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Génétique et physiologie cellulaire M me Christine PETIT, membre de l’Institut (Académie des sciences), professeur PERCEPTION AUDITIVE : DéVELOPPEMENT ET PLASTICITé Les cours et séminaires se sont décomposés de la façon suivante : 15 décembre 2011 – Cours : Développement du système auditif chez les mammifères : inné et acquis. – séminaire : Walter Marcotti (Dept. Biomedical Science, University Sheffield, Royaume-Uni) : Development of mammalian cochlear hair cells: sensory- independent electrical activity vs genetic programme. 12 janvier 2012 Cours : Les vocalisations périnatales, premiers signaux acoustiques de la communication entre individus de même espèce. Séminaire : Daniele Schön (Institut Neurosciences cognitives de la Méditerranée, CNRS, Marseille) : Musique et plasticité cérébrale. 19 janvier 2012 Cours : La plasticité du système auditif, clé d’une restauration de la fonction auditive chez les malentendants. Séminaire : Robert Shannon (Dept. Communication & Auditory Neuroscience, House Ear Institute & USC Biomedical Engineering, Los Angeles, états-Unis) : Adventures in Bionic Hearing. 26 janvier 2012 Cours : épilepsies déclenchées par le son et épilepsies à composante auditive : bases génétiques et modèles animaux. Séminaire : Patrick Chauvel (Inserm & hôpital de la Timone, université Aix- Marseille, Marseille) : Illusions et hallucinations auditives dans les épilepsies.

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Génétique et physiologie cellulaire

Mme Christine petit, membre de l’Institut(Académie des sciences), professeur

perception auditive : développement et plasticité

Les cours et séminaires se sont décomposés de la façon suivante :

15 décembre 2011

– Cours : développement du système auditif chez les mammifères : inné etacquis.

– séminaire : walter marcotti (dept. biomedical science, university sheffield,royaume-uni) : Development of mammalian cochlear hair cells: sensory-independent electrical activity vs genetic programme.

12 janvier 2012

− Cours : Les vocalisations périnatales, premiers signaux acoustiques de lacommunication entre individus de même espèce.

− séminaire : daniele schön (institut neurosciences cognitives de la méditerranée,Cnrs, marseille) : musique et plasticité cérébrale.

19 janvier 2012

− Cours : La plasticité du système auditif, clé d’une restauration de la fonctionauditive chez les malentendants.

− séminaire : robert shannon (dept. Communication & auditory neuroscience,house ear institute & usC biomedical engineering, Los angeles, états-unis) :Adventures in Bionic Hearing.

26 janvier 2012

− Cours : épilepsies déclenchées par le son et épilepsies à composante auditive :bases génétiques et modèles animaux.

− Séminaire : patrick Chauvel (inserm & hôpital de la timone, université aix-marseille, marseille) : illusions et hallucinations auditives dans les épilepsies.

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Développement du système auditif chez les mammifères :inné et acquis

Le cours de l’année 2011-2012 a porté sur le développement et la plasticité dusystème auditif. Le premier des quatre cours avait pour objectif d’examinercomment, à travers des approches qui relèvent de disciplines différentes, unecompréhension du développement du système auditif se construit progressivement.de plus, le morcellement de l’émergence de ses propriétés et l’étude des changementsmorpho-fonctionnels concomitants des circuits neuronaux sont susceptiblesd’éclairer le mode de fonctionnement du système auditif mature.

La vision traditionnelle du développement du système auditif, calquée sur celled’autres régions cérébrales, considérait deux phases du développement, l’une précoce,durant laquelle une connectivité neuronale grossière se mettait en place, et l’autre plustardive, durant laquelle ces connexions s’affinaient. La première phase, pensait-on,était génétiquement déterminée et indépendante de toute activité neurale, tandis quela seconde était le résultat d’interactions entre le système nerveux et l’environnement.La vision actuelle considère que l’activité neurale et la programmation génétiqueentretiennent un dialogue étroit dès les stades les plus précoces du développement,via l’activité, d’abord spontanée, puis provoquée, des neurones.

Lors du premier cours, nous nous sommes intéressés à la mise en place, chezl’homme, des performances auditives, appréciées par des tests psycho-acoustiqueset objectifs, puis chez l’animal, aux éléments qui éclairent la part de l’inné et cellede l’acquis dans le développement du système auditif. Le décryptage des mécanismescellulaires et moléculaires sous-jacents, qui a débuté il y a quelques années, aensuite été illustré par quelques exemples.

Développement du système auditif : performances psycho-acoustiques,et maturation des circuits neuronaux (tests électro-physiologiques,données histologiques, mécanismes cellulaires et moléculaires)

Maturation des performances psycho-acoustiques et tests objectifs

Chez l’homme, la structure du système auditif est, pour l’essentiel, en place àla naissance. sa maturation se poursuit bien au-delà, tant au niveau périphériqueque central, et pour certains de ses éléments ou certaines de ses fonctions, jusqu’àl’âge adulte. Les trois compartiments de l’oreille ont des origines embryologiquesdifférentes (fritzsch, 1998), et si la cochlée a sa taille définitive et estfonctionnellement mature à la naissance, le conduit auditif de l’oreille externen’atteint sa taille définitive qu’une dizaine d’années plus tard. Le conduit auditifexterne se forme dès la quatrième ou cinquième semaine de vie embryonnaire, ets’allonge avec l’âge. sa fréquence de résonance baisse en parallèle ; elle passe de4,5-5 khz chez le petit enfant à environ 3 khz chez l’adulte, ce qui fait glisser leseuil de sensibilité maximale de l’audition progressivement à environ 3 khz.quant à l’oreille moyenne, son impédance est aussi plus faible chez l’enfant quechez l’adulte.

Les noyaux et faisceaux auditifs centraux apparaissent dans un ordre spécifique(Cant, 1998) et à la huitième semaine de vie embryonnaire, le noyau cochléaire, lenoyau médian du corps trapézoïde, le complexe olivaire supérieur, le lemnisquelatéral, le colliculus inférieur et le corps genouillé médian du thalamus sont tous

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présents. C’est seulement à la 22e semaine de vie fœtale que les axones provenantdu thalamus gagnent la plaque corticale. avant la fin du 2e trimestre de gestation,les connexions neuronales sont suffisantes pour que les sons déclenchent uneréponse corticale. de la 25e à la 40e semaine, le fœtus humain devient graduellementsensible aux composants spectraux et temporels des sons. Le seuil de sensibilité auxsons purs (mono-fréquentiels) est alors élevé et, contrairement à ce que l’on observechez l’adulte, varie peu avec la fréquence sonore. il baisse ensuite progressivementen commençant par les hautes fréquences (sons aigus). À l’âge de deux ans, lasensibilité aux sons de haute fréquence est comparable à celle de l’adulte. Ladiscrimination fréquentielle, c’est-à-dire la capacité à distinguer deux fréquencesproches présentées séquentiellement, augmente après la naissance, et rejoint déjàcelle de l’adulte pour les sons présentés pendant une durée suffisamment longue.pour les sons brefs, elle s’accroît jusqu’à l’âge de neuf ans. À l’âge de 4 ans, ladiscrimination en intensité est comparable à celle de l’adulte.

La détection de la modulation en amplitude et en fréquence des sons, essentielleà la compréhension de la parole, croît en sensibilité, pour la première jusqu’à l’âgede 9 ou 10 ans, voire 12 ans, et pour la seconde jusqu’à l’âge de 8 ans, et ne variepas au-delà. La résolution temporelle, définie par le temps minimal nécessaire entredeux événements acoustiques pour qu’ils soient perçus comme distincts, est souventappréciée par la fonction de transfert de modulation temporelle (en anglais, temporalmodulation transfer function). proposé par neal viemeister en 1979 (viemeister,1979), le test correspondant consiste en la détection d’une modulation à différentesfréquences de l’amplitude d’un son à large bande. pour les fréquences allant de4 hz à 50 hz, le seuil de détection de la modulation en amplitude reste constant.au-dela de 50 hz, et jusqu’à 800 hz, ce seuil croit de 3 décibels pour chaquedoublement de la fréquence de modulation. La résolution temporelle est considéréecomme la fréquence pour laquelle le seuil commence à se dégrader. Chez l’enfantde 6 mois comme chez l’adulte, cette fréquence est de 50 hz.

La localisation de la source sonore gagne en précision durant les 5 premièresannées de vie ; l’angle minimal perceptible entre deux sources sonores passe de 25à 2 degrés. pour certains individus, la progression s’étend davantage.

La part de la maturation d’autres fonctions, comme l’attention, compliquel’interprétation de nombreux tests, d’où le recours à des tests objectifs.L’enregistrement des potentiels évoqués auditifs, dont certains ne nécessitent pasl’attention du sujet, ni même sa vigilance, permet de s’affranchir de ces difficultés.ils sont en général enregistrés par électroencéphalographie ou magnéto-encéphalographie (les champs magnétiques produits par les courants électriquesn’étant pas distordus par les milieux traversés, la magnétoencéphalographiefournit une bien meilleure localisation de l’origine des courants que l’électro-encéphalographie). L’amplitude des potentiels évoqués auditifs est souvent trèsfaible (de l’ordre d’une fraction de microvolt pour certains potentiels évoquésauditifs, alors que l’activité spontanée enregistrée sur l’électro-encéphalogrammeest de l’ordre de la dizaine de microvolts). pour détecter et analyser ces potentielsde faible amplitude alors que le bruit de fond est considérable, bruit de fond etsignaux obtenus au cours de stimulations répétées sont moyennés. Le signalenregistré par des électrodes posées sur le scalp peut venir du cerveau, du tronccérébral et aussi des nerfs auditifs.

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Les trois principaux types de potentiels évoqués auditifs qui peuvent êtreenregistrés sont :

– les potentiels évoqués auditifs précoces ou potentiels évoqués auditifs du tronccérébral (en anglais, Auditory brainstem response et en abrégé abr) : ondessurvenant d’environ 1,5 ms à 7 ms après la stimulation ;

– les potentiels évoqués auditifs de latence moyenne : middle latency response,abrégé mLr : ondes survenant de 25 à 50 ms après la stimulation ;

– les potentiels à ondes tardives, au premier rang desquels l’onde négative dediscordance (en anglais, mismatch negativity, abrégé mmn) : ondes survenant de80-100 ms à 200-250 ms après la stimulation.

La détection des potentiels évoqués auditifs du tronc cérébral (abr) suppose unedécharge synchrone des différentes fibres, et le parallélisme de ces fibres. La duréede chacune des ondes abr conditionne la fréquence la plus basse du stimulussonore pour lequel la réponse pourra être analysée : ainsi, le son le plus grave donton peut analyser la réponse ne peut avoir une période plus longue que la durée del’onde à analyser. Chez l’homme, on utilise un son à large bande spectrale (« clic »),qui comporte des fréquences allant de 1 ou 2 khz à 4 khz. Les abr ne décèlentdonc pas les atteintes qui portent sur les réponses aux sons de basse fréquence.Chez l’animal, la souris par exemple, qui entend des sons de fréquence élevée, onpeut tester la réponse à de tels sons en utilisant un son de bande étroite (soit unevariation d’environ 5 % autour de la fréquence centrale).

Chez l’homme, on distingue 5 ondes sur un enregistrement abr, parfois 6. Lesonde i et ii correspondent à l’activité synchrone des neurones auditifs primaires.L’onde iii correspond à l’activité des cellules en buisson sphériques et globulairesdu noyau antérieur du noyau cochléaire (les neurones dont le profil de décharge semaintient en plateau ne peuvent contribuer à cette onde, tandis que les cellules enbuisson sphériques et globulaires ont un profil de décharge semblable à celui desneurones auditifs). Les abr n’explorent pas la réponse du noyau cochléaire dorsal.L’onde iv est peu visible ; elle émane de la région située entre le noyau cochléaireet le lemnisque latéral. L’onde v provient du lemnisque latéral. L’onde vi, quandelle est décelée, correspond à l’activité du colliculus inférieur.

