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Etudes et Travaux n°102 Septembre 2012 Jean-Pierre Olivier de Sardan Gouvernance locale la délivrance de quatre biens publics dans trois communes nigériennes (2)

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  • Etudes et Travauxn102

    Septembre 2012

    Jean-Pierre Olivier de Sardan

    Gouvernance localela dlivrance de quatre biens publicsdans trois communes nigriennes

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  • Gouvernance localela dlivrance de quatre biens publicsdans trois communes nigriennes (2)

    ETUDES ETTRAVAUX DU LASDEL N102 1

    Sommaire

    INTRODUCTION............................................................................................................3

    I. AUTOUR DES CONFIGURATIONS DE DELIVRANCE ET DES MODES DEGOUVERNANCE : QUELQUES COMPLEMENTS ...............................................................5LINCOHERENCE PROFONDE DES POLITIQUES PUBLIQUES........................................................................... 5LES QUATRE TYPES DE SOLUTIONS PALLIATIVES ........................................................................................ 7LES DIVERSES MODALITES DU PAIEMENT PAR LUSAGER ............................................................................ 9LA MULTI-REDEVABILITE......................................................................................................................... 12RETOUR SUR LES MODES DE GOUVERNANCE ET LEURS REFORMATEURS INTERNES................................... 15

    LES REFORMATEURS DANS LE MODE COMMUNAL ..........................................................................................16LES REFORMATEURS DANS LE MODE DEVELOPPEMENTISTE ..........................................................................17

    LA DIVERSITE DES LOGIQUES DE GOUVERNANCE ..................................................................................... 18

    II. MOTIVATIONS ET DE-MOTIVATIONS .................................................................... 19LENPM.................................................................................................................................................. 19LES INCITATIONS FINANCIERES MULTIPLES.............................................................................................. 20LES ENJEUX AUTOUR DES PRIMES ............................................................................................................ 22DEMOTIVATION....................................................................................................................................... 23LES MOTIVATIONS SOCIALES ET PROFESSIONNELLES ................................................................................ 24

    LE REGISTRE DE LA RECONNAISSANCE SYMBOLIQUE......................................................................................24LE REGISTRE MORAL ...................................................................................................................................25LE REGISTRE PROSPECTIF ............................................................................................................................26

    QUELQUES AUTRES FACTEURS AUTOUR DES MOTIVATIONS ...................................................................... 26LA PEUR DE LA SANCTION ............................................................................................................................26LA FIN DES VOCATIONS ?..............................................................................................................................27LES OBLIGATIONS SOCIALES ET LA FEMINISATION DES METIERS .....................................................................28

    III. CONCLUSION...................................................................................................... 29

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    Liste des sigles

    APACAN Projet dappui au dispositif de prvention et de gestiondes crises alimentairesAPPP African Power and Politics ProgramCOFO Commissions fonciresCOGES Comits de gestion des centres de santCTB Coopration technique belgeGAR Gestion axe sur les rsultatsGTZ Coopration technique allemande (aujourdhui GIZ)JNV Journes nationales de vaccinationNPM New Public ManagementODI Overseas Development InstituteOFEDES Office des eaux du sous-solONG Organisation non gouvernementalePTF Partenaires techniques et financiersPTME Prvention de la transmission mre-enfant du VIH-SIDASEEN Socit dexploitation des eaux du Niger

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    Gouvernance locale

    la dlivrance de quatre biens publicsdans trois communes nigriennes

    (2)

    Jean-Pierre Olivier de Sardan

    IntroductionLe prsent rapport sinscrit dans laxe Local leadership du programme APPP1(African Power and Politics Program), financ par DFID (coopration duRoyaume Uni) et pilot par ODI (Overseas Development Institute). Lquipe duNiger, compose dAssa Diarra (accouchement), Younoussi Issa (eau etassainissement), Aghali Abdoulkader (scurit), Amadou Oumarou (marchs) etHassane Moussa Ibrahima (institutions communales), avait men des enqutes en2009 sur les trois sites de Balleyara, Say et Guidan Roumdji, sous la coordinationde Jean-Pierre Olivier de Sardan et Mahaman Tidjani Alou. Ces enqutes ontdonn lieu la rdaction par les auteurs des enqutes de cinq rapports en franais,sur la base desquels un rapport de synthse a t son tour produit en avril 2010(disponible en franais et en anglais), qui a lui-mme donn lieu un article (enanglais) publi en 20111.En 2010, des enqutes complmentaires ont t effectues dans les mmeslocalits, par les mmes chercheurs, pour approfondir des pistes qui avaient tdgages en 2009, mais aussi pour tenter daborder un nouveau sujet, savoir les motivations (incentives) des acteurs dlivrant des biens publics locaux. Denouveaux rapports ont donc t rdigs en 2011 par les cinq chercheursconcerns2.Le prsent rapport de synthse prsente les principaux rsultats de cette secondevague denqutes en deux parties trs distinctes.

    1 Olivier de Sardan, J.P. Local powers and the co-delivery of public goods in Niger, 2011, IDSBulletin, 42 (2): 32-42. Certains des rapports ont t dits dans la srie Etudes et Travaux duLASDEL (tlchargeable sur www.lasdel.net) et sont en ligne sur le site APPP.2 Pour une prise en compte des spcificits propres chaque site ou chaque bien public, il faut sereporter ces rapports.

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    La premire partie doit tre lue comme une suite directe du rapport de synthse de 2010, depar sa conceptualisation autour des nouveaux matriaux empiriques recueillis. Elledveloppe en effet quatre thmes importants : lincohrence des politiques publiques, ladlivrance palliative institutionnalise des biens publics, la multi-redevabilit des dlivreursde biens, et les postures rformatrices/conservatrices internes chacun des principaux modesde gouvernance locale.La seconde partie constitue une nouvelle porte dentre pour le programme APPP autourdu thme des motivations et des dmotivations, thme particulirement pertinent auvu des dbats actuels sur la gestion des ressources humaines dans les paysafricains.Laccent mis dans ce rapport sur la conceptualisation partir des donnescorrespond la priorit actuelle du programme APPP.

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    I. Autour des configurations de dlivrance etdes modes de gouvernance :quelques complments3

    Lincohrence profonde des politiques publiquesDautres programmes de recherche du LASDEL (sur la dcentralisation ou sur lesexemptions de paiement dans la sant) nous ont permis de mettre en vidence lesconditions assez particulires de la conception et de la mise en uvre despolitiques publiques au Niger (ainsi que dans dautres pays africains) :imprparation technique et financire, pressions diverses et htroclites des PTF,annonces soudaines de changements de cap, mauvaise information despopulations et des professionnels concerns, manque de coordination etnombreux goulots dtranglements, rticences des agents de lEtat sur le terrain,absence de dispositifs fiables de feed-back, etc.4. Le programme APPP confirmecette analyse, tout en fournissant des informations prcieuses sur ce qui se passeplus prcisment au point de dlivrance des services publics aux usagers.Par exemple, on sait que le principal facteur de mortalit maternelle, en casdaccouchement dystocique ncessitant une csarienne, est labsence dvacuationou le retard dans lvacuation. Cette absence dvacuation ou cette vacuationtardive dpendent bien videmment de diffrents facteurs. Mais au moins deuxdentre eux relvent directement des politiques publiques de sant, savoir la nondisponibilit de moyens dvacuation, et la barrire financire.En ce qui concerne les vacuations (pour les femmes ayant des accouchementsdystociques, mais aussi bien sr pour dautres malades), des ambulances ont tfournies tous les districts sanitaires du pays en 2004 par le Programme spcial duPrsident de la Rpublique. Mais ce programme tait une sorte dEtat dans lEtat, statut totalement drogatoire, gr par les prfets lextrieur des chainesadministratives normales, et sans relle coordination avec le Ministre de la

    3 Nous ne dvelopperons pas ici les donnes complmentaires sur la gestion de lauto-gare par lesyndicat des transporteurs, dans la mesure o elles sont dans la ligne directe du rapport prcdent.4 Cf. Ousseini, 2011, Une politique publique de sant au Niger. La mise en place dexemptions depaiement des soins en faveur des femmes et des enfants , Etudes et Travaux du LASDEL, 91 ; Olivierde Sardan & Ridde, 2011, Une comparaison provisoire des politiques dexemption de paiementdans trois pays sahliens (Burkina Faso, Mali, Niger) , Etudes et Travaux du LASDEL, 89. Denombreux numros de Etudes et Travaux du LASDEL rendent compte des rsultats delObservatoire de la dcentralisation du LASDEL.

