, dans la vie quotidienne, il y a tout un parcours qui se joue. Il y a d'abord ce soulagement d'avoir trouvé une crèche, mais qu'est ce qu'on a trouvé comme milieu d’accueil ? On s'est donc rendu compte qu'il n'était pas déçu de l'accueil qu'il avait reçu, mais qu’on avait quand même eu des petits couacs. Par exemple, le fait de passer du lait à la nourriture solide n'a pas été assez négocié, expliqué, rencontré par rap-port à ce qu’eux imaginaient pour leur enfant. Pour leur enfant,

Ce dont on a besoin,

nous, ce sont des structures

d'accueil moins stigmatisantes.

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Faire ensemble des petits pas, vers un accueil plus accessible à tous …

L’accessibilité, en définitive, c’est l’affaire de tous. Chacun peut faire un « petit » pas vers plus d’accessibilité, comme l’explique Eddy Gilson:

« Deux points importants pour conclure : l'importance capitale du réseau, du partenariat et de l'action conjointe de tous les acteurs. L'ONE seul ne peut rien, le directeur de la COCOF seul ne peut rien, une crèche seule ne peut rien. Mais il y a éga-lement des acteurs des milieux d’accueil qu'il faut pouvoir fédérer. Je crois que c'est une ressource qui n'est pas assez mobilisée. Dernière chose importante pour moi, au quotidien cette fois-ci. C'est, pour tout un chacun d'entre nous, l'impor-tance des petits pas et des relations quotidiennes.

Je suis à l'ONE et je reçois un dossier de réclamation d'un parent qui vient de perdre son emploi et risque, selon son milieu d’accueil, de perdre aussi, pour ce motif, sa place d’accueil. Dans la manière dont je vais traiter ce dossier-là, je fais un petit pas vers l'accessibilité pour tous. Je fais ma pre-mière journée dans un milieu d’accueil qui n'a aucune priorité d'inscription. J'essaye de corriger cela ; je fais un petit pas vers l'accessibilité pour tous. Je réfléchis avec mon équipe sur, par exemple, la question de l'accueil de qualité ou j’essaye de voir si on ne peut pas adapter les pratiques pour améliorer le contact quotidien avec les parents; je fais un petit pas de plus vers l’accessibilité pour tous. »

C’est bien là l’objectif du projet « Accueil pour tous : l’inclusion commence à la crèche » : construire plusieurs petits pas qui progressivement dessineront un chemin vers plus d’équité, d’accessibilité, de solidarité, d’accueil de la diversité.

ils pensaient donner du lait jusqu'à un an. Et nous, on est passé à la nourriture solide pour suivre les règles ONE qui disent qu'au niveau scientifique, en vue d'une alimentation saine, le lait artificiel n'est pas aussi nutritif que les légumes et les fruits vers 6-7 mois. On a aussi raté des étapes. Et pourtant, on est une struc-ture d'accueil qui réfléchit non stop à l'accueil des parents, qu'ils soient issus de l'immigration ou pas. Parce que tout parent a un parcours à soi différent. On parle diversité, mais dans toutes les familles nées en Belgique, belgo-belges, il y a aussi une diversité incroyable dans la façon d'élever ses enfants. Ce que je voulais dire aussi, c'est qu'effectivement sur le terrain, il est important de savoir comment on pratique cette diversité. Je pense que dans la souplesse d'accueil, il y a plusieurs modes de fonctionnement, il y a des structures classiques qui tra-vaillent avec beaucoup de parents euro-péens qui ont un modèle familial plus ou moins identique. Puis il y a des maisons d'enfants comme les nôtres qui s'oc-cupent de la mixité sociale. On devrait tous essayer d'y travailler. »

Dans toutes les familles nées

en Belgique, belgo-belges, il y a aussi

une diversité incroyable dans

la façon d'élever ses

enfants.

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Université Populaire des Parents (UPP) : des parents acteurs, chercheurs et citoyens de la petite enfance à Bruxelles.

Dimanche 9h45, en face du métro St-Guidon, les parents de l’Université Populaire des Parents (UPP) « Parents et enfants solidaires et citoyens » se regroupent. Ensemble, ils s’agglutinent dans le métro ou dans une auto. Direction le lieu de réunion où ils vont travailler. On discute, on prend des nouvelles. Arrivés sur place, petit à petit, les enfants s’emparent des jeux et les adultes s’installent sur les chai-ses. C’est parti pour deux heures de travail en groupe, convivial mais intense.

Les parents du groupe sont presque tous Anderlechtois, ils ont en commun de s'être investis dans la garderie parentale présente rue Janssens jusqu'en juin dernier. Ils sont une quinzaine, dont six très actifs, surtout des mamans, d’origines diverses, à l’image de la commune. Presque tous connaissent ou ont connu la précarité : chômage, attente de régularisation, isolement social ou familial, etc. Tous ont des enfants, petits ou grands. Au sein de l'UPP, ils sont devenus des parents-chercheurs : depuis deux ans, ils effectuent une recherche qui contribue à changer leur vie, leur regard sur la société et le regard des autres sur eux.