Les abr et les réponses corticales mesurées par les potentiels évoqués auditifscorticaux (Caep, cortical auditory evoked potential) sont enregistrables chez lesenfants nés prématurément entre la 27e et la 29e semaine. Les ondes abrn’acquièrent cependant un profil de type adulte que chez l’enfant âgé d’un an ;l’onde ii, par exemple, n’est systématiquement décelable qu’à partir d’un mois.Cependant, ces tracés abr se distinguent des tracés observés chez l’adulte par leslatences des pics et les délais entre pics. ils diminuent avec la myélinisation, quiaccélère la conduction neuronale et est essentielle pour obtenir une réponsesynchrone. La myélinisation progresse de façon centripète. La latence de l’onde iatteint sa valeur adulte à l’âge de 2 à 3 mois, celle de l’onde v diminue jusqu’àl’âge de 2 ans, voire 3 ou 4 ans. La myélinisation débute assez tardivement, autourde la 27e semaine de gestation dans le système auditif central, et elle se poursuitaprès la naissance (moore & Linthicum, 2007).

Les potentiels de latence moyenne sont enregistrés chez des individus vigilants ;un certain degré d’éveil est requis ainsi qu’un environnement calme. Leur intérêtmajeur est de permettre d’explorer la réponse pour chaque fréquence et de tracer« un audiogramme objectif ». Les tracés comportent une onde négative « na », quisuit immédiatement l’onde positive v des abr ; son origine est discutée, sans

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doute thalamique ou corticale. elle est suivie d’une onde positive (pa), qui survientenviron 30 ms après la stimulation et provient des deux cortex auditifs. puis on notedes ondes nb et pb, nc et pc, dont la signification est mal connue. La nomenclaturedes ondes de l’adulte ne s’applique pas à l’enfant tant les changements des formesd’ondes sont considérables. Ces ondes deviennent semblables à celles de l’adulteentre 10 et 14 ans.

Les dernières ondes sont des ondes corticales. elles sont de deux types : lesondes lentes et les ondes tardives. Les ondes lentes correspondent à la séquencep1-n1-p2. L’onde n1, dite aussi onde n100, est une grande onde négative quisurvient, comme l’indique sa nomenclature, environ 100 ms après la stimulationsonore. elle est enregistrée dans la région frontale centrale du scalp. elle estsouvent évoquée sous la forme d’un complexe, n100-p200 ou n1-p2. L’onden100, est également provoquée par d’autres stimulations sensorielles. dans lesystème auditif, elle est produite par une population neuronale située dans le cortexauditif primaire et des neurones des cortex auditifs associatifs. son amplitude varieavec l’intensité sonore, l’intervalle de stimulation entre les sons, et la comparaisonentre la fréquence et l’amplitude d’un son et celles du son précédent. elle est liéeau degré d’éveil et d’attention. Ces ondes permettent d’obtenir un audiogrammeobjectif. Chez le jeune enfant, une onde n100 se développe lentement entre l’âgede 1 et 4 ans, tandis que prédomine une onde « p100 ». puis apparaît une onden200, qui domine les potentiels évoqués jusqu’à l’adolescence, et serait identiqueà l’onde n100 de l’adulte. La forme adulte du complexe n100-p200 se développeaprès l’âge de dix ans.

parmi les ondes tardives, nous nous sommes intéressés à celle qui correspond àla « négativité de discordance ». Ce potentiel évoqué a été découvert par le finlandaisristo näätänen en 1978 (naatanen et al., 1978). même si son amplitude peut êtremodulée par le degré d’éveil et d’attention, ce potentiel traduit pour l’essentiel laréponse automatique et inconsciente à tout type de discordance introduite dans unsignal sensoriel régulier. il est particulièrement bien documenté dans le systèmeauditif, et à un degré moindre dans le système visuel. en règle générale, le sujet estmis en présence d’un signal répété, dont la monotonie est rompue par modificationde l’un de ses paramètres. La différence dans les réponses provoquées par l’un etl’autre signal se traduit par l’apparition d’une large onde négative surl’électroencéphalogramme, 100 à 250 ms après la rupture de la régularité du signal.Cette grande onde négative, qui suit de très près l’onde n1 et apparaît pour n’importequel changement acoustique qui rompt l’homogénéité d’une séquence sonore,séquence simple ou complexe, avec des variations portant sur la hauteur, la durée,ou l’intensité des sons ou la localisation de la source sonore, est un remarquableoutil pour une évaluation objective de la perception des paramètres acoustiques. sonamplitude est corrélée à l’importance de la discordance. La négativité de discordanceest mise à profit pour étudier la perception des sons à tout âge, y compris chez lenourrisson endormi. notons que si le test est pratiqué chez un adulte éveillé, laprésence de cette onde ne s’accompagne pas nécessairement d’une aptitude àexpliciter la nature de la différence introduite dans le signal. À titre d’exemple, uneirrégularité dans une suite ascendante de sons chez un enfant crée une négativité dediscordance à partir de l’âge de 4 mois. La négativité de discordance est aussiutilisée pour mettre en évidence la discrimination des syllabes. une autre ondenégative plus tardive, survenant entre 300 et 550 ms après la stimulation, appartientaussi à la réponse « négativité de discordance » : elle traduit une discordance dans

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une étape ultérieure du traitement des stimuli auditifs, par exemple pour la parole,à une étape phonologique ou lexicale. Ces deux ondes tardives changent de formeet de latence de la naissance à l’adolescence, voire au-delà. enfin, il existe desondes tardives positives comme l’onde p300, qui nécessite un certain degré deconscience du sujet, et acquiert un profil adulte vers l’âge de 20 ans.

L’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) est aussi une méthoded’analyse possible dès la naissance ; elle permet une bonne résolution spatiale deszones impliquées dans les tâches perceptives.

Mise en place de la connectivité du système auditif, établissementet maturation de la tonotopie : rôle de l'activité électrique spontanéeet provoquée par le son, mécanismes cellulaires et moléculaires

Les questions auxquelles nous nous sommes intéressés sont les suivantes : quelest l’ordre d’établissement des diverses connexions synaptiques dans le systèmeauditif durant le développement ? sont-elles dépendantes de l’activité spontanée desneurones ou des cellules sensorielles ? quand la tonotopie se met-elle en place dansles différents noyaux ? quelles sont les étapes du développement qui sont influencéespar l’activité neuronale provoquée ?

seules des réponses très partielles peuvent aujourd’hui être apportées à cesquestions. une approche génétique, permettant de visualiser les neurones auditifsprimaires chez la souris au quinzième jour embryonnaire (e15.51), a conclu que laformation des synapses centrales de ces neurones avec les neurones en buisson dunoyau cochléaire précède d’environ une journée la formation de leurs synapsespériphériques avec les cellules sensorielles auditives (koundakjian et al., 2007).des molécules de guidage interviennent dans la migration des dendrites et axonesdes neurones auditifs primaires, mais la présence de leurs cibles cellulaires nesemble pas indispensable à cette étape. une tonotopie des projections centrales estd’emblée établie, par un mécanisme non élucidé ; un rôle possible d’interactionsentre axones, comme dans le système olfactif, a été évoqué. Les synapses queforment les terminaisons axonales des neurones auditifs primaires sont volumineuses :elles sont dites en bulbes terminaux (en anglais, end-bulbs of Held) ; ce sont enréalité des calices qui, par leur taille, sécurisent la transmission synaptique, ce quipermet de maintenir la fidélité temporelle du signal électrique. Ces calices sontparticulièrement développés autour des corps cellulaires des cellules en buissonsphériques de la partie la plus antérieure du noyau cochléaire ventral. La taille deces synapses paraît être en rapport avec l’activité synaptique. Chez les animauxsourds par atteinte cochléaire, elle est réduite, et redevient normale après implantationcochléaire (étude chez le chat). de plus, des neurones auditifs primaires dont le tauxde décharge spontané est élevé (neurones « à bas seuil ») forment de larges calices,et ceux dont le taux de décharge spontané est faible, de petits calices. une étuderéalisée chez le chat, avec marquage des neurones auditifs primaires par laneurobiotine (Leake et al., 2002), a montré que leurs projections tonotopiques dans

1. des souris transgéniques exprimant la recombinase cre inductible par le tamoxifène,sous le contrôle du promoteur du gène codant pour le facteur de transcription neurogénine-1(ngn1-Creert2), qui s’exprime dans les neurones auditifs primaires, étaient croisées avecles souris rosa26reporter de sorte que, dans leur descendance, la ß-galactosidase s’exprimait,dans cette région, dans ces seuls neurones.

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le noyau cochléaire s’affinent entre la période néonatale et l’âge adulte. d’autrestravaux ont établi que l’activité spontanée dans le système auditif est nécessaire àla survie des neurones, et au maintien comme à l’affinement des cartes tonotopiquescérébrales.

récemment, l’étude de l’activité spontanée précoce des neurones auditifsprimaires a connu un regain d’intérêt. Cette activité a été caractérisée par dwightbergles, qui s’est ensuite attaché à comprendre celle des cellules ciliées internes,qui transmettent à ces neurones l’information en rapport avec le stimulus sensoriel,c’est-à-dire l’onde acoustique. dans une série d’articles, bergles (tritsch et al.,2007 ; tritsch & bergles, 2010 ; tritsch et al., 2010) montre, chez le rat,immédiatement après la naissance, la présence de « mini-rafales » de potentielsd’action dans les neurones auditifs primaires. elles durent de 2,5 à 3 secondes,comportent une quinzaine de potentiels d’action, surviennent à intervalles d’environ2 minutes, et se propagent dans les voies centrales (complexe olivaire supérieur).L’activité spontanée de ces neurones diminue considérablement juste avant la miseen place de l’audition, de sorte que la réponse provoquée par le son devienttotalement prépondérante. dans la cochlée mature demeure cependant une faibleactivité spontanée des neurones auditifs primaires, dont le taux de décharge varied’un neurone à l’autre parmi la vingtaine de neurones qui innervent chaque celluleciliée interne mature. Certains ont un taux de décharge spontanée plus grand qued’autres, et une réponse provoquée dont le seuil est plus bas ; ceux dont le taux dedécharge spontanée est le plus faible ont la réponse provoquée par le son dont leseuil est plus élevé. Les « mini-rafales » sont dues à la libération de glutamate parles cellules ciliées internes. Le groupe de bergles a découvert l’existence d’unelibération d’atp par les cellules de soutien de l’organe de kölliker, cellules voisinesdes cellules ciliées internes, et qui disparaissent avant l’étape finale de maturationde la cochlée. Cette libération pourrait être en rapport avec les vagues calciques quise propagent alors dans la cochlée via les jonctions intercellulaires communicantes.il a proposé un schéma d’activation des cellules ciliées internes, selon lequel lescellules de soutien libéreraient de l’atp, qui se fixerait sur des récepteurs-canauxpurinergiques p2x situés à la surface apicale de la cellule ciliée interne ; cesrécepteurs p2x disparaissent quand la maturation cochléaire est achevée. La fixationde l’atp ouvrirait ces canaux, et provoquerait une dépolarisation de la cellule ciliéeinterne, conduisant à l’ouverture des canaux calciques synaptiques et la libérationdu glutamate sur les terminaisons dendritiques des neurones auditifs primaires.Cependant, ce schéma fait débat. walter marcotti a présenté des résultats biendifférents dans le séminaire qu’il a donné immédiatement après ce cours (Johnsonet al., 2011). il confirme la libération d’atp par les cellules de soutien, mais remeten cause son rôle dans la dépolarisation des cellules ciliées internes à l’origine deleur activité spontanée. walter marcotti critique les conditions expérimentalesd’enregistrement des potentiels électriques des cellules ciliées internes par le groupede bergles. or, c’est précisément en se fondant sur les valeurs du potentiel électriquede repos (vm) de la cellule ciliée interne immature (qui indiquent unehyperpolarisation de cette dernière) que ce groupe a écarté les explications del’activité spontanée de la cellule ciliée interne qui prévalaient jusqu’ici, à savoir, despotentiels d’action calciques provenant du jeu des courants calcique et potassiquerectificateur retardé, la fréquence de ces potentiels étant modulée par d’autrescourants, courant sodique, courant potassique activé par l’ion calcium (isk2), voireles courants calciques dus aux efférences cholinergiques de cette cellule. walter