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    sant5. Trs personnalis, hors procdures habituelles, et vise lectoraliste, il adailleurs disparu en 2010 avec la mise lcart du Prsident Tandja. Le principalgoulot dtranglement gnr par cette situation est le suivant : les ambulancessont certes fournies, mais sans que rien nait t prvu spcifiquement pour leurfonctionnement, ni par le Programme spcial (qui se limitait aux investissements)ni par le Ministre de la sant (qui navait pas t impliqu dans cette affaire). Ilfaut donc, en cas dvacuation, que les familles des vacu(e)s trouvent en urgencede quoi payer les frais dessence, ainsi que le per-diem du chauffeur, du personnelde sant accompagnant lvacu(e) et celui du garde rpublicain devantncessairement prendre place dans lambulance6. Runir la somme ncessaire peutprendre du temps, voire mme, pour les familles les plus vulnrables etdpourvues dappuis, tre impossible.Cette situation est dautant plus paradoxale que lEtat a dvelopp une politiqueconsistant lever la barrire financire pour la rfrence obsttricale. En effet, lePrsident Tanja a dcid fin 2005 de rendre la csarienne gratuite (lEtatremboursant alors une somme forfaitaire aux maternits de rfrence ayantpratiqu la csarienne). Mais le montant de lvacuation, qui reste la charge desusagers, peut dpasser le montant quil fallait payer pour la csarienne (35.000FCFA). Il peut facilement atteindre 50.000 FCFA. Dans des zones daccsdifficile, le cot peut tre nettement plus lev (entre 150.000 et 200.000 Ngourti !).Un autre exemple dincohrence des politiques publiques est fourni parlextension soudaine des mesures dexemption de paiement bien au-del de lacsarienne. Alors que, face la crise du financement de la sant dans les annes80, le recouvrement partiel des cots (Initiative de Bamako) tait devenu lastratgie nationale depuis 20 ans, le prsident Tandja Mamadou a subitementdcid en 2006 dintroduire une exemption de paiement gnralise pour lesenfants de moins de 5 ans. Cette mesure navait pas t vraiment prpare et lesmoyens financiers correspondants navaient pas t dgags par lEtat. Ce dernieren effet est cens rembourser aux formations sanitaires de tout le pays le cot desprestations et des mdicaments dlivrs aux enfants de moins de 5 ans. Mais cesremboursements ont pris un retard dramatique. Aprs 6 ans, les sommes dues parlEtat aux formations sanitaires atteignent le montant norme de 14 milliardsFCFA. Chaque anne le dficit saccrot. Or, les consultations pour les enfants demoins de 5 ans constituent dans les formations sanitaires de premier niveau le plus

    5 Un autre cas majeur de contradiction entre le Programme spcial et le Ministre de la sant aconsist dans le financement trs coteux de la construction dhpitaux pour la mre et lenfant,grce des subventions de lArabie saoudite, mais sans tenir compte de la carte sanitaire et despriorits officielles en matire de sant, et sans prvoir les (normes) frais de fonctionnementquallaient engendrer de telles structures6 Pour scuriser la circulation des ambulances, le Programme spcial avait exig la prsence borddun garde rpublicain.

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    gros des consultations et assuraient une grande partie des recettes. Les retards deremboursement par lEtat menacent donc lquilibre du systme de sant :beaucoup de formations sanitaires sont sur-endettes auprs des grossistes enmdicaments, et de nombreux mdicaments font dfaut.On trouve bien sr de nombreux exemples de telles incohrences dans dautresdomaines.

    Les quatre types de solutions palliativesFace ces incohrences et ces goulots dtranglement, face aussi aux multiplesdifficults que connait la dlivrance de services publics par le mode degouvernance bureaucratique en raison de son manque considrable de ressourcesfinancires et humaines, nous avions soulign en 2010 limportance de la co-dlivrance des services publics locaux, en particulier de type palliatif , pour faire face aux goulots dtranglement . Cette co-dlivrance implique le plus souvent un recoursau paiement par lusager . Mais il nous faut insister ici sur les diverses formesdiffrentes institutionnalises ou non - que peuvent prendre ces solutionspalliatives labore au niveau local7.1) Les bricolages informels restent la rgle gnrale, comme nous lavonsrappel pour les vacuations, et on les retrouve pour leau potable, pourlassainissement, pour la scurit, pour les marchs. Improviss au niveau local, etmettant en jeu les relations personnelles entre des acteurs relevant de diffrentsmodes de gouvernance, ils sont donc fragiles et facilement remis en cause. Mmeles collaborations entre forces de police du Niger et du Nigria contre lebanditisme frontalier dpendent presque exclusivement de relations personnelleset peuvent donc tre remises en question tout moment.

    7 Rappelons aussi que des dispositifs de coordination supra-locaux mais pouvant avoir une existencelocale existent dans certains domaines, impulss par lEtat et les PTF, comme les commissionsfoncires (COFO) ou les comits sous-rgionaux de prvention et de gestion des crises alimentaires.Ils runissent des services multiples de lEtat, ainsi que des acteurs non tatiques (ONG,associations, chefs, etc.) en vue dune meilleure dlivrance des services publics. Il sagit l dedispositifs institutionnaliss lchelle nationale et intgrs dans le tissu administratif officiel. Il estdonc difficile de les considrer comme tant des solutions palliatives locales. On constate toutefoisque leffectivit de ces structures est trs variable dun site un autre : elles ne sont le plus souventrellement fonctionnelles que si elles sont appuyes par un projet intervenant localement. Parexemple, dans le dpartement de Filingu (o se trouve Balleyara) un projet dappui au dispositifde prvention et de gestion des crises alimentaires (APACAN), excut par Care International etfinanc par SNV, a dvelopp des Observatoires de suivis de la vulnrabilit . Lobservatoirecommunal de Balleyara a runi ainsi, pendant la dure du projet, les services techniques (agriculture,plan, levage), les lus locaux, la chefferie, les ONG et projets, et les forces de scurit sous laprsidence du maire et avec lappui du chef de poste administratif. Missions dvaluation dans lesvillages, collecte de donnes, runions tous les 27 du mois, constituaient ses activits principales.Ds la fin du projet, les missions et les runions ont cess, faute dargent pour le carburant et les per-diem (le prfet dtournant pour dautres usages la dotation de lEtat en carburant).

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    2) Certaines associations locales spontanes, qui restent certains gards dans leregistre informel, mais reprsentent aussi une certaine formedinstitutionnalisation (elles ont un nom, des membres, un responsable, sans tretoutefois des associations formelles dclares) prennent parfois en charge unedlivrance palliative. Cest le cas des yambanga (vigilantes) en ce qui concerne lascurit. De mme les fada, qui sont des groupes de sociabilit fonds sur levoisinage et le statut social (analogues divers gards aux grin du Mali)peuvent parfois jouer un rle dans la scurit (en surveillant ce qui se fait dansleur quartier) ou lhygine (en organisant un balayage collectif dun espacepublic). Mais ces formes de regroupement, comme leur ventuelle mobilisationpour la dlivrance de biens, restent elles aussi trs dpendantes des personnes etdonc fragiles (comme le montrent la non prennit des yambanga Balleyara ou lecaractre sporadique de leur collaboration avec la police Guidan Roumdji).3) Dautres structures associatives, formelles et de type communautaire , sontmises en place par les projets pour faire face un problme de dlivrance debien public. Cest un type plus labor dinstitutionnalisation (avec bureau,assemble gnrale, rgles de gestion, architecture pyramidale), mais qui relveessentiellement du niveau local et qui est troitement dpendante de linitiativedun projet, et surtout de son appui financier. Les comits de quartier pourlassainissement, les comits de gestion des forages pour leau potable, les comitsde gestion des marchs, prsents dans les trois communes, en sont de parfaitesillustrations. Fini lappui, finis les comits ! Si cette maxime connait bien sr desexceptions, elle a t confirme sur nos sites denqute8.4) Mais nous avons rencontr aussi une solution palliative originale, la foisfortement institutionnalise (car elle sappuie sur des institutions intgres dans letissu administratif national), et pourtant issue den bas , et sans perfusion financire dun projet. Il sagit de la mise en place des centimesadditionnels , pour rsoudre le problme des vacuations.La direction rgionale de la sant de Dosso a en effet pris linitiative en 2003, aveclaccord du comit de gestion rgional reprsentant les usagers, de demander laperception dun centime additionnel , autrement une somme de 100 FCFAprleve sur toutes les consultations dans les centres de sant de cette rgion, afinde constituer un fonds pour financer les vacuations. Lorigine exacte de cetteinitiative reste peu claire9. Le dispositif sest vite avr efficace : des fonds

    8 Il faut souligner que, contrairement dautres pays dAfrique de lOuest, o il existe un mouvement paysan autonome (Sngal, zones cotonnires au Mali, au Burkina Faso ou auBnin), la trs grande majorit des structures associatives rurales au Niger est dpendante de laideextrieure.9 Il semble tabli que la direction rgionale de Dosso a dabord men une exprience pilote dans ledistrict de Gaya, avec lappui de la CTB (coopration technique belge), qui supportait depuislongtemps cette direction. Lvaluation de ce dispositif stant rvle trs positive, il a t gnralisaux autres districts de la rgion. Il faut souligner que les COGES ont t demble responsabiliss et

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    largement suffisants ont t amasss, et placs dans un compte bancairespcifique. La pratique des centimes additionnels sest ensuite tenduespontanment comme une traine de poudre dans tous les districts sanitaires dupays, sans faire lobjet dune directive quelconque de la hirarchie sanitaire, etsans que cette extension ne soit appuye, finance ou pilote par un projet . Cedispositif consistant prlever sur tous les usagers des centres de sant une taxemodique qui servira aux seuls cas ncessitant une vacuation, a t en quelquesorte plbiscit par les quipes de district et les comits de gestion.Il sagit certes dune modalit de financement par lusager, mais qui est originale,en particulier par rapport au recouvrement des cots.