Une UPP, c’est un groupe de parents d’un même quartier qui, ensemble, se mobi-lisent pour élaborer et mener une recherche à partir de leur expérience d'être parent, aujourd'hui, dans leur contexte : les liens entre école et familles, la question de la transmission des valeurs, les représentations de l’autorité, l'image des enfants et des parents de quartiers populaires, etc. Une recherche qui ne se concentre pas sur leurs manques, mais au contraire sur leurs savoirs et leurs compétences – pas seulement ceux du groupe mais aussi ceux d’autres parents. Une recherche sur une question de société, qui dépasse leurs préoccupations individuelles, adopte un point de vue mul-tidimensionnel sur les problématiques vécues et ouvre la voie au changement. Une recherche qui est aussi l’occasion d’ouvrir le dialogue avec les professionnels et insti-tutions qui les concernent, en allant à leur rencontre.

A Anderlecht, après un temps de constitution de groupe et de réflexions partagées sur la parentalité, est apparu le thème commun du manque de places pour les enfants

Par les parents, l'animatrice et

le coordinateur de l'UPP d'Anderlecht

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dans les crèches, dans les écoles maternelles, dans les activités extrascolaires, dans les transports et l'espace public, et des conséquences de cette situation sur la vie des familles. En cherchant à préciser ce thème, le groupe a formulé ses premières hypothèses de recherche :

- « Le manque de place dans la société pour les enfants fait qu’il n’y a pas de place dans la société pour les mères de familles. »

- « Les effets de ce manque de place se font plus durement sentir dans les familles précarisées. »

- « Certaines familles se sentent victime de discrimination dans ce domaine. »

Munis d'un canevas d'entretien semi-directif élaboré ensemble, basé à la fois sur l'oral et sur le dessin, les parents de l'UPP ont rencontré cinq groupes de parents à Molenbeek, à Laeken et à Anderlecht pour vérifier ces hypothèses. En parallèle, ils ont rencontré des professionnels de milieux d'accueil : la directrice des crèches communales d'Anderlecht et la directrice des maisons d'enfants d'Actiris.

Le groupe a ensuite relu et analysé les notes prises par chacun lors de ces entretiens et classé le contenu en neuf grands thèmes : l'accès au travail, les effets sur la répartition des tâches ménagères, le sentiment de discrimination, … Suite à ce travail est apparue la nécessité de recentrer la question et le contenu de la recherche sur les effets du manque de places en crèche. A l'heure actuelle, le groupe entre progressivement dans la phase d'écriture et de présentation des résultats.

En mars 2012, l'UPP d'Anderlecht accueillera les parents-chercheurs et animateurs de ses homologues flamandes, françaises et allemandes pour un séminaire européen des UPP, dans le cadre d'un partenariat Grundtvig financé par l'Union européenne. En effet, créées en France en 2005 par l'ACEPP, les UPP sont aujourd'hui un mouvement européen, qui sera sur le devant de la scène lors d'un colloque européen le 19 mars à Bruxelles.

L'UPP d'Anderlecht est née en 2010, dans le cadre de l'Année européenne de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, à l'initiative du RIEPP et de Vie Féminine, avec le soutien du Ballon Rouge. Au niveau méthodologique, elle bénéficie du soutien de Bernard Francq et du talent, de la souplesse et de la rigueur de Martin Wagener, tous deux sociologues à l'UCL.

A présent, il est 13 heures passées, il est temps pour chacun de retrouver ses obligations familiales … Ça discute encore en enfilant son manteau, chacun souligne le travail en cours ou à faire, se rappelle le prochain rendez-vous. C'est un travail de longue haleine, le groupe a connu beaucoup d’événements (naissances, reprises de travail, perte du local de réunion) mais la motivation et l’engagement collectifs pour le mener à bien sont plus grands que jamais.

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Intéressé par le colloque européen des UPP qui se tiendra le 19 mars 2012 à Bruxelles ?Informations et inscriptions sur www.upp-acepp.com ou www.riepp.be

Contacts :Hélène [email protected]/05 21 32

Quentin [email protected]/68 03 28

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Pour Nous JoiNdre:Observatoire de l’enfant

42 Rue des Palais1030 Bruxelles

Tél : +32(2)800 84 86Fax : +32(2)800 80 01

[email protected]://www.grandirabruxelles.be

www.childrenineurope.org

«Grandir à Bruxelles»est une publication de la

Commission communautaire françaisede la Région de Bruxelles-Capitale

www.cocof.irisnet.be

Observatoire

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