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marcotti confirme les valeurs du potentiel de repos de la cellule ciliée interneimmature rapportées précédemment ; parce qu’elles sont supérieures à celle dupotentiel d’activation des courants Ca2+, il conclut qu’il n’y a plus lieu de faireintervenir une dépolarisation de la cellule ciliée interne par l’atp pour rendrecompte des potentiels d’action spontanés de ces cellules. il découvre que lafréquence de l’activité spontanée des cellules ciliées internes présente des variationstonotopiques (fréquences de 0,6 hz à l’apex et 1,2 hz à la base). il montrel’implication dans ces variations fréquentielles des efférences cholinergiques : parl’influx de Ca2+ qu’elles entraînent, elles inhibent l’activité des cellules ciliéesinternes en les hyperpolarisant via l’activation du courant isk2 par Ca2+. tout enconfirmant l’effet dépolarisant de l’atp à forte dose, il montre que l’inhibition dela fixation de l’atp endogène (par un inhibiteur dont la spécificité est cependantdiscutable), de façon inattendue, a aussi un effet dépolarisant. il avance que l’atp,dans cet autre rôle, agit sur un autre récepteur p2x, un récepteur situé à proximitéde la synapse qui, en raison de sa colocalisation avec les canaux sk2, contrôleraitl’activité de ces derniers. Le récepteur synaptique p2x3 paraît être un bon candidaten raison de son gradient tonotopique et de sa présence transitoire. ainsi, il attribueà l’atp et aux efférences cholinergiques un rôle inhibiteur de l’activité spontanéedes cellules ciliées internes immatures. il suggère que cet accord en fréquence descellules ciliées internes immatures et de leurs neurones afférents primaires sert àaffiner la carte tonotopique des projections de ces derniers sur le noyau cochléaire.

nous avons ensuite examiné les données qui éclairent la façon dont s’affinent lescartes tonotopiques au niveau du complexe olivaire supérieur. dans l’ajustement dela réception de l’information venue de l’une et l’autre oreille sur les neuronesbipolaires de l’olive supérieure médiane et latérale, l’empreinte de l’expérienceauditive est attendue. Ce point a été traité au début du second cours. nous avonsd’abord présenté, en les réactualisant, les connaissances sur les deux circuitsneuronaux du tronc cérébral, dont l’activité permet la localisation de la sourcesonore dans le plan horizontal chez les mammifères : celui de l’olive supérieuremédiane, qui s’appuie sur le délai temporel de l’information qui lui parvient del’une et l’autre oreille, et celui de l’olive supérieure latérale, qui s’appuie sur ladifférence d’intensité sonore reçue par l’une et l’autre oreille. Les neuronesbipolaires se comportent comme des détecteurs de coïncidence de l’informationprovenant de chacune des deux oreilles, coïncidence temporelle pour ceux de l’olivesupérieure médiane, coïncidence en intensité pour ceux de l’olive supérieurelatérale. nous avons vu que cette dichotomie avait progressivement laissé s’installerl’idée d’un traitement des basses fréquences dans l’olive supérieure médiane (lesondes de basse fréquence étant diffractées par la tête, un délai temporel est introduitentre leur arrivée à l’une et l’autre oreille quand la source s’éloigne de l’azimut 0)et des hautes fréquences dans l’olive supérieure latérale (la tête fait écran aux ondesde haute fréquence et l’intensité du son qui parvient à l’une et l’autre oreille estdifférente quand la source s’éloigne de l’azimut 0). Cette vision simplificatrice arécemment été remise en question (grothe et al., 2010). quoi qu’il en soit, aussibien pour le développement du circuit de l’olive supérieure latérale que pour celuide l’olive supérieure médiane, les données dont on dispose ne portent que sur lamaturation de leurs afférences inhibitrices, constituées par les terminaisons axonalesdes neurones du noyau médian du corps trapézoïde, qui se projettent sur les neuronesbipolaires de chacun des noyaux olivaires supérieurs, médian et latéral. unajustement de la carte tonotopique des afférences excitatrices est cependant attendu.

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Lors d’un cours précédent, nous avions présenté des travaux indiquant que lasensibilité azimutale médiée par l’olive supérieure médiane croît après la naissance,sous l’effet de l’expérience auditive. Chez des gerbilles élevées dans desenvironnements bruités, où les sources sonores sont multidirectionnelles, ellen’augmente pas. or, avant la mise en place de l’audition, les terminaisonsglycinergiques des neurones du noyau médian du corps trapézoïde sont présentes àla fois sur les dendrites et le corps cellulaire des neurones bipolaires de l’olivesupérieure médiane. Lors de la mise en place de l’audition, il s’opère une transition :toutes les projections glycinergiques disparaissent, à l’exception quasi-exclusive decelles qui sont présentes sur le corps cellulaire des neurones bipolaires. Cettetransition dépend de l’expérience auditive ; si les sources sonores sontmultidirectionnelles dans la période postnatale, cette transition n’a pas lieu.

récemment, des avancées ont été réalisées dans la compréhension de la mise enplace de la tonotopie des neurones bipolaires de l’olive supérieure latérale. au stademature, ces détecteurs intègrent les signaux excitateurs glutamatergiques venant dunoyau cochléaire ipsilatéral et les signaux inhibiteurs de type glycinergique venantdu noyau médian du corps trapézoïde, qui reçoit ses informations de l’oreillecontrolatérale. Les projections venant des deux côtés sont organisées de manièretonotopique, de sorte que le neurone bipolaire, en réponse à un son, est excité parles afférences venant d’un côté et inhibé par celles venant de l’autre. durant ledéveloppement, cet alignement se met en place pour une large mesure sansexpérience auditive. en effet, chez la gerbille, les courbes d’accord en fréquencedes neurones inhibiteurs du noyau médian du corps trapézoïde et des neuronesexcitateurs du noyau cochléaire qui se projettent sur les différents neurones bipolairesindiquent qu’il existe déjà une organisation tonotopique de ces projections aumoment de la mise en place de l’audition, soit au jour 13 ou 14 après la naissance.L’ajustement en fréquence gagne en précision jusqu’à l’âge adulte. Ceci met en jeuun processus en deux temps. avant l’expérience auditive a lieu une inactivationfonctionnelle des synapses entre les neurones du noyau médian du corps trapézoïdeet les neurones bipolaires de l’olive supérieure. À cette date, les extrémités axonalesdes neurones du noyau médian du corps trapézoïde libèrent du gaba, du glutamateet de la glycine. en utilisant du glutamate « encagé », il a été possible d’analyser lafonctionnalité de ces connexions. en 5 à 6 jours en période postnatale, chez le rat,et avant l’apparition de l’audition, 75 % des branches axonales ne sont plusfonctionnelles, ce qui correspond à un accroissement de la précision tonotopiquefonctionnelle d’un facteur 2. en revanche, l’amplitude des courants dans lessynapses qui restent actives est multipliée par 12. une semaine plus tard, lesextrémités axonales de ces neurones silencieux disparaissent (est associée ladiminution de l’étalement des dendrites des neurones bipolaires détecteurs decoïncidence le long de l’axe tonotopique). La disparition de certaines terminaisonsaxonales survient après la mise en place de l’audition, et elle dépend de l’expérienceauditive. L’ablation cochléaire interfère avec ce processus.

quelle est l’explication proposée pour rendre compte de l’installation du silencefonctionnel initial ? aux stades précoces du développement, le gaba est, non pasinhibiteur, mais excitateur, donc dépolarisant. on a avancé l’hypothèse que ladépolarisation des neurones bipolaires de l’olive supérieure latérale, suite à lalibération de gaba par les neurones du noyau médian du corps trapézoïde,déclenche des potentiels d’action et active aussi les canaux calciques dépendant duvoltage. Ces réponses calciques pourraient être restreintes localement et activer des

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cascades de signalisation intracellulaires dépendant du calcium, qui diminueraientla force des synapses. en se fixant au récepteur nmda des neurones bipolaires, leglutamate libéré par les neurones du noyau médian du corps trapézoïde pourraitcontribuer à la plasticité synaptique. À un stade ultérieur, le gaba devenu inhibiteurpourrait exercer son rôle de dépression à long terme, qui précède l’éliminationsynaptique. avec la maturation de ce circuit, les neurones du noyau médian ducorps trapézoïde deviennent exclusivement glycinergiques et inhibiteurs.

pour clore cette exploration du développement des circuits auditifs du tronccérébral, nous avons évoqué la maturation du calice de held, la synapse géante queforment les cellules en buisson globulaires du noyau cochléaire avec les neuronesdu noyau médian du corps trapézoïde. elle se forme en l’absence de touteinformation électrique venant de la périphérie. Chez des animaux totalement sourds,dépourvus de libération du neurotransmetteur au niveau périphérique, le calice deheld se forme normalement. Cette conclusion, fondée sur l’étude des sourismutantes Cav1.3-/-, appelle cependant une exploration de l’activité spontanée desneurones auditifs primaires chez ces souris.

Vocalisations néonatales innées chez la souris :production et perception

L’une des tâches essentielles du système auditif est le traitement des signaux dela communication acoustique entre membres d’une même espèce. dans ce cadre,l’intérêt de l’étude des vocalisations périnatales est double. il s’agit de sons naturelsqui ont une valeur écologique, et ils déclenchent une réponse comportementale. Cessons sont presque toujours complexes et souvent harmoniques (composés de multiplesentiers de la fréquence fondamentale). L’étude de leur traitement dans le systèmeauditif est un moyen d’approcher celui des sons complexes. de plus, le caractèrenaturel de ces sons offre des conditions expérimentales particulièrement favorablespour étudier l’intégration multisensorielle. L’intégration audio-visuelle cherchera àassocier aux signaux auditifs des vocalisations les signaux visuels qui accompagnentla production de celles-ci et les mouvements de la face liés à l’articulation. unnombre croissant de travaux montrent que la réponse à des sons naturels, et toutparticulièrement aux vocalisations néonatales, met en jeu la plasticité corticale, quipeut alors être étudiée dans un contexte naturel. enfin, les vocalisations font l’objetd’un intérêt renouvelé en raison des avancées génétiques concernant certainesmaladies psychiatriques dans lesquelles il existe des anomalies de la perception dela voix : les modèles animaux présentent une perturbation des vocalisations.

dans la seconde partie du deuxième cours, nous nous sommes intéressés auxvocalisations néonatales innées chez la souris, à leur production et à leur perception.

en 1972, éliane noirot (département de comportement animal, Cnrs, marseille)rapporte le fait que les rongeurs émettent des appels de détresse sous la formed’appels ultrasoniques, l’un en réponse au froid, l’autre à une stimulation tactileinhabituelle ; le premier suscite une réponse positive de la souris située à proximitéet le second, une réponse négative (noirot, 1972). en 1982, günter ehret (instituteof neurobiology, university ulm) et bernd haack s’attachent à caractériser cesvocalisations chez la souris (ehret günter & haack, 1982), et, en 1986, günterehret décrit les vocalisations périnatales (ces souriceaux qui vocalisent sontphysiologiquement sourds jusqu’à la fin de la 2e semaine et aveugles pendant lescinq premiers jours de vie). depuis, la description de ces vocalisations s’est

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progressivement enrichie. L’étude des vocalisations chez la souris a connu deuxétapes essentielles : la première a permis d’associer un comportement maternel auxvocalisations périnatales (ehret g & bernecker, 1986), la seconde a établi unparallèle entre la structure des vocalisations émises par un mâle lors de la rencontreavec une femelle et la structure syllabique des langues (holy & guo, 2005).