    Les diverses modalits du paiement par lusagerRappelons que le systme institutionnel et public du recouvrement des cots,auquel tous les agents de sant ont t forms depuis la fin des annes 1980, a unecertaine affinit avec la logique du paiement palliatif par lusager, le plus souventinformel, mais parfois semi-institutionnalis, qui, nous lavons dit, est dsormaisgnralis face aux dfaillances de lEtat, et quon retrouve largement lextrieurde la sant. Cest ainsi que les forces de police, dont la dotation en carburant estdrisoire, ne se dplacent pour des constats que si les plaignants payent lessenceet leurs frais . Elles nescortent les camions l o il y a des risques dattaquespar des bandits que si les propritaires des camions les financent.On peut dbattre des logiques qui sous-tendent le recouvrement des cots (promu partir de lInitiative de Bamako). Sagit-il avant tout dune mise en uvre auniveau de la sant de la stratgie et de lidologie no-librales, devenuesdominantes dans les annes 80 dans la foule des politiques dajustementstructurel, et prnant la privatisation et le dsengagement de lEtat ? Ou bien doit-on y voir, dj, une solution palliative institutionnalise , mais issue den-haut , visant demander aux usagers de combler les insuffisances de lEtat,devenu incapable de fournir les formations sanitaires en mdicaments (rappelonsqu la veille de lInitiative de Bamako, les soins taient gratuits, mais ils seterminaient inluctablement, faute de mdicaments, par la dlivrance

    consults, et quune vaste campagne dinformation a eu lieu. Mais nous avons recueilli deuxversions sur la prhistoire de cette initiative. Pour les uns, une premire exprience dun dispositifdvacuation aurait t mene la fin des annes 80 Say et dans le Boboye, sites pilotes pour lerecouvrement des cots, mais les fonds pour lvacuation taient alors simplement pris sur lerecouvrement des cots et grs par la sous-prfecture, qui les aurait dtourns. Dautres se rfrent lexprience dun dispositif dvacuation avec radio-ambulances mene Ouallam et Tahoua parla GTZ. Nous disposons dune documentation sur lexprience de Ouallam avec un article de sesanimateurs : cf. Bossyns, P., Abache, R., Sani Abdoulaye, M. & van Leberghe, W. 2005 Unaffordable or cost-effective? : introducing an emergency referral system in rural Niger , TropicalMedicine and International Health, 10 (9) : 879-887. En fait une partie des cots rcurrents delvacuation tait paye directement par les familles concernes dans le cadre du recouvrement decots. Aucune de ces deux expriences antrieures na donc invent le centime additionnel .

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    dordonnances payables au prix fort dans les pharmacies) ? En effet, lerecouvrement des cots auprs des usagers nest que partiel (lEtat fournissant lessalaires des personnels de sant, les infrastructures et les matriels) et a pourfonction essentielle de permettre aux formations sanitaires dacheter elles-mmesles mdicaments (et de financer de menues dpenses des centres de sant)10.En fait, il est raisonnable de penser que la logique no-librale et la logique durecours palliatif au paiement par lusager sinterpntrent en loccurrence. Onconstatera aussi que cette politique a t - pour une fois - relativement cohrente etefficace (les mdicaments sont vite devenus disponibles bas prix dans toutes lesformations sanitaires), mme si elle na pas rgl, loin sen faut, les problmesdaccs pour les plus vulnrables11.On retrouve le mme processus, la mme combinaison de ces deux logiques, dansle secteur de leau potable: leau des forages tait, aux dbuts des indpendances,gratuite, et la maintenance des infrastructures tait assure par un office dEtat,lOFEDES. Mais, depuis la fin des annes 80, elle est devenue payante, car lEtatntait plus en mesure dassurer les rparations. La vente de leau au seau estapparue comme le seul moyen de garantir la maintenance et les rparations despompes et forages, et ceci que la gestion soit communautaire (comits de gestion, limage des comits analogues dans le secteur de la sant) ou quelle soitdlgue un oprateur priv (ce qui est une mode plus rcente, concomitantede la cration d associations dusagers de leau pour contrler ces oprateurs).Ce passage la vente de leau na toutefois pas t un processus identique lInitiative de Bamako. Alors que le recouvrement partiel des cots tait le produitdune politique nationale dlibre et volontariste soutenue massivement par lesgrandes institutions internationales (et fortement suggre par elles aux Etatsafricains), dans un domaine la sant - o lEtat restait fortement prsent, lepaiement de leau par lusager a t plutt le produit des stratgies tacites etconvergentes de certains PTF, qui finanaient les forages ici ou l, ou quipromouvaient le dveloppement local, dans un domaine - lhydraulique rurale -o lEtat stait retir de fait. Ce sont ces PTF qui ont impuls de faondcentralise la constitution de comits de gestion des ressources gnres par lavente de leau aux points deau modernes afin de pallier aux dfaillances desservices publics de lhydraulique. Cette politique na que partiellement russi, les

    10 Rappelons que le package de lInitiative de Bamako comprenait, outre le recouvrement partieldes cots, la mise sur pied dans tout le pays de comits de gestion des fonds recouvrs (COGES),reprsentant les usagers, et le recours systmatique aux mdicaments gnriques.11 Des mesures taient prvues en faveur des indigents, mais elles nont jamais t vraimentappliques (cf. Ridde, V. 2006 Equit et mise en uvre des politiques de sant au Burkina Faso, Paris:LHarmattan).

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    problmes de gestion ( vaporation des recettes) tant rcurrents dans lescomits de gestion, et nombre douvrages restant en panne12.Le cas des centimes additionnels est quant lui assez spcifique, et pour celaparticulirement intressant. Il sagit certes, l aussi, dune solution palliativeinstitutionnalise , mais qui est dune nature toute diffrente. En effet, ce nest leproduit ni dune politique dlibre conjointe de lEtat et des institutionsinternationales (comme le recouvrement des cots), ni dune stratgie de facto dePTF (comme la vente de leau). Au contraire, lEtat comme les PTF se sontengags, dans le secteur de la sant, peu prs au mme moment, comme on lavu plus haut, dans une politique trs diffrente, voire oppose, savoirlexemption de paiement.La stratgie des centimes additionnels est trs diffrente de la politiqueofficielle dexemption de paiement, mais aussi du recouvrement des cots. Lepaiement par lusager est dune toute autre nature. Lvacuation est en effetdevenue gratuite, et ce ne sont plus les usagers directs de lambulance qui payent(ce qui constituait auparavant un facteur de mortalit maternelle pour ceux dontla famille avait du mal runir la somme en urgence), mais lvacuation est quandmme paye en dernire analyse par lensemble des usagers. Autrement dit, lecot de lvacuation est rparti dans le temps sur tous ceux qui ont frquent lescentres de sant, selon un mcanisme qui est plutt dordre assurantiel (etobligatoire). Ce dispositif a t intgralement labor par le bas , sansconsultation du Ministre, sans accord ni appui de ce dernier, et sans releverdune stratgie des PTF ou dun appui de ceux-ci, mais il est nanmoins de typeinstitutionnel, non informel, dans la mesure o il a t valid par les quipes-cadres de district et les comits de gestion. Il constitue typiquement une solutionpalliative institutionnalise den bas une incohrence de la politique publiquede sant concernant les vacuations.Mais ce cas recle encore dautres enseignements. En effet, le Ministre de la santa pris en 2009 des mesures qui ont entrain une crise de ces fonds dvacuation. Ila considr que ce paiement par lusager tait en contradiction avec la politiqueofficielle dexemption de paiement, puisque les usagers officiellement exemptsdevaient comme les autres payer le centime additionnel . Il a donc interdit auxcentres de sant de prlever les 100 FCFA sur les enfants de moins de 5 ans (plus

    12 Le fait que dans les comits de gestion de la sant il y ait une surveillance mutuelle desreprsentants des populations et des personnels de sant, et une relle implication de la hirarchiedans les procdures de contrle financier, explique sans doute que les vaporations y soient bienmoindres que dans les comits de gestion des points deau, trs peu encadrs, et souvent fortementcontrls par la chefferie. Par ailleurs, on ne doit pas, selon nous, confondre les privatisations dessocits publiques de type industriel, qui dlivraient leau potable en ville sur une grande chelle(privatisations menes au bnfice des multinationales et qui sont clairement un effet direct desstratgies no-librales), et la vente au seau de leau des forages, qui relve au moins autant (voireplus) de solutions palliatives institutionnalises (mme si lidologie no-librale a pu jouer unrle).