un comportement maternel est observé en réponse à deux types de vocalisationspérinatales : l’un dit appel « frétillant », audible, de structure harmonique etd’intensité d’environ 70 décibels en milieu naturel, est émis par les nouveau-nés quise battent pour l’accès aux mamelles maternelles, durant les cinq jours qui suiventla naissance. Les souriceaux n’émettent ces vocalisations que lorsque la mère est enposition d’allaitement. L’autre est un cri ultrasonore, émis par les souriceaux quel’on éloigne de leur mère. Ces deux types de vocalisations périnatales cessent avecla disparition de leurs facteurs déclenchants, c’est-à-dire quand les souriceauxdeviennent autonomes par rapport à la source de nourriture.

en 1986, günter ehret et ses collègues ont décrit le comportement de la mère enréponse à « l’appel frétillant ». Les mères lèchent leurs petits, ce qui les stimule, etchangent de position pour leur faciliter l’accès aux mamelles. en altérant l’auditiondes mères, en utilisant des nouveau-nés anesthésiés et en présentant ces vocalisationsen playback, l’origine auditive des stimulations comportementales a été établie.puis, pour définir les paramètres acoustiques dont la perception est à l’origine ducomportement maternel, la composition de ces vocalisations a été modifiée ;l’objectif étant de découvrir quels sont les paramètres essentiels au regroupementperceptif des fréquences en un même objet acoustique stimulant. tantôt, lesfréquences elles-mêmes (3,8 khz, 7,6 khz et 11,4 khz) étaient modifiées (légerchangement d’une des fréquences, maintien de la structure harmonique de l’appelmais présentation de fréquences appartenant ou non à une même bande critique,usage de fréquences plus élevées mais dont la fréquence fondamentale est ou nonla même que celle des vocalisations, présence ou absence d’une modulation enamplitude), tantôt leur présentation était décalée dans le temps, tantôt leur durée deprésentation variait collectivement ou isolément. Le choix des paramètres testésétait dicté par la compréhension que l’on a de la reconnaissance par les jeunesenfants des voyelles, dont la structure est aussi harmonique, et des syllabes. Lesauteurs ont conclu à l’importance de la structure harmonique, de l’extraction de lafréquence fondamentale manquante, de la distribution des harmoniques dansdifférentes bandes critiques, de la modulation en amplitude, d’un temps deprésentation des fréquences permettant leur fusion perceptive, pour déclencher lecomportement maternel. or, ces mêmes éléments sont critiques chez l’homme pourla perception des voyelles. en d’autres termes, le traitement des sons harmoniqueschez la souris paraît voisin de ce qu’il est chez l’homme, ce qui permet de supposerqu’il était déjà présent il y a 200 millions d’années.

très peu de travaux ont été consacrés à l’analyse des circuits neuronaux impliquésdans la reconnaissance des vocalisations périnatales ; jusqu’ici, les études ont portéessentiellement sur la comparaison des enregistrements électrophysiologiquesintracellulaires de neurones corticaux, obtenus chez les mères et les femelles viergesanesthésiées. Ces études ont ensuite été élargies à des souris éveillées. un travailpublié en 2009 par edgar galindo-Leon donne les premiers éléments decompréhension de la plasticité cérébrale auditive qui conduit à la mise en place ducomportement maternel (galindo-Leon et al., 2009). La réponse aux vocalisationsultrasonores périnatales chez les mères et les femelles vierges éveillées est analysée

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par enregistrement des réponses neuronales excitatrices et inhibitrices au sein ducortex auditif, sous forme de potentiels de champ local (potentiels extracellulairesproduits par l’activité synchrone d’un ensemble de neurones, sur une distanced’environ 300 micromètres) et de réponses neuronales unitaires. sur lesenregistrements unitaires, les neurones dont l’activité est stimulée par lesvocalisations ne montrent aucune différence de leurs réponses (latence, amplitude,taux de décharge) chez des mères et chez des femelles vierges. en revanche, lesneurones dont l’activité est inhibée par les vocalisations montrent une latence deréponse plus courte, une réponse plus soutenue dans le temps, et un taux de déchargedont la décroissance par rapport à leur activité spontanée est plus importante chezles mères que chez les femelles vierges. Les ondes sont aussi mieux définies chezles mères, indiquant une meilleure synchronie de la baisse d’activité des neurones.quelles sont les populations neuronales dont les réponses inhibitrices sont ainsimodulables ? Les réponses de potentiel de champ local ont été mesurées dans desrégions du cortex auditif accordées en fréquence avec les vocalisations (50 khz),ou avec des fréquences d’accord un peu plus hautes ou un peu plus basses. Lesdonnées obtenues montrent une modification de la précision de la phase de laréponse inhibitrice exclusivement dans des régions accordées à des fréquences unpeu plus basses que celles des vocalisations. Les auteurs suggèrent quel’accroissement de l’inhibition d’activité des neurones accordés à une fréquenceproche mais plus basse que celles des vocalisations permettrait d’accroître laperception des vocalisations en inhibant la réponse à des bruits surajoutés defréquence proche. Cette plasticité corticale portant sur les réponses inhibitrices auxvocalisations périnatales est sans doute sous contrôle hormonal.

après cet examen de l’ouverture de la plasticité du cortex auditif observée chezles souris adultes dans le cadre des modifications hormonales de la mise bas quenous venons de voir, le 3e cours a porté sur la plasticité développementale du cortexauditif. Cette plasticité explique les bons résultats de l’implantation cochléaire chezl’enfant atteint de surdité congénitale profonde ; elle en conditionne le succès. ellepermet « d’éveiller » un cortex qui n’a encore reçu aucune information sensorielle.elle permet le développement d’une perception de signaux acoustiques qui, bienqu’ils ne comportent que certaines caractéristiques acoustiques des sons de parole,permettront l’élaboration du langage. en retour, l’implantation cochléaire éclaire lacompréhension de la plasticité développementale du cortex auditif, chez l’hommecomme chez l’animal.

L’implant cochléaire est un transducteur acoustico-électrique, comme la cochlée.un microphone transforme les signaux acoustiques en signaux électriques. unmicroprocesseur vocal analyse les signaux électriques de sortie du microphone. Lessignaux traités sont délivrés à des électrodes implantées dans la cochlée, quistimulent les neurones auditifs primaires par la création d’un champ électrique àproximité.

La période durant laquelle les stimulations acoustiques peuvent modeler ledéveloppement du système auditif, et tout particulièrement du cortex auditif, estappelée période critique (ou sensible) ; elle se referme progressivement avec l’âge.robert shannon, un chercheur du hearing institute de Los angeles, a présenté,durant le séminaire associé au cours, les progrès de l’implantation du systèmeauditif. elle n’est plus restreinte à la cochlée ; des implantations du noyau cochléaireet du colliculus inférieur ont déjà été réalisées chez l’homme, avec des résultatsvariables pour les premiers, et sans succès pour les seconds.

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Le cours a été introduit par une présentation de l’organisation anatomo-fonctionnelle du cortex auditif. L’organisation des aires du cortex auditif est trèsdifférente d’un mammifère à l’autre, y compris dans le cortex primaire. Le cortexauditif des primates a été présenté. il se situe dans le gyrus temporal supérieur, etcomporte trois régions : une région centrale (en anglais, core), une ceinture (belt)et une paraceinture (parabelt). La paraceinture est superficielle ; elle recouvre lesdeux autres régions.

La région centrale est composée des trois aires auditives primaires, d’arrière enavant, l’aire ou champ a1, le champ rostral (r) et le champ rostro-temporal (rt).Chacune de ces trois aires reçoit des projections directes du noyau ventral du corpsgenouillé médian du thalamus. Les analyses électrophysiologiques ont permisd’établir l’existence d’une organisation tonotopique de ces trois aires, dont lecaractère plus ou moins strict reste à définir, ainsi que leur organisation relative.Les régions pour l’analyse des basses fréquences des champs ai et r, et les régionspour celle des hautes fréquences entre les champs r et rt, sont juxtaposées. Laceinture est faite de 8 sous-régions qui se distribuent autour des trois champs de larégion centrale. elles ont aussi une organisation tonotopique qui coïncide avec celledes aires primaires. elle est en miroir pour deux sous-régions juxtaposées.

Les trois aires primaires fonctionnent en parallèle pour traiter les informationsvenant du thalamus. Les régions voisines des aires primaires sont cependantinterconnectées, d’où le fait que leurs atteintes peuvent être conjointes. Les neuronesdes aires primaires se projettent sur ceux de la ceinture, en un réseau de fibresparallèles.

L’organisation tonotopique s’efface au niveau de la paraceinture. située enbordure de la partie latérale de la ceinture, elle est divisée en une région caudale etune région rostrale. ses neurones sont connectés à ceux de la ceinture. Les neuronesdes aires de la paraceinture se projettent sur le sillon temporal supérieur (sts) desaires temporo-pariéto-occipitales. Les autres connexions sont organisées en deuxvoies majeures : l’une antérieure (ou rostrale) et l’autre postérieure (ou caudale),mises en évidence depuis une dizaine d’années. La voie antérieure unit les partiesantérieures de la ceinture et de la paraceinture à la partie antérieure du cortexpréfrontal, et la voie postérieure les parties postérieures de la ceinture et de laparaceinture à la partie postérieure du cortex préfrontal, d’où un traitementd’informations auditives distinctes dans chacune d’elles. dans le système visuel,deux voies de ce type existent, respectivement dédiées au traitement de l’informationspatiale et non-spatiale. dans le cortex auditif, les expériences d’électrophysiologieont permis d’établir des conclusions semblables : la voie antérieure est dédiée à lareconnaissance de l’objet acoustique, et la voie postérieure à la localisation de lasource sonore. enfin, la région caudale de la ceinture dite « médiane » (Cm) estconnectée à des aires somatosensorielles (dans le cortex rétro-insulaire et l’insulagranulaire) ainsi qu’à des aires multisensorielles temporo-pariétales.

La structuration en couches du cortex auditif, de la superficie à la profondeur, estsemblable à celle des autres régions du cortex. Les six couches parallèles à lasurface (numérotées de 1 à 6, de la superficie à la profondeur) sont traversées d’uneorganisation verticale en modules ou colonnes corticales cylindriques, dont lediamètre est de 200 à 300 micromètres, et qui correspondent à des unitésfonctionnelles de traitement de l’information. Chacune de ces unités comporteenviron 5 000 neurones. ils reçoivent plusieurs types de projections, dont lessignaux thalamiques qui leur parviennent au niveau de la couche 4. Ces unités sont

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peuplées de neurones, dits « cellules pyramidales », qui s’étendent sur toute lahauteur des colonnes : leur corps cellulaire est situé dans la couche 3, et leursextrémités se projettent sur la couche 1 et la couche 6.

La plasticité du système auditif, clé d’une restaurationde la fonction auditive chez les malentendants

après avoir discuté, dans le cours précédent, la phase d’auto-organisation dusystème auditif, puis le rôle de l’activité électrique sur la formation des premiersrelais auditifs, nous nous sommes intéressés à la plasticité des aires corticalesauditives chez l’animal durant la phase de maturation corticale. nous l’avonsapprochée par l’étude des effets de l’implantation cochléaire chez des chats sourds,et des effets produits par une exposition de longue durée à un bruit (son de largebande passante) pulsé, chez des rongeurs. Le choix du chat comme modèleexpérimental est motivé par la possibilité de réaliser des implantations cochléaireschez cet animal, et par l’existence de lignées mutantes de chats sourds profonds paratteinte de la strie vasculaire cochléaire. Chez ces chats mutants, aucune activitéélectrique n’est enregistrée en réponse à une stimulation acoustique en raison del’absence du potentiel électrique endocochléaire. Les neurones auditifs primairessont cependant préservés, d’où l’efficacité de leur stimulation par l’implantcochléaire. de plus, les facultés d’apprentissage sont bien développées chez le chat,ce qui permet le recours à des tests comportementaux. Chez le chat, la période dematuration du système auditif s’étend jusqu’au 8e mois.

en 1999, rainer klinke et ses collaborateurs (klinke et al., 1999) ont cherché àcomprendre l’origine de l’échec de la restauration de l’audition par l’implantationcochléaire chez les individus adultes atteints de surdité profonde prélinguale, alorsque l’implantation pratiquée dans l’enfance est un succès. L’effet d’une stimulationchronique via un implant cochléaire unilatéral posé au 3e ou 4e mois de vie chezles chats sourds, a été étudié. par un test comportemental dans lequel la réponseperceptive à un son de 437 hz est récompensée par l’accès à la nourriture, un tauxmaximal de réponses, avoisinant 100 %, est obtenu en huit jours chez les chatstémoins, non mutants ; chez les chats sourds appareillés, ce taux est atteint plusprogressivement, quelques jours plus tard, et dans les cas les plus défavorables,environ 20 jours plus tard. Ceci suggère que la représentation du signal acoustiqueaprès implantation passe par un processus de maturation du cortex auditif.