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    de la moiti des consultations). Du coup, ces fonds se sont asschs, et on en estrevenu au paiement direct par lusager, parfois tempr par des bricolagesinformels locaux , qui prvalaient avant. Cette intervention du Ministre sur lemode de linterdiction sest faite en effet sans proposer de formule institutionnellealternative.Autrement dit, une mesure promulgue au nom de la cohrence officielle dunepolitique publique a abouti bloquer une initiative intressante et efficace pourpallier lincohrence relle de cette mme politique !

    La multi-redevabilitNous avions voqu dans le rapport de 2010 la question des redevabilitsmultiples 13.Elle est rapparue de faon aige avec la priode de transition faisant suite aucoup dEtat militaire de mars 2010 ayant mis fin au rgime devenu illgal deTandja Mamadou. En effet, les maires lus peu avant le coup dEtat (dcembre2009) lors dune lection boycotte par lopposition ont t dmis et remplacs pardes administrateurs dlgus nomms par le pouvoir, et en gnral choisis endehors des arnes locales, souvent dans lentourage de la junte.Ces administrateurs dlgus, qui ne devaient rester que pour une priode courte(des lections municipales dmocratiques ont en effet eu lieu comme prvu enjanvier 2011), navaient donc pas de comptes rendre aux lecteurs (redevabilitreprsentative) et ntaient soumis qu une redevabilit bureaucratique-hirarchique(gouverneurs et Ministre de lintrieur).Leur action a t unanimement considre comme efficace dans les troiscommunes dans un domaine o les maires lus navaient gure brill auparavant, savoir lassainissement. Les administrateurs dlgus ont en effet rgl diffrentsproblmes en suspens, en particulier en ce qui concerne lassainissement : ils ont,dans les trois communes organis des concours de salubrit, et distribu du petitmatriel de ramassage des dchets ; Say et Guidan Roumdji ils ont rgl leproblme des salaires des charretiers ; les comits de quartier pourlassainissement ont t ractivs Guidan Roumdji, des personnels municipauxont t embauchs pour la propret Balleyara ; enfin diverses initiatives etinnovations ont t mises en uvre : fournitures de sac poubelles, enfouissementdes dtritus du march (Balleyara), fournitures de seaux (Guidan Roumdji),rcupration de plastiques (Say). Pour raliser cette politique, les administrateurs

    13 Cf. aussi le texte paratre de Giorgio Blundo Le roi nest pas un parent. Les multiplesredevabilits de lEtat postcolonial en Afrique , galement pour le programme APPP, et certainsarticles antrieurs de Blundo. La multi-redevabilit a t souligne pour la premire fois dans leprogramme APPP par Stafan Lindberg.

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    dlgus ont russi mobiliser les projets de dveloppement intervenant dans lesenvirons.Ce succs est parfois attribu au fait quils ntaient pas soumis desproccupations lectoralistes, et donc pouvaient se permettre dtre impopulairesen prenant des mesures rigoureuses, ncessaires du fait de lindiscipline despopulations sur ces questions.Une interprtation rapide de ces donnes pourrait amener penser que laredevabilit reprsentative serait de faon gnrale un facteur ngatif pour lefficacitde laction publique, alors que la redevabilit bureaucratique-hirarchique serait aucontraire un facteur positif. On assiste dailleurs facilement une extrapolation dece raisonnement en termes de rgimes politiques. La redevabilit reprsentative est eneffet inhrente aux rgimes de type dmocratique, alors que la redevabilitbureaucratique-hirarchique, lorsquelle nest pas associe la redevabilitreprsentative, apparait comme une ressource typique des rgimes despotiques,qui en font un usage muscl. Cette valorisation des rgimes non dmocratiques poigne , qui leur impute une meilleure dlivrance des services publics, estdailleurs le fait de nombreux Nigriens, qui rendent la dmocratie responsable dumauvais fonctionnement des administrations depuis la Confrence nationale, etvoquent avec nostalgie le rgime de Kountch (une dictature militaire) commeune priode de respect de la discipline et dun sens de lEtat qui sest aujourdhuiperdu. Les critiques (par ailleurs largement justifies) envers les injonctions et lesconditionnalits des PTF voulant promouvoir une bonne gouvernance dmocratique conue sur un modle occidental confortent de telles analyses, quiont t mobilises en leur temps pour lgitimer par exemple les soutiens Ben Alien Tunisie ou Moubarak en Egypte.Notre position ici est toute diffrente. Ni la dictature ni la dmocratie negarantissent par elles-mmes une bonne dlivrance des services publics. Cest vraiau niveau local comme au niveau national. Certains rgimes autocratiquesafricains ont un bilan dplorable (le Mali de Moussa Traor), alors que dautressont cits en exemple (le Rwanda de Paul Kagam). De mme, il est desdmocraties qui ont largement chou sur ce plan (Nigria, Bnin) et dautres quiont plutt russi (Ghana, Botswana).Autrement dit, aucune forme de redevabilit associe un rgime politique nestune solution miracle. Mais on peut aller plus loin : aucune forme de redevabilit en soinest une solution miracle. Les succs et les checs relevant dune forme particulirede redevabilit ne sont pas imputables la nature de celle-ci, mais au contexte etaux stratgies de sa mise en uvre.Revenons en effet notre exemple des administrateurs dlgus. La redevabilitbureaucratique-hirarchique laquelle ceux-ci sont soumis na en fait rien dediffrent de celle laquelle les services de lEtat sont soumis en temps ordinaire.Les prfets, suprieurs hirarchiques directs de ces administrateurs dlgus, sontdes fonctionnaires que lon retrouve tout autant quand les maires sont lus. Les

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    personnels de sant ou les forces de gendarmerie sont aussi soumis uneredevabilit bureaucratique-hirarchique forte. Ceci ne les empche pas dtresouvent peu motivs, et parfois bien peu efficaces. Avant la dcentralisation (en2004), la nomination dadministrateurs dlgus tait la rgle pour les communesurbaines (les seules qui existaient) et nombre dentre eux ont mal gr sansamliorer les services publics locaux. Autrement dit, la redevabilitbureaucratique-hirarchique peut engendrer le meilleur et le pire ! De mme, laredevabilit reprsentative peut dboucher sur de bons maires ou sur de mauvais maires , du point de vue des services dlivrs (cf. infra).Plutt que de dcider que la redevabilit bureaucratique-hirarchique est meilleure que la redevabilit reprsentative, ou vice versa, mieux vaut tenterde comprendre pourquoi, parfois, les administrateurs dlgus sont plus efficaces,et parfois non, ou pourquoi, parfois, un maire russit l o dautres ont chou.Dans le cas qui nous occupe, plusieurs facteurs contextuels inter-relis semblentdcisifs (au-del, bien sr, des facteurs idiosyncratiques relevant de la personnalitdes acteurs) :

    les administrateurs dlgus taient l pour peu de temps ; ils avaient reu des consignes strictes et appliquaient une ligne politique

    des autorits de transition dans le domaine de laction municipale enmatire de propret et dassainissement ;

    ils avaient le soutien de lEtat (prfets et gouverneurs), alors que celui-ci amis sans cesse des btons dans les roues des maires de la premiremandature ;

    ils taient extrieurs aux arnes locales ; ils avaient un certain niveau scolaire, une exprience administrative

    minimum, ainsi quune exprience en matire de relations avec les projets .

    Par contre, les maires issus des lections de 2011 semblent nettement mieuxarms que leurs prdcesseurs lus en 2004 ( en juger par les 30 maires qui ontsuivi les sances de formation du LASDEL), en termes de niveau scolaire, decomptences administratives, et de prise de conscience des problmes.Par ailleurs, les redevabilits sont souvent combines. Un maire est ainsiredevable reprsentativement envers ses lecteurs, mais il est aussi redevablehirarchiquement envers le prfet (en tant quofficier dtat-civil et en tant quesoumis un contrle de lgalit de ses actes). Le tableau se complique encore silon fait intervenir les redevabilits informelles: le maire est aussi redevable partisanement envers le parti politique qui la dsign et clientlistiquement envers les big men et les financeurs de sa campagne. De mme, les administrateursdlgus taient clientlistiquement redevables envers le chef de lEtat ou celuide ses proches qui les avaient fait nommer. En outre, bien dautres redevabilits

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    informelles interfrent rgulirement avec les comportements des acteurs publicsquels quils soient : redevabilits corporatistes (envers les pairs et collgues), vicinales(les personnes du voisinage, ou originaires du mme terroir), familialesParadoxalement, la redevabilit envers les usagers des services publics est elleaussi de type informel : bien quelle soit proche de la redevabilit reprsentative,dans la mesure o les usagers sont aussi des lecteurs) elle ne sy confond pas (eton sait que la satisfaction envers les services publics dlivrs nest quun facteurparmi dautres qui dterminent le vote des lecteurs).Cest au carrefour de ces multi-redevabilits que laction des acteurs publics sesitue, et bien souvent ces multi-redevabilits produisent des injonctionscontradictoires (double binds), qui contribuent la mauvaise qualit des servicesdlivrs. En fait, chaque mode de gouvernance est plus ou moins un systme demulti-redevabilits. Chaque mode de gouvernance a ses formes de redevabilitincorpores, qui sont la fois formelles et informelles.