Ce processus de maturation a été étudié par l’examen des potentiels de champslocaux superficiels et profonds, et des réponses électriques des neurones individuels(enregistrements intracellulaires uni-ou multi-électrodes) induites par un son test,grâce à des électrodes implantées de façon permanente dans le cortex auditifcontrolatéral à l’implant cochléaire. Les réponses enregistrées, après un mois, deuxmois, et cinq mois et demi de stimulation chronique via l’implant cochléaire mettenten évidence le développement progressif de réponses corticales. Les enregistrementsdes potentiels de champs locaux montrent que les ondes de latence moyenne, survenantmoins de 30 millisecondes après la stimulation sonore, augmentent en amplitude. Lechangement le plus net porte sur les réponses plus tardives ; absentes chez les chatssourds implantés mais qui n’ont pas été soumis à une stimulation chronique, ellesapparaissent après une stimulation continue via l’implant cochléaire. elles sont lamarque d’une maturation de circuits corticaux. Les enregistrements intracellulaires

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confirment ces résultats : l’amplitude de la réponse de latence moyenne est multipliéepar environ 2,4 par rapport à celle observée chez des chats mutants implantés maisnon stimulés de façon chronique, et une onde tardive (150 millisecondes après lastimulation) apparaît aussi. Les enregistrements unitaires montrent que les réponsesde latence moyenne et longue sont obtenues dans les mêmes neurones.

La taille des champs corticaux mesurés aussi par l’amplitude des potentiels dechamps locaux augmente considérablement sous l’effet de la stimulation chronique.Les aires corticales qui répondent ont une surface multipliée par 7 au moins. ellessont plus étendues que chez les chats normaux. L’étude des réponses dans lesdifférentes couches du cortex montre aussi un effet de la stimulation chronique.sans stimulation chronique, la réponse de latence comprise entre 10 et30 millisecondes chez le chat implanté se situe principalement dans la couche 4 et,de façon marginale, dans les couches 2 et 3. après stimulation chronique, desréponses de même latence sont présentes dans toutes les couches corticales (ellesdébutent dans les couches 4, 5, 2 et 3, puis s’étendent aux autres couches). Lachronologie des diverses modifications corticales induites par la stimulationchronique est la suivante : l’augmentation d’amplitude des ondes de latencemoyenne apparaît en quelques jours de stimulation chronique, une réponse tardiveen moins d’un mois, et de larges aires de réponse corticale apparaissent vers 2 mois.La stimulation du système auditif via l’implant cochléaire provoque donc unestructuration fonctionnelle progressive du cortex auditif.

L’effet de l’exposition au bruit pendant la période critique a été étudié par legroupe de michael merzenich (zhang et al., 2002 ; Chang & merzenich, 2003) chezle rat. durant cette période, qui s’étend de p12 à p28, les rats sont continuellementsoumis à un bruit blanc (0,5 à 30 khz) de 60 à 70 db, au rythme de six impulsionspar seconde, suivies d’une seconde de silence. puis ils sont soustraits à l’expositionau bruit pulsé et replacés dans un environnement sonore habituel. L’effet del’exposition au bruit est évalué au jour 80, soit un peu moins de deux mois après lafin de la stimulation. Les réponses électrophysiologiques à deux sons tests, de 8 khzet 16 khz, sont explorées avec les mêmes analyses que celles décrites plus haut. Lespotentiels de champs locaux sont mis à profit pour établir l’équivalent de « courbesd’accord en fréquence » (qui permettent de tracer les cartes tonotopiques de réponsecorticale). L’exposition au bruit engendre une dégradation de l’accord en fréquencedes régions corticales répondant à chacune de ces deux fréquences. une étude plusapprofondie du processus de maturation du cortex a été entreprise. Les expériencesfaites chez des rats témoins ont défini que la tonotopie corticale se développe à partirde deux processus développementaux parallèles, qui impliquent deux zones corticalesdifférentes : la zone postérieure (correspondant à la région a1 chez l’adulte), qui estmature au jour postnatal 22 (p22), et une région antérieure, dévolue à la réponse auxsons de haute fréquence, dont la maturation se prolonge plus tard. Chez les ratssoumis au bruit, entre les jours p15 et p19, le cortex auditif paraît être plus différenciéque chez les rats témoins. ils présentent des réponses à des fréquences plus diverses,sans pour autant qu’elles évoquent une organisation tonotopique. au jour 23, lesneurones qui répondent à une même fréquence sont encore dispersés dans le cortex,et chez le jeune adulte, au jour 80, on observe deux régions : l’une qui comporte desneurones accordés à des fréquences basses ou moyennes avec des discontinuités dansle champ récepteur, et l’autre qui comporte des neurones qui répondentpréférentiellement à des fréquences élevées, mais dont la réponse est très peu

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accordée en fréquence. L’établissement de la tonotopie corticale est donc très affectépar l’exposition à un bruit pulsé pendant la période critique.

Chez les rats témoins, les neurones proches dans le cortex déchargent de façonsynchrone ; les neurones éloignés ont des décharges plus asynchrones. Chez les ratsexposés au bruit, les réponses sont paradoxalement moins synchrones dans leszones accordées en fréquence, et le sont davantage dans celles qui ne le sont pas.au total, sur l’ensemble des paramètres testés ici, le développement du cortex estprofondément perturbé par l’exposition au bruit pulsé. afin de se rapprocher deconditions d’exposition au bruit plus physiologiques, un bruit continu de 70 db aété surajouté à l’exposition sonore naturelle de rats, durant la phase critique(l’exposition débute au jour 9 et se poursuit jusqu’à la veille du test). dans cesnouvelles conditions expérimentales, des anomalies des cartes tonotopiques sontaussi observées, mais, au jour 50, une organisation du cortex semblable à celles desrats témoins âgés de 16 jours est présente. en d’autres termes, le bruit surajouté aessentiellement freiné la maturation du cortex. quant à la période de plasticité,l’étude montre qu’elle a en fait été prolongée. si l’exposition au bruit est levée, lamaturation corticale reprend. on ne sait pas si les effets du bruit sur la maturationdu cortex humain sont semblables.

Chez l’homme, la plasticité du cortex auditif a été principalement approchée parles études faites dans le cadre de l’implantation cochléaire. en 2001, une étudedémontrait l’existence d’un parallélisme entre la présence d’aires corticales auditivesprésentant un hypométabolisme (analyse en tomographie par émission de positons,pet) chez de jeunes enfants sourds profonds et le succès de l’implantationcochléaire. or, plus les enfants avancent en âge, plus ces régions d’hypométabolismes’amenuisent ; elles sont progressivement réaffectées à une autre fonction sensorielle,le traitement de l’information visuelle, et deviennent alors métaboliquement actives.

dans un travail récent, andrej kral et ses collaborateurs (Lomber et al., 2010) sesont intéressés à ce détournement fonctionnel d’aires corticales dédiées à un sensau profit d’un autre. Ce phénomène est très général ; les aires visuelles chez lesaveugles de naissance répondent ultérieurement aux signaux acoustiques. dans unpremier temps, les auteurs ont évalué chez l’animal (le chat), la notion communémentadmise chez l’homme, selon laquelle les personnes sourdes présenteraient desperformances visuelles supra-normales. ils ont montré que chez les chats sourdsprofonds susmentionnés, certaines performances visuelles, la localisation de lasource lumineuse et la détection de son mouvement, sont, de fait, meilleures quechez les chats entendants. en revanche, pour d’autres performances visuelles, tellesque l’acuité visuelle, la discrimination de l’orientation, la détection de la directiondu mouvement et de la vitesse, leurs performances ne sont pas meilleures. puis ilsse sont interrogés sur la nature des aires auditives recrutées dans ces fonctionsvisuelles. pour tester les différentes zones du cortex auditif qui pourraient êtreimpliquées dans la localisation de la source lumineuse et son mouvement, unetechnique d’inhibition fonctionnelle réversible par refroidissement d’une zonecorticale restreinte a été utilisée. ainsi, ces auteurs ont observé que le refroidissementdu cortex auditif primaire n’a aucun effet. Le champ auditif postérieur a en revancheété reconnu comme impliqué dans la localisation de la source lumineuse, et lechamp dorsal dans la détection de son mouvement. La réaffectation de ces airesauditives ne semble pas être quelconque puisque le champ auditif postérieurréaffecté à la localisation de la source lumineuse est normalement impliqué dans lalocalisation de la source sonore. quant à l’aire dorsale recrutée dans la détection du

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mouvement de la source lumineuse, elle est adjacente à l’aire qui détecte lesmouvements visuels chez les personnes entendantes. il semble à l’inverse que lesaires sensorielles dédiées à une modalité sensorielle élémentaire, comme déceler lacouleur ou la hauteur sonore, ne changent pas d’affectation lorsqu’elles sont privéesde leurs signaux sensoriels naturels. en revanche, les aires corticales qui remplissentdes fonctions « supra-modales », privées de leur information sensorielle naturelle,pourraient traiter les nouveaux signaux sensoriels qui leur parviennent en leurappliquant un mode d’analyse semblable à celui qu’elles auraient appliquénormalement à leur stimulus d’origine.

L’implantation cochléaire chez le chat a aussi été mise à profit pour étudier laplasticité du noyau cochléaire, mais cette fois à l’échelle cellulaire. rappelons queles extrémités axonales des neurones auditifs forment des synapses de grande taille,terminaisons bulbaires de held, avec les cellules globulaires en buisson du noyaucochléaire. de plus, l’axone des neurones auditifs s’arborise de façon répétée, et sesextrémités vont englober les cellules globulaires en un ensemble de renflements etde boutons terminaux. Chez les chats atteints de surdité congénitale, le nombre desbranches des neurones auditifs est réduit, de même que celui des terminaisonsbulbaires. Les vésicules synaptiques qu’elles contiennent sont en nombre moindreet les densités postsynaptiques sont aussi modifiées. sous l’effet de l’implantationcochléaire, la morphologie synaptique est rétablie.

nous nous sommes ensuite intéressés aux mécanismes qui sous-tendent laplasticité développementale du système auditif au niveau cortical. nous avons vusuccessivement l’effet de la privation auditive sur l’acquisition de la potentialisationà long terme au niveau du cortex auditif primaire, et la maturation des projectionsthalamo-corticales dans le système auditif. un travail du groupe de dan sanes(kotak et al., 2007) a montré que la période de plasticité corticale se caractérise parun changement de l’équilibre entre les synapses qui sont le siège d’une dépressionà long terme et celles qui sont le siège d’une potentialisation à long terme. Ladépression à long terme domine avant la mise en place de l’audition. après la miseen place de l’audition, les synapses présentant une dépression à long terme et cellesprésentant une potentialisation à long terme sont en nombre équivalent. Chez lesgerbilles sourdes profondes par ablation cochléaire avant la mise en place del’audition, il n’y a pas de développement de la potentialisation à long terme dansles synapses du cortex auditif primaire.

À la fin du 3e cours et au début du 4e, la présentation d’un travail du groupe detakao hensch sur la maturation et la plasticité des connexions entre les neuronesdu noyau ventral du corps genouillé médian du thalamus et ceux du cortex auditifprimaire (synapses thalamo-corticales), qui venait d’être publié (barkat et al.,2011), a complété cet aperçu des avancées récentes sur les mécanismes de laplasticité corticale dans le système auditif. Les auteurs concluaient que la maturationdes synapses entre les projections axonales thalamiques et les épines dendritiquesdes cellules pyramidales est très probablement le substrat de la plasticitédéveloppementale du cortex auditif primaire. elle est concomitante de l’établissementdes cartes tonotopiques corticales, qui se manifestent par l’homogénéisation destaux de décharge des neurones corticaux et le changement de localisation de cessynapses, qui se déplacent de la profondeur du cortex à sa superficie.

Chez l’homme, la période critique pour l’audition, c’est-à-dire celle durantlaquelle la stimulation acoustique se traduit par une réorganisation du systèmeauditif, sans doute dans chacun de ses relais, du tronc cérébral jusqu’au cortex

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auditif primaire au moins, s’étend jusqu’à environ 3 ans et demi, puis la plasticitébaisse progressivement. en conséquence, toute démarche thérapeutique qui vise àrestaurer l’audition chez des enfants sourds profonds de naissance par atteintecochléaire, soit par l’implantation cochléaire, soit, dans le futur, par des approchesnouvelles (transdifférenciation, thérapies cellulaires et géniques), doit être adaptéedans sa date de mise en œuvre à la contrainte temporelle de la période critique. Ledegré de plasticité sollicité par les diverses approches thérapeutiques pourraitcependant être plus ou moins important selon la divergence existant entre lessignaux transmis par les neurones auditifs après traitement et ceux qu’ils véhiculentnormalement. Le défi que pose la restauration de l’audition, à un âge plus avancé,chez les personnes atteintes de surdité profonde dès la naissance, est celui de la« réouverture » de cette plasticité.

épilepsies déclenchées par le son et épilepsies à composanteauditive : bases génétiques et modèles animaux

L’autre partie du dernier cours a porté sur les épilepsies en rapport avec l’audition :les épilepsies déclenchées par le son qui appartiennent à la classe des « épilepsiesréflexes », plutôt appelées « crises paroxystiques », et les épilepsies généralisées quiincluent des perceptions auditives particulières ou des hallucinations auditives(épilepsies du lobe temporal).

Ces épilepsies ont trouvé leur place dans cette série de cours consacrée audéveloppement du système auditif parce que la phase durant laquelle s’élabore leprocessus biologique qui conduira aux manifestations cliniques se situe durant ledéveloppement du système auditif. L’objectif de cette présentation était d’appréciercomment l’étude de ces épilepsies peut contribuer à la compréhension dudéveloppement du système auditif et de ses mécanismes moléculaires. Les épilepsieshéréditaires dont le ou les gènes impliqués ont été identifiés sont, sur ce point, lesplus informatives, puisque que l’on peut en élaborer des modèles murins.

Le cours a été introduit par un bref rappel sur la fréquence des épilepsies, les causesen particulier génétiques (80 % de concordance chez les jumeaux monozygotes, pourles épilepsies généralisées), et les données électroencéphalographiques (qui traduisentla décharge synchrone de populations de neurones). nous nous sommes ensuiteintéressés aux épilepsies réflexes ou crises paroxystiques.

elles peuvent être déclenchées par des stimulations plus ou moins complexes :une lumière intense, le fait de regarder la télévision, de fixer du regard un objet ouune personne, ou des stimuli sensoriels autres, somatosensoriels, auditifs, gustatifs,olfactifs, thermiques (épilepsie déclenchée par l’eau chaude par exemple), ou liés àl’équilibration. Certaines « épilepsies » réflexes sont déclenchées par desstimulations plus complexes (par exemple le fait de lire, de se précipiter pourmanger, de se brosser les dents…). dans cette catégorie, se rangent les épilepsiesdéclenchées par la musique. elles sont connues depuis longtemps : shakespeare lesmentionne dans Le marchand de Venise à la fin du xvie siècle. La musiqueprovoquerait des crises d’épilepsie chez seulement une personne sur 10 millions.Les caractéristiques des sons musicaux qui déclenchent des épilepsies semblent êtregénéralement des mélodies qui comportent une structure harmonique. Certainespersonnes présentent des crises épileptiques spécifiquement déclenchées par uninstrument de musique particulier, le piano par exemple. si la séquence sonore qui

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déclenche la crise est complexe dans sa structure acoustique, l’origine de l’épilepsiese situe soit au niveau cortical, soit au niveau sous-cortical du système auditif. pourcelles qui sont déclenchées par des sons peu complexes, l’origine peut en théoriese situer à n’importe quel niveau du système auditif.

Contrairement à l’homme, les animaux ont une susceptibilité particulière auxépilepsies réflexes déclenchées par le son, dites « audiogènes », et appelées plusprécisément crises paroxystiques audiogènes. Cette notion a été établie au début duxxe siècle. elle repose sur les observations faites dans le laboratoire d’ivan pavlov.dans le déroulement des expériences de conditionnement des animaux à la prisealimentaire (des chiens bien souvent), la présentation imminente de la nourritureannoncée par un stimulus sonore, le tintement d’une cloche, déclenchait souvent descrises d’épilepsies. Les épilepsies audiogènes ont ensuite été observées chez lesrongeurs : diverses lignées de rats et de souris de laboratoire. s’agissant de lignéepures, il devenait possible d’en identifier les bases génétiques.

en 1947, Calvin s. hall observait que la lignée de souris dba/2 (d2) présenteune susceptibilité génétique aux crises épileptiques audiogènes (hall, 1947). sousl’effet du son, ces souris démarrent soudainement une course erratique, dite « coursefolle », qui dure quelques secondes (de 1 à 12 s) et est suivie de crises tonico-cloniques. La souris ne peut pas rester sur ses pattes. puis ses pattes se mettent enflexion suivie d’une phase d’extension. un arrêt respiratoire se produit si onmaintient la stimulation sonore. Chez ces souris, les crises apparaissent à la3e semaine de vie, puis vont disparaître progressivement. des crises semblables ontensuite été décrites dans d’autres lignées de souris : les lignées black swiss(bLsw), les lignées bub/bnJ et frings. des lignées de rats présentant des crisesaudiogènes ont aussi été rapportées, puis les rats wistar, sélectionnés dans unlaboratoire strasbourgeois par marescaux en 1987 (marescaux et al., 1987), les ratsgepr (genetically epileptic-prone rats), dont ont été dérivées deux sous-lignées,gepr-9 dont l’épilepsie est très sévère et gepr-3 dans laquelle elle l’est moins,puis une autre souche, dite war, a été dérivée des rats wistar. dans tous les cas,l’épilepsie est d’apparition précoce (3e semaine), soit quelques jours aprèsl’apparition de l’audition.

L’analyse génétique a révélé, dans chacune de ces lignées de rats et de souris,plusieurs loci contribuant à des degrés divers au phénotype, à l’exception de lalignée frings, dans laquelle un seul gène est en cause. aujourd’hui, quelques gènesde susceptibilité, c’est-à-dire des gènes dont les mutations se manifestent par unesensibilité accrue au développement de crises audiogènes, ont été identifiés.

Ces gènes codent pour :– le récepteur à la sérotonine (5-ht, neurotransmetteur), de sous-type 2C. il

s’agit d’un récepteur couplé aux protéines g. Contrairement aux autres modèlesmurins, les crises audiogènes chez le mutant murin dont le gène correspondant aété inactivé apparaissent après 2 mois ;

– la protéine transmembranaire vlgr1 (Very large G protein-coupled receptor)(gène Vlgr1/Mass1/USH2C), défectueuse chez les souris frings et bub/bnJ ;

– la protéine codée par le gène FMR1, défectueuse dans le syndrome duchromosome x fragile ;

– la protéine gipc3, protéine intracellulaire qui possède un domaine pdz situéen position centrale. elle est codée par le gène dont la contribution au phénotypeépileptique des souris black swiss (bLsw) est majeure. Le rôle de gipc3 pourraitêtre lié au trafic vésiculaire synaptique.

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demeure une inconnue supplémentaire pour les gènes GIPC3 et VLGR1 : lespatients porteurs de mutations dans ces gènes, comme les souris dont l’un ou l’autregène est inactivé, ont une surdité d’origine cochléaire. de ce fait, bien que ces deuxgènes soient aussi exprimés dans le système nerveux central, on est amené às’interroger sur la possibilité que ces épilepsies aient une origine en rapport avecl’anomalie du système auditif périphérique.

enfin, à l’inverse, il a été rapporté que l’inactivation du gène qui code lacontactine 5, protège contre les crises audiogènes. Les contactines sont desmolécules d’adhésion dont la structure commune est caractérisée par la présence de6 domaines de type ig, 4 répétitions de type iii de la fibronectine, et une « ancre »glycosylphosphatidylinositol (gpi). elles ont un rôle critique durant le développementdu système nerveux, et également au stade mature.

faire la part entre l’atteinte de la cochlée et celle éventuelle d’autres neurones dusystème auditif chez les souris déficientes en gipc3 ou en vlgr1 appelle des étudesapprofondies des souris mutantes, qui n’ont pas encore été réalisées. on disposecependant de certaines informations concernant les souris déficientes en gipc3(Charizopoulou et al., 2011). elles indiquent qu’il n’y a pas de corrélation entrel’évolution du seuil auditif et la présence des crises audiogènes. Le seuil auditifreste stable chez ces mutants et les convulsions audiogènes s’effacent. en revanche,une augmentation de l’amplitude de l’onde i des potentiels évoqués auditifs dutronc cérébral est corrélée avec les crises épileptiques. Cette onde i traduit l’activitésynchrone des neurones auditifs. La possibilité d’une libération massive de glutamatepar les cellules ciliées internes, qui synchroniserait l’activité des neurones auditifs(d’où l’augmentation d’amplitude de l’onde i), est évoquée. À l’appui de cette idée,chez ces souris mutantes, certains courants potassiques de la cellule ciliée internesont défectueux. il s’ensuivrait une dépolarisation plus ample de la cellule ciliéeinterne stimulée par le son, ce qui pourrait accroître la libération du glutamate.L’inactivation conditionnelle du gène Gipc3 restreinte aux seules cellules sensoriellespermettrait de tester cette proposition. pour vlgr1, la situation est assez comparable.on sait que la protéine est exprimée dans le cerveau à une étape précoce dudéveloppement. de surcroît, vlgr1 partage un grand domaine d’homologie avec uneclasse de protéines impliquées dans des épilepsies généralisées.

Cette discussion sur l’origine peut-être périphérique de l’épilepsie due au déficiten vlgr1 ou gipc3 ne doit pas masquer le fait que toutes les autres épilepsies oucrises audiogènes susmentionnées chez le rat et la souris paraissent avoir une originecentrale. Les profils d’expression de c-fos (facteur de transcription nucléaire le plusfréquemment synthétisé suite à un signal activateur) après une stimulation sonorechez ces autres mutants ont fait apparaître une hyperactivité dans les noyaux auditifscentraux chez les souris mutantes défectueuses pour le récepteur de la sérotonine(exprimé dans les régions dorsales et externes du colliculus inférieur, le corpsgenouillé médian du thalamus, le noyau thalamique postérieur dans sa régionintralaminaire), ou pour fmr1 (exprimé dans le lemnisque latéral dorsal, la régioncorticale dorsale du colliculus inférieur). Chez les souris mutantes pour lacontactine 5, on observe au contraire une baisse de l’activité c-fos (dans le noyaucochléaire antéro-ventral, le complexe de l’olive supérieure, le lemnisque latéral etle colliculus inférieur). des données préliminaires indiquent qu’en l’absence de lacontactine 5, le développement du colliculus inférieur est affecté. toutefois, comptetenu de la présence de la contactine 5 dans d’autres centres auditifs, une étudesystématique explorant de possibles altérations dans des relais en amont est nécessaire.