    Retour sur les modes de gouvernance et leurs rformateurs internesMais, comme pour les redevabilits, il y a la tentation de croire que tel ou telmode de gouvernance serait par lui-mme une solution miracle. Face auxdifficults des administrations africaines, les institutions de dveloppement ontainsi sans cesse cherch dans tel ou tel nouveau mode de gouvernance la cl quiouvrirait toutes les portes. Aprs ce quon pourrait appeler le grand chec dumode bureaucratique de gouvernance dans lAfrique des indpendances (que cesoit dailleurs sous des rgimes despotiques ou des rgimes dmocratiques), checqui se prolonge aujourdhui encore, le mode de gouvernance associatif a tprivilgi au nom de la participation communautaire. Puis cest le mode degouvernance communal qui sest vu, avec les politiques de dcentralisation,charg de tous les espoirs. Le mode de gouvernance marchand, au nom du no-libralisme, a aussi ses supporters farouches. Certains enfin, dus par lesprcdents, voient maintenant dans le mode de gouvernance chefferial unealternative Le cas de la gestion des puits pastoraux est cet gard significatif.Trois formes successives de gestion, relevant chacun dun mode de gouvernancespcifique, ont t mises en place au Niger : la gestion bureaucratique (par unoffice dEtat, lOFEDES) ; la gestion communautaire (par des comits degestion) ; et la gestion marchande (par dlgation un oprateur priv). Aucunede ces formes na mis en place un systme satisfaisant, permettant de rgler lesproblmes permanents de maintenance et de rparation de ces ouvrages14.Mais il en est des modes de gouvernance comme des rgimes politiques.Contrairement aux attentes de nombreux experts en dveloppement, aucun nades vertus intrinsques qui garantiraient une meilleure dlivrance des biens

    14 Cest ce que lon voit travers les tudes menes par le LASDEL sur llevage mobile dans largion de Tanout (cf. les thses de doctorat de Sambo et de Bassirou).

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    publics. Dans chaque mode de gouvernance se confrontent des rformateurs , soucieuxdamliorer cette dlivrance, et des conservateurs , qui prfrent ltat actuel des choses etses rentes de situation15.Prenons lexemple des deux modes de gouvernance qui apparaissent aujourdhuicomme tant institutionnellement les mieux placs pour compenser ce grandchec du mode bureaucratique de gouvernance: les modes communal etdveloppementiste.

    Les rformateurs dans le mode communalLa dcentralisation, qui sest faite dans de mauvaises conditions, en particulier dufait du non respect par lEtat de ses engagements financiers ou du faible appuiaccord par les autorits de tutelle aux maires, a parfois t dcrite comme unedcentralisation de la mauvaise gestion et de la corruption. Il est vrai que lesconseils communaux connaissent beaucoup de problmes : sessions non tenues,mal prpares, expdies ; budgets irralistes ; qute de privilges par les lus ;luttes factionnelles et systme clientliste ; faible recouvrement fiscal ; absence dedpense dquipement ; accusations de malversations ; etc.Mais cela ne doit pas pour autant masquer lexistence dlus et de mairesrformateurs. Dans des conditions trs difficiles, ceux-ci tentent daffronter lescontraintes budgtaires, la dfaillance de lEtat, les pressions des partis et descommerants, pour malgr tout dvelopper leurs communes.Certes, il est difficile de distinguer les maires rformateurs des autres. Maislattitude des lus locaux face aux rsultats de nos recherches, qui mettent envidence les nombreux problmes des conseils municipaux, est en elle-mme unindicateur : ceux qui tentent de minimiser ces rsultats ou qui mme nient leurvalidit sont dans le camp conservateur, ceux qui sont intresss par ces rsultatset veulent sen servir sont du ct des rformateurs16

    15 Nous utilisons ici cette opposition entre rformateurs et conservateurs non pas dans sonsens idologique ou macro-politique habituel, mais uniquement par rapport lenjeu que constitueun meilleur accs aux services publics et une amlioration de leur qualit.16 Nous avons organis en 2011 des formations (en deux sessions) auprs dune trentaine de mairesde communes du Niger o nous avions men dans les annes prcdentes des enqutes sur lespouvoirs locaux (dans le cadre non seulement du programme APPP, mais aussi dautresprogrammes du LASDEL). Ces formations, non normatives et non prescriptives, taient simplementfondes sur des dbats autour de nos rsultats denqute, et taient pour eux compltementinhabituelles. Nous avons t surpris de lintrt, parfois enthousiaste, des participants, qui, pourune fois entendaient parler de la ralit de leurs communes telles quelles taient, et non tellesquelles devraient tre pour les experts extrieurs.

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    Les rformateurs dans le mode dveloppementisteLes institutions de dveloppement ont elles aussi leurs pesanteurs, leursincohrences, et leurs contradictions, que les comportements de la plupart de leursagents contribuent reproduire, et elles ne sont certainement pas intrinsquement et parnature rformatrices, contrairement ce quelles prtendent. Leurs interventions dans lesdomaines o nous avons enqut tmoignent dun systme de contradictions entreleurs objectifs affichs et leurs logiques daction.

    Elles accentuent lincohrence des politiques publiques quellesprtendent corriger ou redresser :

    Ainsi les pressions de la Banque mondiale pour que le Niger applique une politiquedexemption de paiement, sans que les mesures financires permettant de la mettreen uvre soit prises, ont abouti dsquilibrer le systme de sant nigrien toutentier. Elles accentuent la dpendance envers laide extrieure tout en se

    posant en champion dun dveloppement endogne et auto-entretenu :

    Ainsi la distribution actuelle par la Banque Mondiale dune somme mensuelle de10.000 FCFA aux familles rurales dites vulnrables (selon des critres tablis par unprojet et opaques pour les populations) accrot les stratgies assistancialistes locales. Elles sont transitoires et phmres tout en se rclamant de la

    prennisation et de la durabilit :Ainsi les comits de quartier pour lassainissement de Guidan Roumdji oulObservatoire de suivi des vulnrabilits de Balleyara disparaissent ds que le projetqui les soutient disparat. Elles plantent leurs drapeaux sur leurs ralisations et font

    lloge incessant de leurs actions, alors quelles insistent surlimprieuse ncessit pour lEtat national de saffirmer.

    Ainsi les projets multiplient les puits et les forages en leur nom, et communiquentsur leurs ralisations, tout en ne rendant pas compte de leurs activits auxservices comptents : la mairie, le plan, lhydraulique.

    Les rformateurs au sein du mode de gouvernance dveloppementiste, auniveau local tout au moins, apparaissent donc comme ceux qui jouent la carte de lappui discret, non soumis au temps court, largent et la visibilit des projets . Ils sont cet gard souvent contre-courant des logiques daction deleurs propres institutions. Nous pouvons revenir lexemple des centimesadditionnels . Cest laction rformatrice dagents anonymes dunecoopration europenne, sans stratgie programme de leur institution sur cettequestion, sans apposer partout le logo de celle-ci, sans injecter de financements ad-hoc, ni donner de consignes, qui a, du fait des relations de collaboration et de

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    confiance quils entretenaient avec un directeur rgional et un mdecin-chef dedistrict, contribu llaboration de ce dispositif.On peut tenter de monter en gnralit et proposer lhypothse suivante : lun desprincipaux effets positifs bien quinattendus - dune coopration trangre seraitau fond de fournir des fentres dopportunit des rformateurs locaux. Onpeut en trouver divers exemples depuis que laide au dveloppement existe, maisils sont toujours rest relativement marginaux, hier comme aujourdhui.On peut aussi proposer une seconde hypothse complmentaire : une solutionpalliative institutionnalise passe par lexistence dune coalition rformatrice ,sur le terrain, entre des rformateurs relevant dun ou plusieurs modes degouvernance.Il semble certes peu probable que les agences de dveloppement acceptent lalecture de ce rapport de changer radicalement de stratgie et de fonder dsormaisleurs actions sur la fourniture de fentres dopportunit des rformateurslocaux et sur la constitution de coalitions rformatrices ! Mais la capacitdinstitutions de dveloppement accorder au sein de leur mode dintervention unrel espace pour ce type dinitiatives, autrement dit tre ractives des initiativeslocales imprvues, non planifies, et les encourager, pourrait tre un indicateur de leurspropres capacits sauto-rformer.