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en conclusion, ces épilepsies déclenchées par le son chez l’animal constituentune voie d’entrée dans la physiologie moléculaire du système, et le plus souvent dusystème auditif central, qui fait défaut aujourd’hui. enfin, il faut souligner la parentééventuelle entre ces crises audiogènes et l’hyperacousie. L’hyperacousie désigne lefait de souffrir de l’exposition à des sons dont l’intensité est en règle générale bientolérée. un nombre important de personnes se plaignent d’entendre trop fortementdes sons d’intensité bien tolérée par les autres. L’hyperacousie est aussi présentedans certaines maladies neuropsychiatriques comme l’autisme. des éléments deréponse concernant la pathogénie de l’hyperacousie pourraient venir des travauxmenés sur les épilepsies audiogènes chez l’animal.

nous nous sommes ensuite intéressés aux épilepsies du lobe temporal latéralparce qu’elles comportent des manifestations auditives. Leur déclenchement n’estpas lié à une stimulation sonore. patrick Chauvel (université de la méditerranée,faculté de médecine, marseille), spécialiste de l’épilepsie, a complété cette partiedu cours lors du séminaire. Le cours s’est concentré sur une forme héréditaired’épilepsie temporale, la forme liée au déficit en Lgi1.

en 2002, un des membres de la famille protéique Lgi (pour Leucine-rich gliomainactivated) a été identifié comme responsable d’une forme d’épilepsie du lobetemporal transmise sur le mode autosomique dominant (kalachikov et al., 2002). Laprotéine Lgi1 avait été initialement classée comme suppresseur de tumeur. Lapénétrance de la mutation faux-sens découverte dans une famille atteinte d’épilepsietemporale n’était que partielle (environ 67 %). La famille Lgi comporte 4 membres(Lgi1 à Lgi4). elle constitue elle-même une sous-classe d’une famille de protéinesqui comprend 3 autres membres, dont le regroupement est fondé sur la présence de7 répétitions consécutives dites « ear » (Epilepsy Associated Repeats). Ces protéinessont prédites comme étant sécrétées. un second membre de la famille Lgi, Lgi2, aété reconnu comme responsable d’épilepsie juvénile bénigne chez le chien, dans lalignée Lagotto Romagnolo : l’épilepsie survient entre 5 et 9 semaines après lanaissance, et elle disparaît systématiquement à l’âge de 4 mois. Les animaux ont destremblements de l’ensemble du corps avec des pertes de conscience et l’on observeà l’électroencéphalogramme des décharges épileptiques unilatérales situées dans leslobes occipitaux et pariétaux. Les lignées (races) pures de chien sont très fréquemmentatteintes d’épilepsie : leur étude devrait être particulièrement fructueuse puisque deslignées de chiens atteints ont été dérivées dans une quarantaine de « races »différentes. dans la lignée Lagotto Romagnolo, une mutation non-sens, biallélique,a été trouvée. La pénétrance de l’épilepsie est presque totale lorsque cette mutationest présente à l’état homozygote. il s’agit d’une mutation tronquante dans la7e répétition ear. La protéine Lgi4, quant à elle, semble n’avoir aucun rôle majeurau niveau du système nerveux central. elle contrôlerait l’interaction entre lesneurones et les cellules de schwann. en l’absence de sa sécrétion, les cellules deschwann sont incapables de myéliniser correctement les neurones périphériques.

depuis une dizaine d’années, Lgi1 fait l’objet de recherches. Le groupe dirigé parmasaki fukata a publié en 2006 dans la revue Science une étude qui attribuait à Lgi1un rôle post-synaptique (fukata et al., 2006). Le point de départ a étél’immunoprécipation d’un complexe protéique, formé de Lgi1 et de trois protéines,psd-95 (protéine sous-membranaire à domaines pdz, post-synaptique, impliquéedans l’organisation et la plasticité synaptique), la stargazine (régulateur du traficintracellulaire des récepteurs ampa), et un des membres de la grande famille desprotéines adam (protéines transmembranaires qui, pour la plupart, ont une activité

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métalloprotéase), adam22, dépourvue d’activité catalytique ; adam22 possède uneséquence de liaison aux domaines pdz. toutes ces protéines ont été impliquées dansdiverses formes d’épilepsie. L’interaction entre Lgi1 et adam22 a été définie au planbiochimique, et la colocalisation de adam 22 et de Lgi1 a été montrée dans le gyrusdenté et la région Ca1 de l’hippocampe. puis, sur tranches d’hippocampe, les auteursont observé une potentialisation des courants ampa en présence de Lgi1. ils ontconclu que Lgi1, protéine extracellulaire, se fixe à adam22 via son domaine ear,et que cette fixation a pour conséquence un renforcement de l’activité des synapsesglutamatergiques avec une surreprésentation des récepteurs ampa par rapport auxrécepteurs nmda. La localisation de adam22 au niveau de la présynapse indiquaitque Lgi1 pouvait former un pont entre la pré- et la post-synapse.

Le groupe dirigé par bernd fakler a donné la même année, dans un article publiédans la revue Neuron (schulte et al., 2006), une interprétation différente du rôle deLgi1. alors que le précédent complexe protéique susmentionné avait été obtenu àpartir d’une immunoprécipation de psd95, celui sur lequel se fondait l’étude dugroupe de bernd fakler reposait sur l’immunoprécipation d’une sous-unité d’un canalpotassique dépendant du voltage, kv1.1. Ces canaux potassiques sont impliqués dansla repolarisation des neurones et, donc, dans la forme des potentiels d’action dans lesystème nerveux central. ils contrôlent ainsi, en particulier, le profil de décharge desneurones, qui module la libération du neurotransmetteur. kv1.1 est une sous-unitéabondante des canaux kv dans le cerveau, et elle est principalement localisée auniveau des axones et de leurs terminaisons. une analyse par spectrométrie de massed’un complexe protéique formé avec la sous-unité kv1.1 a permis d’identifier uncertain nombre de protéines, parmi lesquelles adam22 et Lgi1. L’existence d’uneinteraction in vivo entre la sous-unité kv1.1 et Lgi1 était aussi possible in vivo,puisque la colocalisation des deux protéines était observée. par des expérienceseffectuées dans des œufs de xénope, les auteurs ont montré que Lgi1 antagonisel’effet inhibiteur de kv1.1. Lgi1 prolongerait donc la stimulation de la présynapse,donc la libération du neurotransmetteur, d’où l’effet d’hyperexcitabilité synaptique quidéclenche la crise d’épilepsie. Cette épilepsie temporale impliquerait donc des circuitsexcitateurs, et pourrait mettre en jeu des mécanismes à la fois dans la pré-synapse etdans la post-synapse. un article récent du groupe de matthew anderson publié dansla revue Nature Medicine (zhou et al., 2009) éclaire le rôle de Lgi1 par l’étude dedeux modèles murins, l’un dans lequel la protéine exprimée par le transgène exerceun effet dominant négatif, et l’autre dans lequel un nombre accru de copies du gènes’expriment. Les synapses étudiées sont celles que forme le faisceau médian perforantde l’hippocampe avec les neurones granulaires. au jour p21, adam22 et Lgi1 seco-localisent à cet emplacement. Les enregistrements électrophysiologiques desexpériences de facilitation par paired-pulse (dans lesquelles la répétition de lastimulation augmente la réponse synaptique) montrent un défaut d’acquisition de cetteréponse de facilitation (généralement attribuée à la présence de Ca2+ résiduel après lapremière stimulation) quand Lgi1 est en quantité insuffisante. de plus, chez les sourisnormales, l’acquisition de la facilitation est parallèle à l’augmentation d’expressionde Lgi1. en d’autres termes, Lgi1 agit sur la maturation neuronale. en utilisant ladendrotoxine, un bloqueur du canal kv1, les auteurs ont montré un effet sur la réponsede type paired-pulse. Cette absence de maturation de la réponse paired-pulse trouvesa place dans le cadre de l’épilepsie, puisque la mise en place de cette réponse durantle développement normal s’accompagne d’une diminution de la probabilité delibération du neurotransmetteur. quand Lgi1 est absent, une forte libération du

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neurotransmetteur se maintiendrait donc. un autre élément de maturation des synapsesglutamatergiques a été étudié dans ces modèles : le rapport des sous-unités nr2b/nr2a composant les récepteurs nmda du glutamate, qui diminue au cours de lamaturation synaptique normale. en utilisant différents bloqueurs des sous-unités nr2,les auteurs ont pu conclure que la baisse du rapport nr2b/nr2a est marginale quandla quantité de Lgi1 est réduite. en conséquence, in vivo, Lgi1 agit sur la maturationde la pré- synapse et de la post-synapse. de plus, l’absence de Lgi1 se traduit par uneffet sur la morphologie dendritique. Chez les souris normales, les dendrites apicalesdes cellules granulaires croissent, et deviennent larges et hautement arborisées durantles deux premières semaines postnatales. puis elles se rétractent et deviennent plusétroites durant la 3e semaine et la densité des épines dendritiques baisse. Chez lessouris qui expriment peu de Lgi1, l’arborisation dendritique reste de type immatureet la densité des épines dendritiques ne diminue pas. À l’inverse, les souris chezlesquelles Lgi1 est en excès ont des dendrites qui se rétractent et sont éliminées. autotal, l’expression de Lgi1 durant la période postnatale de développement, nonseulement coordonne la maturation des fonctions pré- et post-synaptiques, mais aussiremodèle les branches de l’arbre dendritique et les épines dendritiques. L’ensembledes travaux indique donc que cette forme d’épilepsie aurait pour origine un arrêt duprocessus de maturation de l’arbre dendritique. quant à Lgi2, il est très fortementexprimé durant la phase de construction des circuits neuronaux, puis son expressiondiminue et reste en plateau durant la phase d’élimination des branches dendritiques.un rôle a été proposé pour la protéine Lgi2 dans la préparation de l’arbre dendritiqueavant le stade d’élagage des branches de l’arbre dendritique sous l’effet de Lgi1.

Le travail fait sur la protéine Lgi1 illustre ce que l’on peut attendre d’étudesapprofondies des diverses formes d’épilepsie, et contribue à l’indispensable soclede connaissances pour élaborer de nouvelles approches thérapeutiques.

La bibliographie correspondante se trouve sur le site Internet du Collège deFrance.

activité de recherche du laboratoire

Caractérisation du rôle de la protéine Sans dans le complexemoléculaire associé au lien apical des stéréocils (tip-link)

(e. Caberlotto, v. michel, i. foucher, a. bahloul, e. pepermans, n. michalski,i. perfettini, o. alegria-prevot, s. Chardenoux, J.-p. hardelin,J. boutet de monvel, d. weil, C. petit, collaboration avec p. avan, r. goodyear& g. richardson) (Caberlotto et al., 2011).

L’ouverture des canaux de la transduction mécano-électrique des cellulessensorielles auditives est contrôlée par les liens apicaux des stéréocils (tip-links). Cesliens sont constitués de cadhérine-23 et protocadhérine-15, qui sont codées par lesgènes responsables des formes ush1d et ush1f du syndrome de usher de type 1.nous avions précédemment émis l’hypothèse de la formation d’un complexemoléculaire par les 5 protéines usher-1 identifiées. nous avons montré que laprotéine codée par le gène ush1g, sans, qui est vraisemblablement une protéined’échafaudage, interagit in vitro avec les domaines cytoplasmiques de la cadhérine-23et de la protocadhérine-15, et n’est plus présente dans la touffe ciliaire de sourismutantes dépourvues de l’une ou l’autre de ces cadhérines, ce qui valide ces

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interactions in vivo. grâce à l’étude morphologique et électrophysiologique de sourismutantes conditionnelles qui perdent la protéine sans dans les cellules ciliées aprèsla période de maturation de la touffe ciliaire, nous avons pu montrer que la protéinesans est un constituant du complexe moléculaire associé au lien apical (tip-link),dont elle conditionne le maintien dans les cellules matures. Chez ces souris mutantes,les stéréocils des petite et moyenne rangées régressent jusqu’à disparaître presquetotalement, ce qui suggère que la machinerie de transduction mécano-électrique(dont l’activation est contrôlée par le lien apical) exerce un rôle activateur sur lapolymérisation des filaments d’actine au sommet des stéréocils de ces deux rangées.

Caractérisation du rôle de la stéréociline dans le contactentre les stéréocils des cellules ciliées externes et la membranetectoriale, ainsi que comme composant des liens entre stéréocils(top connectors)

(e. verpy, m. Leibovici, n. michalski, C. houdon, d. weil, C. petit,collaboration avec r. goodyear & g. richardson) (verpy et al., 2011)

La stéréociline est la protéine défectueuse dans la forme de surdité récessivedfnb16. nous avons étudié la distribution de cette protéine chez la souris au coursde la maturation des cellules sensorielles de l’oreille et dans l’oreille mature, parimmunofluorescence et en microscopie électronique. La stéréociline est associée àdeux structures particulières de la touffe ciliaire des cellules ciliées externesmatures : d’une part, les liens interstéréociliaires latéraux (top connectors) quiunissent les régions apicales des stéréocils adjacents, et d’autre part les attaches desstéréocils de la grande rangée à la membrane tectoriale sus-jacente. Chez les sourismutantes dépourvues de stéréociline, les liens interstéréociliaires latéraux ne seforment pas et la cohésion de la touffe ciliaire des cellules ciliées externes sedétériore après 10 jours de vie. par ailleurs, ces souris ont perdu l’empreintenormalement laissée par les stéréocils les plus grands à la face inférieure de lamembrane tectoriale, en accord avec la perte des liens d’ancrage à cette membrane.À partir de deux semaines de vie, les liens interstéréociliaires apicaux (tip-links)disparaissent progressivement, et une surdité sévère s’installe. nous avionsprécédemment montré qu’avant l’apparition de la surdité, les produits acoustiquesde distorsion, qui sont normalement détectés, étaient absents chez ces souris. Lamise en évidence de liens entre les stéréocils des cellules ciliées externes et lamembrane tectoriale invite à rechercher des mutants murins chez lesquels on seraiten mesure de dissocier la contribution des top-connectors et celle des liensd’attachement à la membrane tectoriale à la genèse des produits de distorsion.

Validation, pour le diagnostic moléculaire du syndrome de Usher,d’une stratégie de séquençage exhaustif des exons codantsde tous les gènes impliqués

(C. bonnet, m. grati, s. marlin, J. Levilliers, J.-p. hardelin, L. Jonard,a. el-amraoui, d. weil, C. petit, f. denoyelle, collaboration avec J.-a. sahel)(bonnet et al., 2011)

À ce jour, 9 gènes ont été identifiés pour les trois formes cliniques du syndromede usher : ush1, ush2, ush3. Les stratégies actuelles de diagnostic moléculaire

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de ce syndrome utilisent des puces diagnostiques qui intègrent les mutations déjàidentifiées. nous avons séquencé par la méthode de sanger les 366 exons codantset régions introniques flanquantes correspondant à ces 9 gènes, chez 54 individusatteints du syndrome de usher (27 ush1, 21 ush2 et 6 ush3). des mutationsbialléliques ont été trouvées chez 39 patients (72 %) et des mutations monoalléliqueschez 10 patients supplémentaires (18,5 %). Chez 7 patients (13 %), en plus desmutations bialléliques dans un de ces gènes, des mutations présumées pathogènesont été détectées dans un autre gène ush. surtout, les autres méthodes de diagnosticmoléculaire actuellement en usage n’auraient détecté que 30 des 81 mutationsidentifiées par notre étude, dont 39 (48 %) n’avaient pas été décrites précédemment.Cette stratégie de séquençage complet, chez tout individu atteint de la maladie, desexons codants de tous les gènes impliqués jusqu’à présent, augmente donc l’efficacitédu diagnostic moléculaire de cette maladie, ce qui est d’une grande importance dansla perspective d’une thérapie génique.

Identification d’un nouveau gène de surdité, TSPEAR, responsabled’une surdité profonde de transmission récessive (DFNB98)

(s. delmaghani, a. aghaie, n. michalski, C. bonnet, d. weil, C. petit)(delmaghani et al., 2012)

en analysant une famille iranienne consanguine dans laquelle ségrège une surditécongénitale profonde, nous avons caractérisé un nouveau locus de surdité récessive,dfnb98, sur le bras long du chromosome 21, dans un intervalle de 4,8 mb. par latechnique de séquençage total des exons du génome, nous avons identifié unemutation tronquante du gène TSPEAR, présente à l’état homozygote chez lesindividus atteints. Ce gène code une protéine sécrétée, contenant sept domainesear (epilepsy-associated repeats). nous l’avons détectée, par immunofluorescence,à la surface de la touffe ciliaire des cellules sensorielles auditives chez la souris. Lafamille des protéines ear comporte six membres, dont quatre (Lg1, Lg2, vLgr1,tspear) sont impliqués dans des maladies concernant le système auditif (épilepsiesavec symptômes auditifs ou surdités). ainsi, cette famille de protéines semble jouerun rôle essentiel dans le développement et le fonctionnement du système auditif.

Mise en évidence, dans les processus caliciels des cellulesphotoréceptrices de la rétine chez les primates, des cinq protéinesimpliquées dans le syndrome de Usher de type 1

(i. sahly, e. dufour, C. schietroma, v. michel, a. bahloul, i. perfettini,e. pepermans, a. estivalet, d. Carette, a. aghaie, i. ebermann, a. Lelli,m. iribarne, J.-p. hardelin, d. weil, J.-a. sahel, a. el-amraoui, C. petit)(sahly et al., 2012)

La pathogénie de la dystrophie rétinienne du syndrome de usher de type 1(ush1) reste incomprise car les souris mutantes pour les différents gènesresponsables de ce syndrome, bien qu’elles en reproduisent le déficit auditif, n’ontcependant pas de dégénérescence de la rétine. nous avons montré que dans lescellules photoréceptrices (cônes et bâtonnets) du singe macaque, toutes les protéinesush1 (myosine-7a, cadhérine-23, protocadhérine-15, harmonine, et sans) sontcolocalisées aux interfaces membranaires entre les segments interne et externe

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d’une part, et entre les processus caliciels et le segment externe d’autre part. Ceprofil d’expression est conservé chez les amphibiens et chez l’homme, mais paschez la souris, dont les cellules photoréceptrices sont pratiquement dépourvues deprocessus caliciels. nos résultats suggèrent que les protéines ush1 contribuent àune ceinture d’adhérence autour de la région baso-latérale du segment externe desphotorécepteurs chez l’homme, et qu‘un défaut de cette structure estvraisemblablement à l’origine de la dégénérescence rétinienne dans le syndromeush1. une vision holistique se construit donc autour des gènes ush1. ils codentpour un complexe d’adhésion liant des microvillosités (stéréocils ou processuscaliciels) entre elles ou à un cil. reste à élucider si, comme dans la touffe ciliairedes cellules sensorielles auditives, ce complexe est associé dans les photorécepteursà une fonction de mécanotransduction.

Principes de stimulation des cellules sensorielles auditivespar la membrane tectoriale

(a.n. Lukashkin, p.k. Legan, t.d. weddell, v.a. Lukashkina, r.J. goodyear,L. welstead, C. petit, i.J. russell, g.p. richardson, 2012)

L’épithélium sensoriel de la cochlée, l’organe de Corti, est idéalement positionnépour la détection des vibrations en réponse au son, entre deux membranes, lamembrane basilaire sur laquelle il repose, et la membrane tectoriale, gel acellulaire,qui le recouvre. un processus actif d’amplification, impliquant la production deforces par les cellules ciliées externes (CCe), module l’interaction mécanique de cesdeux membranes. Cette amplification peut multiplier localement l’amplitude devibration d’un facteur voisin de 1000, déterminant ainsi la capacité de l’oreille àpercevoir des sons très faibles, ainsi que son pouvoir de résolution en fréquence.deux hypothèses ont été proposées pour expliquer le rôle de la membrane tectorialedans la stimulation des CCe. elle pourrait agir comme un résonateur ou comme unemasse inertielle. nous avons pu trancher entre ces hypothèses grâce à l’étude desouris mutantes OtoaEGFP/EGFP dépourvues d’otoancorine, une protéine présenteexclusivement dans la membrane tectoriale. Chez ces souris, la membrane tectorialeest détachée de son point d’ancrage dans la région limbique du canal cochléaire(située du côté des cellules ciliées internes, CCi), mais elle reste couplée aux touffesciliaires des CCe. Cependant, il y a disparition complète de la résonance de lamembrane tectoriale observée chez les souris non-mutantes. or cette situation neperturbe pas la stimulation des CCe, et on observe une amplification et une sélectivitéfréquentielle des vibrations de la membrane basilaire pratiquement normales chezces mutants. C’est donc l’inertie de la membrane tectoriale, et non sa résonance, quijoue un rôle majeur dans la stimulation des CCe en déterminant le mode de déflexionde leurs touffes ciliaires avec une phase ajustée pour permettre une amplificationmécanique efficace. en revanche, la sensibilité des CCi est significativement altéréechez les souris OtoaEGFP/EGFP. Ceci établit le rôle essentiel du flux liquidien produitpar les forces de cisaillement entre la membrane tectoriale et la surface apicale del’organe de Corti dans la stimulation des touffes ciliaires de ces cellules.

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génétique et physioLogie CeLLuLaire 289

principales publications 2011-2012

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boulay a.-C., del Castillo f.J., giraudet f., hamard g., giaume C., petit C., avan p.,Cohen-salmon m., « hearing is normal without Connexin30 », J. Neurosci, 33, 2013, 430-4.

delmaghani s., aghaïe a., michalski n., bonnet C., weil d., petit C., « defect in the geneencoding the ear/eptp domain-containing protein tspear causes dfnb98 profounddeafness », Hum. Mol. Genet., 21, 2012, 3835-44.

el-amraoui a., petit C., « human inherited disorders involving cadherin superfamilymembers », in Conn p.m. (éd.), Progress in Molecular Biology and Translational Science,elsevier, 2012, sous presse.

Lukashkin a.n., Legan p.k., weddell t.d., Lukashkina v.a., goodyear r.J., welstead L.,petit C., russell i.J., richardson g.p., « a mouse model for human deafness dfnb22 revealsthat hearing impairment is due to a loss of inner hair cell excitation », Proc. Natl. Acad. Sci.USA, 109, 2012, 19351-6.

petit C., el-amraoui a., avan p., « audition: hearing and deafness », in pfaff d.w. (éd.),Neuroscience in the 21st Century: From Basic to Clinical, heidelberg, springer verlag, 2012,675-741.

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sahly i., dufour e., schietroma C., michel v., bahloul a., perfettini i., pepermans e.,estivalet a., Carette d., aghaie a., ebermann i., Lelli a., iribarne m., hardelin J.-p.,weil d., sahel J.-a., el-amraoui a., petit C., « Localization of usher 1 proteins to thephotoreceptor calyceal processes, which are absent from mice », J. Cell. Biol., 199, 2012,381-99.

Caberlotto e., michel v. et al., weil d., petit C., « usher type 1g protein sans is a criticalcomponent of the tip-link complex, a structure controlling actin polymerization in stereocilia »,Proc. Natl. Acad. Sci. USA, 108, 2011, 5825-30.

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richardson g.p., boutet de monvel J., petit C., « how the genetics of deafness illuminatesauditory physiology », Annu. Rev. Physiol., 73, 2011, 311-34.

autres enseignements au titre du collège de france

Cours à l’étranger : Pékin, Chine

professeure invitante : qiuju wang (Chinese pLa medical school, beijing, Chine),11 novembre 2011.

1. new approaches to deafness diagnosis: molecular and clinical aspects.

2. Cochlear physiology: breakthroughs resulting from the understanding of inherited formsof deafness.

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