    La diversit des logiques de gouvernanceLes divers modes de gouvernance au Niger, comme ailleurs, recouvrent unegrande varit de logiques daction17.Prenons par exemple le mode de gouvernance bureaucratique. On trouve en sonsein des logiques clientlistes, mais aussi des logiques de comptenceprofessionnelle, des logiques ultra-procdurales (respect obsessionnel desprocdures) et des logiques dchange gnralis de faveurs. On y trouve leslogiques du privilgisme (extension aussi loin que possible de privilges lis la fonction), du soupon permanent (tout collgue ou suprieur est suspect demalversation ou de conspiration), de limpunit (impossibilit de sanctionner unsubordonn fautif) et, bien sr aussi, du bricolage palliatif. On y trouve deslogiques opportunistes (de type passager clandestin ), des logiques charitables(la gestion compassionnelle vis--vis de collgues est un facteur sous-estim despratiques des agents publics), et des logiques de dvouement au bien public (il y ena aussi). Il nous semble pour cette raison impossible de mettre toutes ces logiquessouvent contradictoires sous un label unique tel que no-patrimonialisme .

    17 Une logique daction correspond selon nous un arrangement spcifique de normes pratiques(sloignant plus ou moins des normes officielles et/ou des normes sociales) qui rgulent descomportements convergents dacteurs sociaux dans un domaine donn.

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    II. Motivations et d-motivations

    La question des motivations financires des agents des services publics est lordre du jour, et ceci de deux points de vue, celui des acteurs locaux, dune part,celui des intervenants extrieurs, et, entre autres, de la Banque mondiale, dautrepart. Cette convergence nest toutefois quapparente, et cache de nombreuxmalentendus. En outre, dans les discours que nous avons recueillis au Niger, biendautres facteurs de motivation apparaissent comme devant tre pris en compte.

    Le NPMLes techniques du New Public Management (NPM) sont de plus en plusimportes en Afrique, travers les cadres logiques18, les mthodes de gestionaxe sur les rsultats (GAR), les technologies informatiques et le recours auxprimes et aux incitations financires.Cest ainsi que, dans le domaine de la sant, de vastes programmes sont en coursen vue dintroduire des rmunrations fondes sur la performance. La Banquemondiale va financer ainsi lintroduction prochaine de ce systme au Niger.Il est vrai que le problme auquel ces techniques entendent apporter des solutionsest bien rel. Labsence de gestion cohrente et efficace des ressources humainesdans les administrations africaines est sans nul doute un facteur dcisif de lamauvaise qualit des services publics19. Le travail dquipe nexiste gure, lesaffectations sont largement fondes sur le clientlisme ou lchange de faveurs, lafuite des meilleurs cadres vers les institutions de dveloppement et lesorganisations internationales est massive, les responsables tous niveaux donnentle mauvais exemple, le chef de service monopolise les dcisions, la gestiontransparente est inconnue, les comptences en leadership sont rares, etc.Mais la solution privilgie par les PTF, qui est focalise sur des primes lies lvaluation des rsultats, est contestable, la fois parce que les facteurs quiinfluent sur le comportement des agents publics sont loin de se rduire aux seulsfacteurs financiers, et la fois parce que la distribution de telles primes estinterprte par les personnels publics dans un sens trs diffrent de celui quil apour ses initiateurs.

    18 Cf. Giovalucci, F. & Olivier de Sardan, J.P. 2009 Planification, gestion et politique dans l'aideau dveloppement: le cadre logique, outil et miroir des dveloppeurs , Revue Tiers Monde, 198: 383-406.19 Cf. Therkildsen, O. 2005 Understanding public management through neo-patrimonialism. Aparadigm for all African seasons ?, in Engel, U. & Olsen, G. (eds) The African exception, Aldersho,Hantst: Ashgate.

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    Les incitations financires multiplesCertes, les acteurs locaux accordent une trs grande importance aux incitationsfinancires quils peroivent en sus du salaire. Le terme de motivation , qui estrcurrent dans leurs dolances, a en effet au Niger un sens mique beaucoup plusconomique que psychologique. Motivation , dans le langage desfonctionnaires, signifie trs directement prime, indemnit, encouragementfinancier20.Il faut souligner que ces primes et indemnits sont multiples : par exempleindemnits de fonction, de reprsentation, de logement, de tlphone, et deaupour les maires ; primes de caisse, prime de responsabilit, prime de comptabilitpour les employs de la socit des eaux (SEEN). Il peut sagir aussi de ristournes sur les recettes dun service (comme pour les centres de sant avec lerecouvrement des cots). Dautres supplments de salaires sont lis lacollaboration entre des agents de lEtat et des projets, comme, par exemple, le faitquune sage-femme soit le point focal du projet X, ou que lagent delhydraulique soit le point focal du projet Y. Il faut aussi prciser que les per-diem, accords dune part par lEtat pour les dplacements de ses agents, maissurtout par les projets pour la mme raison, ainsi que pour les multiples sessionsde formation quils financent (y compris quand il ny a pas de dplacement21), sontconsidrs trs gnralement comme des sources de revenus additionnelsimportantes et donc rentrent, du point de vue des agents, dans la mme catgorieque les primes et indemnits proprement dites.La revendication quasi permanente de supplments de salaires au sein des servicespublics renvoie en fait quatre types de logiques qui se superposent:

    1) Les salaires sont considrs comme trs insuffisants, et sontcomplts par diverses stratgies informelles visant se procurer desressources supplmentaires soit aux dpens des usagers soit auxdpens de lEtat ou des projets.

    Les primes, indemnits, ristournes et per-diem sont alors considrs commefaisant partie de ces ressources supplmentaires tous azimuts22, dont la perceptionest lgitime par les faibles salaires, et ils ne sont pas indexs, dans la perceptiondes agents, de quelconques obligations de rsultats.

    20 Mais nous garderons ici le sens habituel et beaucoup plus vaste de motivation .21 On parle alors de jeton de prsence, dargent du taxi, ou de frais dessence.22 Cf. entre autres les diverses formes lmentaires de la corruption dcrites in Blundo, G. &Olivier de Sardan, J.P. with N. Bako Arifari & M. Tidjani Alou, 2006 Everyday corruption and thestate. Citizen and public officials in Africa, London: Zed Books.

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    2) Tout travail supplmentaire demand un agent public, quel quesoit son niveau de travail rel, est considr comme devant entranerle versement dune prime ; en labsence de celle-ci, lactivit concernesera le plus souvent mal excute ou boycotte de fait.

    Dans le contexte actuel dune faible productivit des services publics au point dedlivrance, voire mme dun dsuvrement de beaucoup dagents publics (cf.notre rapport de 2010), un simple accroissement de la productivit, lexcutiondune nouvelle tche, ou une plus grande prsence au travail, sont perus commencessitant des primes.Par exemple, dans les centres de sant, o, souvent, les personnels ne travaillentque trois quatre heures par jour en moyenne, ces derniers trainent des pieds,faute de primes, pour dvelopper des activits de counselling auprs des femmesenceintes propos du dpistage du VIH-SIDA. De mme, la gratuit des soinspour les enfants de moins de 5 ans ayant entran une hausse de la frquentation,les personnels de sant se plaignent amrement de ne pas avoir reu degratifications pour ce surcrot de travail, bien que les 8 heures quotidiennesrglementaires de travail restent encore loin dtre effectues.Les agents dhygine en milieu rural nont le plus souvent pas de bureau defonction et passent une bonne partie de leur journe assis sous un manguier. Maissi on vient leur demander de recueillir des donnes inhabituelles, ils rclameronttrs gnralement une prime.

    3) Tout travail bien fait mrite une gratification supplmentaire,qui est une sorte de prime la diligence, un pourboire pour serviceeffectu.

    La prsence de nombreux personnels informels non pays au point de dlivrancedes services publics alimente une culture de la gratification : ce sont en effet des bnvoles qui font une partie des tches par dlgation informelle de la partdes agents de lEtat. Leur seul revenu consiste en ces gratifications, distribues soitpar les usagers soit par les agents, qui sont perues comme un ddommagement (terme aussi trs utilis dans le parler dAfrique pourexprimer une rtribution en gnral informelle). Dans la sant, ce sont lessecouristes, personnels auxiliaires en chmage, matrones, etc. qui effectuent unepartie des soins dans les centres de sant, et reoivent des petites sommes desmalades ou des personnels de sant. Les gendarmes recourent des informateurs,ainsi qu des commis bnvoles. Dans la justice, on a des secrtaires, des aides-greffiers, des intermdiaires en tous genres et sans salaires qui peuplent lestribunaux.Les primes collectives ou ristournes distribues aux personnels statutaires sontalors souvent redistribues en partie aux auxiliaires qui effectuent la place des

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    statutaires, ou leur profit, du travail non rmunr. Cest une sorte decompensation.Cette situation a une autre consquence. Les personnels officiels sapproprient enretour eux aussi cette culture de la gratification et considrent que toute tcheexcute avec application et conscience professionnelle mrite un geste de la partde lusager, qui dailleurs tend ne pas faire cet gard de diffrence entre lesbnvoles et les statutaires. Le fait que les gardiens privs travaillant pour lescommerants ou les yanbanga reoivent des cadeaux de la part des usagers, oudu chef des gendarmes, de faon parfaitement ouverte, lgitime et normalise les gratifications que, leur tour, les gendarmes ou les policiers peroivent, defaon plus discrte.La frontire entre primes formelles et gratifications informelles devient ainsiporeuse et floue.

    4) Limportance de la rente du dveloppement fait que touteintervention des PTF un niveau quelconque du fonctionnementdun quelconque service public est considre comme dversant unemanne financire dont tous les agents concerns doivent bnficierquel que soit leur travail rel.

    Les programmes de dveloppement ont depuis longtemps dvelopp dans leursinterventions ce type dattentes. Dans la sant, lexemple le plus vident en est lavaccination : entre les vaccinations routinires et les campagnes de vaccinationsforaines JNV (journes nationales de vaccination), des primes, finances par lesPTF, sont distribues aux formations sanitaires en fonction de la couverturevaccinale atteinte. Les JNV sont aussi considres comme rmunratrices par lesagents du fait des per-diem distribus.La culture des per-diem a dailleurs t gnralise et systmatise par lesprojets de dveloppement.Lenchevtrement de ces quatre logiques explique en quoi les primes, indemnitset ristournes sont dabord et avant tout perues comme un d lgitime, uneressource disponible capter, et non comme une incitation lefficacit ou lexcellence, comme le voudrait le NPM.

    Les enjeux autour des primesLa distribution de primes cre beaucoup de tensions et de suspicions dans lesservices.

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    Lorsque les agents de la ligne de front (les bureaucrates dinterface 23) neperoivent pas de primes ou nont pas accs aux per-diem, leurs suprieurs sontsystmatiquement suspects de les avoir gards pour eux et de sen mettre pleinles poches avec largent des PTF.Or, frquemment, les primes promises arrivent avec retard, ou narrivent pas, dufait des lenteurs bureaucratiques, de problmes de gestion, ou de changements decap des projets, ce qui accrot encore le climat de mfiance.Dautre part, les primes sont trs ingales selon les projets qui les distribuent :dans la sant, les points focaux de la PTME reoivent 7.000 FCFA/mois, les points focaux du programme tuberculose 17.500 FCFA/mois, et les pointsfocaux de lassurance qualit 25.000 FCFA/mois24. Il en est de mme des per-diem, qui varient du simple au quadruple selon les projets.De multiples ingalits sont donc cres par ce systme : entre ceux qui ont accsaux ressources des projets et ceux qui nen ont pas, entre ceux qui sont en lienavec un projet gnreux et ceux qui travaillent avec un projet avare , entreles agents recruts directement par un projet, et les agents de lEtat qui collaborent ce projet, etc.Dans ce contexte, qui favorise le chacun pour soi et les stratgies opportunisteset individualistes, les pratiques de tricherie sur les chiffres sont trs rpandues.En fabriquant des statistiques favorables pour avoir des primes plusconsquentes (cf. les cas de couverture vaccinales de la population suprieurs 100% !!), en allongeant fictivement la dure des missions de terrain, les agentsestiment tre dans leur droit (non en termes de lgalit, mais en termes delgitimit) : ils prlvent ainsi par la ruse les ressources auxquelles ils considrentquon ne leur donne pas suffisamment accs, ou dont ils pensent quon les priveinjustement, et ils compensent par leurs combines le dnuement dans lequel ilsexercent leurs fonctions. Habitus devoir sans cesse bricoler pour tenter dedlivrer les biens dont ils ont la charge, ils bricolent aussi leur propre profit,sur un fonds de dmotivation gnrale.

    DmotivationEn fait, cest bel et bien la dmotivation qui est premire par rapport la motivation !

    23 Cf. Olivier de Sardan, J.P. 2009 State bureaucracy and governance in West francophone Africa.Empirical diagnosis, historical perspective , in Blundo, G. & Le Meur, P.Y. (eds) The governance ofdaily life in Africa. Ethnographic explorations of public and collective service, Leiden: Brill: 39-71.24 Un point focal , qui est cens assurer linterface entre un projet et le service public comptentdans le domaine o ce projet intervient, et qui est un agent de ce service, bnficie aussi davantagesnon directement pcuniaires : accs aux intrants (vivres, mdicaments, matriels, bons dessence) ouau pouvoir de distribuer les intrants, accs aux formations ou au pouvoir de distribuer lesformations, etc.

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    Cette dmotivation assez largement partage des agents publics, qui sexprimequotidiennement dans des mots amers comme dans des gestes et des attitudes dedcouragement et de laisser-aller, est attribue de nombreux facteurs : lessalaires beaucoup trop bas, les conditions de travail catastrophiques (dnuementtotal en moyens de travail, de la feuille de papier aux bons dessence), lincurie oulaffairisme des suprieurs hirarchiques, le manque de ressources humaines et decomptences, le non respect par lEtat de ses engagements, le sentiment dtreabandonn, envoy au front sans arme et sans munitions, etc.Dans ce contexte de dmotivation des acteurs publics, on comprend alors que lenon versement de primes et avantages financiers accroit encore la dmotivation deces derniers, et que, inversement, leur versement est plutt une rcupration ouune rparation quune incitation se surpasser.On comprend mieux aussi pourquoi la fin dun projet aboutit la fin delengagement personnel des agents de lEtat qui travaillaient avec ce projet (au-del mme du fait que le projet fournissait des moyens de fonctionnement quidsormais font dfaut) : ne recevant plus de primes et de per-diem, les agents delEtat deviennent totalement dmotivs , contrairement la thorie desinstitutions de dveloppement qui voudrait quils prennent avec enthousiasme lerelais du projet.De mme, les agents qui ne sont pas points focaux dun projet se dsintressentde toutes les activits que ce point focal est cens impulser dans leur service :puisquil reoit de largent pour cela, cest son affaire, pas celle des autres

    Les motivations sociales et professionnellesMais si on en revient au sens large de motivation, ce qui ressort le plus desentretiens mens en 2010 est la varit et la complexit des motivations au-del duseul registre financier. Ce sens large existe bien sr dans les langues locales, etinclut cette diversit de causes possibles : on dira en zarma hay kan ga bor no gaabi(ce qui donne quelquun la force), ou hay kan ga bor zuga (ce qui poussequelquun).Trois autres registres de motivations sont apparus comme ayant un fort potentielde mobilisation : le registre symbolique, le registre moral, et le registre prospectif.

    Le registre de la reconnaissance symboliqueIl est question ici de rcompenses, mais de rcompenses symboliques. Il sagitpour les acteurs publics essentiellement dtre reconnus . Cette soif dereconnaissance sest massivement exprime. Elle semble trs insuffisamment prise en compte.Certaines formes de reconnaissance symboliques ne sont toutefois pas sansincorporer une dimension financire quil est parfois difficile disoler : les concours de balayages entre quartiers relvent de lmulation, et les gagnantes

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    sont fires de leur succs, mais elles reoivent aussi de menus cadeaux ; lesflicitations dun suprieur hirarchique ne sont pas sans susciter aussi lespoirdune promotion ou dune augmentation ; la satisfaction des leveurs lgarddun agent diligent du service de llevage sexprime aussi par des dons de lait oudanimaux. Mais, mme en labsence davantages financiers, ou si ceux-ci sontdrisoires, la reconnaissance symbolique reste nanmoins fortement apprcie, etexiste pour elle-mme.Elle se dcline en plusieurs sous registres :

    La reconnaissance hirarchiqueNous avons t surpris de voir quel point les tmoignages de satisfaction ,accords par le Ministre ou le directeur dun service un agent considr commeconsciencieux ou mritant sont valoriss par ceux qui en ont bnfici (y comprispar leur affichage dans le bureau ou le domicile). De faon plus quotidienne, lesgestes et les mots dencouragement ou de remerciement dun suprieur sontimportants.Mais la reconnaissance hirarchique joue aussi linverse, du haut vers le bas :tre apprci de ses subordonns (selon de multiples critres : par sa gnrosit,pour sa comptence, ou du fait de lexemple donn) est aussi une forme dereconnaissance professionnelle.

    La reconnaissance par la communaut La plupart des agents de lEtat en milieu rural y sont affects pour une durelimite. Certains naccordent donc pas une grande importance leur rputationlocale, alors que dautres au contraire y sont trs sensibles, et mettent en avantavec fiert les regrets et les nostalgies que dclenche chez les usagers leuraffectation dans un autre poste.Pour les personnels auxiliaires, qui eux ne sont pas soumis des mutations dansdautres localits, la reconnaissance communautaire est plus importante.

    Le registre moralLa satisfaction morale du travail bien fait, lexercice dune profession vcuecomme une vocation, le respect de valeurs thiques, sont rgulirement voquspar nos interlocuteurs.Trs normalement, ce sont trois institutions classiquement productrices demoralit qui sont le plus souvent voques comme rfrences : la famille, lcole etla religion (essentiellement lislam). Lducation reue par le pre, la mre ou unparent ou tuteur est cite comme source dune thique de la propret, du respectdes engagements, de la conscience professionnelle, comme le sont les conseils et

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    lexemple dun enseignant. La religion apparait plutt dans le registrecomplmentaire de la compassion, de laltruisme, de la charit.Les motivations civiques (le bien public, lintrt gnral) relvent aussi du registremoral, et en fait rarement voques. Il faut noter quelles ne sont pas mises aupremier plan par les trois institutions voques ci-dessus, et quelles sontcontrebalances par un discours trs rpandu au sein des populations de rejet de laclasse politique, de son verbiage, de ses promesses, et, au-del, de la politique toutcourt (le terme politik est pass en zarma et en hausa, o il est connot trspjorativement, et associ fitina, discorde).

    Le registre prospectifDe nombreux agents de lEtat disent attacher de limportance leur travail avanttout dans lespoir futur dtre promus et de faire carrire . Le travail prsent estdonc vu comme un investissement en vue de rcompenses futures. Cest cetteprojection dans un avenir meilleur qui fait supporter les milles dceptions dutravail actuel, et en particulier la pnurie de moyens, ou labsence dermunration digne de ce nom. Parmi ces satisfactions attendues de demain oudaprs-demain qui permettent de supporter aujourdhui, il faut aussi compter lesstages ltranger (producteurs de per-diem importants), les affectations dans desinstitutions ou missions internationales, les formations universitaires ouprofessionnelles.Le registre prospectif est au cur des stratgies des bnvoles , dont le butultime est darriver, aprs des annes de travail sans salaire, tre recruts ,cest--dire embauchs dans la fonction publique (ou par la mairie). Cest unestratgie de lincrustation qui finit souvent par payer, mais dans la longue dure.Dans les comits de gestion (pour la sant, la salubrit ou leau), le caractre bnvole du temps consacr par les membres des bureaux, qui est cens trepour les projets le signe dun engagement communautaire , et qui est vcu parles intresss comme une conditionnalit impose (cf. supra), relve aussi de cettestratgie : on espre, dans lavenir, accder un salaire, ou divers avantagesfinanciers de la part des projets.

    Quelques autres facteurs autour des motivations

    La peur de la sanctionLimpunit est importante en matire de faute professionnelle ou de mauvaisegestion, et que nombreux sont les responsables qui sen plaignent. On en arrive,dans le meilleur des cas, pour carter un agent incomptent, lui accorder une promotion-placard qui lcarte des contacts avec les usagers (cf. laffectation dela sage-femme de Guidan-Roumdji). Cette impunit est dans les discoursconsidre comme un facteur de laisser-aller important, ce qui signifie en creux

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    quune politique cohrente en ce domaine pourrait avoir des effets motivants .Mais elle se heurterait videmment dautres logiques bien implantes(clientliste, compassionnelle, etc.). Toutefois, nous avons rencontr une certaineefficacit de la peur de la sanction dans deux cas.

    Le syndicat des transporteursIl semble que cette organisation corporatiste, qui gre efficacement partout lesgares routires, utilise un dispositif de contrle et de sanctions progressives qui,contrairement aux procdures administratives, connat un certain succs. Lecontrle est matrialis par les nombreux barrages que le syndicat dresse sur lesroutes afin de dtecter les chauffeurs fraudeurs. La palette des sanctions,commence par un embargo (le chauffeur fautif est temporairement interditdactivit), puis y ajoute une amende, et enfin se termine par le recours ultime lagendarmerie.

    Les pouvoirs magico-religieuxLa rputation magico-religieuse dun chef, dun prfet, dun chef de gare routireou de march, ou dun douanier fait parfois plus pour que ses directives soientexcutes que sa fonction proprement dite. Les pouvoirs mystiques ou occultessont partout craints. Mais sils peuvent tre mis au service dun respect des rgles,ils peuvent inversement protger celui qui les bafoue. Cest toute lambigut du blindage des yambanga, qui leur assure une certaine invulnrabilit : ils peuventaussi passer du ct des voleurs

    La fin des vocations ?Les discours nostalgiques sont frquents qui voquent un temps ancien o lonchoisissait dtre infirmire par vocation, et o devenir fonctionnaire taitindissociable dune idologie du service de lEtat. Ces discours stigmatisentinversement un temps actuel o dominent les stratgies opportunistes, vnales oucarririste.Quatre lments sont rgulirement voqus pour expliquer ce changement : (a)les annes sans salaires, synonymes dune perte de confiance en lEtat ; (b) laprogression spectaculaire de la corruption, du sommet de lEtat la base, et lemauvais exemple des lites politiques ( le poisson pourrit par la tte est un dictontrs rgulirement cit); (c) ltat dplorable du march du travail et le chmagedes diplms ; (d) et, en ce qui concerne la sant, la multiplication des coles deformation prives, purement mercantiles, sans contrle des normesdenseignement.

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    Les obligations sociales et la fminisation des mtiersLe poids des obligations sociales (baptmes, mariages, dcs, en particulier),qui relvent dune sociabilit familiale et vicinale trs tendue, interfre enpermanence sur la dlivrance des services, dans la mesure o cest un facteurdabsentisme important, au jour le jour, considr de faon gnrale commelgitime.Or, de lavis gnral, ce sont les femmes qui sont le plus particulirementastreintes ce type dobligations sociales, et qui leur accordent la priorit sur lesobligations professionnelles. La fminisation de certains mtiers (comme la sant)est donc souvent perue comme se faisant aux dpens des ncessits du servicepublic. Labsence pendant deux jours de la seule sage-femme de la maternitpartie pour un baptme la ville voisine en est lexemple typique Cestvidemment un facteur important de dmotivation.

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    III. Conclusion

    Lintroduction prochaine par la Banque mondiale dun systme de rmunrationbas sur la performance au sein de certains segments du mode de gouvernancebureaucratique fournira une opportunit unique pour voir comment un telsystme, conu par des experts conomistes des institutions internationales et desUniversits de management du Nord, sera mis en uvre au Niger, dans desconditions trs diffrentes de celles o il a t conu, et comment il sera appropri (ou dtourn ) par les acteurs intresss, en fonction des logiquesdaction et des normes pratiques qui leur sont propres.Il y aurait l une tude de cas idale pour une analyse de l implementation gap ,typique des politiques publiques, et pour un suivi en temps rel dune rforme quisera induite de lextrieur, mais avec laccord des autorits nationales, en vuedamliorer la gestion des ressources humaines, lorganisation des services, laproductivit des agents et la qualit des services dlivrs, qui sont effectivementdes goulots dtranglement importants de la gouvernance bureaucratique.Ce systme sappuie sur une nouvelle forme de redevabilit que nous pourrionsappeler la redevabilit statistique (qui est aussi dcrite sous le nom de politique duchiffre ), cense tre enfin la solution face aux trs rels problmes de motivation des agents, en permettant de les rtribuer sur la base doutils desuivis quantitatifs de leurs performances.On peut se demander ce que donnera comme effets une rforme qui privilgie uneseule forme de redevabilit et une seule forme de motivation , dans un universprofessionnel et social domin par le pluralisme et la co-dlivrance. Il serait doncparticulirement intressant de documenter, au Niger, et dans dautres pays, leprocessus dimplmentation de cette nouvelle politique.

  • LASDELLaboratoire dtudes et recherches

    sur les dynamiques sociales et le dveloppement localBP 12 901, Niamey, Niger tl. (227) 20 72 37 80BP 1 383, Parakou, Bnin tl. (229) 23 10 10 50

    www.lasdel.net

    Ce rapport est issu de la recherche APPP (African Power and Politics Program),coordonn par ODI (Overseas Development Institute)

    et financ par le Dpartement du Ministre du dveloppement internationaldu Royaume-Uni (DFID) et par le Ministre des Affaires Etrangres Irlandais (Irish

    Aid)

    *********.

    La collection Etudes et Travaux du LASDEL propose des rapports de recherche issusdes travaux mens par le LASDEL. Ils sont disponibles en ligne (www.lasdel.net) ou envente son secrtariat.Derniers numros parus :n98 Les pouvoirs locaux et le rle des femmes Namaro (tude de suivi an 4, 2008), par Younoussi

    Issa (2011)n99 Les retards de remboursements lis la politique de gratuit des soins au Niger ont des effets

    nfastes sur la capacit financire des formations sanitaires, par Kafando Y., Mazou B,Kouanda S., Ridde V. (2011)

    n100 Le Lasdel. Construire un ple africain de sciences sociales, par J.P. Olivier de Sardan et M.Tidjani Alou (2012)

    n101 La prise en charge de laccouchement dans trois communes au Niger. Say, Balleyara et GuidanRoumji, par Assa Diarra (2012)

    Le LASDEL (Laboratoire dtudes et de recherches sur les dynamiques sociales et ledveloppement local) est un centre de recherche en sciences sociales implant au Niger etau Bnin), dont les principaux axes de travail portent sur la dlivrance des services publics,la mise en uvre des politiques publiques et les interactions avec les usagers (sant,hydraulique, pastoralisme, ducation, justice, etc.), les pouvoirs locaux et ladcentralisation, et lintervention des institutions de dveloppement. Le LASDEL recourt des mthodes qualitatives fondes sur les enqutes de terrain approfondies. Il met ladisposition des chercheurs et doctorants son Centre de Documentation de Niamey. Ilcontribue la formation de jeunes chercheurs, en particulier avec son Universit dt.